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Averia · 2018. 4. 13. · Averia est une double-série qui raconte, tour à tour, ce que vivent deux groupes de personnages. D’un côté, le récit s’intéresse aux épreuves

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  • AveriaSEKI | TOME 1

  • patrice cazeault

    AveriaSEKI | TOME 1

  • Copyright © 2012 Patrice CazeaultCopyright © 2012 Éditions AdA Inc.Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François DoucetRévision linguistique : Daniel PicardCorrection d’épreuves : Nancy Coulombe, Katherine LacombeConception de la couverture : Tho QuanPhoto de la couverture : © ThinkstockMise en pages : Sébastien MichaudISBN papier 978-2-89667-548-7ISBN PDF numérique 978-2-89683-344-3ISBN ePub 978-2-89683-345-0Première impression : 2012Dépôt légal : 2012Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.1385, boul. Lionel-BouletVarennes, Québec, Canada, J3X 1P7Téléphone : 450-929-0296Télécopieur : [email protected]

    DiffusionCanada : Éditions AdA Inc.France : D.G. Diffusion Z.I. des Bogues 31750 Escalquens — France Téléphone : 05.61.00.09.99Suisse : Transat — 23.42.77.40Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Cazeault, Patrice, 1985-

    Averia Sommaire : t. 1. Seki. ISBN 978-2-89667-548-7 (v. 1) I. Titre. II. Titre : Seki.

    PS8605.A985A97 2012 C843’.6 C2011-942705-2

  • Note de l’auteur

    Averia est une double-série qui raconte, tour à tour, ce que vivent deux groupes de personnages.

    D’un côté, le récit s’intéresse aux épreuves de Seki, une jeune humaine prisonnière de sa carapace, et de sa sœur, Myr, captive de ses blessures qu’elle ne cesse d’entailler plus profondément. Ensemble, elles affrontent la réalité de l’occupation que subit leur sol natal, Averia.

    De l’autre côté, dans le tome qui suit celui-ci, l’histoire nous transporte auprès d’Annika Aralia, sur Tharisia, l’arrogante capitale du peuple contre lequel les humains ont mené la guerre il y a vingt ans. Annika, une Tharisienne impulsive et déterminée, mène sa lutte personnelle, au grand désespoir de ses compagnons, contre son gouvernement, ses semblables et, surtout, contre elle-même.

    À leur insu, la trajectoire de ces personnages les mène vers une éclatante collision, leurs actions s’entremêlant, les forçant à commettre des gestes aux conséquences qui secoueront la galaxie tout entière.

    À commencer par Averia, minuscule colonie occupée par une force étrangère…

  • À Julie, qui m’inspire les plus belles histoires

  • Première partie

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    Je saisis mes bandelettes, devenues rugueuses par l’usage, et une bouteille d’eau tiède que je fourrai dans mon sac à dos. Me penchant à nouveau sur mon lit étroit, je ramassai une chemise grise et un pantalon noir.

    —  Tu sais, fit une voix dans mon dos, lorsque l’insur-rection débutera, ce ne seront pas des arts martiaux dont nous aurons besoin, mais bien de désintégrateurs.

    Je pivotai sur moi-même et trouvai Myr appuyée contre le cadre de ma porte, les bras croisés. Elle plissait légère-ment les yeux pour se protéger de la lumière chaude qui traversait la grande fenêtre de ma chambre et qui se perdait tout juste à la pointe de son abondante chevelure noire.

    — Je n’ai pas l’intention de désintégrer qui que ce soit, lui répondis-je en terminant de remplir mon sac.

    Je me faufilai entre le cadre et elle, entreprenant de des-cendre les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. Ce faisant, j’attrapai un vieil élastique au fond de mes poches et attachai mes longs cheveux bruns derrière ma tête, geste automatique et détaché.

    — Sais-tu ce qui s’est passé aujourd’hui à l’Assemblée ? demanda ma jeune soeur.

    — Non.Je m’en fiche un peu, eus-je envie de répondre.—  Eh bien, figure-toi donc que le Gouverneur a encore 

    une fois utilisé son veto pour entraver le projet de libre cir-culation entre la Colonie et le Haut-Plateau.

    J’atteins le palier, toujours talonnée par Myr, et j’allai jusqu’au réfrigérateur, déposant mon sac au passage sur le comptoir.

  • 12

    Averia

    — Et comment crois-tu que nos représentants ont réagi ? insista-t-elle, vraisemblablement désespérée d’ob-tenir une réaction de ma part.

    — Je l’ignore, Myr.— Ils n’ont rien fait ! Pas même un cri de protestation

    indigné ! Ce ne sont que des pantins. Ils se contentent de ramper devant les Tharisiens et de… de… Dis, tu m’écoutes ?

    Je pianotai quelques touches sur le panneau du réfrigé-rateur, sélectionnant les items que je souhaitais apporter avec moi pour souper.

    — Il n’y a plus de lait ?Le visage de Myr vira au cramoisi. Elle serra les dents et

    les poings avant de tourner les talons et de remonter bruyamment les marches. J’hésitai, la main toujours sur la porte du frigo et une pointe de culpabilité dans l’âme. Myr, quatorze ans, était une élève brillante. Elle décrochait aisé-ment les meilleures notes de sa classe, et ce, sans étudier, car, à la maison, elle occupait tous ses temps libres à éplu-cher les bulletins de nouvelles sur le réseau et à nous pré-dire, à mon père et à moi, que nous devrions bientôt nous soulever contre l’oppresseur.

    Le souper que j’avais commandé ne m’inspirait plus rien. Je ramassai une pomme, ignorant cette petite voix qui ne manquait pas de me rappeler à quel point mon estomac grondait à la suite de mes séances d’arts martiaux. Je haussai les épaules. Myr savait que ses histoires de politiques ne m’intéressaient pas.

    J’enfilai  les ganses de mon sac à dos et  je  traversai  le salon silencieux et vide pour atteindre la porte. Une fois dehors, je fus accueillie par les rayons déclinants du soleil couchant. Ceux-ci filtraient à travers le feuillage des grands 

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    Seki

    arbres qui bordaient la rue, m’éblouissant par intermittence. Plaçant une main devant mes yeux pour les protéger, je trouvai mon père agenouillé dans ses plates-bandes, un peu sur ma gauche. Quand il me vit passer, il déposa sa vieille truelle et essuya la sueur qui perlait sur son front.

    — Seki, appela-t-il. N’oublie pas ton quart de travail à l’usine ce soir.

    — Oui, papa. Je n’oublierai pas. Il me suivit des yeux alors que je m’éloignais vers la rue.— Ton superviseur m’a encore convoqué hier soir au

    sujet de tes nombreux retards.— Je lui ai expliqué un millier de fois déjà. Mes cours à

    l’université se terminent parfois plus tard que prévu. Et l’usine n’est franchement pas la porte d’à côté.

    Mon père déplia les jambes et massa ses genoux cou-verts de terre noire.

    — Prends un taxi, Seki. Je peux te donner un peu d’ar-gent pour tes déplacements.

    Nous ne manquions de rien à la maison, mais c’était tout juste. J’avais beau travailler près de trente heures par semaine chez Averia Composante, mes études universi-taires accaparaient une part importante du budget familial. Comme Myr poursuivrait elle aussi ses études, nous devions mettre de l’argent de côté pour elle également. Si, comme mon père me le suggérait, je devais me payer le luxe d’épar-gner mes pauvres petites jambes, je devinais aisément qui se priverait davantage.

    — Non merci, lui répondis-je en atteignant le trottoir. Je préfère marcher, mais je me dépêcherai, c’est promis !

    Je ne laissai pas le temps à mon père de protester et je m’élançai dans la rue. Le soleil me chauffait les épaules,

  • 14

    Averia

    mais une agréable brise caressait mes mollets, emportant avec elle les odeurs familières de mon voisinage. L’herbe fraîche et les effluves des feuillus cohabitaient avec la cité cosmopolite qui s’agitait à quelques pâtés de maisons à peine de mon chez-moi.

    Activant le rythme de mes pas, je quittai mon quartier et me retrouvai à longer la voie rapide, l’artère principale de la colonie, que dominait le tramway magnétique qui passait justement  à  toute  vitesse  dans  un  sifflement  surréaliste. J’eus le temps de remarquer qu’il était pratiquement vide. À cette heure et dans cette direction, c’était tout à fait normal. Le train filait depuis les zones d’agriculture vers les districts culturels et industriels de la ville. Après quoi, les wagons amorceraient leur ascension vers la région du Haut-Plateau et y déverseraient le peu de Tharisiens qui travaillaient dans l’enceinte d’Averia.

    Le tramway, bien que ridiculement rapide, ne consti-tuait pas le mode de transport préféré des habitants d’Averia. La plupart, tout comme moi, privilégiait la marche pour leurs déplacements. Malgré les rares voitures et les artères dégagées, la colonie avait été conçue de manière à ce que tout soit accessible aux piétons. Ainsi, nous avions beau nous amasser en un tas de 500 000 âmes, notre cité ne connaissait ni les embouteillages ni les dangers de la circu-lation. En comparaison, certains reportages que j’avais visionnés de la Terre me fichaient le mal de crâne. Vues du ciel, leurs agglomérations ressemblaient à de vieux orga-nismes malades, pompant un sang gris, nerveux et sale à travers des artères bouchées.

    Averia, m’avait-on dit, avait été planifiée et construite par les plus brillants esprits de l’aérospatiale. Quand ils ont

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    Seki

    commencé à comprendre que les colons répétaient sur leurs nouvelles planètes les mêmes erreurs que sur la Terre, les gouvernements se sont attelés à la tâche de mettre sur pied la colonie parfaite. Averia devait servir de modèle. Nous devions être le joyau des étoiles.

    Dans les rues qui se remplissaient peu à peu des tra-vailleurs qui terminaient leur journée, je laissai mes yeux suivre la silhouette du train magnétique qui s’éloignait vers l’est, en direction du Haut-Plateau et de ses miroitantes structures ouvragées.

    Ouais, pensai-je. Mais tout ça, c’était avant la guerre…

    * * *

  • 16

    Averia

    Mon arrivée à l’université concordait avec la fin des classes. Un torrent d’élèves se déversait dans les corridors aux vieux murs vert sombre. Réseaux à la main, la plupart n’accordaient pas la moindre attention à leurs trajectoires erratiques et je devais lutter pour préserver l’intégrité de ma bulle personnelle. Tentant de me frayer un chemin à tra-vers la cohue, j’esquivai de justesse l’épaule bondissante d’une jeune étudiante avant de me plaquer durement contre la poitrine d’un type costaud qui pianotait sur l’écran de son réseau.

    —  Hé ! Fais attention ! fit-il  en se  retournant sur mon passage.

    Je me retins de lui envoyer quelques gestes disgracieux par-dessus l’épaule lorsqu’une main me saisit le poignet.

    — Qu’est-ce que…Elle appartenait à une fille au grand visage encadré de 

    cheveux blonds très minces et lisses. Elle m’était vaguement familière. Le contact de sa main froide sur mon bras me rendit mal à l’aise.

    —  Tiens, souffla-t-elle en me glissant un feuillet entre les doigts.

    Je me défis de son emprise et m’éloignai lentement, sans heurter qui que ce soit. Un vrai miracle. Je jetai un oeil sur le bout de papier qu’elle m’avait tendu. En grands caractères, on pouvait lire : « La révolution est à nos portes. Nous invi-tons nos frères et soeurs humains à s’unir contre l’oppresseur. »

    Le reste du feuillet donnait des indications sur la réu-nion prochaine d’un groupe qui s’était autoproclamé le Front de Libération d’Averia.

    Oh, pensai-je distraitement. Un autre…

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    Seki

    Pivotant sur moi-même, j’observai l’étudiante qui, dans une veste verte à l’allure vaguement militaire, se hâtait de distribuer aux passants ses pamphlets incriminants. Quelle idiote… Elle se mettait en danger. Si elle se faisait prendre à répandre ce genre de trucs à l’université, non seulement elle risquait la prison, mais elle donnerait aux Tharisiens d’autres excuses pour resserrer leur étau autour de nos libertés.

    D’un mouvement brusque, je chiffonnai l’invitation et je laissai tomber l’appel à la révolution dans la poubelle la plus proche.

    * * *

  • 18

    Averia

    Le cours d’arts martiaux tirait à sa fin. Agenouillée, en posi-tion de prière, je tâchai d’étirer mes membres et de délier mes muscles. Le maître compta jusqu’à 15 puis je m’allon-geai dans l’autre sens, ressentant une intense sensation de brûlure dans mes cuisses. Après un autre décompte, je changeai une nouvelle fois de position, m’assoyant directe-ment contre le tapis de plastique usé qui recouvrait le sol de ce dojo improvisé. J’agrippai aisément mes orteils et, pliée en deux, je respirai profondément.

    Une zone de la grosseur d’un poing pulsait d’une dou-leur lancinante sur ma joue gauche. À coup sûr, une vilaine ecchymose allait colorer mon visage, ce qui ne manquerait pas d’agacer mon père et d’attiser les moqueries de mes collègues, ce soir. Alors que je tâchai de me concentrer sur ma respiration, le responsable de cette contusion ne cessait de me chuchoter ses excuses.

    — Hé, Seki, vraiment, je suis désolé, répéta-t-il pour une énième fois.

    — Ça va, le chassai-je. C’était un accident.Notre maître ne nous apprenait que rarement des tech-

    niques de combat à proprement parler. Il préférait nous sou-mettre à d’exténuants exercices d’endurance et exiger de nous des efforts surhumains, sans doute pour éviter ce genre de maladresses.

    — Je m’excuse, reprit Braï.Je l’ignorai et m’agenouillai de nouveau tandis que

    le maître passait en revue ce que nous avions appris aujourd’hui. À l’aide d’un volontaire, il illustra à nouveau comment il était facile d’utiliser la force et le poids de l’ad-versaire pour le faire basculer. Alors que l’étudiant s’effon-drait au sol, gentiment retenu dans son mouvement par le

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    Extrait d’Annika

    — Merde ! Pourquoi tu ne l’as pas fouillé avant ?— Comment je pouvais savoir qu’il traînait son réseau

    sur lui ?—  Crétin ! Maintenant tout est fichu. Ils encerclent pro-

    bablement la demeure.Je jetai un coup d’œil rapide par l’étroite fenêtre. Je dis-

    tinguais de nombreux transporteurs de troupes. Le secteur grouillait déjà de soldats. Des gyrophares peignaient en rouge les ruelles qui bordaient la villa. Tout s’était passé si vite. Derrière moi, mes deux camarades se chamaillaient encore.

    —  Vous allez la fermer, oui… ? menaçai-je. Nous étions dans une grande pièce adjacente à l’atrium.

    C’est à cet endroit que nous étions tombés sur Shakarion. Il traînait là, à se prélasser, ne donnant pas l’impression d’être spécialement occupé. Il se vautrait, simplement, dans l’opu-lence. Attendant que des gens comme nous viennent mettre un terme à cette mascarade.

    Il avait poussé une espèce de couinement en nous aper-cevant. En d’autres circonstances, j’aurais eu envie d’éclater de rire. Mais aujourd’hui, je m’étais plutôt jetée sur lui.

    Le Conseiller Shakarion gisait ligoté, assis sur une chaise, le visage déjà tuméfié et enflé. Il ne manquait évi-demment rien du spectacle que lui offraient mes compagnons.

    — Libérez-moi immédiatement, leur intima-t-il. S’il m’arrive quoi que ce soit, je vous assure que vous crou- pirez dans les pires prisons jusqu’à la fin de vos jours. Vous serez déportés sur Zarya et vous travaillerez dans les fosses jusqu’à en crever.