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Les pRAtIques mAthemAtIques Au pRIsme des cuLtuRes en pAys d’IsLAm (VIII e -XV e s.) Ahmed DjEbbAr université des Sciences et des Technologies de Lille reperes - irem. N° 107 - avril 2017 Lorsqu’on tente de périodiser la phase arabe des mathématiques, en ayant à l’esprit le thème du colloque, on constate qu’il est pos- sible de la diviser en quatre grandes séquences qui se juxtaposent partiellement. celle des pra- tiques locales dont l’existence est indiscutable au vu des documents qui nous sont parvenus mais dont les origines sont encore incertaines, celle de l’appropriation des savoirs anciens (VIII e - IX e s.), celle de la réactivation de ces savoirs, suivie d’un long processus d’innovation (IX e - XIV e s.), enfin celle des transferts, vers d’autres aires culturelles (XII e -XV e s.), d’une partie du corpus mathématique hérité des traditions anté- rieures et prolongé de nouvelles contributions. Au cours de chacune de ces phases, le fac- teur culturel s’est exprimé d’abord en mar- quant de son empreinte certains aspects des IntRoductIon Dans cet article, nous parlerons de pra- tiques mathématiques, au pluriel, non pas seulement parce que c’était l’usage dans la tradition scientifique des pays d’Islam, mais également pour mettre en lumière certaines spécificités ou certaines différences de ces pra- tiques lorsqu’elles sont mises en relation avec leur environnement. D’un autre côté, et malgré les facteurs d’unification de l’empi- re musulman que furent la religion, la langue arabe et la culture dominante, nous parle- rons, là aussi, de cultures, au pluriel parce que, derrière cette unité apparente, il y a une gran- de diversité de croyances, de langues, de modes de vie et donc de cultures. ce qui amènera à s’interroger sur d’éventuels liens ayant pu exister entre telle ou telle compo- sante de ce contexte multiforme et le conte- nu des mathématiques. 5 Cet article est issu d’une version rema- niée d’une présentation réalisée lors du colloque « Mathématiques et intercultura- lité » organisé à l’Irem de Lille en 2009. Il est également consultable en ligne sur le portail des IREM (onglet : Repères IREM) : http://www.univ-irem.fr/

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Les pRAtIques mAthemAtIques Au pRIsme des cuLtuRes

en pAys d’IsLAm (VIIIe-XVe s.)

Ahmed DjEbbAruniversité des Sciences

et des Technologies de Lille

reperes - irem. N° 107 - avril 2017

Lorsqu’on tente de périodiser la phasearabe des mathématiques, en ayant à l’esprit lethème du colloque, on constate qu’il est pos-sible de la diviser en quatre grandes séquencesqui se juxtaposent partiellement. celle des pra-tiques locales dont l’existence est indiscutableau vu des documents qui nous sont parvenus maisdont les origines sont encore incertaines, cellede l’appropriation des savoirs anciens (VIIIe-IXe s.), celle de la réactivation de ces savoirs,suivie d’un long processus d’innovation (IXe-XIVe s.), enfin celle des transferts, vers d’autresaires culturelles (XIIe-XVe s.), d’une partie ducorpus mathématique hérité des traditions anté-rieures et prolongé de nouvelles contributions.

Au cours de chacune de ces phases, le fac-teur culturel s’est exprimé d’abord en mar-quant de son empreinte certains aspects des

IntRoductIon

Dans cet article, nous parlerons de pra-tiques mathématiques, au pluriel, non passeulement parce que c’était l’usage dans latradition scientifique des pays d’Islam, maiségalement pour mettre en lumière certainesspécificités ou certaines différences de ces pra-tiques lorsqu’elles sont mises en relationavec leur environnement. D’un autre côté, etmalgré les facteurs d’unification de l’empi-re musulman que furent la religion, la languearabe et la culture dominante, nous parle-rons, là aussi, de cultures, au pluriel parce que,derrière cette unité apparente, il y a une gran-de diversité de croyances, de langues, demodes de vie et donc de cultures. ce quiamènera à s’interroger sur d’éventuels liensayant pu exister entre telle ou telle compo-sante de ce contexte multiforme et le conte-nu des mathématiques.

5

Cet article est issu d’une version rema-niée d’une présentation réalisée lors ducolloque « Mathématiques et intercultura-lité » organisé à l’Irem de Lille en 2009.Il est également consultable en ligne surle portail des IREM (onglet : RepèresIREM) : http://www.univ-irem.fr/

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nement de l’Islam). cette situation va se per-pétuer pendant des siècles dans certains corpsde métiers et ce pour deux raisons. La maîtri-se des méthodes anciennes par leurs utilisa-teurs et le fait que les mathématiques savantesqui ont été traduites ne proposaient pas toujoursdes outils pratiques ou performants qui pouvaientse substituer aux méthodes traditionnelles. celaa amené les mathématiciens à intégrer cessavoir-faire dans le corpus savant en les enri-chissant parfois par des démonstrations, desgénéralisations ou des extensions de leursdomaines d’application. cela s’est fait dansles trois disciplines savantes anciennes, c’est-à-dire la géométrie, la science du calcul et la théo-rie des nombres. mais cela a concerné aussil’algèbre dès ses débuts, en particulier avec lelivre d’al-khwārizmī (m. 850) 1.

un autre facteur ayant eu des consé-quences sur les pratiques scientifiques, induitpar l’avènement d’un nouveau contexte cul-turel dans les vastes territoires de l’empire musul-man, a été la promotion de la langue arabe audétriment de toutes les autres. ce ne sont pasdes décrets politiques mais une dynamique àla fois culturelle et idéologique qui a entraî-né, tout à la fois, le recours à cette langue pourtraduire le savoir ancien et la marginalisa-tion, relativement rapide, des langues scien-tifiques de la région (le grec, le syriaque et lepersan). mais, comme la langue du corann’avait pas de tradition mathématique savan-te, les traducteurs (relayés par les mathéma-ticiens) ont été amenés à forger une nouvel-le langue pour exprimer des notions ou pournommer des objets et des outils rencontrés, pourla première fois, dans les ouvrages traduits.on conçoit tout à fait que, dans le contexted’affrontement politique et militaire islamo-byzantin qui a caractérisé les VIIIe-IXe siècle,

mathématiques pratiquées et parfois même enétant à l’origine d’interrogations, de démarchesou d’orientations nouvelles. Il s’est égalementexprimé au niveau des échanges interculturelsqui ont été favorisés par les activités scientifiquesen général et par celle des mathématiques en par-ticulier. ces échanges n’ont pas revêtu la mêmeforme tout au long du développement des acti-vités scientifiques en langue arabe dans l’espa-ce gouverné au nom de l’Islam. certains ont étéinvisibles et seuls leurs résultats se manifestentdans les écrits savants. D’autres peuvent être décritsparce qu’ils ont fait intervenir des acteurs de lascience et des décideurs à l’intérieur de l’empi-re musulman ou bien hors de ses frontières.

mais, avant d’aborder ces quatre momentsde l’histoire des activités mathématiques despays d’Islam et la nature des éléments cultu-rels qui y étaient à l’œuvre, il est nécessaire d’évo-quer, brièvement, le contexte dans lequel sontnées les premières activités mathématiques enlangue arabe. cela aiderait peut-être à mieuxcomprendre pourquoi ces activités se sontorientées dans telle direction et pas dans telleautre, et pourquoi certaines pratiques ont connudes évolutions rapides alors que d’autres don-nent l’impression de s’être figées, dès le débutde la nouvelle de la nouvelle tradition scien-tifique, en répétant des procédés millénaires aprèsles avoir assimilés et, parfois, adaptés à des situa-tions nouvelles.

Les premières traductions en arabe d’ouvragesscientifiques grecs et indiens sont attestées versla fin du VIIIe siècle. Donc, pendant près de centcinquante ans, les problèmes posés par la ges-tion du territoire de l’empire et par la vie quo-tidienne ont été résolus en recourant à unensemble de savoir-faire mathématiques locauxproduits dans le cadre de cultures et de modesde vies différents (sauf peut-être pour le calculindien, c’est-à-dire le système décimal positionnel,qui était présent au Proche orient avant l’avè-

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1 [Rashed, 2007]

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le grec ait pu reculer devant l’irrésistible pro-gression de l’arabe. mais la situation étaittoute différente pour le syriaque et le persan,deux langues au passé scientifique incontes-table et dont les promoteurs étaient des citoyensà part entière du nouvel empire. D’ailleurs, lasuite des évènements témoignera de la per-sistance du persan qui redeviendra, à partir dela fin du XIe siècle, une langue de rédactiond’ouvrages mathématiques et astronomiques.mais plus de trois siècles de leadership de lalangue scientifique arabe aura pour consé-quence «  d’arabiser » en grande partie lelexique mathématique des ouvrages persans.ce qui est un bel exemple de l’immixiond’une dimension culturelle dans le  «  dis-cours » scientifique 2.

LA phAse des sAVoIR-fAIRe LocAuX

on sait que, bien avant l’émergence de latroisième religion monothéiste, des pratiquesmathématiques existaient dans un cadre cultu-rel arabe, c’est-à-dire avec une terminologie, desopérations, et des transactions particulières quisollicitaient ces pratiques. Les témoignagespostérieurs à l’avènement de l’Islam évoquentune seule discipline, l’arithmétique, un seuldomaine d’activité, le commerce et une seuleméthode, celle du calcul dit de « la main » oudes « articulations » ou bien qualifié d’« aérien »(dans le sens de « mental »). c’est, semble-t-il, avec la diffusion du « calcul indien », appe-lé aussi « calcul de la tablette » et « calcul depoussière » que l’on a accolé au calcul local desqualificatifs à connotation culturelle 3. on aalors parlé de « calcul arabe » ou de « calculbyzantin ». c’est ce que fait al-uqlīdisī (Xe s.)dans son ouvrage intitulé « al- Fuṣūl fī l-ḥisābal-hindī » [Les Sections sur le calcul indien] 4.

on sait aussi que des pratiques géomé-triques préislamiques s’étaient perpétuées dansla région du croissant Fertile après l’avènement

du nouveau pouvoir, avec des résultats, parfoisdémontrés, et des procédures pour résoudredes problèmes. certaines de ces pratiques sem-blent appartenir au corpus mésopotamien.D’autres pourraient provenir de la traditionmétrologique grecque. D’autres semblent êtredes procédés développés dans le cadre de pra-tiques propres à certains métiers. mais, lesauteurs postérieurs au VIIIe siècle qui ont euconnaissance des méthodes utilisées, et qui lesont exposées dans leurs ouvrages, n’évoquentjamais leurs sources. ce qui pourrait signifierque cet héritage avait perdu toute référenceculturelle et qu’il appartenait désormais à un fondcommun, sans connotations particulières.

Ainsi, al-khwārizmī consacre un petit cha-pitre à la présentation de figures géométriquesélémentaires avec, en particulier, l’exposé d’uneversion « archaïque » du théorème de Pythagore(Ve s. av. j.c.) puisqu’elle se limite au cas ducarré 5. Il traite également un problème d’ins-cription d’un carré dans un triangle isocèle quise trouve déjà dans les Metrica de Hérond’Alexandrie 6. De son côté, al-Ḥubūbī (Xe s.)fournit une procédure, qu’il appelle « la métho-de des surfaces », pour résoudre un problèmed’héritage avec donation7. Il y a enfin Ibn Ṭāhiral-bahgdādī (XIe s.) qui expose, à propos de lamultiplication et de la division, des justificationsgéométriques éloignées de « l’esprit euclidien »et qui s’apparentent plus à des « monstrations »qu’à des démonstrations 8.

2 Sur cette arabisation du lexique mathématique persan ;[munshī, 1989]

3 La main = al-yad  ; articulation(s) = caqd → cuqūd  ;aérien = hawā’ī ; calcul indien =ḥisāb hindī ; calcul de latablette = ḥisāb at-takht ; calcul de poussière = ḥisāb al-ghubār ; arabe = carabī ; byzantin = rūmī.4 [Al-uqlīdīsī, 1985]5 [Rashed, 2007] 6 [héron, 1899-1914], Vol. IV, p. 254-256.7 [Al-Ḥubūbī], ff. 14a-14b.8 [Al-Baghdādī, ], p. 190-191.

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ces mathématiques, que nous venons dedécrire brièvement et d’illustrer par quelquesexemples, seront pratiquées durant toute lapériode des conquêtes (632-754) qui com-prend la phase des quatre califes « bien diri-gés » (632-661) et celle de la dynastie omeyya-de (661-754). mais rien ne nous permetd’affirmer que le calcul indien n’avait pascommencé à se diffuser de plus en plus versl’ouest, durant cette première phase, concur-rençant ainsi les anciennes techniques locales.on sait en effet que cet outil, constitué dusystème de numération positionnel décimal etd’un ensemble d’algorithmes arithmétiques, étaitconnu au Proche orient à l’époque du grandsavant Sévère Sebokht (m. 667) 9. Et cela pour-rait signifier qu’il était déjà utilisé locale-ment. mais il faut attendre le début du IXe sièclepour que sa diffusion commence à se faire àgrande échelle. L’initiateur de cette opéra-tion n’est autre qu’al-khwārizmī qui a expli-citement attribué ce nouveau système auxmathématiciens de l’Inde 10.

Ainsi donc, au cours de cette longue phase,la nouveauté n’était pas dans les méthodesemployées mais dans leur appropriation à tra-vers une seule langue, l’arabe. cette languequi, comme on l’a déjà dit, était, jusqu’à la findu VIIIe siècle, sans tradition scientifique véri-table (en dehors de l’expression orale d’une numé-ration décimale et d’un ensemble de fractions),va jouer le rôle d’intermédiaire entre les savoir-faire mathématiques des différentes culturesde l’espace musulman. Elle va garder, sousdiverses formes, des traces de l’origine cultu-relle des outils utilisés. Il y a d’abord des réfé-rences à des traditions de calcul associées à cer-taines régions. Nous l’avons déjà signalé pourl’Inde et l’empire byzantin auxquels il fautajouter la mésopotamie avec, en particulier,son calcul sexagésimal. mais on trouve aussides références à la Perse. Dans les problèmesde gains et de pertes, on utilisait les expressions

persanes « dah-yāzdah » [dix-onze], « dah-dawāzadah » [dix-douze] et « dah-sayāzdah »[dix-treize] pour signifier que le gain ou laperte était de un, deux ou trois dixièmes du mon-tant de l’investissement 11. on trouve égale-ment des traces culturelles dans la transcription,en lettres arabes, des mots ou des expressionsétrangères. Le titre des Eléments d’Euclide ad’abord été rendu par al-Usṭuqusāt [stoiceía],avant de devenir «al-uṣūl» (qui a le sens de « fon-dements »). La Syntaxe mathématique de Pto-lémée a toujours été appelée par les astronomesdes pays d’Islam « al-Majisṭī » [l’Almageste].Le terme « jayb » qui désigne le « sinus » estle résultat d’un raccourcissement de l’expres-sion indienne « jiva ardha » suivie d’une ara-bisation du mot « jiva » qui a donné « jība »dont la prononciation est aussi «  jayb » enl’absence de voyelles. Il y a enfin des expres-sions servant à nommer des procédures avec desmots arabes dont l’étymologie est éloignée dusens technique de ladite opération mathématique.A titre d’exemple, on peut citer la méthode du« bāb » [chapitre] qui désigne un procédé derésolution de problèmes du premier degré.

LA phAse des tRAductIons

Entre le milieu du VIIIe siècle et le débutdu Xe, un puissant mouvement d’appropria-tion des savoirs mathématiques anciens a per-mis de mettre à la disposition des premiersscientifiques des pays d’Islam une masse consi-dérable de textes qui avaient été produits dansdes contextes culturels non arabes (essentiellementindiens et grecs). L’instrument de ce transferta été l’arabe dont la diffusion, jusqu’à l’avènementde l’Islam était limitée à l’Arabie et à son pro-longement dans le croissant Fertile, consé-

9 [nau, 1910], p. 22510 [Al-Khwārizmī, 1992], p. 1 11 [Al-Baghdādī, 1985], p. 266-267.

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quence de la migration de certaines tribus, duSud vers le Nord, bien avant le VIIe siècle.c’est donc tout à fait normalement que se sontmanifestés deux obstacles majeurs à caractèrestrictement culturel. L’ignorance des langues étran-gères par la majorité des Arabes et l’absence delexiques mathématiques bilingues. ces obs-tacles ont été contournés en faisant appel auxmembres de la nouvelle élite cosmopolite quimaîtrisaient le pehlevi, le sanskrit, le syriaqueou le grec. Pour la terminologie, il semble quele syriaque (qui partage avec l’arabe une mêmeorigine araméenne) ait été d’un grand secoursdans la première phase des traductions. Puis, avecla constitution de la première communauté demathématiciens s’exprimant en arabe, les tra-ductions de la fin du VIIIe siècle ont été jugéespeu satisfaisantes et de nouvelles traductions ontété commandées.

ce travail de longue haleine a ainsi permisde faire émerger de vrais spécialistes de la tra-duction dont les profils culturels et confes-sionnels étaient à l’image de la diversité qui carac-térisait la nouvelle société. Pour prendre l’exempledes Eléments d’Euclide, on sait que les deux pre-mières versions en arabe ont été réalisées parle musulman al-Ḥajjāj Ibn maṭar (VIIIe s.),que la troisième est l’œuvre du chrétien IsḥāqIbn Ḥunayn (m. 910) et que la quatrième, cellequi nous est parvenue, est le résultat d’unerévision de la précédente, faite par le grandmathématicien Thābit Ibn Qurra (m. 901) quiétait un sabéen, c’est-à-dire de confession païen-ne. on retrouve cette même diversité à proposde la traduction des Coniques d’Apollonius(IIIe s. av. j.c.) et de l’Almageste de Ptolémée(m. vers 168).

En fait, cette interculturalité, favoriséepar le phénomène d’arabisation des héritagesscientifiques et philosophiques préislamiques,a pris des dimensions beaucoup plus larges enfaisant intervenir, en plus des traducteurs, un

nombre important d’acteurs. Les personnesqui se sont occupées de rechercher les manus-crits puis de les proposer aux personnes inté-ressées, les mécènes qui finançaient l’entre-prise (par conviction ou par imitation descalifes) et les scientifiques concernés directementpar le résultat des traductions. A tous cesintervenants, il faut ajouter les copistes et lesrelieurs. Enfin, au bout de la chaîne, il y avaitles libraires et les vendeurs itinérants qui pro-posaient les textes traduits aux utilisateurs(lorsque leurs moyens financiers le leur per-mettaient) mais aussi et surtout aux déten-teurs de bibliothèques privées. ce sont cesderniers qui assuraient une véritable circula-tion du contenu des textes traduits et, plustard, celle des ouvrages nouveaux, en per-mettant aux chercheurs, aux enseignants etparfois même aux étudiants de fréquenter leursbibliothèques.

Au niveau du contenu, les traductions vontmettre à la disposition des premiers mathé-maticiens de langue arabe une partie de la pro-duction de deux grandes aires culturelles,celle de l’Inde et celle de la Grèce antique.Pour la première, nous ne disposons d’aucuntitre d’ouvrage de mathématiques ayant ététraduit à bagdad. Pourtant les témoignagesdes scientifiques eux-mêmes évoquentl’emprunt aux Indiens de la notion de sinuset, surtout, du système décimal positionnelavec les algorithmes arithmétiques quil’accompagnent. Par contre l’héritage grecest bien référencé. on y trouve Les Elémentset les Données d’Euclide (IIIe s. av. j.c.), lesConiques d’Apollonius (IIIe s. av. j.c.), laMesure du cercle et la Sphère et le cylindred’Archimède (m. 212 av. j.c.), quelqueschapitres Arithmétiques de Diophante (IIe

s.) et l’Introduction arithmétique de Nicomaquede Gérase (IIe s.). on y trouve même desouvrages d’auteurs grecs inconnus mais attri-bués, par les bibliographes des pays d’Islam,

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à des mathématiciens de renom, commePythagore et Archimède.

L’appropriation de tous ces savoirs, d’abordpar la traduction puis par l’étude, l’assimilationet la critique, n’a pas été synonyme « d’arabi-sation », au sens culturel, ou « d’islamisa-tion ». Il y eut une période de juxtaposition desdeux héritages mathématiques que nous venonsd’évoquer avec la conservation de leurs spéci-ficités respectives, c’est-à-dire une dominantealgorithmique pour la tradition indienne et unedominante hypothético-déductive pour cellede la Grèce antique et hellénistique. Puis cettejuxtaposition a laissé place, là où cela étaitpossible, à une forme de synthèse qui est en faitla seule caractéristique de la tradition mathé-matique arabe, en plus bien évidemment deses contributions originales. or cette caracté-ristique n’a aucune marque culturelle ou reli-gieuse. c’est plutôt l’unification d’une doubledémarche scientifique totalement profane ettranscendant les particularités culturelles dumilieu où elle a été élaborée et où elle a opéré.

Il faut enfin signaler que le développe-ment tous azimuts des activités mathématiqueset, plus particulièrement, leur interventioncomme « prestataires de services » pour résoudredes problèmes liés à la pratique religieuse(direction de la mecque, moments des cinqprières quotidiennes, calendrier lunaire) vontcontribuer à la diffusion, dans l’opinion, d’uneimage positive de la science en général et desmathématiques en particulier. mais, parallèle-ment, ce succès va provoquer des réactionsnégatives de la part de certains hommes dereligion qui vont être, au nom d’une spécifici-té à la fois culturelle et religieuse, les pourfendeursdes « sciences des Anciens », c’est-à-dire dessavoirs considérés comme « étrangers » parceque produits par des peuples païens. Dirigées,au départ, contre la philosophie, ces attaques ontété étendues aux sciences rationnelles. c’est ce

qu’a fait, en particulier, le grand théologienal-Ghazālī (m. 1111) et, plus tard, Ibn Tay-miyya (m. 1328) qui va jusqu’à nier les progrèsapportés par l’algèbre.

cela dit, il est important de préciser queles promoteurs de ce discours étaient très mino-ritaires au cours de la première phase du déve-loppement des sciences. Et même lorsque leurnombre augmentera, au XIIe et au XIVe siècle,c’est-à-dire à l’occasion des grands affronte-ments provoqués par les croisades puis par lesinvasions mongoles, l’effet de leurs opinionssur la dynamique des sciences sera négli-geable 12. on peut même dire que, au niveau dela pratique quotidienne, l’effet de ce discourssur celui des philosophes et des scientifiquesétait inexistant, au vu des relations fécondes quise sont tissées entre discours scientifique et dis-cours philosophique 13.

LA phAse de ReActIVAtIon des sAVoIRs

A partir du début du IXe siècle, nous entronsdans une phase d’enrichissement de l’héritagemathématique ancien et de créativité à différentsniveaux. La dynamique va se poursuivre jusqu’audébut du XVe siècle, à des rythmes différentssuivant les régions et les époques. Durant cettelongue période, se constitue et se consolideune communauté mathématique dont les membresappartiennent aux différentes ethnies, confes-sions et cultures de l’empire musulman avec,parfois, quelques apports extérieurs, en parti-culier de la chine et de l’Inde. Au-delà de leurdiversité, ces scientifiques avaient en communleurs spécialités et la langue arabe comme outild’expression. Pour le reste, ils faisaient des

12 Pour un aperçu des différentes formulations de ce rejetdes héritages anciens ; [swartz, 1981], p. 185-215.13 - Les relations entre philosophie et mathématique en sontun exemple. Voir [djebbar, 1984]

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mathématiques de la même manière en ayantrecours, suivant la nature des problèmes trai-tés, soit aux outils de la démonstration soit à ceuxdu calcul et de la résolution de problèmes. Il yavait bien sûr, ici ou là, des éléments spécifiquesà telle ou telle tradition régionale. mais, commeon va le voir à travers quelques exemples,aucun ne remettait en cause la manière de pra-tiquer les mathématiques.

Dans le domaine du calcul digital, la repré-sentation des nombres à l’aide des doigts dif-férait peu d’une aire culturelle à une autre,comme le montre la comparaison entre lesconventions arabes et celles de l’Europe lati-ne (Fig. 1), mais le principe de la numérationet celui du calcul étaient identiques.

Dans la numération indienne, la graphie decertains chiffres a également connu des variantes.Sans rentrer dans les détails, on peut dire qu’ily avait deux manières d’écrire les neuf symboleset le zéro. celle de l’orient et celle de l’occi-dent musulmans (Figures 2 et 3 de la page sui-vante). mais, les opérations qui utilisaient ceschiffres étaient, à l’origine, identiques avant des’enrichir de nouveaux algorithmes inventés àdifférentes époques, en réponse à des besoinsspécifiques 14.

Dans le chapitre des fractions, c’est ledéveloppement quantitatif des calculs qui aamené certains praticiens du maghreb ou d’al-Andalus (qui sont d’ailleurs restés anonymes)à introduire un symbolisme permettant d’évi-ter des erreurs de lecture. En orient musul-man, la graphie des fractions n’a pas évolué dansla même direction 15. Enfin, au niveau de la ter-minologie, on constate quelques différencesdont on ne connaît pas encore les origines.

14 [Ibn al-Bannā, 1968], p. 44-67.15 [djebbar, 1992], p. 223-245.

Figure 1 – Numération digitale latine

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c’est ainsi que le « dénominateur » est dit« makhraj » en orient et « imām » en occidentmusulman 16.

Il faut également signaler un autre typed’intervention des spécificités locales ou régio-nales dans le domaine arithmétique. on le trou-ve dans l’un des nombreux domaines d’appli-cation des fractions, celui des poids et mesures.on y constate une grande diversité d’unités etde sous unités dans les longueurs, les aires, lesvolumes, les poids et les monnaies. ce quinécessite, parfois, des développements sur lesconversions de ces unités, les unes par rapportaux autres, avant le traitement des problèmesinspirés par les transactions commerciales 17.

En géométrie, aussi, les différences qu’onpeut observer ne se situent pas au niveau desdémarches et des méthodes, mais plutôt auniveau de la terminologie et du traitement decertaines figures planes ou solides. Dans lagéométrie de la mesure, on constate que lesmanuels d’al-Andalus qui nous sont parvenuscalculent les volumes de certains solides qui nesont traités dans aucun ouvrage connu d’orient.Il s’agit de la «  fanīqa » [sac de paille], de« ḥūt aṭ-ṭacām » [poisson de froment] et de

« curmat aṭ-ṭacām » [tas de froment]18. A l’inver-se, certaines figures planes, apparemment liéesà l’architecture et à la décoration, sont mentionnéesdans les manuels orientaux mais sont absentesde ceux de l’occident musulman qui nous sontparvenus. c’est le cas, par exemple, du muṭṭab-bal [figure en forme de tambour], du naôlī[figure en forme de fer à cheval] et du dhūash-shuraf [figure à balcons] 19.

Dans la géométrie plus savante, les diffé-rences que l’on relève sont au niveau de la ter-minologie et elles s’expliquent aisément. Atitre d’exemple, l’expression « ḍarb alif fī bā »qui signifie « le produit de a par b » est une for-mulation « arithmétisée » de l’expression eucli-dienne « rectangle contenu par a et b ». on latrouve dans l’une des traductions des Elémentsréalisée par al-Ḥajjāj (VIIIe s.). Après lui, Isḥāq,qui a réalisé la troisième version arabe de cetouvrage, a préféré rester fidèle à la formulationgrecque originelle.

Figure 2 : Numération indienne de l’Orient musulman

Figure 3 – Numération indienne de l’Occident musulman

16 [souissi, 1968], p. 152, 296.17 [djebbar, 2007], p. 130.18 [djebbar, 2005], p. 17-1819 [Al-cĀmilī, 1981], p. 84-86

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mais, si la dimension culturelle est peuprésente dans la matière mathématique elle-même, cette discipline va être «mise en cultu-re» par son introduction partielle dans unensemble de publications destinées à des lec-teurs généralement différents des professionnelsde la science. En effet, avec le développementdes activités scientifiques très spécialisées et avec,parallèlement, l’émergence de groupes sociauxde plus en plus instruits, un besoin a commen-cé à s’exprimer parmi les élites des villes, celuide s’informer sur les grandes orientations de lascience et sur le contenu de ses différentes dis-ciplines. La réponse à cette demande a étéexprimée par la diffusion d’écrits de genresdifférents mais qui s’adressaient à un même lec-torat. Il y a eu d’abord des ouvrages biobi-bliographiques, comme le Fihrist [Le cata-logue] d’Ibn an-Nadīm (m. 995) qui contient unchapitre consacré aux mathématiques 20. on ytrouve une présentation détaillée de la produc-tion grecque dans ce domaine avec des indicationsprécieuses sur ce qui est parvenu aux musul-mans à travers les traductions. on y trouveaussi des « fiches » sur les mathématiciens quiont publié en arabe depuis le début du IXe

siècle jusqu’à l’époque de l’auteur. Au cours dece même siècle, deux encyclopédies ont étépubliées. Elles étaient de natures différentes maisvisaient le même public. Les Rasā’il [Epîtres]des Ikhwān aṣ-ṣafā’ (Xe s.) et les Mafātīḥ al-ôulūm [clés des sciences] d’Abū cAbdallah al-khwārizmī (Xe s.). Dans les deux ouvrages, ontrouve des chapitres consacrés exclusivementau contenu des mathématiques. mais si le pre-mier intègre son exposé dans une vision phi-losophique précise, en vue de la légitimer, lesecond reste dans un cadre strictement techniquese contentant de donner les définitions desobjets, des notions et des outils utilisés en géo-métrie et en théorie des nombres.

Dans le prolongement de cette productionà caractère culturel, on doit signaler une acti-vité mathématique qui n’avait aucune autreprétention que celle de distraire, d’intriguer oud’émerveiller peut-être des auditoires curieuxou partageant la même culture arabe. cetteactivité a eu un succès tel qu’elle a abouti à lapublication de deux types d’écrits mathématiques :des poèmes faciles à mémoriser et des ouvragesou des chapitres dans des manuels de calcul.

Dans les poèmes, on se contente d’énon-cer des problèmes, sous forme d’énigmes, sans20 [Ibn an-nadīm, 1871-72], p. 265-285

Figure 4

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en donner la solution, celles-ci étant fourniesoralement devant l’auditoire (Figure 4). Dansles manuels, qui sont rédigés en prose, on faitintervenir un partenaire dont le rôle est, à la fois,d’énoncer le problème et d’exécuter, mentale-ment, des opérations arithmétiques ordonnéespar le meneur de jeu. L’ensemble des pro-blèmes de cette seconde catégorie porte le nomde « nombres pensés » parce que, à l’origine,il s’agissait de déterminer un nombre qui avaittelle ou telle propriété. Puis le jeu s’est étenduà d’autres « énigmes ». révéler le nom d’unepersonne présente ou absente, désigner la mainqui cache un objet, trouver le doigt d’une mainqui porte une bague, etc 21.

La troisième catégorie d’ouvrages, cellequi connaîtra le plus de développement dans lessiècles suivants, est celle des classifications dessciences. Le livre pionnier est la Risāla fī iḥṣā’al-culūm [Epître sur le recensement des sciences]du célèbre philosophe al-Fārābī (m. 950). Dansle chapitre 3, consacré aux mathématiques,l’auteur regroupe sept disciplines : la science dunombre, la géométrie, l’optique, l’astronomie,la musique, la science des graves et la sciencedes procédés ingénieux (c’est à dire la mécanique).on retrouve bien, du moins au niveau des appel-lations, la classification grecque traditionnellequi correspond au « quadrivium », augmentéede trois domaines qui semblent concerner ce quideviendra plus tard la physique et la mécanique.mais les titres de chapitres sont trompeurs etcachent une évolution importante qui s’est opé-rée tout au long du IXe siècle et dans la premièremoitié du Xe. cette évolution a découlé, à la fois,de l’acclimatation des mathématiques préisla-

miques dans un espace culturel nouveau, avecl’intégration d’une discipline ancienne nongrecque — le calcul indien —, l’avènementd’une nouvelle discipline —l’algèbre —, et ledéveloppement de l’optique, comme domained’application de la géométrie 22.

cette classification d’al-Fārābī est aussil’illustration d’une démarche typiquementgrecque qui n’a pas été altérée par le transfertdes mathématiques d’une aire culturelle àune autre. Il s’agit de l’intervention de la phi-losophie dans le champ des mathématiques etvice-versa. Al-kindī (m. après 873) a été lepremier, à notre connaissance, à affirmer cetteinteraction, non seulement en écrivant denombreux livres techniques traitant d’arith-métique, de géométrie et d’optique mais éga-lement en réfléchissant sur les liens entre lesdeux disciplines 23.

Il y a enfin deux autres aspects de l’inter-culturalité qui ont concerné les mathématiquesparce qu’elles avaient connu un développe-ment important et parce qu’elles apparaissaientcomme des activités qui transcendaient lesparticularismes culturels et religieux des com-munautés et des groupes vivant dans les citésde l’empire musulman. Le premier concerne lesdébats interconfessionnels et il est illustré parun texte du IXe siècle qui met en scène des intel-lectuels de bagdad, de confessions différentes,parmi lesquels on trouve un mathématicien etpas le moindre puisqu’il s’agit de Thābit IbnQurra (m. 901). ce n’est pas en tant que sabéen,pratiquant une religion païenne, que ce savantintervient mais en tant que mathématicien.Pourtant les échanges concernaient un sujet émi-nemment religieux, celui de la finitude ou del’infinitude du nombre des âmes créées parDieu. Pour sortir de l’impasse dans laquelle s’étaitapparemment engagée la discussion des débat-teurs présents, Thābit a fourni une réponsetout à fait originale pour l’époque en admet-

21 [hermelink,   1977], Vol. II, p. 44-52  ; [djebbar,2004], p. 303-322 22 [Al-fārābī,  1968], p. 93-11023 Il aurait écrit une « Epître sur le fait que la philosophiene peut être assimilée que par les mathématiques » ; [Ibnan-nadīm, 1871-72], p. 255

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tant le principe de l’existence de plusieurstypes d’infinis et en tentant de « démontrer »que l’on pouvait concevoir une relation d’ordreentre ces infinis. cela lui a permis de justifierl’existence d’une infinité d’âmes sans que celaentre en contradiction avec l’infinitude de Dieuqui les a créées 24.

Le second aspect est relatif à la perceptionqu’ont eue les mathématiciens des pays d’Islam(au-delà de leurs différences sociales, cultu-relles et confessionnelles) de la manière dontont été élaborées les différentes composantesde leur discipline. ceux qui se sont expriméssur le sujet révèlent une vision profondémenthumaniste dans laquelle les savoirs mathéma-tiques apparaissent comme le résultat d’un longprocessus historique qui a eu lieu, concrètement,dans le cadre de communautés, de cultures oude civilisations différentes, mais qui les a trans-cendées toutes.

Parmi les savants qui se sont exprimés surle sujet, as-Samaw’al (m. 1175) a été le plus expli-cite. cela ne semble pas être étranger à son pro-fil et au milieu où il a vécu. c’est en effet unmathématicien de bagdad dont le père étaitoriginaire du maghreb, et plus précisément dela ville de Fez. Il a été un scientifique novateuren algèbre et en arithmétique puisque lesrecherches de ces dernières décennies le créditentdu développement de la théorie des polynômesabstraits et de celle des fractions décimales. Ila également exercé brillamment la médecine etcette seconde activité, par les contacts qu’ellepermet, n’a pu que favoriser les échanges avecles élites de son époque. une autre particula-rité de ce savant, qu’il a partagée d’ailleursavec un certain nombre de ses concitoyens, estson parcours religieux. Né et élevé dans le

judaïsme, il s’en éloigne à l’âge adulte et seconvertit à l’Islam. Dans un écrit peu connu, inti-tulé Kitāb fī acwār al-munajjimīn [Livre sur lestravers des astrologues] et qui s’adresse à un lec-torat relativement large, as-Samaw’al évoque,en ces termes, les sciences en général et les mathé-matiques en particulier.

« Lorsque les gens ont été envahis par les allé-gations des esprits creux et qu’il n’est rienparvenu d’autre à leurs oreilles, la majori-té d’entre eux s’est imaginée que les Anciensavaient produit tout ce qui était possible deconnaître en science et qu’il n’était plus pos-sible à personne de connaître autre chose quece que connaissaient les Anciens (…). Celavient soit du fait que, pour eux, ce qui peutêtre accessible en science rationnelle est finiet que les esprits ne peuvent en composer autrechose (…), soit du fait de leur croyance qu’ily avait chez les Anciens un degré d’infailli-bilité et d’intelligence qui n’a pas d’équiva-lent chez ceux qui sont venus après eux (…).

Il reste, maintenant, à résoudre la division del’angle en cinq parties égales, l’inscriptiondans un cercle d’un polygone régulier à onzecôtés, à treize côtés et à dix sept côtés, les équa-tions cubiques trinômes, les équations qua-drinômes et celles d’ordre supérieur ainsi qued’autres choses qui sont, jusqu’à ce jour,non résolues alors que les démonstrations ontétabli leur existence et le fait qu’elles ne sontpas impossibles.

Leur impossibilité pour nous et pour tousceux qui nous ont précédés provient du faitque les sciences et les prémisses dont nous dis-posons ne suffisent pas pour les résoudre etqu’elles ont besoin d’autres prémisses quine sont pas apparues à nous. Mais, il n’est pasimpossible que vienne, après nous, celui à quiDieu fera entrevoir cela et qui résoudra celaà partir de ces prémisses d’une manière quine s’est dévoilée encore à personne » 25.

24 [pines, 1965], III, p. 160-66. Sur d’autres problèmes del’infini que se sont posés les scientifiques et les philo-sophes, voir [djebbar, 1984]25 [As-samaw’al], f. 1b.

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LA phAse des tRAnsfeRts

Les mathématiques écrites en arabe ontcommencé à se diffuser dans d’autres espacesculturels dès le Xe siècle. mais, c’est essen-tiellement aux XIIe-XIIIe siècles que cettediffusion s’est intensifiée et qu’un proces-sus d’acclimatation a vu le jour aux deuxextrémités de l’empire musulman en chineet en Europe.

En chine, on signale la présence de l’astro-nomie, et donc indirectement des mathéma-tiques, pendant la dynastie des Song. c’est mayize (Xe s.), un scientifique persan, qui auraitété sollicité pour initier des activités astrono-miques et astrologiques à beijin. mais il sembleque cela n’a pas abouti à la constitution d’unetradition « gréco-arabe » distincte des pra-tiques traditionnelles chinoises.

Avec l’avènement de la dynastie des yuan,une nouvelle opportunité s’est présentée, favo-risée par les contacts des conquérants mongolseux-mêmes avec les élites des espaces culturelsmusulmans conquis par leurs armées. En 1271,le grand khan kubilaï fonde, à beijing, unbureau astronomique et recrute des dizainesde spécialistes musulmans pour y travailler.une bibliothèque est constituée à cet effet, etelle est alimentée par des ouvrages d’auteursmusulmans dont certains titres ont été enre-gistrés dans un catalogue qui nous est parvenu.on sait aussi, grâce à des sources archéolo-giques, que des techniques des carrés magiques,élaborées en pays d’Islam ont circulé en chineau XIIIe siècle. c’est également à la mêmeépoque que s’est diffusée, probablement à par-tir de la Perse, le procédé de multiplicationappelé « méthode du filet » 26.

cela dit, c’est bien l’Europe médiévale quia bénéficié le plus, et dans la durée, de laproduction mathématique arabe. Dans un pre-

mier temps, la circulation d’une partie de cesavoir semble avoir emprunté deux canaux prin-cipaux : celui des échanges commerciaux etcelui des relations entre membres des com-munautés juives vivant d’un côté et de l’autrede la méditerranée. Des traces de cette cir-culation sont datées du milieu du Xe siècle,mais le phénomène va se développer, essen-tiellement, à partir de la fin du XIe. Il y eutd’abord la publication de manuels mathéma-tiques en hébreu, comme le Ḥibbur ha-Meshiḥawe ha-Tishboret [Le livre de la surface et desmesures] d’Abraham bar Ḥiyya (m. vers1145) et le Sefer ha-Middot [Livre des mesures]d’Abraham Ibn Ezra (m. 1167) 27. Le conte-nu de leurs écrits, ainsi que les méthodes etla terminologie utilisées, révèlent des liens trèsforts avec la tradition mathématique arabed’al-Andalus 28. Il s’agit d’un savoir apprisen arabe, retravaillé, peut-être enrichi, etrendu en hébreu.

A partir du XIIe siècle, ce sont des « lati-nisants » qui prendront le relai. un premiergroupe d’entre eux est resté dans le cadre de cetransfert direct qui consiste à assimiler desconnaissances mathématiques dans leur langued’origine, puis à les rédiger en latin, en conser-vant de nombreux éléments caractéristiques dela tradition arabe et parfois même des réfé-rences à des aspects de la société andalouse oumaghrébine (métrologie, monnaie, etc.). Parmices « passeurs » bilingues, deux ont publié desouvrages qui nous sont parvenus et qui nous per-mettent de confirmer la nature de cette activi-té. Le premier est anonyme, probablementd’origine ibérique. Il a peut-être appris lesmathématiques en arabe dans une des villes

26 [martzloff, 1990], p. 16827 [Levy, 2001], p. 295-305 ; [Levy & ch. Burnett,2006], p. 57-23828 [djebbar, 2005], p. 121-125 ; [moyon, 2008], Vol. 1,p. 149-153

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reconquises par les castillans à partir de la findu XIe siècle. Son livre est intitulé Liber Maha-meleth. ce dernier mot est une simple transcriptiondu mot arabe « mucāmalāt » qui signifie « tran-saction ». Il est évident que l’auteur connais-sait le sens de ce terme et s’il a préféré le gar-der c’est parce qu’il renvoyait à une disciplinebien connue qui portait ce nom. Il s’agit du « Ḥisābal-mucāmalāt ». [calcul des transactions]. Il nousest même parvenu des titres d’ouvrages appar-tenant à ce chapitre et écrits par des mathéma-ticiens andalous prestigieux, comme az-Zahrāwīet Ibn as-Samḥ, tous deux du XIe siècle.

Le second mathématicien de cette catégorien’est autre que Leonardo Pisano (m. après1240). Si l’on en croit l’introduction de l’édi-tion de 1228 de son fameux traité «  Liberabacci », il aurait passé une partie de son ado-lescence à bejaïa, une ville du maghreb cen-tral, qui était, à l’époque, un foyer scienti-fique et un port où se réalisaient des échangescommerciaux importants avec l’Europe duSud. Après une période de formation et deperfectionnement, d’abord à bejaïa puis enorient, il revient dans sa ville natale et se metà rédiger des ouvrages mathématiques de hautniveau pour l’époque. L’analyse comparativede certains chapitres de sa Practica Geome-triae et, surtout, de son Liber Abaci 29, révèleque leur auteur était bien informé d’une par-tie au moins de la production arithmétique etalgébrique arabe de l’orient et de l’occidentmusulman 30.

Le dernier aspect du phénomène de trans-fert des mathématiques de l’espace culturelmusulman à l’espace latin est celui des tra-

ductions. Il est, incontestablement, le plusimportant quantitativement et celui qui a leplus duré. En effet, au hasard de la décou-verte des manuscrits, et en fonction de l’inté-rêt des utilisateurs européens, des ouvragesmathématiques grecs ou arabes ont été tra-duits et parfois même imprimés jusqu’auXVIe siècle 31.

Les personnes qui avaient décidé de selancer dans cette aventure n’avaient, pour la plu-part, aucune qualification mathématique et,au départ, ils ignoraient tout de la langue arabeet, a fortiori, de la culture qu’elle exprimait. unepremière phase a donc consisté, pour eux, àapprendre l’arabe là où cela était possible,c’est-à-dire dans des espaces chrétiens au senspolitique mais encore arabe au sens culturel.Deux de ces espaces venaient de se consti-tuer, résultat de la « Reconquista » castillanedans la Péninsule ibérique et de l’offensivenormande en Sicile. Tolède et Palerme. récu-pérées définitivement par des pouvoirs chré-tiens, ces deux villes, fortement imprégnées deculture arabe, ont été les pôles principaux del’activité de traduction.

Parmi les traducteurs travaillant dans cesdeux métropoles régionales, certains ont étéplus intéressés par les ouvrages mathématiques.ce fut le cas de Gérard de crémone, de robertde chester, d’Adélard de bath et jean de Sévil-le. Pour nous limiter aux écrits arabes, on peutciter comme titre d’ouvrages qui ont bénéficiéd’une ou de plusieurs versions latines. Le Kitābal-mukhtaṣar fī ḥisāb al-jabr wa l-muqābal[Livre abrégé sur le calcul par la restaurationet la comparaison] d’al-khwârizmî (m. 850), leKitāb fī misāhat al-ashkāl al-basīta wa l-kuriya[Livre sur la mesure des figures planes et sphé-riques] des frères banū mūsā et le Kitāb ash-shakl al-qattāc [Livre sur la figure sécante] deThābit Ibn Qurra.

29 [sigler, 2002]30 [hughes, 2008] ; [moyon, 2011]31 une rédaction arabe des Eléments d’Euclide, attribuéefaussement à Naṣīr ad-Dīn aṭ-Ṭūsī (m. 1274), a été publiéeà rome en 1594, par l’imprimerie médicis.

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Il est important de remarquer que ce travail detraduction n’a pas toujours été effectué d’unemanière individuelle et isolée. Il a été l’occa-sion parfois de rencontres et d’échanges entredes personnes de langue et de cultures différentesmais qui arrivaient à communiquer et même àréaliser un travail de traduction grâce à lamédiation d’une troisième langue. Le roman oule castillan 32.

Les initiatives que nous venons d’évoquerbrièvement ont ainsi permis à un savoir grec,indien et arabe de traverser les frontières qui sépa-

raient deux grands espaces culturels de la médi-terranée du XIIe siècle, celui de l’Islam et celuide la chétienneté d’occident. Le caractère pro-fane et universel du contenu des ouvragesmathématiques n’a pu que faciliter sa réceptionen Europe. En effet, les objets, les outils et lesméthodes, que découvraient, au-delà des Pyré-nées, les praticiens de cette discipline, n’avaientaucune spécificité culturelle. En dehors dequelques termes techniques qui trahissaientl’origine arabe des sources, le contenu scien-tifique répondait à une norme que l’on quali-fierait aujourd’hui « d’internationale ».

32 [Vernet, 1985], p. 123-126.

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