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Coraf Action Coraf Action 4e trimestre 2010 www.coraf.org N° 57 PRODUCTEURS ET UTILISATEURS AU CENTRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE LETTRE D'INFORMATION POUR LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLES EN AFRIQUE DE L'OUEST ET DU CENTRE Zone UEMOA : Intégration régionale, marchés et filières laitières L E MALI PRODUIT À PEU PRÈS CINQ CENT mille tonnes de lait par an, le Niger trois cent douze mille et le Sénégal cent quarante-trois mille, en 2003. Ceci est largement révélateur de ce pourquoi les importations de poudre de lait crois- sent. Si l’on ajoute à cette explication l’exigence de qualité des produits par les consommateurs ainsi que les difficultés des Programmes nationaux de promotion des innovations, dont ceux des cultures fourragères et d’in- sémination artificielle, alors se fait sentir l’urgence de définir des politiques pu- bliques adaptées. Les précédant, des institu- tions de recherche du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Sénégal ont lancé et exécuté le Projet «Intégration régionale, ac- cès aux marchés et diversi- fication de l’agriculture dans la zone UEMOA : options politiques pour des filières laitières compéti- tives et durables ». Financé par le CORAF/ WECARD, à travers le Fonds compétitif régional (FCR), le Projet a duré de 2005 à 2007. D’autres causes avaient justifié l’avènement d’un tel Projet. Les actions des services de l’élevage se sont, en effet, souvent limitées aux Pro- grammes de lutte sanitaire des troupeaux ; amélioration des tech- niques de transformation et de l’hygiène du lait. Donc, par défaut d’évaluation socioé- conomique de ces options techniques, ces Projets n’ont pas toujours abouti à de véritables recommandations de politiques nationales ou régiona- les. Le pourraient elles, d’ail- leurs, vu le nombre très réduit des recherches sur le fonc- tionnement des fi-lières et les marchés ainsi que leurs résultats peu valorisés. Au demeurant, jusqu’en 2003, l’élevage a souvent été le parent pauvre des poli- tiques agricoles en Afrique de l’Ouest. Modalités de privatisa- tion des sociétés d’Etat C’est pourquoi, ce Projet, sur- nommé « politiques laitières » par les chercheurs eux-mêmes, a voulu contribuer à l’élaboration des politiques publiques ayant des impacts sur la diversification des systèmes de production agricole et l’accès aux marchés laitiers. Pour ce faire, il con- vient, aujourd’hui, de mieux cibler les actions susceptibles de renforcer la compétitivité des filières laitières, pour appuyer la diversification des systèmes agricoles et favoriser une meilleure cou- verture de la demande des productions locales. sans prendre en compte le développe- ment de la production et du commerce des produits animaux. Ensuite, depuis deux décennies, de nombreux projets de recherche, conduits sur ces thématiques, sont essentiellement techniques : amé- lioration de l’alimentation ; améliora- tion des infrastructures d’élevage ; amélioration génétique et suivi sanitaire

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Coraf ActionCoraf Action4e trimestre 2010

www.coraf.orgN° 57PRODUCTEURS ET

UTILISATEURS AU CENTRE DE LA RECHERCHE AGRICOLE

LETTRE D'INFORMATION POUR LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLES EN AFRIQUE DE L'OUEST ET DU CENTRE

Zone UEMOA : Intégration régionale, marchés et filières laitières

LE MALI PRODUIT À PEU PRÈS CINQ CENTmille tonnes de lait par an, le Nigertrois cent douze mille et le Sénégal

cent quarante-trois mille, en 2003. Ceciest largement révélateur de ce pourquoiles importations de poudre de lait crois-sent. Si l’on ajoute à cette explicationl’exigence de qualité des produitspar les consommateurs ainsi queles difficultés des Programmesnationaux de promotion desinnovations, dont ceux descultures fourragères et d’in-sémination artificielle, alorsse fait sentir l’urgence dedéfinir des politiques pu-bliques adaptées. Lesprécédant, des institu-tions de recherche duBurkina Faso, du Mali, duNiger et du Sénégal ontlancé et exécuté le Projet«Intégration régionale, ac-cès aux marchés et diversi-fication de l’agriculture dans lazone UEMOA : options politiquespour des filières laitières compéti-tives et durables ». Financé par leCORAF/ WECARD, à travers leFonds compétitif régional (FCR),le Projet a duré de 2005 à 2007.D’autres causes avaient justifiél’avènement d’un tel Projet.Les actions des services del’élevage se sont, en effet,souvent limitées aux Pro-grammes de lutte sanitaire

des troupeaux ; amélioration des tech-niques de transformation et de l’hygiènedu lait. Donc, par défaut d’évaluation socioé-conomique de ces options techniques,ces Projets n’ont pas toujours abouti à

de véritables recommandations depolitiques nationales ou régiona-

les. Le pourraient elles, d’ail-leurs, vu le nombre très réduit

des recherches sur le fonc-tionnement des fi-lières etles marchés ainsi que leursrésultats peu valorisés. Audemeurant, jusqu’en 2003,l’élevage a souvent été leparent pauvre des poli-tiques agricoles en Afriquede l’Ouest.Modalités de privatisa-

tion des sociétés d’Etat

C’est pourquoi, ce Projet, sur-nommé « politiques laitières »

par les chercheurs eux-mêmes, avoulu contribuer à l’élaboration des

politiques publiques ayant des impactssur la diversification des systèmes deproduction agricole et l’accès auxmarchés laitiers. Pour ce faire, il con-vient, aujourd’hui, de mieux cibler lesactions susceptibles de renforcer lacompétitivité des filières laitières, pourappuyer la diversification des systèmesagricoles et favoriser une meilleure cou-verture de la demande des productionslocales.

sans prendre en compte le développe-ment de la production et du commercedes produits animaux. Ensuite, depuis

deux décennies, de nombreuxprojets de recherche, conduitssur ces thématiques, sont

essentiellement techniques : amé-lioration de l’alimentation ; améliora-

tion des infrastructures d’élevage ;amélioration génétique et suivi sanitaire

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CORAF ACTION N° 57 OCTOBRE-DECEMBRE 2010 2

ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

En gros, sont concernés cinq grands domaines : les pratiquesd’élevage et l’accès aux intrants ; l’accès aux ressources ; l’or-ganisation professionnelle ; les réglementations commercialeset fiscales ; le pilotage macroéconomique. Dans chacun deces domaines, les politiques publiques ont des objectifs etdes impacts spécifiques.En effet, les politiques d’élevage et d’accès aux intrants concernent les Programmes de santé animale, dont la pri-vatisation vétérinaire, les Programmes d’amélioration géné-tique, les règles d’accès aux sous-produits agro-industriels —quotas de graine ou de tourteau de coton, etc., l’organisationdu crédit agricole et la structuration des services d’en-cadrement technique. Il est attesté que ces politiques ont unimpact déterminant sur l’adoption de certaines innovations etles coûts de production, influençant donc le renforcement desstratégies de diversification des producteurs.Les politiques d’accès aux ressources regroupent les politiquesde régulation foncière, les Programmes d’aménagement, l’hy-draulique pastorale et les modes de gestion décentraliséedes ressources naturelles. Elles conditionnent aussi la dura-bilité des activités de diversification et permettent de sécuriserles investissements en capital productif — terre, animal,matériel.Les politiques d’organisation professionnelle concernent lesgrandes orientations en matière d’organisation des filières etd’organisation du monde paysan, de formation – relativementaux lois sur les statuts collectifs des associations, desGroupements d’intérêt économique (GIE), des coopératives,des fédérations, des communautés de base, etc. –, d’appuiaux organisations interprofessionnelles, à la concertationlocale et nationale avec les Chambres d’agriculture du Mali(CAM), les Commissions régionales des utilisateurs (CRU) etla Commission nationale des utilisateurs (CNU) au Mali, lesComités locaux de concertation des organisations de produc-teurs (CLCOP) et les Maisons des éleveurs (MDE) auSénégal, etc. Elles concernent également les grandes orien-tations en matière de modalités de privatisation des sociétésd’Etat, de prise en charge des systèmes d’information sur lesmarchés (SIM), d’organisation des écoles et des centres deformation agricoles.

Contrôle de l’hygiène et de la qualité des produits

Toutes ces politiques deviennent importantes dans la gestiondu monde agricole et la régulation des filières. Les paysafricains accordent, en effet, une place de plus en plusgrande à la participation des producteurs et des acteurséconomiques aux processus de leur élaboration. Ces dyna-miques d’organisation ont une influence directe sur la formationdu capital humain, la circulation de l’information économiqueet la diffusion des innovations. Elles conditionnent ainsi lesdynamiques de diversification et le renforcement de la com-pétitivité des filières.Les politiques commerciales et fiscales regroupent les ré-glementations sur les barrières douanières et tarifaires, lecontrôle de l’hygiène et de la qualité des produits, les niveauxde taxation intérieurs — taxe sur la valeur ajoutée, taxe surles bénéfices, taxes locales —, la simplification des procé-dures d’importation et d’exportation par la création du guichetunique, les mécanismes de subvention, les politiques de con-trôle ou de libéralisation des prix. Elles ont un impact direct

sur les coûts de production et de commercialisation ainsi quesur les niveaux de prix des produits importés en concurrenceavec les produits locaux. Elles sont fortement influencées parles négociations internationales autour des Accords del’OMC, des Accords de partenariat économique (APE) entrel’Union Européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et duPacifique.Enfin, les politiques macroéconomiques et d’investissementnationales concernent les politiques monétaires relatives auxtaux de change, aux taux d’intérêt, les grands projets d’amé-nagement du territoire, de construction et d’entretien desinfrastructures routières, ferroviaires et portuaires, les pro-grammes de recherche publique, etc. Elles conditionnent,directement ou indirectement, la compétitivité des filièreslocales.Dans la littérature, les questions abordées montrent que lesinterrogations relatives à l’élaboration des politiques laitièressont transversales pour plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest :questions sur le carctère saisonnier de la production,l’amélioration génétique du cheptel bovin, la qualité des pro-duits, l’émergence de filières industrielles, les niveaux d’ou-verture des marchés. Des demandes similaires émanent ainsides acteurs et des décideurs dans les différents pays, justi-fiant par conséquent la mise en commun des efforts deséquipes de recherche nationales. Par ailleurs, en raison del’harmonisation des règles des échanges commerciaux ausein du marché commun, certaines politiques se définissent àl’échelle régionale. Il s’agit, notamment, du niveau des bar-rières douanières, des règles de taxation intérieure et desmesures de contrôle de l’hygiène et de la qualité des produits.Ainsi, le Projet vise à proposer des options politiquesnationales et régionales permettant de faciliter l’accès auxmarchés, des options de diversification des producteurs agri-coles, tout comme il cherche à contribuer à l’émergence deplans nationaux de développement laitier, de réglementationdes produits et des politiques commerciales cohérentes.

L’impact des APE a été particulièrement étudié

Pour y parvenir, le Projet a produit des connaissances scien-tifiques sur l’analyse des marchés et de la demande en lait eten produits laitiers, l’analyse des facteurs de compétitivitédes filières laitières locales, la compréhension des détermi-nants de la diversification des systèmes agricoles vers laproduction laitière et la formulation d’options politiques pourrenforcer l’accès des petits producteurs aux marchés.Il a également renforcé la concertation nationale et régionalepour l’élaboration de politiques publiques dans le secteurlaitier à traduire en plans nationaux de développement laitier,en réglementations sur les produits, en politiques tarifaires,mais aussi pour la prise en compte de l’élevage dans laPolitique agricole de l’Union (PAU).Il a, enfin, contribué à la formation de ressources humaines— acteurs, agents des services d’encadrement, des OP, desONG, des administrations — impliquées dans l’élaborationde politiques et les recherches scientifiques. Il s’agissait d’en-cadrement de mémoires d’étudiants de troisième cycle,d’appui méthodologique à des thèses en cours, de renforce-ment des capacités des chercheurs sur les méthodesd’analyse des politiques.

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ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

Les résultats assignés étaient la production de connais-sances scientifiques régionales, c’est-à-dire la production derapports, d’articles scientifiques et de vulgarisation, de com-munications à des séminaires sur l’évolution des marchéslaitiers, les facteurs de compétitivité des filières locales, ladiversification de l’agriculture et sur les options de politiqueslaitières ; l’animation du Réseau régional de recherches surles politiques laitières en Afrique de l’Ouest (REPOL) incluantla mise en place d’un site web, la production de notes de syn-thèse et des échanges avec les experts de l’UEMOA ; l’or-ganisation, en fin de projet, d’un séminaire international surles politiques publiques et la compétitivité des filières laitièresen Afrique de l’Ouest.Les résultats assignés étaient aussi le renforcement de laconcertation régionale et nationale, autrement dit l’animationd’instances de concertation nationales impliquant chercheurs,décideurs, agents des ONG et des OP et permettant la forma-tion et l’information des acteurs sur les résultats scientifiques duProjet ; la rédaction d’un ouvrage de synthèse destiné auxacteurs et décideurs et faisant le bilan des recherches et descadres de concertation.Les résultats assignés étaient, enfin, la formation de res-sources humaines, à commencer par celle des chercheursdu Projet aux techniques de recherche-action et aux choixméthodologiques communs, par un atelier, en début deprojet, regroupant toute l’équipe de recherche ; puis à passerà la finalisation de 7 thèses de doctorat en cours et à l’en-cadrement de stagiaires de l’Ecole inter-Etats des scien-ceset médecine vétérinaire (EISMV) et de l’Ecole nationalesupérieur d’agriculture (ENSA) au Sénégal, de la Faculté d’a-gronomie de Niamey, de l’Ecole polytechnique de Katibougouau Mali, de l’Institut de développement rural au Burkina Faso,de l’Université de Ouagadougou, du département de géogra-

L’équipe de recherche au grand complet

Sénégal, Mali, Niger et Burkina FasoPapa Nouhine Dieye : coordination régionaleCécile Broutin, René Poccard-Chapuis, HarounaKoré, S. Hamadou et M. Ouedraogo : analyse desmarchésPapa Nouhine Dièye, Christian Corniaux, Gilles Vias, S. Hamadou et M. Ouedraogo : déterminants de lacompétitivitéMaty Bâ Diao, Doubangolo Coulibaly, G. Vias, S. Hamadou et M. Ouedraogo : diversificationGuillaume Duteurtre, Youssouf Koné, Koré Harouna,L. Tata, S. Hamadou et M. Ouedraogo : formulationde politiques et formationP. N. Dièye, M. Bâ Diao, D. Coulibaly, R. Poccard, G. Vias, S. Hamadou et M. Ouedraogo : concertationnationaleCheikh Ly : concertation régionaleG. Duteurtre : formation

phie de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar ; àfinir par la formation des acteurs et décideurs lors de ses-sions de diffusion et de vulgarisation des résultats derecherche.D’un point de vue méthodologique, le Projet a développé desanalyses basées sur des questions se rapportant à la filièredans son ensemble, à un « système constitué d’acteurs rem-plissant des fonctions qui sillonnent le parcours d’un produitou d’un groupe de produits, de l’exploitation agricole à labouche du consommateur ».Dans les cadres de concertation, ont été débattues lesoptions politiques relatives à l’élaboration de plans nationauxde développement laitier portant sur les modèles techniquesd’élevage et de transformation laitière, les règles d’accès auxintrants et aux ressources pastorales et les types d’organisa-tion professionnelle ; l’élaboration de réglementations sur laqualité respectueuses des spécificités des produits fermierslocaux et des exigences en matière d’hygiène et de santépublique ; l’impact des niveaux de taxation et de barrière tari-faire négociés dans le cadre des accords régionaux et inter-nationaux sur la dynamique de développement des filièreslaitières. Sous ce rapport, le cas de l’impact des APE a étéparticulièrement étudié.

Contact : Paco SéréméCORAF/WECARD, BP 48 Dakar RPCP 18523, Dakar, SénégalTél. : (221) 33 869 96 18Fax : (221) 33 869 96 31E-mail : [email protected] : SkypeseremeInternet : www.coraf.org

Les marchés face aux modes

de consommations du lait

NOUS VENONS DE VOIR QUE LA FAIBLE PRODUCTION DE LAIT NEcouvre pas la forte demande des consommateursOuest africains. Dès lors, quoi de plus attendu que les

importations de lait en poudre soient massives de trente-cinqmilliards de francs CFA au Sénégal, de quinze au Mali, dequatre-vingts au Niger ! Dans le même temps, les politiquespubliques n’ont pas cherché à favoriser un meilleur accès aumarché des produits locaux des producteurs céréaliers,cotonniers ou arachidiers engagés dans un processus d’in-tensification de leurs exploitations et d’intégration de l’agri-culture et de l’élevage. Voici autant de raisons justifiant lamise en œuvre, par des institutions de recherche du BurkinaFaso, du Mali, du Niger et du Sénégal, du Projet « Intégra-tion régionale, accès aux marchés et diversification de l’agri-culture dans la zone UEMOA : options politiques pour des filières laitières compétitives et durables », financé par leFonds compétitif régional (FCR) du CORAF/-WECARD,pour la période 2005-2007.

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ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

Dans la vallée du Fleuve Sénégal, les zones rizicoles duDelta du Niger, les bassins cotonniers du Sénégal, du Mali etdu Burkina Faso et autour de leur capitale, on observe ladynamique particulière qui s’y développe. En matière d’inno-vations techniques et organisationnelles, on a vu au sein deces bassins agricoles pionniers, les populations pastorales àl’œuvre pour la valorisation du lait, représentant une impor-tante source durable de revenus. La fabrication et la vente delait caillé et de beurre fermier ont, en effet, généré des oppor-tunités d’échange sous forme de troc ou des entréesrégulières d’argent, même dans les zones les plus enclavées. A côté de ces filières traditionnelles, « surgissent progres-sivement de terre », dans certaines zones agro-pastorales,de véritables bassins laitiers s’adonnant à la collecte journa-lière du lait frais, notamment aux abords des capitales maisaussi des villes secondaires, y compris celles du Tchad. Cetteactivité de collecte est à mettre à l’actif des entreprises detransformation modernes ou artisanales que sont ateliers,coopératives, centres de collecte, mini-laiteries, fromageries,laiteries industrielles.

Fédérant les compétences de chercheurs trop dispersés

Ces filières sécurisent les débouchés qu’elles procurent,offrent ainsi de réelles potentialités pour l’intensification dessystèmes agricoles et pastoraux, tout en permettant unemeilleure gestion de l’environnement, à savoir la conserva-tion des fourrages, la valorisation des résidus de récolte, l’utilisation du fumier et la traction animale. Elles favorisentégalement le développement de dynamiques d’organisationdes producteurs, l’émergence d’une demande solvable enfourrages, en semences animales ou en crédits et la modifi-cation des règles d’accès aux ressources.De surcroît, la régionalisation des échanges de produitslaitiers importés ou locaux — yaourt, lait fermenté, lait con-centré — et d’intrants — aliments de bétail, matériel géné-tique, emballages —, au sein de la zone UEMOA, justifie queles politiques nationales soient mises en cohérence, àl’échelle régionale. En effet, l’harmonisation des politiquestarifaires, fiscales et réglementaires de ses pays, les réflex-ions sur la Politique agricole de l’Union et les négociationsconduites par la CEDEAO sur la réduction des aides à l’ex-portation des pays du Nord militent toutes en faveur de cetteapproche régionale du problème.C’est ce qui fait dire aux chercheurs de ce Projet que « ce nou-veau contexte appelle une synthèse des expériences desdivers pays de la zone, comme souligné lors du colloque ‘Laitsain pour le Sahel’, tenu à Bamako, en mars 2005. La néces-sité d’une approche régionale des politiques d’élevage, pour-suivent-ils, est aussi soulignée par la FAO dans le cadre de sonInitiative en faveur des éleveurs pauvres. » A cela, ils ajoutentque le « Réseau de recherches et d’échanges sur les poli-tiques laitières (REPOL) peut permettre de répondre à cettedemande, en fédérant les compétences de chercheurs jusqu’icitrop dispersés dans diverses institutions nationales. »Au vu de tout cela, les chercheurs se sont penchés sur l’étudedes marchés, de la consommation du lait et des produits laitierset les stratégies de leur commercialisation dans les quatre pays.A Dakar, le lait en poudre est utilisé presque par tous lesménages. Son usage généralisé au petit-déjeuner consiste à

Le lait ultra-haute température (UHT) est consomméessentiellement sous forme de boisson, ce qui peutexpliquer qu’il soit faiblement consommé, durantle ramadan, par 46 % des ménages contre 98 %, en

dehors de cette période. Sa consommation ne cesse, pourtant, de croître, à Dakar, où les « abonnés » étaient déjà, en 2002, 60 % de sa population. Cette augmentation peut être liée à un changement d’habitudes.Quant au lait cru, il est consommé surtout sous forme de boisson, pendant le ramadan, et très fai-blement après. Ceci peut s’expliquer par la difficulté des gens de se le procurer, à Dakar, et par la perte degoût du lait naturel chez beaucoup. Les transformatricesou revendeuses rencontrées proposent surtout du lait caillé, parfois du lait cru, de l’huile de beurre(appelé en wolof « diw ñor ») ou de la crème.Le yaourt en pot, consommé par beaucoup deménages, mais en faible quantité, est surtout réservé au goûter des enfants.La consommation du fromage fondu, sous forme de tartine de pain au petit-déjeuner, est relativementimportante ; celle du gruyère est plus importante,en période de ramadan, mais il est réservé

plutôt au chef de famille à cause du prix élevé ; celle du lait concentré, qui semble avoir repris aprèsune forte baisse ayant suivi la dévaluation du franc CFA

de 1994, est essentiellement préférée en lait concentré non sucré par 49 % des ménages, pendant le ramadan, et par 88 %, après, ceci étant sans doute dû au fait qu’il serve, comme complément à d’autres produits laitiers, dans les plats à base de milsouvent servis au dîner. En augmentation en saison froide, la consommation hors du foyer — dont les gargotes (« tàngana » en wolof) — des

La préparation de lait caillé est le fait des transforma-teurs de rue qui achètent la poudre par sac de 25 kilos, qu’ils transforment en lait reconstitué liquide,avec des taux de dilution très variables. Puis, il le fermente, dans des bassines, avec un peu de lait fermenté. Le prix moyen de vente du lait caillé obtenu est de 600 francs CFA le litre. Les vendeurs rencontrés ont des niveaux d’activitétrès variables ; ils sont, cependant, majoritairementsatisfaits de l’évolution de leurs revenus et de leurclientèle. Tous d’origine pulaar, ils ont choisi cetteactivité, par tradition, et souhaitent la maintenir dansle futur.

acheter des sachets de plus de 400 à 500 grammes ; auramadan à faire du lait caillé domestique servant à la confec-tion de plats (voir encadrés).

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ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

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En matière de stratégies de commercialisation, l’utilisationdes indications géographiques est de rigueur. Les unités detransformation se servent du lait de vache pour fabriquer desproduits laitiers améliorés et mieux présentés aux consom-mateurs. Le lait cru est traité et transformé aussi bien en laitfrais pasteurisé qu’en lait caillé sucré ou non sucré et en huilede beurre. Ces produits sont mis dans des sachets plas-tiques hermétiques de 250, de 500 et de 1000 millilitres. Leurdifférenciation porte sur la marque adoptée par les laiteries,mais également sur les mentions sur l’emballage se rappor-tant généralement à la qualité ou au terroir.Chaque unité de transformation attribue une marque à sesproduits commercialisés. Les marques adoptées pour le laitlocal indiquent généralement le terroir du produit ou du pro-moteur. La référence à la culture pulaar permet de les parti-culariser par rapport aux autres, ce qui participe à les valoriser et à faciliter leur distribution pour la vente.Au Sénégal, le marché de produits laitiers s’agrandit de plusen plus. La prolifération du nombre de marques et l’accrois-sement de la consommation ont favorisé le développementde ces actions de marketing, dont la publicité à laquelle lesSénégalais sont réputés très sensibles, surtout le panneaud’affichage urbain en wolof qui « sénégalise » un très grandnombre de produits pourtant non sénégalais. Sur ce point, ilsemble que les emballages et les publicités créent une confusion chez les consommateurs, les induisent tout sim-plement en erreur sur l’origine et la composition des produits,se fondent sur le prestige d’une autre origine géographique,ne mentionnent pas l’origine de la matière première et nerenseignent pas sur la composition réelle. D’où la difficultépour le consommateur de faire la différence entre les pro-duits de lait naturel et ceux de lait en poudre.Au Burkina Faso, toujours parlant de la consommation du laitet des produits dérivés, notamment à Bobo-Dioulasso, lesétudes réalisées montrent que les ménages allouent à leurachat un budget mensuel proportionnel à leur revenu : de 2 406 ± 2 106 francs CFA pour un revenu mensuel inférieurà 30 000 francs CFA ; 2 499 ± 1 882 francs CFA pour unrevenu compris entre 30 000 et 60 000 francs CFA ; 3 024± 2 689 francs CFA pour un revenu compris entre 60 000 et90 000 francs CFA ; 2 407 ± 2 167 francs CFA pour un revenu compris entre 90 000 et 150 000 francs CFA ; 5 000 francs CFA pour les revenus supérieurs à 150 000 francsCFA. Les dépenses mensuelles moyennes consacrées os-cillent entre 200 et 14 000 francs CFA chez les gens du Nordet entre 200 et 12 000 francs CFA chez les gens du Sud. Ils dépensent en moyenne, par mois, 2 830 ± 2613 francsCFA chez les Nordistes et 2 170 ± 2 006 francs CFA chez lesSudistes, qui sont significativement différents au seuil de 1 %, traduisant effectivement des dépenses plus importanteschez les premiers. Les produits les plus consommés sontalors le yaourt, le lait pasteurisé et le fromage. Plus leurrevenu augmente, plus ce budget est important (voir tableau

Source : Pale, 2006

Plusieurs autres facteurs influencent l’achat : l’hygiènecitée par 27 % des enquêtés, le prix par 23 %, le goût par18 %, la disponibilité par 11 %, l’emballage par 10 %, lafacilité d’usage par 7 % et la facilité de conservation par 6 %. En ce qui concerne le prix, la sensibilité des consom-mateurs a été examinée par les chercheurs.L’échelle de prix acceptable pour le consommateur se situeentre 125 et 200 francs CFA, soit entre 500 et 800 francs CFAle kilo de yaourt (voir figure 1).

Figure 1 : sensibilité au prix du yaourt conditionné en sachetde 125 grammes

Dans le cas du lait pasteurisé, les chercheurs ont effectuéune extrapolation permettant d’estimer entre 150 et 250 francsCFA l’échelle de prix acceptable du demi-litre de lait frais, soitentre 300 et 500 francs CFA le litre (voir figure 2). Cetteéchelle reste dans la fourchette des prix jugés accep-tables par la majorité des consommateurs (59 %), en2006.

Source : Pale, 2006

Figure 2 : sensibilité au prix du demi-litre de lait

Source : Pale, 2006

1). Par contre, lorsque leur revenu est faible, ils ont tendanceà diversifier.

Tableau 1 : dépenses mensuelles en lait et en produits laitiers,selon le niveau du revenu des enquêtés

produits laitiers concerne essentiellement le café au lait (ajout de lait reconstitué poudre ou de laitconcentré sucré) et la tartine de pain avec de la margarine.

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ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

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Au Mali, l’étude a conduit à la caractérisation de la consom-mation du lait, des produits laitiers et des profils de consom-mateurs. Cette consommation est corrélée au niveau derevenus déclarés et cumulés à l’échelle du foyer (voir tableau2). A Bamako, la consommation moyenne par habitant et paran va du simple au quadruple entre les classes de revenus.Ségou s’aligne sur la même tendance, mais dans de moindresproportions. A Sikasso, le lien est moins net, le niveau deconsommation parait moins lié aux revenus. Mopti présenteun système bien différent, le niveau global de consommationestimé étant deux fois inférieur à celui des autres villes. Paradoxalement, les chercheurs noteraient plutôt la tendanceselon laquelle la classe la plus pauvre en consomme, moyen-nement, deux fois plus que la classe la plus riche !

Tableau 2 : niveaux de consommation de lait et de produitslaitiers (LPL) et classes de revenus à Bamako

Le chiffre en gras indique une moyenne de consommation, en kilo parhabitant et par an. Le chiffre en italique et entre-parenthèses indique l’écart-type autour de cette moyenne. A Ségou et à Sikasso, la distinctionn’est pas faite entre les classes de revenus 3 et 4 (fondues en une seuleclasse, de plus de 100 000 francs CFA par mois).

A Bamako, les quantités de lait et de produits laitiers consommées sont nettement dépendantes des revenus.Consommer beaucoup de lait y est un luxe. A Mopti, aucontraire, il semble faire partie du mode d’alimentation,pour toutes les classes de revenus et, par ce fait, ne peutêtre assimilé à du luxe. L’élévation du niveau de vie sembleouvrir l’accès à de nouveaux types de consommation nonlaitiers. Le lait, à Mopti, serait un aliment traditionnel, lié àun mode de vie, dont les gens s’éloignent quand ils s’en-richissent.

Pour ce qui est des types de produits consommés, des dif-férences notables apparaissent entre les villes (voir figures3). Bamako se détache par l’énorme part de la poudre de laitconsommée par 76 % des foyers. Le lait frais représenteseulement 14 % des dépenses en produits laitiers, mais estbien présent dans les autres villes, avec 50 % dans cesdépenses. Le lait frais et le beurre fondu (« sirimè » en bambara) se dis-tinguent en importance, à Mopti. A Sikasso, le lait frais, lacrème fermentée (« féné » en bambara), le lait caillé et le laityaourt (en réalité caillé, aromatisé et sucré) s’arrogent 65 %des parts de consommation. Ségou se distingue commeayant la consommation la plus diversifiée sur les 4 villes.

Figures 3 : part de chaque produit dans les dépensestotales en LPL des foyers

A Bamako, les modes de consommation sont divers et variés.Ainsi, le yaourt est surtout réservé aux enfants ; le fromage,produit rare, voire exceptionnel, le beurre fondu, le lait frais etle beurre mais dans une moindre mesure – sont réservés àune certaine catégorie de consommateurs.Le beurre et le fromage sont consommés surtout le matin.Mais quand le lait en poudre est aussi consommé le matin,avec du café, ou du thé, ou à l’état pur, le lait frais, bu pur leplus souvent, parfois mangé avec le couscous et le lait caillé,l’est presque toujours le soir, sans doute pour des raisons dedélai d’acheminement depuis la ferme.

Les chercheurs ont cherché les causes de cette offre marginale

Mais il faut compter avec l’envers de la consommation. Eneffet, il existe bien des motifs de rejet des produits laitiers liésà plusieurs facteurs. En premier, le yaourt est le plus souventrejeté, parce qu’il est nouveau, émergent et cher pour lesgens de Ségou et de Mopti, sauf pour celles de Bamako et deSikasso. En second, sont difficilement accessibles les produits fraisissus de la production locale de lait cru, à Bamako, ce quin’est pas le cas dans les villes plus petites, où la distribution

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par bicyclette est facile et efficace. En dernier, le goût desproduits d’origine locale — lait caillé et lait fermenté — cons-titue un facteur de rejet fréquent chez les Bamakois, pasailleurs, alors que la qualité sanitaire n’affecte que très peuleur choix, y compris sur les produits locaux.A l’opposé, le lait en poudre est le mieux accepté par tous lesconsommateurs qui font très souvent fi de son prix élevé,d’autant que, grâce aux emballages en micro-dose, il devientaccessible aux plus petites bourses.Au Niger, Niamey offre le plus gros marché laitier pour unepopulation urbaine qui s’accroit au rythme de 4,9 % par an.Mais la production locale est loin de couvrir les besoins descitadins, le bilan laitier faisant apparaitre un important déficitqui s’accroît, d’année en année : de 58 121,2 tonnes, en2000, il passe à 78 586,2 tonnes, en 2006.De ce fait, les chercheurs notent que la consommationmoyenne par habitant en lait local baisse aussi : 6,7 litres, en1990, contre 4,6 litres, en 2000, ces chiffres étant en-deçàde 93 litres par personne et par an, la norme des Nationsunies.Suite aux enquêtes menées, les données permettent dedégager certaines tendances et certains facteurs : les quan-tités consommées en lait local diminuent, si la tranche desdépenses ou la taille du ménage augmente ; elles sont plusfaibles, chez les cadres que chez les autres catégories socio-professionnelles urbaines ; elles sont plus élevées, en zonerurale qu’en zone urbaine ; le lait frais de vache n’est consommé que par 36,6 % des ménages urbains, concur-rencé qu’il est par le lait importé, que ce soit l’UHT ou le pas-teurisé.Sur le marché urbain, sa disponibilité en quantité et enqualité est, avant tout, le problème majeur, car Niameycompte une importante population à faibles revenus consommant des plats, dont il est une des principales com-posantes, telles les bouillies. Les chercheurs ont cherché lescauses de cette offre marginale auprès des conditions deproduction et de commercialisation. C’est pourquoi, ilsrestent convaincus que « le recours aux importations nepermet de combler qu’une partie de ce déficit, en ‘année nor-male’. Par contre, en année de crise alimentaire aigüe, lesaides internationales, souvent tardives, contribuent à rendrele bilan excédentaire, comme ce fut le cas en 2005-2006. »

Contact : Harold Roy-MacauleyCORAF/WECARD, BP 48 Dakar RPCP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18Fax : (221) 33 869 96 31E-mail : [email protected]

La compétitivité des filières laitières :

les déterminants étudiés

AVEC L’EXÉCUTION DU PROJET « INTÉGRATION RÉGIONALE,accès aux marchés et diversification de l’agriculturedans la zone UEMOA : options politiques pour des

filières laitières compétitives et durables », on peut affirmerque rien n’a été laissé au hasard. C’est le cas de le dire, carles équipes de recherche du Burkina Faso, du Mali, du Nigeret du Sénégal ont sérieusement étudié ou analysé le sys-tème laitier périurbain sénégalais vu sous le prisme de lacompétitivité de la filière laitière, les facteurs de compétitivitédes produits laitiers au Mali, la compétitivité des prix des élevages laitiers dans la région de Niamey au Niger et lesfacteurs de compétitivité de la filière laitière de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso. C’était de 2005 à 2007, avecl’appui financier du Fonds compétitif régional (FCR) duCORAF/ WECARD.Pour étudier le système laitier périurbain sénégalais sousl’angle de la compétitivité de la filière locale, les chercheursse sont penchés sur le cas de la ceinture laitière périurbainede Kolda caractéristique de la dynamique d’extension desbassins de collecte ruraux.Dans le département de Kolda, au sud du pays, les interac-tions spatiales entre ville et campagne, les systèmes locauxterritorialisés innovants de production ainsi que les réseauxde proximité ont impulsé une dynamique à la filière, qui aengendré des mutations dans les rapports sociaux, àl’échelle du terroir. Et ces derniers, qui peuvent être sourcesde développement local, induisent de nouveaux rapportséconomiques entre les acteurs.Considérées comme une innovation majeure au sud-est, lesétables laitières sont relativement récentes, dans cetterégion. Ainsi, les promoteurs de la stabulation visaient moinsla production de lait que de fumure organique de qualité etl’amélioration de l’état corporel des animaux de trait. C’est àpartir de 1985 que cette pratique a été véritablementadoptée, avec la création d’étables fumières se servant desgraines de coton pour assurer la complémentation alimen-taire des animaux retenus.

Soixante-dix-sept pour cent des producteurs et 72 % des villages au nord

On peut, dès lors, comprendre la « facilité » avec laquelles’est opérée l’intégration agriculture-élevage, dans les sys-tèmes cotonniers à faible usage d’intrants. Cette expérienceest mise en oeuvre au sein de petites exploitations familiales.Elle consiste à mettre en place un suivi sanitaire des ani-maux, à mettre à la disposition des producteurs des intrantsalimentaires — graine de coton —, à appuyer l’édificationd’un habitat amélioré — étable cimentée. Ces conditions ontété favorables à une production laitière, d’où le regain d’in-térêt noté chez les exploitants, auquel est venue s’ajouter larentabilisation de l’étable.

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C’est ainsi que démarre l’approvisionnement timide en laitdes centres urbains de Kolda, de Vélingara, de Tambacoundapar leur « arrière-pays » que sont les villages situés plus oumoins à 25 kilomètres.L’organisation de la production de lait, combinée à la possi-bilité d’en disposer, en toute saison, était, par conséquent,considérée comme une révolution dans l’élevage de cettelocalité. Car, sachez-le, le tarissement des vaches, provoquépar la baisse de la qualité et de la quantité des ressourcesalimentaires, imposait des pratiques ne permettant pas deles traire, en saison sèche.Naturellement, s’en est suivie, en 1995, la création de lapremière unité de transformation du lait cru de la ville deKolda, qui a assuré la stabilisation des débouchés. Ce qui faitdire aux chercheurs qu’« un enjeu économique se dessine,car il existe une production et un marché potentiel. Letourteau de coton, les étables, les mini-laiteries ont constituéla base de ce modèle de développement. En une décennie,le bassin de collecte s’est étendu, des innovations organisa-tionnelles sont notées, avec la naissance d’interprofessionsdu lait. Les évolutions ont également montré l’apparition denouveaux acteurs dans le développement de la filière. Il s’agitd’un corps de collecteurs-livreurs, dynamiques, vecteurs d’in-formation entre la ville et les villages. »A cela s’ajoute l’avantage que procure la situation géo-graphique du département, une véritable opportunité d’é-changes actifs à davantage exploiter entre le Fouladou(région naturelle) et les Etats frontaliers. En effet, le bassinde production de Kolda s’est développé non pas sur l’axeest-ouest beaucoup plus étendu, mais plutôt sur celui nord-sud limité respectivement au nord par la Gambie et au sudpar la Guinée-Bissau. De ce fait, il comporte deux zones deproduction : une zone nord-nord-ouest — communautésrurales de Ndorna et de Saré Bidji — et une zone sud —communautés rurales de Ndorna et de Saré Bidji au nord etde Dioulacolon, de Médina El Hadj, de Tankanto Escale et deSalikégné au nord-ouest — séparées, l’une de l’autre, par lepérimètre communal. (Voir carte 1).

Carte 1 : localisation géographique des villages du bassin decollecte du lait dans le département de Kolda, en 2002

Carte 2 : localisation géographique des villages du bassinde collecte du lait dans le département de Kolda, en 2005

En quelques années, le nombre de producteurs a été mul-tiplié par 15 : de 23 dans 9 villages en 1994, il est passé à108 en 1998, dans 30 villages ; celui des laiteries arti-sanales : de 1 en 1996, il est passé à 5 en 2001, puis à 8d’une capacité entre 50 et 350 litres par jour et employant2 à 4 personnes chacune. Ces unités de transformationont collecté 21 253,5 litres de lait, en 1996, 57 028 litres,en 2000, 231 450 litres, en 2005 (voir figure 1). A présent,plus de 350 producteurs et près de 100 villages se sontengagés dans cette activité.

Figure 1 : évolution du nombre de laiteries et de volumesde lait cru collectés à Kolda

Source : Centre de recherches zootechniques de Kolda et données d’en-quêtes auprès des mini-laiteries

En 2005, les données recueillies montrent que 77 % des pro-ducteurs et 72 % des villages du département se trouvent aunord.Au cours des dernières années, les villages les plus éloignésde la ville de Kolda, qui étaient de 6 kilomètres, au début, sesituent, aujourd’hui, à plus de 30 kilomètres, dans le nord.Cet élargissement du bassin de collecte pourrait être un indi-cateur de la viabilité de ce système de production laitièrebasé sur la valorisation des sous-produits agro-industriels. Ils’est accompagné d’une augmentation du nombre de pro-ducteurs, de la quantité collectée tout comme de la multipli-cation des unités de transformation (voir carte 2).

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Afin de mieux comprendre la distribution des richessesgénérées et l’implication de chaque acteur dans l’économiedu pays, ils ont conçu une matrice d’analyse individuelle.Concernant le producteur, est pris en compte le caractèresaisonnier de la production, les deux saisons connaissantdes problématiques différentes, surtout la disponibilité desressources fourragères.De même, ils attestent que l’activité de transformation estfinancièrement rentable. Le bénéfice s’évalue à 34,26 mil-lions de francs CFA, ce qui représente 154,5 francs CFA parlitre de lait caillé commercialisé.

Tableau 2 : cartographie des unités de transformation

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Il faut savoir qu’en saison des pluies, toutes les vaches envêlage produisent du lait commercialisable par les produc-teurs qui trouvent des débouchés, parce que le marché dulait est fortement frappé par un déséquilibre entre l’offre etla demande suivant les saisons.

Cette activité est plus rentable que celle de transformation

Cependant, les chercheurs doivent à la vérité de révéler quele nombre de producteurs adhérents est très faible par rap-port à la population des villages et à celles censées s’in-téresser à l’activité. A cela, ils donnent plusieurs raisons.La première c’est que la culture peulh, d’après certains, consi-dère la « marchandisation » du lait à grande échelle commeune atteinte à l’honneur et à la dignité de leur ethnie. La seconde est que, pour la plupart des exploitations, le trou-peau est la propriété de plusieurs individus ou de groupesd’individus ou confié par des parents à des proches. Cecirend la prise de décision relative au mode d’exploitation dutroupeau plus complexe : le recours aux accords internespour choisir les acteurs est assez fréquent ; la gestion com-mune du troupeau peut emmener une famille à refuser la production laitière à des fins commerciales, à cause de ladistribution des revenus pouvant les lier ; sans oublier lemanque de confiance, la jalousie ou les exigences de ladémocratie interne.Enfin, la troisième raison est liée aux dires des producteurssoutenant n’avoir accès à une quantité suffisante de grainede coton pour participer à une bonne campagne de produc-tion laitière. A ce sujet, notons, d’ailleurs, le comportementassez particulier de certains d’entre eux qui, à la place d’unecomplémentation au tourteau de coton, se lancent dans l’em-bouche avec le même produit. De même, des éleveursutilisent la graine de coton à des fins autres que la productionlaitière, comme, par exemple, renforcer le bétail affaibli parles rigueurs de la saison sèche. Soulignons tout de même que beaucoup ne disposent pasde cheptel bovin, mais de petits ruminants ou de volaille oupratiquent l’agriculture.En tout état de cause, d’après les chercheurs, la filière laitièrepériurbaine de Kolda est financièrement rentable. Le béné-fice des producteurs et transformateurs s’élève à 84,3 mil-lions de francs CFA, soit 380 francs CFA par litre de lait commercialisé. Sur le plan économique, elle dégage un gainsocial de 96 millions de francs CFA. Par conséquent, la dif-férence entre le bénéfice au prix du marché et le bénéfice auprix de référence étant négatif, ils peuvent conclure que « les acteurs de la filière contribuent à la croissance de l’économie, au-delà de la rémunération qu’ils reçoivent. »

Tableau 1 : cartographie de la filière consolidée

Source : Diarra, 2007

133 057 800 64 381 936 34 411 553

167 487 790 46 102 763 89 278 852,0

18 279 173 -55 014 541

Recette échangeables échangeables Bénéfice

Prix du marché

Prix de référence

Ecart

Biens nonBiens

-34 429 990

34 264 311,3

32 106 175

2 305 378

Source : Diarra, 2007

En considérant les deux saisons, la production est aussirentable, sur le plan financier. Le bénéfice est de 53,6 millionsde francs CFA, autrement dit 242 francs CFA par litre de laitcommercialisé. Il semble donc que cette activité est plusrentable que celle de transformation. Sur le plan économique,les producteurs recourent aux intrants non échangeables,comme les résidus de culture et les parcours naturels.

La chute de l’offre de lait en poudreAinsi, les transformateurs font face à deux impératifs :sécuriser leur approvisionnement pour garantir des revenusstables, fabriquer des produits compétitifs aptes à satisfaireles très exigeants besoins des consommateurs urbains etgénérer d’importantes marges. Dans ce système, qui reposeainsi sur des engagements diversifiés et complexes entreéleveurs, la stabilisation et la sécurisation des livraisons sontassociées à l’organisation des transactions entre acteurs. Au Mali, afin de préciser les facteurs de compétitivité des pro-duits laitiers, 700 acteurs ont été interrogés dans les princi-paux centres urbains que sont Bamako, Koutiala, Mopti,Ségou et Sikasso. Le prix est un facteur discriminant entre lesnombreux produits mis sur le marché. Les produits, condi-tionnés par les unités locales, et le lait UHT sont les pluschers, soit respectivement 500 à 700 et 1000 francs CFA lelitre. Par conséquent, les plus consommés en ville sont aussiles plus abordables, entre 250 et 350 francs CFA le litre, toutau moins quand leur volume de conditionnement estsupérieur à 250 grammes. Il s’agit du lait concentré et du laiten poudre. Contrairement à l’idée reçue, les produits laitierslocaux sont vendus dans la même gamme de prix que cesdeux produits importés, en particulier dans les villes sec-ondaires. Le sirimè et le féné sont même très « bon marché » à 100 francsCFA le litre.Le facteur prix n’explique donc pas, à lui seul, l’écart, sem-blant grandissant, entre les ventes de lait importés, notam-

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A Bamako, où la poudre de lait domine, le lait local est lemoins cher des laits frais. Il est moins cher que Nido, deuxième meilleure vente après Laicran, et totalisant 40 %des volumes de lait en poudre vendus, en hivernage, et 34 %,en saison sèche. La différence de volume de vente entre cesmarques est de 15 %.A Mopti, le caractère saisonnier est très marqué. En hiver-nage, le prix au litre du lait local est le plus compétitif. Ensaison sèche, le prix du litre de lait frais est multiplié par 2,4.La chute de l’offre de lait en poudre a conduit à une haussebrutale du prix, ce qui se traduit par une croissance desventes sur les marchés des quartiers.La compétitivité du prix du lait en poudre est relative, dépen-dant des villes et des saisons. A Bamako, elle n’explique pas,à elle seule, l’écart de consommation entre le lait local et lelait en poudre.

Premier poste de dépense, celui de la main d’oeuvre

Au Niger, dans la région de Niamey, la compétitivité du prix dusystème d’élevage intensif coopératif a été également étudiée.Il faut dire que les coûts de production en sont un facteur-clé,car ils déterminent le niveau de la rentabilité financière de laproduction laitière. Au niveau de la coopérative, le coût moyendu litre de lait, en 2006, est de 259,7 francs CFA. L’écart entreces deux catégories d’éleveurs est important : 355,2 francsCFA le litre pour les petits producteurs contre 164,2 francs CFApour les grands éleveurs. L’examen par les chercheurs de lastructure de ces coûts de production révèle une situation contrastée, avec une prédominance des charges opéra-tionnelles chez les grands éleveurs qui est de 67 % sur le coûttotal et une prépondérance des charges de structure qui sontde 66 % du coût total chez les petits éleveurs. « Ce fait sembletémoigner d’une différence dans le mode de gestion des trou-peaux. », tirent-ils comme conclusion.

Par rapport à 1995, ce sont les gros éleveurs qui ont le niveaude charges opérationnelles le plus proche de celui observé,c’est-à-dire 59 % du coût total.Chez les gros éleveurs, les dépenses, liées aux cultures four-ragères, constituent le poste budgétaire le plus important descharges opérationnelles (51 %), tandis que chez les petitséleveurs, ce sont les frais d’achat d’aliments complémentaires(43,4 %).Quant aux charges de structure, le premier poste de dépenseest celui de la main d’oeuvre : 50 % pour les petits éleveurset 75,7 % pour les grands éleveurs. Car la majorité des pro-priétaires utilise les services de bouviers – en réalité, les vraisgestionnaires des troupeaux – qui gagnent un salaire men-suel ainsi composé : 0,5 litre de lait par jour (15 litres lemois), les recettes de la vente du fumier et entre 15 000 et 20 000 francs CFA par étable. Comme on vient de le voir, ceposte de dépense, qui pèse lourd sur le budget du propriétairedu troupeau, est, en tout cas, sans rapport avec les résultatstechniques et économiques mitigés obtenus par les étables.Le lait produit est en grande partie vendu et utilisé à l’état fraisou caillé. Fraîches, 19,5 % des quantités le sont aux abonnéset 80,5 % au niveau du marché.En comparant deux groupes d’éleveurs hommes et femmes,les chercheurs ont remarqué les quelques faits suivants.D’abord, l’auto-consommation de lait frais représente chez lesfemmes 31,3 % et chez les hommes 26,8 %. Ensuite, la quan-tité de lait frais vendue est aussi plus élevée (56,65 %) chezles femmes que celle (35 %) chez les hommes. Enfin, unepart non négligeable de la production laitière des troupeauxappartenant aux hommes est commercialisée sous forme delait caillé, soit 20 % contre 9 % de celle des troupeaux appar-tenant aux femmes. Les coûts de production du lait est un élément important de lacompétitivité du lait local, puisqu’il détermine en partie larentabilité financière de l’activité. Lorsque les chercheurs conti-nuent cette comparaison, le coût de production du litre est de164,6 francs CFA chez les femmes et de 68,5 francs CFAchez les hommes. Ce qui donne un important écart de 96 francs CFA le litre en faveur des hommes qui passent pourêtre les plus performants.

La concurrence entre lait importé et lait local

Pourtant, la structure de ce coût de production est sensiblementla même avec la prédominance des charges opérationnellesdans l’un et l’autre groupe : 78,8 % pour les femmes et 83,56 % pour les hommes. En d’autres termes, les dépensessont essentiellement consacrées à l’entretien des animaux.Les investissements en matériel et en infrastructure sont trèsfaibles, car l’essentiel de ces charges de structure estreprésenté par les frais de main-d’oeuvre. De même, les coûtsdes aliments complémentaires, qui correspondent à 75,45%(chez les femmes) et à 77,8% (chez les hommes) descharges opérationnelles, ne constituent pas des élémentsmajeurs de différenciation entre eux.En outre, prenant la marge brute et le revenu net d’exploita-tion comme critères de rentabilité ainsi que le prix du marchéde 350 francs CFA le litre comme base de calcul, l’analysedes chercheurs montre que, alors que les femmes réalisent lamarge brute de 38 francs CFA le litre, les hommes obtiennentjusqu’à 210,4 francs CFA, soit 5 fois plus.

ment le lait en poudre, et du lait local. Une autre explicationest la force de distribution de ces produits importés : le denseréseau de boutiquiers est prédominant aussi bien au niveaudes flux commercialisés qu’à celui du nombre d’acteurs parcitadin. Ils vendent 2 à 10 fois plus que les autres détaillantset sont près de 20 fois plus nombreux à Bamako (voir figure2). Au fond, l’atout majeur du lait en poudre est sa disponi-bilité à un prix compétitif, en ville.Figure 2 : importance quantitative des acteurs de la filière laitau Mali

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Il en est de même en ce qui concerne le revenu net d’ex-ploitation qui est meilleur chez les hommes, les femmes pro-duisant, cette fois, carrément à perte, soit moins 4 635 francsCFA l’an contre 361 192 francs CFA chez les premiers. Toutcomme, d’ailleurs, le seuil critique de production qui est deplus de 52 % dépassé par les hommes, alors que les femmesproduisent en-deçà de ce seuil, avec un écart de 13 % envi-ron. Dès cet instant, il reste clair qu’elles ne pourrontaméliorer leurs résultats financiers que grâce aux recettesprovenant de la vente des autres productions du troupeau.Terminant par l’étude des facteurs de compétitivité de la fi-lière laitière locale à Bobo-Dioulasso, ils la fondent sur uneanalyse des stratégies et des comptes d’exploitation des prin-cipaux acteurs. A l’échelle de la production, les résultats révè-lent des marges brutes de 111 francs CFA le litre, dans lesélevages à faibles intrants, contre 8 francs CFA le litre, dansles élevages semi-intensifs. Dans les élevages intensifiés,par contre, si l’on tient compte de l’amortissement des bâti-ments et autres infrastructures lourdes, la production de laitengendre une perte de l’ordre de 58 francs CFA le litre. Concernant les échelles de la transformation et de la distri-bution, la rentabilité est partout assurée, avec une marge plusélevée pour le fromage. La concurrence entre lait importé etlait local ne semble pas se jouer en termes de prix, maisplutôt en termes de qualité et de disponibilité.Alors, les chercheurs concluent ainsi : « Malgré les amélio-rations récentes sur le plan organisationnel, la filière restevulnérable du fait de l’incertitude de l’offre. La ‘saisonnalité’de la production se répercute, en effet, sur les niveaux d’ap-provisionnement des unités de transformation et sur les prixdu marché. La pérennité de la filière passe alors par l’adop-tion de stratégies de sécurisation de l’offre (arrangementscontractuels), de réduction des coûts de production, d’organi-sation des acteurs et d’amélioration de son environnementinstitutionnel. »

Contact : Hamadé KagonéCORAF/WECARD, BP 48 Dakar RPCP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18Fax : (221) 33 869 96 31E-mail : [email protected] : www.coraf.org

Lait : la diversification des systèmes

de production étudiée

LES COOPÉRATIVES D’ÉLEVAGE LAITIER AU NIGER, LE LAIT DANSles stratégies de diversification des revenus des agro-pasteurs au Sénégal, les déterminants de l’adoption de

l’insémination artificielle pour l’amélioration de la productionlaitière par les élevages bovins de la région de Fatick auSénégal, l’analyse de la diversification des systèmes de pro-duction agricole vers l’activité laitière de Bobo-Dioulasso, auBurkina Faso, et au Mali, telles sont les tâches assignées auProjet « Intégration régionale, accès aux marchés et diversi-fication de l’agriculture dans la zone UEMOA : options poli-tiques pour des filières laitières compétitives et durables ».On peut affirmer que rien n’a été laissé au hasard. C’était de2005 à 2007, avec l’appui financier du Fonds compétitifrégional (FCR) du CORAF/WECARD.L’Etat nigérien a mis en place des unités de production à lastation de Kirkissoye, entre 1972 et 1974. C’était dans le butde développer un élevage laitier intensif sur des périmètresirrigués. Chaque unité comportait 1 hectare de culture four-ragère, 8 vaches et 1 étable équipée de petit matériel. La lai-terie SOLANI gérait ces unités, préfinançait les activités d’irri-gation, d’apport d’engrais, d’aliments de bétail et de produitsvétérinaires et récupérait le lait produit ainsi que les rem-boursements du capital bétail accordé aux éleveurs. Ce n’est qu’en 1990 que les éleveurs créent une coopérativeavec le retrait de la laiterie, tout en assurant la gestion de cesactivités que sont l’approvisionnement, le suivi des animauxet la commercialisation du lait. Depuis lors, des changementsmajeurs sont intervenus et ont affecté les performances deséleveurs. Mais présentement, constatent les chercheurs, les activitésde la coopérative se sont rétrécies, comme peau de chagrin,à la production laitière. Une bonne partie du périmètre est àl’état de friche. Seuls quelques exploitants mettent en valeurleurs parcelles, durant 5 à 8 mois correspond à la saison despluies, afin de réduire les coûts de l’irrigation. Les parcellesexploitées varient de 0,1 à 3,15 hectares. Les exploitants deparcelles de la graminée Echinochloa stagnina (bourgou enDjerma et Koudou ou koundou en songhaï) (1,87 hectareirrigué chacun) ont généralement des troupeaux de grandetaille. Certains possèdent jusqu’à 2 étables, alors qu’audépart, le principe d’attribution était une étable par éleveur, cequi traduit une tendance à la capitalisation tout en entraînantdes coûts d’entretien du bétail.L’instabilité dans la propriété des étables, changeant fréquem-ment de mains, a fait qu’en 2006, l’ancienneté des exploitantsvariait de 2 à 6 ans, a entraîné de lourdes conséquences surla conduite des élevages ainsi que sur la non-émergence deséleveurs commerciaux professionnels.Sur la base du nombre d’animaux élevés, les chercheurs ontidentifiés deux catégories d’exploitants : les gros et les petitsexploitants. Les premiers ont un troupeau important avoisi-nant les 24 bovins et les seconds un faible troupeau s’ap-

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ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

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Les chercheurs ont, ensuite, décelé que la moitié des pro-ducteurs demandent les génotypes mixtes – le même animaldisposant du même potentiel de lait et de viande – (30 %) ;les génotypes bouchers (29 %) ; les génotypes laitiers (21 %).D’après eux, la logique, guidant ces choix, se rapportent àleur ardent désir de sécurité alimentaire, de diversificationdes revenus, d’acquérir une grande expérience d’emboucheet de disposer d’un marché laitier non étroit et enclavé. En effet, les génotypes mixtes sont très recherchés pour leurqualité à fournir une certaine sécurité alimentaire amélioréepar la disponibilité d’une plus grande quantité de lait (enpartie consommée), par la vente du surplus augmentant lebudget des propriétaires et par celle des animaux qui les va-lorisent mieux. Les métis, qui le sont plus pour leurs intéres-sants prix de vente largement plus élevés, à 400 000 francsCFA, que les animaux de race locale, à 150 000 francs CFA,séduisent ainsi les producteurs dotés d’une grande expé-rience d’embouche bovine paysanne. En cela, ils ne pou-vaient mieux faire que de porter leur choix, à 29 %, sur lesgénotypes bouchers purs.

Faire que la technique cible, pour le moment, certains producteurs

Quoique bien accueillie, l’adoption de cette technique perfor-mante a pour principale contrainte son coût relativementélevé et non à la portée de la bourse des éleveurs. C’est laraison pour laquelle, d’ailleurs, les campagnes, organiséespar l’Etat, sont subventionnées, pour que l’éleveur n’ait àpayer que 10 000 francs CFA pour chaque vache inséminée.Mais il est dommage de constater que leur organisationirrégulière et très espacée et le faible taux de réussite (voirencadré) de l’insémination artificielle amènent les bénéfi-ciaires à vouloir solliciter les inséminateurs privés qui n’y vontpas de main morte, se faisant payer le même premier ser-vice sans retour entre 60 000 à 80 000 francs CFA, ce qui,outre mesure, constitue un sérieux handicap pour une largediffusion de cette biotechnologie.

prochant des 9 bovins. Tous n’utilisent qu’une main d’oeuvresalariée chargée de nettoyer les étables, d’entretenir les ani-maux et de traire les vaches. Ils utilisent également les aliments grossiers — paille de riz et bourgou —, mais lesquantités fournies aux animaux sont plus importantes chezles premiers que chez les seconds, parce qu’eux-mêmesproduisent ces fourrages. De même, les premiers se serventplus des aliments riches — tourteau de coton, aliment concentré, drèche —, alors que les seconds utilisant desgraines de coton, du son de blé et de riz plus disponibles etplus accessibles.

Porter leur choix, à 29 %, sur les génotypes bouchers purs

L’Etat sénégalais accorde aussi une importance capitale à laproduction laitière, vu son importance dans l’alimentation depopulations, ses enjeux économiques, politiques et culturels.Avec l’appui des Partenaires au développement, il a lancédivers programmes sur des actions spécifiques. Cela va s’endire que la part de la spéculation laitière dans les revenusdes agropasteurs permet de cerner son importance par rap-port aux autres activités de production, son impact sur la for-mation des revenus des exploitations et sur la lutte contre lapauvreté en milieu rural. Ainsi, les chercheurs ont enquêté sur 100 agropasteurs de31 villages de la région de Fatick, au centre-ouest du pays.Ce minutieux travail révèle que la vente du lait, réservée auxfemmes, a lieu dans les exploitations, le marché de Fatick,les grands marchés hebdomadaires ruraux. Il montre éga-lement que le lait est souvent vendu cru ; que seulement 12 % des femmes mariées — 5 % en zone urbaine, 6 % en zone périurbaine, 1 % en zone rurale — le caillent et consomment la plus importante partie.Mais, le problème majeur, qu’est le manque de débouchésvers les marchés, limite cette activité. Le prix du litre de laitcru est vendu entre 250 et 300 francs CFA. Les produitslaitiers, eux, rapportent en moyenne 134 571 francs CFA paran. A cela vient s’ajouter le fait que la vente rapporte enmoyenne 366 482 francs CFA, en zone urbaine, 82 740 francsCFA, en zone périurbaine, et 23 980 francs CFA, en zonerurale, par an.Cela va s’en dire que les agropasteurs des zones enclavéesconsomment une bonne partie de leur production de lait, toutsimplement parce qu’ils peinent à rallier les marchésextérieurs où l’écouler.Dans les élevages bovins de cette même région, leschercheurs ont trouvé les déterminants de l’adoption de l’in-sémination artificielle pour l’amélioration de la productionlaitière. A commencer par la pertinence de la stratégied’amélioration génétique. Les producteurs se disent tousconvaincus de cela, ce qui est difficile à interpréter. En effet, il est fort probable que ceux, opposés à cette tech-nique, n’aient pas souhaité se manifester. En tous les cas, ilsreconnaissent la faible productivité de leur bétail et souhaitentaméliorer leurs performances par un appui scientifique.Paradoxalement, seuls 18 % d’entre eux seraient prêts à s’yengager, sans réserve. Les 82 % restants se déclarent favo`-rables, mais réclament d’importantes mesures d’accompa-gnement pouvant lever les lourdes contraintes d’ordre alimentaire et organisationnel.

En analysant le rapport coût-bénéfice de celle-ci, les cher-cheurs montrent que l’induction des chaleurs aux femellesconstitue le poste de dépenses le plus important, avec plusde 50 %. Ceci est surtout lié au prix des produits utilisés etaux frais de déplacement des inséminateurs, au moment dutraitement de synchronisation des chaleurs — pose et retraitdes implants ou spirales. Pour y remédier, le Projet d’appui àl’élevage (PAPEL), qui compte minorer les coûts, a fait faire,en 2005, une étude visant la comparaison technico-économique des deux options d’insémination artificielle surchaleurs naturelles et sur chaleurs induites.

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CORAF ACTION N° 57 OCTOBRE-DECEMBRE 201013

ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

A quoi est due la réussite des opérations de cettetechnique ?Les facteurs de réussite tiennent essentiellement à labonne préparation physique des vaches à inséminer,à la bonne programmation saisonnière des opérationset à la compétence des techniciens. Certaines cam-pagnes étatiques ont été organisées, pendant lapériode de forte pénurie alimentaire qu’est la secondemoitié de la saison sèche, or le taux de réussite estfortement corrélé à l’état général de la vache ! Parailleurs, le taux de vêlage observé pourrait êtreamélioré, si les mortalités embryonnaires étaientréduites, comme dans la région de Fatick qui enenregistre 26,5 %.Qui plus est, le fait que les mâles soient beaucoupplus nombreux que les femelles décourage quelquepeu 35 % des producteurs, pour la bonne et simpleraison que 32 % trouvent longs d’attendre la produc-tion de lait. S’y ajoute la période de gestation — entrel’insémination de la vache locale et le premier vêlagede la femelle métisse — qui dure au moins 4 ans,d’où le choix général porté par les bénéficiaires surles génotypes bouchers. De même, sont élevés, poureux, les coûts induits de stabulation – constructiond’abris, achat d’aliments complémentaires et surtoutmobilisation de la main-d’oeuvre en transhumancevers le Ferlo, de février à octobre – et de traitementpréférentiel alimentaire, dans les conditions actuelles.Enfin, s’y ajoute le risque de perdre les veaux métisainsi que leur mère de suite de dystoria, faute desurveillance de la naissance des premiers pesant enmoyenne plus lourds que les locaux, surtout lorsquela seconde n’a pas été bien choisie (multipare aveclarge bassin) et alimentairement bien préparée.

Pour lever toutes ces contraintes, les éleveurs de Niakharpréconisent d’être appuyés pour faire face aux charges ali-mentaires et sanitaires. Ils préconisent également que lescoûts d’intervention puissent être réduits, avec le soutien duPAPEL et du FNRAA. Ils suggèrent, enfin, qu’une technologieplus sécurisante ou des géniteurs performants puissent êtreutilisés. Comment va-t-on procéder ? Les coûts liés à l’alimentationpourraient être diminués, si des stratégies communes d’ac-quisition des intrants sont développées par les producteurseux-mêmes. Pour sécuriser la base de l’amélioration géné-tique, l’acquisition de géniteurs est indispensable pour pallierle déficit du service de l’insémination de proximité et la fai-blesse de ses résultats. Pour garantir la sécurité sanitaireaux animaux, il importe d’assurer le suivi sanitaire et épidémio-logique spécifique de la pathologie de la sphère mammaire. D’autres mesures d’accompagnement doivent être aussiprises. Parmi elles, on peut avoir la prise en compte des fonc-tions autres que la production. Il s’agit de la collecte, de laconservation et de la transformation dans de saines condi-tions d’hygiène et de qualité ; de l’introduction non contrôlée

de gènes exotiques dans les élevages au moyen de l’insémi-nation artificielle ou des croisements entre animaux locaux etmétis, avec comme conséquence la réduction de leurscapacités d’adaptation, voire la baisse de leur productivité ;de la revue de la politique gouvernementale introduisant latechnique dans toutes les régions. Elles doivent, de même, faire en sorte que la technique cible,pour le moment, certains types de producteurs. La raison enest la suivante : les exigences du mode de production semi-intensif. Car ces derniers doivent disposer de capitaux à in-vestir, notamment, dans la stabulation, être capables demaîtriser correctement leur environnement, avoir une cer-taine technicité et pouvoir accéder à des débouchés sûrsreposant sur une bonne organisation de la collecte et la com-mercialisation du lait.

Ce sont elles qui déterminent les systèmes de cultureA Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, l’analyse par leschercheurs du Projet de diversification des systèmes de pro-duction agricole vers l’activité laitière avait pour but de com-prendre les pratiques d’introduction et (ou) d’amélioration dela production laitière. Ainsi ils ont mis en évidence le systèmed’élevage à faible utilisation d’intrants composé de deuxtypes d’exploitation (désignés par A1 et A2) et du systèmed’élevage à orientation commerciale composé aussi de deuxtypes d’exploitations (désignés par B et C).En périphérie de la ville, elle s’est révélée intéressante pourbeaucoup de groupes ethniques et de chefs d’exploitation.De même, dans les élevages à faible utilisation d’intrants, 26 % des A1 et 70 % des A2 sont dorénavant propriétairesterriens, alors qu’ils étaient, auparavant, respectivement 7 et30 %. Cette situation leur a permis de passer du statut depasteurs à celui d’agropasteurs, les premiers produisant descultures de subsistance, tels le sorgho, le mil et le maïs, et lesseconds des cultures de rente, telles que le coton et le maïs.Hormis cela, les chercheurs n’ont pas manqué de noter laprésence de l’élevage de petits ruminants et de volaille.A contrario, dans les élevages à orientation commerciale, lesB exploitent les cultures de contre-saison, comme le maïs, et l’arboriculture, comme la banane et la papaye, et les C l’élevage porcin.Au Mali, l’analyse par les chercheurs des facteurs détermi-nants de la diversification des systèmes agricoles vers l’ac-tivité laitière leur a ouvert les portes de la compréhension deleur dynamique, de leurs caractéristiques et de leur diversité.Pour cela, ils ont privilégié la zone cotonnière sud et la zonerizicole irriguée de l’Office du Niger. La première est connue pour recevoir 700 à 1 200 millimètresde pluies, voire plus, durant 5 à 6 mois, c’est-à-dire entre mai-octobre de chaque année. Par contre, la seconde reçoit enmoyenne moins de 600 millimètres de pluies réparties de juinà septembre, autrement dit sur 3-4 mois. Or, ce sont elles qui déterminent les systèmes de culture et lepotentiel des ressources pastorales de la zone cotonnière.La maîtrise de l’eau par l’irrigation favorisant l’avènement dedeux saisons, la culture de contre-saison de riz et lemaraîchage connaissent un essor certain, dans les péri-mètres de l’Office du Niger. La disponibilité des ressourcespastorales détermine, à son tour, les systèmes d’élevage etla conduite des troupeaux des deux systèmes de production

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ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

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agricoles. Ceux des deux zones sont à dominante agricole,l’élevage lui étant intégré à différents degrés.

L’agriculture est encore et encore prépondérante

Néanmoins, dans de tels systèmes de production, leschercheurs trouvent que l’élevage bovin joue un rôle capitaldans leur développement durable, puisque la majorité desunités de production acquièrent des boeufs pour le labour etle transport et tout un troupeau pour le maintien de la fertilitédes sols et le recyclage des résidus de culture en élémentsnutritifs.Ainsi, ils divisent les exploitations d’élevage en 9 types. Dansle sous-système à Niono, qui en compte 4, le premier(dénommé A) est celui où les unités de production sontdétenues par les jeunes agro-éleveurs de 35 ans enmoyenne. La taille de leur famille comprend 24 personnesdivisées en 3 ménages en moyenne et situées entre 15-65 ans, dont près de 8 sont actives dans le travail. Ellesemploient de la main-d’oeuvre salariée permanente et de lamain-d’oeuvre temporaire, possèdent en moyenne dessuperficies cultivées avoisinant les 5,87 hectares, 7 boeufsde labour et moins de 50 têtes naisseuses, dont près de 29 vaches laitières.Le second type (B) comprend les chefs de famille, des agro-éleveurs âgés en moyenne de 47 ans et à la tête de famillesde grande taille de 44 personnes environ et divisées en 6 ménages à peu près et ayant entre 15-65 ans, dont 12 ac-tives dans le travail complétées par de la main-d’oeuvresalariée permanente de près de 3 ouvriers agricoles ainsique par la main-d’oeuvre temporaire sollicitées, durant lacampagne agricole. Elles consacrent 10,59 hectares enmoyenne au riz et au maraîchage et sont équipées, pour cefaire, de 4,5 paires de boeufs de labour. Au total, elles pos-sèdent un effectif moyen de moins de 100 bovins et de 12 vaches laitières.Le troisième type (C) est constitué des chefs d’exploitation de42 ans en moyenne, dans une famille de 37 personnes envi-ron divisées en 4 ménages et dans une population de 15-65 ans, dont 9 actives dans le travail. Elles embauchentpresque 2 ouvriers agricoles permanents et sollicitent de lamain-d’oeuvre temporaire, lors de la campagne agricole,détiennent à peu près 5 paires de boeufs de labour et plus de100 bovins (dont environ 23 vaches laitières) pour l’épargnedes revenus agricoles, la traction, la production de fumure. Le quatrième type (D) comprend les chefs d’exploitationâgés de 45 ans en moyenne et ayant l’élevage pour activitédominante. Leurs familles, qui sont de grande taille avec 42 personnes, appartiennent à près de 4 ménages et com-prennent 13 personnes actives âgées entre 15-65 ans secondées par pas moins de 2 ouvriers agricoles perma-nents et temporaires, aux périodes cruciales de culture. Lesexploitations disposent de faibles superficies cultivées, sontsans boeufs de labour, malgré la très importante taille dutroupeau de bovins qui est de 27,50 têtes en moyenne. Lesmâles sont élevés pour être vendus comme boeufs de labourou d’exportation.En ce qui concerne le sous-système coton de Koutiala, leschercheurs ont décelé 5 types. Le premier (désigné A),dominé par l’activité agricole, a pour chefs d’exploitation des

jeunes d’environ 37 ans, une famille de 2 ménages et de 7 personnes, dont 4 actives dans le travail appuyées par aumoins 1 ouvrier agricole permanent et 2 ouvriers temporaires,pendant les périodes intensives de travail. Elles disposent depeu de terres cultivées, en moyenne 3,83 hectares, mais pratiquent un assolement très diversifié par le coton, le maïs,le mil, le sorgho, le niébé, l’arachide ainsi qu’un important élevage de caprins. Pour la constitution du troupeau debovins, elles en sont qu’à leur début, avec un effectif moyende 10 têtes qu’elles placent dans le troupeau d’une voisine,tout en restant propriétaires du lait produit.Dans le deuxième (B), où l’agriculture domine aussi, les chefsd’exploitation âgés de 47 ans en moyenne, appartiennent àdes familles de près de 3 ménages et de 12 personnes, dont9 actives de 15-65 ans secondées par 1 ouvrier agricole permanent et 1 ouvrier agricole temporaire. Ils disposentd’une réserve foncière importante, mais seulement de deuxpaires de boeufs de labour dans un troupeau de 15 têtes envi-ron. Pourtant, les chercheurs notent que « les paysans de cetype sont autosuffisants. »Dans ce troisième type (C), où l’agriculture est encoreprépondérante, les chefs d’exploitation, des agro-éleveurs de55 ans, appartiennent à des familles qui comptent enmoyenne 4 ménages, 19 personnes, dont 10 actives sou-tenues par environ 2 ouvriers agricoles permanents et 2 tem-poraires. Ils ont pour usage de cultiver 9,47 hectares, parassolement dominé par le coton et le maïs et au moyen de 4 paires de boeufs. Leur troupeau avoisine les 30 bovins, dontquelques vaches laitières, et les 10 caprins.Le quatrième type (D) ne fait pas exception à ce qui estdevenu une règle : la prédominance de l’agriculture. Lesunités de production sont détenues par des agro-éleveurs de42 ans, issus de familles comptant en moyenne 3 ménages,16 personnes, dont 11 actives soutenues par 3 ouvriers per-manents et 2 temporaires. Elles ont pour usage de cultiver 30à 42 hectares réservés, en premier, au coton, en second, aumaïs, au sorgho, au mil, au riz, à l’arachide et au niébé. Pourcela, elles se servent de boeufs de labour à suffisance, àpartir d’un troupeau de 60 bovins en moyenne. Dans le cinquième type (E), où l’agriculture est encore etencore prépondérante, les unités d’exploitations sontdétenues par des agro-éleveurs de 49 ans, issus de famillescomposées de 4 ménages de 17 personnes, dont 8 actives.Elles ont coutume de cultiver des superficies élevées depresque 34,84 hectares de coton, de maïs, d’arachide, desorgho, de mil, avec, au complet, des charrues, des char-rettes, des multiculteurs et 4 paires de boeufs de labour, dansdes troupeaux supérieurs à 60 têtes, dont un importantnombre de vaches laitières.

Mais que font-ils de leurs revenus, se sont demandés les chercheurs ?

Au Mali, l’importance de l’élevage s’apprécie, dans les deuxsystèmes de production, à l’aune de la structure et de la com-position des troupeaux bovins présentant une grande diversitéentre le sous-système coton et celui du riz irrigué (voir tableau1). Ils sont de types naisseurs, avec une proportion élevée defemelles reproductrices, la proportion la plus élevée de veaux,de génisses, de taurillons de la zone cotonnière, d’un quartenviron de boeufs de labour et des taurillons.

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Tableau 1 : Importance des systèmes d’élevage bovin dansdeux systèmes agricoles

ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

CORAF ACTION N° 57 OCTOBRE-DECEMBRE 201015

Catégories animales Zone office du Niger Zone cotonnière(Niono)

Bœufs de labour

(Koutiala)

p.100Effectifp.100Effectif

16415505 13

1113 29 34901Vaches

502 13 9241Veaux mâles

623 16 13353Veaux femelles

558 14 15398Génisses

474 12 11299Taurillons

109 368Taureaux 3

Total 3884 100 2675 100

Mais les chercheurs ont constaté que le lait a été longtempsconsidéré comme un produit secondaire chez les agro-éleveurs. Les effectifs des vaches sont beaucoup plus réduits,à Koutiala, et plus homogènes, à l’Office du Niger. Leséleveurs pratiquent la transhumance, en saison sèche et enhivernage. Cela a été dit, plus haut, que la production de lait est fonctionde la saison (voir tableau 2). Par conséquent, dans la zone del’Office du Niger, seuls 10 % des exploitants font la traite toutel’année, 85 %, en saison sèche, et 5 %, en saison pluvieuse.En cette dernière, cette faiblesse se comprend, parce quec’est la période de transhumance. Les animaux sont éloignésdes centres de consommation. Les pistes sont peu praticables.En saison sèche, le pâturage manque, et la seule préoccupa-tion des éleveurs, qui arrêtent la traite, c’est assurer la surviedes couples mères-veaux.

Tableau 2 : Production et gestion du lait des éleveurs

Caractéristiques production de lait Site

Koutiala Niono

Moyenne de lait produit en saison sèche (litres/jour) 4 6

Moyenne de lait produit en hivernage (litres/jour) 6 8

Moyenne de lait frais vendu en saison sèche (litres/jour) 3 4

Moyenne de lait frais vendu hivernage (litres/jour) 4 5

Moyenne du prix du lait frais en saison sèche (FCFA/litre) 151 185

Moyenne du prix du lait frais en hivernage (FCFA/litre) 136 185

Tableau 3 : Importance de la vente du lait des débouchés

exploitations Laiterie

Danaya Nono Marché

Type A 90 10

Type B 60 40

Type C 80 20

Type D 100 0

Types

Donc la production de lait est vendue aux trois-quarts desprélèvements par saison et le reste destiné à la consomma-tion familiale ou aux bergers. Les agro-éleveurs, qui habitentles villes secondaires que sont Niono et Koutiala, ont pourprincipal débouché en lait frais le réseau de laiterie, appeléDanaya Nono. Dans la pratique, ils amènent le lait au pointde collecte du village, d’où le transporte quotidiennement uncycliste à la laiterie, ou vont la leur livrer directement.Ce que cette laiterie commercialise représente une partimportante des ventes de lait, selon le type d’exploitation

On peut en dire autant sur le prix moyen de chaque litre delait vendu variant également suivant la saison, le débouchéet la zone de production. Les producteurs de Koutialaaffichent des prix inférieurs à ceux de Niono. Au marché deNiono, ils se situent entre 250 et 300 francs CFA le litre, ensaison sèche, contre 225 et 250 francs CFA, en saison despluies, alors que celui de la laiterie est fixe, 200 francs CFA,tout au long de l’année. Pourtant, elle paie le litre de lait fraisà 150 francs CFA, en saison des pluies, et à 190 francs CFA,en saison sèche ! Au marché, il est de 150 francs CFA, ensaison des pluies, à 25 kilomètres de Koutiala, contre 180 francs CFA, en ville. Il s’élève légèrement, en saisonsèche, de 170 francs CFA, autour de Koutiala, contre 200 francs CFA, en ville. Mais que font-ils de leurs revenus, se sont demandés, àjuste titre, les chercheurs ? A l’Office du Niger, où la venteest l’apanage des femmes sur 85 % des exploitations, lesrecettes servent à satisfaire les dépenses domestiques (plusde la moitié) et à assurer l’alimentation et la santé des ani-maux. Les C et D en prélèvent 62 % et 50 % pour l’alimen-tation et la santé des animaux.Dans la zone cotonnière de Koutiala, les exploitations E consacrent 80 % à l’alimentation et aux soins des animaux.Par contre, les B et C mettent 60 et 75 % dans les dépensesdomestiques.

Contact : Hamadé KagonéCORAF/WECARD, BP 48 Dakar RPCP 18523, Dakar, Sénégal Tél. : (221) 33 869 96 18Fax : (221) 33 869 96 31E-mail : [email protected] : www.coraf.org

(voir tableau 3). Ses capacités de transformation ne per-mettent pas de traiter toutes les quantités produites,surtout en hivernage. Dès lors, elle s’oblige à fixer àchaque producteur un quota. Dans cette condition, chacundevra trouver d’autres débouchés pour écouler son reste,sur le marché, directement aux consommateurs ou par l’in-termédiaire des collecteurs revendeurs. En tous les cas, ce commerce avec la laiterie a améliorél’organisation de la traite et la gestion du lait : le paiementdes recettes est mensuel ; le coût des aliments et des pro-duits vétérinaires en est déduit. Mais… il y a un gros mais, ila exclu la femme de la prise de décisions de gestion du laitet des recettes !!!

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CORAF ACTION N° 57 OCTOBRE-DECEMBRE 2010

ECHOS DE LA RECHERCHE REGIONALE

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KoldaImpact des politiquessur le système laitier

périurbain

ETUDER LES POLITIQUES SUR LE SYSTÈME LAITIER PÉRIURBAINdéfie le bon sens, car il est une vraie gageure. C’est ceque montre celle du Projet « Intégration régionale,

accès aux marchés et diversification de l’agriculture dans lazone UEMOA : options politiques pour des filières laitièrescompétitives et durables », déroulé de 2005 à 2007 etsoutenu par le Fonds compétitif régional (FCR) du CORAF/WECARD.En effet, les chercheurs à la tâche ont mesuré les effets despolitiques, en utilisant les indicateurs que sont le coefficientde protection nominal (CPN), le coefficient de protectioneffectif (CPE) et le coefficient de l’avantage comparatif(CRD). Ensuite, ils les ont comparés pour pouvoir discuter del’efficacité de ces politiques. Pour ce faire, ils procédèrent àl’analyse de la situation de la filière, des unités de transfor-mation, des producteurs et des consommateurs, qui a donnédes résultats ainsi que les montre ce tableau 1.

Tableau 1 : coefficients de protection et de compétitivité dela filière à Kolda

Source : A. Diarra, 2007

Au niveau de la filière, le CPN du lait est inférieur à 1. Cequi signifie que le lait n’est pas protégé, car les acteursgagnent moins que ce qu’ils gagneraient en situation delibre-échange, donc ne sont pas incités à en produire. De même qu’en tenant compte de l’activité, le niveau duCPE est aussi inférieur à 1, autrement dit la valeur ajoutéefinancière est inférieure à ce qu’elle aurait été sans l’inter-vention de l’Etat qui a découragé la production laitièrecomme toute autre intervention, d’ailleurs. Et les chercheurs de conclure que « le fait que le CPE soitinférieur au CPN montre que les intrants utilisés dans la fil-ière sont taxés. »

L’équivalent d’un dollar en ressources domestiques

Au niveau des unités de transformation, ces deux indica-teurs restent toujours inférieurs à 1. En clair, cela veut direque les acteurs ne sont pas incités à produire et gagneraientplus dans une situation de libre-échange. Au niveau des producteurs, la protection est assurée, bienqu’elle soit faible (CPN et CPE supérieurs à 1). D’où le fait

qu’ils gagnent actuellement plus que ce qu’ils gagneraient,en situation de libéralisation totale.En analysant les résultats du CRD (tous inférieurs à 1), ilsdémontrent que la zone de production a un avantage com-paratif par rapport au marché international : les producteurset transformateurs sont économiquement très efficients ; lavaleur des ressources nationales, utilisées dans la produc-tion d’une unité de produit laitier, est inférieure à la valeurajoutée épargnée. C’est-à-dire qu’il serait beaucoup plusrentable de produire du lait ici, au lieu de l’importer, afind’améliorer la balance commerciale du pays et d’économiserdes devises pouvant servir à l’achat de biens, dont la pro-duction locale est inefficiente. Cela leur fait affirmer qu’auniveau de la filière, « l’équivalent d’un dollar en ressourcesdomestiques produit 2,13 dollars de devises étrangères. »Au niveau des consommateurs, ils indiquent que la faibleprotection des unités de transformation constitue une incita-tion à la consommation. Le prix au marché du lait est inférieurà ce qu’il serait, dans une situation de libre-échange.

Sa tendance actuelle est d’augmenter à 100 %En comparant les deux coefficients de protection et le CRD,ils montrent que, malgré son efficience, la filière laitière n’estpas soutenue par les pouvoirs publics. Alors que lesressources nationales se font de plus en plus rares, il devientplus que nécessaire qu’ils soutiennent les secteurs les pluscompétitifs.Quant à la variable la plus importante pour l’évaluation despolitiques et de l’avantage comparatif, il s’agit, sans doute,du cours mondial des produits laitiers, par rapport auquel semesurent la compétitivité de la production locale et les effetsdes politiques. Les subventions des pays exportateurs deproduits laitiers, en particulier l’Union européenne, ont poureffet de baisser ces prix. La suppression de ces subventionsaura, par conséquent, comme effet une amélioration de lacompétitivité du système laitier périurbain de Kolda, ainsiqu’en atteste ce tableau 2 qui présente l’effet d’une augmen-tation du prix du marché international sur la compétitivité desproducteurs.

Tableau 2 : sensibilité des résultats de compétitivité desproducteurs aux variations du prix de référence

% du prix de base 90% 100% 120% 150% 200%

Prix CAF du lait enpoudre 1105,09 1227,9 1473,45 1841,8 2455,76

0,86 0,81 0,73 0,64 0,53CRD producteurs

Source : A Diarra, 2007

Au risque de se répéter, les chercheurs reviennent sur le faitque les producteurs sont très sensibles aux variations du prixdu lait en poudre. Or sa tendance actuelle sur le marchéinternational, est d’augmenter à 100 % environ, ce qui doitpleinement justifier un soutien de la part des pouvoirs publicsaux filières laitières locales. Car il lui revient très couteux decontinuer à importer le lait en poudre.

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CORAF ACTION N° 57 OCTOBRE-DECEMBRE 201017

ECHOS DE LA RECHERCHE NATIONALE

En outre, ils notent que les relations,existant entre les différents acteurs de lafilière, sont complexes. En effet, la protec-tion excessive des producteurs revien-drait à taxer les transformateurs. Or celledes transformateurs aussi entraineraitune non-incitation à la consommation.Ceci montre bien le caractère complexeet souvent divergent des politiques com-merciales. « Par conséquent, concluent-ils, toute politique, qui se veut cohérente,doit prendre en compte cette réalité ».Cependant, bien que les politiques com-merciales soient très importantes dansla stratégie de promotion du secteurlaitier, elles ne peuvent, à elles seules,garantir les conditions de son dévelop-pement. Bien au contraire, elles appa-raissent comme un des outils despolitiques sectorielles plus vastes. Ainsi,les politiques fiscales et tarifaires doiventêtre accompagnées de mesures d’appuitechnique à la production, de promotionde la transformation, d’amélioration dela qualité des produits et des pro-grammes sanitaires, etc.

Contact : Armand FayeCORAF/WECARD, BP 48 Dakar RPCP 18523, Dakar, Sénégal

Tél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31E-mail : [email protected] : aramandfayeYahoo Messenger : armand.faye Internet : www.coraf.org

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DANS LA COURSE EFFRÉNÉE VERS LA RÉ-solution des effets du changementclimatique, l’Afrique refuse d’être à

la traîne. Elle décide alors de se placeren pôle position. Surtout à la veille de la17e conférence des parties de Durbande décembre 2012. Comme un seulhomme, elle s’est retrouvée, pour la première fois, en conférence sur lechangement climatique et le dévelop-pement (CCDA), un mois avant, à Addis-Abeba, du 17 au 19 octobre 2012, pour se

définir une position commune nationaleet internationale en vue de la confé-rence des parties de Durban de dé-cembre de la même année. C’était surinvitation de la Commission écono-mique des Nations unies pour l’Afrique(CEA) et la Commission de l’Unionafricaine (CUA) et de la Banque afri-caine de développement (BAD).Se penchant sur le thème « Priorité audéveloppement : lutter contre les effetsdes changements climatiques en Afrique»(voir encadré), les 400 participants sesont préoccupés de la résolution dedeux équations : dans les politiques,stratégies, programmes et pratiques dedéveloppement, comment prendre encompte les problèmes liés aux chan-gements climatiques. Dans le régimeou dispositif de lutte international, com-ment permettre le renforcement de laposition du continent et sa participationaux négociations internationales pourque ses priorités y soient prises encompte.Aussi ont-ils mis en exergue les oppor-tunités offertes par l’adoption de l’optionde développement « réduction desémissions dues à la déforestation et àla dégradation » (REDD+), les liensforts établis entre adaptation et atténua-tion des effets, l’importance de l’accèsà l’énergie pour le développement.Aussi ils ont également privilégié l’im-pact du phénomène sur les modes desubsistance en partie dû à la réductionde la productivité agricole et à l’aggra-vation du stress hydrique. Ils en ont,enfin, fait de même de l’introductiond’un accord international à caractèrecontraignant après l’expiration du pro-tocole de Kyoto, la nécessité de tirer

parti des mécanismes de financementexistants, tout en envisageant la créa-tion de nouveaux. Ainsi, à l’issue de cette grande « messe »,l’importante déclaration, qui suit, a étéadoptée par ces représentants d’Etats,de Communautés économiques régio-nales, d’organisations de bassins fluviaux, d’Organisations non gouver-nementales, de Sociétés civiles, deSecteurs privés, d’Universités et de Par-tenaires au développement.

Des comités média comme partenaires privilégiés

Sur la question de la climatologie, desdonnées, informations et prestations deservice, ils ont, tout d’abord, noté le rôlede premier ordre joué par les informa-tions climatologiques dans la planifica-tion du développement et, à l’échellenationale, dans la gestion des opportu-nités, des risques liés au climat, desoptions de lutte que sont l’adaptation etl’atténuation. Ils ont aussi souligné lanécessité de s’appuyer sur des faits etconnaissances scientifiquement éta-blis, de disposer de données, d’informa-tions et de systèmes de prestation deservice fiables. Ces trois éléments per-mettront de parvenir à une perceptioncommune africaine des signes tan-gibles, de l’ampleur des effets sur la crois-sance économique, le développementsocial et d’adopter, en conséquence,des mesures concrètes de lutte.Pour ce faire, la conférence a invité lesEtats à tenir compte du phénomène, àrenforcer les capacités, à collecter, àanalyser et à exploiter les données etinformations et à les mettre à la dispo-sition de tous les décideurs et prati-

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Thème : Priorité au dévelop-pement : lutter contre les effetsdes changements climatiques en AfriqueSous-thèmes :• Climatologie, des données,informations et prestations deservice• Développement de la résis-tance et de l’adaptation auxchangements climatiques• Résistance aux effets deschangements climatiques et ledéveloppement à faibles émis-sions de carbone• Aspects économiques etfinanciers

ciens. A cet égard, elle en appelle auCentre africain de la politique du climat(ACPC) de la CEA pour les appuyer, deconcert avec la CUA et la BAD.Elle exhorte les Centres régionauxd’excellence (CRE) à approfondir larecherche continentale sur le climat,avec comme but le renforcement desfondements scientifiques ainsi que laréduction des incertitudes des projectionsclimatiques destinées aux utilisateurs.Cette préoccupation a pour consé-quence d’entraîner la recherche à répon-dre aux besoins locaux, à s’avérer plusconcrète et à se baser sur des politiquesprécises.Dans le même ordre d’idées, elle solli-cite les scientifiques africains, exerçantsur place ou de la diaspora, à participerdavantage au processus de création denouvelles connaissances au moyen,notamment, de la modélisation deschangements climatiques et, du coup, àcontribuer au renforcement des capa-cités continentales. Sur ce dernier point,elle attend l’apport renforcé des institu-tions mondiales, tels le Système mon-dial d’observation du climat (SMOC) etl’Organisation météoro-logique mon-diale, sur tous les plans en matière dedonnées et d’informations climatolo-giques. En dernier ressort, la conférence prie lesEtats à prendre en compte les besoinsdes Systèmes d’observation du climatlors de l’élaboration des Plans régionauxd’adaptation aux changements clima-tiques, adopter le concept d’assurancerécolte au profit des producteurs et aiderà mettre sur pied des comités médiacomme partenaires privilégiés.

La prise de conscience et la mobilisation de masse

En abordant le développement de larésistance et de l’adaptation aux chan-gements climatiques, la conférence amis en exergue les principales questions,parmi lesquelles les défis socio-éco-nomiques, les risques des catastrophesnaturels, les moyens de contrôle et lesréponses politiques. Ont été plus parti-culièrement examinés les secteurs-clés que sont l’agriculture, les res-sources en eau et la santé, pour direaux pays africains à quel point il leurest impérieux de « suivre une voie dedéveloppement privilégiant la réduc-tion de la pauvreté, la croissance

économique et l’amélioration du bien-être humain ».Ainsi elle convie les Etats au renfor-cement de leurs politiques et interven-tions en faveur d’une adaptation efficaceau phénomène. Pour cela, ils se doiventde concentrer leurs efforts sur l’aug-mentation de l’efficacité de la gestionde la terre, de l’eau, de l’énergie et dutransport et l’accroissement de la pro-ductivité agricole, dans le but de ren-forcer la résistance au phénomène etd’améliorer la production et la sécuritéalimentaires sur le continent. Mais, nenous y trompons pas, ce qui précèdenécessite qu’ils augmentent aussi lesinvestissements dévolus. Qu’ils soient alors soutenus en cela,d’après la conférence, par les négocia-teurs, les représentant dans les négo-ciations internationales, chargés d’yintégrer les questions de l’exploitationdes terres et de développement del’énergie hydraulique et de leur faireaccéder au financement de ces inves-tissements par le biais du Mécanismepour un développement propre (MDP)du protocole de Kyoto.De même, elle invite, instamment, laCEA, la CUA, le NEPAD, les CER etles CRE à mettre au point un pro-gramme de travail sur l’agriculture, autitre du Cadre d’adaptation de Cancúnservant à associer les moyens d’exé-cution des finances, du transfert detechnologies et du renforcement descapacités et les Systèmes d’alerte pré-coces, les moyens de communicationdes conditions climatiques saison-nières, l’irrigation, la dissémination et la

multiplication des semences et la mu-tualisation des techniques au profitdes agriculteurs.La Convention-cadre des Nationsunies sur les changements climatiques(CCNUCC) n’étant pas en reste, elle laconvie à établir des relations formellesavec plusieurs organisations interna-tionales, telles la FAO, la Fondationcanadienne pour la vérification inté-grée (FCVI) et l’OMM. L’objectif de cefutur acte est de se tenir informées «des dernières recherches scientifiquesas-sociées aux crises actuelles de l’a-griculture provoquées par les effets deschangements climatiques, par exemple,des liens établis […] entre la sécheresseactuelle dans la Corne de l’Afrique etl’élévation des températures à la sur-face des océans ». Tout comme ils’agit de leur demander de rendrecompte régulièrement de leurs résul-tats à la conférence des parties.Selon la conférence, les scientifiquesafricains se doivent d’élargir, dans toutesles régions, le corpus des connais-sances portant sur les liens entre les gazà effets de serre, les changements cli-matiques, l’agriculture et l’eau.D’ailleurs,les Etats sont priés d’accélérer la miseen valeur des eaux souterraines, enprofitant des pré-sentes opportunités eten s’attaquant à la disponibilité desressources, aux difficultés transfronta-lières, à l’harmonisation des politiques,à leur accessibilité, à leur caractère renou-velable, à leur sécurité et à leur viabilité.Les risques, telles les inondations, lessécheresses et les désertifications, sontà combattre par le truchement de nou-veaux mécanismes continentaux mis enplace par eux et les institutions régio-nales. Il en est de même en ce qui concerne la nécessité d’augmenter laprise de cons-cience et la mobilisationde masse attendues d’être à l’actif desEtats, mais aussi des CER et del’ACPC.

Rehausser la transparence et renforcer la confiance mutuelle

Examinant la résistance aux effets deschangements climatiques et le dévelop-pement à faibles émissions de car-bone, la conférence attire l’attentionsur l’impérieux devoir de s’inscriredans le cadre de l’économie verte.C’est-à-dire accéder à l’énergie, amé-liorer la gouvernance forestière afin de

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Coraf Action

Lettre d’information trimestrielle du Conseil Ouest et Centre africain pour la recherche

et le développement agricoles

Directeur de publicationPaco Sérémé

Directeur de la rédactionHarold Roy-Macauley

Directeur adjoint de la rédactionAnatole Yékéminan Koné

Rédacteur en chefArmand Faye

Comité de rédaction et de lectureErnest Assah AsieduGeorge Muluh Achu

Vincent Joseph MamaAbdourahmane Sangaré

Mbène DièyeSidi Sanyang

Hamadé KagonéAbdulai Jallho

Ousmane NdoyeAdramane KolloJulienne Kuiseu

Jérôme Konan KouaméMika Ndongo

Mise en pagesNgor Sarr

Alassane Dia

Postage en ligneGorgui Alioune Mbow

Documentation, édition et diffusionCORAF/ WECARD

Version anglaise disponible

CORAF/ WECARD, BP 48 Dakar RPCP 18523, Dakar, SénégalTél. : (221) 33 869 96 18Fax : (221) 33 869 96 31

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ISSN : 0850 5810

tirer parti du financement y afférent, ex-ploiter les possibilités d’utilisation et dechangement d’affectation des terres etde foresterie. Il reste entendu que lechemin vers ce nouveau type dedéveloppement est loin d’être aisé,mais peuvent y mener à bon port despolitiques hardies suscitant un environ-nement favorable aux Secteurs privéset publics, tout comme la collaborationintersectorielle, l’adoption de fiablesoptions de réduction des émissions etde fixation du carbone.A cet effet, la conférence appelle lesEtats, associés au Secteur privé et auxorganisations de la Société civile, àdéfinir des stratégies adaptées dedéveloppement à faibles émissions decarbone ; associés aux CER, à ren-forcer la coopération régionale relativeaux prestations de services énergé-tiques et agricoles, permettant, de cefait, aux autorités de se concentrer surles domaines où leurs avantages com-paratifs sont évidents ; s’invitent à formuler et à mettre en œuvre des poli-tiques d’appui garantissant l’accès àdes services énergétiques abordables,fiables et propres, en vue d’espérerréduire la pauvreté, améliorer la santé,accroître la productivité et promouvoirle développement économique. « A cetégard, chaque Etat membre est encoura-gé à choisir une combinaison d’énegiesadaptée à sa propre situation écono-mique et à ses ressources », proclame ladéclaration.Pour la coopération et la mise enœuvre de politiques, de programmes etde projets REED+, il faudrait éga-

lement que les Etats travaillent, la maindans la main, avec le Secteur privé, lesorganisations de la Société civile et lemonde de la recherche ; qu’ils mettenten place des politiques de protectionde l’environnement, sans remettre encause leur développement ; qu’ils garan-tissent aux populations autochtonesl’accès aux forêts et aux moyens d’exis-tence.Pour promouvoir et mettre en œuvredes politiques de développement desénergies renouvelables, ils se doiventde se servir des cadres de politiqueinternationaux, dont le MDP, les mesuresd’atténuation adaptées aux pays, etc.,ainsi que des sources de financementexistants.En vue de parvenir au développementà faibles émissions de carbone, lerecensement des secteurs prioritairesest requis pour être fait par les institu-tions régionales de recherche.Enfin, n’élucidant pas les aspects éco-nomiques et financiers, la conférence aintroduit un débat ayant permis nonseulement de cerner les coûts des effetsdes changements climatiques sur ledéveloppement du continent, mais ausside souligner le besoin pressant demesures efficaces et de trouver unéquilibre entre, d’une part, la lutte contreces effets et, d’autre part, la satisfactiondes impératifs immédiats du dévelop-pement.Pour y parvenir, la conférence convieles Etats, bénéficiant de l’appui desinstitutions de recherche et des CRE, àrenforcer les capacités des chercheurset décideurs, pour les rendre à même

d’évaluer les risques et leurs répercus-sions économiques. Les institutions de recherche, en ce quiles concerne, sont invitées à s’engagerdans des programmes et projets derecherche sur la question, à documen-ter et à estimer les coûts de l’adapta-

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ECHOS DE LA RECHERCHE NATIONALE

Rapport trimestriel deJuillet 2011 sur les activitésdu Projet de recherche «Promotion de variétés desorgho résistantes auStriga » pour réduire lescrises alimentaires dansla zone sahélienne —Sénégal, Mali et BurkinaFaso. Par Moctar Wade duCentre national de la recher-che agronomique (CNRA) deBambey de l’Institut séné-galais de recherches agri-coles (ISRA).Le premier trimestre de 2011a vu les chercheurs de l’é-quipe du Sénégal organiserune série de rencontres, afinde restituer les résultats desessais de la campagne agri-cole 2010, de faire dégusterdes mets à base de la va-riété F2-20 par les villageoisengagés dans les champsécoles paysans (CEP), desensibiliser les producteurs etde caractériser les parcellesavant l’extension des activitésde cette année-ci.C’est ainsi que, du 10 janvierau 24 mars 2011, 404 pro-ducteurs, tout à fait disposésà continuer, voire étendre lesactivités du Projet, et auto-rités locales et coutumièresse sont vu restituer les résul-tats des essais dans les vil-lages diourbelois de Batal, deNdialith et de Mbary, animéset suivis par des organisa-tions de producteurs dudépartement de Bambey ;dans les villages Kaffrinois deKoungheul Socé, de DarouWolof et de Keur Aly Lobé, oùles CEP et parcelles dedémonstration étaient ani-més et suivis par l’ONG « Pencum Bambuk » deKoungheul ; dans les vil-lages de Kathiott, de GuinthKaye, de Thiaré et de Ngan-da, où les CEP et parcellesde démonstration étaient ani-més et suivis par l’ANCAR(Agence nationale de conseilagricole et rural).Quant aux séances de dé-gustation de couscous, de

tion aux effets et de leur atté-nuation. L’établissement d’un por-tefeuille de programmes et deprojets d’investissement,cadrant, de bien entendu, avecles plans et priorités de dé-veloppement, sont très atten-dus des Etats. Tandis que, dela part des institutions derecherche, il importe qu’ellesétudient les moyens de mobili-sation de nouveaux finan-cements, par le recours auFonds vert pour le climat, etle développement d’un nou-veau modèle d’entreprise etd’un mécanisme innovant.Pour leur part, les Etats vou-dront bien, de concert avecle Secteur privé, les organi-sations de la société civile et lemonde de la recherche, aiderà renforcer les capacités desentrepreneurs du secteurénergétique pour les rendrecapables à se servir des mé-canismes de financement,par-mi lesquels le mécanismepour un développement propreet les mesures d’atténuationadaptée aux pays.Quant aux négociateurs, en-gagés dans les négociationsinternationales, ils sont priésde travailler à l’établissementd’une base de référence inter-nationalement convenue tou-chant les financements « nou-veaux et additionnels ». Lebut : rehausser la transpa-rence et renforcer la confiancemutuelle entre pays dévelop-pés et pays en dévelop-pement.

Contact : Armand FayeCORAF/WECARD, BP 48 DakarRP, CP 18523, Dakar, SénégalTél. : (221) 33 869 96 18 Fax : (221) 33 869 96 31E-mail : [email protected] : aramandfayeYahoo Messenger : armand.faye Internet : www.coraf.org

«laax » (bouillie), de «ñeleng»,200 producteurs, dont 86 fem-mes, y ont participé. A Koun-gheul, elles ont été organiséespar l’ONG Pencum Bambuket, à Kaolack, par l’ANCAR.Les mets, préparés par lesfemmes, constituaient à com-biner 1 kilo de sorgho et demaïs, 1 kilo de sorgho et demil, mais aussi pour cuisinerle sorgho seul.Mais quelles impressions enont eues les producteurs ?La variété F2-20 étant sanstanin, ces derniers trouventun excellent goût au cous-cous fait avec du sorgho seulet apprécient bien sa couleur,contrairement à celle ducouscous à base de variétésavec tanin. Ils apprécient bienégalement le couscous desorgho et de maïs ainsi que leñeleng de sorgho, très bienapprécié par les hommes, quileur rappelle l’agréable goûtde celui de la variété tradition-nelle qu’est le mil Sanio com-plètement disparu de la zone,à cause de son trop longcycle biologique.A l’opposé, ils apprécientmoins bien le laax ou bouilliede sorgho et de mil, surtoutles femmes qui soutiennentque la farine est difficile àrouler et la cuisson demandebeaucoup d’efforts évitant latransformation en pâte.Selon les femmes, il n’estnullement nécessaire dedécortiquer les grains de F2-20 contrairement au mil, Desurcroît, la variété ne pré-sente pas d’allélopathie (orga-nisme inhibant la croissanced’autres organismes par sé-crétion de substances chimi-ques nocives) négative sur lesol et ne « renferme » pasd’acide cyanidrique dan-gereuse pour les animaux,surtout les bœufs, qui man-gent ses chaumes ou sesrepousses. Il y a lieu, cependant, desouligner que le sorgho a toutde même «mauvaise presse»

au Sénégal, à cause desaccidents, survenus en milieurural, du genre intoxicationsalimentaires et mort d’ani-maux. A cela s’ajoute le faitqu’il passe pour être un mau-vais précédent cultural pourpresque toutes les culturesentrant dans une rotationculturale. Et les chercheurs témoi-gnent qu’en ce qui concerneles producteurs impliquésdans les tests de démonstra-tion, « nous ont attesté qu’ilsont nourri leurs animaux avecles chaumes de la F2-20,après les récoltes, et que cesont leurs propres animauxqui ont mangé les repoussesau niveau des parcelles sansla moindre diarrhée. »Enfin, tout un mois a été prispar les chercheurs pour seconsacrer à la sensibilisationde 200 producteurs venus de27 villages des régions deKaffrine et de Kaolack et pourcaractériser une centaine deparcelles villageoises.Compte tenu des résultatsobtenus en 2010, plusieursproducteurs ont manifestéleur désir de cultiver la F2-20en 2011. Les semences pro-duites, durant la campagneagricole 2010, sont condition-nées et prêtes à être dis-tribuées aux producteurs.Dans tous les villages, où desCEP ont été implantés, 100 à200 kilos de semences desorgho serviront à étendre lesactivités aux villages environ-nants, en 2011.