Colonização e Histórias de Fundação Em Heródoto

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  • Dialogues d histoire ancienne supplment 4.2, 591-618

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    Colonisation et rcits de fondation chez Hrodote

    Pascal PayenUniversit de Toulouse II - UTM

    La tradition ancienne ne considre pas Hrodote comme linventeur solitaire du genre historique, contrairement une ide reue qui sappuie sur le passage du De Legibus, bien connu mais le plus souvent sorti de son contexte, o Cicron le qualifie de pater historiae1. Hrodote apparat plutt comme le premier stre proccup de donner une forme , rhtorique ou littraire, la narration des vnements du pass2. Thucydide le range parmi ses devanciers ( ), les logographes qui ont recherch lagrment de lauditeur ( )3. Thophraste, selon le tmoignage de Cicron, associe Hrodote et Thucydide comme tant les premiers avoir pouss aussi loin cet effort de mise en forme, sans tomber dans les excs de leurs contemporains les sophistes4. Cicron encore, parlant en son nom, souligne, dans le De Oratore, quHrodote le premier mit en forme ce genre 5. Denys dHalicarnasse le distingue parmi les prdcesseurs de Thucydide, parce quil a su faire contenir dans un seul trait des vnements disperss entre lEurope et lAsie6. Dans tous les cas Hrodote ninvente pas ; il innove sur fond dune tradition, par rapport ses devanciers ou ses contemporains qui, comme lui, se soucient de rapporter

    1 Cicron, De Legibus, I.1.5 : apud Herodotum, patrem historiae.2 Le rapport entre mise en forme et relation du pass est indissociable de la question de la vrit, qui sous-tend les citations qui suivent. On rappellera quelle est pose explicitement, mais en des termes diffrents, par Hrodote IV.195 ( rapprocher de I.95 ; III.38 ; IV.12 ; V.9) et par Thucydide I.20.3 ; 22.1 ; 23.6.3 Thucydide, I.97.2 et I.21.1.4 Cicron, Orator, 39 : Quo magis sunt Herodotus Thucydidesque mirabiles [] primisque ab his, ut ait Theophrastus, historia commota est ut auderet uberius quam superiores et ornatius dicere. 5 Id., De Oratore, II.55 : princeps genus hoc ornavit.6 Denys dHalicarnasse, Sur Thucydide, 5.5.

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    les vnements dun pass proche ou lointain.

    Quelles sont les marques de cette laboration et comment en reprer la nature, ltendue et le degr ? Cette question, formule partir de la tradition critique ancienne, conduit poser le problme de lmergence du genre historique, non pas dans une perspective essentialiste quest-ce que lhistoire ? , mais en envisageant une confrontation avec les genres supposs en marge de lhistoire. Cette contribution a pour objet danalyser en ce sens les interfrences entre les rcits de fondation et luvre dHrodote. Or lemploi du terme dans cette acception napparat pas avant Athne, et cette invention tardive est applique surtout mais pas seulement des uvres dpoque hellnistique. Le mot est mme totalement absent dHrodote, en tant que nom daction pour dsigner le fait de fonder une ville, une colonie 7. Cest pourquoi, bien que le thme de la colonisation et les rcits hrodotens qui en traitent constituent un trs riche matriau, dont la pice la plus clbre est le long rcit se rapportant la cration de Cyrne, au livre IV, on ne postulera pas a priori lexistence dun genre du rcit de fondation lpoque archaque8 et au temps dHrodote. Lanalyse aura pour cadre le dossier, fort dlicat, de la gnalogie des genres narratifs teneur historique, entre VIIIe et Ve sicle, et elle sera guide par deux questions. Dune part, que peut-on connatre et reconstituer, partir du tmoignage et des choix de lhistorien, dune tradition narrative, ou par hypothse dun genre, consacr au rcit de fondation ? Dautre part, quelles fonctions ces rcits occupent-ils dans lEnqute ? Luvre historique sera ainsi alternativement apprhende comme source et comme genre de rception9. On ne peut, en effet, esprer clarifier les modalits de mise

    7 Exception faite de lionien , hapax en IX.97 : cf. Chantraine 19992 [1968-1980], s. v. ; Powell 19773 [1938]. ,8 Lexistence du genre de la ktisis a toujours t lobjet dun dbat, qui opposait dj Ed. Meyer (favorable) et Wilamowitz (plus que dubitatif). Dans sa forme crite, un tel genre est postul par Lasserre (1976, p. 119-123), et, au sein de la tradition orale, par Murray (1995, p. 123, 126-127). Jacoby (1949, p. 184 et n. 62, p. 363-364 ; n. 20, p. 331) se montre prudent et considre que le thme de la ktisis peut avoir t trait par les potes relativement tt, mais quil ne sagirait, plus certainement, que dun lment des premires chroniques locales (non antrieures aux annes 450-440, en fonction de sa thorie selon laquelle lhistoriographie locale se dveloppe aprs Hrodote, comme consquence et contrepoint de la perspective panhellnique de lEnqute). 9 Schaeffer 1989, p. 75 : le principal objectif est moins de classer les genres que de clarifier les rapports entre les uvres en se servant de ces indices que sont les distinctions gnriques . Un genre, en effet, appelons-le ici genre historique par commodit est signifiant seulement dans sa relation, dans ses modes dinterfrence avec dautres genres tudis dans le dtail de lcriture et dans un contexte donn, politique, social, culturel, religieux, quon le nomme occasion , performance , dans la tradition critique anglo-saxonne (Johnson 1994 ; Boedeker 2000, p. 103, 113-114) ou horizon de

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    en forme du rcit historique sans le considrer aussi comme une source primaire sur les rcits quil intgre sa trame. cette condition il devient possible danalyser les diffrentes formes dcriture dont peut tre lobjet, en Grce archaque, un vnement historiquement attest tel quune fondation de cit.

    Lexpos distinguera trois niveaux danalyse, destins dgager comment Hrodote sapproprie ou labore le rcit de fondation. Le problme de la colonisation et des rcits qui sy rattachent constituent, tout dabord, une source de nature vnementielle et historique sur les cits des hommes , considres par Hrodote, ds le prologue10, comme le contexte et lhorizon de toute sa rflexion. On tentera ensuite de prciser quelques-uns des registres de lappropriation et de la cration laquelle parvient lenquteur, entre tradition narrative reue et genre narratif en construction ou venir. Enfin, les ralits historiques de la colonisation, en particulier la dispersion des cits fondes au long des routes de la Mditerrane, constituent un cho la dmarche dHrodote, un des lments constitutifs de lunit de luvre en tant que rcit historique.

    Colonisation et rcits de fondation : contextes de lEnqute

    LEnqute est une source dinformation concernant les problmes de la colonisation archaque. Les donnes quelle recle sont de deux ordres, qui correspondent deux plans de la narration historique. Dune part, le rseau des vnements relatifs aux fondations forme lun des contextes des rencontres entre Grecs et Barbares qui convergent dans la Mditerrane dHrodote. Dautre part, ces donnes, quelles soient fragmentaires ou runies dans des rcits labors, conduisent se demander sil a exist, ds lpoque archaque et au temps dHrodote, un genre narratif du rcit de fondation, tel quil est attest, par des traditions tardives, pour des prosateurs du Ve sicle avant notre re, tels que Charon de Lampsaque ou Hellanicos, chez Callimaque et Apollonios de Rhodes.

    Lobjet nest pas de prsenter une synthse historique en compltant les informations de lEnqute par dautres sources et par les travaux des Modernes11. En sen tenant aux donnes hrodotennes, il sagit de prendre la mesure dun savoir et de

    rception dans la dmarche issue des travaux de Hans Robert Jauss.10 Hrodote I.5 : .11 Cf. les volumes de ldition commente, publie sous la dir. de D. Asheri et al. : Erodoto, Le Storie, Fondazione Lorenzo Valla, Arnoldo Mondadori Editori, vol. I-IX, 1977-2000.

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    dgager une reprsentation de la colonisation. Lespace concern couvre lensemble de la Mditerrane, sans distinction entre Grecs et Barbares. Laventure du Spartiate Dorieus, frre du roi Clomne, rsume bien cette soif de parcours, signe, le plus souvent, dun manque de terres rsultant de l troitesse du territoire , la stenokhria, qui suscite des candidats la fondation. Vers 514-510, faute davoir t dsign comme roi, Dorieus part pour la Libye avec une troupe de concitoyens, en est chass la troisime anne, reoit dun oracle le conseil daller mettre en valeur la terre dHracls, qui tait en Sicile ( )12. Ce quIrad Malkin a appel la Mditerrane spartiate 13, contrastant avec limage rpandue dune Sparte referme sur elle-mme14, ne reprsente toutefois quune partie de la gographie de la colonisation que dlimite luvre dHrodote. Presque aucun espace nest laiss lcart, et les fondations sont loccasion de mettre en contact des peuples que la narration dHrodote prend soin de ne pas distinguer en recourant la dichotomie entre Grecs et Barbares. Dans le nord de lEge, Thasos est fonde par les Phniciens ( ) partis la recherche dEurop, ayant leur tte un certain Thasos ; ils y tablissent notamment un sanctuaire ddi Hracls15. Vers 545, les gens de Tos, sous la menace du Mde Harpage, conseiller de Cyrus, sembarqurent tous sur leurs navires et partirent par mer pour la Thrace o ils fondrent la cit dAbdre ( ) ; avant eux, Timsios de Clazomne lavait fonde (), sans en tirer profit, ayant t expuls par les Thraces 16. Histie de Milet est autoris par Darius, titre de rcompense, fonder une cit ( ) en pays donien, non loin de la future Amphipolis17. La rgion de la Propontide et du Pont-Euxin est logiquement incluse dans ces priples. Le passage du Perse Mgabyze dans le Bosphore, aprs lexpdition en territoire scythique, en 512, est loccasion de rappeler que les Chalcdoniens, qui ont mis en valeur la rgion ( ) de la rive orientale du dtroit, sont arrivs dans le pays dix-sept annes avant les Byzantins18. La fondation de Sinope (), vers 650, sur la rive sud du Pont-Euxin, semble avoir t contemporaine de la

    12 Hrodote, V.42-43.13 Malkin 1999.14 propos des fondations de cits, ce clich pourrait remonter Isocrate, Panathnaque, 190, qui, tout son hostilit envers Sparte, passe sous silence la colonisation dorienne, pour mieux faire triompher Athnes dans la guerre pour la fondation de colonies ( ) .15 Hrodote, II.44 ; VI.47. 16 Id., I.168. La premire fondation est situe au VIIe sicle.17 Ibid., V.11.18 Ibid., IV.144. Byzance, sur la rive occidentale, et Chalcdoine ont t fondes lune et lautre par Mgare, peut-tre vers 660 et 687 : ces dates sont trs discutes.

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    premire colonisation de la Chersonnse par les Cimmriens19. Istria, sur lembouchure de la Dobroudja, est habite par des colons de Milet ( )20. LOccident, destination de la premire grande vague dimplantations lpoque archaque, entre 775 et 675, fait partie des rgions bien connues dHrodote il mit au point la version finale de son uvre Thourioi, colonie panhellnique fonde linitiative de Pricls, dans le sud de lItalie, en 443. Vers 545, le Sage Bias de Prine engage les Ioniens fonder une cit commune de tous les Ioniens , en Sardaigne21. Cinquante ans plus tard, au cours de la rvolte de lIonie, Aristagoras de Milet songe la mme destination pour fonder une colonie ( )22. Slinonte cre Minoa en Sicile mme23. Au cours des dbats houleux qui prcdent la bataille de Salamine, Thmistocle menace dabandonner Athnes et de mettre la voile vers lItalie, Siris, qui est ntre dj de longue date et o les oracles annoncent que nous devons fonder une colonie () 24. Le sud de la Mditerrane, bien que moins frquent, nest pas exclu de lespace des fondations. Dans les annes 520, aprs la rgne du tyran Polycrate, les Samiens fondent Kydonia, en Crte25. Le long rcit de la fondation de Cyrne, au livre IV, rapporte, dans un premier temps, comment un Cadmen nomm Thras, tuteur des enfants royaux Sparte, colonisa lle de Callist, la Trs Belle , qui prit alors le nom de son fondateur, puis comment un de ses descendants, Battos, le Bgue , seffora de mettre en valeur () le territoire de la Libye. Les deux versions rapportes par Hrodote, celle des Threns et celle des Cyrnens26, compltent les rcits de Pindare dans les IVe et Ve Pythiques et les donnes fournies par une inscription grave au IVe sicle et contenant le suppos serment des fondateurs originel27. La colonisation spartiate stend encore en Asie Mineure, o les Cnidiens se disent colons () des Lacdmoniens28, de mme que, dans cette rgion, les

    19 Ibid., IV.12. Sinope est fonde par Milet. Sur cette histoire lgendaire, cf. Casevitz 1985, p. 34. 20 Ibid., II.33.21 Ibid., I.170.22 Ibid., V.124.23 Ibid., V.46.24 Ibid., VIII.62. Dj au printemps 480, les chresmologues conseillaient quon abandonnt le territoire de lAttique pour en peupler un autre ( ) : VII.153.25 Ibid., III.44.26 Le point de jonction des deux versions se trouve en IV.154. Sur ce problme, cf. le bilan bibliographique rcent et trs dtaill de Ottone (2006, p. 270-271, n. 47-48).27 Ibid., IV.145-167. Pour la stle du serment , cf. Van Effenterre et Ruz, 1994, n 41 = SEG, IX, 3. 28 Hrodote, I.174.

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    Cariens sont, dit-on, des colons () des Argiens29.

    Dans la reprsentation dHrodote, le processus historique de la colonisation associe Grecs et Barbares au sein dun mme espace, unifi par des entreprises et des parcours similaires, et concorde avec la vise gnralisante du prologue o est formul le projet de parcourir semblablement les grandes cits des hommes et les petites , dans le dessein de faire mmoire des unes et des autres semblablement 30. Les Phniciens de Tyr, on la rappel, sillonnent les espaces marins et fondent, loin de leurs bases, Thasos, o ils implantent un sanctuaire de Melkart. Carthage appartient leur zone dinfluence31. Les Ammoniens sestiment tre des colons des gyptiens et des thiopiens32, de mme que les Armniens lgard des Phrygiens33, tous se trouvant au service des armes de Xerxs lors de lexpdition de 481. cette tendue spatiale correspond une trs large extension temporelle. Lvnement le plus anciennement attest est peut-tre la colonisation de Corcyre par les Corinthiens, vers 73334, et les plus rcents concernent lhistoire spartiate et athnienne de la fin du VIe sicle, avec les entreprises de Dorieus en Libye et en Sicile, et le temps des guerres Mdiques, lorsque Thmistocle menace, la veille de Salamine, daccomplir la promesse des oracles en allant fonder une colonie Siris, en Italie35. Bien que les traditions antrieures la guerre de Troie nappartiennent pas au domaine de lEnqute36, parce quelles relvent du temps des dieux et des hros qui ne peut tre soumis ni la mesure dun comput ni au parcours linaire du narrateur chez Hrodote, le mme verbe probainein exprime lavance du temps et la progression du rcit37 , nombreuses sont les fondations mentionnes qui remontent, selon les indications dHrodote, ce temps aux frontires incertaines : des Crtois, partis venger la mmoire de Minos, assassin en Sicanie, sont bloqus sur le chemin du retour en Iapygie, o ils auraient fond [] la cit dHyri (

    29 Id., V.113.30 Ibid., I.5.31 Ibid., VII.167.32 Ibid., II.42.33 Ibid., VII.73.34 Ibid., III.48-49. Cf. Thucydide, I.38.1-2.35 Hrodote, VIII.62. Cf. galement, au cours de la mme priode, la dcision des riches de Samos d aller fonder une colonie ( ), pour chapper au tyran Aiaks, aprs la prise de Milet (494) et la dfaite des Ioniens Lad (493) : Hrodote, VI.22.36 Id., I.5 : Quant moi je ne vais pas me prononcer leur propos.37 Comparer Hrodote, I.5 : javancerai () dans la suite de mon rcit , et III.53, 140 ; V.58 : dans lavance du temps ( ).

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    )38. La fondation de Milet ( ) est relie aux gnalogies mythiques de Pasicls et de Codros39. Les Poniens dclarent Darius tre des colons des Teucriens de Troie , venus en Europe avant le guerre de Troie40.

    Les fondations occupent ainsi un espace et un temps qui concident avec ceux de lEnqute. Elles rendent compte galement, dans la langue, dun phnomne historique dont la complexit a t dgage par les recherches de Michel Casevitz sur le vocabulaire de la colonisation41. Pour lpoque archaque, les termes de la famille de dsignent la fondation en tant que mise en valeur de la terre42, la manire de Dorieus en Libye et en Sicile, des Phniciens sur lle de Thasos, ou de Battos en Libye43. La fondation est dsigne comme une nouveaut radicale qui saccompagne le plus souvent de la cration dune cit : Colophon fonde Smyrne, Tos Abdre, les Ioniens veulent fonder une colonie panionienne Cal Act44. On rencontre ainsi presque galit les tournures mettre en valeur une terre (ou une le , un territoire ou )45 et fonder une cit 46. Les termes de cette famille, qui recouvrent une signification rsidentielle et agricole et dsignent la mise en valeur de terres vierges, sont concurrencs presque galit chez Hrodote47 par les mots de la famille de - qui renvoient la seconde composante de la colonisation grecque archaque, celle dun dpart, / 48, dun dplacement, dune migration, en vue daller peupler une cit. ou implique linstallation de colons (), que ce soit en Libye, sur lordre de loracle, Istria, ou lorsquil est envisag, face lexpdition de Xerxs, en 481, d abandonner le territoire

    38 Ibid., VII.170. Minos est situ trois gnrations avant la guerre de Troie (VII.171).39 Ibid., IX.97.40 Ibid., V.13 ; VII.20, 75. Sur ces fondations lgendaires, cf. encore III.91 : la cit de Posideion est fonde () par Amphilochos fils dAmphiaraos ; V.76 : lors de la premire intrusion des Doriens en Attique, ils tablissent une colonie Mgare ( ).41 Casevitz 1985, p. 32-34, 54-57, 90-107 et passim pour Hrodote. Cf. aussi Virgilio 1971-1972.42 Cf. aussi Detienne 1990, p. 164 : ktizein veut dire dabord dfricher, domestiquer, amnager une terre sauvage, inculte, dserte et comme vide .43 Hrodote, V.42-43 ; VII.47 ; IV.144, 157, 169.44 Id., I.16, 168 ; VI.22.45 Ibid., I.149 ; III.49 ; IV.12, 144, 153, 156, 157, 169, 178 ; V.42, 43 ; VI.47.46 Ibid., I.16, 167, 168 bis, 170 ; II.99 ; III.44 ; IV.148, 150, 156, 160 bis ; V.11 ; VI.23 ; VII.170 ; IX.97.47 Selon nos calculs partir du lexique de J. E. Powell et de ltude de Michel Casevitz, 38 occurrences pour et les termes de sa famille, 40 pour la famille de -. Chez Thucydide, les termes de la seconde famille lemportent largement : cf. Casevitz 1985, p. 34-35, 91, 231, 245 et passim, ainsi que De Wever et R. Van Compernolle 1967.48 Malkin 1999, p. 11, considre que lapoikia peut tre dfinie comme le foyer hors du foyer .

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    de lAttique pour en peupler un autre ( ) 49.

    Ce quHrodote met en valeur de la fondation, concernant les causes des dparts, lmergence progressive de Delphes comme acteur et arbitre de la colonisation, lindpendance des cits nouvelles, la diversit gographique, les figures de fondateurs (), les contacts avec lOrient, tmoigne dune intention de connaissance qui intgre la matire de lhistoria ce pan de lhistoire des cits archaques. La prcision et labondance de tout ce qui se rapporte au plan des vnements conduisent avancer lhypothse quauraient exist des rcits autonomes, peut-tre un genre , disponibles pour lhistorien. Cest le second plan envisager : lhistoire de la colonisation comme rcit.

    Lexistence dune telle tradition, avec sa forme et ses thmes, semble tre confirme dans lEnqute, au premier abord, quatre reprises. Le rcit le plus clbre est celui de la colonisation de Thra par les Spartiates, puis, partir de cette le, de la fondation de Cyrne par les Threns, vers 63050. Au moment o Hrodote met par crit son uvre, il a certainement connaissance des trois Pythiques o Pindare a reconstitu le contexte des versions lgendaires de lvnement51. Les marques de lnonciation soulignent quil a conscience de sinsrer dans une tradition narrative complexe, lintrieur de laquelle il doit indiquer ses lecteurs ou auditeurs, eux-mmes connaisseurs avertis, quel cheminement il emprunte. Ayant achev la premire partie de son rcit, sur la colonisation de lle de Callist par Thras, il conclut :

    Jusqu ce point de mon rcit (), les Lacdmoniens sont daccord avec les Threns ; partir de ce point, ce sont les seuls Threns qui racontent () les choses comme suit52.

    49 Hrodote, VII.153.50 La richesse du dossier documentaire concernant cet pisode (outre les uvres de Pindare et dHrodote, lhistorien dispose de la stle du serment des fondateurs [supra, note 27] et du rcit de Callimaque dans lHymne Apollon, v. 65-96) a donn lieu une bibliographie considrable, dont on retiendra trois rfrences que distinguent leurs approches : Dougherty 1993, p. 103-119, 136-156 ; Malkin 1999, p. 132-138 et passim ; Calame 1996, p. 57-162. Murray (1995, p. 123-130) dresse un bilan plus historique du dossier. Cf. les rfrences donnes par Ottone (2006, p. 268-271).51 Dans la IXe Pythique, qui honore la victoire de Tlsicrats de Cyrne, la course des hoplites, en 474, Apollon sunit, en Libye, avec la nymphe Cyrn, quil a enleve en Thessalie. Les IVe et Ve Pythiques chantent la victoire du quadrige dArcsilas IV, roi de Cyrne, en 462 : le premier pome rapporte la fondation au temps de la chute de Troie, par les fils dAntnor, le second associe les fils de Posidon lacte fondateur, autour du motif de la transmission dune motte de terre.52 Hrodote, IV.150.

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    Le terme logos est le seul quutilise Hrodote pour dsigner soit la totalit de son Enqute, soit une section de son uvre, comme il est plus vraisemblable de le supposer ici. Logos est, quoi quil en soit, le signe dune attention porte la constitution de la narration. La colonisation de Cyrne est lobjet de deux versions au moins, celle des Threns, celle des Cyrnens, qui divergent pour partie53, et cest en suivant ces deux logoi que lenquteur sengage sur ce quil appelle ailleurs les chemins des rcits ( )54, prolongeant la tradition, innovant aussi partir delle. Et de mentionner les points de rupture et de raccordement :

    Ce sont les Threns qui racontent () ce qui prcde ; et, pour le reste de lhistoire ( ) partir du point o nous en sommes, ils sont daccord avec les Cyrnens. Car en ce qui concerne Battos, les Cyrnens ne disent pas du tout la mme chose queux55.

    Ces remarques nonciatives montrent quHrodote dispose dun matriel56 dans lequel il opre lui-mme des choix pour donner sa propre version (57), et il guide son lecteur parmi une tradition narrative illustre dans chaque cit. Le rcit de la colonisation de la Tyrrhnie par les Lydiens relve du mme hritage et met en scne avec une particulire nettet, nous le verrons, les thmes caractristiques du rcit de fondation. Que ces rcits soient qualifis de logoi nimplique pas quils appartiennent ncessairement la tradition orale. Hrodote prcise quil consigne par crit ( ) ce rcit58, et chaque lecteur sait quil en va de mme pour tous les logoi de lEnqute. Distinguer les diffrentes versions, les dcrochements et les reprises est le signe dune sophistication propre la prose crite, quand bien mme puise-t-il dans une matire qui appartient aux deux registres de loral et de lcrit59. Cette complexit se retrouve dans lhistoire des entreprises de fondation menes par Dorieus en Libye, puis en Italie du sud et en Sicile, o il trouve lchec et la mort dans un combat contre les Carthaginois et les gens de Sgeste60. Ici encore Hrodote a

    53 Ottone (2006, p. 271, n. 48), dresse un bilan de ce problme.54 Hrodote , I.95.55 Id., IV.154.56 Sur les circonstances dun possible voyage dHrodote en Libye, o il aurait lui-mme recueilli son information, cf. les rfrences donnes par Ottone (2006, p. 268, n. 35-36).57 Hrodote, IV.145.58 Id., I.93-94.59 Fowler (2001, p. 115) souligne avec raison que, bien quHrodote soit un historien de lcrit, la distinction entre oralit et criture est la ntre, non la sienne , et il ajoute qu il est bon de nous rappeler de temps en temps que la civilisation grecque tait, dans une certaine mesure, tonnamment du ct de lcrit . 60 Hrodote, V.47. Sur lensemble de lpisode, cf. Malkin 1999, p. 227-255, 317-324.

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    connaissance dune tradition ( ), constitue de plusieurs versions, notamment celle des Sybarites ( ), une autre, issue de Crotone ( )61. Mais il faut aussi supposer lexistence dune tradition narrative spartiate constitue autour de la figure de Dorieus et des co-fondateurs ()62, reflet des conflits internes la cit et de lopposition linfluence du roi Clomne. Les prgrinations des Phocens, les premiers des Grecs qui aient accompli des navigations lointaines ( ) , les dcouvreurs du golfe Adriatique, de la Tyrrhnie, de lIbrie, de Tartessos, dans la rgion de Cadix, au-del des colonnes dHracls63, les conduisent des tentatives de fondation, vers le milieu du VIe sicle, pour chapper au Mde Harpage, stratge de Cyrus, lanc dans la conqute de lIonie. Ils refusent loffre du roi de Tartessos ; puis ils chouent acheter aux gens de Chios les les Oinousses ; la moiti dentre eux met la voile pour Kurnos, la Corse, o ils ont dj fond Alalia, tandis que les autres reviennent Phoce selon un scnario constant dans les rcits de fondation64 - ; l un conflit avec les Carthaginois et les trusques les oblige prendre la mer pour Rhgion do ils fondent () la cit dHyl, entre Bruttium et Lucanie65. Tradition phocenne et rcits issus des rgions visites par les Phocens se croisent dans la reconstitution dHrodote. Bien quil nindique pas la provenance de ses informations, lanalogie de la structure narrative et des thmes, la similitude du contexte historique et gographique avec celui des trois autres rcits conduisent rattacher la geste phocenne aux mmes hritages, disperss et fragments66.

    Un tel constat ne rsout pas le problme des liens avec lensemble de lEnqute. En effet, les rcits de fondations de cits ne concernent, par dfinition, quune seule cit et sinscrivent dans un cadre local67, fort loign de celui dHrodote dont la matire

    61 Hrodote, V.42, 44, 45.62 Id., V.46.63 Ibid., I.163.64 Cf. Hrodote, IV.156 : Battos, ayant chou, revient Thra o il est reu par les pierres de ses concitoyens ; Plutarque, Questions grecques, 11, 293 a-b : des rtriens partis coloniser Corcyre, en sont chasss par des Corinthiens ; leur retour, leurs concitoyens les empchent de dbarquer coup de frondes. 65 Hrodote, I.163-167.66 Cet entrelacs de repres spatio-temporels superpose le plan du rcit de fondation et celui de la mmoire collective qui se construit travers lui, en rfrence une ralit historique. Le mme processus est luvre dans un document pigraphique comme la stle qui porte le Serment des Fondateurs . Cf. lanalyse de Calame 2005, p. 199-228.67 Quil sagisse dhypothtiques rcits en prose ou de posie narrative . Sur les liens de cette

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    est constitue, ainsi quil lannonce demble, par les vnements qui surviennent du fait des hommes ( ) , Grecs et Barbares, et rsulte dun parcours parmi toutes les cits des hommes ( ) 68. Ne peut-on ds lors formuler lhypothse que lhistori en tant qu enqute et parcours parmi toutes les cits, les peuples (), les territoires (), les usages (), se serait dveloppe en contrepoint de la tradition du rcit de fondation, marque par le particularisme ? Pour cela, il faut aussi supposer que le rcit de fondation, plus encore quune tradition, constitue en lui-mme un genre narratif autonome.

    Hrodote inventeur du rcit de fondation ?

    La prsentation de ce dossier exige davoir lesprit quelques questions, qui ont donn lieu, dans lhistoire de lhistoriographie, de nombreux travaux et controverses et qui ont reu, autour de luvre dHrodote, un surcrot dactualit depuis une quinzaine dannes. Sous quelles formes se prsentait la connaissance du pass produite et transmise lpoque archaque, jusquau temps dHrodote69 ? Quels rles jouaient les diffrents genres potiques dans ce processus ? Comment les premiers prosateurs ont-ils approch ce fonds traditionnel70 ?

    Parmi la littrature antrieure Hrodote, labondance relative des uvres qui traitent du problme de la fondation de cits a conduit, le plus souvent, la conclusion quil existait un genre littraire propre 71 du rcit de fondation, ou ktisis, selon un phnomne courant de surinterprtation, dans les tudes anciennes, ds lors que les sources dpassent tant soit peu leur faible tiage habituel. Aucune tude densemble na remis en cause la dissertation de P. Benno Schmid, parue en 1947, qui recense toutes les

    dernire avec la notion de local history , cf. Dougherty 1994, p. 37, 39, et ici-mme dans la section suivante (II). Sur la dimension panhellnique de la fondation, lie la consultation de lApollon de Delphes, cf. Malkin 1999, chap. 8, Detienne 1990 et 1994, p. 160, 165.68 Contrairement la thse de Jacoby (1949 : supra, n. 8), Lasserre (1976, p. 120-123) et Fowler (2001, p. 95-98), insistent sur le dveloppement concomitant de lhistoire locale et de lhistoire panhellnique. Sur les rapports entre la posie archaque dinspiration panhellnique et le dveloppement de lhistoriographie, cf. Bowie 2001, p. 62-66, et infra section III.69 Schaeffer (1989, p. 35), met en garde contre la thorie essentialiste qui veut faire croire que les genres sont des essences constitues et quainsi la ralit littraire est bicphale : dun ct nous aurions les textes, de lautre les genres . Cette remarque sapplique aussi aux rcits de nature historiographique.70 On renverra notamment louvrage dit par Luraghi (2001) et en particulier son introduction, p. 1-15, qui constitue une bonne synthse de ces problmes.71 Schmid 1947, p. XIII-XIV, et passim.

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    lgendes de fondation grecques et en dduit lomniprsence dun genre, depuis les temps archaques. Le travail de Liebgard Gierth, en 1971, fait de nouveau de ce matriau un genre particulier et le tmoin dune pense historique , qui aurait prcd et favoris la mise en place de lhistoriographie 72. La plupart des tudes qui ont suivi ont prcis et enrichi les dossiers de Schmid et de Gierth sur la question des fondations73 et de leur relation avec la posie dans sa dimension historiographique74.

    Ce consensus sest trouv encore renforc par la dcouverte, en 1992, dun nouveau document, un fragment substantiel une centaine de vers partiellement ou compltement conservs dune lgie de Simonide consacre aux grandes batailles des guerres Mdiques, et notamment celle de Plate75. Ce que lon a appel le new Simonides tait cens apporter la preuve du caractre narratif et historique dune partie de la posie archaque76. Si des vnements historiques, y compris trs rcents, tels que les conflits contre les Perses, contemporains de Simonide (~556-468), pouvaient tre pris comme sujets, tout en tant associs des pisodes de la geste troyenne et pique, tels que le sac de Troie et la mort dAchille, cest quil devait exister des genres tout entiers consacrs lhistoire, rcente ou non, comme le rcit de fondation ou ktisis77. L lgie narrative , quelle traite de fondations, dans le prolongement de la

    72 Gierth 1971, p. 2-3, 156-157.73 Prinz 1979, dont lanalyse ne concerne pas les rcits de fondation comme genre, mais suppose leur existence acquise (p. 7-12, partir des travaux de Schmid et Gierth), pour tudier le dveloppement et la circulation des lgendes elles-mmes. 74 Lasserre 1976, p. 120-123. ; Bowie 2001, notamment p. 46-54.75 Sur la publication, quelques mois d intervalle, par P. J. Parson, dune part, et M. L. West, dautre part (Iambi et Elegi Graeci ante Alexandrum cantati, Oxford, Loeb Classical Library, 2e d., vol. 2, 1992, fr. 1-22), de POxy 3965 et POxy 2327, cf. le volume dirig par Boedeker et Sider (2001) : introduction, texte et traduction anglaise, p. 3-29, commentaire de Ian Rutherford, p. 36-40, pour les passages concernant lArtmision (fr. 1-4 West2), Salamine (fr. 8 W2) et Plate (fr. 10-18 W2), ainsi que p. 65, 120. Le pome semble avoir t compos peu aprs la bataille (Boedeker 2001, p. 120, n. 3). Schachter (1999, p. 25-30) avance lhypothse que llgie de Plate ait t commande par Pausanias, pour tre excute prs du prtendu tombeau dAchille, Sigeion, lentre de lHellespont ; il sagissait de magnifier laction des forces ploponnsiennes et de convaincre les Grecs dAsie de se ranger derrire Sparte plutt quAthnes ; lvnement pourrait avoir eu lieu au printemps ou lt de 478.76 Si bien que ces uvres auraient servi de source Hrodote. Sur les relations entre lgie narrative et historiographie en prose, cf. Boedeker 1995, p. 226-227 ; Boedeker 2001 ; Hornblower 2001.77 Cest la thse dveloppe dans ltude de Lasserre (1976) : selon lui, il y eut lpoque archaque des histoires locales (p. 119), en dpit des fortes rserves formules par Jacoby dans Atthis ; cette littrature historique constitue un vritable genre , avec ses formes propres, son systme narratif fixe et des thmes constants ; elle comprend trois catgories diffrencies par leurs sujets , et la premire dentre elles est forme par les rcits de fondations de cits ou ktiseis (p. 119-123).

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    thse de Lasserre, ou de grands vnements, comme dans le cas du New Simonides , constituerait alors le relais le plus solide, le chanon manquant , qui conduirait de la littrature archaque vers lhistoriographie en prose78.

    Lexamen attentif de lensemble de ces uvres potiques79 fragmentaires invite plus de prudence dans les conclusions. Certes, il est hors de doute, ainsi que laffirme Platon dans lHippias Majeur, quont exist des rcits relatifs lantique fondation des cits ( [] , )80, apparus peut-tre deux ou trois gnrations au plus aprs la fondation elle-mme. Mais pour que lon puisse avancer que ces rcits forment un genre en soi, il faut, dune part, pouvoir tablir que ce type de posie possde ses rgles propres et constitue une catgorie autonome ; il faut prouver, dautre part, que le genre de la ktisis sinsre dans une des circonstances de la vie sociale des Grecs o prend place la posie : banquet, reprsentation thtrale, manifestation cultuelle,

    78 Bowie 2001, p. 50, et en dernier lieu la mise au point de Sider 2006.79 Les prosateurs prdcesseurs dHrodote auxquels des rcits de fondation de cits sont attribus par des tmoignages tardifs (sur ce problme, cf. infra) paraissent fort rares, en ltat actuel des sources (le problme nest pas abord dans ltude de Fowler 1996 et dans sa synthse de 2006). Un seul nom peut tre avanc, encore est-ce avec hsitation. Kadmos de Milet passe pour le premier auteur en prose, selon Pline lAncien, Histoire naturelle, V, 122 (primus prosam orationem condere instituit), Flavius Josphe, Contre Apion, I, 13 ( ) ; cf. Jacoby 1949, p. 359, n. 30, et RE, X, col. 1473, n 6. Selon la Souda, il aurait compos une Fondation de Milet : FGrHist 489 T 1 = Souda s. v. ). Kadmos est galement mentionn par Diodore (I, 37, 3) avec Hcate et Hellanicos. Un passage de Strabon laisse supposer que le thme de la migration ionienne pourrait avoir t abord aussi par Phrcyde dAthnes, peut-tre vers 500 (FGrHist 3 F 155 = Strabon, XIV, 1, 3), mais cette donne est trop fragile pour tre livre au dossier. Le pote Ion de Chios apparat plutt comme un contemporain dHrodote. Il serait lauteur dune Fondation de Chios ( : FGrHist 392 F 3 ; Jacoby 1956b, p. 149-153), en prose (selon Jacoby [1949, p. 364 ; 1956b, p. 149 : the first example of the use of prose for a subject-matter which earlier Ionians had treated in the elegiac (or epic) metre] et la suggestion de Luraghi 2001, p. 50 et n. 18), laquelle font peut-tre allusion Plutarque (Thse, 20.2) et Pausanias (VII.4.8 = FGrHist 392 F 1). Un recueil de rcits de fondation (FGrHist 4 F 66 = Athene, X.447C, et F 68 = Stphane de Byzance s. v. ) et une Fondation de Chios ( : FGrHist 4 F 71a-b) sont attribus Hellanikos, mais celui-ci semble postrieur dune gnration Hrodote et est plutt considr comme un contemporain de Thucydide. Les dates de Charon de Lampsaque (FGrHist 262) sont lobjet dun dbat (Jacoby 1956a, p. 179-192, le situe au temps dHellanikos), bien que la tradition ancienne fasse de lui un prdcesseur dHrodote (Denys dHalicarnasse, Sur Thucydide, 5.2 ; Lettre Pompe Gminos, 3.7 ; Plutarque, De la malignit dHrodote, 20, 859 B). Selon la Souda, il serait lauteur dun recueil de Fondations de cits ( ) en deux livres (cf. aussi Photios, Lexique, s. v. , allusion un rcit de fondation de Charon).80 Platon, Hippias Majeur, 285d.

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    lieu et occasion de la performance 81.

    Or nous ne disposons daucun rcit de fondation qui possde son autonomie. linverse, aucun des genres potiques archaques, que ce soit lpope, llgie, liambe, le pan, lpinicie, le thrne, le dithyrambe, ne sidentifie avec le rcit de fondation. Celui-ci sincorpore plutt de multiples situations potiques. Le catalogue des vaisseaux homrique raconte comment Tlpolme dut sexiler et fonda () trois cits Rhodes82. ne, pour montrer Achille la valeur de sa gnalogie, avant de laffronter, lui raconte comment Dardanos, fils de Zeus, fonda Dardanie ( ) , en un temps o la sainte Ilion ne slevait pas [] dans la plaine comme une cit, une vraie cit humaine ( ) 83.

    Parmi les potes lgiaques, Callinos dEphse, si lon suit le tmoignage de Strabon, composa une ou des lgies ayant pour objet des vnements historiques des VIIIe et VIIe sicles et incluant un rcit de la fondation dHamaxitos, en Troade. Les fragments de Mimnerme cits par Strabon renvoient des fondations, celle de Colophon dans une pice brve, celle de Smyrne lintrieur dune lgie caractre historique rapportant un conflit avec Gygs et les Lydiens84. Selon Diogne Larce, Xnophane, la fin du VIe ou au dbut Ve sicle, composa aussi une Fondation de Colophon et Ltablissement de la colonie Ele en Italie85 ; mais en labsence de fragments conservs et de tmoignages clairs, mieux vaut, comme Franois Lasserre, les retirer de la discussion86. Le pote Panyassis, parent dHrodote, aurait compos, selon la Souda, sept mille vers, peut-tre lgiaques ( ), consacrs Codros, Neleos et aux

    81 Outre le livre dj mentionn de Schaeffer (1989), p. 180-181, 184-185, cf. Jauss 1978, p. 49-51, 66-67, et pour la Grce ancienne Calame 1974, Nagy 1990, p. 364-368. Dougherty (1994) prend nettement position, avec de bons arguments, contre lexistence dun genre lpoque archaque.82 Iliade, II.661-669 (citation, v. 668).83 Iliade, XX.215-239 (citation, v. 216-218). Lintrt pour les gnaologies, qui se manifeste aux VIIIe et au VIIe sicles, dans la posie dEumlos de Corinthe et de Tyrte, accompagne, dans un contexte panhellnique, lmergence de la cit-Etat (Malkin 1999, p. 32-33). La fondation de colonies favorisa la construction de la figure de fondateurs, avec leurs gnalogies. On retrouve ce phnomne avec la manire dont Phrcyde (FGrHist 3 F 2) et Hellanikos (FGrHist 4 F 22) exposent la gnalogie des Philades en la rapportant un anctre hroque, Philaios, fils dAjax, jusqu Miltiade, le fondateur de la colonie de Chersonnse (et loncle du vainqueur de Marathon). Cf. Jacob 1994, p. 190-191.84 Pausanias, IX, 29, 4. Cf. Lasserre 1976, p. 124-125, Dougherty 1994, p. 38-39, Bowie 2001, p. 47-49.85 Diogne Larce IX.20 ( ) = FGrHist 450 T 1, et Jacoby 1949, p. 184.86 Lasserre 1976, p. 122.

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    colonies ioniennes87. Mais Apollodore mentionne Panyassis propos de lponyme de la cit de Smyrne, Smyrna, fille de Thias, roi dAssyrie88. Il semble donc que le pome incorpore, une fois encore, le thme de la fondation, un projet plus large89.

    Parmi le genre de la satire iambique, un fragment dArchiloque mentionne un pisode de la fondation de Syracuse, en 734. Ce fragment proviendrait, selon Franois Lasserre, dun pome sur la fondation de cette cit, d Eumlos de Corinthe, au VIIIe sicle. Que cette reconstruction soit exacte ou que lon prfre lhypothse de Carol Dougherty qui estime quon ne peut prouver lexistence dun tel pome dEumlos90, un tmoignage tardif rapporte le problme vers la sphre large de la posie narrative sujet historique : un commentateur de Pindare qualifie Eumlos de 91. Plutarque de mme, citant un passage de lElgie de Plate de Simonide, ajoute quil sagit dun pome lgiaque caractre historique ( )92.

    La matire relative la fondation apparat encore dans la posie chorale. Le rcit sur Tlpolme, fondateur de Rhodes, est mis contribution par Pindare dans la VIIe Olympique93 pour louer Diagoras, vainqueur au pancrace. Les IVe et Ve Pythiques associent dans lloge les victoires athltiques dArksilas de Cyrne et les exploits du fondateur de la mme Cyrne, le bgue Battos. La onzime pinicie de Bacchylide, en lhonneur du jeune Alexidame, originaire de Mtaponte, vainqueur la lutte au concours Pythique, intgre un rcit de la fondation de Tirynthe ( [] )94.

    Le rappel du contenu et du contexte de communication de quelques-uns des rcits de fondation prsents dans la posie dpoque archaque conduit formuler deux conclusions. Jamais la structure entire du pome nest remplie par lpisode de la fondation ; celui-ci apparat donc comme un thme, un sujet disponible parmi et avec dautres, un topos littraire, un des possibles narratifs, non comme une genre lui seul. Un second constat simpose. Aucune occasion de la vie religieuse, culturelle et

    87 Souda s. v. , avec les remarques de Huxley 1969, p. 177-178, 186. 88 Apollodore, Bibliothque, III.183, et les analyses de Schmid 1947, p. 36-42, Huxley 1969, p. 186-187.89 Jacoby (1949, p. 364, n. 62) remarque quil est tonnant que ce volumineux pome ne soit cit nulle part.90 Dougherty 1994, p. 41 et n. 35.91 Scholie Pindare, Olympiques, XIII.74-75 = FGrHist 451 F 2c.92 Plutarque, De la malignit dHrodote, 42 (872 D).93 Pindare, Olympiques, VII.27-33. Cf. Dougherty 1994, p. 42. 94 Bacchylide, pinicies, XI.38-56 (citation, v. 47-48).

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    sociale nest rserve la production dune parole potique qui privilgierait le rcit de fondation. Les concours athltiques et les sacrifices qui clbrent annuellement le fondateur dans les cits coloniales ne semblent pas faire place ce type de production95. Le rcit de fondation sintgre aux diffrents registres de lpope, de llgie, de liambe, de lpinicie, tant sur le plan de la composition et du mtre que pour ce qui touche au contexte de performance , mais les preuves formelles manquent pour attester quil aurait exist en tant que genre.

    Comment ces rsultats peuvent-ils saccorder avec limportance que lon a releve, chez Hrodote, du problme de la colonisation et avec la prsence de rcits dvelopps qui semblent dots dune certaine autonomie ? Comment expliquer galement les titres la fondation () de telle cit confrs des uvres de lpoque hellnistique qui paraissent renvoyer un genre ? Les fragments dApollonios de Rhodes ont conserv des titres tels que , , 96. Athne mentionne une Fondation de Naucratis due Apollonios de Rhodes ou de Naucratis ( )97. Au VIe sicle, le lexique de Stphane de Byzance renvoie une Fondation de Rhodes du mme Apollonios ( )98. La Souda transmet le titre dun recueil de rcits en prose de Callimaque sur les fondations et changements de noms dles et de cits ( ). Carol Dougherty attire justement lattention sur le fait que toutes les sources sont postrieures lpoque alexandrine, et elle suggre que deux phnomnes se sont combins qui ont conduit l invention du genre potique de la fondation. Dun ct, au temps de Callimaque et dApollonios de Rhodes est entrepris, la bibliothque dAlexandrie, un immense travail de rflexion sur le classement des uvres, qui se traduit par les cent vingt rouleaux des Tables () de Callimaque99. Or contrairement ce que nous apercevons pour lpoque archaque, les principes retenus obissent des logiques trs variables : les pomes de Sappho sont regroups par mtre ; les pinicies de Pindare sont classes selon les quatre grandes manifestations panhellniques ; celles de Simonide sont groupes en fonction des preuves o ont concouru les vainqueurs. La mme diversit vaut pour

    95 Dougherty 1994, p. 44-45.96 Cf. J. U. Powell, Collectanea Alexandrina, Oxford, 1925, fr. 4-12 Nous devons cette rfrence Pfeiffer 1968, p. 144, note 1.97 Athne, VII.283d.98 Stphane de Byzance, s. v. .99 Cf. la prsentation de Pfeiffer (1968, p. 127-134).

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    la littrature historique et ethnographique. Il semble que les rcits de fondation aient fait lobjet dune classe part, comme pour Apollonios de Rhodes. Plutt que de supposer, avec Rudolf Pfeiffer, que la posie des ktiseis, pique ou non, ait exist, et de conclure quelle a t entirement perdue, et que lon ait affaire, au IIIe sicle avant notre re, un revival of the hexametric Ktisis-poetry of earlier ages 100, il est plus vraisemblable de suggrer quau moment des classements alexandrins, on a rapproch et regroup les rcits qui ntaient pas entirement consacrs ce thme et on leur a attribu, de manire anachronique, le titre de ktisis, devenu un nom valeur gnrique. Le second phnomne qui a contribu la cration dun genre appel ktisis, est dordre historique. Au moment des conqutes dAlexandre, les fondations de cits reoivent un regain dactualit : une vingtaine dAlexandries portent le nom du conqurant, parmi soixante-dix cits quil aurait fondes, selon Plutarque101. Le phnomne perdure au IIIe sicle avant notre re, en Asie Mineure et dans le royaume des Sleucides. La fondation de cits est le principal vecteur de diffusion de lhellnisme. Droysen est le premier a lavoir tabli dans une tude systmatique qui figure en appendice du tome II de lHistoire de lHellnisme, paru en 1836102.

    Ces hypothses, qui saccordent avec labsence de toute trace dune posie archaque spcifique et dun genre nomm ktisis, nen rendent que plus remarquable le traitement que rserve Hrodote au thme de la fondation. Les motifs rcurrents, la fois puiss une tradition et ajusts dans des pisodes dots dune forte unit, constituent au fil de luvre un ensemble narratif propos duquel il est ncessaire de poser nouveau la question du genre. Que ces rcits ne recouvrent pas la totalit de

    100 Pfeiffer 1968, p. 144. De tels rcits sont mentionns lpoque hellnistique, surtout au IIe sicle avant notre re, dans le cadre de la rivalit sans piti qui oppose les cits dans la course aux honneurs (cf. Sartre 1991, p. 195-198, citation, p. 196), notamment pour revendiquer une parent lgendaire avec une cit prestigieuse (cf. Curty 1995, p. 257-259). Toutefois, invoquer lanciennet dune communaut nest pas une preuve en soi de lanciennet du rcit qui mentionne cette donne. Le plus souvent les rcits semblent tre lobjet dune invention et dune composition rcentes (cf. Sartre 1991, p. 194). Lebreton (2006, p. 313-315) apporte des exemples et des rfrences utiles, mais ne se prononce pas clairement sur la question de la datation et laisse supposer que ces rcits sont dorigine trs ancienne.101 Plutarque, Sur la fortune ou la vertu dAlexandre, I, 5, 328 E. Diogne Larce (V, 22) mentionne un trait dAristote intitul Alexandre ou Sur les colons ( ). Sur les sens possibles de cette tournure inhabituelle pour un titre (avec la prposition au lieu de ), cf., dans la traduction franaise des Vies et doctrines des philosophes illustres dirige ar M.-O. Goulet-Caz, Paris, La Pochothque , 1999, la note de Michel Narcy : p. 576, n. 2.102 Droysen 2005 [1836]. Depuis, la bibliographie est considrable, notamment les monographies de cits ; pour une vue densemble des problmes, cf. Cohen 1978 et 1995, Briant 1993, et lexemple de A Khanoun avec Bernard 1999.

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    lEnqute nest pas un obstacle lanalyse. Les travaux sur les genres ont montr en effet que jamais lidentit gnrique nest superposable au texte comme totalit , en regard aussi bien de la construction que du sens. Un nom de genre identifie un acte de communication (le genre du sermon, par exemple) ou une forme fixe et ferme (telle que le sonnet)103. Le rcit des entreprises de Dorieus met ainsi en concordance des thmes communs tous les projets de colonisation : limportance de loracle de Delphes, sans qui rien ne peut tre dcid104 ; le contexte de crise politique, ici avec Clomne, de conflit social ou de disette105 qui contraint une partie de la population sloigner pour fonder une cit ; le partage des citoyens en deux groupes, lun destin rester, lautre prendre la mer, avec la forte connotation politique dun telle division dans le monde des cits106 ; la recherche dune terre 107 ; laccent mis sur laction du fondateur, quil se nomme Dorieus, Thras, Battos, Tyrrhnos, Timsios, Thmistocle108 ; le thme de lapoikia comme dpart, navigation pleine de risques, migration et errance109 ; enfin, la rencontre, les changes ou les luttes avec les indignes110. Ce fonds narratif se retrouve, ramass, dans les propos que tient Thmistocle, la veille de la bataille de Salamine, menaant daller fonder une colonie en Italie, pour rpondre aux attaques dont les Athniens sont lobjet de la part des Corinthiens et des Spartiates. Lurgence, la gravit et la solennit de la situation invitent la brivet, presque lellipse : on retrouve en quelques lignes la prescription oraculaire, formule de longue date et garante de lentreprise, la situation de crise et le danger extrme, lexpulsion force de la population, oblige de dserter la cit, limportance du stratge et fondateur,

    103 Ce qui nest nullement la mme chose, le texte ntant que la ralisation de lacte et la forme ntant quun aspect du texte : Schaeffer 1989, p. 130.104 Hrodote, I.167 ; IV.150, 156-157, 178 ; V.42 (Dorieus omet de consulter loracle) et 43 ; VIII.62. Cf. Malkin 1987, p. 17-21 sq.105 Hrodote, I.94 ( ) ; I.168-169 (Phoce prise par Harpage) ; I.170-171 (la conqute de lIonie par les Perses, en 545-544). 106 Ibid., V.42 ; I.94 (geste politique : le roi des Lydiens dcide par tirage au sort qui reste et qui doit partir) ; IV.160 (Arksilas en conflit avec ses frres). Cf. aussi Bacchylide, XI.59-81 (conflit entre Proitos et Akrisios autour de la fondation de Tyrinthe) ; Plutarque, Questions grecques 15, 294e (rivalit entre Lokros et son pre Opous, dans la lgende de fondation des Locriens Ozoles) ; Pausanias, VII.2.1 (conflit entre Neleus et Medon, et la colonisation de lIonie). 107 Hrodote, I.94 ( ) ; 108 Id., V.42-49 ; IV.148 ; I.94 ; I.168 ; VIII.62.109 Ibid., I.94 () ; I.163 ( ) ; I.168 () ; IV.157 ; VIII.62 ( nous nous transporterons en Italie [ ] ). 110 Ibid., I.94 (Ombriens) ; I.167 (Oenotriens, au sud de lItalie) ; I.168 (Thraces de la rgion dAbdre) ; IV.160 (Libyens).

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    Thmistocle, la traverse annonce vers lune des grandes rgions de colonisation111. Largument de la fondation dans une telle situation durgence ne repose pas seulement sur lide selon laquelle une cit est tout entire constitue par le groupe des citoyens et quen consquence elle se trouve l et uniquement l o ils rsident, quel que soit ce lieu, qui peut changer selon les alas de lhistoire. Le recours ce thme, dans les propos que tient Thmistocle, montre aussi la familiarit des hommes politiques et du public, en 480, avec ce problme, des lecteurs dHrodote galement, quelques dcennies plus tard, vers 445-425. Lhypothse peut ds lors tre avance que cest Hrodote qui a certainement contribu fixer, sinon invent compltement, une manire de raconter les rcits de fondation qui nexistait pas en tant que tel avant lui112. Pour tre compris de son auditoire, Thmistocle ne peut que reprendre des thmes familiers auxquels lcriture dHrodote confre une forme ramasse, presque allusive. ce moment de la narration, le lecteur, lui, a en mmoire les quatre grands rcits de colonisation de lEnqute. Hrodote innove, au total, en introduisant dans les arts de rapporter les vnements du pass une cohrence thmatique autour du problme de la fondation, qui incitera par la suite rechercher les origines dun vritable genre dans la posie de lpoque archaque, en appliquant rtroactivement ces uvres des prdicats mis en place par Hrodote.

    Linsertion du rcit de fondation dans les diverses formes denqute historique est atteste, aprs Hrodote, par toute la tradition et notamment par Polybe et par Plutarque. Dans la prface du livre IX, Polybe distingue plusieurs genres (, ) ou catgories () dhistoire113. Sil reconnat avoir choisi le genre pragmatique , entendons, pour simplifier, lhistoire politique , il souligne que dautres formes sont disponibles : le genre gnalogique ( ) et le genre historique qui traite des entreprises de colonisation, des fondations et des parents entre cits ( )114. Polybe souligne galement que cette matire a t traite par de nombreux auteurs , au

    111 Ibid., VIII, 62.112 Tout aussi limpide est le rcit de la colonisation de la Tyrrhnie par les Lydiens en I.94. Dans lEnqute, le livre I, et notamment la section qui correspond la vie de Crsus (I.6-94), est plus dun titre le lieu dexprimentations, entre tradition et innovation. Il en va en particulier pour les genres narratifs, propos desquels on soulignera quils sont toujours lobjet de ramnagements, amalgames ou extensions partir dhorizons gnriques dj disponibles (Schaeffer 1989, p. 153).113 Polybe, Histoire IX.1.2 ; 1.4 ; 1.5 ; 2.4.114 Id., IX.1.4 ; 2.1. Sur le thme des parents () de cit, cf. Curty 1995.

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    point quil est difficile de renouveler le genre sans passer pour un plagiaire115. Mais son propos, qui prend la forme, comme souvent, dun plaidoyer pro domo, insiste sur le fait que, dordinaire, dans la tradition historiographique grecque, le genre du rcit de fondation, de colonisation est intgr au genre plus large de lhistoire, tandis que lui, Polybe, tient se cantonner dans un genre unique ( ) : il a fait le choix d carter les autres genres dhistoire pour [s]en tenir la seule histoire politique 116, parce qu la diffrence des autres sa matire se renouvelle sans cesse117. La rflexion et les choix de lhistorien attestent donc, dune part, que le rcit de fondation est devenu, entre Hrodote et Polybe, un genre autonome lintrieur de lhistoire locale des cits, et, dautre part, quil est le plus souvent incorpor au genre historique.

    Cette tradition historiographique est atteste tout aussi nettement par Plutarque. Le trait des Questions grecques118 est compos de cinquante-neuf notices comportant chacune une question pourvue de sa rponse. Toutes portent sur des usages, des rituels, des institutions, des vnements historiques relatifs aux cits. Quatorze dentre elles, soit prs du quart, abordent le thme de la fondation ou de la colonisation119. Or les sources de Plutarque, quil les indique lui-mme ou que lon sefforce de les reconstituer, sont de trois ordres : il sagit du recueil des cent cinquante huit Politeiai issu de lcole dAristote, de nombreux historiens locaux, allant de la seconde moiti du Ve au IIe sicle avant notre re et dont luvre est dsormais perdue pour lessentiel, ou encore de recueils thmatiques comme celui dHermogne de Smyrne, qui compila et composa des ouvrages historiques sur les Fondations dAsie et les Fondations dEurope, au temps mme de Plutarque120. la fin du Ier sicle, le rcit de fondation est devenu un genre historiographique, un peu convenu, qui satisfait un certain patriotisme local et qui ne semble gure en mesure de se renouveler. Plutarque puise dans des monographies crites en grand nombre depuis Hrodote et lpoque hellnistique, tandis que Polybe avoue sans mnagement que ce type de sujet encombre le genre historique.

    Tel ntait pas encore le cas au temps dHrodote. Dans lEnqute, la matire et le

    115 Ibid., IX.2.2.116 Ibid., IX.1.1 ; 1.6.117 Ibid., IX.2.4.118 Il porte le titre dAitiai Hellnn et le numro 166 dans le catalogue de Lamprias, et, associ aux Questions romaines, le numro 18 dans la traduction dAmyot (1572).119 Plutarque, Questions grecques, 11, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 21, 22, 23, 26, 30, 55, 57.120 Plutarque, Questions grecques, 30 (hypothse plausible), et FGrHist 579 T 1.

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    rcit de fondation font lobjet dune appropriation dont lanalyse permet de mettre au jour quelques-uns des ressorts de lcriture hrodotenne de lhistoire.

    Rcit de fondation et histori

    Lobjet est ici de ressaisir les oprations logiques qui associent le traitement de ce qui concerne la fondation de cits la conception mme quHrodote se fait de son uvre. Lanalyse portera sur quelques-unes des rfrences que comporte lEnqute son propre droulement et ses procdures constitutives.

    Le premier point concerne la question du temps. Luvre dHrodote couvre, au sens troit, la priode qui stend de lavnement de Crsus, en 561, la prise par les Grecs de Sestos, dernire place forte tenue par les Perses sur la rive occidentale de lHellespont, en 479. Mais de nombreux et larges retours en arrire confrent au rcit une profondeur de champ temporelle dont lextension, les modalits et les fins ont t bien tudies. Or les nombreux vnements relatifs des fondations recouvrent la totalit de la mme tendue temporelle. En amont, le premier roi de lEgypte , Mn, dont le rgne peut tre situ, dans le comput hrodoten, vers dix sept mille cinq cents avant notre re, est dcrit comme celui qui fonda la ville ( ) appele maintenant () Memphis 121. lautre extrmit, en 480, Thmistocle menace de se transporter dans le sud de lItalie, Siris, qui est ntre dj de longue date ( ) et o les oracles annoncent que nous devons fonder une colonie () 122. Entre ces deux bornes temporelles les fondations concernent, nous lavons vu, tous les moments de larchasme : fondation dAlalia par les Phocens, vers 565, de Cyrne vers 630, de Thasos vers 682, de Corcyre par les Corinthiens, peut-tre en 733. La fondation de Tyr serait antrieure de deux mille trois cents ans au prsent de lenquteur123, et bien des fondations se rattachent, nous lavons vu, au temps de la guerre de Troie ou des gnalogies qui la prcdent. La chronologie des fondations contribue ainsi baliser le temps de lEnqute et concide, par ses limites et son ampleur, avec le champ des vnements qui surviennent du fait des hommes . Pour cette raison, elle se trouve relie au prsent de lenquteur par un ensemble dexpressions adverbiales de nature temporelle de nos jours ( ),

    121 Hrodote, II.99. En ralit Mn monta sur le trne vers 3200 avant J.-C. : cf. A. B. Lloyd, Herodotus Book II. Commentary 99-182, Leiden-New York-Koebenhavn-Kln, 1988, p. 6 sq.122 Id., VIII.62.123 Ibid., II.44.

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    maintenant (), encore de mon temps ( )124 , qui attestent la fois la continuit et la densit du temps couvert par les vnements humains. cette paisseur le contexte peut confrer une valeur causale. La permanence de Memphis, depuis sa fondation par Mn jusquau temps prsent de lenquteur, est la preuve que, pour les Grecs du temps dHrodote, lgypte est la matrice des civilisations125. Lexistence de nombreuses cits ombriennes, que lon occupe jusqu maintenant ( ), sexplique par le fait que la Tyrrhnie a t colonise par les Lydiens126. Le registre de la fondation de cits contribue structurer le temps de lEnqute, dans ses dimensions rfrentielle et narrative.

    La manire dont Hrodote sapproprie les donnes relatives aux fondations conduit tisser un rseau danalogies avec les thmes structurants de luvre. La singularit irrductible dun peuple, grec ou barbare, provient, dans lanalyse dHrodote, de la manire dont il occupe son territoire, khr, pour se rendre inaccessible toute entreprise de conqute127. Jamais Darius ne parvient apercevoir les Scythes, lancs dans une errance savamment ordonne pour lui chapper128. Sur leur territoire troit (), les Grecs parviennent, Salamine, Plates et mme aux Thermopyles, lors des guerres Mdiques, concilier fuite apparente et victoire, autour dun idal de rsistance insulaire129. Les gyptiens et les thiopiens, parce quils sont matres du temps, en raison de leur anciennet, parviennent rendre leur pays impropre la conqute de Cambyse, dont larme sgare et disparat dans le dsert ammonien130. Toute fondation entretient un rapport similaire avec le territoire, khr. Celui-ci, par diffrence avec la terre (), implique la prsence dune communaut de nature politique131 dont lexistence et la singularit se confondent dsormais avec lorganisation et la matrise de cet espace. Cest un territoire () que Dorieus a pour objectif de possder au terme de son entreprise132. Cest la

    124 Ibid., I.94 ; I.167 ; II.99 ; IV.12 ; IV.160.125 Ibid., II.4, 15, 28, 123. Cf. Hartog 1996, p. 57-64.126 Ibid., I.94. Expressions du mme ordre, propos de fondations de cits : I.167 (Phoce) ; IV.12 (Sinope), 148 (Elide), 150 (Barc). 127 Cf. notre ouvrage Les les nomades. Conqurir et rsister dans lEnqute dHrodote, Paris, ditions de lEHESS, 1997.128 Hrodote IV.83, 102, 118-128.129 Id., VII.175, 211, 216-217, 223, 225.130 Ibid., III.25.131 Lorsque les Lacdmoniens partent avec Thras leur tte, cest une khr quils quittent : Hrodote IV.148.132 Ibid., V, 43.

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    fondation de Cyrne qui fait de la terre libyenne un territoire (, )133. La seconde analogie fondamentale entre la matire de la fondation et le rcit dHrodote touche le problme de la conqute. Dans lEnqute les choix dHrodote quon lassimile, sur ce plan, un historien, le premier ou non, ou un conteur, plus ou moins lettr sont ordonns de sorte quaucun conqurant, de Crsus Xerxs, ne parvient ses fins, sans que lenquteur contrevienne pour autant la vrit historique. La logique de conqute est assimile, dans la narration, une logique dchec. Les rcits de fondation dlimitent une cohrence analogue. Cest parce que Dorieus se comporte en conqurant dans ses entreprises de fondation quil choue : au lieu de partir pour mettre en valeur la terre dHracls, en Sicile ( ), selon loracle de Laios, il sollicite, pour confirmation, une rponse de Delphes, mais change les termes de la question, en demandant sil pourrait semparer du territoire ( ), selon le formulaire de la conqute ; il prend aussitt la tte de la mme troupe () quil avait emmene en Libye et qui avait conduit un chec aprs trois annes134. En Sicile, comme en Libye, le fondateur-conqurant choue et trouve de surcrot la mort. Il arrive aussi que rcit de fondation et narration historique interfrent sur ce thme. Alors que Darius se prpare une grande expdition militaire ( ) contre la Libye, le rcit en est aussitt diffr [je l]exposerai, aprs que jaurai au pralable racont ce qui suit pour laisser place au rcit de fondation de Thra et de Cyrne, le plus long de lEnqute135. Une fois expos les versions de cette longue histoire, lenquteur reprend la parole, mais pour diffrer de nouveau les vnements de la conqute et annoncer la longue description des peuples qui habitent la Libye136 . Les fondations font lobjet dun traitement narratif qui les intgre aux logiques densemble rgissant le sens de luvre et les choix de lhistorien.

    Ce constat conduit sinterroger sur lanalogie qui existe, toujours dans lEnqute, entre, dune part, le thme de lapoikia, conu comme dpart , migration , terme dun voyage qui a pour fin une fondation , et, dautre part, les images, privilgies par Hrodote pour dsigner son propre travail et le dploiement du sens, les images du cheminement et de lerrance associes une intention de connaissance. Ds le dbut de lEnqute, ceux des Perses qui sont dits des logioi,

    133 Ibid., IV.158, 164 (et son synonyme : IV.160. Cf. Malkin 1999, p. 17).134 Ibid., V.42-43.135 Ibid., IV.145. 136 Ibid., IV.167-168 (description : IV.168-199).

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    conteurs ou sages , parcourent, dans le dessein de remonter la cause de la guerre, les traditions lgendaires des Grecs : les rapts dIo, dEurope, de Mde, dHlne137. Depuis les pomes homriques, la mtaphore du chemin du chant est familire la posie grecque138. Limage de la route () comme mtaphore des voies qui se prsentent pour la poursuite du rcit, partir dautres versions () disponibles, en est une variante laquelle la prose recourt aussi139. Hrodote va plus loin dans ce registre, en adaptant cet hritage une rflexion sur la nature de son enqute . Le cheminement accompli parmi les peuples, les usages et les territoires, que tout lecteur peut reconstituer en suivant les notations o lenquteur dit avoir recueilli son information par la vue ou par loue, se double des remarques par lesquelles Hrodote signale quil avance dans son rcit, revient , retourne 140. Laffirmation la plus nette de ce double registre lenqute dfinie comme un parcours, quelle soit vnement ou rcit , se trouve la fin du prologue : javancerai dans la suite de mon rcit ( ), parcourant () semblablement () les grandes cits des hommes et les petites 141. Ce parcours, parce quil obit aux alas de lhistoire, au gr des transformations que subissent les cits des hommes , est aussi une errance, mais qui vise un but : garder mmoire des unes et des autres semblablement () par le rcit. La reprise du mme adverbe, semblablement , souligne le paralllisme entre les deux registres de lhistori. Les entreprises de fondation prennent place dans ce rseau dimages : elles sont un dpart sur les routes, un exode (), comme celui les Lydiens qui ont d quitter leur territoire 142 ; des deux sens d, expdition ou cit fonde, le premier est de loin le plus frquent chez Hrodote143. Les rcits de fondation, eux, portent trace de ces vnements lointains et des prgrinations, elles aussi relles et narratives, qui

    137 Ibid., I.1-4.138 Odysse, VIII.73-74 ; Hymne homrique Herms, 450 ( ). Cf. les tudes pionnires (et parfois oublies) de Becker 1937, Durante 1958, 1960, et le livre de Giannisi 2006, notamment p. 65-73. 139 Pindare, Olympiques, I.110 ( ) ; VI.22-25 ; Nmennes, I,.25, VI.54 ; Hrodote I, 5 ; IV, 12. Cf. Payen 1997, p. 334-341 (p. 335 pour le rapprochement avec les deux chemins de Parmnide.140 Hrodote I.5, I.140, II.11, 35, 99 ; III.109 ; IV.82 ; V.62 ; VII.137, 239.141 Ibid., I.5. ). Montiglio (2005) explore toutes les dimensions de ce thme, en croisant donnes matrielles, inventions narratives sur le temps long de lhistoire et de la culture des Grecs ; pour Hrodote, cf. le chapitre 6, et notamment les pages 136-140, passionnantes : Wandering Writing and Truthfulness in Herodotuss Histories .142 Ibid., I.93 : , .143 Sur onze occurrences du terme, neuf dsignent une expdition, une migration (I.146 ; IV.147, 150, 151, 157, 159 ; V. 24, 42 ; VI.22), et deux dentre elles une cit fonde (V.46 ; IX.106).

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    en sont le fondement et la matire. Comme lEnqute qui se les est appropris et les a incorpors, ils constituent des traces jamais mortes, les rsultats dinvestigations .

    Investigation : peut-tre est-ce le terme le moins imparfait pour rendre compte de lhistoria des Grecs, celle dHrodote du moins, telle quelle apparat au terme dune confrontation avec lune de ses marges , le rcit de fondation.

    *

    Lanalyse des interfrences entre luvre dHrodote et la matire de la fondation de cits conduit deux sortes de conclusions.

    Parce que ces donnes sont lobjet dune appropriation troite, lEnqute laisse supposer quaurait exist un genre du rcit de fondation lpoque archaque, auquel Hrodote puiserait directement. Au terme de lanalyse, il apparat, fort diffremment, que cest lui qui contribue en prciser les formes et les thmes. Plus nettement encore, Hrodote intgre son criture les ressorts du problme historique de la colonisation. Les images du parcours, des allers et venues entre les cits des hommes , de la migration et de lexploration permettent de dfinir le sens et la mthode dun projet de savoir en concordance avec le plan des vnements.

    Linsertion des donnes et des rcits relatifs la fondation et leur rle dans la constitution de l enqute , comme parcours et rcit, montre quil est peut-tre impropre de raisonner en termes de genre historique et de marges de lhistoire, de centre et de priphries. Un tel cadre conduit, en effet, accueillir trop aisment des clivages et des typologies que lon dplace tout au long de lhistoire des genres historiques et partir desquels est jauge la nature plus ou moins historiographique des uvres, en suivant une ligne confondue avec celle dun progrs. Ainsi laisse-t-on chapper des singularits lies des contextes narratifs et historiques que laisse entrevoir la littrature historiographique fragmentaire de la tradition grecque. Lhistori dHrodote est davantage apparue, dans le cadre limit de la confrontation avec le problme de la fondation, comme un mode dinvestigation qui se fixe pour fin dintgrer ce qui se rapporte aux modes de vie en collectivit des hommes, sans jamais dissocier cette vise dune rflexion sur les manires de raconter, celles qui sont disponibles, celles aussi qui sont transformer et inventer.

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