9
10 Revue Marocaine de Rhumatologie FMC La monoarthrite aigue Acute Monoarthritis Yassine Lemrhari, Imane El Bouchti Service de Rhumatologie, Hôpital Arrazi, CHU Mohammed VI, Marrakech,Maroc. Rev Mar Rhum 2017; 42: 10-8 Résumé La monoarthrite aigue est une urgence rhumatologique. Le diagnostic d’arthrite septique devra être suspecté en premier lieu. L’interrogatoire et l’examen physique constituent une étape importante dans l’enquête étiologique. La ponction articulaire devra être réalisée en urgence en respectant les règles d’asepsie. L’étude du liquide articulaire permet souvent de différencier l’arthrite septique des pathologies microcristallines. La présence des microcristaux d’urate de sodium est en faveur du diagnostic d’accès de goutte et la présence des cristaux de pyrophosphate de calcium se voit dans la chondrocalcinose pseudo-goutteuse. La monoarthrite aigue peut constituer une première manifestation d’un rhumatisme inflammatoire chronique (polyarthrite rhumatoïde, arthrite réactionnelle, spondyloarthrites). Mots clés : Monoarthrite aigue ; urgence rhumatologique ; étude du liquide articulaire ; arthrite septique. Abstract Acute monarthritis should be regarded as infectious until proved otherwise. Early evaluation is crucial because of the capacity of some infectious agents to destroy cartilage rapidly. The history and physical examination can provide highly suggestive clues, but a definitive diagnosis may depend on arthrocentesis and analysis of synovial fluid. Microscopic examination of the synovial fluid may reveal a crystalline etiology for monarthritis. Monosodium urate crystals induce gout, usually in the toe, ankle, or midfoot, while calcium pyrophosphate crystals cause pseudogout, most often in the knee or wrist. Acute monarthritis is sometimes a manifestation of osteoarthritis or an early sign of a systemic arthritis such as rheumatoid or reactive arthritis. Processes underlying acute monarthritis can also evolve into a more chronic clinical picture as exemplified by the spondyloarthritis. Key words : Acute monoarthritis ; rheumatological emergency ; synovial fluid analysis ; septic arthritis. Correspondance à adresser à : Dr. Y. Lemrhari Email : [email protected] La monoarthrite aigue est une atteinte inflammatoire d’une seule articulation évoluant depuis moins de 6 semaines. Toutes les articulations peuvent être touchées. Le diagnostic est plus facile lorsque l’articulation est superficielle, il est plus difficile lorsque l’articulation atteinte est petite ou profonde. L’arthrite septique constitue une urgence diagnostique et thérapeutique [1]. COMMENT AFFIRMER LE DIAGNOSTIC D’UNE MONOARTHRITE AIGUË ? Interrogatoire [1-3] L’interrogatoire a pour objectifs de : Préciser les caractères individuels : l’âge, le sexe, la profession Disponible en ligne sur www.smr.ma DOI 10.24398/a.260.2017

La monoarthrite aigue - SMR

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La monoarthrite aigue - SMR

10

Revue Marocaine de Rhumatologie

FMC

La monoarthrite aigueAcute Monoarthritis

Yassine Lemrhari, Imane El Bouchti Service de Rhumatologie, Hôpital Arrazi, CHU Mohammed VI, Marrakech,Maroc.

Rev Mar Rhum 2017; 42: 10-8

Résumé

La monoarthrite aigue est une urgence

rhumatologique. Le diagnostic d’arthrite

septique devra être suspecté en premier

lieu. L’interrogatoire et l’examen physique

constituent une étape importante dans

l’enquête étiologique. La ponction articulaire

devra être réalisée en urgence en respectant les

règles d’asepsie. L’étude du liquide articulaire

permet souvent de différencier l’arthrite

septique des pathologies microcristallines. La

présence des microcristaux d’urate de sodium

est en faveur du diagnostic d’accès de goutte

et la présence des cristaux de pyrophosphate

de calcium se voit dans la chondrocalcinose

pseudo-goutteuse. La monoarthrite aigue

peut constituer une première manifestation

d’un rhumatisme inflammatoire chronique

(polyarthrite rhumatoïde, arthrite réactionnelle,

spondyloarthrites).

Mots clés : Monoarthrite aigue ; urgence

rhumatologique ; étude du liquide articulaire ;

arthrite septique.

Abstract

Acute monarthritis should be regarded

as infectious until proved otherwise. Early

evaluation is crucial because of the capacity

of some infectious agents to destroy cartilage

rapidly. The history and physical examination

can provide highly suggestive clues, but

a definitive diagnosis may depend on

arthrocentesis and analysis of synovial fluid.

Microscopic examination of the synovial fluid

may reveal a crystalline etiology for monarthritis.

Monosodium urate crystals induce gout, usually

in the toe, ankle, or midfoot, while calcium

pyrophosphate crystals cause pseudogout,

most often in the knee or wrist. Acute

monarthritis is sometimes a manifestation of

osteoarthritis or an early sign of a systemic

arthritis such as rheumatoid or reactive arthritis.

Processes underlying acute monarthritis can

also evolve into a more chronic clinical picture

as exemplified by the spondyloarthritis.

Key words : Acute monoarthritis ;

rheumatological emergency ; synovial fluid

analysis ; septic arthritis.

Correspondance à adresser à : Dr. Y. Lemrhari Email : [email protected]

La monoarthrite aigue est une atteinte inflammatoire d’une

seule articulation évoluant depuis moins de 6 semaines.

Toutes les articulations peuvent être touchées. Le diagnostic

est plus facile lorsque l’articulation est superficielle, il

est plus difficile lorsque l’articulation atteinte est petite

ou profonde. L’arthrite septique constitue une urgence

diagnostique et thérapeutique [1].

COMMENT AFFIRMER LE DIAGNOSTIC

D’UNE MONOARTHRITE AIGUË ?

Interrogatoire [1-3]

L’interrogatoire a pour objectifs de :

• Préciser les caractères individuels : l’âge, le sexe, la

profession

Disponible en ligne sur

www.smr.ma

DOI 10.24398/a.260.2017

Page 2: La monoarthrite aigue - SMR

11

Revue Marocaine de Rhumatologie

La monoarthrite aigue

• Déterminer les antécédents personnels et familiaux:

- Médicaux : diabète, psoriasis, néoplasies, valvulopathie connue, rhumatisme inflammatoire chronique (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathies…), hémochromatose, Insuffisance rénale chronique, infection par VIH…

- Chirurgicaux

- Gynéco-obstétricaux pour la femme : infection génitale, notion de fausses couches spontanées à répétition, grossesse…

- Toxiques : alcoolisme, drogues par voie intraveineuse…

- Comportement sexuel à risque

- Prises médicamenteuses : aspirine, anticoagulants, corticothérapie prolongée, diurétiques, pyrazinamide, ethambutol, Bétabloquants, antibiothérapie, chimiothérapie, immunosuppresseurs ou immuno-modulateurs (méthotrexate, cyclophosphamide, azathioprine, biothérapies…)

• Préciser le contexte de survenue de l’arthrite

- Notion de traumatisme, plaie surinfectée, chirurgie récente, cathétérisme urinaire ou vasculaire récent, geste intra-articulaire (infiltration, visco-supplémentation, arthroscopie), infection urinaire (brulures mictionnelles, pollakiurie), infection génitale (urétrite, leucorrhée), pharyngite, angines, infection broncho-pulmonaire, diarrhée…

- Notion de tuméfaction spontanément régressive et récidivante intéressant le gros orteil…

• Préciser les caractéristiques de l’arthrite

La douleur

- le siège

- Le type : inflammatoire.

- L’intensité : appréciée indirectement par la quantité de comprimés d’antalgiques ou d’AINS prise par le malade, elle peut être quantifiée sur une échelle visuelle analogique.

L’impotence fonctionnelle

- la résultante de la douleur et de la raideur articulaire.

• Préciser les signes généraux :

Fièvre, frissons.

Examen physique [1-3]

Examen ostéoarticulaire de l’articulation atteinte:

L’inspection va apprécier :

• L’augmentation du volume articulaire, effaçant les reliefs articulaires.

• La rougeur qui peut être absente.

• L’amyotrophie.

La palpation de l’articulation tuméfiée est un temps capital lors de l’examen clinique, et va objectiver :

- La chaleur locale.

- L’épanchement articulaire, dont la technique de mise en évidence varie en fonction de l’articulation tuméfiée :

Au niveau du genou, l’épanchement articulaire est mis en évidence par deux tests :

• Le signe du Glaçon: refouler avec la main le liquide articulaire contenu dans le cul-de-sac sous-quadricipital et les culs-de-sac latéraux sous la rotule, d’appuyer avec l’index sur la rotule: la rotule flotte sur le liquide articulaire.

• Le choc Rotulien: appui plus accentué, mettant en contact la face postérieure de la rotule avec la trochlée.

- Au niveau du coude, un comblement des gouttières de part et d’autre de l’olécrane témoigne de la présence d’une arthrite.

- Au niveau de la cheville, la présence d’une arthrite est mise en évidence par un comblement et une rénitence de l’espace situé entre le tendon du tibial antérieur et celui de l’extenseur du gros orteil.

- Au niveau des petites articulations des mains et des pieds, deux éléments doivent orienter vers la présence d’une arthrite, l’aspect en fuseau et la rénitence au niveau de l’articulation concernée.

- Au niveau des autres articulations, il est difficile de mettre en évidence l’épanchement articulaire cliniquement au niveau des articulations profondes (l’épaule et la hanche) et au niveau des petites articulations (mains, pieds) et il faut recourir à l’imagerie (échographie, IRM…).

• La limitation des mouvements actifs et passifs :

- La raideur doit être recherchée et quantifiée aux différents mouvements de l’articulation atteinte.

Le reste de l’examen ostéoarticulaire et l’examen somatique

Doit être complet, et recherchera des signes articulaires et extra articulaires pouvant orienter le diagnostic étiologique.

Examens complémentaires [3]

Le bilan biologique doit comporter

• La vitesse de sédimentation (VS).

• La C réactive protéine (CRP).

Page 3: La monoarthrite aigue - SMR

12

Revue Marocaine de Rhumatologie

• L’hémogramme.

• Les transaminases.

• L’uricémie.

• L’urée et la créatininémie.

• La protéinurie des 24 heures.

Le bilan radiologique minimum comporte

• Des radiographies de l’articulation atteinte.

• Un cliché thoracique de face.

• Un cliché dorso-lombo-pelvi-fémoral (incidence de De sèze) s’il s’agit d’une atteinte du membre inférieur chez un sujet jeune.

L’analyse du liquide articulaire :

Toute monoarthrite doit être ponctionnée. C’est un geste médico-légale qui nécessite une asepsie rigoureuse. Le prélèvement doit être adressé au laboratoire sans délai, l’augmentation du délai entraîne une diminution de la cellularité, une dissolution des cristaux et une diminution de la viabilité des germes.

Le liquide articulaire prélevé doit faire l’objet d’une analyse de l’aspect macroscopique et d’une étude microscopique comportant un examen cytobactériologique et la recherche de microcristaux.

Diagnostic différentiel

L’interrogatoire, l’examen physique et l’analyse du liquide articulaire, doivent permettre d’écarter des pathologies articulaires et abarticulaires

Les arthropathies non inflammatoires Devant un liquide articulaire de formule mécanique on évoquera une pathologie méniscale, une chondromatose synoviale, une ostéonécrose ou une ostéochondrite. L’IRM est alors l’examen de choix qui permet d’affirmer le diagnostic dans la grande majorité des cas. Une poussée congestive de l’arthrose doit être évoquée chez un malade présentant des facteurs de risque d’arthrose notamment l’obésité avec des signes radiologiques (pincement, condensation sous chondrales, ostéophytes et éventuellement des géodes). Une hémarthrose orientera vers une synovite villonodulaire, dont le diagnostic sera affirmé par l’IRM et la biopsie synoviale, une chondrocalcinose articulaire ou une tuberculose [1].

Les pathologies osseuses de voisinage [1]

• Une ostéomyélite, une fissure, une fracture, une tumeur…

•Une atteinte osseuse (métastase épiphysaire par

exemple) peut se manifester par une douleur exclusivement articulaire.

Les bursites [1]

La localisation pré-rotulienne est la plus fréquente et parfois trompeuse. La simple pression sur la peau en regard de la rotule est anormalement douloureuse, et le cul-de-sac sous-quadricipital est vide.

Les tendinites, les ténosynovites et les kystes [1]

Une tendinite se traduit habituellement par une douleur plus localisée et par l’absence d’épanchement articulaire. La mise en tension « sélective » du tendon permet de reproduire la douleur.

Les pathologies cutanées [1]

Une dermohypodermite, tel un érythème noueux, peut donner une douleur et une rougeur en regard d’une articulation, notamment au niveau de la cheville. L’aspect infiltré de la peau, son caractère douloureux à la pression, et l’absence de douleur lors de la mobilisation articulaire doivent la distinguer d’une arthrite.

COMMENT ETABLIR LE DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE D’UNE MONOARTHRITE AIGUE ?

Eliminer l’urgence : l’arthrite septique

Les arthrites septiques à germes banaux font partie des urgences rhumatologiques. Elles nécessitent, à partir du moment où le diagnostic est évoqué, une prise en charge spécialisée afin d’éviter ou tout au moins de limiter les séquelles fonctionnelles, principalement liées au retard diagnostique et thérapeutique [4].

Les sous-populations à risque plus élevé d’arthrite septique sont: les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, les patients porteurs de prothèse articulaire, les diabétiques, les éthyliques chroniques, ainsi que les patients sous traitements immunosuppresseurs. L’incidence annuelle dans ces groupes est estimée entre 30 et 70 cas pour 100000 habitants [5-10].

Le tableau 1 résume l’évolution chronologique de l’arthrite septique qui conditionne le pronostic fonctionnel et dont dépendent les modalités thérapeutiques à adopter [5, 11].

Toutes les articulations peuvent être atteintes [4].

Les articulations les plus touchées, dans toutes les études et par ordre de fréquence décroissante sont : le genou, la hanche et les sacro-iliaques [4].

FMCY. Lemrhari, et al.

Page 4: La monoarthrite aigue - SMR

13

Revue Marocaine de Rhumatologie

Le tableau clinique est variable selon l’articulation concernée et son accessibilité à l’examen clinique. On retiendra comme éléments d’orientation [4]:

-La douleur : d’horaire inflammatoire, majorée par la mobilisation de l’articulation.

-Les signes inflammatoires locaux.

-La fièvre : inconstante, observée dans 40 à 90 % des cas selon le germe et le terrain.

-Les frissons : 20 et 70 % des cas.

Une porte d’entrée infectieuse doit être recherchée à l’interrogatoire et à l’examen clinique [4].

Un syndrome inflammatoire biologique est fréquent. L’augmentation de la CRP semble plus sensible [4].

Plusieurs études ont montrées que la procalcitonine est plus élevée dans les arthrites septiques que dans les arthrites d’autres origines [12-14].

Le liquide articulaire doit faire l’objet d’un examen direct et d’une culture. Un ensemencement immédiat dans un flacon d’hémoculture peut améliorer le rendement de la culture [15, 16].

Les hémocultures sont particulièrement rentables au

moment des pics fébriles ou des épisodes de frissons, et après un geste sanglant (biopsie synoviale…) à l’occasion duquel une bactériémie est fréquente [4, 15, 16]

La biopsie synoviale revêt un intérêt majeur en cas de suspicion d’infection par un agent infectieux peu agressif, en cas d’antibiothérapie préalable ou de négativité d’une première ponction articulaire dans un contexte de forte suspicion d’arthrite septique [17-18].

Les prélèvements sur la porte d’entrée supposée (cytobactériologie urinaire, plaie...), sont systématiques, mais leur valeur est moins formelle [4].

Les germes les plus fréquemment incriminées dans l’arthrite septique selon les données de la littérature, sont résumés dans le tableau 2 [9, 15, 16, 19-21].

Au début, les radiographies standards sont normales. Après quelques jours, une déminéralisation sous-chondrale apparaît puis un pincement global de l’interligne et des érosions osseuses [4].

L’échographie est très performante pour dépister des épanchements articulaires, même lorsqu’ils n’excèdent pas 1 à 2 ml. Cet examen est très utile pour l’exploration des articulations profondes comme la hanche et permet de guider la ponction. Elle permet aussi le suivi sous traitements [4, 22].

La monoarthrite aigue

Délai après pénétration bactérienne Lésions articulaires

Quelques heures

Afflux de cellules inflammatoires

Libération de cytokines et de protéases

Début de dégradation des protéoglycanes et du collagène

2 à 3 joursPertes de substance cartilagineuse

Exposition de l’os sous chondral

8 jours et plus

Lésions ostéocartilagineuses irréversibles

Abcès, formation de clapiers inaccessibles aux antibiotiques

Développement du tissu de granulation

Tableau 1 : Développement de l’infection articulaire [5-11].

Page 5: La monoarthrite aigue - SMR

14

Revue Marocaine de Rhumatologie

Le scanner est plus sensible que les radiographies standards pour montrer des érosions et des foyers d’ostéite. Il est surtout intéressant dans l’exploration des articulations sacro-iliaques et sterno-claviculaires [4, 23].

L’IRM montre l’épanchement en hypersignal sur les séquences T2, la synovite en hyposignal T1 rehaussé par le gadolinium, les érosions osseuses, la perte du cartilage, l’œdème des parties molles et les abcès [4, 24].

Après avoir effectuée les prélèvements bactériologiques, une bi-antibiothérapie probabiliste par voie parentérale doit être démarrée, et adaptée dès réception de l’antibiogramme. La monothérapie est indiquée en cas de suspicion d’arthrite septique à gonocoque ou à streptocoque [25, 26].

L’efficacité du traitement se juge sur la régression de la

douleur, l’apyrexie, la baisse de la CRP, la diminution du volume, de la cellularité du liquide articulaire et la négativité de la bactériologie [4].

Un traitement de 4 à 6 semaines est habituellement recommandé. Le traitement est plus bref avec le gonocoque (10 jours), les streptocoques, les méningocoques et l’haemophilus [4, 25, 27].

Le drainage articulaire se fait par ponction quotidienne. Il peut être associé à un lavage au sérum physiologique. Lorsqu’il est indiqué, le drainage chirurgical se fait au mieux par arthroscopie [4].

À la phase aiguë, il faut supprimer l’appui et éventuellement utiliser une attelle. Les antalgiques sont indispensables. La mobilisation passive, puis active, est débutée dès la régression de la douleur. La mise en charge s’effectue progressivement après 2 à 4 semaines [4].

FMCY. Lemrhari, et al.

Amsterdam[19]

1990-1993

N=149

Ecosse[15]

1997-2002

N=75

Islande[16]

1990-2002

N=151

Laboratoire britannique [9]

1990-1993

N=1069

Arthrite septique après infiltration ou

arthroscopie [16, 20, 21]

Staphylocoque

Staphylocoque aureus

59%

84%

69%

87%

66%

79%

44%

97%

69%

73%

Streptocoque

Pneumocoque

19%

10%

28%

-

22%

-

30%

35%

11%

-

BGN 15% 9% 7% 21% 4%

Gonocoque 0% 0% - 0,6% -

Tableau 2 : Fréquence des agents causant l’arthrite septique [9, 15, 16, 19-21].

Page 6: La monoarthrite aigue - SMR

15

Revue Marocaine de Rhumatologie

Autres étiologies

La monoarthrite d’origine metabolique

• La goutte aigue

La goutte représente la première cause d’arthrite inflammatoire après 40 ans chez l’homme. Le sexe ratio homme/femme est de 10/1 [28, 29].

L’incidence de la goutte aux états unis et au royaume uni a augmenté de 0,3 par mille habitants/année à 2,68 par mille habitants/année entre l’année 1970 et 2000. NHANES « US National Health and Nutrition Examination Survey » ont estimé la prévalence de la goutte aux états unis à 2,9 entre 1988 et 1994 et à 3,9 entre 2007 et 2008. CPRD « UK Clinical Practice Research Database » ont estimé la prévalence de la goutte au royaume uni à 1,4 en 1999 et à 2,5 en 2012. La prévalence de la goutte dans les pays en voie de développement est inférieure à 1% [28, 29].

La prévalence de la goutte augmente avec l’âge [28, 29].

L’hyperuricémie est définie par une valeur supérieure à 68 mg/l [29].

• La crise de goutte

L’accès aigu de goutte typique (80 % des cas) se manifeste par une monoarthrite aiguë de l’articulation métatarsophalangienne du premier orteil [28, 29]. La présentation est stéréotypée :

-Les facteurs déclenchants: un traumatisme ou un événement pathologique intercurrent (infarctus du myocarde…), le stress, une intervention chirurgicale, la consommation d’alcool, le jeûne, un excès alimentaire et la prise de nouveaux médicaments (diurétiques…).

-Les prodromes (24 à 48 h avant le début de l’accés) : l’irritabilité, l’insomnie, l’asthénie et l’anorexie.

-La douleur est brutale, insomniante, associée à des signes inflammatoires locaux très marqués (augmentation du volume articulaire, couleur rouge pivoine, chaleur cutanée), une hyperesthésie cutanée locale et une peau luisante avec présence inconstante de taches purpuriques ou de petites ecchymoses.

- Une impotence fonctionnelle majeure.

- Un fébricule (38,5 °C) [28, 29].

L’évolution se fait spontanément vers la guérison en 7 à 10 jours. Cette évolution est écourtée par le traitement [28, 29].

La ponction articulaire ramène un liquide inflammatoire, aseptique, avec présence de microcristaux d’urate monosodique [28, 29].

Un syndrome inflammatoire biologique est présent. L’uricémie est élevée dans la majorité des cas. Une uricémie normale lors d’un accès aigu n’exclut pas le diagnostic [28-30].

La colchicine est le traitement de choix de la crise aigüe, à la posologie de 1,5 mg le premier jour, puis de 1 mg par jour à partir du deuxième jour. La colchicine est poursuivie pour une durée de 3 mois à 6 mois [29].

Les AINS sont une bonne alternative thérapeutique, en respectant les contre-indications. La corticothérapie peros peut être prescrite en cas de comorbidités interdisant l’utilisation de la colchicine et des AINS [29].

Le glaçage et la mise au repos de l’articulation pendant 24 à 48 heures sont utiles [28-30].

Le traitement local par ponction évacuatrice et infiltration de corticoïdes à longue durée d’action peut être proposé après élimination formelle d’une arthrite septique associée [28, 29].

Le régime fait appel à l’arrêt du tabac, l’éviction de la prise d’alcool, l’éviction des boissons riches en fructose (sodas…), une alimentation pauvre en purines (réduite en viandes, pauvre en abats, charcuterie et crustacés) et riche en laitages à faible teneur en graisse et à l’arrêt dans la mesure du possible des traitements hyper-uricémiants [28, 29].

Un traitement hypo-uricémiant est indiqué à partir du premier accès de goutte chez les sujets jeunes âgés de moins de 40 ans, en cas d’accès goutteux fréquents chez les sujets plus âgés (à partir du 3ème accès), de goutte chronique, de lithiase urique et néphropathie uratique, et lors des chimiothérapies pour hémopathie [28-30]. L’objectif thérapeutique est une uricémie inférieure à 60 mg/l [29].

Les propriétés uricosuriques de certains médicaments antihypertenseurs (Losartan) et hypolipémiants (Fénofibrate) peuvent être mises à profit dans le traitement de la goutte en cas d’association à une hypertension artérielle ou à une dyslipidémie [31].

La diurèse alcaline : permet de prévenir des épisodes lithiasiques urinaires [32].

Chondrocalcinose articulaire dans sa forme pseudo-goutteuse

La monoarthrite aigue

Page 7: La monoarthrite aigue - SMR

16

Revue Marocaine de Rhumatologie

Une accumulation lente de microcristaux de pyrophosphate de calcium dans le cartilage et le fibrocartilage vieilli se fait sur un mode parfaitement asymptomatique [33].

La survenue d’une crise aiguë de chondrocalcinose résulte de la stimulation de l’inflammasome avec hypersecrétion d’IL-1b via les TLR, principalement le TLR2 [33].

La prévalence de la maladie augmente avec l’âge. Elle est rare avant 50 ans et doit faire rechercher une forme familiale ou secondaire à une hypomagnésémie, une hyperparathyroïdie ou une hémochromatose. Elle touche préférentiellement les femmes [33].

La forme aigue pseudo-goutteuse se présente sous la forme d’une monoarthrite aiguë touchant par ordre de fréquence le genou, le poignet, l’épaule, la cheville ou le coude [33].

Le liquide articulaire est inflammatoire, aseptique, avec présence de cristaux de pyrophosphate de calcium. Les prélèvements bactériologiques sont indispensables pour éliminer une arthrite septique [33].

Un syndrome inflammatoire biologique est souvent présent. Le dosage de la calcémie, de l’albuminémie, de la phosphorémie (voire la PTH), un bilan ferrique (fer sérique, coefficient de saturation de la transferrine et la férritinémie) et le dosage de la magnésémie sont indispensables pour le diagnostic étiologique [33].

Les signes radiologiques associent : l’incrustation phosphocalcique des cartilages et des fibrocartilages, les calcifications périarticulaires, les signes radiographiques de l’arthrose et les signes spécifiques de l’hyperparathyroïdie primitive [33].

L’EULAR ont proposé des recommandations pour le traitement de la chondrocalcinose. Les crises aiguës bénéficient de l’évacuation du liquide, du repos articulaire, du glaçage, de l’administration d’AINS et de l’infiltration de corticoïdes. Une courte corticothérapie orale constitue une alternative efficace en cas de réponse insuffisante après infiltration de corticoïdes ou en cas de contre indication aux AINS. La colchicine orale prévient les rechutes. Les inhibiteurs de l’IL-1b sont efficaces dans cette forme. Les lavages articulaires sont réservés aux formes récurrentes [33, 34].

La durée du traitement de l’accès aigu est en général d’une semaine [33].

Dans les formes secondaires (hypomagnésémie, hyperparathyroïdie, hémochromatose), un traitement

étiologique doit être instauré [33].

La monoarthrite aigue aseptique- La monoarthrite aigue d’origine virale

L’atteinte articulaire au cours des viroses est rarement monoarticulaire. Elle est en général de début assez brutal et de durée relativement courte [35].

L’interrogatoire s’attache à rechercher les éléments suivants : notion de contage, profession a risque, transfusion sanguine ou usage de dérivés du sang, voyage à l’étranger, vaccination récente, toxicomanie intraveineuse et rapports sexuels non protégés…[35].

Le diagnostic clinique est en général assez aisé si l’ensemble des éléments du syndrome viral sont présents (contage, épidémie, phase prodromique, éruption cutanée, fièvre, parfois ictère...) et accompagnent l’arthrite. Cependant, l’atteinte articulaire peut être au tout premier plan ou représenter la manifestation quasi exclusive de l’infection virale [35].

Les examens biologiques de routine ont peu d’intérêt dans le bilan étiologique au cours d’une arthrite virale. La ponction articulaire ramène un liquide inflammatoire sans cristaux ni germes. Seules les sérologies spécifiques affirment le diagnostic [35].

Plusieurs pathologies virales peuvent être inaugurés ou accompagnés d’une atteinte monoarticulaire : les hépatites virales B et C, la rubéole, le vaccin anti-rubéolique, le parvovirus B19, l’alphavirus, le virus ourlien, les entérovirus (coxsackie et echovirus), le VIH et le HTLV1 [35].

L’évolution est favorable dans la majorité des cas. Le traitement est symptomatique à base d’antalgiques et d’AINS [35].

-La monoarthrite aigue au cours de la maladie de LYME

La survenue d’arthrite est une forme tardive, majeure et souvent isolée de la maladie. L’atteinte monoarticulaire touche surtout les grosses articulations (genou, épaule, cheville, coude...). Le passage à la chronicité concerne environ 10 % des patients. L’atteinte du genou demeure prépondérante et des érosions ostéocartilagineuses peuvent être détectées par la radiographie. Le liquide articulaire est inflammatoire. Le diagnostic repose principalement sur la mise en évidence d’anticorps spécifiques. L’amplification génique par PCR, sur

FMCY. Lemrhari, et al.

Page 8: La monoarthrite aigue - SMR

Revue Marocaine de Rhumatologie

17

prélèvement synovial, peut contribuer au diagnostic. L’antibiothérapie ne doit être entreprise qu’en cas de manifestations cliniques avérées. L’évolution est favorable, avec des séquelles mineures [36].

-La monoarthrite aigue au cours de l’endocardite d’OSLER

L’arthrite survient au cours des endocardites infectieuses chez environ 20 à 50% des patients présentant des manifestations rhumatologiques. Le liquide synovial est septique dans 15 à 20% de cas dans les études les plus récentes. Ces arthrites répondent bien à l’antibiothérapie prolongée et n’aggravent pas le pronostic de l’Endocardite infectieuse [37].

-La monoarthrite aigue rhumatismale

Une monoarthrite aigue peut inaugurer un rhumatisme inflammatoire chronique (spondylarthrite ankylosante, manifestations ostéoarticulaires des MICI, polyarthrite rhumatoïde débutante, lupus…) [38].

CONCLUSION

Le diagnostic d’une monoarthrite aigue repose essentiellement sur l’examen clinique, celui-ci permet de suspecter rapidement l’urgence que constitue l’arthrite septique. La ponction articulaire est un complément indispensable de l’étape clinique qui confirme le diagnostic et guide le traitement.

CONFLIT D’INTéRêT

Les auteurs déclarent ne pas avoir aucun conflit d’intérêt.

RéFéRENCES1. Daragon A, Vittecoq O. Démarche diagnostique en présence

d’une monoarthrite. Encycl Méd Chir, AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine 2000; 7-0420: 3 p.

2. Baker DG, Schumacher HR. Acute monoarthritis. N Engl J Med 1993; 329: 1013-1020.

3. Hajjaj-Hassouni N. Conduite à tenir devant une monoarthrite de l’adulte. Information scientifique et pratique 1997; numéro 1.

4. Dubost JJ, Tournadre A, Soubrier M, Ristori JM. Arthrite septique à pyogène de l’adulte. EMC, Appareil locomoteur, 14-180-A-10, 2010.

5. Goldenberg DL. Septic arthritis. Lancet 1998; 351: 197-202.

6. Le Dantec L, Maury F, Flipo RM, et al. Les arthrites septiques périphériques à germes banals : étude d’une série de 79 observations. Rev Rhum Mal Ostéoartic 1996; 63: 109-116.

7. Newman JH. Review of septic arthritis throughout the antibiotic era. Ann Rheum Dis 1976; 35: 198-205.

8. Pioro MH,Mandell BF. Septic arthritis. Rheum Dis Clin North Am

1997; 23: 239-258.

9. Ryan MJ, Kavanagh R, Wall PG, Hazleman BL. Bacterial joint infections in England and Wales: analysis of bacterial isolates over a four year period. Br J Rheumatol 1997; 36: 370-373.

10. Sutter B, Bianchi F, Fayada P, Istas D, Meys F, Morin C. Les infections ostéoarticulaires à germes banals. Revue du Rhumatisme 2000; 67: 395.

11. Goldenberg DL, Cohen AS. Acute infectious arthritis. Am J Med 1976; 60: 369-377.

12. Martinot M, Sordet C, Soubrier M, Puéchal X, SarauxA, Lioté F, et al. Diagnostic value of serum and synovial procalcitonin in acute arthritis: a prospective study of 42 patients. Clin Exp Rheumatol 2005; 23: 303-10.

13. Hügle T, Schuetz P, Mueller B, Laifer G, Tyndall A, Regenass S, et al. Serum procalcitonin for discrimination between septic and non septic arthritis. Clin Exp Rheumatol 2008; 26: 453-6.

14. Fottner A, Birkenmaier C, Von Schulze Pellengahr C, Wegener B, Jansson V. Can serum procalcitonin help to differentiate between septic and non septic arthritis? Arthroscopy 2008; 24: 229-33.

15. Gupta MN, Sturrock RD, Field M. A prospective 2-year study of 75 patients with adult-onset septic arthritis. Rheumatol 2001; 40: 24-30.

16. Geirsson AJ, Statkevicius S, Vikingsson A. Septic arthritis in Iceland 1990-2002: increasing incidence due to iatrogenic infections. Ann Rheum Dis 2008; 67: 638-43.

17. Piriou P, Garreau de Loubresse C, Wattincourt L, Judet T. Ponction simple contre ponction biopsie au trocart pour le bilan diagnostique bactériologique des infections ostéo-articulaires. Rev Chir Orthop 1998; 84: 685-8.

18. Christensen TH, Bliddal H, Westh H. Non-suppurative bacterial arthritis diagnosed by fine needle aspiration biopsy. Scand J Rheumatol 1989; 18: 235-7.

19. Kaandorp CJ, Dinant HJ, Van de Laar MA, Moens HJ, Prins AP, Dijkmans BA. Incidence and sources of native and prosthetic joint infection: a community based prospective survey. Ann Rheum Dis 1997; 56: 470-5.

20. Tsumura H, Ikeda S, Torisu T. Debridement and continuous irrigation for the treatment of pyogenic arthritis caused by the use of intra-articular injection in the osteoarthritic knee: indications and outcomes. J Orthop Surg (Hong Kong) 2005; 13: 52-7.

21. Rhee YG, Cho NS, Kim BH, Ha JH. Injection-induced pyogenic arthritis of the shoulder joint. J Shoulder Elbow Surg 2008; 17: 63-7.

22. Zieger MM, Dörr U, Schulz RD. Ultrasonography of hip joint effusions. Skeletal Radiol 1987; 16: 607-11.

23. Rafii M, Firooznia H, Golimbu C. Computed tomography of septic joints. J Comput Tomogr 1985; 9: 51-60.

24. Graif M, Schweitzer ME, Deely D, Matteucci T. The septic versus non septic inflamed joint: MRI characteristics. Skeletal Radiol 1999; 28: 616-20.

La monoarthrite aigue

Page 9: La monoarthrite aigue - SMR

25. Zeller V, Desplaces N. Antibiothérapie des infections ostéoarticulaires à pyogènes chez l’adulte : principes et modalités. Rev Rhum Mal Osteoartic 2006; 73: 183-90.

26. Cohen R, Grimprel E. Pharmacocinétique et pharmacodynamique sérique des antibiotiques utilisés dans les infections ostéoarticulaires de l’enfant. Arch Pediatr 2007; 14: S122-S127.

27. Guggenbuhl P, Albert JD, Tattevin P, Arvieux C. Conduite thérapeutique devant une arthrite septique à pyogènes de l’adulte : arbre décisionnel. Rev Rhum Mal Osteoartic 2006; 73: 199-205.

28. Longère B, Lefebvre G, Aucourt J, Djebbar S, Pascart T, Cotten A. Goutte. EMC - Radiologie et imagerie médicale - musculosquelettique - neurologique - maxillofaciale 2014; 9(2): 1-9 [Article 31-315-A-10].

29. Nicola Dalbeth, Tony R Merriman, Lisa K Stamp. Gout. Lancet 2016; 388: 2039-2052.

30. Kuntz D, Lioté F. Goutte. Encycl Méd Chir, Appareil locomoteur, 14-270-A-10, 2003, 23p.

31. Saar J, Kirch W. A new application for well-known

pharmaceutics-losartan and fenofibrate as potential remedies against gout? Dtsch Med Wochenschr 2014 Mar; 139(12): 608.

32. Perlemuter L, Perlemuter G. Goutte. Guide de Thérapeutique 2015, 2124-2128.

33. Alcaix D, Vittecoq O. Arthropathies microcristallines. EMC - Traité de Médecine Akos 2014; 9(4): 1-16 [Article 7-0610].

34. Zhang W, Doherty M, Pascual E. EULAR recommendations for calcium deposition. Part II: Management. Ann Rheum Dis 2011; 70: 571-5.

35. Grasland A. Arthrites virales. EMC, Appareil locomoteur, 14-207-A-10, 2010.

36. Pourel J, Chary-Valckenaere I. Borréliose de Lyme. EMC, Appareil locomoteur, 14-211-A-10, 2007.

37. Marcelli C. Manifestations rhumatologiques des endocardites infectieuses. EMC, Appareil locomoteur, 14-202-A-10, 2005.

38. Becker Jonathan A, Daily Jennifer P, Pohlgeers Katherine M, et al. Acute Monoarthritis: Diagnosis in Adults. American Family Physician 2016; 94: 810-816.

18