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1 INSTITUT D’URBANISME DE PARIS Université Paris 12 – Val de Marne Georges Knaebel Octobre 2000 Avenida Anhanguera (Goiânia - Brésil) A Goiânia, capitale de l'Etat de Goiás au Brésil, l'aménagement d'une ligne de bus en site propre a profondément bouleversé le paysage de l'artère principale, l'Avenida Anhanguera, et du centre-ville. Notes d'observation sur le tronçon central, du 7 au 12 février 2000.

Avenida Anhanguera (Goiânia - Brésil) · Photographie prise entre Araguaia et Paraibana, en direction de la Praça do Botafogo. Au loin, une station de bus avec deux véhicules

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IN ST I T UT D ’UR B A NI SM E DE P AR I S U n i v e r s i t é P a r i s 1 2 – V a l d e M a r n e

Georges Knaebel Octobre 2000

Avenida Anhanguera (Goiânia - Brésil)

A Goiânia, capitale de l'Etat de Goiás au Brésil, l'aménagement d'une ligne de bus en site propre a profondément bouleversé le paysage de l'artère principale, l'Avenida Anhanguera, et du centre-ville. Notes d'observation sur le tronçon central, du 7 au 12 février 2000.

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Goiânia Goiânia est la capitale de l'Etat de Goiás. Au recensement de 1996, le municipe comptait 1 001 756 habitants. Avec les municipes voisins les plus urbanisés (Apparecida-de-Goiânia et Trindade surtout), le nombre total d'habitants dans l'agglomération s'élevait à près de 1.400.000 habitants. Le municipe de Goiânia couvre 741 km2. Une infime fraction de population est comptabilisée comme population rurale (moins de 3000 personnes). L'urbanisation s'est étendue à tout le territoire, mais en incluant de grands espaces vides. Fondée en 1933, inaugurée en 1942, Goiânia est la deuxième ville nouvelle du Brésil, après Belo Horizonte (1987) et avant Brasilia (1957). L'ancienne capitale, Goiás, à cause de son implantation dans une zone montagneuse et très humide, était incapable d'accueillir la modernité qui s'annonçait au début du siècle. Après bien des tergiversations, le déménagement de la capitale vers une région plus appropriée à son destin désiré s'effectuera au cours des années 30. Le site choisi s'étendait sur le territoire du municipe de Campinas : celui-ci fut scindé, cédant une partie de son territoire à cette création ex-nihilo (par la suite, avec l'extension de Goiânia, il sera intégré à celui-ci). Plateau légèrement incliné, situé entre deux petites rivières, le terrain fut entièrement défriché, aplani, nivelé ; puis les géomètres entreprirent de réaliser le plan élaboré par les urbanistes Attilio Correia Lima et Armando Godoy, sous la direction de l' "interventor" Pedro Ludovico Teixeira. Au coeur de la ville est disposée la zone gouvernementale. Le palais du gouverneur et ses annexes occupent un demi-cercle. L'autre demi-cercle est aménagé en place et en jardin et sur son pourtour se répartissent des bâtiments administratifs de l'Etat. Vers cette place convergent les principales avenues (Fig.1) : au centre, face au palais, l'avenida Goiás ; à la droite de celle-ci, l'Avenida Araguaia ; à sa gauche, l'Avenida Tocantins. Ces voies sont elles-mêmes réunies par trois transversales semi-circulaires puis, au-delà, coupées par des lignes droites : Rua 3, Avenida Anhanguera, Rua 4. Les extrémités de l'Avenida Anhanguera rejoignent celles d'un autre demi-cercle, l'Avenida Paraibana. Anhanguera, Paraibana et, entre les deux, la Rua Quatro sont coupées en leur milieu par l'Avenida Goiás qui se prolonge jusqu'à l'ancienne gare.

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Photo 1 : La Praça Cívica en 1938

Photo aérienne, prise en 1938, à la naissance de la ville. Elle montre un terrain rasé, nivelé. Sur toute l'étendue, il n'y a pas un arbre, l'espace est nu. Au premier plan, les marques laissées par le passage des engins de terrassement. Au centre de l'image, quelques bâtiments répartis sur un tracé de voies. Ville en gestation. Le palais du gouverneur est déjà construit. A sa droite, de premières annexes. Ces édifices occupent le demi-cercle officiel de la Praça Civica. (L'autre moitié sera aménagée en jardins, place avec kiosque à musique, et, actuellement, parc de stationnement.) À la perpendiculaire du palais, l'Avenida Goiás. Elle est particulièrement large. Deux voix latérales entourent une promenade centrale. Partent également de la Praça Civica, de part et d'autre de l'Avenida Goias, l'Avenida Araguaia à droite et Tocantins à gauche. Dans les angles aigus que forment ces avenues à leur confluence, quatre bâtiments. Avec le palais du gouverneur qui leur fait face, ils configurent l'espace du pouvoir politique de la nouvelle capitale de l'Etat. Le long de l'Avenida Tocantins, quelques premières maisons ont été élevées. Dans un triangle, trois maisons avec leurs annexes, cela donne des lots de taille respectable. Si toute la ville continue selon ce style, elle donnera l'impression d'un grand village, ou d'une cité balnéaire, d'une villégiature agréable.

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Photo 2 : Avenida Araguaia en 1938

Le photographe s'est installé sur la chaussée, légèrement vers la droite. L'horizon de l'avenue est bouché par un obstacle : est-ce un boisement ? ou bien une construction ? Sur la gauche, un bâtiment à un étage. Un mur entoure le lot. Devant la porte, une automobile. Plus loin sur le même côté de l'avenue, une autre construction. Le long de la voie, des poteaux. Entre les deux immeubles, une voie coupe l'avenue selon un angle qui n'est pas droit, semble-t-il. Il n'y a personne. Le ciel est couvert, les nuages sont bas. Le cliché étant en noir et blanc, une tache d'un gris clair uni entre deux nuées laisse imaginer une éclaircie.

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Photo 3 : Avenida Goiás en 1938

Fait remarquable, les constructions n'ont pas plus de un ou deux étages. Les immeubles sont allongés, comme celui sur l'Avenida Goias, ainsi que le palais du gouverneur visible au bout.

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Photo 4 : Avenida Tocantins en 1938

Le cliché de l'Avenida Tocantins donne une idée plus animée de la ville. Il y a un peu plus de constructions, sur les deux côtés de l'avenue. Un véhicule circule sur la chaussée en direction du photographe qui est posté en son milieu. Les constructions continuent d'être basses. Ce sont toutes des maisons individuelles (pour utiliser un langage d'aujourd'hui et d'ici). Massives, trapues, recherchant à tout prix avoir des formes particulières, de pavillon de chasse, ou bien résidence à vérandas, elles sont chaque fois sises au milieu ou dans un angle galop étendue. L'une de ces maisons, la première à droite sur le cliché, est entourée d'un muret. La clôture dessine l'appropriation. Sur le côté gauche de l'avenue, des poteaux en alignement s'éloignent et deviennent de plus en plus petit vers le point de fuite. Nuages bas, spécialement sur la droite, annonciateurs de pluie probable.

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Avenida Anhanguera Dans l'esprit des fondateurs, l'Avenida Anhanguera devait être une voie secondaire, de traverse entre le centre et la périphérie. Le développement urbain s'harmoniserait autour de l'avenida Goiás, oreintée nord-sud. En fin de compte, la croissance se fera surtout le long de Anhanguera, orientée est/ouest, selon l'axe mythique de l'avancée dans le Brésil, souligné encore par la statue du Bandeirante élevée au carrefour de Anhanguera et Goiás. Dans les années 50, Anhanguera connaît ses premières transformations, notamment son élargissement et sa prolongation au-delà du Lago das Rosas en direction de Campinas. Avenue essentiellement commerçante, elle attire le client de tous les points de l'agglomération. Cependant, à partir des années 80, les classes moyennes et hautes vont lui préférer les shoppings qui se construisent les uns après les autres, dans l'entour des quartiers aisés (Flamboyant, Bougainville, Goiâniashopping), ou bien les grands supermarchés situés un petit peu plus loin sur de grandes zones vides (Carrefour notamment). Dans ces conditions, le commerce de l'Avenida Anhanguera tend à péricliter, et attire une population de plus en plus modeste. (Certains tronçons de l'avenue concentrent des commerces spécialisés qui semblent moins atteints par la désaffection.) L'Avenida Anhanguera dépasse aujourd'hui les 13 km. Elle est l'axe le plus fréquenté de l'agglomération.

La réforme de 1998

Le métrobus En 1998, l'Avenida Anhanguera connaît une transformation complète. L'objectif poursuivi est l'amélioration de la qualité du transport collectif. Un couloir bus en site propre est aménagé au milieu de l'avenue, séparé des voies latérales par une rambarde fichée dans une bordure étroite et haute de vingt centimètres environ. À intervalle régulier, des stations sont aménagées entre les deux pistes. Elles sont surélevées, et les passagers pénètrent de plein-pied dans les véhicules (Fig.2,3). Une rampe permet théoriquement aux handicapés physiques d'accéder au service. Le paysage de l'avenue s'en trouve bouleversé.

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Photo 6 : Passage piéton près du Jockey Clube

Le cliché a été pris sur le tronçon entre Paraibana et Tocantins. Au premier plan un passage piéton. Il délimite la tête d'une station de bus située à droit de la photo, hors champ. Nous sommes dans le secteur centre : les garde-corps sont munis d'une garniture intérieure. On voit nettement qu'il y a un espace entre les lampadaires et l'extrémité d'un garde corps. Les lampadaires sont disposés en quinconce le long de la piste centrale. Une femme est sur le point de traverser la voie latérale, elle regarde sur sa droite. Il n'y a pas de feu, mais seulement une bande d'arrêt marquée au sol, que parfois des automobilistes respectent quand un piéton s'engage sur la chaussée.

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Photo 7 : Le vide central

Photographie prise entre Araguaia et Paraibana, en direction de la Praça do Botafogo. Au loin, une station de bus avec deux véhicules à quai, un dans chaque sens. On voit bien la disproportion : de part et d'autre l'étroitesse, au milieu d'un grand vide. Une mobylette pétaradante et fumante a osé s'engager dans le couloir réservé !... (On se demande pourquoi la ligne blanche n'est pas continue, sur la piste du métrobus.)

Les palmiers Autrefois l'avenue était composée de deux voies séparées par un terre-plein central large d'un peu moins de deux mètres. Ce terre-plein était planté de palmiers d'un bout à l'autre de l'avenue. De même, chacun des trottoirs latéraux supportait un alignement d'arbre. L'avenue respirait la largeur, le confort : le long des vastes trottoirs des voitures pouvaient stationner et il restait assez de place sur chacune des chaussées pour permettre la circulation de deux véhicules de front. Dans cette avenue spacieuse, la vie se déroulait plus lentement, avec nonchalance sous le soleil de midi, ainsi qu'on peut le supposer à regarder des photographies d'époque. Elles montrent des piétons traversant l'avenue sans crainte, même en dehors des passages piéton, invisibles ou inexistants alors; regardant dans la mire du photographe, qui lui-même s'est carrément installé sur la chaussée pour prendre le cliché. Certes, c'était la cohue des autobus mêlés à la circulation embarrassée par les véhicules stationnant en deuxième file. A l'opposé de cela, dans l'avenue d'aujourd'hui, les bus y peuvent rouler à pleine vitesse. Ils n'ont plus d'obstacles, et gare aux imprudents ou aux téméraires, de toute façon les chauffeurs sont déresponsabilisés par le fait même que le couloir bus leur est réservé. Tous les autres usagers de l'avenue sont confinés sur les rives de cet axe et doivent se partager l'espace résiduel.

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Photo 8 : L'avenue Anhanguera au début des années 1970

Photo 9 : Et plus tôt encore…

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Photo 10 : Dans les années 90

Déserte, l'avenue...! Le cliché a dû être pris un dimanche matin. Au sol, sur la chaussée, on peut voir des plots bas de plastique, de couleur jaune: il existait déjà un couloir bus. La Rua 83, qui monte vers la Praça do Cruzeiro, ne connaît pas ce marquage au sol, mais, par contre, les autobus peuvent circuler au centre de l'avenue, car les arrêts sont disposés également en plein milieu, le long de quais aménagés, mais bas. Le métrobus n'est donc pas une idée absolument originale.

Les trottoirs Les trottoirs subissent une réforme complète. Leur largeur est réduite à quatre mètres environ. Le revêtement est unifié sur toute la traversée du Setor Central : c'est un coulis de béton coloré en rose et agrémenté de motifs divers (pavés disposés en queue de paon, dalots). L'Avenida Anhanguera, dans son parcours central, devient la seule voie de Goiânia dont l'aspect des revêtements est à peu près unifié et en particulier les trottoirs. Partout ailleurs le trottoir est à la charge du riverain pour sa construction comme pour son entretien, et ceci pratiquement sans aucun contrôle de l'autorité administrative. Cela donne des trottoirs accidentés, bariolés, surélevés ou plein de trous etc.. L'Avenida Goiás, qui pourtant est l'avenue la plus prestigieuse de la ville, n'a pas cette chance, même si les différentes institutions qui y ont leur siège ont investi quelque peu dans des revêtements soignés ; mais c'est chacune pour soi ; et sans parler des propriétaires plus modestes relativement qui n'effectuent des dépenses que forcés. Le mobilier installé sur le trottoir est également réformé. Les lampadaires de l'éclairage piétonnier ont une ligne ultramoderne. Ils fonctionnent selon la technique de l'éclairage indirect, avec des lampes à faible consommation. Ils ont parfois du mal à trouver leur chemin et sont en général perdants face aux auvents des boutiques. Ceux-ci s'avancent parfois jusqu'au bord du trottoir et ne laissent aucun répit ni secours aux pieds d'arbres et aux lampadaires. C'est ainsi que des lampadaires n'ont pas été montés, et des vis orphelines qui

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dépassent de l'assise de béton, au ras du sol. Pour d'autres, le fût a été installé mais sans le luminaire. Situation unique à Goiânia, les câbles électriques et téléphoniques ont été enterrés. Le ciel de l'avenue n'est pas plus traversés par la multitude de fils que l'on peut observer partout ailleurs. Les lampadaires ne supportent rien d'autre que leurs lampes. Les transformateurs aériens ont disparu. Les kiosques sont standardisés. Kiosques à journaux, ou bien servant des rafraîchissements et collations, ils ont l'allure de petits navires rouges pressés sur les trottoirs. Ils sont fabriqués en tôle ondulée peinte en rouge vif. A l'intérieur, l'espace s'est rétréci, pour le vendeur comme pour le chaland. Sur le trottoir lui-même, l'endroit des kiosques est un point de congestion. Un kiosque a même été disposé à un angle de rue, pour profiter de l'espace théoriquement libéré par les plantations de carrefour. Or les choses ne se passent pas ainsi, et le lieu de plus grand passage est devenu lieu de moins grande aisance. Bien sûr, les autorités auraient souhaité voir l'avenue débarrassée complètement de tous les petits vendeurs à la sauvette ; mais dans le contexte de Goiânia, cela n'est pas possible et de toute façon cela reviendrait à vouloir lutter contre l'océan. Cela a été tenté une fois; ils sont venus grossir les rangs des vendeurs de l'avenue Goiás, lesquels ne l'ont pas accepté et on a frisé l'émeute. Ils sont donc tolérés, plus ou moins, un peu moins concentrés.

Photo 11 : Pas de trottoirs...

Ici, nul souci pour les piétons. Comme dans de nombreuses stations services de Goiânia, qui ont à leur charge l'aménagement du raccordement de l'aire avec la chaussée, le trottoir a été éliminé. La photo a été prise à une heure calme. Mais dans les moments d'affluence, pour passer le cap de la station, il faut se faufiler entre les voitures, éviter les flaques d'huile au sol, passer au milieu d'une odeur nauséabonde. Remarquer aussi la forte déclivité du terrain. Le passage piéton ne débouche sur nulle part. Image agrandie | Fermer la fenêtre

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Photo 12 : Des trottoirs variés

C'est ici parfaitement visible : à chaque immeuble, son revêtement de trottoir. Parfois les riverains ne s'accordent pas sur la pente, et l'on a dans le sens longitudinale des cassis, des ruptures, parfois même des marches, à surmonter. Ce sont de tous jeunes plants d'arbres qui s'alignent le long du trottoir. Remarquer l'avancée des auvents parfois même jusqu'au droit de la chaussée. Photo 13 : A l'ombre des auvents.

Le trottoir, après Avenida Goiás en direction de Araguaia. Les auvents des magasins riverains empiètent aussi loin qu'ils le peuvent au-dessus du trottoir. Un lampadaire à éclairage indirect, auquel est appuyé une bicyclette. A proximité, deux "grandes

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oreilles", traduction littérale de l'expression utilisée pour désigner les cabines téléphoniques. Des étals de petits commerces. Le soleil et l'ombre. Noter le revêtement du trottoir : surface unifiée de bout en bout, avec des motifs dessinés sur le béton coulé. Un bus passe.

Le stationnement Le stationnement le long de l'avenue devient strictement réglementé. Les automobilistes particuliers ne peuvent stationner que durant un temps limité. Des emplacements spéciaux sont aménagés pour les taxis et les motocyclettes. Dans certains cas, des commerçants ont réussi à obtenir une place parkings juste devant leurs vitrines, de manière à permettre à un client de garer sa voiture durant le temps de sa course (c'est le cas, semble-t-il, des pharmacies qui ont obtenu de ces places exceptionnelles où la durée de stationnement est limitée à un quart d'heure). Évidemment les contraintes sont les plus fortes dans la section la plus animée, entre les carrefours Tocantins, Goiás, et Araguaia.

Photo 14 : A l'angle d'une rue adjacente

L'aménagement d'un angle de carrefour. Un jeune palmier dans une jardinière. Une plate-bande semi-circulaire. Un large bandeau de pastique rouge dont la fonction temporaire est d'empêcher que des piétons ne traversent la plate-bande pour couper le carrefour. Anhanguera est sur la gauche; noter le poteau électrique sur la droite : les câbles descendent dans des gaines métalliques et partent en sous-sol. Immeuble d'angle, style art déco, dont la façade a été repeinte.

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Photo 15 : Plantations d'angle

Idem que la précédente. Où l'on voit des arbustes plantés dans des jardinières. Ce qui signifie bien qu'ils ne sont pas destinés, ceux-là, à grandir démesurément.

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Les aménagements de carrefour Seules les avenues Tocantins, Goiás et Araguaia croisent Anhanguera, et alors les métrobus doivent s'arrêter au feu. Toutes les autres rues adjacentes se heurtent à l'obstacle infranchissable de la voie enceinte des bus. Dans tous les cas, les angles sont aménagés avec des jardinières et des plates-bandes. Hormis l'objectif d'embellissement, ces dispositifs sont censés canaliser le flux piétonnier vers les passages marqués au sol. Les piétons qui ne voudraient pas faire le détour, ceux qui ont l'habitude marcher droit, sont rejetés sur la chaussée.

Figure 5 : Le projet paysager pour le carrefour avec Araguaia

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Figure 4 : Le projet paysager pour un tronçon

Photo 16 : A l'angle de l'Avenida Araguaia

A droite, l'avenue Anhanguera. Un bus attend est à l'arrêt au feu rouge. Des piétons traversent. Au droit de la barrière limitant la voie du métrobus, il aurait été souhaitable, pour le confort des piétons et leur sentiment de sécurité, qu'un plot soit érigé barrière ponctuelle devant le grand vide du carrefour. Ils pourraient, le cas échéant, se réfugier sur cet ilôt intermédiaire. Mais il n'y a rien. Autrement dit, un automobiliste pressé surgirait de la gauche pour entrer dans Anhanguera, pourrait très bien couper en biais le passage piéton, et faucher l'éventuel piéton.

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La place du Bandeirante. La place du Bandeirante devient un vulgaire carrefour avec, en son centre juchée, une statue à l'allure étriquée. Le bassin et les plates-bandes ont disparu. Les bus frôlent le Bandeirante. Auparavant la statue se dressait au milieu d'un rond-point assez spacieux. La vitesse des véhicules était forcément ralentie, à la fois par la courbure des voies de contournement, et par les piétons qui ne craignaient pas de les traverser. Le rond-point était une extension des terre-pleins de l'avenue Goiás, toujours très animés. C'était ici la vraie place centrale de Goiânia. Les jours ordinaires, avec une foule nonchalante ni pressée. Lors des grands événements, c'était le lieu par excellence du rassemblement populaire. Aujourd'hui, le métrobus a donné un grand coup de pied dans la fourmilière.

Photo 17 : Rassemblement sur la Praça Bandeirante

Le cliché date du début des années 60. Sur le socle de la statue, des affichettes vieillies en faveur de Juscelino Kubitschek. Les gens regardent dans plusieurs directions. Ils lèvent les yeux au ciel. D'autres, vers l'Avenida Goiás, en direction de la Praça Cívica. Sauf une jeune fille, tous ont une expression grave, voire craintive.

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Photo 18 : Le Bandeirante au milieu des fleurs C'était avant... Le cliché est pris de manière à magnifier les plantations. Elles sont assez basses, mais peu importe. Autour, plus loin, il y a de la verdure qui encadre le monument, et l'érige véritablement au milieu de la place. C'est d'ailleurs cet ensemble qui fait que l'on puisse parler de place, car celle-ci a un point central, le Bandeirante. Photo 19 : Le Bandeirante esseulé. Les plantations ont disparu. Rien que du minéral. Mais il y a quelque chose qui cloche dans cette photo: ce sont les fils électriques. Ils ne devraient plus être là. de quand date-t-elle exactement.

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Le couloir de transport contre les piétons L'évaluation à faire concerne le contexte de l'aménagement de transport, et non ses performances.Celles-ci ont été estimées théoriquement, en tant qu'objectifs à atteindre. (« Autrefois, les autobus circulaient à une vitesse moyenne de 12 km/h. Avec la nouvelle piste, la vitesse devra monter à 22 km/h. [Ils] parcouraient toute l'Anhanguera en 45 minutes. A la fin des travaux, ils feront le même trajet en 36 minutes », Jornal O Popular.) Les impacts négatifs du projet sur le contexte urbain proviennent justement de ce qu'il ait été conçu uniquement et exclusivement comme un projet de transport. En clair, on a fait passer une quasi autoroute dans le centre-ville. La première réaction concerne donc l'esthétique paysagère, et la seconde, le fait que le couloir de transport est quasiment dirigé contre les piétons en fin de compte. Le paysage de l'avenue Un tel ouvrage, obstacle difficilement franchissable pour passer d'une rive à l'autre, représente une coupure dans le tissu urbain. En centre-ville, les effets sont désastreux. Il faut remarquer qu'avant l'opération d'aménagement, c'était l'ensemble de la superficie de l'avenue, notamment sur la section Avenida Goias - Avenida Araguaia, de façade à façade, qui était "encombrée". Une fois le projet réalisé, l'axe médian de l'avenue reste vide durant plus des 9/10 du temps. Par contre les berges sont encore plus densément occupées qu'auparavant. On y circule encore moins bien. Autrement dit, la vitesse globale de tous les mouvements en cours sur l'avenue aura plutôt baissé, et non pas augmenté. Du point de vue strictement paysager, l'avenue a perdu beaucoup de son charme. Elle est devenue une grande piste, une longue piste roulante, sur laquelle le soleil cogne dur, sur laquelle glissent des lames d'eau de ruissellement impressionnantes, en tout cas démultipliées par rapport à ce qu'elles étaient auparavant. Le temps permettra le mûrissement du projet ? Sans préjuger de ce que deviendront les plantations, on peut néanmoins se poser la question de la qualité de l'ouvrage. L'ensemble du chantier (plantations non comprises) a été mené tambour battant, et il n'est pas certain que l'on ait utilisé les meilleurs matériaux.

Homogénéisation L'avenue homogénéise la ville dans le sens longitudinal, en même temps qu'elle la sectionne dans le sens transversal. Parce que l'objectif est de parcourir une distance de terminal à terminal dans un temps donné, tous les obstacles qui peuvent se poser au parcours le plus régulier et le plus rapide sont éliminés ou standardisés. Dans cette optique, la hiérarchisation longitudinale de la ville, de la périphérie vers le centre, doit être abolie. Supposons qu'un centre est synonyme de plénitude, de densité, d'encombrement en un seul mot, alors il est insensé d'imaginer qu'un véhicule puisse y circuler à la même vitesse que dans un espace moins densément occupé. Inversement, vouloir atteindre cet objectif, et aménager l'espace dans ce sens, cela revient à abolir la centralité, à détruire un centre-ville. Il y a contradiction dans les termes. L'avenir dira dans quel sens cette contradiction sera résolue. Si un centre veut être synonyme de plénitude maximale de la relation sociale, alors tous les mouvements qui s'y déroulent seront plus lents, à proportion de cette densité. Il suffit de

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penser à l'exemple d'une place en fête. Mais cela vaut aussi pour d'autres réalités : le shopping rêvé est celui où beaucoup de monde se presse. Évidemment, je mets ici de côté toutes les inflexions qui pourraient être apportées au raisonnement si l'on prenait en compte les oppositions sociologiques qui traversent la société de Goiânia. Si le centre peut ainsi être dénié, n'est-ce pas qu'il ne représente plus la centralité pour la classe dominante à Goiânia. Celle-ci a depuis longtemps quitté le Setor Central pour aller résider dans d'autres zones, en particulier le Setor Bueno. On imagine mal la compagnie de transport transpercer ce quartier par une radiale en site propre. Si le commerce veut faire des affaires, il faut que les véhicules circulent lentement, il faut qu'il y ait beaucoup de piétons sur les trottoirs, et que ceux-ci puissent circuler librement d'une rive à l'autre de la chaussée. Déambuler, flâner, choisir, se laisser séduire.

Les perdants Victimes de l'opération, ont été d'abord très rapidement les commerçants riverains. Sur ce point, je ne dispose que de quelques chiffres. Ainsi plus d'une centaine, quelques 400 boutiques ont fermées pendant les travaux, mais le mouvement a continué et il persiste aujourd'hui. Quand on sort du secteur central et qu'on se dirige vers le Lago das Rosas, l'enfilade est longue des rideaux tirés et sur lesquels est apposée l'inscription fatale "vende-se" (à vendre). Les victimes principales sont les piétons. Leur déplacement le long de l'avenue est ralenti. Les trottoirs sont rétrécis, sans diminution proportionnelle de leur encombrement. Leur déplacement transversal est contrarié. Pour traverser, ils peuvent emprunter les passages piéton, mais en rallongeant souvent le parcours. Il y a encore le cas des parkings de motocyclettes disposés d'un côté, alors que l'objectif du conducteur se trouve de l'autre côté du couloir bus. Il y a encore une multitude d'autres configurations. Tout le temps, le piéton doit rallonger son chemin. Alors il coupe. Il traverse la voie latérale, pénètre dans le couloir bus à la hauteur d'un lampadaire (ou si un bus arrive, s'affole et essaie d'escalader la barrière), traverse, franchit la barrière de l'autre côté, et enfin l'autre voie latérale. Ce n'est pas tout le monde qui ose, mais il y en a qui le font. Aux carrefours, la plupart se plie au dispositif imposé et fait le tour. Mais le nombre n'est pas négligeable de ceux qui descendent sur la chaussée et sautent d'obstacles en obstacles jusqu'à atteindre leur destination sur l'autre rive, en traçant une diagonale plus ou moins courbe. Le piéton est mis en danger.

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Photo 20 : Juste avant d'arriver à Araguaia

A proximité du carrefour avec Araguaia. De l'autre côté des barrières, beaucoup d'animation ; entre les barrières, le vide. Des personnes traversent la chaussée. Il y a bien du vert qui apparaît, mais c'est sur l'avenue Araguaia, qui n'a pas encore été atteinte par les volontés transformistes. Essayer d'imaginer la même prise de vue, mais sans les barrières et avec des palmiers au milieu... Photo 21 : L'énorme piste

Vue sur le point bas, juste avant la Praça do Botafogo. La piste centrale est massive, c'est un énorme couloir unique. Que des voitures traversent. Dépêchez-vous! Car là-bas un engin arrive très certainement en trombe. Le cliché accentue encore le sentiment qu'ils ont installé une véritable autoroute en plein centre-ville.

Page 23: Avenida Anhanguera (Goiânia - Brésil) · Photographie prise entre Araguaia et Paraibana, en direction de la Praça do Botafogo. Au loin, une station de bus avec deux véhicules

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Photo 22 : Étroitesse et encombrement sur le trottoir

Photo prise sur le trottoir de gauche en remontant vers Avenida Goiás, à proximité de celle-ci. L'étroitesse, l'encombrement. Le propriétaire du kiosque a insisté pour que la photo soit prise. Et que le photographe soit (pris à) témoin du mauvais sort qui a été fait aux trottoirs de l'Avenida Anhanguera. À droite, un stationnement motos : les motos taxis sont devenus une activité très courue à Goiânia (et aussi très dangereuse). Le sol révèle des premiers signes de dégradation. Remarquer la déclivité, accentuée par la rétrécissement. Photo 23 : Petit commerce de rue Entre Tocantins et Paraibana. Des étals de fruits, de tissus, de cassettes, le long du trottoir, sur des supports mobiles. Il y a parfois des descentes de la police pour chasser ces petits commerces.

Page 24: Avenida Anhanguera (Goiânia - Brésil) · Photographie prise entre Araguaia et Paraibana, en direction de la Praça do Botafogo. Au loin, une station de bus avec deux véhicules

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Photo 24 : L'abattage des palmiers. On voudrait croire que le personnel (habillé en) vert s'occupe à soigner ces magnifiques palmiers originaires de Bahia. Ils bineraient, pour aérer les racines, le sol, améliorer l'infiltration, etc. Mais pas du tout. Dans peu de temps, il n'y aura plus rien de ce paysage urbain magnifique.

Photo 25 : La désolation inaugurée

Carrefour Tocantins Anhanguera. A droite en arrière-plan, le théâtre. Voilà ce qui reste du terre-plein central de l'antique Avenida Anhanguera. Les autorités viennent regarder de près le résultat de leur décision. C'est une photo de presse, destinée à être regardée par des milliers de Goianais. On pourrait disserter sur le mythe des grands travaux, sur la nécessité politique du paraître, etc. Remarquer la belle terre rouge.

Page 25: Avenida Anhanguera (Goiânia - Brésil) · Photographie prise entre Araguaia et Paraibana, en direction de la Praça do Botafogo. Au loin, une station de bus avec deux véhicules

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Photo 26 : Anhanguera dans les années 50

La ville a vingt ans à peine. Rares automobiles. Peut-être est-ce un dimanche matin, heure idéale pour prendre des photos paisibles, semble-t-il. L'urbanisation ne s'étend pas encore à perte de vue. L'horizon n'est pas encore bouché par une forêt de tours.

Sources des illustrations G. Knaebel, photographies prises en février 2000. Museo Pedro Ludóvico, Rua 25, esq. com Av. Dona Gercina Borges Teixeira, Centro, Goiânia. Cidade de Goiânia, Secretaria Municipal de Cultura, Divisão de Patrimônio Histórico. Jornal O Popular Gouvernement de l'Etat de Goiás - Comdata. Consultoria GrupoQuatro S.C.Ltda