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JACINTHE GAULIN L’ENQUÊTE DE NESBITT Extrait de la publication

Enquete de Nesbitt - storage.googleapis.com · encore inconsciente quand les ambu-lanciers l’ont amenée à l’hôpital Saint-François. Deux policiers examinent présentement

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JACINTHE GAULIN

L’ENQUÊTEDE NESBITT

9,5 mm

www.hurtubisehmh.com

PO

LICI

ER

10 ans et plus

�� Lecture intermédiaire

ISBN:978-2-89647-134-8

10,9

5$

Aline Simard, la « fouine»du quartier, a fait une grave

chute dans l’escalier. Les voisins comme la police soutiennent la thèse de l’accident mais pas Nesbitt.

Celui-ci décide de mener une enquête,au péril de sa vie !

Un récit vivant et un personnage dynamique

et perspicace.

Services documentaires multimédia

Illustration de Stéphane Jorisch

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La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduction des œuvres sans autorisation des titulaires de droits. Or, laphotocopie non autorisée – le « photocopillage » – s’est généralisée, provoquant une baisse des achats delivres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditerpar des professionnels est menacée. Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, parquelque procédé que ce soit, du présent ouvrage est interdite sans l’autorisation écrite de l’Éditeur.

Imprimé au Canada

Les Éditions Hurtubise HMH bénéficient du soutien financier desinstitutions suivantes pour leurs activités d’édition :

– Conseil des Arts du Canada ;– Gouvernement du Canada par l’entremise du Programme

d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) ;– Société de développement des entreprises culturelles au

Québec (SODEC).

Maquette de couverture : fig. communication graphiqueIllustration de la couverture : Stéphane Jorisch

© Copyright 2001, 2008Éditions Hurtubise HMH ltéeTéléphone : (514) 523-1523 • Télécopieur : (514) 523-9969www.hurtubisehmh.com

Dépôt légal/2e trimestre 2008Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque et Archives du Canada

Distribution en FranceLibrairie du Québec/DNMwww.librairieduquebec.fr

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationalesdu Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Gaulin, Jacinthe

L’Enquête de NesbittNouv. éd.(Collection Atout ; 53. Policier)Pour les jeunes de 12 ans et plus.

ISBN 978-2-89647-134-8

I.Titre. II. Collection : Atout ; 53. III. Collection : Atout. Policier.

PS8563.A844E56 2008 jC843’.54 C2008-941038-6PS9563.A844E56 2008

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JACINTHE GAULIN

L’ENQUÊTE DE NESBITT

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Jacinthe Gaulin est née dans un petit village des

Cantons de l’Est. Elle a pris goût à la lecture très

jeune. Pendant l’année scolaire, elle lisait à l’école,

mais son cauchemar commençait l’été : il n’y avait

pas de bibliothèque publique dans son village !

C’est peut-être pour cette raison qu’elle travaille

aujourd’hui dans une bibliothèque.

Jacinthe aime aussi dessiner ; elle a d’ailleurs étudié

en arts visuels.

L’auteure s’est inspirée de son expérience

personnelle pour raconter les joies et les difficultés

d’une jeune fille qui a un frère trisomique, dans le

roman Mon p’tit frère, finaliste du Prix du gouverneur

général en 1996.

L’Enquête de Nesbitt, qui met à nouveau en scène

un personnage trisomique, est son troisième roman

pour les jeunes.

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LL ’’AACCCCIIDDEENNTT

Vendredi, 11 septembre

J’ai un sixième sens pour détecter lesennuis, une espèce de signal d’alarme quim’avertit lorsqu’un problème s’annonceà l’horizon, mais j’en reconnais les signestoujours trop tard. Et c’est exactement cequi s’est passé le jour de l’accident.

Je me sentais bizarre en sortant du litce matin-là, comme si un mille-pattess’était amusé à ramper dans monestomac. Cela m’a rappelé le jour où,deux mois plus tôt, mon labrador Oxos’était fait renverser par un camion. Justeavant l’impact, une sensation semblables’était déclenchée dans mon ventre, puisquelques minutes plus tard, un hurle -ment de pneus crissant sur la chausséeavait retenti devant chez moi. Par chance,

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Oxo s’en est sorti, mais il va boiterjusqu’à la fin de ses jours.

Non, cette sensation n’était pas nou-velle, et malgré ma récente expérience,je l’ai ignorée, sans chercher plus loinque le bout de mon nez. J’ai même cruque ma sœur Maryse m’avait transmisson trac.

Ma sœur fait partie d’un orchestre dejazz composé de professeurs qui ensei -gnent avec elle. Ce soir-là, après s’êtreexercé pendant des mois, le groupe don-nait sa première représentation. « Je suisvraiment très contente », disait-elle enmarchant de long en large, pour aussitôtse lamenter en se tordant les mains : « Çam’énerve, mais ça m’énerve ! »

Dans la salle de spectacle, j’ai attendule concert en gigotant comme si j’avaisété assis sur un nid de guêpes. Ma voi-sine de droite m’a lancé : « Veux-tu biente calmer, toi ! » Pour toute réponse, j’aigrogné. Un grognement de bête sauvage.J’ai eu la paix.

Au bout du compte, le spectacle amarché comme sur des roulettes et ilétait près de vingt-trois heures quandnous avons pris le chemin du retour.

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— J’ai l’estomac creux ! a lancé Maryseen freinant devant une pizzeria de sonquartier. Pas toi ?

Comme si elle ne savait pas que j’aitoujours faim. La tête me tournait à l’idéedu fromage fondant et du savoureuxsaucisson épicé.

Peu après, une pizza géante sur la ban-quette arrière, nous sommes repartis endirection de son appartement où j’habi -tais pendant que mes parents étaient envoyage.

Ils avaient quitté Québec six joursauparavant et ne devaient revenir qu’aubout de trois semaines, me laissant toutle mois de septembre aux bons soins dema sœur. Ma demi-sœur, devrais-jeplutôt dire : Maryse et moi avons lemême père, mais non la même mère.

Après le divorce de ses parents, Marysea vécu avec son père, car sa mère devaits’absenter de longues périodes pour sontravail. Quelques années plus tard, sonpère a rencontré celle qui allait devenirma mère. Maryse avait quinze ans quandje suis né. Même si elle avait juré qu’ellene servirait pas de gardienne au petitnouveau, elle s’est beaucoup occupée de

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moi. Cette situation a sûrement fait que,aujourd’hui, douze ans plus tard, noussommes si proches l’un de l’autre.

Mieux encore, quand Maryse a quittéla maison familiale, elle a loué un appar -tement dans un immeuble de deuxétages, à une quinzaine de rues de chezmes parents. Pour l’école, c’est pratique :de chez moi ou de chez elle, je peux m’yrendre à pied.

Sa propriétaire, Mme Dumoulin, uneveuve septuagénaire, occupe tout lerez-de-chaussée, avec Fred, son garçonhandicapé, et l’étage supérieur est diviséen deux logements : du côté gauche,l’appartement de ma sœur et, de l’autre,celui d’Aline Simard, une infirmièreretraitée.

Le quartier est tranquille, sans sur-prises. Sauf que ce soir-là, une ambulanceet une voiture de police étaient garéesdevant la maison. Des voisins observaientla scène depuis leurs balcons. Le tempsque Maryse se range le long du trottoir,les ambulanciers avaient refermé les portières de leur véhicule et démarraientdans un hurlement de sirène à fairedresser les cheveux sur la tête.

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Le souvenir de « l’avertissement » dumatin m’est revenu à l’esprit : mon mille-pattes se matérialisait.

Le cœur étreint par un frisson d’an-goisse, j’ai franchi en vitesse l’espace quime séparait de la maison, ouvrant la ported’une vigoureuse poussée de l’épaule.

L’obscurité la plus totale régnait dansle hall d’entrée. À tâtons, j’ai mis la mainsur l’interrupteur pour allumer la lampedu rez-de-chaussée. Sans résultat. Leplafonnier du deuxième ne fonctionnaitpas plus. Seul un mince filet de lumièrefiltrant de la porte entrebaîllée d’AlineSimard dispensait un éclairage timide ausommet de l’escalier.

La porte du premier s’est alors ouverteet Mme Dumoulin est apparue, un esca -beau à la main, une boîte d’ampoulesélectriques sous le bras. Visiblement sou -lagée de nous voir, elle s’est exclamée :

— Ah, vous voilà enfin !— Vous allez bien ? a demandé Maryse

en se précipitant vers elle.— Qu’est-il arrivé à Fred ? ai-je coupé,

sans lui laisser le temps de répondre.— Fred va bien, mon garçon. Mais

Mme Simard, par exemple… Oh la la !

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Elle a fait une chute terrible dans l’esca -lier. Si vous l’aviez vue : un bras fracturé,une entaille profonde au front, et tousces bleus ! Pauvre femme ! Elle étaitencore inconsciente quand les ambu-lanciers l’ont amenée à l’hôpital Saint-François. Deux policiers examinentprésentement son appartement, a-t-elleajouté en levant la tête vers le deuxièmeétage.

Nous sommes restés un moment sansrien dire, les yeux tournés vers la portede Mme Simard.

Ainsi, c’était elle, la blessée ! Dire quecela ne m’était même pas venu à l’esprit.

— Mon garçon, viens m’aider, veux-tu ?m’a demandé Mme Dumoulin en ouvrantson escabeau.

Grimpé sur la dernière marche, l’am-poule de rechange à la main, j’aidemandé :

— Comment est-elle tombée ? C’est unaccident ?

— Que veux-tu que ce soit d’autre ? Ah !Merci, mon garçon ! C’est réconfor tant,cette lumière, pas vrai ? Et descends de làau plus vite, avant qu’un autre malheurnous tombe dessus. Imaginez donc !

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Quand je suis arrivée, l’entrée était plon -gée dans le noir. C’est probablementpour cette raison que Mme Simard adéboulé. Et quelle malheureuse coïnci-dence : les deux ampoules qui brûlent lemême soir ! Elles fonctionnaient pour-tant bien lorsque je suis sortie, avec Fred.Vous savez que le vendredi soir, onsoupe chez Armande ?

Comment l’oublier ? Tout le quartierest au courant que, tous les vendredissoirs, depuis des années, Mme Dumoulinva souper chez sa belle-sœur, Armande,avec Fred. Départ à dix-sept heures,retour à vingt-deux heures trente. Tou -jours le même horaire, à peu de minutesprès. Mme Dumoulin dit qu’elle supportecette routine parce que Fred aime satante tout autant que son sempiternelpoulet rôti du vendredi soir.

— Donc, il faisait noir comme dansun four, a-t-elle repris. J’avançais à pas prudents. Fred a refusé d’entrer ; il estresté sur le perron. Il sentait que quelquechose n’allait pas, j’en suis sûre. Soudain,j’ai trébuché contre quelque chose demou. C’était Mme Simard, étendue là,sans connaissance, au pied de l’escalier.

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Mon cœur a fait trois tours. J’ai échappéun cri et Fred a crié à son tour. Mon pauvre petit !

Mme Dumoulin s’est arrêtée pourreprendre son souffle, la main droitepressée sur le cœur.

— De peine et de misère, j’ai réussi àmettre ma clé dans la serrure : je trem-blais comme une feuille. Et j’ai composéle 911. Les ambulanciers et deux policierssont arrivés cinq minutes plus tard.Pendant que les ambulanciers s’occu-paient de Mme Simard, j’en ai profité pourmettre Fred au lit et… Oh ! Les voilà !

En nous apercevant, le plus granddes deux policiers s’est immédiatementengagé dans l’escalier pendant queson collègue refermait à clé la porte de l’appartement.

— Monsieur l’agent, voici mon autrelocataire, a dit Mme Dumoulin en dési -gnant Maryse.

Curieusement, il dévisageait ma sœurcomme s’il s’agissait d’une apparition.

— Maryse ? C’est bien toi ? Tu ne mereconnais pas ?

— Nooon ! ! ! Charles ! Charles Paradis !Ne me dis pas que tu es devenu policier ?

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Toi, policier ? s’est-elle exclamée à sontour comme s’il venait de lui annoncerqu’il avait la gale.

Mais loin de s’en offusquer, le princi-pal intéressé a répondu en riant :

— Hé oui ! J’ai découvert que j’avaisplus d’affinités avec ce métier qu’avec lesaxophone. Mais dis donc, Maryse, jesuis vraiment content de te revoir !

Difficile de douter de sa sincéritéavec le sourire béat qu’il affichait. D’unraclement de gorge, son coéquipier l’aramené à la réalité.

— Euh… Maryse, je te présente l’agentBlais. Mais lui, a-t-il lancé en me dési -gnant d’un mouvement de tête, quiest-ce ?

— Mon frère, Nesbitt. Il habite chezmoi pour quelques semaines.

— Nesbitt ? a-t-il répété en ricanantbêtement.

« Oui ! Oui ! Nesbitt ! Comme la bois-son gazeuse à l’orange ! » ai-je eu enviede crier. Mais j’ai résisté. S’il fallait queje fasse le compte de tous ceux quiréagissent comme lui ! Je ne vais pas, àchaque fois, expliquer le pourquoi et lecomment de mon prénom.

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En fait, je m’appelle Vincent. Mais, àma naissance, ma mère, dont l’humourest parfois discutable — particulièrementà cette occasion-là —, m’a affublé d’undeuxième prénom : celui de Nesbitt.« Pétillant comme sa chevelure ! » seserait-elle exclamée, cela pour la simpleraison que, juste au-dessus de monoreille droite, quelques poils d’un orangétrès vif tranchaient avec le reste de mescheveux châtains. Finalement, ce prénomm’est resté, même si la mèche rousses’est estompée peu à peu pour se fondredans la couleur du reste.

Dans l’espoir de faire diversion, j’ailancé :

— L’accident de la voisine, c’est un« vrai » accident, n’est-ce pas ? Pas autrechose ?

Pendant un court instant, CharlesParadis m’a observé avec intérêt, puisil a esquissé un sourire.

— À première vue, oui ! Un accidenttout ce qu’il y a de plus banal. Mme Simarda trébuché sur son paillasson, ce qui aentraîné sa chute. Rien de suspectlà-dedans. Pas de désordre louche, pasde trace d’effraction ni de vol : son sac

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à main était dans sa chambre, appa -remment intact, et son ordinateur étaitouvert. On l’a fermé avant de repartir.

J’ai réprimé un sursaut en apprenantque la voisine possédait un ordinateur,moi qui la croyais du genre à prendreles nouvelles technologies comme uneoffense personnelle, comme ces gens quiradotent : « Dans mon temps, c’était bienmieux ! »

— Donc, elle ne se préparait pas à sortir, ai-je dit sans réfléchir. Dans ce cas,que faisait-elle sur son palier ?

— Ça, elle seule pourrait nous le dire,m’a répondu l’agent Blais, avec unintérêt comparable à celui qu’il auraitmanifesté pour chasser une mouche.

Se tournant vers Mme Dumoulin, il aajouté :

— Il faudrait prévenir sa famille.— Elle n’a qu’un frère. En Gaspésie, je

crois. Je peux l’appeler si vous pen sez quec’est mieux, mais ils ne se fréquen tentpas. Mme Simard est ma locataire depuissix ans et elle n’a jamais reçu de visite,à part une amie de Montréal. Et pas plusd’une fois par année.

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— Une femme très seule, donc, en adéduit l’agent Blais.

— Au contraire, elle est très active.C’est une infirmière à la retraite qui faitbeaucoup de bénévolat. Je ne peux pasvous en apprendre plus, elle parle peude sa vie privée, bien qu’elle s’intéressebeaucoup à celle des autres.

Charles, qui ne savait rien de la répu-tation d’Aline Simard, a ignoré cettedernière remarque.

— Espérons que, demain, elle aurarécupéré assez de forces pour nous expli-quer elle-même les circonstances de sachute. Mais d’après moi, il s’agit d’unsimple accident.

Les policiers sont partis peu après.Auparavant, le « beau Charles » a prissoin d’inviter Maryse — elle seulement,a-t-il cru bon de préciser — pour unsouper d’ici quelques jours. Nous avonsensuite pris congé de Mme Dumoulin.

— Je suis exténuée ! s’est exclamée masœur en se laissant tomber sur son divan.Et je meurs de faim. La pizza… On aoublié la pizza dans la voiture ! Oh,Nesbitt…

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Elle n’a pas eu à répéter une deuxièmefois. Porté par un appétit vorace, j’airécupéré l’odorante pizza en moins dedeux. Affamés, nous en avons mangéplus de la moitié en silence, et nous noussommes remis à discuter de l’accident.

— Plus j’y pense, moins je comprendscomment Aline Simard a fait son comptepour débouler l’escalier.

— Qu’est-ce que tu veux dire, Nesbitt ?— Je ne peux pas croire qu’il faisait

si noir quand elle a ouvert sa porte d’entrée. La lumière de son salon devaitéclairer une bonne partie du palier.

— Tiens donc ! s’est moquée ma sœur.Mon petit Sherlock Holmes se fait allerles neurones ?

— Tu peux toujours ricaner ! Maistu vas rire jaune quand Mme Simard vaannoncer que quelqu’un l’a pousséedans l’escalier, ai-je lancé par bravade,sans y croire un seul instant. « Ton »Charles devrait réfléchir plutôt que defaire le joli cœur !

— Jaloux ! s’est exclamée Maryse enpouffant de rire. Allez, finis de mangerqu’on aille se coucher !

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Plongé dans la fraîcheur réconfortantede mon lit, j’ai eu une dernière penséepour Aline Simard avant de sombrerdans un sommeil de plomb. Si je m’étaisdouté que son accident ne représentaitque la pointe de ma prémonition dumatin !…

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LL ’’ÉÉNNIIGGMMAATTIIQQUUEE MMMM EE SS IIMMAARRDD

Samedi, 12 septembre

Le lendemain matin, j’ai été réveillé parla sonnerie du téléphone. J’ai entenduMaryse sortir de son lit en grognant pourse précipiter vers l’appareil. Il n’étaitque neuf heures, mais je me suis levé àmon tour, l’estomac tiraillé par une faimdévorante.

Lorsque je suis passé à côté d’elle,Maryse m’a signifié que Mme Dumoulinétait à l’autre bout du fil. Cela risquaitd’être long ! J’ai préparé le café et misplusieurs croissants au four, ce qui allaitfaire regimber ma sœur à coup sûr. Maispour une fois que je pouvais décider dumenu ! J’en avais plus qu’assez de seshorribles pains « santé » aux grains quirestent pris entre les dents et dont le goût

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est tellement prononcé que même lebeurre d’arachide en perd sa saveur.

De fait, en entrant dans la cuisine,Maryse s’est écriée :

— Pas des croissants ! Avec la pizzad’hier soir, je vais engraisser !

— Oublie ça, Maryse ! Dis-moi plutôtce que voulait Mme Dumoulin.

— Eh bien, c’est au sujet d’AlineSimard…

— Elle est morte ?— Mais non, grand bêta ! MmeDumou -

lin a un problème. Elle vient de télé-phoner à l’hôpital ; une infirmière lui ademandé d’envoyer quelques effets personnels et…

— Où est le problème, alors ?— Mais enfin, Nesbitt, vas-tu me lais -

ser finir ? C’est exaspérant, cette manieque tu as de me couper la parole à toutbout de champ !

Maryse peut parfois être aussi pénibleque mes parents. Et c’est peu dire ! Vexé,j’ai attendu la suite, déterminé à ne plusdire un seul mot.

— Mme Dumoulin est souffrante. Sespieds sont si enflés qu’elle ne peut mêmepas mettre ses souliers. Alors, pour

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Achevé d’imprimer en juillet 2008sur les presses de Marquis imprimeur

Montmagny, Québec.

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