133
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N° ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens dans la relation médecin-malade THESE Présentée A l’Université Claude Bernard Lyon 1 et soutenue publiquement le 20 novembre 2014 pour obtenir le grade de Docteur en Médecine par ASTYL Léa Née le 17/03/1982 à Al Khobar

UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

  • Upload
    others

  • View
    35

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1

FACULTE DE MEDECINE LYON EST

Année 2014 N°

ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE

La question du sens dans la relation médecin-malade

THESE

Présentée

A l’Université Claude Bernard Lyon 1

et soutenue publiquement le 20 novembre 2014

pour obtenir le grade de Docteur en Médecine

par

ASTYL Léa

Née le 17/03/1982 à Al Khobar

Page 2: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1

. Président de l'Université François-Noël GILLY

. Président du Comité de Coordination François-Noël GILLY

des Etudes Médicales

. Secrétaire Général Alain HELLEU

SECTEUR SANTE

UFR DE MEDECINE LYON EST Doyen : Jérôme ETIENNE

UFR DE MEDECINE

LYON SUD – CHARLES MERIEUX Doyen : Carole BURILLON

INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES

ET BIOLOGIQUES (ISPB) Directrice : Christine VINCIGUERRA

UFR D'ODONTOLOGIE Directeur : Denis BOURGEOIS

INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE

READAPTATION Directeur : Yves MATILLON

DEPARTEMENT DE FORMATION ET CENTRE

DE RECHERCHE EN BIOLOGIE HUMAINE Directeur : Pierre FARGE

SECTEUR SCIENCES ET TECHNOLOGIES

UFR DE SCIENCES ET TECHNOLOGIES Directeur : Fabien de MARCHI

UFR DE SCIENCES ET TECHNIQUES DES

ACTIVITES PHYSIQUES ET SPORTIVES Directeur :Claude COLLIGNON

(STAPS)

POLYTECH LYON Directeur : Pascal FOURNIER

I.U.T. Directeur : Christian COULET

INSTITUT DES SCIENCES FINANCIERES

ET ASSURANCES (ISFA) Directeur : Véronique MAUME-DESCHAMPS

I.U.F.M. Directeur : Régis BERNARD

CPE Directeur : Gérard PIGNAULT

Page 3: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

Faculté de Médecine Lyon Est

Liste des enseignants 2014/2015

Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers

Classe exceptionnelle Echelon 2

Cochat Pierre Pédiatrie Cordier Jean-François Pneumologie ; addictologie Etienne Jérôme Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Guérin Jean-François Biologie et médecine du développement

et de la reproduction ; gynécologie médicale Mauguière François Neurologie Ninet Jacques Médecine interne ; gériatrie et biologie du

vieillissement ; médecine générale ; addictologie Peyramond Dominique Maladie infectieuses ; maladies tropicales Philip Thierry Cancérologie ; radiothérapie Raudrant Daniel Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Rudigoz René-Charles Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale

Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers

Classe exceptionnelle Echelon 1

Baverel Gabriel Physiologie Blay Jean-Yves Cancérologie ; radiothérapie Borson-Chazot Françoise Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ;

gynécologie médicale Denis Philippe Ophtalmologie Finet Gérard Cardiologie Gouillat Christian Chirurgie digestive Guérin Claude Réanimation ; médecine d’urgence Lehot Jean-Jacques Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Martin Xavier Urologie Mellier Georges Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Michallet Mauricette Hématologie ; transfusion Miossec Pierre Immunologie Mornex Jean-François Pneumologie ; addictologie Ponchon Thierry Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Pugeat Michel Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ;

gynécologie médicale Revel Didier Radiologie et imagerie médicale Rivoire Michel Cancérologie ; radiothérapie Vandenesch François Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière

Page 4: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

Zoulim Fabien Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie

Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers

Première classe

André-Fouet Xavier Cardiologie Barth Xavier Chirurgie générale Berthezene Yves Radiologie et imagerie médicale Bertrand Yves Pédiatrie Beziat Jean-Luc Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie

Boillot Olivier Chirurgie digestive Braye Fabienne Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ;

brûlologie Breton Pierre Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Chassard Dominique Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Chevalier Philippe Cardiologie Claris Olivier Pédiatrie Colin Cyrille Epidémiologie, économie de la santé et prévention Colombel Marc Urologie Cottin Vincent Pneumologie ; addictologie D’Amato Thierry Psychiatrie d’adultes ; addictologie Delahaye François Cardiologie Disant François Oto-rhino-laryngologie Di Fillipo Sylvie Cardiologie Douek Philippe Radiologie et imagerie médicale Ducerf Christian Chirurgie digestive Dumontet Charles Hématologie ; transfusion Durieu Isabelle Médecine interne ; gériatrie et biologie du

vieillissement ; médecine générale ; addictologie Edery Charles Patrick Génétique Fauvel Jean-Pierre Thérapeutique ; médecine d’urgence ; addictologie

Gaucherand Pascal Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Guenot Marc Neurochirurgie Gueyffier François Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie

clinique ; addictologie Guibaud Laurent Radiologie et imagerie médicale Herzberg Guillaume Chirurgie orthopédique et traumatologique Honnorat Jérôme Neurologie Lachaux Alain Pédiatrie Lermusiaux Patrick Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Lina Bruno Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Lina Gérard Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Mabrut Jean-Yves Chirurgie générale Mertens Patrick Anatomie Mion François Physiologie Morel Yves Biochimie et biologie moléculaire Morelon Emmanuel Néphrologie Moulin Philippe Nutrition

Page 5: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

Négrier Claude Hématologie ; transfusion Négrier Marie-Sylvie Cancérologie ; radiothérapie Neyret Philippe Chirurgie orthopédique et traumatologique Nicolino Marc Pédiatrie Nighoghossian Norbert Neurologie Ninet Jean Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Obadia Jean-François Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Ovize Michel Physiologie Picot Stéphane Parasitologie et mycologie Rode Gilles Médecine physique et de réadaptation Rousson Robert-Marc Biochimie et biologie moléculaire Roy Pascal Biostatistiques, informatique médicale et

technologies de communication Ruffion Alain Urologie Ryvlin Philippe Neurologie Scheiber Christian Biophysique et médecine nucléaire Schott-Pethelaz Anne-Marie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Terra Jean-Louis Psychiatrie d’adultes ; addictologie Thivolet-Bejui Françoise Anatomie et cytologie pathologiques

Tilikete Caroline Physiologie Touraine Jean-Louis Néphrologie Truy Eric Oto-rhino-laryngologie Turjman Francis Radiologie et imagerie médicale Vallée Bernard Anatomie Vanhems Philippe Epidémiologie, économie de la santé et prévention

Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers

Seconde Classe

Allaouchiche Bernard Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Argaud Laurent Réanimation ; médecine d’urgence Aubrun Frédéric Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Badet Lionel Urologie Bessereau Jean-Louis Biologie cellulaire Boussel Loïc Radiologie et imagerie médicale Calender Alain Génétique Charbotel Barbara Médecine et santé au travail Chapurlat Roland Rhumatologie Cotton François Radiologie et imagerie médicale Dalle Stéphane Dermato-vénéréologie Dargaud Yesim Hématologie ; transfusion Devouassoux Mojgan Anatomie et cytologie pathologiques Dubernard Gil Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Dumortier Jérome Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Fanton Laurent Médecine légale Faure Michel Dermato-vénéréologie Fellahi Jean-Luc Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Ferry Tristan Maladie infectieuses ; maladies tropicales

Page 6: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

Fourneret Pierre Pédopsychiatrie ; addictologie Gillet Yves Pédiatrie Girard Nicolas Pneumologie Gleizal Arnaud Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Guyen Olivier Chirurgie orthopédique et traumatologique Henaine Roland Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Hot Arnaud Médecine interne Huissoud Cyril Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale

Jacquin-Courtois Sophie Médecine physique et de réadaptation Janier Marc Biophysique et médecine nucléaire Javouhey Etienne Pédiatrie Juillard Laurent Néphrologie Jullien Denis Dermato-vénéréologie Kodjikian Laurent Ophtalmologie Krolak Salmon Pierre Médecine interne ; gériatrie et biologie du

vieillissement ; médecine générale ; addictologie Lejeune Hervé Biologie et médecine du développement et de la

reproduction ; gynécologie médicale Merle Philippe Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Michel Philippe Epidémiologie, économie de la santé et prévention Monneuse Olivier Chirurgie générale Mure Pierre-Yves Chirurgie infantile Nataf Serge Cytologie et histologie Pignat Jean-Christian Oto-rhino-laryngologie Poncet Gilles Chirurgie générale Raverot Gérald Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ;

gynécologie médicale

Ray-Coquard Isabelle Cancérologie ; radiothérapie Richard Jean-Christophe Réanimation ; médecine d’urgence Rossetti Yves Physiologie Rouvière Olivier Radiologie et imagerie médicale Saoud Mohamed Psychiatrie d’adultes Schaeffer Laurent Biologie cellulaire Souquet Jean-Christophe Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Vukusic Sandra Neurologie Wattel Eric Hématologie ; transfusion

Professeur des Universités - Médecine Générale

Letrilliart Laurent

Moreau Alain

Professeurs associés de Médecine Générale

Flori Marie

Lainé Xavier

Zerbib Yves

Page 7: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

Professeurs émérites

Chatelain

Pierre

Pierre

Pédiatrie

Pédiatrie

Bérard Jérôme Chirurgie infantile Boulanger Pierre Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Bozio André Cardiologie Chayvialle Jean-Alain Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Daligand Liliane Médecine légale et droit de la santé Descotes Jacques Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie Droz Jean-Pierre Cancérologie ; radiothérapie Floret Daniel Pédiatrie Gharib Claude Physiologie Itti Roland Biophysique et médecine nucléaire Kopp Nicolas Anatomie et cytologie pathologiques Neidhardt Jean-Pierre Anatomie Petit Paul Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Rousset Bernard Biologie cellulaire Sindou Marc Neurochirurgie Trepo Christian Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Trouillas Paul Neurologie Trouillas Jacqueline Cytologie et histologie Viale Jean-Paul Réanimation ; médecine d’urgence

Maîtres de Conférence – Praticiens Hospitaliers

Hors classe

Benchaib Mehdi Biologie et médecine du développement et de la

reproduction ; gynécologie médicale Bringuier Pierre-Paul Cytologie et histologie Davezies Philippe Médecine et santé au travail

Germain Michèle Physiologie Jarraud Sophie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Jouvet Anne Anatomie et cytologie pathologiques Le Bars Didier Biophysique et médecine nucléaire Normand Jean-Claude Médecine et santé au travail Persat Florence Parasitologie et mycologie Pharaboz-Joly Marie-Odile Biochimie et biologie moléculaire

Page 8: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

Piaton Eric Cytologie et histologie Rigal Dominique Hématologie ; transfusion Sappey-Marinier Dominique Biophysique et médecine nucléaire Streichenberger Nathalie Anatomie et cytologie pathologiques Timour-Chah Quadiri Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie

clinique ; addictologie

Maîtres de Conférence – Praticiens Hospitaliers

Première classe

Ader Florence Maladies infectieuses ; maladies tropicales Barnoud Raphaëlle Anatomie et cytologie pathologiques Bontemps Laurence Biophysique et médecine nucléaire Chalabreysse Lara Anatomie et cytologie pathologiques Charrière Sybil Nutrition Collardeau Frachon Sophie Anatomie et cytologie pathologiques Cozon Grégoire Immunologie Dubourg Laurence Physiologie Escuret Vanessa Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Hervieu Valérie Anatomie et cytologie pathologiques Kolopp-Sarda Marie Nathalie Immunologie Laurent Frédéric Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Lesca Gaëtan Génétique Maucort Boulch Delphine Biostatistiques, informatique médicale et

technologies de communication Meyronet David Anatomie et cytologie pathologiques Peretti Noel Nutrition Pina-Jomir Géraldine Biophysique et médecine nucléaire Plotton Ingrid Biochimie et biologie moléculaire Rabilloud Muriel Biostatistiques, informatique médicale et

technologies de communication Ritter Jacques Epidémiologie, économie de la santé et prévention Roman Sabine Physiologie Tardy Guidollet Véronique Biochimie et biologie moléculaire Tristan Anne Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Vlaeminck-Guillem Virginie Biochimie et biologie moléculaire Voiglio Eric Anatomie Wallon Martine Parasitologie et mycologie

Page 9: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

Maîtres de Conférences – Praticiens Hospitaliers

Seconde classe

Casalegno Jean-Sébastien Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Chêne Gautier Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Duclos Antoine Epidémiologie, économie de la santé et prévention Phan Alice Dermato-vénéréologie

Rheims Sylvain Neurologie Rimmele Thomas Anesthésiologie-réanimation ;

médecine d’urgence Schluth-Bolard Caroline Génétique Simonet Thomas Biologie cellulaire Thibault Hélène Physiologie Vasiljevic Alexandre Anatomie et cytologie pathologiques Venet Fabienne Immunologie

Maîtres de Conférences associés de Médecine Générale

Chanelière Marc

Farge Thierry

Figon Sophie

Page 10: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

10

REMERCIEMENTS

Au Professeur Pierre FOURNERET

Pour l’honneur que vous me faites de présider le jury de cette thèse. Je vous remercie de votre

confiance et de votre disponibilité. Veuillez accepter ici le témoignage de mon profond respect

et de ma sincère reconnaissance.

Au Professeur Liliane DALIGAND

Pour l’honneur que vous me faites de juger ce travail. Votre expertise dans votre domaine

m’impressionne. Je vous remercie sincèrement de l’intérêt que vous avez porté à ce sujet.

Veuillez accepter ici l’expression de ma gratitude envers vous.

Au Professeur Alain MOREAU

Pour avoir accepté de m’accompagner pendant ce travail. Je vous remercie chaleureusement de

m’avoir éclairé de vos connaissances tout au long de cette année et de m’avoir fait découvrir des

domaines passionnants dans le cadre de ce sujet. Votre bienveillance et votre simplicité sont

exemplaires à mes yeux. Je vous assure de ma sincère reconnaissance.

Au Maître de Conférences Evelyne LASSERRE

Pour avoir accepté de me suivre tout le long de ce travail. Je vous remercie pour votre active

présence. Vos conseils judicieux, votre regard pertinent et votre soutien permanent ont rendu ce

travail encore plus agréable à réaliser. Soyez assurée de ma profonde gratitude.

Au Docteur Philippe ROCH, maître de stage universitaire

Pour avoir accepté de venir de Haute-Savoie pour juger mon travail. Je vous suis reconnaissante

de m’avoir accompagné dans mes premiers pas en médecine générale. Vous m’avez ouvert les

portes de votre cabinet en ville avec passion, pendant six mois. Je vous fais part aujourd’hui de

mes remerciements les plus sincères pour votre engagement dans l’enseignement.

Page 11: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

11

Aux quatre médecins qui ont participé à l’étude, aux secrétaires et bien sûr aux patients. Je vous

remercie de votre disponibilité et de votre accueil chaleureux au cabinet. Sans vous, ce travail

n’aurez tout simplement pas été possible. MERCI !

A mes maîtres de stage :

Aux Dr Bruno Tallon, Dr Sonia Peyrot, Dr Nadège Toussaint et au Dr Emmanuel Viry. Je vous

remercie tous sincèrement pour votre compagnonnage. Chacun à votre façon, vous m’avez fait

découvrir avec passion votre métier. A tous les médecins et équipes paramédicales qui ont croisé

ma route professionnelle. Je vous remercie.

A nous:

A mon mari, qui me soutient inlassablement chaque jour et que j’admire. Nos différences nous

rassemblent autant que nos points communs. Tu es essentiel à mon bonheur. L’ennui ne fait pas

partie de mon vocabulaire à tes côtés.

A mon fils Hugo, le plus beau forcément ! Ta joie illumine notre vie.

A ton petit frère ou ta petite sœur à venir…

A ma famille :

A mes parents, qui m’ont toujours soutenue, et accompagnée dans mes études. J’ai la chance

d’avoir beaucoup voyagé à vos côtés. Vous avez fait en sorte que je sois autonome et sereine

pour mon avenir. Je vous en remercie. Je suis très fière de votre parcours et de mes origines.

A mon petit frère qui a grandi, à ses trop nombreuses qualités… Je te souhaite plein de bonheur

dans la vie !

A mes beaux-parents, qui nous soutiennent et nous aident depuis des années.

A tous les autres, aux quatre coins du monde, installés ou exilés, je pense à vous. Quelle force de

se construire sans cesse !

Aux absents, qui brillent.

Page 12: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

12

A mes amis :

A Agnès, qui me connait et me supporte depuis plus de vingt ans. A Man, Olivia, Anso et Céline,

pour vos sourires, votre soutien et votre ouverture d’esprit.

A Mallo, Chacha, et Nolwenn, parce que vous faites aussi partie de ma famille. « Ma maison est

votre maison ».

A Laure, Panda, Marie, Julien, Anso, Thomas, Nico, Geoff, Virgin, Claire, Guillaume, Ptite Laure,

Sylvain, Paco, Charlotte, Bruno, Fabienne, Paul, Marie-Maelle, Romain, Sylvie et j’en oublie

forcément ! A nos vacances, nos premiers de l’an, nos week-ends, et nos discussions sans fin

pour changer le monde ! Que ça ne s’arrête jamais… Vous m’êtes nécessaires.

A Gaétane et Benoit, pour nos soirées sympas et nos vacances familiales ! A Thomas, parce que

tu nous accompagnes dans tous les grandes étapes de notre vie. A Anso B, Mailys, Marco et les

autres, je prends toujours autant de plaisir à vous revoir à chaque fois! A Po et Daf, pour le

Vietnam et tant d’autres choses… A Mat, le roi de l’immuno et de la médecine interne, bravo

pour ton abnégation, tu m’impressionnes.

A Camille, Sofia, Charline et Emilie, and co pour votre bonne humeur, votre gentillesse et pour

les très bons moments passés à Lyon depuis notre arrivée ! Pourvu que ça dure !!!

Aux gentils bressans, Pierrot, Abdel, Deborah, Aude, Manu, Amandine, Nathalie, Simon, Brice et

Souandou, je suis ravie de vous avoir rencontré. Je vous souhaite plein de bonheur dans la vie!

A mes psys pétillantes préférées, Helene, Axelle et Violaine, aux nombreux repas partagés, et à

votre grain de folie que je m’efforce d’acquérir!

A tous les acteurs du cab’ des Etats (E.Viry, Matthieu, France, Pierre-Éric, Céline, Julie, N.Bez,

Jeanne, Magali, Loubna, Mélanie), parce que vous représentez pour moi plus qu’un cadre de

travail. Je vous souhaite le meilleur dans vos vies personnelles et professionnelles. A Jeanne et

au Dr N.Bez, je vous suis particulièrement reconnaissante de m’avoir fait confiance si souvent.

A mon groupe de pairs, je suis ravie de vous côtoyez si souvent, vous enrichissez ma pratique

médicale et j’apprécie ces moments avec vous.

A tous ceux que j’ai connu loin, très loin, ou tout près que je ne vois plus ou moins, vous m’avez

tous accompagné avec bienveillance, aux différents moments de ma vie. Je vous en remercie.

Page 13: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

13

LE SERMENT D’HIPPOCRATE

Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la

Médecine.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination.

J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou

leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les

lois de l'humanité.

J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je

ne tromperai jamais leur confiance.

Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au-dessus de mon travail.

Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite

ne servira pas à corrompre les moeurs.

Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne

provoquerai délibérément la mort.

Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes

compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission.

Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert

d'opprobre et méprisé si j'y manque.

Page 14: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

14

TABLE DES MATIERES

Préambule……………………………………………………………………………………………………………………………………… 18

1 Introduction……………………………………………………………………………………………………………………………..19

2 Cadrage théorique…………………………………………………………………………………………………………………….21

2.1 La relation médecin-malade .............................................................................................. 21

2.1.1 Importance de la relation médecin-malade ................................................................ 21

2.1.2 Evolution du sens de la relation dans l’interaction médecin-malade ........................... 21

2.1.3 L’approche centrée sur le patient ............................................................................... 22

2.1.4 Construction de la relation médecin-malade .............................................................. 23

2.2 L’interactionnisme symbolique .......................................................................................... 24

2.2.1 Définition ................................................................................................................... 24

2.2.2 La dramaturgie sociale et la distance au rôle d’Erving Goffman .................................. 25

2.2.3 L’interactionnisme symbolique appliqué à la médecine.............................................. 27

2.3 L’ethnographie comme outil méthodologique ................................................................... 28

2.3.1 Avant-propos ............................................................................................................. 28

2.3.2 Revue des principales méthodes qualitatives ............................................................. 28

2.3.3 L’observation dans l’ethnographie ............................................................................. 30

2.3.4 Exemples d’ethnographies et d’observations participantes en dehors et dans le milieu

médical…………….……………………………………………………………………………………………………………………….31

3 Matériel et méthode………………………………………………………………………………………………………………...33

3.1 Choix de la méthode .......................................................................................................... 33

3.1.1 L’ethnographie........................................................................................................... 33

3.1.2 Choix du type d’observation....................................................................................... 34

3.1.3 Choix du type d’entretien .......................................................................................... 34

3.2 Mise en place de l’étude .................................................................................................... 35

3.2.1 Contexte de l’étude ................................................................................................... 35

3.2.2 Sélection de la population étudiée ............................................................................. 36

3.2.3 Rôle du chercheur ...................................................................................................... 38

3.3 Recueil des données .......................................................................................................... 39

3.3.1 Journée d’observation directe de la salle d’attente et du secrétariat (de la salle de

repos, si elle est occupée) ......................................................................................................... 39

3.3.2 Observation directe participante de la relation médecin-malade en consultation ...... 40

3.3.3 Entretien semi-directif médecin (35 minutes)/ canevas .............................................. 40

3.4 Méthode d’analyse des entretiens et des données d’observation participante .................. 41

Page 15: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

15

3.5 Stratégie de recherche bibliographique ............................................................................. 42

4 Résultats et analyse…………………………………………………………………………………………………………………..44

4.1 Lieu de l’étude ................................................................................................................... 44

4.1.1 Un cabinet dans son quartier ..................................................................................... 44

4.1.2 Description du cabinet médical .................................................................................. 46

4.2 Le sens de l’accueil et d’hospitalité dans le cabinet ............................................................ 48

4.2.1 Des valeurs partagées fondatrices dans le discours des médecins .............................. 48

4.2.2 Des subtilités dans l’accueil de la patientèle pour chaque médecin ............................ 50

4.2.3 Le souci constant d’un accueil respectueux de l’autre ................................................ 53

4.2.4 Le rôle de la secrétaire dans l’accueil ......................................................................... 55

4.2.5 L’hospitalité physique des lieux vue par les médecins ................................................ 57

4.2.6 L’accueil perçu par les patients .................................................................................. 58

4.2.7 Le choix historique de la localisation géographique du cabinet .................................. 59

4.3 Les objets et leurs sens dans chaque espace ...................................................................... 60

4.3.1 La salle d’attente ....................................................................................................... 60

4.3.2 La salle de repos ........................................................................................................ 64

4.3.3 Le secretariat ............................................................................................................. 66

4.3.4 Les bureaux ............................................................................................................... 67

4.4 Le sens des interactions non verbales au cabinet ............................................................... 71

4.4.1 L’interaction non verbale des médecins ..................................................................... 71

4.4.2 Patients dans l’attente ............................................................................................... 72

5 Discussion…………………………………………………………………………………………………………………………………77

5.1 Forces et limites de l‘étude ................................................................................................ 77

5.1.1 Les forces de l’étude .................................................................................................. 77

5.1.2 Les limites de l’étude ................................................................................................. 78

5.2 Le sens de l’accueil et d’hospitalité dans le cabinet ............................................................ 80

5.2.1 La notion de valeur .................................................................................................... 80

5.2.2 L’investissement du lieu ............................................................................................. 81

5.2.3 L’identité professionnelle ........................................................................................... 82

5.2.4 Les représentations des acteurs en fonction de codes ................................................ 83

5.3 Les objets et leurs sens dans chaque espace ...................................................................... 85

5.3.1 La salle d’attente ....................................................................................................... 85

5.3.2 La salle de repos, un sas de décompression................................................................ 88

5.3.3 Le secrétariat, une barrière séparant l’extérieur de l’intérieur du cabinet .................. 89

Page 16: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

16

5.3.4 Le bureau à l’image du médecin ................................................................................. 89

5.4 Le sens du comportement non verbal au cabinet ............................................................... 91

5.4.1 Les valeurs affichées par les médecins ....................................................................... 91

5.4.2 La salle d’attente, reflet du quartier ........................................................................... 92

5.5 Synthèse des pistes de réflexion ........................................................................................ 94

5.5.1 Axe 1 : Reconnaitre les valeurs fondatrices qui donnent du sens à la relation et à

l’espace médical………………………………………………………………………………………………………………………. 94

5.5.2 Axe 2 : Observer les objets et leurs sens dans l’espace médical .................................. 95

5.5.3 Axe 3 : Comprendre lorsque le corps parle ................................................................. 96

6 Conclusions……………………………………………………………………………………………………………………………….97

7 Annexes………………………………………………………………………………………………………………………………….101

7.1 Annexe 1 : Courrier destiné aux médecins de l’étude ....................................................... 101

7.2 Annexe 2 : Entretien du Dr Marmotte, le 10/06/2014 ...................................................... 102

7.3 Annexe 3 : Entretien du Dr Zèbre, le 23/06/2014. ............................................................ 110

7.4 Annexe 4 : Entretien du Dr Hérisson, le 20/06/2014. ....................................................... 114

7.5 Annexe 5 : Entretien du Dr Gazelle, le 16/07/2014. .......................................................... 120

8 Bibliographie…………………………………………………………………………………………………………………………..129

9 Abréviations……………………………………………………………………………………………………………………………132

Page 17: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

17

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1: Plan du cabinet médical étudié ........................................................................................... 46

Photo 1: La salle d'attente................................................................................................................. 61

Photo 2: La salle d'attente................................................................................................................. 61

Photo 3: Petit cadre en salle d'attente .............................................................................................. 63

Photo 4: La salle de repos ................................................................................................................. 65

Photo 5: La salle de repos ................................................................................................................. 65

Photo 6: Le secrétariat ...................................................................................................................... 66

Photo 7 : Bureau du Dr Marmotte ..................................................................................................... 68

Photo 8 : Bureau du Dr Marmotte ..................................................................................................... 68

Photo 9: Bureau du Dr Gazelle .......................................................................................................... 69

Photo 10: Bureau du Dr Gazelle ........................................................................................................ 69

Photo 11: Bureau du Dr Hérisson et du Dr Zèbre ............................................................................... 70

Photo 12: Bureau du Dr Hérisson et du Dr Zèbre ............................................................................... 70

Page 18: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

18

PREAMBULE

Les relations humaines sont passionnantes. De par mon parcours personnel, j’ai été amenée à

rencontrer diverses cultures et à les voir vivre ensemble, dans un cadre familial ou amical. J’en

retire une grande source d’enrichissement. La médecine m’a permis de découvrir un autre type

de relation, celle qui existe entre un soignant et un soigné.

La relation médecin-malade est mise en jeu à chaque interaction entre ces deux acteurs. Elle

peut être différente pour un même médecin, d’un patient à l’autre et ainsi qu’avec un même

patient. Cette relation pivot de notre exercice quotidien en tant que médecin généraliste, est

fondamentale. Dès la spécialisation en médecine générale, la relation médecin-malade est

abordée en cours théorique. L’expérience de chacun des relations interindividuelles est un

support intéressant et son partage, essentiel pour l’analyse de la relation médecin-malade. Il faut

prendre la mesure des difficultés que le travail sur la relation médecin-malade représente au

jour le jour pour un médecin. Pourtant, il parait nécessaire pour tous de nous y pencher dans

l’optique d’une meilleure alliance thérapeutique avec le patient.

A l’aide d’échanges avec le Dr Alain Moreau, médecin généraliste et enseignant à la faculté, je

me suis intéressée à l’interactionnisme symbolique. J’ai rapidement trouvé un fort parallèle avec

le cabinet libéral de médecine générale. Par la suite, j’ai rencontré Evelyne Lasserre,

anthropologue, qui m’a fait découvrir de nombreux auteurs dont Erving Goffman et son travail

sur la symbolique de la mise en scène théâtrale de la dramaturgie sociale. La recherche du sens

des interactions est devenue à mes yeux, un moyen d’analyser la relation médecin-malade. Là,

une vision anthropologique du cabinet libéral de médecine générale est apparue indispensable.

Page 19: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

19

1 INTRODUCTION

La qualité de la relation médecin-malade est un enjeu majeur dans la recherche d’une meilleure

alliance thérapeutique. Cette alliance est elle-même fondamentale à toute prise en charge

médicale. Selon la WONCA Europe (Société Européenne de Médecine générale-Médecine de

famille), la relation médecin-malade est un des éléments qui entre dans la définition de la

médecine générale en 2002 : « La médecine générale utilise un mode de consultation spécifique,

qui construit dans la durée une relation médecin-patient basée sur une communication

appropriée. Elle développe une approche centrée sur la personne dans ses dimensions

individuelle, familiale, et communautaire ». Parmi ses compétences «savoir», «savoir-être» et

«savoir-faire», le praticien dans le cadre de la relation médecin-malade, interagit avec son

patient en utilisant sa composante « savoir-être ». Cette dimension de la médecine générale,

psychologique et sociale, évolue sans cesse, au gré de notre monde contemporain.

En sciences humaines et sociales, à travers l’Histoire, nous retrouvons l’analyse des différents

types de relations médecin-malade. Partis d’un modèle paternaliste unidirectionnel, nous

évoluons de nos jours vers un modèle davantage centré sur le patient, l’ACP (Approche Centrée

sur le Patient), tout en gardant un médecin décisionnaire. Cette relation qui se doit de plus en

plus concertée entre les deux acteurs, nous amène à faire usage malgré nous, de nos ersatz

d’apprentissages scolaires en psychologie et en sociologie.

L’interactionnisme symbolique, un des principaux courants actuels d’analyse sociologique

s’applique à toute interaction entre deux acteurs. Nous faisons l’hypothèse que cette vision est

transposable à la relation médecin-malade en médecine générale, ce qui implique que «les

humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens que les choses ont pour eux. Ce sens

est dérivé ou provient des interactions de chacun avec autrui » (1).

La littérature internationale sociologique et médicale ont déjà fait appel à cette théorie dans

l’étude de la relation soignants-soignés (ou famille de soignés) en services hospitaliers

(néonatalogie, pédiatrie ou urologie…). Après des recherches bibliographiques, nous nous

sommes aperçus qu’en médecine générale, l’interactionnisme symbolique était relativement peu

usité dans l’analyse de la relation médecin-malade. Or, de prime abord, il parait pourtant évident

que la spécialité médicale où cela aurait le plus de sens d’en faire usage est la médecine

générale, de par sa dimension médico-psycho-sociale. Comment les interactions observées dans

Page 20: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

20

un cabinet médical permettent-elles dans leur contexte de sens de comprendre la relation

médecin-malade ?

Les interactions entre les différents acteurs d’un cabinet de médecine générale, verbales, non

verbales ou modifiées par l’environnement sont soumises au sens qu’en donnent les

protagonistes et influencent la relation médecin-malade. Cette dernière étant la pierre angulaire

de l’exercice de la médecine générale, son étude à travers l’interactionnisme symbolique,

contribuerait à sa meilleure compréhension.

L’objectif de ce travail exploratoire est de comprendre à travers une ethnographie des

interactions ayant lieu entre les différents protagonistes d’un cabinet de médecine générale en

milieu urbain, les significations qu’elles ont pour eux. Pour dégager le sens donné par chacun à

ces interactions, l’ethnographie a été réalisée grâce à une observation participante de la relation

et à des entretiens semi-dirigés des médecins étudiés. Une analyse des données recensées a été

effectuée en les triangulant à la relecture des médecins observés, à la direction du travail de

recherche et à la littérature.

Page 21: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

21

2 CADRAGE THEORIQUE

2.1 La relation médecin-malade

2.1.1 Importance de la relation médecin-malade

« L’essence de la médecine réside (…) dans la relation médicale et, plus précisément, dans la

rencontre avec le malade » (2).

En médecine générale, les médecins sont amenés à suivre leurs patients plusieurs années, un

lien s‘instaure dès la première rencontre et à chacune d’entre elles. Dans la définition de la

médecine générale proposée par la WONCA, il est écrit l’importance du relationnel entre un

médecin et son patient et il est précisé qu’il faut « utiliser l’interaction de la consultation comme

outil thérapeutique ».

Les notions de relation médecin-malade, de communication et d’empathie sont ainsi étudiées

dès la première année de médecine dans la plupart des facultés en France en cours de Sciences

Humaines et Sociales. Par la suite, les objectifs de l’examen classant national(ECN), examen à

passer après six ans de tronc commun en médecine, établissent que « l'étudiant doit apprendre

à maîtriser la relation médecin-malade et sa différence dans la maladie aiguë grave et dans la

maladie chronique. Il doit savoir communiquer et justifier sa démarche diagnostique et

thérapeutique en s'appuyant sur les données actuelles de la science (…). Cette attitude

professionnelle dont l'étudiant doit connaître les aspects médico-légaux, doit respecter la

déontologie et les droits des malades. » On peut conclure que la relation médecin-malade est

une notion fondamentale.

2.1.2 Evolution du sens de la relation dans l’interaction médecin-malade

Elle est en perpétuel mouvement (2). Dans les années cinquante, la relation médecin-malade est

envisagée par T. Parsons (3), comme un jeu de pouvoir, entre confiance et conscience. Il s’agit

d’un modèle très asymétrique entre deux acteurs, réduisant le patient à un rôle passif. Le patient

Page 22: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

22

doit reconnaitre son incompétence à se soigner lui-même et a l’obligation morale de coopérer

avec le médecin.

Cette conception fonctionnaliste a été critiquée par la suite par E. Freidson (4) dans les années

quatre-vingt, montrant que le patient pouvait être acteur dans la relation : « ce sont la foi et la

confiance de la part du client et l’autorité de la part du médecin qui sont les éléments critiques

de cette interaction ». La relation médecin-malade est ainsi envisagée petit à petit par A.L.

Strauss (5), comme un « ordre négocié ». Ce type d’approche montre « l’importance des

processus de marchandage, dans lesquels aucun des partenaires n’a, a priori, une suprématie

définitive » (6).

« Comprendre l’histoire du patient et de sa maladie, (…) la prise en compte du cadre de vie dans

lequel s’inscrit sa maladie » dit M. Stewart (7). L’approche bio-psycho-sociale ne suffit plus à elle

seule pour comprendre l’expérience de maladie du patient qui dépend de sa « biographie »

personnelle. Il faut tenter de comprendre le sens de la maladie auprès du patient expliqueront N.

Mead et P. Bower (8). Plusieurs auteurs mettent ainsi en place petit à petit l’ACP pour répondre

aux nouvelles attentes.

2.1.3 L’approche centrée sur le patient

Il s’agit d’un concept principalement développé à partir des travaux des années cinquante de M.

Balint et de C.R. Rogers (9). Ce dernier a travaillé sur une approche centrée sur la personne, une

thérapie verbale, mettant l'accent sur le patient et le processus relationnel plus que sur le

symptôme. L’ACP est actuellement appliquée à la relation médecin-malade et fait partie des

acquis demandés en cursus de médecine générale alliant le partenariat médecin-malade, la prise

de décision partagée et la conscience de soi. M. Balint (10) parle d’un « colloque singulier » une

rencontre de deux personnes, un médecin « détenteur d’un savoir » et un patient « détenteur

d’un problème ».

Les différents axes du concept ACP sont au nombre de six:

- Explorer la maladie et l’expérience de la maladie vécue par le patient par les aspects cognitifs

de la représentation de la maladie et les préoccupations du patient.

- Comprendre la personne dans sa globalité biopsychosociale, la dimension contextuelle.

Page 23: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

23

- S’entendre et négocier avec le patient sur le problème, les solutions et le partage des

responsabilités. Avoir une compréhension commune.

- Valoriser la prévention et la promotion de la santé

- Etablir et maintenir une relation médecin patient, une alliance thérapeutique, une attitude

compréhensive vis-à-vis des défenses, résistances

- Et enfin, faire preuve de réalisme, s’adapter à chaque situation et tenir compte des limites du

médecin.

Modèle mis en avant de nos jours, il a été soutenu par une théorie développée dans un article de

2004, d’L. Anthony et AL. Suchman (11) : le CRPR (complex responsive processus of relating),

qu’on pourrait traduire par les processus complexes de réactions mis en en place dans

l’interaction humaine. Il promeut le comportement consistant à être dans l’interaction située, la

différence, la diversité, et la réactivité réciproque spontanée des acteurs. Chacun mobilisant des

modèles de sens et de relations différents pour chaque interaction créée y compris avec le

même partenaire.

2.1.4 Construction de la relation médecin-malade

En essayant de dépasser les clivages entre le modèle paternaliste et le modèle autonomiste, qui

peuvent chacun avoir leurs avantages en fonction des situations rencontrées, se développe l’idée

dans la relation médecin-malade d’une décision médicale partagée (12).

La même relation peut se rapporter à différents modèles au gré de l’interaction entre médecin et

patient. La relation médecin-malade est ainsi déterminée par les facteurs individuels psycho-

sociaux et culturels des deux protagonistes et par l’environnement où elle se situe. Les attitudes

peuvent être conscientes ou inconscientes. Il s’agit d’une relation thérapeutique régie par la

confiance, non égalitaire, non linéaire et avec un rôle symbolique et social. L’espace de cette

interaction laisse la porte ouverte aux jeux de la distance au rôle préconisée par E. Goffman (13).

A. Sarradon-Eck (14)(15), médecin généraliste et anthropologue, propose de définir la relation

médecin-malade comme une relation thérapeutique, à travers l’influence que va avoir le

médecin sur le traitement qu’il prescrit au malade mais aussi comme une relation sociale, c’est à

Page 24: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

24

dire une rencontre entre deux acteurs, tous deux membres de groupes sociaux divers, et

engagés dans une action réciproque qu’est le soin.

2.2 L’interactionnisme symbolique

2.2.1 Définition

Dans le prolongement de l’ACP, il existe un courant d’analyse sociologique de l’interaction entre

deux acteurs, il s’agit de l’interactionnisme symbolique. Les trois principes fondamentaux en

sont selon H. Blumer (1), les suivants :

1. Les humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens que les choses ont pour

eux.

2. Ce sens est dérivé ou provient des interactions de chacun avec autrui. Ce principe précise

le premier en attribuant une source au sens. La signification n’est pas inhérente aux

objets, mais elle se forme à travers les manières d’agir à l’égard d’autrui en fonction des

objets. L’objet tient donc son sens non de sa « nature », mais des conduites qu’il suscite.

H. Blumer reprend l’idée de G.H. Mead pour qui l’univers des significations émerge d’un

processus de coopération et d’adaptation mutuelle au sein du groupe social.

3. C’est dans un processus d’interprétation mis en œuvre par chacun dans le traitement des

objets rencontrés que ce sens est manipulé et modifié. Le processus d’interprétation

subjective ne cesse de transformer la signification des objets. Ce processus constitue le

mécanisme fondamental du fonctionnement du soi : l’individu contrôle ses actions en

agissant sur lui-même, en se donnant des indications, en identifiant ses besoins et ses

buts, et finalement en modifiant la définition de la situation en fonction des

circonstances.

Ces principes se rapprochent des différents axes de l’ACP dont la compréhension commune et

l’alliance thérapeutique. L’interactionnisme symbolique intègre l’analyse du verbal, du non

verbal et de l’environnement. Il s’agit d’« actions réciproques» : actions qui se déterminent les

Page 25: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

25

unes les autres. A chaque instant, les partenaires d’une interaction évaluent les circonstances et

se positionnent mutuellement après une réévaluation et un réajustement réciproque.

Nous poussant à une réflexion certaine et bouleversante, surtout dans le cadre d’une application

dans le soin, W.I. Thomas affirme que « si les hommes pensent qu’une chose est vraie, elle

devient réelle dans ses conséquences » (16).

D. Le Breton dans son livre intitulé « L’interactionnisme symbolique » (17), reprend les principes

de ce courant de la sociologie compréhensive. Il souligne que l’origine du comportement tient à

une série d’influences sociales, et surtout à la manière dont l’Homme les comprend. Ainsi, il situe

le centre de gravité de l’analyse dans le « lien de sens et d’action » qui se noue entre les acteurs

en présence. Il montre comment cette pensée analytique peut modifier profondément la vision

que l’on a de situations diverses comme la déviance, l’éducation et bien sûr la médecine. Tout

est réduit à une somme d’interactions, faisant ainsi presque disparaitre la notion même de

société comme entité.

Il décrit la scène de l’interaction comme une « figuration symbolique des corps dans l’espace »,

« une chorégraphie où les mouvements réglés des partenaires s’appellent et se répondent

subtilement créant un rythme, une cohérence ». Le symbole, approche plus corporelle, fait écho

au sens, d’analyse plus verbale.

2.2.2 La dramaturgie sociale et la distance au rôle d’Erving Goffman

E. Goffman (18) est un des grands auteurs du courant interactionniste. Ethnologue et sociologue,

il a publié de nombreux écrits au vingtième siècle. Voici quelques notions abordées dans certains

de ses livres :

Dans « Asiles » (19), il observe trois années durant, le fonctionnement d’un hôpital psychiatrique

américain dans les années soixante. Il y relève de nombreuses difficultés de ce type

d’institution : les déviances du quotidien (reflexes de survie des pensionnaires), les limites d’un

exercice humain du soin en hôpital psychiatrique, les rites d’accueil ou le cadre du soin.

Dans « Stigmate » (20), il s’intéresse au handicap, au sens large et soutient qu’il existe deux

identités : une « virtuelle », par le prisme de la vision qu’a la société du stigmate en question, et

Page 26: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

26

une identité « réelle », la connaissance qu’on a de soi-même. E. Goffman désigne par

« stigmate », le symbole de la diversité ou de la différence de chacun. D. Le Breton parle d’une

« marque physique ou morale susceptible d’entrainer le discrédit de l’individu ».

Dans « La mise en scène de la vie quotidienne » (21) avec ses deux tomes, « La présentation de

soi » et « Les relations en public », et dans « les rites d’interaction », il développe la notion d’une

métaphore théâtrale de l’interaction. Il fait intervenir tout un langage appartenant à l’art du

théâtre : Acteur, personnage, rôle, masque, script, décor, façade, scène, mise en scène, cadre,

représentation, coulisse, rituel... Le monde social est un théâtre, et l'interaction une

représentation de personnages. Dès lors, « l'acteur doit agir de façon à donner,

intentionnellement ou non, une expression de lui-même, et les autres à leur tour doivent en

retirer une certaine impression ». Par exemple, lorsqu'on est invité à dîner chez quelqu'un, on

participe à une véritable « mise en scène »: chacun s'efforce de tenir le « rôle » qui lui est dicté

par la situation. La personne qui reçoit soigne son apparence et le décor, ce qu’E. Goffman

appelle la « façade ». L'espace physique est divisé : la salle à manger, où a lieu la représentation,

constitue la « scène » et la cuisine, elle, forme une « coulisse ». Il s’agit d’un lieu où la

représentation est suspendue et où n'entrent généralement pas les invités. Les hôtes peuvent

alors s'y relâcher, préparer leur prestation à venir ou faire des commentaires sur la pièce qui se

joue. La « face » est le terme employé par E. Goffman pour désigner « la valeur sociale positive

qu'une personne revendique effectivement à travers une ligne d'action que les autres supposent

qu'elle a adoptée au cours d'un contact particulier ». En interaction avec d'autres, la règle

fondamentale que doit respecter tout individu est de « préserver sa face et celle de ses

partenaires ». Différentes stratégies individuelles de « figuration » viennent garantir le respect

de sa face et celle d'autrui, évitant de les compromettre (le tact, les règles de savoir-vivre ou

encore la diplomatie). Des « échanges réparateurs » viennent rétablir l'ordre lorsqu'a lieu un

incident.

Dans « La distance au rôle » (13), E. Goffman indique que derrière le masque de l’acteur, il y a un

« moi », réel, personnel, qui rend possible une distance au rôle joué. Elle laisse apparaitre la

personne derrière le personnage. C’est précisément dans les manifestations de distance au rôle

que le style personnel d’un individu se découvre. Il y reprend la notion de « Figuration »: ce

qu’entreprend une personne pour que ses actions, ne fassent perdre la face a personne, y

compris à elle-même. Il développe l’exemple d’un chirurgien au bloc opératoire en train

d’opérer. Telle une pièce de théâtre, il y détaille les différents temps de l’opération, rythmés par

Page 27: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

27

les multiples attitudes du chirurgien, comme si ce dernier dictait le comportement que les autres

devaient avoir à travers le sien. E. Goffman indique aussi que la distance au rôle, peut-être

possible par la multiplicité des rôles en fonction des situations vécues et que l’adhésion à un rôle

est fondamentale pour sa réussite.

2.2.3 L’interactionnisme symbolique appliqué à la médecine

L’objectif d’un médecin est de soigner quelqu’un de quelque chose (22). L’interactionnisme

symbolique permet de servir ce propos. En l’appliquant à la relation médecin-malade, nous

souhaitons mettre en exergue cette diversité et complexité de sens données par chaque acteur.

En utilisant ce concept comme outil, nous souhaitons parvenir à comprendre quel sens les

patients et les médecins donnent aux interactions qui existent dans la construction de la relation

médecin-malade.

L’utilisation de l’interactionnisme dans les travaux médicaux et surtout paramédicaux (sages-

femmes et infirmières) existe. Les études recensées sur PubMed sont pour beaucoup effectuées

à l’étranger, et lorsqu’il s’agit d’un cadre médical, faites en milieu hospitalier et/ou sur le ressenti

de patients ou de la famille sur telle ou telle pathologie.

Dans Outsiders, H.S. Becker (23) mène une étude d’observation participante dans le monde des

musiciens de jazz et sur les fumeurs de marijuana dans les années 1950. Il construit une théorie

interactionniste de la déviance et refuse le fonctionnalisme, en particulier l'idée que la déviance

soit le résultat de facteurs sociaux subis par les individus.

En 1963, A.L. Strauss dans « L’hôpital et son ordre négocié » (5) analyse les relations autour du

malade, les interactions entre les professions et l’organisation du travail dans l’institution

hospitalière.

B. Milly dans un article intitulé « Les professions en prison » en 2001 (24), effectue une étude de

terrain en prison, y étant lui-même intervenant. Il met en exergue plusieurs professions (dont les

médecins) confrontées à des limites de leurs pratiques dues au cadre de la prison. Il travaille

aussi sur les oppositions et convergences paradigmatiques entre l’interactionnisme symbolique

et l’individualisme méthodologique

Page 28: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

28

On peut lire des travaux sur la relation soignants-mères des bébés soignés, en néonatalogie (25)

effectués par des infirmières, ou une étude faite par des médecins brésiliens sur le ressenti des

femmes souffrant d’incontinence urinaire en post-opératoire (26).

Nous avons retrouvé en France quelques travaux dirigés en cabinet libéral de médecine

générale, par une poignée d’auteurs qui usent de l’interactionnisme symbolique et parfois même

de l’ethnographie mais aucun document n’est dans PubMed. Ce sont plutôt des travaux qu’on

peut retrouver sur Cairn, réalisés souvent par des anthropologues ou des médecins

anthropologues. Ils sont détaillés dans le paragraphe exemples d’ethnographies (paragraphe 2-3-

4).

2.3 L’ethnographie comme outil méthodologique

2.3.1 Avant-propos

Nous avons choisi de traiter notre objet de recherche par une approche qualitative (27), avec

une vision interactionniste, outil entre autres de l’anthropologie, capable d’explorer les

spécificités de la relation humaine entre un médecin et son patient, dans le cadre des soins en

médecine générale. Le choix de l’ethnographie permet de se baser sur l’observation

d’interactions entre des acteurs et leur environnement. Il s’agit pour cette observation, d’une

attitude de disponibilité, de dérive et d’attention flottante selon F. Laplantine (28). Pour notre

sujet, nous souhaitons faire émerger des idées nouvelles et originales permettant de compléter

notre compréhension du sens des interactions de la relation médecin-malade en cabinet de

médecine générale.

2.3.2 Revue des principales méthodes qualitatives

Les méthodes de recherche qualitative (29) sont nombreuses. Les plus utilisées en santé sont :

-La théorisation ancrée : elle vise à « produire une théorie non pas à partir de catégories

conceptuelles puisées dans la littérature mais à partir de données recueillies auprès de

personnes ayant une expérience significative permettant la description approfondie d’un

Page 29: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

29

phénomène à l’étude » (exemple : changement de comportement suite à une maladie grave). La

théorie est habituellement générée au moyen d’entretiens individuels ou collectifs (focus group).

-La phénoménologie : c’est l’étude de l’expérience faite par une ou plusieurs personnes, au cours

d’entretiens individuels, pour expliciter le sens de ce phénomène (exemple : annonce d’un

diagnostic grave).

-L’ethnographie : cette méthode réside dans la « compréhension de certains éléments culturels

d’un groupe (conceptions, représentations, croyances) à partir du point de vue des membres de

ce groupe, de l’observation de leur fonctionnement ou de l’analyse de divers types de

documents pertinents». Il s’agit d’une analyse du comportement humain qui englobe le verbal,

le non verbal et l’environnement de l’interaction située. Sa signification réside dans les

perspectives et les significations adoptées par un individu dans un contexte particulier, ce qui

explique que la compréhension de ce qui est observé surgit tout à la fois de l'observation du

comportement et des informations que donnent les individus sur l'interprétation de leurs

expériences. Selon F. Laplantine, « cette expérience, à dire vrai étrange, qui consiste à nous

étonner de ce qui nous est le plus familier (ce que nous vivons quotidiennement dans la société

où nous sommes nés ou qui nous accueille depuis longtemps) et à rendre plus familier ce qui

nous paraissait originellement étrange et étranger (les comportements, les croyances, les

coutumes des sociétés qui ne sont pas les nôtres) est l’expérience même de l’ethnographie, ou

comme on dit, du terrain » (28). C’est cette méthode qui a été choisie dans ce travail et que

nous allons donc développer.

Les approches compréhensives et qualitatives, partant d’apports méthodologiques mêlant

phénoménologie, ethnographie et s’appuyant sur la théorisation ancrée, utilisent principalement

l’observation et les entretiens.

Les différentes techniques de recueil de données (30) utilisées sont :

- Les méthodes de consensus comme le groupe nominal (avec échelle de Lickert) et la technique

Delphi.

- L’analyse de documents par la recherche action.

- Les entretiens individuels dirigés, semi-dirigés, approfondis, et les focus group.

Page 30: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

30

- L’observation (détaillée paragraphe 2-3-3)

2.3.3 L’observation dans l’ethnographie

L’ethnographie se définit comme « l’observation rigoureuse, par imprégnation lente et continue,

de groupes humains minuscules avec lesquels les ethnologues entretiennent un rapport

personnel » (28). L’ethnographie comporte principalement un travail d’observation, même si elle

peut être complétée par des entretiens ou des documents complémentaires type photographie,

cartographie, ou tout autre document enrichissant l’observation. Il en existe quatre grands

types : l’observation directe participante ou non participante et indirecte.

2.3.3.1 L’observation directe

Elle se fait en présence du chercheur, de manière manuscrite, sans instrument interposé, qui

serait une délégation de l’observation à un tiers. L’observation se fait sur le comportement

verbal, le comportement non verbal et l’environnement de l’interaction. L’observation directe

peut-être participante ou non participante.

L’observation directe participante :

La qualification par le terme de « participante » (31) de l’observation, implique de la part du

chercheur une immersion totale dans son terrain, pour tenter d’en saisir toutes les subtilités, au

risque de manquer de recul et de perdre en objectivité. Cette méthode permet de vivre la réalité

des sujets observés et de pouvoir comprendre certains mécanismes difficilement décryptables

pour quiconque demeure en situation d’extériorité. Le chercheur a un accès privilégié à des

informations difficilement accessibles autrement. Il se sert de son propre rôle dans le projet pour

récolter des données brutes, de manière à rassembler le matériau le plus objectif possible.

L’observation participante permet également de constater des décalages entre le dire et le faire.

Elle ne nécessite pas beaucoup de ressources. Elle permet de saisir les contextes physique,

géographique, et social, qui peuvent interagir avec le projet. Le chercheur peut être amené à

suivre l’itinéraire d’une personne ou le fonctionnement d’une structure toute une journée pour

prendre en compte tous les paramètres. Tous les terrains n’y sont pas accessibles (situations de

violences).

Page 31: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

31

Pour finir, l’observation participante est caractérisée par le temps de travail, l’implication dans le

rôle, et la nature de la position empruntée. Le degré d’engagement dans le travail (volume des

descriptions, nombre d’informateurs mobilisés, documents annexes et indicateurs de travail)

participe à signer la qualité du travail. Il faut envisager une description scrupuleuse pour

diminuer les chances de manquer un évènement très significatif.

L’observation directe non participante :

Le chercheur est présent physiquement mais n’est pas en immersion, il ne joue pas un rôle dans

la scène étudiée. Il essaye d’avoir une position neutre même si des interactions existent. La

recherche-action est un travail « interventionniste », où le chercheur et les acteurs veulent

résoudre un problème concret visant à améliorer un système ou une situation sociale.

2.3.3.2 L’observation indirecte

Elle analyse le phénomène par un travail de recherche sur documents écrits ou autre support.

2.3.4 Exemples d’ethnographies et d’observations participantes en dehors et dans le milieu médical

Pour appréhender la technique ethnographique, un travail de recherche sur le cimetière du

Père-Lachaise effectué en 1982 (32), fait découvrir le cimetière autrement, notamment grâce à

l‘observation flottante. Il met en avant de façon ludique, les usages insoupçonnés de ce lieu et la

richesse historique qu’il y renferme.

« L’expérience cubique », travail ethnographique effectué par deux anthropologues, E. Lasserre

et A. Guioux (33), retrace quant à lui l’univers d’un service d’entrée en soins psychiatriques. Il

met en évidence les difficultés de la confrontation à la souffrance et les complexités de

compréhension dans l’interaction soignants-soignés. Il met également en avant les avancées en

termes de soins ambulatoires permettant d’imaginer des patients soignés avec un quotidien plus

traditionnel dans la société.

A. Vega dans « Une ethnologue à l’hôpital » (34), raconte une semaine passée en « observation

participante » dans un service de neurologie à Paris. Là-aussi, nous retrouvons la souffrance des

Page 32: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

32

principaux acteurs de la relation de soins. Nous découvrons les difficultés humaines des

infirmières à trouver leur place et rôle dans le soin, technique ou plus social. Enfin, nous y

comprenons les détails de fonctionnement de la société hospitalière et la dramaturgie des

situations vécues.

J. Peneff (35) explore les urgences d’un hôpital, en réalisant une observation participante en tant

que brancardier, il y développe entre autres les difficultés du quotidien aux urgences, les

rythmes saccadés, les différentes catégories professionnelles et la relation aux patients et aux

familles.

En cabinet de médecine générale, peu de travaux ont été réalisés en France. A. Sarradon-Eck qui

participe à l’ouvrage « Singuliers généralistes » (15), est médecin anthropologue. Elle a écrit

plusieurs articles partant de travaux d’ethnographie (36) en médecine générale, par une

observation participante et directe de consultations médicales. Elle analyse notamment

l’interprétation des patients de leur maladie, les représentations des malades sur les soins. Elle

développe par exemple l’application dans le soin aux patients hypertendus. D’autres thèmes,

comme l’éthique en anthropologie de la santé, la dualité entre anthropologue et médecin sont

également développés. L’originalité de son travail vient du fait qu’elle analyse entre autres le

discours des patients auprès de leur médecin (elle-même), grâce à l’observation participante en

tant que médecin. Pour des problèmes éthiques et de faisabilité chez les non médecins, cette

situation est rare.

Page 33: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

33

3 MATERIEL ET METHODE

3.1 Choix de la méthode

3.1.1 L’ethnographie

Ce travail est basé sur l’étude de la relation médecin-malade à travers un courant

sociologique. Nous nous dégageons de la question d’une étude quantitative, en recherchant à

analyser une interaction humaine et à mieux comprendre le sens donné à un phénomène.

L’étude mise en place est exploratoire. Il s’agit d’une analyse sociologique de terrain, basée sur

l’observation d’interactions entre des acteurs et de leur environnement, complétée par des

entretiens individuels semi-directifs des médecins et des entretiens informels de patients.

Le cabinet médical en ville (et ses consultations) représente un territoire difficile à explorer du

fait du secret médical et de par sa condition libérale. Une des spécificités de cette étude est que

nous nous intéressons davantage à la forme qu’au fond, c’est-à-dire que les données médicales

du patient ne sont pas à exploiter. Seules les interactions en tant que telles, entre les acteurs ou

l’environnement au cabinet médical, sont à explorer. La relation médecin-malade existe et se

met en place quel que soit le motif de consultation, même si elle peut avoir différents aspects

pour chaque patient ou pour un même patient. Connaître en partie le milieu d’étude a facilité la

mise en place de mon rôle d’observateur.

Médecin généraliste de formation et non anthropologue, j’ai mis l’outil qu’est l’ethnographie

avec l’observation participante, au service du propos que je souhaitais étudier. Le travail était

limité par le cadre de la thèse d’exercice en médecine générale. Le journal ethnographique n’a

pas été utilisé pour démontrer mais uniquement pour essayer de comprendre les interactions

que l’on retrouve dans un cabinet médical et quels sens elles ont pour les acteurs. Il est évident

que le matériel apporté par l’ethnographie est vaste et permet d’étudier d’autres choses que

l’hypothèse effectuée ici. Ces données enrichissent les connaissances sur la relation médecin-

malade et le cabinet médical mais elles n’ont pas pu toutes être analysées.

Pour finir, l’intérêt de ce travail réside également dans le fait qu’il permet d’étudier avec le

même chercheur, le médecin et ses malades et ceci dans une unité de temps et de lieu.

Page 34: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

34

3.1.2 Choix du type d’observation

L’observation a été directe et participante (31) pour être au plus proche des relations humaines

habituelles existantes au cabinet de médecine générale. Nous avons refusé l’enregistrement

vidéo devant le caractère intrusif et réducteur du champ de vision. Les relations humaines étant

complexes et nécessitant une sensorialité diverse, plus sophistiquée que celle d‘un objet, un être

humain allait être plus à même de recueillir les données. L’observation a été participante pour

fausser le moins possible les interactions. J’ai également observé deux à trois consultations par

médecin, d’une part pour les voir en situation de relation directe avec leur patient et d’autre part

pour étudier le bureau, en tant que lieu habité, les objets prenant sens aussi avec l’activité de la

pièce.

3.1.3 Choix du type d’entretien

Le choix d’un entretien individuel des médecins s’est fait car l’interaction est souvent une

relation intime et singulière avec son médecin, sur le territoire de ce dernier. Afin de mieux les

cerner, nous avons réalisé des entretiens semi-dirigés car nous recherchions des éléments

globaux pour comprendre le sens général de la vision du cabinet et d’autres plus précis, pour

comprendre le sens de certains choix pratiques dans le cabinet (37).

Dans le cadre de l’ethnographie, j’ai également réalisé en salle d’attente, des entretiens à la

volée, informels, des patients avant leur rendez-vous, après une courte présentation, pour

recueillir leurs significations des interactions ou leurs réflexions.

Nous nous sommes intéressés principalement aux interactions en lien avec le médecin dans la

relation médecin-malade. Nous avons estimé que si l’étude devait apporter des modifications à

mettre en place dans les interactions, seul le médecin pourrait les réaliser.

Dans un premier temps, nous avions choisi de réaliser des entretiens de patients en plus, pour

mieux connaitre la relation qu’ils entretenaient avec leurs médecins. Très vite, nous nous

sommes rendus compte du travail fastidieux qu’il allait falloir mettre en place pour interroger

plusieurs patients par médecins en espérant arriver à une saturation des données. De plus, les

entretiens étaient peu contributifs car les patients étaient plutôt avares de mots malgré la

Page 35: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

35

reformulation des questions pour qualifier leurs relations. La question directe du sens des

interactions n’étant pas évidente avec les patients.

3.2 Mise en place de l’étude

3.2.1 Contexte de l’étude

Les données de l’étude ont été recueillies dans un cabinet médical de Lyon dans le Rhône. Il est

situé en zone urbaine, dans un quartier socio économiquement bas, avec un brassage culturel

important. L’histoire du quartier sera abordée ultérieurement. Le cabinet est au deuxième étage

d’un immeuble d’habitations à loyer modéré (HLM) et est composé de quatre médecins

généralistes, une secrétaire et une femme de ménage. Le choix s’est porté sur un cabinet de

groupe partiellement connu, j’y remplace très ponctuellement depuis trois ans. Un cabinet de

quatre médecins permettait une étude des salles communes et des bureaux médicaux sans

décupler le travail d’observation. Le cabinet médical existe depuis plusieurs années. Un des

médecins y travaille depuis trente ans, il s’agit du Dr Marmotte. Il avait repris le cabinet à un

médecin installé seul qui avait dû s’en aller pour des raisons personnelles. Dr Gazelle est installé

depuis vingt ans et Dr Zèbre et Dr Hérisson y sont depuis onze ans. Ils reçoivent des étudiants en

médecine depuis plusieurs années, des internes et des externes. L’immeuble dispose d’un

ascenseur pour accéder au cabinet. La configuration du cabinet s’apparente à celle d’un

appartement composé de deux T3 jumelés. On y trouve trois bureaux médicaux (deux médecins

se partageant le même bureau), une salle d’attente, une salle de repos, deux remises et un

secrétariat. Chaque médecin travaille trois jours par semaine.

Je me suis déplacée une première fois au cabinet pour parler de manière informelle de mon

travail. L’étude a ensuite été présentée par mail (annexe 1) puis oralement, en personne, aux

médecins. Une présentation brève du travail a été faite verbalement à la secrétaire. L’accord de

chacun des participants a été obtenu avec enthousiasme.

Page 36: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

36

3.2.2 Sélection de la population étudiée

3.2.2.1 Sélection du cabinet

Ce cabinet a été choisi car plusieurs éléments garantissaient une pertinence des résultats pour

notre étude. Il s’agit d’un cabinet de groupe de quatre médecins généralistes pratiquant plutôt

une médecine dite conventionnelle allopathique. Il y a deux médecins hommes et deux médecins

femmes. Ils sont d’âges différents. Le cabinet se compose d’une patientèle très diverse socio

économiquement parlant et surtout culturellement. Il est situé dans un quartier empreint

d’histoire et dans un bâtiment HLM. L’idée de ce travail a été accueillie avec enthousiasme par

les médecins.

Les médecins ont été interrogés en entretien individuel. Ils ont tous été observés en

consultation, sauf le Dr Gazelle, car au cours de son entretien, j’ai pu me rendre compte qu’il ne

faisait pas que de la médecine dite conventionnelle mais pratiquait certaines médecines dites

parallèles.

3.2.2.2 Sélection des patients

En pratique, tous les patients entrant dans le cabinet étaient observables en salle d’attente, dans

le bureau de la secrétaire ou dans les couloirs. Ils étaient donc tous à inclure. Les médecins du

cabinet ne prenant quasiment pas de nouveaux patients du fait de leur patientèle importante,

j’avais donc une certaine garantie d’une patientèle suivie.

Lors des phases brèves d’observation de patients en consultation, chez les médecins, il s’avère

qu’il s’est toujours agi de patients habituels du cabinet.

La sélection des patients s’est faite lors des jours d’observations, en cinq journées au total,

parfois par demi-journées en fonction de mes propres contraintes et des plannings des médecins

du 10 juin au 16 juillet 2014. Lors de ces journées d’observations, les entretiens étaient effectués

le matin ou le midi en fonction des disponibilités du médecin, ainsi que les quelques

consultations observées. L’observation a concerné non seulement la salle d’attente mais

également les autres pièces du cabinet dont le bureau de la secrétaire, le couloir et la salle de

Page 37: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

37

repos. J’ai eu la possibilité de retourner sur les lieux de l’étude, aussi souvent que nécessaire. J’y

suis retourné à de nombreuses reprises, notamment pour le rétrocontrôle des entretiens des

médecins et pour prendre des photos des lieux après accord des médecins.

Pour l’échantillon des patients, la diversité était recherchée et non la représentativité statistique.

Comme il s’agit d’une étude qualitative, une seule information retrouvée par l’entretien ou

l’observation peut avoir dans certains cas le même impact que des données répétées lors d’un

questionnaire d’étude quantitative. La saturation des données était l’objectif à atteindre.

Lorsque les données de l’observation ont été redondantes et suffisamment diverses, j’ai cessé

mon travail de recueil.

Les critères d’inclusion pour les patients observés en consultation étaient :

- un patient ayant consulté son médecin généraliste à plusieurs reprises

- un patient majeur

- un patient acceptant la présence d’un étudiant lors de la consultation médicale

Les critères d’exclusion pour les patients observés en consultation étaient :

- un patient accompagné

- un patient mineur

- un patient avec des troubles cognitifs visibles

- un patient non vu au cabinet médical (visite)

- un patient reconnu du chercheur

- un patient ayant reconnu le chercheur

Les motifs de consultation n’ont pas engendré de sélection car ils sont souvent multiples. La

relation médecin-malade est établie lors de chaque consultation médicale.

Page 38: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

38

3.2.3 Rôle du chercheur

J’ai été présentée comme étudiante en médecine aux patients du cabinet lorsque j’assistais aux

consultations, ce qui m’a permis de me placer dans le cadre d’une observation directe

participante de l’interaction située. Ce rôle présentait un double avantage : les patients ont

l’habitude de cette tierce personne lors des consultations (rôle d’étudiant déjà existant dans la

situation), je ne gênais pas le déroulement de la scène et ce rôle était assez passif. Par ailleurs, il

s’agissait d’un rôle que j’avais déjà endossé récemment dans le cadre de mes études médicales.

Il n’était donc pas difficile à crédibiliser.

Par contre, lors de mes phases d’observation en salle d’attente, j’étais assise et j’essayais de me

fondre dans la patientèle. J’en sortais lorsque seule au bout d’un moment avec un patient en

salle d’attente. J’en profitais pour l’interroger sur telle ou telle situation ou sur le cabinet en

général. Lorsque je sortais de l’anonymat, je me présentais comme étudiante en médecine

travaillant sur les relations entre un patient et son médecin.

Ma tenue était sobre. Je me suis efforcée d’être discrète y compris dans ma prise de notes. Je

souhaitais pendant la phase d’observation rester incognito par rapport à ce travail de thèse.

Petit à petit et en immersion dans mon rôle, j’ai aguerri ma capacité d’observation. Cependant,

j’ai réalisé avant le début de l’étude, des observations de scènes dans un parc fréquenté et dans

une salle d’attente d’un autre cabinet. Un test de canevas pour interroger les médecins a été

effectué auprès d’un médecin d’un autre cabinet.

J’ai tenu un carnet de bord durant mes jours d’observation. La prise de notes était manuscrite

immédiate pendant les phases d’observation et complétée le soir après relecture. La prise de

notes concerne des notes descriptives, des réflexions personnelles, des émotions, des notes

prospectives et des notes d’analyse. J’ai également systématiquement réalisé de petits croquis

pour me remémorer le placement de chacun dans la salle d’attente au fil du temps. Les notes

ont été chronologiques. Je les ai ensuite reprises dans un second carnet au propre de manière

plus claire, commençant à mettre en avant des données importantes ou redondantes, au fur et à

mesure.

Page 39: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

39

3.3 Recueil des données

3.3.1 Journée d’observation directe de la salle d’attente et du secrétariat (de la salle de repos, si elle est occupée)

Lors de ces journées d’observation, je m’asseyais en salle d’attente, à des places différentes. Il

est arrivé que je sois debout au secrétariat ou dans le couloir. J’ai tenu un carnet de bord pour

réaliser une chronique d’activité. J’ai aussi dessiné une carte de déambulation avec de nombreux

croquis, ce qui permettait de cerner la relation médecin-malade par ses à-côtés

(environnement). J’ai noté le détail des lieux, des actions, et des personnages, les réflexions

personnelles et le ressenti. La prise de notes était manuscrite. Les éléments paraissant

intéressants, nécessitaient parfois des questionnements ultérieurs auprès des médecins.

J’observais à nouveau les lieux pour affiner mes notes descriptives, dès que possible, par

exemple lorsqu’il n’y avait aucun patient en salle d’attente. Lorsque le rendement marginal de

l’observation a décru à un niveau très bas, nous avons arrêté la phase d’observation. Lors des

phases d’observation stricte, je ne me présentais pas en salle d’attente et essayais d’être

discrète.

J’ai réalisé des entrevues brèves, à la volée lors de l’observation en salle d’attente. Les patients

étaient informés que je ne souhaitais aucune donnée médicale les concernant et que leurs

propos resteraient anonymes. Ces entretiens informels étaient effectués en tant qu’étudiante en

médecine. Lorsqu’ils souhaitaient plus d’informations, je leur disais faire un travail sur la relation

entre un patient et son médecin et sur l’environnement du cabinet. Tous les patients ont

volontiers répondu à mes questions.

J’ai recensé dans mon carnet de bord 67 patients observés dont 59 en salle d’attente sur cinq

journées au total. Les huit patients observés hors de la salle d’attente sont les deux patients vus

en consultation par médecin, soit six patients, puisque je n’ai pas assisté aux consultations du Dr

Gazelle. Deux patients sont entrés dans le secrétariat lorsque j’y étais mais ne sont pas allés en

salle d’attente. Lorsqu’un des médecins était sans patient et qu’il se dirigeait vers la salle de

repos, si la salle d’attente n’était pas occupée ou renouvelée, je l’y accompagnais. A posteriori,

j’ai trouvé le nombre de patients observés faible, au prorata du temps passé. Cela s’explique par

le contexte, les trois médecins ne travaillent pas toujours en même temps. C’était l’été, une

période où les cabinets sont moins fréquentés.

Page 40: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

40

Les photos insérées dans ce travail le sont avec l’accord des médecins du cabinet.

3.3.2 Observation directe participante de la relation médecin-malade en consultation

Je venais un jour qui convenait au médecin, et en général je voyais les premiers patients de la

matinée ou de l’après-midi, après l’entretien du médecin. J’ai utilisé le carnet de bord avec une

prise de notes manuscrites pendant et après la consultation. J’ai assisté à la consultation en

retrait comme une jeune étudiante en médecine à côté du médecin. L’objectif était de

comprendre le type de relations qu’avait le médecin avec ses patients, et d’avoir une approche

du sens de la pièce, de ses objets et des interactions dans le rythme imposé par la consultation.

Je ne demandais pas l’avis du patient pour la prise de notes en consultation comme noté dans

les règles d’observation incognito. Tous les patients ont accepté ma présence. Il n’y a pas eu

d’enregistrement audio.

3.3.3 Entretien semi-directif médecin (35 minutes)/ canevas

Un enregistrement audio a été effectué avec l’accord des médecins, grâce à un téléphone

portable noir et silencieux. J’ai également pris quelques notes manuscrites de réflexions

personnelles immédiates pendant les entretiens. J’ai détruit les bandes audio dès la

retranscription des verbatim effectués. J’ai également anonymisé le travail à ce moment-là. Des

pseudonymes simples et en rapport avec les noms ont été choisis. Je leur ai proposé de choisir

un autre pseudonyme lors du rétrocontrôle, servant à trianguler la validité des données pour

l’analyse. La plupart n’ont pas modifié ceux que j’avais choisis moi-même initialement, mais un

médecin est intervenu pour que je change son pseudonyme. Il a préféré un surnom que lui avait

donné une patiente quelques années auparavant. Il s’agit du Dr Gazelle.

L’enregistrement audio de l’entretien s’est fait dans le bureau médical ou dans la salle de repos

pour le Dr Gazelle. Le canevas a été fait sans qu’une grille de questions ne soit rédigée de

manière précise, mais avec une trame d’éléments à recueillir :

Page 41: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

41

- Biographie : âge, sexe, installation lieu/ nombre d’années, type d’exercice, environnement

familial.

- Comment vous décririez-vous en tant que médecin? Etre dans l’incitation au récit et peu

directive.

Relances : Quel type de médecin pensez-vous être pour vos patients ? Comment qualifieriez-

vous la relation que vous avez avec vos patients ? Est-ce toujours la même? Quel (s) type (s) de

relation (s) pensez-vous avoir en général avec vos patients ?

- Comment gérez-vous votre association ? Comment cela se passe-t-il avec vos associés ?

- Questions sur des précisions concernant certains objets ou certaines attitudes ou choix du

cabinet ? Notamment certaines curiosités que j’avais repérées en observation dont : L’ouverture

du cabinet en personne par la secrétaire ou le médecin/ La fermeture de la porte de la salle

d’attente/ Logement HLM-le choix du quartier/ L’aspect physique du cabinet-la décoration.

Les mots prononcés avec insistance par les médecins, avec une intonation appuyée, ont été

notifiés en gras sur les verbatims.

Le canevas a été construit pour répondre à l’objectif de la thèse, il a été modifié lorsque nous

avions besoin d’expliciter le sens d’objets ou de situations particulières ou nouvelles. Dans

l’ensemble, l’entretien était relativement ouvert pour que les médecins se confient facilement.

Pour le rétrocontrôle, appelé aussi « member checking », nous avons repris rendez-vous avec

chaque médecin, et ils ont relu le contenu de leur verbatim respectif en ma présence. J’ai pu

noter leurs réactions et leurs commentaires. J’ai également pu préciser ou compléter certaines

questions. Certaines données ont été anonymisées pour le respect de chacun. Les modifications

ont été notifiées dans les résultats.

3.4 Méthode d’analyse des entretiens et des données d’observation participante

L'analyse a été inductive de contenu thématique par un processus de construction de catégories

à partir de l'analyse des propos des participants et de l’observation. Ceci a été effectué avec

Evelyne Lasserre et le Dr Alain Moreau.

Page 42: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

42

La triangulation des résultats vient des différents types de données : observation du cabinet et

entretiens, rétrocontrôle de l’ensemble des résultats réalisé auprès des médecins par les

médecins, expertise de la direction de thèse et confrontation à la littérature.

Les quatre médecins ont reçu les résultats rédigés pour le rétrocontrôle, seuls deux médecins

ont répondu par mail.

3.5 Stratégie de recherche bibliographique

La bibliographie a été obtenue en partie grâce à une recherche sur internet, voici les sites les

plus visités:

-PubMed : www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed

-BDSP : Banque de Données de Santé Publique : http://www.bdsp.ehesp.fr

-CAIRN.info : http://www.cairn.info

-HAS : Haute Autorité de Santé : http://www.has-sante.fr

-http://www.sudoc.abes.fr

Les différents mots-clés utilisés sont:

-médecine générale, médecin généraliste

-relation médecin-patient, relation médecin-malade

-interactionnisme symbolique

-recherche qualitative

-ethnographie

-alliance thérapeutique

-approche centrée sur le patient

-vécu, ressenti du patient

Page 43: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

43

-sens, signification, interprétation

Autres sources :

En plus des articles et thèses lus, il y a également eu de nombreux ouvrages lus ou simplement

consultés (cf bibliographie).

Page 44: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

44

4 RESULTATS ET ANALYSE

Nous partirons du quartier géographique dans lequel se situe le cabinet vers les locaux en eux-

mêmes. Par la suite, nous développerons trois axes d’analyses des résultats recueillis. Ces trois

axes ont été choisis en concertation entre les directeurs de thèse (l’un anthropologue, l’autre

médecin généraliste) et l’étudiant recueillant les données.

4.1 Lieu de l’étude

4.1.1 Un cabinet dans son quartier

Dans les années vingt, un projet d’urbanisation est créé sur le lieu d’un ancien bidonville et de

quelques fermes, reliant le cœur de la ville de Lyon à la banlieue. Un quartier d’Habitations à Bon

Marché (HBM) voit le jour en 1930, l’équivalent des premiers HLM. Ces logements seront

révolutionnairement modernes pour le milieu principalement ouvrier qui y logera. L’architecte

de ce projet sera décrit comme visionnaire et humaniste pour son époque.

Les habitants vont vivre dans la cité, en communauté car ils n’auront que peu de moyens de

transport et développeront des activités de toutes sortes sur place. Malgré le désintérêt des

responsables des logements de la ville, ils créeront un microcosme social. Plusieurs décennies

plus tard, dans les années quatre-vingt, le quartier sera réhabilité et ceci à la demande de ses

habitants, qui s’investiront dans sa mise en valeur par des artistes locaux.

Aujourd’hui, ce même quartier est relativement défavorisé, classé en catégorie 2 au titre du

CUCS (Contrat Urbain de Cohésion Sociale). C’est un quartier prioritaire en politique de la ville, il

s’agit de penser le futur de la ville en cohésion avec ce type de quartiers et de les faire accéder à

certains crédits. Ce quartier est également classé en ZUS (Zone Urbaine Sensible), il compte

15000 habitants environ et 93% de logements sociaux. Il y existe une forte population d’origine

immigrée, selon l’INSEE en 2008, entre 20 et 40%.

Sur le plan de la santé, il y a eu une enquête de satisfaction de la population en 2010 sur le

quartier(38). Elle retrouve que la part des ménages se considérant en bonne santé est en baisse :

73% contre 82% en 2009 et 79% en 2008, une proportion inférieure aux quartiers adjacents.

Page 45: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

45

Selon l’étude, la consultation de spécialistes est considérée comme de plus en plus difficile : 30%

des ménages ont des difficultés pour consulter un spécialiste contre 18% en 2009 et 21% en

2008. Les principales raisons évoquées sont des raisons de délai (44% : en baisse), et de coût

(38% : en hausse). De plus en plus de ménages limitent leurs dépenses de santé dans l’enquête,

46% des ménages contre 39% en 2009 et 33% en 2008. Cette part est plus élevée que celle des

autres quartiers prioritaires où elle est également en hausse.

Selon toujours cette enquête de population, la sécurité et les incivilités, seraient très dépendants

des sous-quartiers. Les transports, les commerces de proximité et les activités culturelles, dans

ce quartier, se sont partiellement développés mais il reste beaucoup à faire pour redonner à

celui-ci, la vivacité sociale de ses premières années.

L’étude que nous allons vous présenter a été effectuée dans un cabinet médical de ce quartier.

On y arrive par une grande avenue et non loin du marché, dans une zone commerçante, on

retrouve des immeubles identiques, blancs aux volets gris, vieillis par le temps et collés les uns

aux autres. Le cabinet est dans un de ceux-là, au deuxième étage d’un immeuble HLM de huit

étages. Devant chacun des immeubles, il y a une citation apposée. Il semblerait que ces citations

fantaisistes soient des phrases prononcées par les habitants des immeubles lors d’une

manifestation culturelle où on leur demandait de citer un personnage célèbre. Devant

l’immeuble qui nous intéresse, il y a les plaques de quatre médecins généralistes, argentées et

celle d’un dentiste occupant un cabinet en face sur le même palier. On arrive au deuxième étage,

par l’escalier ou l’ascenseur étroit. Sur le pas de la porte, on retrouve à nouveau des plaques

avec l’identité de chaque médecin. Il faut sonner.

Page 46: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

46

4.1.2 Description du cabinet médical

Dr Marmotte

Dr Hérisson

et Dr Zèbre

Dr Gazelle

Remise

Salle d’attente

Secrétariat

1722,6 mm x 585,5 mm

1824,0 mm x 585,5 mm

1824,0 mm x 585,5 mm

1140,0 mm x 506,7 mm

1520,0 mm x 540,4 mm

1216,0 mm x 371,5 mm

912,0 mm x 405,3 mm

912,0 mm x 304,0 mm

Entrée

Figure 1: Plan du cabinet médical étudié

Page 47: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

47

La secrétaire ou un des médecins en son absence, vient ouvrir. Le cabinet est constitué de deux

appartements jumelés dos-à-dos. Ainsi les deux entrées sont face à face mais une seule est

utilisée, celle indiquée sur le plan. On entre dans le couloir, sur la droite se situe le secrétariat

puis la deuxième porte à droite est la salle d’attente. Sur la gauche en entrant, il y a des toilettes

et une petite remise. Plus loin, sur la gauche, le long du couloir on retrouve le bureau du Dr

Zèbre et du Dr Hérisson, puis le bureau du Dr Marmotte. Sur la droite après la salle d’attente et

suite au couloir étroit décoré d’un grand et large miroir, on trouve une remise et l’entrée du

bureau du Dr Gazelle. Reste une porte au bout du couloir à gauche, celle de la salle de repos, qui

fait office de petite cuisine et où se situent aussi les toilettes privées. Une plante verte est située

dans chaque pièce commune. Les balcons à gauche sur le plan ne sont pas exploités.

Page 48: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

48

4.2 Le sens de l’accueil et d’hospitalité dans le cabinet

Le travail présenté ci-après est inductif et subjectif, pour mieux comprendre la relation médecin-

malade, en approfondissant le sens que les différents interlocuteurs donnent à l’environnement

et à leurs attitudes verbales et non verbales.

4.2.1 Des valeurs partagées fondatrices dans le discours des médecins

Lors de la réalisation de ce travail de recherche, nous nous sommes aperçus qu’il existait un socle

de valeurs communes entre les médecins qui soutenaient l’existence et la bonne marche de ce

cabinet de groupe.

Ainsi le Dr Marmotte précise que les médecins du cabinet ont: « La même approche globale de la

personne (…), les mêmes valeurs. » Il décrit : « Une vision assez proche de la maladie, assez

proche du rôle du médecin, assez proche du rapport au malade (…), il y a (…) une cohérence

globale…», entre les médecins. Il insiste sur la différence entre le cabinet et l’hôpital : « Il faut

qu’il y ait à la fois de la rigueur, tout ce qu’il faut au niveau matériel, mais qu’il y ait aussi un

certain accueil de qualité. Ce n’est pas un lieu aseptisé comme à l’hôpital. »

Le Dr Gazelle, à sa manière, parle du mot « éthique » dans un quartier plutôt défavorisé. Par ce

terme, il souligne qu’ils ont « la même éthique, oui c’est important parce qu’on est dans un

quartier où il y a énormément de souffrance : souffrance sociale, souffrance psychologique. »

Mais, il explique aussi avec beaucoup de sérieux et de véhémence : « Oui, les patients, on les

connait, on les accueille. Très souvent on rentre dans la salle d’attente. On ne dit pas : « Au

Suivant », « Monsieur untel »… jamais, jamais, jamais, on ne dit dans la salle d’attente le nom du

patient. On les connait. Je m’approche de lui, je lui serre la main mais c’est dans la salle d’attente

que je vais le chercher. »

Le Dr Zèbre s’exprime sans détour : « Non, on n’a pas forcément la même façon de travailler

mais on a le même état d’esprit. Je ne sais pas si je suis claire. On est bien attaché à la personne.

Enfin, on a un peu la même idée de la médecine. On n’est pas dans l’abattage. On trouve que le

contact avec le patient, c’est important. »

Page 49: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

49

Le Dr Hérisson évoque en plus de la notion d’accueil, l’aspect financier, exprimant clairement

que ce n’est pas une source de discorde ni une priorité entre médecins: « Ah oui, je crois

vraiment que, en tout cas, tous les quatre, on a une dimension de l’accès au soin qui est la même.

Ça, ça me parait vraiment évident. On va recevoir tout le monde, quoi, je crois que c’est vraiment

euh… le mot d’ordre de chacun et on s’est rendu compte dès le départ qu’on avait la même façon

de fonctionner. Je pense qu’on a quand même une relation à l’argent aussi, qui est la même,

voilà. Il n’y a d’ailleurs jamais de conflit là-dessus. »

Les quatre médecins ont une vision identique de l’accueil du malade et de l’accès au soin mais

nous comprenons également lors de ce travail de recherche que le cabinet s’est construit au fil

des années, dans le cadre d’un réseau de « réflexion spirituelle » précise Dr Marmotte. Le Dr

Gazelle y fait référence : «Donc, on a à la fois cette qualité d’association entre nous, mais il faut

aussi un ancrage spirituel (…) ». Il indique que les femmes du cabinet ont été « recrutées par le

milieu confessionnel. Une, Dr Zèbre, Dr Marmotte la suivait depuis le début de ses études de

médecine dans un groupe de réflexion chrétien (…)» et Dr Hérisson avait été l’interne du Dr

Marmotte.

Nous comprenons rapidement qu’à leurs yeux, leur association est une réussite en terme

d’entente et qu’ils ressentent une satisfaction dans leur travail quotidien côte à côte. Nous

percevons des valeurs fondatrices dans ce cabinet de groupe. Ces valeurs semblent venir en

partie de valeurs religieuses. Ces médecins appartiennent au même groupe, à la même classe, au

sens anthropologique. Ils ont les mêmes codes. Je peux témoigner d’une relative bonne humeur

quotidienne dans le cabinet. Les médecins ayant une bienveillance palpable, elle est ressentie

par les patients en salle d’attente. Je n’ai pas souvenir d’un haussement de ton ou d’une

altercation de la part d’un médecin.

Une autre valeur importante est énoncée de manière collégiale. Les médecins du cabinet sont

fiers de la cohabitation de différentes cultures et de différents niveaux de vie dans leur salle

d’attente. Le Dr Gazelle évoque des patients d’origine vietnamienne, marocaine, algérienne,

tunisienne, etc… Ils disent tous ne pas faire de différence avec chacun d’eux. Ainsi, Dr Marmotte

raconte : « J’ai même un professeur de faculté qui venait en salle d’attente, à côté de tout le

monde. Ça n’a jamais posé de problème ». Il finit même par entrer dans les détails à propos

d’une histoire d’un patient policier ayant arrêté le mari d’une patiente : « Donc en salle

d’attente, s’étaient côtoyés le monsieur qui avait arrêté le mari de la dame qui était à côté d’elle.

Ils ne l’ont pas su. Je crois que c’est ça la médecine aussi. C’est ça qui est extraordinaire dans la

Page 50: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

50

médecine. Le jour où il y avait ce professeur avec un nœud papillon… avec des gens qui avait

l’équivalent de la CMU (couverture médicale universelle) à l’époque. C’est ça qui est

extraordinaire dans la médecine. C’est que vous avez deux genres de type de personnes qui

viennent de milieux complétement différents, des histoires complètement différentes, elles sont

côte à côte en salle d’attente. Elles ne le savent pas, sauf peut-être l’habillement. Mais, quand

elles sont face à moi, c’est pareil, il n’y en a pas une qui a plus de valeurs que d’autres. Voilà.

J’essaye de tout donner. Ce que je peux donner. »

Pour ma part, j’ai aussi pu constater cette diversité, ce melting-pot en salle d’attente à de

nombreuses reprises. On y retrouve des origines diverses, africaines, nord-africaines,

caucasiennes et asiatiques. Certains ont une culture qui transparait plus que d’autres, à travers

les vêtements portés ou leur français approximatif. Notamment, j’ai rencontré un patient venant

consulter en costume traditionnel africain, un bonnet de ski en laine bien enfoncé sur les deux

oreilles. Un bonnet qui se terminait par un gros pompon à son extrémité.

4.2.2 Des subtilités dans l’accueil de la patientèle pour chaque médecin

Les quatre médecins du cabinet déclarent de manière unanime avoir chacun une patientèle

différente de leurs collègues, ils ont aussi des caractéristiques propres en tant que médecin.

Dr Marmotte

Le Dr Marmotte déclare n’être « jamais venu en trainant des pieds » au cabinet et préfère

s’occuper « des malades plus que des maladies ». Nous le percevons comme quelqu’un

d’humain, voici ses propos : « On est dans le face à face et non dans le je-sais-tout, donc je vais

vous dire ce qu’il faut faire. De mettre de l’humanité dedans, parce qu’on fait… La médecine, c’est

un rapport de sujet à sujet : Un qui questionne et un qui répond. Il faut que cette dimension

humanitaire, elle paraisse aussi ailleurs. »

Il voit une « dimension spirituelle dans l’engagement en tant que médecin généraliste » et «

essaye (…) d’être quand même un médecin qui soit à l’écoute, (silence) ». Il nous explique : « On

comprend mieux la personne quand on situe la maladie dans l’histoire de la personne, l’histoire à

la fois diachronique et synchronique. Hein. Voilà. Cette dimension m’intéresse. C’est ce que

Page 51: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

51

j’essaye de faire, maintenant, est-ce que je réussis ou pas ? (moue dubitative). Autre dimension

qui m’intéresse, c’est une dimension systémique… »

Il se dit fier de soigner quatre à cinq générations, et dit bien connaître ses patients mais reste

très discret à son propos. Dans son rôle de médecin, il souhaite une certaine distance, et ne

souhaite pas de familiarités avec les patients. Pourtant un de ses patients en salle d’attente avait

un ressenti différent, il l’avait décrit comme un très bon médecin qui le connaissait bien et que

lui aussi connaissait bien car ils se fréquentaient depuis plusieurs années. Dr Marmotte a eu

beaucoup de difficultés à se confier sur la description de quelques éléments familiaux basiques

lors de l’entretien. Il ne semble peu ou pas du tout vouloir en parler même à moi qui ne suis pas

une patiente.

Il évoque aussi son engagement syndical pour les valeurs sociales, il parle d’un « syndicat où on

se battait pour l’égalité d’accès aux soins. »

Dr Marmotte est un médecin qui parait en perpétuelle recherche d’amélioration et très investi

dans plusieurs domaines. C’est un médecin généraliste plutôt scientifique, exigeant mais distant,

pourtant peut-être malgré lui, son attitude semble être ressentie comme proche des gens par

ses patients.

Dr Gazelle

Tel le Dr Marmotte, il explique comment, les années passant, il s’intéresse de plus en plus au

patient, en tant que personne : « Je passe de plus en plus de temps à écouter mes patients et de

moins en moins à les examiner. Ce qui m’intéresse, c’est de plus en plus savoir comment ils vivent

avec leur maladie plutôt que la maladie elle-même, donc ce qui m’intéresse de plus en plus c’est

le malade, ce n’est pas la maladie. »

Il a la particularité de tutoyer certains patients qu’il a vu grandir, et d’être extrêmement

bienveillant avec les enfants. Par deux fois, je l’ai vu traverser la salle d’attente pour aller saluer

un bébé : « Salut, moi c’est Gazelle », dit le Dr Gazelle, puis il se retournait et complimentait la

maman, pourtant à chaque reprise, ce n’était pas son patient.

Il s’agit d’un médecin qu’on perçoit comme chaleureux et humain d’emblée devant sa gestuelle

non verbale et sa voix grave et calme. Il parait simple et accessible, de par son aspect physique,

sa venue en vélo et sa disponibilité à répondre aux demandes diverses et multiples.

Page 52: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

52

Dr Zèbre

Elle parle peu et se qualifie simplement : « Je pense être à l’écoute des patients ». Quand je lui

demande comment elle pense que les patients la perçoivent, elle me dit : « Je pense être plutôt

souriante », mais admet également être assez directe et espère qu’ils ne lui en tiennent pas trop

rigueur.

Discrète, c’est un médecin à la voix douce avec les patients. Elle se déplace d’ailleurs assez

lentement. Elle apporte une certaine réassurance par sa voix posée.

Elle évoque la sécurité dans le cabinet, à travers la fermeture de la porte d’entrée et de la porte

de la salle d’attente. Lors du feed-back, elle me dira en relisant la retranscription de son

entretien, que la notion d’accueil est extrêmement importante à ses yeux, « fondamentale ».

Dr Hérisson

Elle dit avoir une certaine ouverture d’esprit : « (…) comme acceptant tout le monde, je pense ne

pas trop juger les patients (…), j’essaye vraiment d’être le plus ouverte possible, et j’ai

l’impression que, voilà, que les patients le ressentent comme ça. (…) ils apprécient aussi d’être

considérés aussi comme… voilà, comme… quelqu’un de la société qui a droit à tout, euh aux

mêmes choses que les autres. Je pense que c’est important, je me dis que les gens, ils ont leur vie,

leurs difficultés, que ce n’est pas à moi de juger ça de toute façon, la justice est là pour ça. Et puis

moi, je suis là pour les soigner et puis les écouter. »

Elle confie apprécier la relation médecin-malade où l’on a une « dimension socio-médicale » qui

est très importante et elle s’en rend compte nous dit-elle, lors de ses échanges avec les étudiants

en médecine : « L’externe : « Non mais, on fait trop de social ici, ça ne m’intéresse pas. » (Rire du

Dr Hérisson), je me rends compte, que sûrement effectivement, qu’on en fait beaucoup. »

Elle ne parle pas de la dimension spécifique d’accueil à l’entrée, mais uniquement de la sécurité.

J’apprends qu’elle a été victime d’une agression verbale de la part d’un patient toxicomane et

que ce dernier avait volé un téléphone. Elle dit avec un ton humoristique : « Il avait volé le

téléphone portable, mais répondu au téléphone quand on avait appelé. Voilà. Donc, c’est pour

dire que ce n’était pas du grand méchant… c’était du grand perdu (sourire). » C’est un médecin

dynamique et enthousiaste.

Page 53: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

53

Nous notons que malgré l’existence d’un cabinet de groupe, chacun a gardé ses caractéristiques

propres. Il ne semble pas y avoir d’effacement de la personnalité ou des pratiques de l’autre. Le

respect est mutuel. Nous pourrions caractériser ces médecins d’humanistes.

4.2.3 Le souci constant d’un accueil respectueux de l’autre

4.2.3.1 L’attitude respectueuse des médecins entre eux

L’accueil est une valeur appliquée dans plusieurs types de relations, visible pour les patients dans

les liens que les médecins entretiennent avec les autres personnes présentes au cabinet. Tous les

médecins évoquent un cadre de travail de qualité. Le Dr Marmotte indique une équipe « à la fois

au service du patient et une dynamique de groupe, parce que je pense qu’on ne travaille bien

qu’en équipe ». Il dit aussi qu’ils prennent « un temps d’échange tous les jours ». Durant mon

travail de recherche, j’ai assisté à des échanges, quotidiens, mais souvent abrégés par des coups

de téléphone ou des patients qui arrivaient. Ils se réunissent aussi une fois par mois, en dehors

du cabinet pour faire le point.

Je perçois un respect de l’autre à travers leurs relations de travail, comme lorsque le Dr Gazelle

raconte comment le Dr Marmotte l’a accueilli : « Au contraire, tu me rends un service en venant

t’installer à côté de moi, il y a longtemps que je cherche un associé. Tu viens t’asseoir à côté de

moi, tu prends tous les nouveaux patients qui arrivent et on partage les charges du cabinet, c’est

normal ». Dr Gazelle rajoute : « Et encore au bout de quelques mois d’installation, il est venu me

voir en disant mais ce n’est pas normal que tu paies autant de charges que moi alors que tu vois

moins de patients que moi… On va proratiser. Et là je lui ai dit : « Ecoute, je pense que si je

m’étais installé tout seul, j’aurai payé plein pot le cabinet. C’est déjà pas mal que je n’en paie que

la moitié et je n’ai pas payé de droits de présentation ». C’est pour te dire que son exigence

éthique, ce niveau qui me va tout à fait, je me suis tout à fait reconnu. »

Un matin, j’ai pu constater que le Dr Gazelle portait également une attention particulière à son

collègue. Il fit attendre ses patients en salle d’attente, le temps de dire au revoir au Dr

Marmotte. Pourtant, celui-ci partait simplement en visite à domicile et rentrait au cabinet par la

suite pour le déjeuner.

Page 54: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

54

Le Dr Hérisson et le Dr Zèbre partagent leur bureau et consultent une fois par semaine, dans le

bureau d’un des deux médecins hommes. C’est avec beaucoup de tact que chacune parle de la

situation. Le Dr Hérisson dit : « Alors, moi, je le vis très bien, je ne sais pas comment Dr Zèbre le

vit, ça nous oblige à ranger notre bureau quand c’est le vendredi soir, quand je sais que le lundi

c’est Dr Zèbre qui arrive, mais ça fait partie du respect de l’autre et elle fait pareil, je pense,

quand j’arrive le bureau est propre. Donc, voilà. Ça me parait être, voilà, non, finalement, ça ne

me dérange pas, ça ne pèse pas plus que ça. » Le Dr Zèbre se confie : « On en prend son parti.

C’est vrai que les patients nous disent : « Ah, vous avez changé de bureau ? ». Encore

maintenant, on leur explique : « oui le jeudi, je travaille de l’autre côté ». Bon, ce qui pèse un peu,

c’est que de l’autre côté, il y a un tas de papiers qui s’accumulent, ça j’aime pas trop … (Rire)

Arriver, voir cette masse de papier, j’avoue que, voilà … Bon, je mets ça de côté, mais l’exercice

avec les autres médecins, on s’entend tellement bien. On travaille. On a le même état d’esprit. On

a une qualité de travail qui est importante vraiment, donc je fais abstraction du reste »

4.2.3.2 La bienveillance envers les autres intervenants

Un jour, en parlant de la météo, brusquement Dr Marmotte décide de mettre la climatisation

dans le bureau de la secrétaire. J’apprends d’ailleurs que la secrétaire habituelle est en congé

maladie, enceinte, elle a dû s’arrêter presque deux mois avant le début du congé maternité.

Nous voilà tous à la remise, qui est au milieu du cabinet. Dr Marmotte avec énergie, dégage le

climatiseur qui était stocké là depuis la fin de l’été dernier, faisant fi de ses problèmes de santé

encore récents et l’installe dans le bureau de la secrétaire vers l’entrée, avant son arrivée.

Les médecins du cabinet libèrent des plages horaires pour qu’une infirmière dans le cadre d’une

association de prévention, consulte des patients et les aident d’une autre manière à mieux

comprendre leur maladie et à se prendre en charge.

Les médecins sont très chaleureux et encourageants avec moi. Ils essayent de me mettre à l’aise

et me considèrent. Dr Marmotte s’assoit à côté de moi pour faire l’entretien, Dr Gazelle me

propose qu’il soit fait dans la salle de repos pour la convivialité. Dr Zèbre et Dr Hérisson se

rendent très disponibles. Tous acceptent que j’assiste à quelques consultations sans difficultés.

Page 55: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

55

4.2.4 Le rôle de la secrétaire dans l’accueil

La secrétaire, c’est un peu l’image du cabinet, c’est la première chose que les patients voient en

entrant. Il s’agit de femmes le plus souvent. Après un échange de politesse, elle s’enquiert de

l’existence de votre rendez-vous : avec quel médecin, à quelle heure et quel est votre nom. En

parlant du nom, je ne compte plus les fois où je l’ai vu faire répéter les patients, ça semble être

un vrai casse-tête les noms de famille et « on ne sait jamais comment les écrire » dit-elle. Il faut

dire que plusieurs patients ont des origines diverses et ne prononcent pas toujours leurs noms

de façon distincte.

Un jour, je la retrouve derrière la banque dans son bureau, avec une stagiaire, j’en profite pour

les interroger sur leurs âges, stupéfaite, je découvre que la secrétaire à dix-neuf ans et la

stagiaire quinze ans. Elles font des études courtes.

Lorsqu’elle n’accueille pas les patients, elle est au téléphone ou trie du courrier ou encore

scanne des documents. Les patients vont souvent la voir pendant leur temps d’attente, vérifier

qu’il n’y a pas d’erreur de rendez-vous, voir si le médecin en a encore pour longtemps ou

simplement pour discuter de leurs problèmes ou râler du retard... Mais dans ce dernier cas, ils ne

font jamais ouvertement de remarques aux médecins, uniquement à la secrétaire. Lorsqu’il s’agit

de discuter avec la secrétaire, le plus souvent, ce sont les mamans, avec une poussette qu’elle

laisse dans le couloir. Tout en la surveillant de loin, elles échangent des banalités. Plus

surprenant, certains patients tutoient la secrétaire, lorsque je l’interroge à ce sujet, elle me dit :

« Non, je ne les connais pas, y en qui se sentent chez eux, c’est le quartier qui veut ça… Des fois,

ils nous font rire, c’est bien. »

Un après-midi, un patient entre avec un document à remettre à son médecin. La secrétaire lui

indique que ce dernier est actuellement absent et qu’elle le lui remettra ultérieurement.

Manifestement inquiet, le patient épie chaque geste de la secrétaire pour ranger le document et

finit par lui dire : « Et vous penserez bien à lui mettre un postiche ! Hein ! ». Il n’avait pas

d’accent.

Les médecins insistent sur l’importance de l’accueil par la secrétaire qui leur parait primordial.

Dès mon arrivée, j’y ai été confrontée, après avoir sonné, la secrétaire est venue m’ouvrir la

porte d’entrée du cabinet, m’amenant à me présenter sur le seuil. Lorsque la secrétaire est

absente, c’est un médecin qui se libère pour aller ouvrir la porte. Quoi de plus naturel dans son

Page 56: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

56

domicile, un appartement de particulier, mais dans un cabinet médical, l’heure actuelle est

plutôt à l’entrée tout venant et l’on se dirige ensuite solitairement vers le secrétariat.

Lorsque j’ai interrogé les médecins à ce propos, Dr Marmotte m’a répondu qu’il y avait d’une

part des raisons de sécurité et d’autre part, principalement une dimension d’accueil très

importante, qu’ils souhaitaient donner à leur cabinet. Ainsi, il me dit : « Deux raisons. La

première, c’est que j’avais lu (silence), que les agressions se faisaient toujours quand il y avait

marqué : « sonnez et entrez », parce qu’on ne régulait pas (…). La deuxième chose, je pense que

l’accueil par la secrétaire fait partie de l’accueil complet au cabinet. C’est un élément essentiel.

Comment les gens sont accueillis quand ils arrivent ici. Ils sont reconnus. C’est le début du soin. Il

passe par la qualité de l’accueil qu’on a. ». Il assimile même l’accueil au soin. Le Dr Zèbre et le Dr

Gazelle tiennent les mêmes propos.

Dr Gazelle abonde dans le même sens : « C’est la même chose pour notre secrétaire. Elle ouvre la

porte, il y a un accueil, les gens sont accueillis, ce n’est pas une sonnette anonyme. Une porte qui

s’ouvre…c’est une perte de temps considérable pour une secrétaire d’aller ouvrir la porte. Elle

passe un temps fou, mais on est dans l’accueil ». Nous distinguons une dimension à type de

frontière avec ce franchissement de seuil accompagné. Mais la valeur ressentie par les patients

est non pas « sélection », mais plutôt « élection » de la patientèle qui rentre dans le cabinet, à

l’image d’une patientèle exclusive. En effet, le mot « sélection » apporte une idée négative, alors

que les patients le vivent très bien. Et au contraire, cette vision protectionniste est appréciée, ils

se sentent inclus dans le cercle de protection des médecins. Les patients sont ainsi reçus comme

des hôtes. On pourrait aussi évoquer un possible frein à la consommation médicale.

Il est évident que cette organisation présente des contraintes pour la secrétaire. Cette dernière

en tout cas ne m’en parlera pas. Elle semble trouver cette situation immuable. Par contre, elle

n’évoque pas la notion d’accueil. Elle ne semble pas avoir conscience des valeurs partagées par

les médecins du cabinet. Cette considération portée par les médecins envers le rôle central de la

secrétaire ne semble pas être ressentie par elle. Je rappelle que la secrétaire que j’interroge

n’est là que depuis quelques mois.

Je me suis donc enquise de savoir ce que pensait la secrétaire habituelle, qui est donc congé

maternité. Elle s’est confiée par téléphone. Elle dit avoir éprouvé de nombreuses difficultés à son

arrivée au cabinet, notamment avec les patients : « trop intense, je ne pensais pas rester ». Elle

indique qu’avec les médecins, ça s’est toujours bien passé. A présent, elle se dit « ravie » de

Page 57: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

57

travailler avec les patients. Concernant la valeur « accueil », elle ne m’en a pas parlé. Elle assure

que c’est pour des « raisons de sécurité » qu’il faut garder ce système d’ouverture de porte,

même si elle préfèrerait qu’il soit changé pour une porte automatique.

4.2.5 L’hospitalité physique des lieux vue par les médecins

Les deux femmes du cabinet, qui sont aussi les plus jeunes installées (dix ans, versus vingt et

trente ans pour les hommes) semblent plus préoccupées que les hommes par l’aspect général du

cabinet. Le Dr Hérisson évoque leurs investissements, de manière un peu lasse : « On s’en occupe

peu, c’est vrai, de ça. On a refait par contre la salle d’attente, il n‘y a pas très longtemps, mais

bon elle a déjà été, voilà, la tapisserie a déjà été déchirée, bon tout ça, on a recollé comme on

pouvait. C’est une pièce qui s’abime vite. Donc… euh… La décoration non, c’est vrai, que ce n’est

vraiment pas quelque chose qui nous prend du temps (rire), ça s’est sûr. Bon. »

Le Dr Zèbre quant à elle, avec beaucoup d’empathie, déclare : « Je trouve quand même que ça

compte. Que les gens se sentent bien. Je trouve quand même que notre cabinet est un peu vieux.

Et j’ai déjà des patients qui m’ont dit, enfin, ils ne m’ont pas dit : « Chez vous, c’est moche », mais

presque. Silence. Déjà, ce n’est pas accessible. Il y a des marches en bas. Dès qu’on a une

poussette, c’est compliqué. L’ascenseur ne marche pas toujours. Ça, c’est un point négatif(…).

Donc, voilà. Entre l’hyperluxueux, et des fois, la tapisserie qui se décolle, je trouve qu’il y a un

entre deux. Après, je ne suis pas sûre que ce soit le plus important pour les patients. Ou alors, ça

dépend des patients, il y en a qui vont s’attacher à des choses matérielles et d’autres pour qui, ce

n’est pas du tout ce qui est recherché quoi. Moi, je trouve que c’est important que ce soit au

moins propre, qu’il y ait de la place en salle d’attente. Voilà. Que ce soit un petit peu décoré. Qu’il

y ait quand même deux, trois petites choses. Montrer qu’il y a de la vie, que ce n’est pas

complètement décrépi. »

Les hommes ne me feront aucun commentaire de cet ordre. Dr Marmotte estime que le cabinet

est chaleureux, ce sera sa seule appréciation physique. Et pourtant, sur ce sujet-là, j’ai cherché à

l’inciter mais sans résultats.

La simplicité et la vétusté des lieux sont donc bien vécues par les médecins. Quand nous relions

ces aspects à l’importance de l’hospitalité et de l’accueil dans le cabinet, nous faisons un

parallèle avec un lieu de culte. Le cabinet n’est pas un lieu public, et n’est pas vécu comme tel.

Page 58: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

58

Mais cet accueil revendiqué peut sembler proche dans sa valeur de la symbolique religieuse,

notamment par l’idée de mettre en valeur le soin de la personne.

4.2.6 L’accueil perçu par les patients

Pour commencer, la totalité des personnes ont dit « bonjour » ou ont salué l’assemblée en

entrant dans la salle d’attente, à l’exception de 2 personnes.

J’ai pu constater que d’autres patients arrivant sans rendez-vous, la plupart du temps, étaient

quand même reçus, même brièvement, après une mise au point sur les règles de prise de

rendez-vous du cabinet. Mais je n’ai jamais entendu les patients formuler des excuses

verbalement en salle d’attente ou en partant sur le seuil. J’ai noté également qu’il y avait un va

et vient de cartes vitales et/ou de cartes bleues, pendant les consultations car certains patients

viennent sans carte vitale ou sans moyens de paiement dans un premier temps puis régularisent

la situation ultérieurement.

Certains patients viennent en urgence au cabinet médical, après avoir téléphoné : « Le médecin a

dit de prévenir dès que j’arrive » dit une patiente d’un ton grave, accompagnée de ce qui semble

être sa fillette qu’elle allonge inconfortablement sur deux chaises. Elle semble satisfaite d’être

considérée.

En parlant du cabinet, de son état et des médecins, les patients se confient peu à peu. Une

patiente du Dr Marmotte me dit : « Vous savez, j’ai deux phares dans ma vie, le séminaire de

théologie et le Dr Marmotte. » Le reste pour elle, n’a pas d’importance. Un patient du Dr

Hérisson est plus directif : un « coup de neuf par terre, on se sentirait mieux, pour les enfants, les

personnes âgées quand même ». Il estime que ça ferait venir plus de monde que c’est une

« question d’hygiène », et en même temps dit-il, « une salle d’attente, c’est une salle d’attente »,

ça ne lui importe pas tant que ça, tant qu’il est soigné. Une autre patiente du Dr Hérisson, a une

vision différente : « je suis très ouverte, le local n’a pas d’importance, je pourrais être soignée

dans la rue », puis elle me sourit et ajoute : « pour les choses classiques : angine, grippe… pas

besoin d’avoir fait Saint-Cyr, ou une école supérieure, ils ne sont que médecins généralistes, de

toute manière, hein… » En salle d’attente, j’ai pu rencontrer un patient du Dr Gazelle, il m’a

confié avoir de bonnes relations avec son médecin qu’il voyait depuis plusieurs dizaines

d’années, et avoir beaucoup apprécié que ce dernier soit venu voir sa sœur à l’hôpital. Ce patient

Page 59: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

59

n’habite plus dans le quartier mais il m’a dit faire encore l’effort de venir car il se sent proche de

lui, ce d’autant que le Dr Gazelle parle Portugais comme lui, même s’ils n’utilisent pas cette

langue pour la consultation.

Côté patient, ils déclarent unanimement que la porte d’entrée est ouverte par la secrétaire en

personne pour des raisons de sécurité. Certains notent qu’il n’y a pas de caméra de surveillance.

L’organisation choisie pourrait être mal vécue par les patients, un peu sélective. Mais il semble

que les patients se sentent presque protéger et l’apprécient. Aucun ne relève la dimension

d’accueil dans le fait de venir leur ouvrir la porte d’entrée. L’auraient-ils remarqué si ça n’avait

pas été le cas ? Ils souhaitent compter pour leur médecin, espèrent être uniques, être

considérés, et ils ont l’impression de l’être ici. Ils apprécient la sensation d’être pris en compte.

4.2.7 Le choix historique de la localisation géographique du cabinet

Le cabinet se situe dans un quartier populaire, l’immeuble est un HLM, les médecins sont donc

en location depuis 30 ans. Le Dr Marmotte affirme avoir fait « le choix de l’installation dans ce

quartier » et précise que : « Le fait d’exercer dans le même lieu que là où habitent les patients,

quand on travaille dans le social, c’est important. On est le seul cabinet en logement social dans

le quartier. » Il s’est agrandi par la suite en rassemblant deux appartements jumeaux sur le

même étage. Il évoque l’absence d’acquisition immobilière : « J’ai un rapport à l’argent qui n’est

pas celui de capitaliser ou quoique ce soit.» Le Dr Zèbre nous dit que c’était important pour elle

d’être dans ce type de quartier : « (Rire) Oui, c’était important. Parce que le fait d’être installée

dans un quartier populaire, pour moi, ça a du sens et ça a toujours du sens d’ailleurs (…) être avec

les gens du quartier, c’est important ». Pour le Dr Hérisson, c’est grâce à son stage qu’elle a

découvert ce quartier et qu’elle s’est dit que cela lui « convenait bien ». Le Dr Gazelle est plus

attiré par des patients ayant un niveau socio-économique bas : « Je suis beaucoup plus à l’aise

dans ce quartier là avec des petites gens, avec des gens qui sont du côté des victimes, victimes de

la société, victimes du grand capital… Et euh, c’est vraiment avec ces gens-là avec lesquels je suis

à l’aise. » Il s’assimile à sa patientèle : « Donc, voilà, je suis plus à l’aise avec ces gens-là qu’avec

des gens qui ne sont pas du même milieu que moi. »

Ils ont un projet de maison de santé pluridisciplinaire avec l’office HLM à moyen terme dans ce

quartier.

Page 60: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

60

Les patients rencontrés en salle d’attente n’ont pas spécifiquement relevé la situation du cabinet

même si certains ont reconnus l’intérêt d’avoir un cabinet dans l’immeuble, dans leur quartier.

Quelques patients ont tout de même soulevé le fait que ce n’est pas parce qu’on est dans un

quartier modeste que le cabinet doit être modeste, sans tomber dans l’excès. A priori, aucun

patient n’a fait de remarques sur le choix du lieu du cabinet directement aux médecins.

4.3 Les objets et leurs sens dans chaque espace

4.3.1 La salle d’attente

Le papier peint est de couleur orange clair, avec une frise en hauteur géométrique et des

plinthes en bois, vétustes, au ras du sol. En entrant, on trouve cinq chaises de chaque côté,

adossées à une fine planche en bois, pour ne pas abimer le mur, et deux petits tabourets bleus.

Les chaises sont dures mais solides, stables en plastique, bleues et noires, et sans accoudoirs. A

gauche de l’entrée, se trouve une table basse avec des magazines. Il y a une grande fenêtre en

PVC blanche en face de la porte d’entrée. Il n’y a pas de jeux pour enfants en salle d’attente mais

il y en a dans les bureaux médicaux. Il n’y a pas d’horloge. Une plante verte dans le coin, à côté

de la table basse, semble être là pour égayer la pièce. Il y a des magazines pas de brochures.

L’éclairage faible est apporté par le plafonnier. C’est sûrement une ampoule à économie

d’énergie, ai-je pensé. D’une manière générale, il ne fait pas très chaud dans la salle d’attente si

l’on n’est pas trop nombreux, puis petit à petit, plus il y a de monde plus l’air ne circule plus.

C’est là que ça devient étouffant, surtout avec les différentes stimulations sensorielles olfactives.

J’ai observé très peu de patients avec une poussette en salle d’attente, les habitués viennent en

porte-bébé ou la garent dans un renfoncement du couloir.

La première chose dont je me suis rendue compte, est qu’il s’agit d’un théâtre vivant. Quatre

médecins généralistes reçoivent tous les âges, malades ou non, tous les sexes, toutes les

origines, les travailleurs ou non, la seule chose qui les limite théoriquement c’est leur situation

géographique. Une salle d’attente médicale de médecine générale reflète bien la société du

quartier, je viens seulement de le réaliser.

Page 61: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

61

4.3.1.1 La porte d’entrée de la salle d’attente

La porte d’entrée de la salle d’attente du cabinet est fermée la plupart du temps. C’est une porte

pleine, on n’y voit pas à travers. Elle reste ouverte lorsqu’il y fait très chaud, par temps de

canicule. Ce n’est pas habituel. Les médecins du cabinet sont unanimes, il s’agit d’une question

de confidentialité des patients et de secret médical. Il est vrai que lors de notre travail de

recherche, certains jours de grande chaleur, la porte était ouverte et on entendait plus

distinctement les conversations téléphoniques de la secrétaire ou l’accueil des patients. Un jour,

deux patients en salle d’attente se reconnaissent et discutent ouvertement en ma présence de

leurs problèmes de santé : « le sang ça va, le cœur ça va, la prostate ça va, j’ai des problèmes

d’allergies… » Je leur demande s’ils se connaissent bien. Ils sont en fait collègues de bureau. Ils

me confient ne pas du tout être gênés par le fait de se retrouver dans la même salle

d’attente, « au contraire, c’est plus convivial. »

Une autre raison évoquée par le Dr Zèbre, est que la fermeture de la porte de la salle d’attente,

ça permet de « contrôler le va et vient dans le cabinet », car certains patients seraient curieux.

Les patients, eux, sont divisés, certains se sentent exclus par cette porte fermée, certains n’y

voient pas d’inconvénients. Je rencontre même une habituée, qui ferme elle-même la porte de la

Photo 1: La salle d'attente Photo 2: La salle d'attente

Page 62: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

62

salle d’attente, en arrivant. Elle me dit : « ça ne me dérange pas, j’ai l’habitude ». A l’inverse, le

Dr Zèbre me dit qu’il y a régulièrement des patients qui l’ouvrent tout seuls.

La fermeture de la porte de la salle d’attente permet de respecter les patients et une certaine

confidentialité. Cela cloisonne aussi les patients à un espace défini qui leur appartient. Dans une

société actuelle qui casse les murs et crée de grands espaces à vivre dans les domiciles et

construit des open spaces dans les bureaux, cela parait contradictoire.

4.3.1.2 Les affiches en salle d’attente

La salle d’attente ne semble pas être un lieu où vont fréquemment les médecins du cabinet sauf

Dr Gazelle qui volontiers entre y dire bonjour. Les affiches strictement médicales sont souvent

reçues par des organismes de prévention, elles sont au nombre de cinq. Sur les 59 patients

observés, un seul a visiblement lu les affiches en ma présence et un autre a affirmé les avoir déjà

lues. A chaque fois qu’ils ont été interrogés, ils ont répondu qu’ils ne pensaient pas en avoir

besoin. Par exemple, une personne m’a répondu : « c’est de la pub, non ? Sauf les feuilles

blanches au-dessus de la table, qui sont toujours là… ». Un autre patient: « je n‘en ai pas besoin,

je ne viens pas assez souvent » me dit-il, alors qu’il vient une fois par mois, pour son

renouvellement de traitement.

Concernant les incivilités, il existe trois affiches scotchées dans la salle d’attente. Elles

concernent des retards, des absences non justifiées, également appelées « lapin » et l’utilisation

du téléphone en salle d’attente. Elles ne semblent pas fréquentes pour les médecins de sexe

masculin, un peu plus pour les médecins de sexe féminin. J’ai pu assister un jour à un patient qui

ne raccrochait pas son téléphone alors que le médecin l’avait appelé et qu’ils se dirigeaient vers

son bureau. Lors de mes journées d’observation, j’ai recensé 15 personnes sur 59 observés qui

ont fait un usage actif de leur téléphone portable, c’est-à-dire qu’ils ne l’ont pas juste consulté

quelques secondes (soit 25% de la patientèle). Ils téléphonent ou font d’autres activités sur

l’écran de leur téléphone. Il s’agit des patients les plus jeunes en règle générale.

Par ailleurs, il y a des affiches réglementaires. Des affiches sur le caractère enseignant de certains

médecins du cabinet, une affiche sur la cotation des actes de médecine générale et une affiche

sur la présence d’Azalée au cabinet (le réseau infirmier d’aide à la prévention, notamment du

diabète). Une feuille blanche sur la porte indique : « SALLE D’ATTENTE » en format A4 à l’encre

Page 63: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

63

noire. Enfin, un petit cadre photo, format carte postale, renferme l’image d’une petite tortue

dans l’herbe, on peut y lire: « L’urgent est fait. L’impossible est en cours. Pour les miracles,

prévoir un délai. »

Photo 3: Petit cadre en salle d'attente

J’ai interrogé les médecins sur les affiches de leur salle d’attente. Elles ne sont pas le fruit d’une

réflexion particulière ou organisées ou mises en valeur d’une certaine façon. Elles sont

accrochées au mur, en fonction du besoin ou de l’occasion. Nous pouvons avancer que ce mode

d’information est mis en valeur de manière approximative. Est-ce un mode de communication

désuet ? Faut-il étudier et penser à la façon d’une société de communication l’affichage des

cabinets? La prévention à l’heure actuelle, intéresse-t-elle les patients ?

4.3.1.3 Les magazines de la salle d’attente

Sur la table basse, les magazines semblent être là par hasard mais on remarque qu’il n’y a

presque pas de magazines féminins ou people. Un magazine titre : « la vie méconnue de Jésus ».

En interrogeant le Dr Gazelle, j’apprends qu’il aime faire partager aux patients des magazines

intellectuels. Au cours de mon observation, j’ai dénombré 4 patients ayant feuilleté des

magazines en ma présence sur 59, soit 7% de la patientèle observée. Certains patients sont

venus avec leur propre papier journal (journaux gratuits ou locaux).

Lors de mon travail, j’ai parfois été bousculée dans mes idées reçues. Un jour, un couple âgé

visiblement d’origine asiatique, parlant une langue à consonance asiatique, s’installe en salle

Page 64: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

64

d’attente. L’homme se lève et prend un magazine, « VSD» et se met à le lire attentivement. En

effet, dans le cabinet on trouve en ce moment des magazines comme « le pèlerin », « courrier

international » et « science et vie ». Il y a aussi quelques magazines pour enfants. On ne retrouve

pas de dépliants.

4.3.1.4 Autres objets en salle d’attente

Toute la semaine, j’ai retrouvé dans la plante verte le même emballage en carton déchiré d’un

médicament pour un rhume. Les patients du quartier parlant mal français ou certains patients

âgés ont parfois recours à ce type d’astuces pour ne pas oublier le nom d’un médicament face au

médecin en consultation.

4.3.2 La salle de repos

La salle de repos est toujours tout au fond des cabinets. Il y a une table et des chaises, un évier,

de quoi manger avec un micro-ondes, un petit réfrigérateur, et la machine à café. La machine à

café étant très usitée, elle est l’occasion de bavarder fortuitement et brièvement entre

médecins, lorsqu’un patient se fait attendre par exemple ou lorsqu’une consultation a été

fastidieuse.

La salle de repos, c’est aussi l’endroit où sont entreposés des objets dont on n’a plus l’utilité.

Notamment, une ancienne douche est encore visible. Des cartons y sont stockés. C’est juste à

côté des toilettes privées, dédiées au personnel, pour des raisons de praticité (les toilettes dans

l’entrée étant réservées aux patients).

Il y a aussi une plante verte comme dans chaque pièce commune du cabinet. Des dépliants sur

les difficultés d’accès aux soins dépassent de leur panier. Les médecins viennent chercher dans

cette pièce une rupture avec les consultations. Un rythme différent y évolue, plus lent. Par

exemple, j’ai souvent noté que lorsque vous êtes avec les médecins dans leurs bureaux, ils

cherchent à avancer, à voir la personne suivante rapidement… Dès lors qu’ils sont dans la salle

de repos, le temps est comme suspendu. Même s’ils viennent juste prendre un verre d’eau, ils

reprennent les consultations souvent plus tard que ce qu’ils avaient prévu. Un jour, le Dr Zèbre

Page 65: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

65

me rejoint dans la salle de repos, elle se confie sur la visite qu’elle vient d’effectuer à domicile. Le

patient âgé est mal en point et sa femme est exigeante concernant les soins notamment de

nursing qu’effectuent les infirmières à domicile. Cette femme impressionne le Dr Zèbre, elle se

dit admirative de son courage, de son parcours d’exilée, de sa reconstruction et de son ascension

sociale en France. La salle de repos est l’occasion de partager des émotions.

Ce qui dénote dans cette pièce, ce sont les objets de décoration. Il y en a une petite dizaine dans

moins de 10 m2. Lorsque j’en parle aux médecins, comme de concert, ils répondent : « il faut

voir avec Dr Gazelle, c’est lui qui les reçoit ». En effet, il me raconte qu’il en a plein son bureau et

que comme il y en avait trop, il en a mis dans la salle de repos: « Ce sont des patients qui me les

ont ramenés et je les mets en fait plus pour leur faire plaisir, pour qu’ils les revoient… Moi je

n’attache aucune importance à ce genre de choses, je ne me souviens même plus qui me les a

donnés, ni pourquoi… J’en ai trop, Je suis arrivé à la limite, je les amènerais bien à la maison, mais

ce n’est pas les mêmes goûts que mon épouse (…) A un moment, il n’y a plus de place. Le dernier,

c’est un tigre qui a été fait à la main, par un artisan du Soudan. J’ai un seul patient qui vient du

Soudan. » Devant ce succès chez un médecin peu matérialiste, je l’interroge sur d’autres types

éventuels de cadeaux périssables : « Souvent, c’est ceux que je préfère parce que ce n’est pas

quelque chose qu’on garde, c’est sûrement moins transactionnel… Pour moi, c’est beaucoup plus

facile et d’ailleurs j’apprécie beaucoup plus que la tunisienne m’amène un couscous, qu’on me

ramène des dattes d’Algérie, du vin d’Algérie,… Voilà, j’apprécie beaucoup plus. » Le Dr Gazelle

me dira aussi qu’on ne lui a pas proposé d’argent mais qu’il n’aurait jamais pu l’accepter, au vue

de la précarité de ses patients.

Photo 4: La salle de repos

Photo 5: La salle de repos

Page 66: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

66

4.3.3 Le secretariat

C’est une petite pièce où trône un bureau central imposant. Son bureau a été changé pour plus

grand et plus haut. Il est en bois foncé. La secrétaire habituelle, qui est en congé maladie, se

sentait envahie par les patients et trouvait que sur le plan de la confidentialité, ce n’était pas

optimal avec un petit secrétaire. Le Dr Zèbre dit à ce propos : « C’est en changeant le bureau,

qu’on s’est rendu compte que l’ancien était minuscule… » Aujourd’hui, ce bureau parait avoir

toujours été là et crée une distance nécessaire comme protectrice pour celle qui l’utilise. Il

dessine un cercle d’intimité pour celles qui y travaillent au quotidien.

Une plante verte est posée sur la banque et quelques cartes postales exotiques ainsi qu’une

carte de Lyon sont sur les murs. Les affiches sont là depuis longtemps, en tout cas elles n’ont plus

de couleurs éclatantes. On observe, posé sur une étagère, un petit flacon : « Jardin zen, parfum

d’ambiance ». Il est écrit dessus : « actif sur les odeurs nauséabondes. » Le flacon est entamé.

Dans certains cas précaires, des patients ont parfois des problèmes d’hygiène corporelle.

Sur la même étagère, une panière à courrier existe pour chacun des médecins, elles sont pleines.

La secrétaire a des petites pochettes vers elle, qui contiennent des documents à remettre aux

patients. Des documents que les médecins préparent à la demande des patients le plus souvent.

Il arrive finalement, que ces documents ne soient pas réclamés. Dans ce cas, ils sont jetés une

fois de temps en temps pour libérer de l’espace.

Avant d’accéder aux bureaux, il y a un long et étroit couloir. Le long de celui-ci, il y a un miroir

prenant une grande partie de l’espace. Son encadrement est doré. Il y a été installé pour

agrandir la pièce, « donner plus de lumière et de profondeur ».

Photo 6: Le secrétariat

Page 67: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

67

4.3.4 Les bureaux

Il y a trois bureaux, pour quatre médecins. Les femmes du cabinet partagent comme indiqué

précédemment le même bureau. Un point commun frappant : c’est qu’il n’y a aucun cadre de

photo de famille visible. Une différence : les cabinets hommes ont une séparation physique des

lieux de parole et des examens physiques. On ne retrouve pas de séparation dans le bureau des

femmes.

4.3.4.1 Le bureau du Dr Marmotte

Le Dr Marmotte en parlant de son cabinet me dit : « Il y a beaucoup de désordre, parce qu’il y a

beaucoup de choses dans ma tête On essaye euh quand même de mettre notre touche à nous. Il

faut qu’il y ait à la fois de la rigueur ; tout ce qu’il faut au niveau matériel, mais qu’il y ait aussi un

certain accueil de qualité. » Encore une fois et malgré mon insistance, je n’ai pas recueilli

d’impressions sur l’aspect du cabinet auprès du Dr Marmotte, mais il m’a confié à propos de son

bureau : « Je ne sais pas s’il me ressemble, mais je m’y sens bien. (Rire) Sachant que je pourrais

travailler un peu n’importe où. Le mieux… c’est… je me sens chez moi quand j’arrive ici. Je n’ai pas

le sentiment d’arriver au travail, dans un bureau aseptisé. (Sourire). » Il m’explique qu’ils ne

veulent absolument pas d’une ambiance hospitalière aseptisée, mais que tout n’est pas

forcément que dans le paraitre, mais dans le savoir-être : « On essaye de donner une dimension

personnelle. Apres euh… C’est aussi la façon dont on occupe les lieux. Il n’y a pas simplement

l’environnement, c’est comment on vit dans les lieux. La façon dont on est, humainement

parlant. »

Dans les objets marquants, à part les nombreux papiers, il y a un paravent faisant également

office de meuble de rangement qui sépare la table d’examen et le bureau. Pour rappel, seuls les

deux bureaux masculins ont une séparation examen physique et entretien verbal. Le Dr

Marmotte indique que ce paravent crée « un espace, une répartition de volume », qui permet

notamment de parfaire un interrogatoire lorsque par exemple un patient est plus à l’aise en

dehors d’un face-à-face au bureau. Il y a aussi un rôle de pudeur dévolu au paravent. Le Dr

Marmotte d’ailleurs me confie ne pas être à l’aise pour consulter dans le bureau des femmes

Page 68: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

68

pour cette raison. Une affiche indique aussi les règles de prescription des génériques juste au-

dessus de son bureau.

Photo 7 : Bureau du Dr Marmotte Photo 8 : Bureau du Dr Marmotte

4.3.4.2 Le bureau du Dr Gazelle

Le Dr Gazelle a un bureau différent. Il a un bureau peu imposant en bois, avec un écran

d’ordinateur sous la table, derrière une plaque de verre, pour ne pas gêner la communication

médecin-patient. Il dit : « … L’informatique, comme je ne l’aime pas... Elle me le revaut bien ». Il

ne semble pas complètement à l’aise avec cette technologie. On trouve quelques livres mais pas

une bibliothèque imposante pour autant.

Il s’est aménagé un espace pour l’examen clinique physique, comme une alcôve, séparant le soin

du corps du reste. Il dit lui-même investir un peu moins le soin par l’examen physique, lorsque

c’est possible. D’ailleurs, de l’extérieur, le matériel médical ne parait pas respecter un ordre

défini.

Les objets dans son bureau sont nombreux : des souvenirs de patients, un casque de vélo, des

affiches humoristiques… Il y a également sur un mur, en hauteur et dos au patient lorsqu’il

s’assied, une affiche discrète d’un monument religieux chrétien. Je ne l’avais pas vue, c’est le Dr

Gazelle qui me l’a indiquée.

Page 69: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

69

Il ne souhaite pas personnaliser plus son bureau. Il se sent proche des patients, et l’est

physiquement, comme j’ai pu le voir, embrassant les nourrissons ou ayant des attitudes très

tactiles envers les patients qu’il suit depuis longtemps. Toutefois, il garde une certaine pudeur

concernant sa famille, une distance.

Photo 9: Bureau du Dr Gazelle Photo 10: Bureau du Dr Gazelle

Page 70: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

70

4.3.4.3 Le bureau du Dr Hérisson et du Dr Zèbre

Ce bureau semble être le plus spacieux, et pourtant il fait la même superficie que celui du Dr

Marmotte. La différence est qu’il ne contient pas de coupure d’espace au centre. Le Dr Hérisson

me parle de son bureau : « Alors, on n’a pas beaucoup personnalisé. Un petit peu notre propre

cabinet à nous avec Dr Zèbre. On avait refait les locaux quand on est arrivé, il y a 11 ans,

euh…enfin, tapisserie et sol. C’est vétuste, c’est sûr. (…) qu’Il y a quand même des endroits qui

deviennent sales et puis difficilement, maintenant…nettoyables parce que, parce que c’est vieux

parce que, voilà … voilà, y a ce côté-là qui est quand même un petit peu gênant. Apres non, euh,

je n’attache pas une importance vraiment, à personnaliser le cabinet, quoi. Non. »

Dr Hérisson et Dr Zèbre ne sont pas dérangées par le fait de changer de cabinet, même si elles

reconnaissent que ce n’est pas évident d’utiliser le bureau d’un autre car il n’a pas le même

matériel, ni forcément les papiers adéquats, ni les mêmes besoins de rangement.

Le Dr Zèbre est la seule à avoir deux dessins de son fils affichés au mur, à la demande de ce

dernier. La famille a-t-elle besoin d’être présente par le biais d’objets, dans le quotidien au

travail ?

On trouve aussi une horloge en face de son bureau, comme souvent les médecins mais la sienne

fait un bruit de trotteuse immanquable lors des silences en consultation. Elles avaient besoin

avec Dr Hérisson d’une trotteuse, pour prendre le pouls. D’une manière plus générale, les

médecins ont peu investi leur lieu de travail avec des objets personnels.

Photo 12: Bureau du Dr Hérisson et du Dr Zèbre Photo 11: Bureau du Dr Hérisson et du Dr Zèbre

Page 71: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

71

4.4 Le sens des interactions non verbales au cabinet

4.4.1 L’interaction non verbale des médecins

On remarque tout de suite le Dr Marmotte. Il fait de grands pas rapides dans le couloir, il parle

vite, et plus il parle vite, plus il fait de pauses respiratoires en prenant une grande inspiration,

nasale ou buccale bruyante. A mon arrivée, le premier jour, nous discutons du cabinet en

attendant l’arrivée des patients qui sont en retard. Aucun temps n’est perdu, il traite en même

temps que nous nous entretenons, son courrier postal et ses e-mails. Il tape très vite sur le

clavier et semble à l’aise, le poignet souple sur la souris. Lorsque j’assiste enfin à sa consultation,

je note tout de suite qu’il est penché vers la patiente, et plus elle se raconte plus il se recule,

quand enfin c’est à son tour de lui répondre, petit à petit, il se rapproche à nouveau. Le Dr

Marmotte semble être très polyvalent, d’ailleurs il me fera remarquer qu’ « il n’y a pas que les

femmes qui peuvent faire plusieurs choses à la fois ». Il est également très consciencieux et

bienveillant envers sa patientèle. J’ai eu la sensation une seule fois qu’il pouvait avoir une petite

appréhension au sujet de ce travail, en riant il m’a dit « préviens-moi s’il faut que j’appelle mon

avocat ! ». Son entretien lui a semblé fidèle à lui-même, il est le seul à n’avoir strictement rien

modifié.

Dr Zèbre, discrète et sérieuse en consultation, est attentive aux dires des patients. Elle utilise

brièvement son ordinateur. Elle est à l’écoute, sans nécessité de gestes tactiles importants. Elle

marche lentement dans le cabinet. Ma présence est peut-être à l’origine d’une certaine retenue.

Je l’interroge sur ses aller-retours pour aller boire de l’eau en salle de repos alors qu’elle possède

un point d’eau dans son bureau : « Non, en effet, je n’avais pas fait attention... (Rires). Je n’ai pas

envie de boire de l’eau dans mon bureau. » Le fait de se désaltérer est un moment associé à de la

détente, une rupture des consultations. En ce sens, il ne lui semble inconsciemment pas

pertinent de boire de l’eau dans son bureau. Même après que je lui ai fait la remarque, cela lui

semble impensable.

Dr Hérisson est souriante. Elle est détendue et reçoit les patients avec enthousiasme et

dynamisme. Elle parle vite. Elle marche vite. En consultation, elle émet une certaine énergie

communicative avec laquelle les patients semblent repartir du cabinet, même si c’est peut-être

de manière éphémère… Bien que pouvant être contrariée, son visage semble exprimer de

manière permanente une joie et une certaine bienveillance.

Page 72: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

72

Je n’ai pas assisté aux consultations du Dr Gazelle, car étant donné qu’il ne pratique pas toujours

des médecines conventionnelles, je n’ai pas souhaité y assister, n’y étant pas formée. Mais j’ai pu

l’observer dans le couloir, une attitude très chaleureuse et simple dans sa relation aux patients,

très tactile aussi. Le tutoiement, les accolades, les embrassades sont des gestes que je n’ai vu

effectués que par lui. Il est d’une grande disponibilité avec sa patientèle, le temps s’arrête avec

chaque patient même ceux qui ne faisaient que passer. Son humilité transparait à travers sa

tenue vestimentaire et son comportement.

Les médecins du cabinet, qu’ils rentrent ou non en salle d’attente, appellent tous les patients de

noms inaudibles pour des raisons de confidentialité. Ils marmonnent ou parlent vite c’est selon,

mais la plupart des patients se reconnaissent. Ils sont également tous raccompagnés à la porte

d’entrée en partant, où le plus souvent, une habituelle poignée de main est échangée. Le Dr

Gazelle est très à l’aise avec la salle d’attente, il y rentre et en sort facilement et cela

quotidiennement. Les autres médecins restent toujours sur le seuil de la porte. Le Dr Zèbre se

tenant la plus éloignée, le Dr Marmotte et le Dr Hérisson un peu moins. Tous entrouvrent la

porte sans frapper.

Les tenues vestimentaires des médecins sont simples et peu d’excentriques. Dr Marmotte est

probablement le plus apprêté. Les femmes ne semblent pas avoir de tabou particulier

concernant l’habillage. Dr Gazelle est probablement le plus décontracté. La notion de confort

vestimentaire semble lui convenir.

4.4.2 Patients dans l’attente

La salle d’attente du cabinet est une pièce quasi carrée. Finalement pas si décorée, quand on s’y

assied. La porte fermée, on sent la hauteur de la pièce devant l’absence de meubles imposants.

Ça donne l’impression d’être dans un cube quand on y est seul. L’observation de l’autre est

forcée dans une telle pièce isolée et en même temps la discrétion est indispensable pour

respecter chacun. La pièce peut être plus ou moins animée, à la manière d’un lieu public destiné

à l’attente. Je ne me suis jamais assise au même endroit pendant ce travail d’observation,

voulant connaitre différents angles de vue. Mais il y a tellement de manières différentes

d’attendre.... Voici quelques-uns des moments recueillis.

Page 73: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

73

Le Lundi

La première patiente que j’ai observée, c’est une jeune fille pré-pubère, patiente du Dr Hérisson.

Elle écoute de la musique et explique quelque chose fièrement, à celle qui semble être sa mère :

« elle dit quatre-vingt-quatre fois le mot « smile » dans la chanson », parlant sûrement de

l’interprète. La mère acquiesce d’un signe de tête, décontenancée.

Durant l’après-midi, on se retrouve à six en salle d’attente. La porte est fermée. On étouffe.

L’atmosphère est irrespirable et pourtant nous ne sommes pas au complet dans la pièce.

Impossible de partir, chacun attend son rendez-vous. Chaque fois que la porte de la salle

d’attente s’ouvre, c’est instantanément une joie puis une déception dès que l’on n’est pas l’élu,

qui se lit sur les visages. Très vite, ils reprennent leurs faciès inexpressifs d’attente, subissant la

situation passivement pour la plupart. Une patiente se démarque et dit à sa fille : « ils auraient

pu mettre un ventilateur, la secrétaire en a un ». Personne ne réagit ni ne bouge.

Le mardi

Une patiente d’âge mûr entre dans le cabinet. Je l’aperçois de la salle d’attente mais elle va

directement aux toilettes. Puis, elle vient s’asseoir mais, se relève aussitôt pour aller se laver les

mains. Elle n’aura pas dit « bonjour » en arrivant. Elle se rassied, souffle bruyamment avec ses

joues, croise et décroise les jambes. Elle feuillette un magazine tv à présent, qu’elle a sorti de son

sac à main qu’elle garde sur ses genoux. Elle est assise près de la porte d’entrée de la salle

d’attente, se tient droite. Dix minutes plus tard, elle croise et décroise les jambes à nouveau,

range le magazine dans son sac, puis cherche un magazine sur la table basse mais n’en prend

aucun, se rassoit, les bras croisés sur le sac à main, souffle. Soudain, je me sens anxieuse, je me

surprends à souffler d’impatience pourtant, je n’ai pas rendez-vous. Vingt-cinq minutes après

son arrivée, elle téléphone dans la salle d’attente et parle fort, juste à côté de l’affiche lui

signalant de ne pas le faire. Enfin, Dr Hérisson sort de son bureau, la patiente en salle d’attente

se lève déjà. Le patient précédant est encore en train d’être raccompagné, elle sourit, délivrée de

son attente.

Il y a un patient joyeux, la cinquantaine, qui s’installe en choisissant son siège selon le même

code qui semble habituel des patients. Il feuillette des magazines féminins et des magazines pour

Page 74: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

74

enfants, plein d’entrain. C’est un patient du Dr Hérisson. Il me précisera à propos des magazines,

chercher du divertissement devant ce monde trop triste.

Le mercredi

Une patiente vient s’installer à côté de moi. Elle ne me parle pas, mais parait soucieuse. Elle se

met à feuilleter un magazine rapidement et le repose. Elle cherche à voir ce qu’il y a dans mon

carnet, ce que j’écris. Je m’arrête et referme le cahier. Une odeur de café se dégage de la

patiente, je m’aperçois qu’elle a des taches marrons sur le bas de son pantalon rose défraichi. En

fait, non, il n’y a pas que l’odeur du café, ça y est j’ai compris, ça sent l’urine. Dr Marmotte arrive.

Les patients du Dr Zèbre sont souvent discrets, j’en repère un, au fond de la salle d’attente assis

la tête contre la fenêtre, le visage dans sa main, silencieux, les jambes croisées haut,

recroquevillé. Chaque stigmate du temps sur son visage semble refléter un évènement difficile

de sa vie. Ils sont nombreux dans ce cas. Chaque médecin à une certaine patientèle, j’apprends

au fur et à mesure à les repérer lorsqu’ils entrent, comme un jeu.

Les patients du Dr Marmotte se mettent eux, le plus souvent devant la porte. Un manège parait

se jouer en entrant dans la salle d’attente. Ainsi, il semble que les patients choisissent leur siège

la plupart du temps, selon un certain code. Ils se mettent volontiers vers la porte quand ils sont

pressés, et surtout volontiers du côté du bureau du médecin qu’ils vont consulter, pourtant il n’y

a qu’une seule porte de sortie pour la salle d’attente. Une autre règle du code semble être qu’on

s’assied toujours en alternant un face à face, puis avec au moins une place d’écart puis de l’autre

côté… Ainsi de suite, jusqu’à remplir, une à une, toutes les chaises. Je n’ai pas noté de placement

par sexe.

Le jeudi

Un couple avec un enfant s’installe en salle d’attente. Ils se parlent et sont nerveux. Le père

transpire. Il s’absente dix minutes et revient avec des vaccins. Concentrés, ils relisent ensemble

l’ordonnance des vaccins. Qu’y a-t-il d’intéressant sur ce papier, une fois les vaccins achetés?

Certains patients, tous des hommes lors de mon travail, jouent avec leurs analyses biologiques

en salle d’attente. Ils les sortent et les remettent dans l’enveloppe à plusieurs reprises,

Page 75: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

75

nerveusement. Je ne peux pas les lire de là où je me situe. Leur attente dans la salle parait plus

anxiogène que celle d’autres patients. Ils sont presque prêts à bondir à chaque ouverture de la

porte de la salle d’attente.

Des femmes, sûrement organisées, regardent leurs ordonnances en salle d’attente. Elles

vérifient dans leurs portefeuilles qu’elles ont ce qu’il faut pour la consultation : carte vitale, carte

de mutuelle que les médecins généralistes n’utilisent généralement pas, carte bleue… Il y a aussi

la liste, celle qui recense plusieurs doléances ou symptômes dont il faut faire part au médecin,

notés sur un post-it ou un bout de papier déchiré au crayon de papier, certaines la relisent.

Les patients ne se parlent pas entre eux, ils se regardent même très peu malgré la promiscuité. Il

est arrivé que la présence d’un nourrisson en salle d’attente, force le sourire et engage quelques

échanges de paroles sur le bébé entre patients ne se connaissant pas. Mais, dans la majorité des

cas, lors de ma semaine d’observation, la salle d’attente fut silencieuse. Dans ce cabinet, on

entend les voitures passer sur le boulevard, les enfants qui s’amusent au loin dans leur parc ou

encore les jours de marché, l’animation du quartier, ou les oiseaux. La secrétaire n’est pas

présente toute la journée. Le bruit du téléphone et son travail d’accueil ne sont donc pas des

fonds sonores permanents.

Le vendredi

Les patients sont habillés de la même manière que lorsqu’ils sortent dans le quartier, il y a des

tenues modernes, d’autres plus démodées. Il y a des tenues apprêtées et des tenues plus

débraillées. Il y a des tenues qui sont dictées par leurs religions ou d’autres par leurs cultures. On

y croise de tout.

Ce patient-là, un homme d’une trentaine d’années, il est étonnant. C’est le seul à être entré, et à

avoir lu toutes les affiches de la salle d’attente d’une traite. Ce sera le seul de mon travail

d’observation. C’est un patient du Dr Marmotte.

Il y a des scènes plus classiques, celle de la mère et de la fille qui vient d’avoir un bébé. La fille est

très « Babycook »1, mais la mère est très « cocotte-minute ». La fille donne le lait à température

ambiante, mais la mère est très chauffe-biberon. La fille ne voit que des avantages à la crèche

1 Le Babycook est un robot ménager emblématique d’une marque connue pour préparer les repas des

nourrissons : cuiseur, vapeur et mixeur.

Page 76: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

76

mais la mère trouve qu’on y attrape des maladies. Et le petit loup, toujours dans le porte-bébé,

42 minutes après, gigote à souhait dans ce sac, histoire de faire savoir qu’il souhaite voir autre

chose que le mur de la salle d’attente! Elles attendent probablement l’expertise du Dr Zèbre.

La femme d’origine africaine, en boubou chatoyant, claque sa langue plusieurs fois dans son

bouche en attendant son rendez-vous. Ça résonne. Elle est impressionnante, elle a un port de

tête altier. Tout le monde l’observe discrètement. C’est une patiente du Dr Hérisson.

Le beau jeune homme se touche tout le temps la gorge en salle d’attente, avec une expression

de douleur. Une rougeur apparait. Il attend en balançant la jambe croisée avec un va et vient

rapide. C’est un patient du Dr Gazelle. Il l’a vu grandir.

Page 77: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

77

5 DISCUSSION

Nous allons mettre en avant les forces et limites du travail puis nous détaillerons les pistes de

réflexion relevées dans ce travail et nous les confronterons à la littérature.

5.1 Forces et limites de l‘étude

5.1.1 Les forces de l’étude

La principale force de ce travail est l’originalité. Cette méthodologie est peu employée en

médecine générale. Les études effectuées sur les interactions et l’environnement du cabinet

libéral sont rares. Ce travail permet de compléter les études nombreuses sur la relation médecin-

malade mais à travers un autre angle, celui de l’ethnographie et en ouvrant le champ des sujets à

étudier plus en profondeur dans ce domaine cloisonné.

La relation médecin-malade est fondamentale dans la recherche d’une meilleure qualité de

soins. L’enjeu est important devant une société de plus en plus consommatrice dans le domaine

médical. Les études effectuées qualitatives ou quantitatives permettent d’avancer dans

l’optimisation de la relation, souhaitée par les deux acteurs de l’interaction.

Notre travail qualitatif permet d’apporter de nouvelles hypothèses ou pistes de réflexion.

L’analyse en profondeur de plusieurs aspects d’une problématique produit de nouvelles

connaissances. Ces connaissances permettent de nous remettre en question et mettent en

perspective des aspects différents d’une problématique. Ceci afin d’être dans un constant souci

d’amélioration de la qualité des soins.

Enfin, l’intérêt de ce travail réside également dans le fait qu’il permet d’étudier avec le même

chercheur, le médecin et ses malades et ceci dans une unité de temps et de lieu. La triangulation

des résultats a été effectuée avec les deux directeurs de thèse d’une part, apportant chacun son

regard spécifique et expérimenté de médecin généraliste et d’anthropologue. D’autre part, le

rétrocontrôle (« member checking ») des verbatims et des résultats, des médecins participants à

l’étude, a permis une validation des données.

Page 78: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

78

5.1.2 Les limites de l’étude

5.1.2.1 Les limites personnelles du chercheur

En tant que jeune médecin, j’ai un regard qui diffère forcément de celui d’un anthropologue de

formation. Je suis inexpérimentée dans le travail ethnographique.

Etre le seul observateur dans un travail comme l’ethnographie, implique que ma seule vision

pondérée par mes directeurs de thèse, est mise en avant. Je suis le témoin principal mais surtout

unique, de mon travail. Les données recueillies à partir des entretiens sont retranscrites, puis

analysées. La méthode de thématisation utilisée pour cette étude qualitative dépend en partie

du regard interprétatif des chercheurs d’où un biais d’interprétation.

Il existe un biais de parti pris : connaître le milieu d’étude favorise la rapidité de travail mais cela

peut aussi être un biais par manque de curiosité ou présence de préjugés. Mais les patients ne

m’ont jamais reconnue ni inversement. Il faut dire que j’ai très peu remplacé dans ce cabinet. Et

les médecins, bien que m’ayant déjà rencontrée n’ont pas été familiers. Je pourrais même dire

que j’ai redécouvert le cabinet à travers ce travail.

Mon appartenance au milieu médical depuis plusieurs années a pu limiter certaines observations

qui auraient pu questionner un non-initié.

Le travail engagé demande beaucoup de disponibilité. Les données relevées sont considérables.

Pour finir, il existe deux rôles dans ce travail sur le terrain, celui de médecin et de patient. En

salle d’attente, je suis un patient lambda qui attend un rendez-vous. Avec le médecin, en

consultation, je m’identifie à un étudiant en médecine. Il n’y a qu’avec les membres du cabinet

que je suis à découvert. L’observation directe est peut-être moins participante lorsque je discute

avec les médecins ou la secrétaire car je suis à découvert. En pratique, cela n’a posé aucun

problème.

Page 79: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

79

5.1.2.2 Les limites de l’échantillon

Il ne s’agit que d’un seul cabinet, en milieu urbain, non représentatif statistiquement. Il s’agit

d’un biais dit de sélection. Toutefois, nous ne cherchons pas à être significatif mais à

comprendre. Le cabinet a été choisi avec soin et selon des critères d’exhaustivité. Les données

d’observation ont permis d’arriver à saturation.

Les entretiens à la volée ont pu surprendre les patients en salle d’attente devant la présentation

inhabituelle. En pratique, je n’ai pas ressenti de réticence franche. Ce biais de modification du

comportement habituel du fait de la présence de l’étudiant ou de l’observateur est possible y

compris en consultation pour les deux acteurs. La représentativité des scènes observées en salle

d’attente par contre ne peut être mise en cause, car le travail a été fait incognito.

Page 80: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

80

5.2 Le sens de l’accueil et d’hospitalité dans le cabinet

5.2.1 La notion de valeur

La première idée qui se dégage de ce travail est la nécessité de valeurs partagées entre les

médecins pour le type de relation médecin-malade choisi. Ces valeurs trouvent dans ce cas, leurs

origines dans une religion commune. Cependant, les codes dans la culture française sont souvent

inspirés des valeurs judéo-chrétiennes historiquement prépondérantes en France. Dans ce

cabinet, les médecins ont choisi l’accueil, l’hospitalité, l’égalité de l’accès au soin et la tolérance.

L’existence d’une vision commune semble être un socle fondamental dans leur pratique

professionnelle, comme Dr Marmotte le précise, ils ont : « la même approche globale de la

personne (…), les mêmes valeurs. » C’est un message qui est véhiculé aux patients de manière

plus ou moins consciente, par l’intermédiaire du type d’interaction choisie. On ne peut

s’empêcher de faire un parallèle avec l’entreprise : « l’âme de l’entreprise », « la culture de

l’entreprise » ou « l’identité de l’entreprise », autant de synonymes qui semblent transposables

au cabinet médical.

Selon les patients, les besoins de considération et d’écoute sont assurés au cabinet. Dans un

travail qualitatif français effectué en 2002, sur les critères de qualité de la relation médecin-

malade (39), il est mis en exergue le fait d’avoir des valeurs communes entre médecin et patient,

et des divergences qui sont inévitables. L’étude concluait qu’il y avait probablement plusieurs

modèles de relation médecin-malade à explorer. Cela montre que dans notre cas, les valeurs

sont partagées par les médecins entre eux et probablement par les patients. Les divergences

pourraient être associées aux différentes façons de travailler pour chaque médecin. Chaque

patient s’y retrouve.

Concernant les valeurs en elles-mêmes, elles sont étudiées par certains chercheurs dans les

professions de type travailleurs sociaux. Notamment D. Puaud (40) évoque à leurs propos, « un

art de l’ordinaire composé de microtraces d’hospitalité ». Il met en avant l’importance du

comportement verbal et non verbal dans l’attitude de reconnaissance de l’autre, en refusant

d’opposer l’émotion et le professionnalisme. Il développe par ailleurs, l’idée d’empathie

méthodologique pour réussir son travail d’observation ethnographique. Les médecins utilisent

l’empathie, faut-il qu’ils développent leur hospitalité pour optimiser la relation médecin-malade

?

Page 81: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

81

Pour finir, ces valeurs communes font partie de critères de réussite et d’entente lors de la

création d’un cabinet médical selon les dires des médecins observés. Il se trouve que dans une

étude réalisée en 2012, sur les caractéristiques des associations rompues en médecine générale

(41), les médecins ne partageaient pas les mêmes attentes que leurs associés et les causes

évoquées de rupture étaient des styles opposés de travail, de gestion, et des difficultés de

communication. Ce travail appuie l’idée fondatrice que pour réussir une association de médecin,

il faut avoir un minimum de points communs dont une vision globale partagée de l’exercice de la

médecine. Dans le cas contraire, l’échec de l’association est aussi en étroit lien avec des burn-out

de médecins. Dans le cadre de l’entreprise qui réussit et de salariés épanouis, il y a un exemple

étudié au Canada, il y a dix ans (42), qui s’intéresse à la nécessité de construire une identité

sociale professionnelle cohérente et à la volonté de l’entreprise de réaffirmer l’importance de sa

culture face aux mutations de l’environnement socioéconomique. Là encore, des valeurs

fondamentales communes balisent la réussite des entreprises, pourquoi pas celle des cabinets

libéraux de médecine générale.

5.2.2 L’investissement du lieu

Le choix de travailler dans ce type de quartier est cohérent avec les valeurs revendiquées. A

l’image de ces valeurs partagées, l’environnement du cabinet est un outil pour appliquer le soin

de la personne. A la manière d’un lieu de culte, ils accueillent et soignent sans regarder de qui il

s’agit. Cela correspond à ce choix de travailler au cœur d’un immeuble HLM. Ainsi Dr Zèbre nous

dit que c’était important pour elle d’être dans ce quartier : « (…) le fait d’être installée dans un

quartier populaire, pour moi, ça a du sens et ça a toujours du sens d’ailleurs (…) être avec les gens

du quartier, c’est important ».

Toutefois, ce choix n’est pas mis en valeur par les patients verbalement. Ils ne leurs ont jamais

fait de commentaire à ce sujet. La patientèle n’imagine pas que les médecins ont choisi de venir

travailler ici par opposition à d’autres. Les patients ne se questionnent pas sur la présence de ces

médecins. Ces derniers se sont construits un décor dans ce quartier, et jouent un rôle choisi pour

une interaction privilégiée avec les patients, dans un investissement social important (14).

Les locaux sont au premier coup d’œil, un peu défraîchis. Pourtant, le désinvestissement au

niveau de la personnalisation des locaux est voulu par les médecins. Ils ne soulèvent que très peu

Page 82: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

82

la question. Ce sont d’ailleurs plutôt les femmes, qui sont plus jeunes qui en parlent. Les

médecins soulignent leur caractère désintéressé du matériel, en insistant sur l’humain et la

chaleur qu’ils essayent de mettre dans l’occupation de l’espace que représente le cabinet. Par

ailleurs, beaucoup de patients disent ne pas être gênés par l’aspect de l’environnement, même

s’ils préfèreraient que ce soit autrement. Dr Marmotte indique : « (…) c’est aussi la façon dont

on occupe les lieux. Il n’y a pas simplement l’environnement, c’est comment on vit dans les

lieux. La façon dont on est, humainement parlant. » Concernant les locaux, une thèse effectuée

par F. Chauveau (43) met en évidence qu’il existe deux grand profils de médecins, un plus

scientifique et neutre, l’autre plus humaniste et personnalisé. Dans le cabinet de notre étude,

nous retrouvons des médecins plutôt neutres mais souhaitant une atmosphère chaleureuse et

humaniste. Il s’agit d’un profil qui mixe les deux précédents décrits par F. Chauveau.

De la même façon que A. Sarradon-Eck dans ces travaux, nous décryptons les profils des

médecins à travers leur environnement et les objets qui les entourent, en suivant une approche

dramaturgique telle que celle de E.Goffman. En psychologie des espaces de travail, il est dit que

« l’appropriation » se fait « à partir d’une occupation ou d’une utilisation particulière de l’espace,

une affirmation de soi sur les lieux. (…)L’organisation spatiale(…) constitue un message social sur

le groupe ou la société qui l’occupe, sa manière de vivre et ses valeurs » (44).

Certains patients évoquent une problématique pertinente : faut-il un cabinet modeste pour

soigner des gens modestes ? Eux, ne le souhaitent pas. Je n’ai pas retrouvé de littérature qui

aborde ce thème. Mais nous savons que chaque médecin, en fonction de son profil, investit son

cabinet d’une manière différente et pour cela, l’environnement extérieur ne parait pas être un

critère principal.

5.2.3 L’identité professionnelle

Les caractéristiques propres à chaque médecin ne sont pas effacées par le groupe. La patientèle

reste à l’image de chaque médecin. La notion d’identité professionnelle reste possible en

exercice de groupe y compris pour les subtilités de chaque médecin concernant la relation

médecin-malade.

Toutefois, pour chaque identité professionnelle, certains éléments sont plus ou moins mis en

avant en fonction de l’environnement, et ce pour le même ou pour différents patients. A.

Page 83: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

83

Maalouf (45) nous dit, de cette manière : « L’identité ne se compartimente pas, elle ne se

répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées. Je n’ai pas plusieurs identités, j’en

ai une seule, faite de tous les éléments qui l’ont façonnée, selon un « dosage » particulier qui

n’est jamais le même d’une personne à l’autre. » L’idée de l’interaction symbolique et de la

relation unique à chaque reprise, se met en place.

Ainsi, Dr Marmotte, humain et à l’écoute, comme ses confrères, déclare n’être « jamais venu en

trainant des pieds » au cabinet. Il évoque une part spirituelle dans son travail qui n’est pas

évoquée par les médecins femmes. C’est un médecin généraliste qui se veut médecin de famille,

plutôt scientifique, dynamique et exigeant. Il ne souhaite pas de familiarités avec les patients. Dr

Gazelle, calme, avenant, s’intéresse comme le Dr Marmotte, aux patients et au monde dans

lequel ils vivent. Il tolère une familiarité plus importante, mais lui aussi reste discret quant à ses

éléments de vie privée. Il s’agit d’un médecin qu’on perçoit comme le plus chaleureux d’emblée,

car son accès parait simple. Dr Zèbre, dont la voix douce est rassurante, sourit facilement mais

admet également être « assez directe ». Par ailleurs, elle a des bribes de discours sécuritaire que

n’ont pas les médecins hommes. Dr Hérisson apprécie lorsque la relation médecin-malade a une

« dimension socio-médicale ». Elle aussi évoque la sécurité comme le Dr Zèbre. C’est un médecin

dynamique et enthousiaste.

Les sentiments, les représentations, les expériences et projets personnels construisent l’identité

professionnelle. C’est essentiel pour un épanouissement du professionnel. L’identité a été

étudiée par E. Marc (46), il développe les critères qui permettent la distinction de personnalité

entre un individu et un groupe. Il est possible qu’une application de ce travail dans le domaine

du cabinet permette aux médecins de contribuer à créer des critères de réussite d’une

association. Nous pourrions imaginer que certaines valeurs sont à envisager en cohésion et

d’autres sont à développer individuellement.

5.2.4 Les représentations des acteurs en fonction de codes

On perçoit à travers le discours des médecins, l’importance de la secrétaire comme un porte-

drapeau des valeurs défendues par le cabinet, « c’est un élément essentiel ». Notamment, lors

de l’ouverture de la porte d’entrée systématiquement en personne par la secrétaire. Mais cette

dernière n’a pas conscience de cette responsabilité d’accueil, les patients non plus. Ils n’ont pas

Page 84: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

84

les mêmes représentations et ne font donc pas les mêmes interprétations d’une situation

identique. A première vue, le système d’ouverture de porte pourrait être contesté et nous

pourrions évoquer une forme de protectionnisme, un système excluant une partie du quartier,

une sélection de population. L’image renvoie symboliquement à celle d’un cadre de soin, imposé

en psychiatrie dès lors qu’on est hospitalisé, dans l’intérêt du patient. Mais les patients n’ont

absolument pas ce vécu-là. Ils invoquent des raisons de sécurité pour cette porte d’entrée,

comme un principe de précaution inaliénable. Il semble même qu’ils se sentent protégées par ce

système et ravis d’être accueillis en ce lieu et considérés comme des hôtes à protéger. La

secrétaire exprime peu son désaccord en regard de la contrainte générée par l’ouverture de la

porte d’entrée systématique.

L’importance de l’accueil est à pondérer par une étude qualitative effectuée en 2000 (47). Elle

apporte un autre regard sur le rôle de l’attente. Elle cherchait à faire ressortir les éléments

paraissant les plus importants aux yeux des patients dans la rencontre avec leur médecin. Les

résultats traduisaient le rôle primordial de la communication, des émotions, et de la relation

individuelle. Le temps passé en salle d’attente, l’accueil par la secrétaire et l’examen clinique ou

les gestes techniques étaient cités, mais n’étaient pas au premier plan. Enfin, une enquête par

questionnaire menée en 2002 par l’Union professionnelle des médecins libéraux de la Région

Rhône-Alpes, au sujet de la qualité d’accueil des patients en médecine générale, concluait au

sujet du rôle de la salle d’attente : « La majorité des patients n’attache pas une très grande

importance au décor », préférant privilégier, dans leur jugement, les qualités de leur médecin

(48).

Les médecins soulignent l’atout fondamental que représente la présence d’une secrétaire. Elle

joue un rôle central dans l’accueil des patients, elle humanise la relation, elle rassure et oriente.

L’accueil est un pré-requis pour favoriser une relation de soins constructive et durable dans le

temps. La présence d’un secrétariat joue un rôle dans l’humanisation des lieux et l’accueil des

consultants, mais elle permet également au médecin de travailler de façon plus fluide et efficace

en le libérant de diverses tâches dites non médicales. Le soin débute avec l’accueil de la

secrétaire. Cependant, nous pouvons noter que le secrétariat à distance en médecine générale

existe.

Devant ces divergences, nous estimons qu’il faut reconnaitre des différences d’interprétations

entre les acteurs. Les représentations de chacun, basées entre autres sur leur bagage culturel,

Page 85: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

85

leur rôle et leurs expériences, divergent. Pour une même situation, nous n’arrivons pas au même

sens donné.

5.3 Les objets et leurs sens dans chaque espace

Discrets ou non, les objets nous accompagnent au quotidien nous raconte J.P. Filiod (49). Ils

reflètent nos goûts, nos craintes... Ils sont des témoins symboliques, qu’il s’agit de comprendre.

Il y a les objets qu’on porte, qui sont un prolongement du corps et les objets de décoration ou les

objets fonctionnels, qui occupent l’espace. La vision globale des médecins transparait dans les

détails des objets de la salle d’attente ou de leurs bureaux. Là-aussi, des difficultés de perception

de sens d’un même objet par les acteurs peuvent être mises en évidence. Ainsi E.T. Hall (50)

nous rappelle les dires des spécialistes de la psychologie transactionnelle : « l’erreur consiste à

croire que l’Homme et son environnement sont des entités distinctes et qu’ils ne font pas partie

intégrante d’un système d’interaction unique. »

5.3.1 La salle d’attente

5.3.1.1 Un espace neutre

C’est une pièce qui n’appartient pas à un médecin unique mais qui fait partie du cabinet de

groupe. C’est un lieu partagé. Il est dans notre étude peu personnalisé et peu investi, par choix,

principalement pour des raisons de simplicité et d’accueil mis en exergue d’une autre façon.

Certains médecins ont quand même noté la détérioration rapide des locaux devant la

fréquentation. En 2009, H. Idris parlait dans sa thèse (51), d’ « empreinte » donnée par les

professionnels aux lieux dans lesquels ils exercent. Nos résultats rejoignent cette idée. Au-delà

de l’aspect purement matériel ou pratique, l’aménagement personnalisé des lieux, même s’il est

peu important, reflète la satisfaction du médecin à exercer son métier. Dans son étude, les

médecins envisagent le cabinet comme un espace à exploiter pour promouvoir la santé et la

qualité des soins.

Page 86: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

86

En 1967, J. Berger et J. Mohr dans « un métier idéal » (52) décrivent le cabinet d’un médecin

généraliste de campagne en Angleterre : « Les cabinets n’ont pas un air clinique. Ils ressemblent

à des pièces confortables, des pièces où l’on vit, mais ils sont plus ordonnés que la plupart des

salles de séjour et en dépit de leur exiguïté, ils offrent davantage d’espace. » Les médecins de

l’étude ne vont que très peu dans la salle d’attente, voire quasiment pas si ce n’est Dr Gazelle. A.

Sarradon-Eck dans son travail sur les médecins de campagne (14), décrit une pièce envisagée

comme un sas relativement impersonnel, un passage à sens unique, avant le bureau médical et

la consultation. La salle d’attente est standardisée, reproductible dans plusieurs cabinets. Ce

n’est pas la même vision que dans les années soixante. Les canapés sont devenus des chaises

pratiques à nettoyer. Les tapis sont devenus des linos lavables. Les cabinets ne sont plus dans les

domiciles de médecins. Il existe probablement des raisons sanitaires imposées par la société

comme un progrès, qui participent aux choix d’ameublement de la salle d’attente.

Une étude a été faite sur les groupes de réflexion Balint en salle d’attente et sur l’espace de

transition que représente cette pièce (53). Elle explique un des enjeux nécessaires dans la

relation médecin-patient, celui de se mettre à la place des malades, y compris

géographiquement: « La salle d’attente peut être momentanément ce lieu de repos, ce refuge

où se jouent certains phénomènes dans un espace-temps transitionnel de la relation médecin-

malade ». Elle devient alors lieu d’échanges. Il est envisageable que certains patients s’en

trouvent mieux considérés ou rassurés, dans le cas où la salle d’attente serait enjolivée, rendue

plus confortable, ou sophistiquée.

Dans cette étude, la porte de la salle d’attente est souvent fermée. La première raison invoquée

par les médecins est la confidentialité. Ils indiquent aussi, que cela permet d’éviter des

indiscrétions et permet des discussions entre médecins si nécessaire entre les consultations. Les

patients comprennent que les médecins aient besoin de fermer la porte de la salle d’attente,

pourtant ils ne se sentent pas très à l’aise et préfèreraient qu’elle soit ouverte. Les patients ne

reconnaissent pas la confidentialité comme une priorité dans leurs propos. Ces espaces

cloisonnés, limités, qui excluent l’insécurité, s’opposent à des lieux ouverts à tous à l’hôpital

comme dans les bureaux, type open space, limitant la protection de l’individualité au profit du

groupe. Nous pouvons penser aussi que le secrétariat, qui est en bureau ouvert, reste le maître

du jeu dans la fermeture comme l’ouverture du cabinet et de sa salle d’attente. Il pourrait s’agir

d’une sorte de clé symbolique prédéfinie par les valeurs affichées du cabinet. Cependant, il est à

noter qu’il existe des open spaces avec un secrétariat vitré fermé ou éloigné.

Page 87: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

87

5.3.1.2 L’exploitation de l’espace

L’affichage et les magazines se rapportent à l’idée de décor dans le cadre d’une scène où va se

jouer une interaction. L’attente a une dimension symbolique émotionnelle. Un accueil

personnalisé dans le cabinet étudié fait partie de la considération et de la réassurance que

ressentent les patients. Toutefois, ils expriment des attentes de distraction et de détente en salle

d’attente alors que les médecins considèrent l’attente comme un moment dédié à l’information,

à la prévention, à l’éducation ou à la culture. Selon A. Guyot (54), « la salle d’attente apparaît

comme une opportunité parmi d’autres pour diffuser des messages, à condition qu’ils soient

sélectionnés, renouvelés, et investis par le médecin, qui peut les renforcer par des explications

fournies au cours du colloque singulier ». Il faut croire que les médecins n’ont jamais « attendu

malade, sans savoir ce qu’évoquent leurs symptômes ». L’opportunisme des professions de

santé est peut être mal placé, pourtant la majorité des études récentes sur la salle d’attente sont

consacrées à la prévention et à l’éducation par l’affichage et les prospectus.

Dans le cabinet étudié, l’affichage n’est pas soumis à un protocole ou un ordre du jour lors de

réunions. L’affichage se fait de manière aléatoire, lorsqu’une affiche est reçue d’un organisme de

prévention, et qu’elle parait pertinente pour le médecin, expert de sa patientèle. Dans mon

travail, l’affichage n’a pas été lu par les patients (à l’exception d’un patient) pour diverses

raisons. On peut émettre l’hypothèse que le patient arrive avec une symbolique anxieuse de

l’attente et de la consultation. Dans ce cas, il ne se projette pas dans la lecture intellectuelle de

ce type de documents. Dans les travaux de thèse d’A. Guyot (54), « Les patients témoignent eux

aussi de la symbolique de l’attente, qui est particulière dans le cadre de la médecine. Ils sont

pourtant confrontés à l’attente dans leur vie de tous les jours. Mais ce qui se joue là est d’un

autre ordre, puisque cela concerne leur santé. Ils l’affirment : « en cas de pathologie chronique

ou sévère, l’attente chez le médecin peut être chargée d’angoisse ». La salle d’attente est-elle

toujours la bonne pièce pour faire de la prévention ou de l’éducation ?

Nous pouvons aussi citer l’art de mettre en valeur des informations dont usent les publicitaires,

spécialistes de la communication et dont les médecins ne maitrisent pas l’application.

Dans la thèse d’H. Idriss (51), rappelons que le travail sur la salle d’attente a révélé que les

patients déclaraient utiles les affiches et brochures en grande majorité, mais il n’y avait que 17%

des patients qui énonçaient avoir été sensible à la diffusion d’une affiche. Finalement, les

médecins gagnent-t-ils à nous faire attendre de façon intellectuelle ? L’une des pistes de

Page 88: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

88

réflexion est d’adapter les supports d’information pour qu’ils soient plus discrets ou/et qu’ils

favorisent une recherche active de la part des patients (classeur, audiovisuel…).Doit-on repenser

les usages de la salle d’attente et introduire des sources de divertissement ou de détente,

passives ou actives pour amoindrir cette anxiété. Rappelons que de rares cabinets font le choix

de la musique, du café ou de bibliothèque tournante etc avec succès(43).

5.3.2 La salle de repos, un sas de décompression

La salle de repos est un sas de décompression indispensable. Elle est pour cela souvent

positionnée en fond de couloir dans les cabinets médicaux. C’est une pièce négligée sur le plan

de la décoration mais elle est vivante par les anecdotes qui y sont racontées, par la détente

qu’elle procure, les repas partagés… Elle permet d ‘effectuer des pauses informelles improvisées.

Elle est l’occasion d’échanger des informations et de décharger des difficultés émotionnelles.

C’est une coulisse de la pièce de théâtre qui se joue entre un médecin et ses patients. E.Goffman

qualifie ce lieu de « région postérieure » (21). Il n’est ni professionnel ni privé.

Les médecins sont liés à leurs patients par un contrat tacite. Nous observons que les cadeaux

offerts par les patients, le sont plus à certains médecins qu’à d’autres : « il faut voir avec Dr

Gazelle, c’est lui qui les reçoit ». Pour autant, le médecin qui les reçoit n’investit pas l’objet

concret. Il est même mal à l’aise et préfère des objets éphémères en citant la nourriture.

S.Tisseron développe les idées de Winnicott en 2001, dans un article (55), en expliquant que

l’objet transitionnel existe aussi à travers les souvenirs rapportés par les patients ce qui constitue

pour la plupart des objets concrets rapportés décoratifs. Son travail se rapporte aux thérapeutes.

Ces objets nécessitent une attention quant à leur signification symbolique pour chacun.

Notamment, lorsque la patientèle est originaire de différentes cultures.

Dans cette hypothèse, en sociologie, P.Fustier dans un article de 2008 (56), plus spécifiquement

dans le travail social, explique qu’une première manière de « venir en aide » consiste à fournir

des objets réels ou symboliques à une personne. L’interprétation faite par cette personne de

l’objet, relève du don. Ce dernier implique automatiquement un contre don avec la notion de

dette, liant les deux acteurs de manière inégale. Une hypothèse pourrait être que si nous

transposons à la relation médecin-malade, le soin perçu par certains patients comme un don,

Page 89: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

89

leur impose d’offrir un cadeau à leur médecin. Le médecin équilibre les liens contractuels en

préférant les cadeaux périssables montrant ainsi que la dette est soldée.

5.3.3 Le secrétariat, une barrière séparant l’extérieur de l’intérieur du cabinet

Le secrétariat est un lieu particulier. Il est le lien entre les médecins et les patients hors

consultation. C’est le passage obligé par téléphone ou en personne si l’on vient en consultation.

Le meuble qui sert de bureau, représente une frontière. La position précaire de la secrétaire

entre accueil et confidentialité, entre hospitalité et intimité, n’est pas évidente à trouver. Elle

porte l’image du cabinet. Elle prolonge le lien de la relation médecin-malade avant et après la

consultation médicale. Il semble que les secrétaires ne soient pas prêtes à affronter ces

situations, sont-elles formées au-delà du rôle dans le secret professionnel ? Ont-elles une

formation pour prendre de la distance par rapport aux situations choquantes sur le plan sanitaire

ou aux situations conflictuelles avec les patients ?

L’interface que les secrétaires représentent est sollicitée avec véhémence. La relation prônée

actuellement (l’ACP) rend le patient plus actif de sa santé, il est plus exigeant et décisionnaire

dans les soins. Mais en pratique, il est aussi très exigeant dans le cadre de demandes par

téléphone nombreuses et diverses.

Enfin, un objet anodin vient rappeler les préceptes de E.T. Hall. Le parfum d’ambiance rappelle

que la sensorialité est fondamentale « dans le sentiment de l’espace. » (50)

5.3.4 Le bureau à l’image du médecin

Le bureau est une pièce qui établit et fixe le rôle du médecin selon E. Goffman (19). Les médecins

de l’étude ont relativement peu personnalisé leurs bureaux, ceci conformément à leur vision

humaniste mais non matérielle de leur travail. Derrière la façade de l’expert, les goûts

personnels ne sont pas affichés ce qui peut permettre une sorte de neutralité bienveillante non

ostentatoire. Ils présentent une double façade scientifiques et humanistes mais avec une

certaine distance. Ils n’ont d’ailleurs que peu d’appareillage symbolique de leur savoir. Il y a

Page 90: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

90

assez peu de livres et le matériel médical n’est pas mis en avant à la manière d’une paillasse

hospitalière.

Les bureaux sont peu personnalisés. Lorsqu’ils le sont, c’est à travers des objets hautement

symboliques, ainsi l’objet caractéristique du Dr Zèbre est l’affichage des dessins de son fils. Pour

le Dr Gazelle, il s’agit d’une image religieuse visible mais discrète. Pour le Dr Marmotte et le Dr

Hérisson, je n’ai pas retrouvé de symbole personnel fort. Nous pouvons penser que ce sont les

plus attachés à la notion qui consiste à séparer travail et vie privée. Il est aussi envisageable que

la location des murs soit un frein inconscient dans un investissement plus important du décor et

à la création d’attaches fortes.

Nous notons que les femmes médecins du cabinet n’ont pas séparé contrairement aux hommes

l’examen physique de la parole. Dr Marmotte souligne que cette séparation permet aussi de

mettre à l’aise les patients, lors du déshabillage et parfois offre un espace de parole différent

moins duel. Nous n’avons pas retrouvé de littérature à ce propos.

Les médecins femmes du cabinet sont les seules à évoquer la vétusté des locaux, même si elles

s’en contentent sans problème. Elles paraissent un plus investies dans leur bureau. Nous

pouvons nous poser la question du sens de l’esthétisme chez la femme médecin, est-il plus

prononcé que chez l’homme médecin ? Pour P. Bourdieu, en ce qui concerne la décoration

intérieure de la maison familiale chez la femme, c’est le cas (57). Par pression sociale, elles

peuvent aussi être selon lui plus encline à l’esthétisme du corps.

Cependant, nous ne pouvons pas attribuer ces dernières affirmations aux caractéristiques

sexuelles féminines seules. Elles présentent aussi une autre différence par rapport aux hommes

du cabinet, c’est l’âge et elles sont plus jeunes.

Nous pouvons nous interroger sur la répartition des bureaux et de l’espace comme reflet d’une

pratique collaborative. Les femmes sont vers l’entrée, les hommes au fond du couloir. Les

femmes partagent leur bureau, elles sont arrivées en dernier. Selon les médecins de l’étude, la

distribution des bureaux s’est faite sans difficultés, Dr Marmotte a laissé les femmes travailler

vers l’entrée, se disant que c’était plus confortable, et il s’est excentré. Les femmes médecins ne

voulaient pas travailler à temps plein. Elles ont partagé le bureau et choisi de travailler sur les

autres bureaux un jour par semaine. Mais, les quatre médecins travaillent le même nombre de

jours. Selon E.T. Hall (50), la manière dont nous rangeons nos objets est propre à chaque culture

mais pas seulement, cela dépend aussi de « microvariations » individuelles qui nous rendent

Page 91: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

91

unique. Nous pouvons conclure qu’il est contraignant d’utiliser des objets qui ne sont pas les

nôtres. Les bureaux partagés sont-ils l’apanage des femmes ? Les femmes sont-elles victimes

d’une auto censure culturelle pour ne pas s’imposer au travail ?

5.4 Le sens du comportement non verbal au cabinet

5.4.1 Les valeurs affichées par les médecins

Dans le cabinet, l’accueil est perçu par les patients grâce à l’environnement, l’interaction verbale

et à travers le comportement des médecins. Les médecins à travers le non verbal, permettent de

décrypter leurs valeurs, leurs représentations, leurs normes implicites et leurs codes qui

structurent leur métier de généraliste (21).

Cette interaction non verbale est propre à la personnalité de chaque médecin, ce qui lui confère

une patientèle adaptée. Ainsi, les patients sont à l’image de leur médecin. De manière un peu

caricaturale, le Dr Marmotte, médecin scientifique qui parle un peu vite, a plutôt des patients

exigeants. Socialement, ils paraissent pour la plupart, plus éduqués que le reste de la patientèle

du cabinet. Le Dr Hérisson, médecin énergique et souriant, a plutôt les revendicateurs, ou les

patients qui aiment aller à l’essentiel ou ceux qui cherchent une autorité. Le Dr Gazelle, humble

et doux, reçoit des patients qui recherchent une écoute ou un besoin de médecine alternative à

celle consensuelle ou encore des patients qui viennent chercher son expérience. Le Dr Zèbre,

bienveillante et calme, a les patients les plus discrets, ceux qui cherchent une relation de

confiance apaisée.

Une autre dimension implicite est la tenue vestimentaire des médecins qui va aussi dans le sens

des valeurs partagées, par leurs vêtements simples et relativement habillés. Nous n’avons pas

interrogé les patients à propos de la tenue des médecins. Il aurait pu être intéressant de savoir

s’ils estimaient que les médecins devaient mieux s’habiller. Existe-il un manque d’intérêt culturel

des habitants du quartier et de ses habitants pour la tenue des médecins?

Certains médecins ont des habitudes ritualisées. Dr Zèbre va boire de l’eau systématiquement en

salle de repos, Dr Gazelle prépare son café, le couvre d’une soucoupe, avant de le boire après la

consultation suivante. Par ailleurs, il existe des habitudes de conversations brèves, quand c’est

possible, entre médecins sur le seuil d’un des bureaux ou dans la salle de repos. Certains repas

Page 92: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

92

sont pris ensemble. Ce sont des échanges informels. De nombreuses attitudes sont ritualisées au

quotidien. Quel sens s’en dégage ? Symboliquement, ce sont des situations qui soudent et

mobilisent l’efficacité des acteurs. Elles contribuent à une cohérence des médecins dans leur

choix de valeur, au cabinet médical. Dans le monde de l’entreprise, une observation participante

effectuée en 2000 (58), met en lumière le système de représentations, le système de valeurs, les

codes autorisés, les gestes et paroles admis. La recherche du sens montre comment les rites

structurent l’organisation des sociétés.

5.4.2 La salle d’attente, reflet du quartier

La salle d’attente est une pièce de théâtre vivante, avec des personnes venant la plupart du

temps du quartier. La salle d’attente pourrait être un lieu que la population s’approprie. Malgré

l’organisation du cabinet, cet espace s’apparente à un lieu public, vu de l’intérieur, quand bien

même cloisonné. R. Park est sociologue, il a travaillé au début du vingtième siècle sur le

développement des villes et l’écologie urbaine. Il compare la ville à un « laboratoire social » à

observer (59). En ce sens, le cabinet médical et sa salle d’attente correspondent à l’image qu’on

se fait de se vivre ensemble brassés bon ou malgré soi dans un lieu dynamique dans le temps.

Rares ont été les patients à créer du lien social. Mon ressenti d’observateur ne s’apparente pas à

M. Augé (60) : « un espace de cohabitation anonyme et impersonnel », mais il faut reconnaitre

que mon travail d’observateur interfère dans mon regard personnel en tant que patient qui

consulte. Le jeu de rôle qui se met en place lorsqu’un patient entre en scène dans le cabinet

établit la relation de soins. Comme un décor, la salle d’attente reste le territoire du patient dans

l’ensemble, et donc en ce sens, c’est une salle qui vit avec les patients, et leurs préoccupations

quotidiennes, comme un miroir de la société du quartier.

Dans la salle d’attente, les différents milieux socio-culturels se mélangent en un lieu unique.

Mais les codes ne sont pas partagés, ils sont exposés côte à côte, sans notice explicative. Ce sont

de potentiels freins que nous retrouvons dans certaines différences d’interprétations des

diverses situations ou objets, devant amener le médecin à faire preuve d’une attention

particulière à l’égard de certains patients. Selon E .T. Hall (50), « les individus appartenant à des

cultures différentes non seulement parlent des langues différentes mais ce qui est sans doute

plus important, habitent des mondes sensoriels différents ». Il indique aussi que nous nous

Page 93: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

93

leurrons quand nous pensons que ces différences culturelles ne sont que superficielles, il signale

même des échecs de communication dans notre entêtement. Ce sont ces freins que nous

retrouvons, les différences d’interprétations des diverses situations ou objets tout le long de ce

travail, qui sont explicitées par le travail de E. Goffman et de E.T. Hall par les codes sociaux, les

cultures ou la sensorialité.

A l’inverse, nous retrouvons tout de même un point commun, les codes implicites de placement

assis, en partant toujours de la place qui laisse le plus de distance entre les personnes. Pourtant

la proximité physique est inévitable, entrainant une interaction non focalisée en salle d’attente.

Selon N. Elias (61), partant du concept Goffmanien de l’inattention civile, la vue est considérée

comme moins dangereuse par l’ordre social que le toucher. Cela se vérifie dans le comportement

des individus en public. Il développe même l’idée que la démocratie pourrait avoir rendu

insensible à l’autre, sans égards, au nom du refus de la distinction de l’autre. Une relation entre

patients est effectuée comme un regard sous un public de circonstance.

Nous retrouvons en salle d’attente à travers le comportement non verbal, l’anxiété que l’on

devinait à travers l’échec de l’affichage. L’attente vécue comme une souffrance par le patient,

parce qu’il est dans la salle d’attente d’un médecin. L’attente dans d’autres situations ne

débouche pas sur le même ressenti. Y a-t-il bien une anxiété spécifique générée par l’attente de

la consultation médicale ? La prenons-nous en charge ?

Page 94: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

94

5.5 Synthèse des pistes de réflexion

5.5.1 Axe 1 : Reconnaitre les valeurs fondatrices qui donnent du sens à la relation et à l’espace médical

- La réflexion anticipée d’une vision commune sur le sens que les médecins souhaitent donner à

la relation médecin-malade au cabinet médical, semble être un socle fondamental dans la

pratique professionnelle. Elle trouve son sens dans l’interaction avec le patient dans sa globalité

et dans la réussite d’une collaboration entre les professionnels de santé. De façon commune, les

médecins emploient l’empathie, le développement de l’hospitalité dans l’accueil du cabinet

médical peut avoir un impact dans la relation médecin-malade. Dès le choix du lieu de travail,

l’environnement reflète le sens que l’on souhaite donner à la relation médecin-malade.

L’approche dramaturgique telle que celle de E. Goffman dans le courant interactionniste, trouve

sa place.

- Pour la plupart des médecins, les valeurs, qu’elles soient convergentes ou divergentes avec le

patient, permettent aux différents acteurs de se trouver. La patientèle reste à l’image de chaque

médecin. La notion d’identité professionnelle est possible et souhaitable en exercice de groupe

pour l’épanouissement du soignant. Certaines valeurs sont à mettre en cohésion, d’autres sont à

cultiver chacun de son côté.

- La secrétaire, personnage-clé du cabinet, protège les valeurs d’accueil et d’hospitalité

défendues par le cabinet. Le système de représentations des patients et des secrétaires n’est pas

le même que celui des médecins. Le message souhaitant être véhiculé par les médecins est

pluriel et complexe. Il n’a pas le même sens pour chaque acteur. Les patients apprécient de se

sentir protégés lorsqu’ils se rendent dans un cabinet médical. Il s’agit d’une forme de

considération qu’ils réclament de leur médecin en plus de la qualité de son expertise médicale.

Le soin débute à l’entrée du cabinet. La secrétaire participe à la mise en place d’une relation

médecin-malade de qualité sans en être directement consciente.

Page 95: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

95

5.5.2 Axe 2 : Observer les objets et leurs sens dans l’espace médical

- La vision globale du cabinet transparait dans les détails des objets de la salle d’attente ou de

leurs bureaux. Il existe des difficultés de perception de sens d’un même objet par différents

acteurs. Les patients se sentent mieux considérés lorsque la salle d’attente est plus sophistiquée

ou confortable. La salle d’attente est un sas actuellement standardisé, simplifié et aseptisé. Son

important cloisonnement est plutôt mal vu par les patients car à leurs sens la confidentialité

n’est pas une priorité. Un accueil personnalisé dans le cabinet étudié, participe beaucoup à la

considération et à la réassurance que ressentent les patients.

- La vision opportuniste des médecins envisageant la salle d’attente comme un espace à

exploiter pour promouvoir la santé, est à confronter à l’anxiété ressentie par les patients dans

cette pièce. Ces derniers n’ont pas les mêmes attentes, et souhaitent de la distraction ou de la

détente. La salle d’attente est-elle toujours la bonne pièce pour faire de la prévention ou de

l’éducation ?

- Les cadeaux reçus par les médecins, de plusieurs types, ont une signification symbolique. Elle

diffère entre les deux acteurs. Pour les patients, le cadeau permet de solder la dette du soin.

Pour le médecin, l’objet concret rend mal à l’aise et l’objet éphémère, comme la nourriture, est

accepté avec engouement. Les cadeaux concrets sont des objets qui trouvent difficilement leur

place au cabinet et pourtant qui restent dans la sphère professionnelle.

- La salle de repos est une coulisse de la pièce de théâtre qui se joue entre un médecin et ses

patients. Elle n’est ni un lieu professionnel ni un lieu privé

- La position précaire de la secrétaire entre accueil et confidentialité, entre hospitalité et

intimité, n’est pas évidente à trouver. L’interface qu’elle représente est sollicitée avec

véhémence par les patients. Leur rôle dans la qualité de la relation médecin-malade n’est pas

négligeable.

- Les bureaux sont peu personnalisés. Lorsqu’ils le sont, c’est à travers des objets hautement

symboliques. La location des murs est-elle un frein inconscient dans un investissement plus

important du décor ?

Page 96: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

96

- Le sens de l’esthétisme chez la femme médecin, est-il plus prononcé que chez l’homme

médecin ? L’âge est-il un facteur qui intervient dans la vision d’un décor professionnel ? Le

partage du bureau médical est-il l’apanage des femmes ou des jeunes médecins ?

5.5.3 Axe 3 : Comprendre lorsque le corps parle

- Dans le cabinet, l’accueil centré sur le patient, est perçu grâce à l’interaction verbale, au

comportement et à l’environnement. On décrypte à travers l’interaction non verbale des

médecins, leurs valeurs, leurs représentations, leurs normes implicites et leurs codes qui

structurent leur métier de généraliste. Cette interaction non verbale est propre à la personnalité

de chaque médecin, ce qui lui confère une patientèle adaptée à son image et à sa façade

symbolique. Une autre dimension implicite est la tenue vestimentaire des médecins, qui n’a pas

de sens quand elle n’est pas investie par les acteurs du quartier.

- Dans un cabinet médical, il existe des échanges informels entre médecins. De nombreuses

attitudes sont ritualisées au quotidien. Elles contribuent à une cohérence des médecins dans leur

choix de valeur. La recherche du sens permet de comprendre comment les rites structurent

l’organisation des sociétés.

- La salle d’attente du médecin généraliste est une pièce de théâtre vivante, reflétant la vie du

quartier. En ce sens, elle reste le territoire des patients et s’y observe certaines de leurs

préoccupations, comme un miroir de cette micro société.

- Dans la salle d’attente, les différents milieux socio-culturels se mélangent en un lieu unique.

Mais les codes ne sont pas tous partagés. Ce sont de potentiels freins que nous retrouvons dans

certaines différences d’interprétations des diverses situations ou objets, devant amener le

médecin à faire preuve d’une attention particulière à l’égard de certains patients. A l’inverse, les

codes implicites de placement assis sont communs. La vue est considérée comme moins

dangereuse par l’ordre social que le toucher.

- L’attente est vécue comme une souffrance par le patient, anxieux parce qu’il est dans la salle

d’attente d’un médecin, comme en sursis. La prenons-nous en charge ?

Page 97: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

97

6 CONCLUSIONS

L’ethnographie est une méthode qualitative utilisée principalement en sciences sociales. L’étude

par cette méthode, d’un cabinet médical de quatre médecins généralistes en milieu urbain, a

permis une meilleure compréhension de la relation médecin-malade. Ce travail original par son

approche anthropologique, a soulevé de nombreuses pistes de réflexions permettant

l’amélioration de la relation médecin-malade. Cette dernière, pierre angulaire de l’exercice d’un

médecin généraliste participe à l’optimisation de la qualité des soins.

Actuellement, le type de relation médecin-malade évolue avec les changements de société

auxquels nous assistons. La littérature internationale publie régulièrement de nouveaux modèles

à mettre en place dans l’intérêt de chacun, partant des exigences et contraintes des deux

intervenants de la relation. Dans l’idée de l’interactionnisme symbolique et d’E. Goffman, l’étude

a pris en compte dans sa globalité l’interaction verbale et non verbale avec ses différents acteurs

et dans son environnement. Le travail se consacre à décrire l’organisation des espaces et leurs

usages afin d’en dévoiler le sens, l’ensemble des signes qui se logent dans les détails des gestes

et du décor. Voici les principales pistes dégagées.

La première piste de réflexion, pour une meilleure compréhension de la relation médecin-

malade, est celle de valeur partagée fondatrice. L’accueil et l’hospitalité dans ce travail-ci, sont

retenus dans la mise en place de la relation médecin-malade ou même dans l’environnement du

cabinet à travers notamment le secrétariat. La question de valeurs partagées, qui pourrait être la

condition d’une réussite d’une association, propose une réflexion antérieure à l’installation, sur

le sens que l’on souhaite donner à la relation médecin-malade au quotidien.

La deuxième piste qui complète la première, est celle d’identité professionnelle, malgré le

caractère uniciste d’un cabinet de groupe, chaque médecin s’épanouit de son côté, et met en

place une relation unique pour chaque interaction avec ses propres spécificités. Chaque patient

entretient une relation personnelle avec son médecin, qui lui correspond. Pour la troisième piste,

certaines limites de la relation médecin-malade tiennent aux différences de codes culturels,

spécifiques à chacun. La salle d’attente en théâtre vivant, reflète le quartier dans sa diversité,

mais le médecin l’investit comme une espace neutre standardisé. Chaque acteur de la relation

interprète ainsi différemment une même situation. Une quatrième piste pourrait être celle de

Page 98: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

98

l’anxiété générée par l’attente d’une consultation médicale, l’amélioration de sa gestion par le

médecin est à envisager, pour exploiter l’espace de la salle d’attente de façon pertinente. Une

cinquième piste concerne la notion de don et de contre don. Dans la relation médecin-malade,

les cadeaux de patients sont à appréhender en respectant les codes de chacun des acteurs.

Pour finir, dans l’optique de l’amélioration des pratiques professionnelles, nous pouvons

encourager des travaux de type ethnographie en médecine ambulatoire, afin de diversifier nos

études et de dégager des idées nouvelles. Dans le cadre de ce travail, il serait enrichissant

d’explorer les pistes notifiées par des travaux spécifiquement sur ces axes.

Page 99: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

99

Page 100: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

100

Page 101: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

101

7 ANNEXES

7.1 Annexe 1 : Courrier destiné aux médecins de l’étude

Madame, monsieur,

Tout d’abord, je voulais vous remercier de l’intérêt que vous portez à mon projet. Voici de manière

un peu plus précise l’étude sur laquelle nous travaillons:

On s’intéresse à la relation médecin-malade avec une analyse issue d’un des grands courants

sociologiques : l’interactionnisme symbolique.

A travers une ethnographie du cabinet qui consiste en une observation discrète de la salle d’attente,

du secrétariat, de la salle de repos, des bureaux de consultation, et en des entretiens brefs de

quelques patients et un peu plus longs des médecins, il s’agit d’analyser les différentes interactions

qui existent entre un malade et son médecin et/ou les différentes interactions qui ont lieu avent la

consultation mais dans le cabinet, comment elles interfèrent dans la relation médecin-malade à

venir.

Je devrai être présentée comme une externe en médecine du cabinet lors de mes phases

d’observation avec chacun de vous. Au décours de certaines consultations, je pourrai être amené à

m’absenter pour débriefer un patient rapidement s’il y consent. On gardera l’anonymat de chacun. Il

y aura un consentement écrit et un engagement à détruire la bande audio des entretiens. Les

consultations ne seront pas enregistrées car les données médicales pures ne nous intéresseront pas.

Une relecture de l’analyse sera probablement proposée et les modifications seront notifiées.

Le cabinet correspond sur de nombreux critères aux besoins de l’étude (nombre de médecins,

patientèle, type d’exercice, cartographie du cabinet, présence d’étudiants…). On prévoit également

d’obtenir l’accord de la secrétaire, de plus peut-être sera-t-on amenée à lui proposer un entretien.

Le recueil des données se ferait sur 5 à 6 jours rapprochés, dont une journée qui se fera avec chacun

des 4 médecins, avec en fin de journée, entretien de 30-40 minutes maximum.

Je suis très enthousiaste pour la réalisation de ce projet et vous remercie par avance du temps que

vous prendrez. Si vous avez des questions ou des craintes, n’hésitez pas à m’en faire part, pour ce

faire je vous laisse mes coordonnées ci-dessous.

Je vous prie de croire en l’expression de mes salutations distinguées,

Léa ASTYL, étudiante thésarde.

[email protected]

Tel : 06 18 46 78 73

Page 102: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

102

7.2 Annexe 2 : Entretien du Dr Marmotte, le 10/06/2014

Dr Marmotte s’assoit à son bureau, côté patient. Je m’assois du même côté sur la deuxième chaise.

Je pose l’enregistreur noir sur la table. L’entretien commence.

-On va reprendre votre parcours, si je peux juste avoir votre contexte familial pour quand même un

peu planter le décor?

-Tout à fait. (Grande inspiration) Bon, j’ai 57 ans. Je suis… installé ici depuis bientôt 30 ans, par choix,

c’est un quartier que j’ai choisi. Euh… J’avais fait des remplacements aux Minguettes, dans les années

80, au moment où ça allait très mal aux Minguettes, et j’avais beaucoup aimé la dimension à la fois

médicale, sociale et pluriculturelle. (Sourire) Et à l’époque, quand je me suis installé, c’était difficile

de créer son activité. J’ai trouvé un médecin, qui avait mis une annonce dans un cabinet, il se trouve

que ce médecin était un médecin juif, qui… avait créé son activité 5 ans auparavant et qui allait pour

des raisons religieuses à Jérusalem. On a tout de suite accroché, sur la conception du métier, sur la

façon de pratiquer la médecine générale (grande inspiration), on a conclu l’affaire et donc je me suis

installé le 1er juillet ici. (Silence). Alors la médecine générale, je l’ai choisi par choix, même si j’étais

plutôt programmé pour être un spécialiste, hein, du fait de mon milieu familial, qui était plutôt un

milieu d’intellectuel et puisque tous mes patrons me disaient, qu’ils pensaient tous que je ferais une

carrière universitaire (grande inspiration). J’ai tourné le dos à tout ça parce que, ce qui m’intéressait,

c’était de m’occuper des personnes, plus que des maladies et puis leur dimension globale, sur cette

dimension que j’évoquais tout à l’heure, donc je trouve, euh... que cette possibilité de m’installer est

venue au bon moment donc je me suis installé, le 1er juillet 1984, et j’avais juste 27 ans, voilà.

(Grande inspiration) (Sourire).

-Vous avez jamais travaillé avec ce fameux médecin ? Vous vous êtes suivis ?

-Non, non, je l’ai… remplacé deux, trois fois, j’suis allé voir plusieurs fois ses consultations, pour voir

comment il fonctionnait, c’était euh… Même approche globale de la personne, voilà.

-Vous le présentez comme un médecin juif, c’est important pour vous ? C’était quelque chose en

rapport avec le quartier ? Avec vous ?

Oui, non, euh, plusieurs significations, c’est-à-dire qu’il ne partait pas parce que ça ne marchait pas, il

partait pour des raisons religieuses, et que moi j’essayais aussi de vivre ma foi personnelle à

travers…dans mon métier, ça me semblait cohérent de… Voilà, il y avait une dimension, je veux dire,

Page 103: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

103

(grande inspiration) spirituelle dans l’engagement en tant que médecin généraliste, qui était chez

mon prédécesseur, qui était le mien.

-Pour en revenir un petit peu au début, je ne sais pas si vous allez vouloir l’aborder, quelle est votre

situation familiale? Avez-vous choisi d’avoir quelque chose d’autre que la médecine en parallèle?

-Euh, euh…

-L’idée c’est de savoir si vous êtes marié, si vous avez des enfants, etc… Ou, est-ce que la médecine

prend une part tellement importante dans votre vie, que finalement vous investissez peu les autres

domaines?

-La médecine, c’est quelque chose qui me passionne, d’accord, mais pour être bon médecin, il faut

être bien dans sa peau. Et pour être bien dans sa peau, il faut euh… Je vais dire, avoir autre chose en

dehors de la médecine. Parce que la médecine est un métier où on est…confronté, en tout cas la

médecine générale, en permanence à la souffrance, à toutes formes de souffrance, qui plus est, dans

un quartier comme celui-ci, donc il faut qu’on ait des lieux de ressourcement. Si je n’ai pas mes lieux

personnels de ressourcement où je…où je retrouve un équilibre et cet équilibre, bon, c’est ma vie

familiale. J’ai 4 filles (silence), hein, dont une finit… ses études de médecine, puisqu’elle est interne

en pédiatrie c’est-à-dire que j’ai réussi à ne pas la dégouter de la médecine (grande inspiration) en

tout cas, je ne l’ai pas forcée à faire médecine, c’est elle qui a deviné un jour, donc je me dis que

globalement l’investissement que j’ai eu dans mon métier n’a pas été négatif pour mes enfants, c’est

ma vision que j’ai. Même si à côté de l’investissement comme professionnel, j’ai eu un gros

investissement dans le syndicalisme (silence) puisque… rapidement après mon installation, je suis

entré au syndicat départemental, un an après, j’étais secrétaire général, un an après président du

syndicat départemental. Cinq ans après, j’étais président du syndicat régional et après je suis monté

au bureau national et j’ai été pendant 8 ans, membre du bureau national en tant que secrétaire

général pendant 4 ans et vice-président pendant 4 ans (grande inspiration). Et donc, ça me prenait

beaucoup de temps par rapport à mon activité. J’étais 2 jours complets par semaine absent (grande

inspiration). Mais, ça m’a permis aussi de voir toutes les dimensions de la médecine dans la société et

en particulier, si j’ai choisi un syndicat où on se battait pour l’égalité d’accès aux soins pour tous les

français. Cette dimension que je perçois dans mon activité quotidienne, puisqu’on voit bien, l’accès

aux soins compliqué, dans une métropole comme Lyon, où la très grande majorité des autres

médecins spécialistes sont en secteur 2. Donc, la seule possibilité que j’ai, c’est soit de travailler avec

des institutions hospitalières publiques ou mutualistes, pour avoir des correspondants secteur 1. Je

touche du doigt tous les jours, que ce n’est pas aussi simple que peuvent le dire certains, de trouver

un spécialiste, dans une grande ville comme Lyon, qui pratique les honoraires secteur 1.

Page 104: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

104

-Ce dernier sujet, c’est quelque chose d’important pour vous ?

-Oui, c’est une dimension humaine. Parce que (silence), j’aurais pu me satisfaire intellectuellement

de faire une spécialité, par mon cursus une famille d’intellectuels, grands-parents enseignants, père :

haut fonctionnaire, frère : haut fonctionnaire. Cette dimension de la médecine pointue, pour lequel

j’étais programmé dans ma famille, (inspiration buccale) et moi, j’ai refusé ça, parce que ce qui

m’intéresse c’est la personne justement globale, et puis, que toutes ces personnes soient… aient les

mêmes droits dans la société par rapport aux soins, parce que l’inégalité sociale produit de l’inégalité

de santé mais l’inégalité de santé produit de l’inégalité sociale. C’est-à-dire qu’un enfant qui n’est pas

bien soigné, il pourra moins avoir de lunettes, moins soigner ses problèmes d’otites à répétition, il

aura des problèmes éventuellement d’audition, donc tout ça peut contribuer à un retard scolaire qui

va aggraver le retard social, l’inégalité sociale. Pour moi, il y a une cohérence du point de vue humain,

et donc c’est là où ça touche mon problème de foi personnelle, hein, de travailler pour que toutes les

personnes soient au même niveau dans la société pour l’accès aux soins. Voilà. Donc, c’était à la fois,

le choix de l’installation dans ce quartier et mon engagement personnel dans le syndicalisme, le

syndicalisme social.

-Comment vous percevez-vous comme médecin, on va dire dans la pratique de tous les jours ?

(Le téléphone sonne 3 fois, il ne décroche pas)

C’est difficile de savoir (silence) qui l’on est parce que j’allais dire: on n’a aucun recul. Souvent, je me

dis qu’il faudrait que je me filme en consultation pour voir un peu comment je fonctionne. Je l’ai fait

plusieurs fois (silence), des jeux de rôles ou quand j’ai animé des bilans de compétences pour

l’association de formation continue où je me suis aussi investi, hein, je trouve que c’est extrêmement

intéressant de voir comment on fonctionne. J’essaye, moi, hein, d’être quand même un médecin qui

soit à l’écoute (silence), j’essaye aussi de prendre toutes les dimensions, hein, c’est-à-dire que la

personne vient pour un problème, et j’ai toujours d’autres questions, c’est : « Et à part ça, comment

ça va ? ». Voir un peu tout le reste, parce que je pense que quand une personne vient, elle n’est pas

malade par hasard, elle est malade parce qu’il y a un déséquilibre global dans son équilibre hein, ça

peut être une tension au travail, ça peut être une insomnie, ça peut être une tension familiale, ça

peut être un souci pour un enfant, des soucis financiers, quelque part, on comprend mieux la

personne quand on situe la maladie dans l’histoire de la personne, l’histoire à la fois diachronique et

synchronique. Hein. Voilà. Cette dimension m’intéresse maintenant. C’est ce que j’essaye de faire

maintenant, est-ce que je réussis ou pas ? (moue dubitative). Autre dimension qui m’intéresse, c’est

une dimension systémique. C’est pour ça, je trouve que la médecine générale, où on soigne plusieurs

générations, j’étais très tenté par la pédiatrie à un moment donné, mais quand on soigne les enfants,

Page 105: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

105

on ne soigne pas les parents, moi je soigne à la fois les enfants, les parents, les grands-parents et

même les arrières grands-parents, ce qui est une vision du fonctionnement familial et de tout ce qui

tourne autour des représentations, parce qu’on ne soigne pas des personnes sans essayer de

percevoir leurs représentations de la maladie, du soin, de tel hôpital… Quand je sais qu’une grand-

mère est morte à Grange-Blanche, à Edouard Herriot, parce que je sais que cet hôpital égal mort

pour eux, c’est des choses comme ça, qui sont extrêmement importantes pour moi d’aller chercher.

Voilà. J’essaye de faire une médecine que je veux dire globale, prendre la personne dans sa globalité.

Sa globalité personnelle mais inscrite dans un système, qui est son système de vie familiale, son

système de travail, hein, toutes les dimensions professionnelles, personnelles. Son système où elle

vit, c’est l’environnement c’est le quartier où on est ici, bien que j’ai un certain nombre de patients

qui viennent d’ailleurs que de ce quartier.

-Aviez-vous parfois l’impression d’être amené à utiliser plusieurs facettes de votre personnalité de

médecin pour arriver au soin ?

- Je crois que le soin c’est avant tout une relation. C’est-à-dire que c’est une personne, le patient qui

va questionner un médecin. C’est un sujet qui questionne un autre sujet. Donc, on est dans une

relation interpersonnelle. Le médecin que je suis à travers la demande que fait le patient, va utiliser

euh la science. A la fois, dans la technique d’interrogatoire, dans la technique de l’examen clinique,

quand je dis technique, c’est le côté rigoureux, en utilisant des examens paracliniques, en prescrivant

des thérapeutiques mais ça, ça n’a de sens que si le patient adhère à ce que le médecin va proposer,

et donc c’est quelqu’un qui me pose une question, et moi, je dois lui répondre de telle sorte qu’il me

comprenne. Si je plaque ma connaissance sur un patient, ça ne marchera pas. Et comme je dis

toujours aux internes quand ils arrivent, si quelqu’un me parle en zoulou, faut que je réponde en

zoulou, si je réponds anglais, il ne va pas comprendre. Parce qu’au fond, je suis persuadé que moi, je

ne soigne personne. La seule chose que je peux faire c’est aider les gens à se soigner. Quel que soit la

finalité du soin. Que ce soit la guérison, la stabilisation, ou la mort, c’est la même démarche. Mon

objectif, c’est de faire en sorte que le patient soit le sujet du soin. (Silence) Et donc, pour qu’il soit le

sujet du soin, il faut qu’il comprenne ce qu’il se passe, il faut qu’il comprenne ce qu’est sa maladie et

qu’il adhère à ce que je propose. Souvent, en fin de consultation, je dis aux gens, est ce que ça vous

convient ? lls me répondent : « C’est vous le docteur ». Moi, je réponds : « C’est vous le patient ».

(grande inspiration) Voilà. (Rire). Moi, je sais ce que j’ai envie de leur proposer mais si je sens qu’il y a

une réticence, les gens ça ne marchera pas. C’est symbolique. Je prends l’exemple du sirop

antitussif : quand vous donnez un antitussif, si c’est pas le sirop, ça ne marchera pas. Si je donne un

comprimé du même médicament, ça marchera beaucoup moins, sauf si je dis : « écoutez, je vous

donne du sirop en comprimé parce que comme vous êtes diabétique, le comprimé il n’est pas

Page 106: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

106

sucré ». Là, ça peut passer. Voilà. Tous les gens ont des représentations un petit peu. Donc, ces

représentations peuvent gêner l’acceptation de ce que je dis, donc il faut que je travaille dessus pour

que le patient adhère au projet thérapeutique, ce qu’on appelle l’alliance thérapeutique. Mais, je vais

beaucoup plus loin que l’alliance thérapeutique. En fait, c’est à moi de proposer quelque chose, pour

que le patient s’en empare. Pour que j’accompagne… On est plus dans l’alliance, on est dans la

guidance thérapeutique. Peut-être aller plus loin que l’alliance thérapeutique. C’est ce que j’essaye

de faire. Maintenant, est-ce que je réussis ? C’est autre chose. (Sourire)

-Cela fait plusieurs années que vous êtes dans le quartier dans le même local, c’est ça ?

-J’ai agrandi, et quand les filles sont arrivées, pour qu’elles soient plus près de la porte et du

secrétariat, je me suis mis tout au fond. (Ton humoristique)

-Comment gérez-vous votre association ? La pratique des autres, c’est quelque chose qui vous

importe ?

-C’est extrêmement important. Je voulais toujours travailler en groupe. Le problème c’est que j’avais

trop vu de cabinets de groupe qui ne fonctionnaient pas. Je préférais créer mon cabinet de groupe. Je

me suis installé tout seul. Quand l’activité s’est suffisamment développée, par rapport à ma norme à

moi, j’ai cherché un premier associé que j’avais connu dans un réseau ecclésial, donc je savais qu’il

partageait les mêmes valeurs. Comme 10 ans après, je cherchais un autre associé pour développer le

cabinet, j’ai pensé à une jeune femme médecin qui finissait ses études, qui était aussi dans un groupe

que j’accompagnais de réflexion spirituelle. Je lui ai proposé de venir comme je savais qu’elle

partageait les mêmes valeurs, et puis elle ne voulait pas venir travailler toute seule parce qu’elle ne

voulait pas trop travailler. Elle est venue avec une de ses amies, avec une de mes anciennes internes

mais qui était venue chez moi, sur les conseils de la première, donc c’était des gens que j’avais formé.

Donc, on partait sur une vision assez proche de la maladie, assez proche du rôle du médecin, assez

proche du rapport au malade, pour qu’on puisse être interchangeables. C’est-à-dire, on fait de la

médecine avec qui on est. Chaque médecin est différent. Quand mes associés voient mes patients, ils

font avec qui ils sont. Heureusement, ce ne sont pas des clones de qui je suis. Hein. Mais, il y a quand

même une cohérence globale dans la vision qu’ils ont. Pour moi, cette association elle était

intéressante à deux points de vue, dans la continuité qu’on offrait au soin aux patientes et dans le …

notre pouvoir échanger. C’est vrai qu’on prend un temps d’échange tous les jours, sur les patients, on

essaye de manger au moins une à deux fois par mois, tous ensemble. On fait le tour du cabinet et

puis on a des relations, je veux dire… duelles en fonction des besoins. Mais quand mes associés sont

arrivés, je faisais toujours extrêmement attention quand ils partaient. J’arrêtais mes consultations.

J’allais les saluer, pour vérifier que tout s’était bien passé. Qu’il n’y avait pas de difficultés, pas de

Page 107: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

107

tension. Je voulais vraiment que l’intégration se passe bien, d’abord pour Dr Léopard au début puis

après pour Dr Hérisson et Dr Zèbre, et se fasse dans de meilleures conditions. Etant le plus vieux,

j’étais la référence et je faisais attention à limiter les tensions. Il n’y a jamais eu de difficultés. Je ne

dis pas qu’il n’y a pas un peu de tensions sur quoique ce soit. Il y a eu des moments parfois tendus,

en fonction des itinéraires de vie, des uns et des autres mais bon, je crois que c’est une association

qui pour moi fonctionne bien. Dans tout ce que j’imaginais au départ. A la fois au service du patient

et une dynamique de groupe. Parce que je pense qu’on ne travaille bien qu’en équipe.

-De manière plus légère, ces murs sont loués, que pouvez-vous m’en dire?

-On est en location, on est en location parce qu’en HLM (note du chercheur : Hébergement à Loyer

Modéré), on ne peut que louer. Et puis, euh…moi je n’ai jamais cherché à faire de l’argent sur un

investissement immobilier. J’ai un rapport à l’argent qui n’est pas celui de capitaliser ou quoique ce

soit. Je voulais que mes enfants aient de quoi faire leurs études. Maintenant, elles ont quasiment

toutes fini. J’en ai une dernière qui est en faculté. Donc voilà. J’aurais ce qu’il faut pour ma retraite. Je

ne cherche pas beaucoup d’argent. La location ne m’a jamais posé de problèmes. Le fait d’exercer

dans le même lieu que là où habitent les patients, quand on travaille dans le social, c’est important.

On est le seul cabinet en logement social dans le quartier.

-C’est assez atypique d’être dans un logement HLM (note du chercheur : Hébergement à Loyer

Modéré)?

On exerce dans le même lieu que les gens habitent. Quand on va construire peut-être une maison de

santé pluridisciplinaire, ce sera l’office HLM, et on sera encore en location dans le quartier. (Note de

l’auteur : encore à l’état de projet)

-Dans le cadre de cette location, qui s’occupe de la décoration ?

-On essaye d’y mettre un peu de notre touche à nous. Il y a beaucoup de désordre, parce qu’il y a

beaucoup de choses dans ma tête On essaye euh quand même de mettre notre touche à nous. Il

faut qu’il y ait à la fois de la rigueur ; tout ce qu’il faut au niveau matériel, mais qu’il y ait aussi un

certain accueil de qualité. Ce n’est pas un lieu aseptisé comme à l’hôpital.

-Comme c’est un appartement bureau loué, il n’y a donc pas un côté « hôpital »? (note du chercheur:

moi-même, j’amalgame appartement et cabinet)

-On ne veut absolument pas. Absolument pas. On essaye de donner une dimension personnelle.

Apres euh… C’est aussi la façon dont on occupe les lieux. Il n’y a pas simplement l’environnement,

c’est comment on vit dans les lieux. La façon dont on est, humainement parlant. J’ai vu une patiente

Page 108: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

108

ce matin qui me dit : « j’ai vu ma sœur hier, elle me disait que son médecin était glacial et hautain

mais qu’elle aimait ça ». Tant mieux, il faut des médecins pour tout le monde. Nous ce n’est pas

comme ça qu’on essaye de fonctionner, dans le respect de la personne. On est dans le face à face et

non dans le je-sais-tout, donc je vais vous dire ce qu’il faut faire. De mettre de l’humanité dedans,

parce qu’on fait… La médecine c’est un rapport de sujet à sujet : un qui questionne et un qui répond.

Il faut que cette dimension humanitaire, elle paraisse aussi ailleurs.

-Vous avez votre bureau attitré, Dr Léopard aussi, mais Dr Hérisson et Dr Zèbre changent de bureau

parfois. Est-ce que chacun a apporté une touche à son bureau ou restez-vous neutres?

-Chacun a apporté sa touche un peu au bureau, je veux dire, voilà.

-Avez-vous l’impression que votre bureau vous ressemble ?

-Je ne sais pas s’il me ressemble, mais je m’y sens bien. (Rire) Sachant que je pourrais travailler un

peu n’ importe où. Le mieux… c’est… je me sens chez moi quand j’arrive ici. Je n’ai pas le sentiment

d’arriver au travail, dans un bureau aseptisé. (Sourire).

-Très bien. Avez-vous déjà eu des remarques sur la localisation du cabinet, de la part des patients?

Est-ce que c’est quelque chose qui parait les importer ?

-Je n’ai pas eu de remarques sur le lieu où je travaillais. Euh… j’en ai pas à la tête qui viennent. J’ai

des gens qui viennent de l’extérieur. J’ai même un professeur de faculté qui venait en salle d’attente,

à côté de tout le monde. Ça n’a jamais posé de problème. Un jour, j’avais deux patients en salle

d’attente, un qui était une patiente du cabinet, du quartier et un qui était policier. On discute un peu

avec la patiente : « mon mari s’est fait prendre par la police etc… » Je discute un peu avec . Et puis, la

personne d’après, le policier : « On a fait une super opération hier. On a arrêté des gens ». Donc en

salle d’attente, s’étaient côtoyés le monsieur qui avait arrêté le mari de la dame qui était à côté

d’elle. Ils ne l’ont pas su. Je crois que c’est ça la médecine aussi. C’est ça qui est extraordinaire dans la

médecine. Le jour où il y avait ce professeur avec un nœud papillon… avec des gens qui avait

l’équivalent de la CMU (note du chercheur : Couverture Médicale Universelle) à l’époque. C’est ça qui

est extraordinaire dans la médecine. C’est que vous avez deux genres de type de personnes qui

viennent de milieux complétement différents, des histoires complètement différentes, elles sont côte

à côte en salle d’attente. Elles ne le savent pas, sauf peut-être l’habillement. Mais, quand elles sont

face à moi, c’est pareil, il n’y en a pas une qui a plus de valeur que d’autres. Voilà. J’essaye de tout

donner. Ce que je peux donner. Pour les rendre acteurs de leurs soins. De faire en sorte, que la

demande qui est formulé au départ, trouve une réponse adéquate.

Page 109: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

109

- J’ai remarqué qu’on sonne et qu’on vient nous ouvrir à la porte, au cabinet, pour quelles raisons ?

-Deux raisons. La première, c’est que j’avais lu (silence), que les agressions se faisaient toujours

quand il y avait marqué : « sonnez et entrez », parce qu’on ne régulait pas. Donc, je suis toujours allé

ouvrir pour faire de la régulation quand je n’avais pas de secrétaire, une fois que la personne est en

salle d’attente, c’est beaucoup plus difficile de lui dire que ce n’est pas possible de le prendre que

quand elle est sur le pas de la porte. La deuxième chose, je pense que l’accueil par la secrétaire fait

partie de l’accueil complet au cabinet. C’est un élément essentiel. Comment les gens sont accueillis

quand ils arrivent ici. Ils sont reconnus. C’est le début du soin. (Ça sonne justement). Il passe par la

qualité de l’accueil qu’on a.

-Parlez-moi de la porte de la salle d’attente, elle est souvent fermée…

La porte de la salle d’attente est souvent fermée. C’est pour laisser un peu d’autonomie aux

médecins. On a le droit de faire une pause sans que les gens disent : « il est parti ».Deuxièmement, il

y a une forme de confidentialité. Il m’arrive d’avoir plusieurs membres de la même famille qui

viennent la même journée. Ils n’ont pas besoin de savoir si l’autre est là. Donc sauf s’ils se croisent

dans la salle d’attente, c’est pour éviter de savoir qui était là. J’avais une personne qui me disait, c’est

marrant, certains jours vous me dites : « Au revoir Madame untel » et d’autres fois, vous me dites :

« Au revoir Madame ». « Oh, je ne fais pas attention… » je dis. En fait, je ne mettais pas son nom,

quand quelqu’un de sa famille, était en salle d’attente. Inconsciemment, je l’ai réalisé à ce moment-là

que je ne mettais pas son nom quand il y a avait quelqu’un. C’est aussi préserver le secret médical.

Ne pas savoir qui est en salle d’attente. Actuellement, la porte est ouverte, il fait très chaud, avec la

canicule. C’est aussi à cause de ça. On est obligé d’aérer à cause de la chaleur mais sinon je demande

aux secrétaires de fermer.

-Je vous remercie.

Page 110: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

110

7.3 Annexe 3 : Entretien du Dr Zèbre, le 23/06/2014.

On s’installe chacune de part et d’autre du bureau. Moi côté patient, elle côté médecin.

-Quel est votre parcours de médecin généraliste ?

-C’est vrai que ce n’était pas ma première idée quand j’ai commencé médecine. Je voulais faire de la

chirurgie, ce qui était un peu à l’opposé. Dès que je suis allée au bloc, j’ai bien senti que ce n’était pas

pour moi. (Rire) Et puis, euh… au fil des stages, en discutant avec des amis. J’ai senti que c’était…

J’aimais bien l’idée d’avoir une activité variée, de ne pas faire tout le temps la même spécialité, de

revoir les gens sur la durée. C’était vraiment les deux arguments qui me tenaient à cœur. Et puis,

heu... je voulais m’installer assez vite. J’ai hésité un petit peu, entre la campagne et la ville. J’avais un

peu peur de la campagne avec les gardes et tout ça… et de trop travailler à la campagne. Et du coup,

j’ai choisi de m’installer sur Lyon. Comme je connaissais bien Dr Marmotte qui cherchait une

associée, voilà, je me suis installée 8 jours après ma thèse. Très rapide.

-En parallèle, avez-vous des enfants ? Quel est votre cadre familial ?

-J’ai 39 ans, je me suis installée en 2003, à 28 ans. J’ai 4 enfants. Quand je me suis installée, j’en avais

un et j’en ai eu trois après au cabinet.

-Au niveau de votre intégration au cabinet, votre arrivée ayant eu lieu après Dr Marmotte et Dr

Léopard, quelle a été l’organisation ? Avez-vous été à cheval sur deux bureaux ?

Alors, en fait, on est arrivées tout de suite à deux avec le Dr Hérisson. On a partagé tout de suite

notre bureau toutes les deux. Par contre, depuis le départ, il y a un jour où on travaille dans les

bureaux d’un des associés.

-C’est quelque chose qui vous pèse au quotidien ?

On en prend son partie. C’est vrai que les patients nous disent : « Ah, vous avez changé de

bureau ? ». Encore maintenant, on leur explique : « oui le jeudi, je travaille de l’autre côté ». Bon, ce

qui pèse un peu, c’est que de l’autre côté, il y a un tas de papiers qui s’accumulent, ça j’aime pas trop

… (Rire) Arriver, voir cette masse de papier, j’avoue que, voilà … Bon, je mets ça de côté, mais

l’exercice avec les autres médecins, on s’entend tellement bien. On travaille. On a le même état

d’esprit. On a une qualité de travail qui est importante vraiment, donc je fais abstraction du reste. Le

fait de tourner, ce n’est pas tellement gênant. En plus, maintenant, là-bas, je peux faire de la gynéco,

car il a changé de table d’examen, du coup il a des étriers. Ça, ça facilite pas mal la tâche. Avant, il

Page 111: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

111

fallait demander aux gens : « les frottis, c’est que le lundi, mardi ». Ça, c’était un peu lourd.

Maintenant, je peux faire la même chose des deux côtés. J’ai mes papiers dans un coin. Non, ça va.

-Par rapport à l’exercice médical de vos collègues, vous avez la même façon de faire ?

On n’a pas la même façon d’exercer mais on a la même façon de voir la médecine. On n’a pas la

même façon d’exercer parce qu’on a des patientèles qui sont différentes. Ça se voit. Moi, je ne fais

pas beaucoup de suivi de psychiatrie. J’ai deux de mes collègues qui en font plus. Non, on n’a pas

forcément la même façon de travailler mais on a le même état d’esprit. Je ne sais pas si je suis claire.

On est bien attaché à la personne. Enfin, on a un peu la même idée de la médecine. On n’est pas

dans l’abattage. On trouve que le contact avec le patient, c’est important. La relation… Et puis, je

trouve qu’on est bien. Quand on a un souci, on s’en parle, on se pose des questions entre nous, on

mange régulièrement ensemble pour ça, du coup ça donne un peu… Même si on ne travaille pas de la

même façon.

-C’était important pour vous de travailler dans un quartier comme celui-ci ? Dans un immeuble de

l’office HLM (note du chercheur: Hébergement à Loyer Modéré)?

- (Rire) Oui, c’était important. Parce que le fait d’être installée dans un quartier populaire, pour moi,

ça a du sens et ça a toujours du sens d’ailleurs. C’est pour ça que je suis très contente d’être installée

ici. Après, oui, on rencontre des gens qui sont en difficultés sociales, dans la misère, quand même

pas négligeable... En fait, ils ont tous des problèmes. Mais aussi… Voilà… C’est ce qui m’intéressait.

Voilà.

-L’installation de deux femmes a-t-elle modifié la patientèle du cabinet?

-On a récupéré pas mal de suivi gynécologique, et on fait souvent le suivi gynécologique des

patientes de nos confrères hommes. De la pédiatrie. Mais ils font aussi de la pédiatrie. J’aime bien,

mais on ne fait pas que ça. On fait aussi le suivi de grossesse. C’est varié. On leur explique qu’on fait

tout ça. C’est vrai que ça ouvre l‘activité.

-Quel médecin pensez-vous être ? Vous êtes quel type de médecin ?

-(long silence) Euh… Qu’est-ce qu’il y a comme type de médecin ?

-Comment vous qualifieriez-vous en tant que médecin ?

-Plutôt sur ma façon d’être ou sur mon exercice… Médecin à temps partiel, femme euh… Souvent en

retard dans ses rendez-vous, ça, c’est sûr. Et en même temps, je pense être à l’écoute des patients,

en tout cas, j’essaye de l’être. (Silence). Voilà.

Page 112: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

112

-Comment vos patients vous perçoivent-ils?

- Je ne sais pas. Je crois que ça dépend des patients, en fait. S’ils continuent de venir vers moi, c’est

qu’ils y trouvent leur compte. Je pense que je ne suis pas trop stressée. Pas trop speed. Ce matin, j’ai

un patient qui m’a dit : « C’est bien, on sent que vous êtes détendue… ». Je ne suis pas sûre qu’ils

ressentent tous ça. Après, ça dépend des moments. Je pense être plutôt souriante. Après, je pense

que des fois, comment dire, je suis un peu directe. Mais ça, je le suis tout le temps. Je ne sais pas s’ils

peuvent le ressentir. Je ne sais pas s’ils le disent…

-L’environnement du bureau, la décoration du cabinet, c’est quelque chose qui compte pour vous ?

-Je trouve quand même que ça compte. Que les gens se sentent bien. Je trouve quand même que

notre cabinet est un peu vieux. Et j’ai déjà des patients qui m’ont dit, enfin, ils ne m’ont pas

dit : « chez vous, c’est moche », mais presque. (Silence). Déjà, ce n’est pas accessible. Il y a des

marches en bas. Dès qu’on a une poussette, c’est compliqué. L’ascenseur ne marche pas toujours. Ça,

c’est un point négatif. Après, c’est tellement compliqué dans le quartier, de changer de locaux... Je

trouve quand même que ça manque, oui… En même temps, je trouve que … je trouve que c’est bien

d’être dans un immeuble de l’office HLM (note du chercheur: Hébergement à Loyer Modéré), parce

qu’on est euh… avec les gens du quartier quoi. On aurait un cabinet hyperluxueux, ça ne collerait pas

trop quoi. Donc, voilà. Entre l’hyperluxueux et des fois, la tapisserie qui se décolle, je trouve qu’il y a

un entre deux. Après, je ne suis pas sûre que ce soit le plus important pour les patients. Ou alors, ça

dépend des patients, il y en a qui vont s’attacher à des choses matérielles et d’autres pour qui, ce

n’est pas du tout ce qui est recherché quoi. Moi, je trouve que c’est important que ce soit au moins

propre, qu’il y ait de la place en salle d’attente. Voilà. Que ce soit un petit peu décoré. Qu’il y ait

quand même deux, trois petites choses. Montrer qu’il y a de la vie, que ce n’est pas complètement

décrépi.

- Avez-vous personnalisé les lieux ?

-Un peu oui, j’ai déjà des dessins des enfants. Voilà. Ça type un peu… Il y a un ou deux patients qui

ont remarqué. Surtout qu’il a signé avec son nom de famille. Il y a un patient qui m’a dit : « Ah, mais

c’est votre fils ». Il a eu l’œil. Les autres n’ont pas trop vu. Mais comme il l’avait fait ici, un matin et

qu’il voulait absolument que je l’accroche. Je l’ai fait. Oui, c’est un peu typé.

-L’horloge a-t-elle une utilité particulière en face du bureau ?

-L’horloge, c’est pour prendre le pouls car nous n’avions pas de trotteuse… (Note du chercheur: Dr

Hérisson et elle-même). Voilà. C’est uniquement pour ça.

Page 113: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

113

-La porte de la salle d’attente fermée, est-ce que ça a un sens pour vous ?

-Certains patients ne veulent pas. Ça permet de contrôler les va-et-vient dans le cabinet, comme un

sas.

-J’ai recensé plusieurs affiches sur des incivilités, une porte d’entrée que vous ouvrez-vous-même,

avez-vous une politique particulière ?

-Oui, nous avons beaucoup d’incivilités et des problèmes de comportement. Ils ne s’en rendent pas

toujours compte. On essaye de les noter et de les signaler s’ils se répètent. Concernant la porte

d’entrée, on trouve que l’accueil, c’est important et ça permet de contrôler le passage. La secrétaire

va ouvrir la porte lorsque ça sonne et qu’elle est là. Le reste du temps, c’est nous. Son bureau a été

changé (note du chercheur: pour un bureau plus grand et une banque plus haute). Elle se sentait

envahie par les patients et trouvait que sur le plan de la confidentialité, ça n’était pas optimal. C’est

en changeant le bureau, qu’on s’est rendu compte que l’ancien était minuscule…

-Avez-vous remarqué que pour boire de l’eau vous allez systématiquement en salle de repos, alors

qu’un point d’eau existe dans votre bureau, et cela plusieurs fois par jour?

-Non, en effet, je n’avais pas fait attention... (Rires). Je n’ai pas envie de boire de l’eau dans mon

bureau.

-Vous êtes-vous déjà assise dans la salle d’attente? Pour regarder les affiches, par exemple?

-Non, jamais, à part quelques secondes avec des amis. J’affiche de temps en temps des papiers que je

reçois.

-Je vous remercie.

Page 114: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

114

7.4 Annexe 4 : Entretien du Dr Hérisson, le 20/06/2014.

On s’installe chacune de part et d’autre du bureau. Moi, côté patient, elle, côté médecin.

- Présentez-vous en quelques mots ? Quel est votre parcours professionnel ?

- J’ai 39 ans, j’ai 3 enfants… qui grandissent maintenant, qui me laissent un petit peu plus de temps

pour voilà, mon activité professionnelle et… extra professionnelle d’ailleurs aussi… Euh, je me suis

installée très rapidement après la fin de l’internat parce que j’ai effectué mon stage chez le praticien

ici, chez le Dr Marmotte, qui cherchait une associée, donc euh j’ai voilà, réfléchi très rapidement et

j’ai dit oui, et… je me suis installée le même jour que Dr Zèbre, nous sommes installées toutes les

deux à temps partiel. Et les messieurs ont diminué leur temps de travail, donc on est arrivé à 3 jours

par semaine chacune, c’est un rythme de travail qui vraiment depuis le départ, me convient tout à

fait, me permet voilà d’être au cabinet 3 jours par semaine et d’en profiter, de suivre mes patients,

j’ai l’impression correctement, et de profiter de chez moi et bon voilà. D’être à mon avis quand

même assez présente, et ça m’a permis, voilà en tout cas une organisation familiale et

professionnelle tout à fait épanouissante pendant ces dix ans d’installation et progressivement je me

suis pas mal investie dans les organismes professionnels qui nous entourent. Et c’est pareil, je me fais

vraiment plaisir à rencontrer d’autres gens à rencontrer d’autres médecins ou d’autres euh ...

d’autres organismes qui prennent des décisions un peu pour nous. Ça m’a permis de comprendre

aussi le fonctionnement de la société, plein de choses. Et puis, parfois de faire comprendre à d’autres

ce qu’on peut nous, rencontrer dans des quartiers comme le nôtre et je pense que c’est important

que oui, qu’on puisse échanger, qu’on puisse apporter nos expériences de ce qui peut se passer dans

un cabinet situé en zone populaire, socialement difficile.

-C’est quelque chose d’important pour vous la situation géographique du cabinet ?

-Oui, même si au départ, y a… enfin voilà, quand j’ai fait mes études, je ne pensais pas du tout, à ce

moment-là, enfin, je pense que je ne connaissais pas d’ailleurs, et c’est vraiment pendant mon stage

chez le praticien, et puis en connaissant le Dr Marmotte que je me suis dit que ça me convenait bien

et que j’aimais ce genre de prise en charge, de relation où on a une dimension socio-médicale qui est

quand même très, très importante.

-Dans ce cadre-là, par rapport au patient, vous vous percevez comment en tant que médecin ?

-Comme étant euh… comme acceptant tout le monde, je pense ne pas trop juger les patients.

J’essaye en tout cas de ne pas le juger du tout, même s’ils sont sortants de prison ou d’autres

Page 115: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

115

situations comme ça… qui parfois peuvent mettre un frein. Eh bien, j’essaye vraiment d’être le plus

ouverte possible, et j’ai l’impression que, voilà, que les patients le ressentent comme ça. Que ce soit

vis-à-vis de la toxicomanie, de l’alcoolisme, ou des sorties de prison, on en a quand même plusieurs,

voilà, j’ai l’impression que les gens arrivent même parfois à le dire quoi, que ils apprécient aussi

d’être considérés aussi comme… voilà, comme… quelqu’un de la société qui a droit à tout, euh aux

mêmes choses que les autres. Je pense que c’est important, je me dis que les gens, ils ont leur vie,

leurs difficultés, que ce n’est pas à moi de juger ça de toute façon, la justice est là pour ça. Et puis

moi, je suis là pour les soigner et puis les écouter.

-C’est une vision qui est partagée dans le cabinet ? Avez-vous tous la même ligne de pensée ?

-Ah oui, je crois vraiment que, en tout cas, tous les quatre, on a une dimension de l’accès au soin qui

est la même. Ça, ça me parait vraiment évident. On va recevoir tout le monde, quoi, je crois que c’est

vraiment euh… le mot d’ordre de chacun et on s’est rendu compte dès le départ qu’on avait la même

façon de fonctionner. Je pense qu’on a quand même une relation à l’argent aussi, qui est la même,

voilà. Il n’y a d’ailleurs jamais de conflit là-dessus. Jamais, jamais, jamais… On se rend compte qu’on

n’exerce pas de la même façon. On a chacun notre façon de faire (rire), voilà, on va même pouvoir se

critiquer par rapport à ça. Je veux dire forcément, euh on va voilà, pouvoir apporter notre point de

vue sur l’exercice de l’un ou de l’autre mais tout en se respectant. Je crois qu’il y a un respect mutuel

qui est vraiment complet depuis le départ et…c’est appréciable.

- Dr Zèbre et vous, partagez votre bureau et changez de bureau une fois par semaine, comment vivez-

vous cette situation ?

-Alors, moi, je le vis très bien, je ne sais pas comment Dr Zèbre le vit, ça nous oblige à ranger notre

bureau quand le vendredi soir, quand je sais que le lundi c’est Dr Zèbre qui arrive, mais ça fait partie

du respect de l’autre et elle fait pareil, je pense, quand j’arrive le bureau est propre. Donc, voilà. Ça

me parait être, voilà, non, finalement, ça ne me dérange pas, ça ne pèse pas plus que ça. Ce qui est

un petit peu pénible, c’est de ne pas avoir tout sur place quand on est dans un autre bureau, en fait,

plus que le fait de partager, partager le bureau, ça ne me dérange absolument pas, mais le fait d’aller

dans un autre bureau, fait qu’on n’a pas nos papiers sur place. Voilà. L’ordinateur n’est pas tout à fait

configuré comme moi je l’aurais fait. Bon, en pratique, j’ai l’impression que ça ne dérange pas du tout

les patients, à partir du moment, où ils savent quel médecin ils voient, qu’on les amène à droite ou à

gauche, ça n’a pas l’air d’être très important pour eux.

-Les locaux sont loués. La décoration, personnaliser les lieux, c’est quelque chose d’important pour

vous ?

Page 116: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

116

Alors, on n’a pas beaucoup personnalisé. Un petit peu notre propre cabinet à nous avec Dr Zèbre. On

avait refait les locaux quand on est arrivées, il y a 11 ans, euh…enfin, tapisserie et sol. C’est vétuste,

c’est sûr. Je pense qu’on sera quand même content, si on arrive à changer de locaux un jour, parce

qu’on se rend bien compte, voilà, qu’Il y a quand même des endroits qui deviennent sales et puis

difficilement, maintenant…nettoyables parce que, parce que c’est vieux parce que, voilà … voilà, y a

ce côté-là qui est quand même un petit peu gênant. Après non, euh, je n’attache pas une importance

vraiment, à personnaliser le cabinet, quoi. Non.

-Comment l’affichage de la salle d’attente est- il organisé?

-Non, c’est vraiment laissé à la… euh, c’est… on s’en occupe très peu de ça (sourire). Quand il y en a

un qui a une idée, il a le droit de la donner et de poser son affiche. On s’en occupe peu, c’est vrai, de

ça. On a refait par contre la salle d’attente, il n‘y a pas très longtemps, mais bon elle a déjà été, voilà,

la tapisserie a déjà été déchirée, bon tout ça, on a recollé comme on pouvait. C’est une pièce qui

s’abime vite. Donc… euh… La décoration non, c’est vrai, que ce n’est vraiment pas quelque chose qui

nous prend du temps (rire), ça, c’est sûr. Bon.

-La porte de la salle d’attente est souvent fermée, que souhaitez-vous signifier par-là?

-C’est pour des raisons de confidentialité parce qu’on trouve que sinon les gens entendent tout ce

qui se passe, notamment au secrétariat. Et puis, beaucoup de gens sont de la même famille, etc… des

patients euh peuvent consulter sans que les autres membres de la famille soient au courant. Donc,

c’est vrai que, bon, ça nous permet… Voilà. Il nous semble qu’il y a plus de confidentialité en fermant

la porte, voilà.

-Concernant l’entrée, elle est inhabituelle pour un cabinet médical, il existe une sonnette, puis on vient

nous ouvrir la porte, c’est du fait du hasard ?

-Non, c’est quelque chose qui restait important pour des raisons de sécurité, pour le coup, parce que,

bah, ça nous permet de filtrer plus les personnes qui arrivent, qui rentrent et une fois qu’elles sont

rentrées ou installées, pour leur dire qu’on ne peut pas les voir, accéder à leur demande parce que eh

bien : soit ils ne sont pas du cabinet, soit il y a des demandes de toxicomanie ou de je ne sais pas

quoi, qui sont, voilà, à laquelle on ne peut pas accéder et bien, s’ils sont sur le pas de la porte, c’est

plus facile de leur dire non. Ils s’en vont pas contents. Mais une fois qu’ils sont dedans, bah, c’est

quand même plus compliqué. Voilà. Et ça nous permet d’être plus en sécurité, à mon avis.

-Y a-t-il eu des cas d’agressions au cabinet médical?

Page 117: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

117

-Finalement assez peu, euh... une fois, moi, depuis mon installation, je suis allée à la police. Un

patient qui euh voilà, qui était très énervé, justement toxicomane, et qui est rentré alors que

j’examinais quelqu’un. Bon. Voilà. Du coup, j’étais allée porter plainte et dans le même coup, il avait

volé le téléphone portable du Dr Léopard, bon après, de la même façon, c’est quelqu’un que… je ne

le jugerai pas. C’est la justice d’ailleurs, qui a fait son travail, bon, voilà, malheureusement. C’est des

gens qui ont plein de difficultés par ailleurs. Voilà. Il avait volé le téléphone portable, mais répondu

au téléphone quand on avait appelé. Voilà. Donc, c’est pour dire que ce n’était pas du grand

méchant… c’était du grand perdu (sourire).

-Avez-vous la sensation par moment d’avoir recours à plusieurs rôles, lors de vos consultations, en

tant que médecin, pour améliorer votre alliance thérapeutique ?

-Des rôles sociaux, d’assistante sociale très, très, très fréquemment. Je crois qu’on est vraiment euh…

oui, un soutien pour certaines familles qu’on renvoie pourtant vers les services sociaux, mais qui

reviennent quand même très régulièrement, et dans les consultations on se rend bien compte qu’il y

a beaucoup de… voilà, de problèmes sociaux à régler, de conseils à donner, d’aller voir untel ou untel

pour s’en sortir. Ce n’est pas nous forcément qui réglons les problèmes, mais en tout cas de les

diriger vers les bonnes personnes, ça, c’est hyper fréquent que voilà, dans leur motifs de

consultation, quels qu’ils soient. C’est en fait des problèmes financiers ou autres, voilà, c’est là qu’on

peut quand même les diriger vers les bonnes personnes pour essayer de s’en sortir. Vers qui faire les

demandes de CMU (note du chercheur : couverture maladie universelle), vers qui, plein qui ne savent

pas… C’est après leur redire, voilà.

-Comment avez-vous acquis ce bagage d’aides sociales, d’orientation des patients ?

-Je pense qu’il faut qu’au départ ça intéresse, quand même. On se rend compte, en tant que maitre

de stage, il y a des étudiants qui sont intéressés et d’autres qui nous disent : « Non mais, on fait trop

de social ici, ça ne m’intéresse pas. » (Rire), par exemple. Donc, c’est là aussi que je me rends

compte, que sûrement effectivement, qu’on en fait beaucoup. Et puis… donc, il faut que ça intéresse.

Et après, bah du coup, dans le cadre du pôle santé (note de l’auteur : projet actuel de mise en

relation d’interlocuteurs d’un même quarter, médico-sociaux…), on a rencontré pas mal de

personnes, et maintenant bah, c’est vrai que, même eux n’hésitent pas à nous appeler, entre la PMI

(note du chercheur: protection maternelle et infantile), le médecin de la crèche, ils nous appellent

assez facilement, voilà… maintenant qu’on se connait physiquement aussi, c’est beaucoup plus facile.

J’imagine qu’on ne connait pas tous les leviers quand même parce qu’en fait, il existe tellement de

choses en parallèle, que je suis sûre qu’on passe à côté de plein de choses. Même les patients,

Page 118: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

118

passent à côté de plein d’aides, que ce soit physiques, sociales etc... Il existe trop de choses en

parallèle, je pense.

-Y a-t-il des choses importantes que nous n’avons pas évoquées dans votre personnage de médecin ou

sur votre exercice? Voulez-vous repréciser quelque chose ?

-Je crois que dans les réunions professionnelles, par exemple, qui sont à l’extérieur du cabinet, je me

rends vraiment compte, qu’en tant que médecin, on a des patientèles très différentes. Et que même

sans vouloir nier quoique ce soit, les médecins que je peux rencontrer à certaines réunions ne se

rendent pas compte de la réalité de ce que peuvent vivre certains patients. Et sont quand même

encore persuadés, encore dans le fait que certains patients profitent de… du système, que certains

patients sont demandeurs d’arrêts de travail très fréquemment, etc… dans nos populations, que c’est

hyper fréquent, qu’ils sont tous comme ça… et ça c’est vraiment ce message-là que j’essaye de faire

passer aussi, dans certaines réunions, où euh… voilà je donne mon point de vue et je suis… Il y a

sûrement 2% de la population qui profite du système, et on est d’accord, mais voilà, je préfère ne pas

avoir la CMU (note du chercheur: couverture médicale universelle) et être dans ma situation que

dans la leur, quoi. Je crois que les gens ne se rendent pas compte... Enfin, il y a un certain nombre de

médecins qui ne se rendent absolument pas compte de ça, quoi. Et ça, c’est… oui… vraiment, je m’en

rends compte dans certaines réunions où les gens ont des réflexions mais qui sont… voilà, qui moi,

me… quand je vois ce qu’on vit, ce que les patients vivent ici, pas moi hein! Mais je me dis, non! Ils

sont à dix milles lieux de comprendre et de voilà… Pourquoi les gens, pourquoi une femme enceinte

ne prend pas rendez-vous pour son échographie, dès le début de sa grossesse, tout de suite, tout de

suite etc… C’est incompréhensible que les gens ne s’inscrivent pas la sixième semaine de … et bien

voilà. Il y a encore plein de gynécologues que je peux rencontrer au conseil de l’Ordre (note du

chercheur: l’Ordre des médecins) notamment, qui ne peuvent pas comprendre que : c’est aux gens

de se prendre en charge, c’est à eux de vraiment, ils ont qu’à faire les choses, comme il faut,

correctement, et ils ont qu’à se prendre en charge. Je crois que ce n’est pas si simple que ça, quoi. Il y

a des difficultés réelles familiales et sociales qui font que, mais même les antécédents médicaux qui

font que, les gens ne vont pas forcément s’inscrire à la maternité à la sixième semaine de grossesse,

quoi…

-Ces notions vous importent donc?

-Oui, c’est quelque chose d’important, oui. Je suis persuadée que ça, … ça, ça m’a conforté dans mes

engagements professionnels autres en tout cas. Moi, je suis beaucoup moins engagée que d’autres

du syndicat dans les histoires politiques et tout ça, mais par contre faire comprendre aux autres de

Page 119: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

119

ma profession (sourire), certaines réalités du terrain, eh bien, ça oui, ça, ça fait partie… des défis du

conseil de l’Ordre (note du chercheur: l’Ordre des médecins) notamment.

-Je vous remercie.

Page 120: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

120

7.5 Annexe 5 : Entretien du Dr Gazelle, le 16/07/2014.

Il préfère qu’on fasse l’entretien dans la salle de repos/cuisine, c’est plus convivial pour parler. Je le

suis. Je pose l’enregistreur sur la table à manger.

-L’idée de départ c’est vraiment de se raconter un petit peu de par le parcours professionnel…

-D’accord… Wow! Y a du boulot! Mon parcours professionnel, ben il a commencé évidemment déjà

avec les premières années de médecine puisque c’est là que ça a commencé pour moi, et les

premières interrogations à partir de la 3ème ou 4ème année de médecine. Donc plantage en 1ére

année, normal… On ne passe pas du premier coup, ‘fin ça n’arrive pas à tout le monde. 2ème année et

3ème année pas de problème… Arrivé en 4ème année, je commence à faire autre chose que de la

médecine. J’ai toujours fait de la musique et puis je rencontre des gens qui me montrent… on va

dire… un autre visage du savoir médical. Un autre visage… et je vais le dire carrément – puisque de

toute façon c’est couvert par le secret médical - j’ai fréquenté un groupe de « spirits » qui a pignon

sur rue à Lyon depuis un siècle et … alors que l’on m’enseignait- en même temps je commence à

m’intéresser à l’énergétique chinoise - on m’enseigne que le cœur est un organe automatique sur

lequel on n’a pas de pouvoir. Moi, par le simple pouvoir de ma volonté et de mon désir, je ralentis

les battements de mon cœur et voilà, donc je fais une expérience très très forte en 4ème année de

médecine, et je plante ma 4ème année de médecine… Bon, ça peut arriver… Arrive la 5ème année. Fin

de 5eme année, à cause de la faculté où j’étais, extrêmement élitiste Alexis Carré, je n’avais droit

qu’à une seule dette pour passer de 5 en 6, j’en avais deux… Donc je plante ma 5ème année. C’est là

où je me dis qu’est-ce que je fais en médecine? Je me dis est-ce qu’il faut que je continue? Voilà,

retaper ma 5ème année ? Et là, on m’a dit qu’il fallait absolument que je continue parce que cette

sensibilité et la distance que j’avais par rapport à ce que l’on m’apprenait, il fallait absolument que je

les garde donc j’ai quand même réussi à finir. Alors qu’au départ, j’étais parti pour être interne et

pour moi, on m’avait appris que la véritable médecine c’était la médecine de spécialité, c’est la vision

très CHU (note du chercheur : Centre Hospitalier Universitaire) centrée… J’étais rentré là-dedans et je

me suis aperçu très très rapidement que l’internat ce n’était pas pour moi, j’en avais ras-le-bol de la

faculté et je n’allais pas encore me remettre à bosser pour faire quoi comme spécialité ? La seule

spécialité qui m’intéressait, c’était la pédiatrie, donc ce qui n’est pas une spécialité, qui est de la

médecine générale appliquée à l’enfant. Je me suis dit, me taper l’internat juste pour ça et pour en

plus voir tout le temps des enfants. Ce qui est bien mais c’est quand même restrictif, je n’aimais pas

que ça, j’aimais aussi le reste. C’est pour ça que j’ai abandonné l’idée de l’internat assez rapidement

quand j’ai vu le niveau de difficulté, et j’ai fait un semestre de pédiatrie… Ensuite, j’ai fait deux ans de

Page 121: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

121

remplacement, histoire de tâter le terrain puisqu’à cette époque-là on n’avait pas les SASPAS (note

du chercheur : Stage Ambulatoire en Soins Primaires en Autonomie Supervisée) et je me suis installé

donc avec des conditions d’installation anti-commerciales. Ce qui ne se faisait absolument pas à cette

époque-là. A cette époque-là, on négociait le droit de présentation de la clientèle, on ne peut pas

vendre une clientèle. On négociait le droit de présentation et le simple fait de t’asseoir aux côtés d’un

médecin qui était installé, tu payais un quart, un tiers, voire une moitié de son chiffre d’affaire.

-D’accord, on parle de quelle année à peu près ?

-1990, moi je me suis installé en 1993. Et le médecin que tu connais donc (note du chercheur : Dr

Marmotte) avec lequel je me suis installé, m’a dit : « Ecoute, je considère que je n’ai rien à te vendre.

Au contraire, tu me rends un service en venant t’installer à côté de moi il y a longtemps que je

cherche un associé. Tu viens t’asseoir à côté de moi, tu prends tous les nouveaux patients qui

arrivent et on partage les charges du cabinet, c’est normal ». Et encore au bout de quelques mois

d’installation, il est venu me voir en disant mais ce n’est pas normal que tu paies autant de charges

que moi alors que tu vois moins de patients que moi… On va proratiser. Et là je lui ai dit : « Ecoute, je

pense que si je m’étais installé tout seul, j’aurai payé plein pot le cabinet. C’est déjà pas mal que je

n’en paie que la moitié et je n’ai pas payé de droits de présentation ». C’est pour te dire que son

exigence éthique, son niveau qui me va tout à fait, je me suis tout à fait reconnu, son côté... reconnu

dans le milieu confessionnel. Et au bout de dix ans d’exercice, donc en 2003, en m’épuisant à suivre

quelqu’un qui avait un rythme épuisant, impossible à suivre, insensé, une bête du travail, c’est un

type exceptionnel, des capacités de synthèse de travail, d’abnégation, tout ce que tu voudras. C’est

un type exceptionnel ! Donc, je l’ai suivi un peu comme un modèle, comme on peut suivre quelqu’un

tu sais quand on ne sait pas, un Maître! Et en 2003 j’ai luxé le genou gauche, celui qui avait été opéré,

une première fois, je n’ai pas écouté, j’ai luxé le genou droit, normal, celui qui n’avait toujours pas

été opéré, et celui qui n’avait pas été opéré. Et comme je n’ai toujours pas écouté, j’ai luxé les

neurones. Je suis passé par la case Deroxat® (note de l’auteur : médicament antidépresseur). Et là, je

me suis dit ce n’était pas possible, je ne pouvais pas faire d’infarctus, parce que je fais du vélo, je ne

fume pas, je ne bois pas, je ne pouvais pas faire... n’importe. C’est le cerveau qui a … et ça a

correspondu au moment où les filles sont arrivées et on est tous passés en temps partiel. Depuis un

peu plus de dix ans, vu qu’elles sont là depuis 2003. Elles aussi donc, on les a recrutées par le milieu

confessionnel. Une, Dr Zèbre, Dr Marmotte la suivait depuis le début de ses études de médecine dans

un groupe de réflexion chrétien et il lui a proposé l’installation. Et elle est arrivée directement avec

Dr Hérisson, que Dr Marmotte avait eu comme interne. Et Dr Hérisson donc, était une collègue et

une amie du Dr Zèbre du coup la mayonnaise a pris tout de suite, parce que nous, on avait peur de

passer de deux à quatre. On se disait, ce n’est pas possible cela va faire de trop gros changements sur

Page 122: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

122

le cabinet. Mais de fait, on est passé de deux à trois en réalité. A nous quatre, on ne fait pas un temps

plein puisqu’on n’est pas là tous les jours et que elles deux partagent le cabinet qu’elles

s’entendaient super bien, ça a été complètement lisse, on est passé de deux à quatre, tout le monde

à temps partiel. Et depuis ce temps-là, cela fait onze ans, tous les jours je viens au travail avec plaisir

et il me reste quinze ans d’exercice. Et je ne considère pas que j’ai quinze ans à tirer, j’ai quinze ans

d’exercice avec un plaisir, pas renouvelé tous les jours, mais constant. Donc, la qualité d’exercice que

j’ai, la qualité d’association, je connais mes associés, leurs conjoints, conjointes, leurs enfants, leurs

dates de naissance, les prénoms, tout ça...ça, c’est assez exceptionnel… Avec ces conditions-là, avec

le temps partiel, je me vois travailler encore jusqu’à l’âge de 67 ans. Parce qu’il faut que je travaille

jusqu’à 67. J’en ai 52, il faut que je travaille jusqu’à 67.

-Ça ne vous fait plus peur ?

-Ça ne me fait plus peur, ça ne pose aucun problème…

-Et c’était quelque chose d’important d’être avec des gens qui avaient cette façon de fonctionner ?

-La même éthique, oui c’est important parce qu’on est dans un quartier où il y a énormément de

souffrance: souffrance sociale, souffrance psychologique et si on n’a pas un ancrage à la fois entre

nous-mêmes à pouvoir échanger quand il y a des cas difficiles. Quand on dit des «cas difficiles», ils

sont d’abord difficiles pour les patients. S’ils sont difficiles pour nous c’est qu’on est humain. S’ils ne

sont pas difficiles, il faut qu’on change de travail, ça veut dire qu’on est devenu des professionnels

froids, des machines qui appliquent des protocoles, etc… Donc, il faut changer de métier. Donc, on a

à la fois cette qualité d’association entre nous, mais il faut aussi un ancrage spirituel parce que c’est

ce qui permet de durer et peut-être pas de comprendre mais au moins d’admettre.

-Un mot peut-être de votre - on va dire - environnement familial…

-Effectivement ça aussi ça a compté beaucoup parce que mon épouse et moi avons six enfants, ça

occupe pas mal, et que les dix premières années de mon installation les enfants se sont succédés très

très rapidement puisqu’il y a 6 ans d’écart entre l’aîné et la 4ème, moins de 6 ans d’écart, et que c’était

le moment où je m’installais, c’était le moment où je bossais un maximum. Je n’étais absolument pas

disponible pour la maison. Donc ça a permis effectivement de financer la maison, ça a permis de faire

beaucoup de choses, un déménagement… et voilà, je ne voyais pas mes gosses et cela non plus ne

m’allait pas du tout et donc depuis que je suis passé en temps partiel, les deux suivants qui ont 13

ans et bientôt 6 ans, ceux-là ont bénéficié de mon rythme et voilà j’ai pu les apprécier beaucoup plus.

Donc ça c’est très important. En dehors de la formation initiale à la Faculté, qui est ce qu’elle est.

C’est sûr que la sélection était encore pire que maintenant. Elle ne se faisait que sur la mémoire

Page 123: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

123

exclusivement. Donc, comme je dis très souvent aux patients et aux gens qui disent : « Oh là là ! Il

faut être intelligent pour être médecin ! ». Pas du tout, ça se saurait, ça se saurait s’il fallait être

intelligent, il suffit juste d’avoir de la mémoire. Un ordinateur a de la mémoire, il n’est pas du tout

intelligent. Donc, j’ai fait beaucoup de formations après, en dehors du circuit classique. J’ai fait une

initiation à la médecine chinoise traditionnelle, j’ai fait des séminaires de thérapie comportementale,

j’ai fait une initiation à la PNL, Programmation Neurolinguistique. Après avoir fait l’initiation à la

médecine chinoise traditionnelle, j’ai fait à titre personnel une initiation au tai-chi ce qui me permet à

l’heure qu’il est de prescrire aussi bien de l’acupuncture que de l’ostéopathie, à certains patients qui

sont dans une impasse de la médecine occidentale classique. Il y en a beaucoup, beaucoup,

beaucoup… J’avais lu un article il y a quelque temps de ça, comme quoi 50% des patients qui

sortaient de l’hôpital malgré les plateaux techniques de l’hôpital, sortaient sans diagnostic. Des

impasses en médecine occidentale, on en a beaucoup.

-Comment vous vous décririez comme médecin ?

-Comment je me décris ? Ben, je ne suis incontestablement pas toujours dans les tuyaux de l’ANAES

(note du chercheur : Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé). C’est aussi la raison

pour laquelle je ne veux pas être maître de stage parce que j’ai à la fois un mode de fonctionnement

intuitif et aussi un mode de fonctionnement scientifique, heureusement… mais selon le moment il y

en a un qui l’emporte sur l’autre et il y a des décisions thérapeutiques que j’ai beaucoup de mal à

justifier et qui jusqu’à présent, je pense, sont bonnes, avec l’expérience que j’en ai. Là aussi, je me

méfie beaucoup de l’expérience. La plus belle définition de l’expérience que je connais c’est en

médecine chinoise : l’expérience, c’est une lanterne qu’on a dans le dos. C’est-à-dire que quand tu te

retournes tu vois clair, mais quand tu regardes devant toi elle te fait de l’ombre. C’est pour ça que

l’expérience on en a besoin, mais il faut s’en méfier. Pourquoi je parle de l’expérience ? Les patients

pour lesquels mon attitude, elle n’a pas collé, elle n’a pas relevé son parti, je ne les revois plus. Donc,

fatalement ça va alimenter mon délire vu que je ne revois que ceux qui sont contents de la façon

dont je fonctionne. Et c’est la même chose que les chirurgiens. Si tu vas voir deux chirurgiens qui ont

le même avis sur un problème difficile, il faut en voir trois parce que chacun va te donner son

expérience. Il va dire dans tel type de chirurgie du genou, j’utilise telle intervention et j’ai de bons

résultats. Evidemment, les mauvais résultats qu’il a eus, ils sont partis et l’autre intervention

technique qu’il n’a pas utilisée, il n’a pas d’expérience, donc comment veux-tu qu’il te donne un avis

éclairé ? Donc il faut en voir trois et il n’y a pas le choix… Je me définis comme, j’espère, comme un

médecin ouvert aux autres médecines, je ne suis pas incontestablement, un médecin qui va appliquer

à la règle les directives de l’HAS (note du chercheur : Haute Autorité de Santé). Les données de la

science varient comme toujours… Cela fait plaisir de voir évoluer les choses dont on était certains.

Page 124: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

124

Par exemple, l’hémoglobine glyquée, on était certains des résultats. Le dépistage du cancer du sein,

c’est fabuleux. Il n’y a qu’en France qu’on continue à le faire sans se poser de questions, dans les pays

nordiques c’est terminé, et ainsi de suite… Donc il faut quand même prendre vraiment une certaine

distance. Ceci dit, il faut quand même agir. Donc, voilà, je ne sais pas si ça suffit comme réponse…

-Très bien. Peut-être plus près des patients… Je pourrais vous demander comment ils vous perçoivent.

Pourriez-vous être qualifié de médecin atypique ?

-Je passe de plus en plus de temps à écouter mes patients et de moins en moins à les examiner. Ce

qui m’intéresse, c’est de plus en plus savoir comment ils vivent avec leur maladie plutôt que la

maladie elle-même, donc ce qui m’intéresse de plus en plus c’est le malade, ce n’est pas la maladie…

Et toute la partie que je qualifie de technique, le suivi de mes diabétiques… Par contre ces

médecines, elles m’apportent à moi beaucoup… et j’espère, apportent aussi aux patients puisqu’ils

reviennent.

-Qu’est-ce que ça vous apporte ?

-Arriver à comprendre comment les gens fonctionnent. La psychologie humaine c’est infini, la

personne qui est en face de toi c’est une boite noire, tu n’as jamais accès à ce qui est à l’intérieur,

jamais… Juste à partir de ce qu’il te dit, par certains moments, et encore parfois il faut décoder, cela

quand on est dans la même culture, mais comme on est ici dans d’autres cultures, alors la ça devient

mais … c’est là que ça fait une ouverture. J’avais tout à l’heure une patiente d’origine vietnamienne,

pareil avec les gens du Maghreb et encore ce n’est pas la même chose pour le Maroc, l’Algérie, la

Tunisie… Tout ça, euh c’est des choses… Il faut arriver à soigner ces gens-là, les faire rentrer dans les

tuyaux.

-Vous avez l’impression que vous avez besoin de jouer plusieurs rôles pour arriver à les soigner,

obtenir une alliance thérapeutique?

-En tous cas, j’ai besoin vraiment de tout ce qu’on m’a appris en dehors de la faculté. Ça, c’est

impératif. Si je n’avais pas les outils de PNL (note du chercheur : programme neurolinguistique), si je

n’avais pas les outils de la thérapie comportementale, c’est l’échec complet, ce n’est pas possible…

Ou alors, on reste dans la prescription, c’est tout et puis après le patient et voilà il se débrouille.

-J’en profite, j’ai vu qu’il y avait quelques petits objets, qui paraissent comme des petits cadeaux…

-Ce sont des patients qui me les ont ramenés et je les mets en fait plus pour leur faire plaisir, pour

qu’ils les revoient… Moi, je n’attache aucune importance à ce genre de choses, je ne me souviens

Page 125: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

125

même plus qui me les a donnés, ni pourquoi… J’en ai trop, je suis arrivé à la limite, je les amènerais

bien à la maison, mais ce n’est pas les mêmes goûts que mon épouse.

-Il y a des choses que vous mettez plus facilement dans votre bureau et d’autres peut être plus dans la

salle commune ?

-A un moment, il n’y a plus de place. Le dernier, c’est un tigre qui a été fait à la main par un artisan du

Soudan. J’ai un seul patient qui vient du Soudan. Je n’ai plus de place dans mon bureau, ni dans la

salle d’examen, donc voilà, je l’ai mis là… Dommage, il est super beau ! Je suis en plus très peu

sensible à l’art. Très peu.

-Avez-vous parfois des cadeaux plus sous forme de nourriture ?

-Souvent, c’est ceux que je préfère parce que ce n’est pas quelque chose qu’on garde, c’est sûrement

moins transactionnel… Pour moi, c’est beaucoup plus facile et d’ailleurs j’apprécie beaucoup plus que

la tunisienne m’amène un couscous, qu’on me ramène des dattes d’Algérie, du vin d’Algérie… Voilà,

j’apprécie beaucoup plus.

-Vous avez déjà eu de l’argent ?

-Jamais, jamais, parce que justement les patients qu’on a ici ont trop de problèmes d’argent. Et c’est

quelque chose réellement que je n’aurai pas pu faire. J’aurai beaucoup de mal, je ne vois pas

comment je pourrais l’accepter… Ce n’est pas envisageable.

-Vous parliez du quartier. C’était important de s’installer dans un quartier comme celui-ci ?

-Oui. J’ai beaucoup remplacé pendant deux ans. Je me suis baladé, j’ai vu beaucoup de types

d’exercice à la campagne, à la montagne, dans un quartier très favorisé sur le plan social de Lyon,

dans le 6ème arrondissement. Je me suis promené et en fait, je suis beaucoup plus à l’aise dans ce

quartier là avec des petites gens, avec des gens qui sont du côté des victimes, victimes de la société,

victimes du grand capital… Et euh, c’est vraiment avec ces gens-là avec lesquels je suis à l’aise. C’est

aussi mon histoire, parce que mon père a vécu à la ferme jusqu’à l’âge de 20 ans, ma mère était aussi

issue d’une fratrie nombreuse. Ma mère, à la force du poignet, elle est devenue institutrice

poursuivant ses études avec des cours du soir, etc… Mais mon père, c’est un paysan. Un paysan dans

l’âme, et ça reste toujours un paysan. Donc, voilà, je suis plus à l’aise avec ces gens-là qu’avec des

gens qui ne sont pas du même milieu que moi.

-Que pensez-vous du projet de maison médicale ?

Page 126: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

126

-C’est l’avenir. Je suis complètement à fond dedans. C’est la seule solution, si on veut attirer des

jeunes, si on veut avoir une offre de soins… Malheureusement, on appelle cela les soins primaires,

parce que c’est dérivé de l’anglais «primary care», moi j’appellerais ça les « soins premiers ». La seule

façon, si on veut faire des économies sur la santé c’est de limiter l’accès direct aux spécialistes et

c’est d’avoir des soins de premier recours de qualité et accessibles. Quand je dis maison de santé,

pour moi c’est 8h du matin - 20h et sans coupure entre 12h et 14h parce que les gens souvent sont

dispo en midi et 2h. Donc c’est 8h-20h et 5 jours sur sept plus le samedi matin 8h - midi jusqu’à ce

que la maison de garde ouvre, en attendant que les maisons médicales de garde soient ouvertes à 8h

du matin. Auquel cas, on pourra… effectivement, mais si on a abandonné le samedi matin, je

considère que ce n’est pas satisfaisant par rapport à l’offre de soins et de temps en temps je

réintroduis des samedis matins moi mais pas pour les gens qui poussent la porte parce qu’autrement

je ne m’en sortirais pas. La maison de santé, c’est la réponse à la fois à la demande de soins de

proximité avec des soins de qualité, avec une maison de santé pluridisciplinaire, pour moi c’est

évident ça : kiné, infirmière, orthophoniste, dentiste, ce serait super… et ensuite donc avec une

mutualisation et de toute façon un financement public, on ne s’en sortira pas sans financement

public. Ce n’est pas possible. C’est un projet qui va coûter très cher. Donc, moi si je fais ça, ce n’est

pas seulement dans une optique de réponse à mes quelques patients, je réponds à un bassin de

population, je suis en train de faire de la santé publique, je suis en train de faire de la médecine de

masse, donc il faut que la puissance publique me finance pour faire ça, sinon moi je mets dans un

coin, je fais ce que je veux, puis je dévisse ma plaque et je m’en vais quand je veux. Donc voilà, il y a

un moment où la médecine de premier recours, et là vraiment… Donc, il faut arrêter les beaux

discours et il va falloir investir dans la médecine de premier recours. On commence à y venir avec les

forfaits, avec… ici là, on est dans un équivalent de zone urbaine sensible, un financement lié à notre

activité et à notre chiffre d’affaires et ce n’est pas négligeable. Cette année pour la première fois, la

Caisse (note du chercheur : Caisse Primaire d’Assurance-Maladie) m’a versé l’équivalent de deux

mois d’activité. Donc, ce n’est pas négligeable et voilà je considère que c’est comme si on m’avait

passé le C (note du chercheur : cotation pour le prix de la consultation) à 25 ou à 27. Donc, c’est une

part de forfaitisation de mon activité.

-En parlant de votre activité, vous avez donc des pratiques médicales qui à priori sont un peu

différentes par rapport à celles des autres médecins. Vous avez de bonnes relations par rapport aux

pratiques de chacun dans la cabinet ?

-Je n’ai pas de difficulté avec mes collègues, c’est sûr. Ils savent que des fois je suis un peu à la limite

du hors-jeu, mais je pense qu’ils savent quand même que je sais ce que je fais. L’avantage en

médecine générale, c’est ce que je dis toujours que l’on peut faire ce que l’on veut à condition de

Page 127: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

127

savoir ce que l’on fait. Donc, je pense toujours savoir ce que je fais et là, fort heureusement que j’ai

cette formation scientifique qui me ramène un petit peu sur terre parce qu’autrement des fois ça

peut partir… Il y a des choses en énergétique chinoise qui sont proprement ahurissantes,

ahurissantes… Tu vois des choses qui n’ont aucune explication en médecine occidentale, aucune.

Simplement en énergétique chinoise, ça s’explique. Quand vous voyez quelqu’un mettre le doigt dans

de l’eau bouillante et qu’il ne se brûle pas… Il n’y a pas d’explication. Ce n’est pas possible, l’eau ça

brûle… sauf si on mobilise son énergie Yin et qu’on l’amène à cet endroit-là et on ne va pas se

cramer. Et ça, pour les chinois, ce n’est pas un problème, ce n’est pas donné à tout le monde. C’est

évident que s’il y a un type qui arrive avec une brûlure du 2ème degré, je ne vais pas lui dire : mobilisez

votre énergie Yin, etc… et je vais vous arranger ça… Non, voilà, ceci est un exemple parmi d’autres.

-J’ai cru comprendre, je ne suis pas certaine, que vous n’avez pas forcément suivi des innovations,

comme le changement de logiciel…

-Ca ce sont des choses que je suis vraiment à reculons… L’informatique, comme je ne l’aime pas... Elle

me le revaut bien… les emmerdes avec le logiciel… On dit toujours : Ça vient de la machine, ça vient

de… Ça fait vingt ans qu’on me tient ce discours, qu’avec le prochain ça marchera mieux, je n’y crois

pas…je n’y crois pas.

-J’avais remarqué que vous fermez souvent la porte d’entrée de la salle d’attente. Quelle explication

vous donnez à ce geste ?

-Parce que pour nous, la première chose, c’est la confidentialité. C’est-à-dire que le secret médical va

jusqu’au fait que quelqu’un qui passe dans le couloir n’est pas sensé savoir qui il y avait dans la salle

d’attente ou qui il y a. Un patient qu’on voit en consultation, il a quitté la salle d’attente, quelqu’un

d’autre va rentrer. Si la porte de la salle d’attente est ouverte, les patients qui sont dans la salle

d’attente vont voir celui qui passe. Cette notion de confidentialité pour moi ça va jusqu’au fait que,

quand je suis à la maison médicale de garde et qu’il y a cinq, dix, quinze patients dans la salle

d’attente, quand on me donne leur fiche, je vois leur nom… J’interpelle mon patient dans la salle

d’attente par son prénom… Et je leur dis : «le secret médical va jusque-là». Les gens n’ont pas à

savoir comment vous vous appelez. Ça pour nous c’est vraiment, je pense que c’est notre motivation

première. La salle d’attente, le cabinet médical, c’est un lieu de confidentialité.

-D’ailleurs vous franchissez assez facilement la porte de la salle d’attente pour voir les patients…

-Oui, les patients, on les connait, on les accueille. Très souvent, on rentre dans la salle d’attente. On

ne dit pas : «Au Suivant», «Monsieur untel»… Jamais, jamais, jamais, on ne dit dans la salle d’attente

le nom du patient. On les connait. Je m’approche de lui, je lui serre la main mais c’est dans la salle

Page 128: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

128

d’attente que je vais le chercher. C’est la même chose pour notre secrétaire. Elle ouvre la porte, il y a

un accueil, les gens sont accueillis, ce n’est pas une sonnette anonyme. Une porte qui s’ouvre c’est

une perte de temps considérable pour une secrétaire d’aller ouvrir la porte. Elle passe un temps fou,

mais on est dans l’accueil. Très, très à la marge, les seuls cabinets où il y a eu des problèmes de

violences, d’agressions, de vols, ce sont des cabinets où les gens poussent la porte et rentrent

comme ça sans savoir… Bon, c’est très à la marge, je ne sais même pas si c’est arrivé dans le cabinet

d’à côté où pourtant les gens poussent la porte mais où il y a une banque d’accueil toute suite en

face, et une secrétaire physiquement présente. Ce n’est vraiment pas notre motivation première, ce

n’est pas la peur…

-Je vous remercie.

L’entretien se poursuit oralement sans questions précises et se termine par une visite de son cabinet

avec l’écran sous le bureau et les affiches dont une de sa confession, dos au patient.

Page 129: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

129

8 BIBLIOGRAPHIE

1. Blumer H. Symbolic interactionism: perspective and method. Prentice-Hall; 1969. 232 p.

2. Lefève Céline. Devenir médecin. PUF; 2012.

3. Parsons T. Éléments pour une sociologie de l’action. Plon; 1955. 353 p.

4. Freidson E. Profession of Medicine: A Study of the Sociology of Applied Knowledge. University of Chicago Press; 1988. 440 p.

5. Strauss AL. La trame de la négociation: sociologie qualitative et interactionnisme. L’Harmattan; 1992. 321 p.

6. Adam P, Herzlich C, 128, Singly F de. Sociologie de la maladie et de la médecine. Paris: Nathan Université; 1994.

7. Patient-centered Medicine: Transforming the Clinical Method. Radcliffe Publishing; 2003. 380 p.

8. Mead N, Bower P. Patient-centredness: a conceptual framework and review of the empirical literature. Soc Sci Med. 2000 Oct 1;51(7):1087–110.

9. Rogers CR. Le développement de la personne. Dunod; 2005. 274 p.

10. Balint M. Le médecin, son malade et la maladie. Payot; 1996. 418 p.

11. Suchman AL. A new theoretical foundation for relationship-centered care. Complex responsive processes of relating. J Gen Intern Med. 2006 Jan;21 Suppl 1:S40–44.

12. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-10/12iex04_decision_medicale_partagee_mel_vd.pdf.

13. Goffman, Erving. La « distance au rôle » en salle d’opération. Actes Rech En Sci Sociales; 2002 Jun 1;no 143(3):80–7.

14. Bloy G, Schweyer F. X. Singuliers généralistes. Sociologie de la médecine générale. Editions Presses de l'EHESP; 2010.

15. Sarradon-Eck A. La rencontre médecin-malade est aussi le lieu d’une médiation du lien social. Rev Prat Médecine Générale. 2002;(578):938–43.

16. FONDATION DE LA SOCIOLOGIE AMÉRICAINE - Morceaux choisis, William Isaac Thomas, Florian Znaniecki [Internet]. [cited 2014 Oct 13]. Available from: http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=8776.

17. Breton DL. L’interactionnisme symbolique. Presses Universitaires de France - PUF; 2012. 250 p.

18. NIZET Jean, RIGAUX Natalie. La sociologie de Erving Goffman. Éditions La Découverte; 2014.

19. Goffman E. Asiles: études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus. Ed. de minuit; 2002. 447 p.

20. Goffman E. Stigmate: les usages sociaux des handicaps. Les Éditions de Minuit; 1975. 175 p.

21. Goffman E. Mise en scène de la vie quotidienne. Les Editions de Minuit; 1973.

Page 130: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

130

22. Moreau A. Intérêts et limites de l’approche centrée sur le patient dans une démarche éducatice vis-à-vis du patient diabétique de type 2 en médecine générale : approche phénoménologique exploratoire (étude DEADIEM) [Internet]. Université Claude Bernard - Lyon I; 2013

23. Becker HS. Outsiders. Simon and Schuster; 2008. 230 p.

24. Milly B. Les professions en prison : convergences entre individualisme méthodologique et interactionnisme symbolique. Année Sociol. 2001 Mar 1;51(1):103–36.

25. Cleveland LM. Symbolic interactionism and nurse-mother communication in the neonatal intensive care unit. Res Theory Nurs Pract. 2009;23(3):216–29.

26. Delarmelindo R de CA, Parada CMG de L, Rodrigues RAP, Bocchi SCM. [Women’s strategies for coping with urinary incontinence]. Rev Esc Enferm U S P. 2013 Apr;47(2):296–303.

27. Willis K, Daly J, Kealy M, Small R, Koutroulis G, Green J, et al. The essential role of social theory in qualitative public health research. Aust N Z J Public Health. 2007 Oct;31(5):438–43.

28. Laplantine François. La description ethnographique. Nathan Université; 1996.

29. Becker HS. Les ficelles du métier: comment conduire sa recherche en sciences sociales. La Découverte; 2002. 352 p.

30. Aubin-Auger I, Mercier A, Baumann L, Lehr-Drylewicz A.M, Imbert P, Letrilliart L. et le groupe de recherche universitaire GROUM-F. Introduction à la recherche qualitative. Exercer; 2008.

31. Fournier P, Arborio A-M. L’Enquête et ses méthodes : l’observation directe. Paris: Nathan; 1999.

32. Pétonnet C. L’Observation flottante. L’exemple d’un cimetière parisien. hom. 1982;22(4):37–47.

33. Lasserre, E. Guioux, A. L’expérience cubique : Approche ethnologique du quotidien d’une unité d’entrée en soins psychiatriques. La ferme du Vinatier; 2001.

34. Véga A. Une ethnologue à l’hôpital: l’ambiguïté du quotidien infirmier. Editions des archives contemporaines (EAC); 2000. 230 p.

35. Peneff J. L’hôpital en urgence: étude par observation participante. Editions Métailié; 1992. 268 p.

36. Eck-Sarradon A. S’expliquer la maladie: une ethnologie de l’interprétation de la maladie en situation de soins. 2000. 814 p.

37. Blanchet A, Gotman A. L’entretien: L’enquête et ses méthodes. Édition : 2e édition. Paris: Armand Colin; 2010. 128 p.

38. www.polville.lyon.fr/polville/sections/fr/les_quartiers.

39. Moreau A, Dedianne MC, Bornet Sarassat L, et al. Attentes et perceptions de la qualité de la relation entre médecins et patients. Rev Prat Med Gen. 2004;((674/675):1495 98).

40. Puaud D. L’« empathie méthodologique » en travail social. Pensée Plurielle. 2012 Nov 30;30-31(2):97–97.

41. Schmidt D, Maréchal F. ICARE MG: identification des caractéristiques des associations rompues en médecine générale, une étude qualitative à partir d’entretiens semi-directifs de médecins généralistes ayant vécu une rupture d’association [Thèse d’exercice]. [Lyon, France]: Université Claude Bernard; 2012.

42. Mercier S. L’instrumentalisation des valeurs : une ressource stratégique pour l’entreprise? Gestion. 2001 Jun 1;26(2):12–8.

Page 131: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

131

43. Chauveau, Flora. Le cabinet du médecin généraliste, à l’image de son exercice ? Université Claude Bernard - Lyon I; 2011.

44. Fischer G-N. Psychologie des espaces de travail. Armand Colin; 1989. 222 p.

45. Maalouf Amin. Les identités meurtrières. Grasset; 1998.

46. Marc E. Psychologie de l’identité - Soi et le groupe: Soi et le groupe. Dunod; 2005. 267 p.

47. Steine S, Finset A, Laerum E. [What is the most important for the patient in the meeting with a general practitioner?]. Tidsskr Den Nor Lægeforen Tidsskr Prakt Med Ny Række. 2000 Jan 30;120(3):349–53.

48. Union Professionnelle des Médecins Libéraux de la région, Rhône-Alpes: Lyon. Qualité de l’accueil des patients dans les cabinets de médecine générale en région Rhône-Alpes. 2002.

49. Filiod Jean-Paul. Faire avec l’objet. Signifier, appartenir, rencontrer. Ferme du Vinatier; 2003.

50. Hall E.T. La dimension cachée. Seuil; 1978.

51. Idris H. Place de la salle d’attente du médecin généraliste dans l’éducation pour la santé: Analyse du regard des médecins généralistes de la Somme et des patients [Thèse d’exercice]. [France]: Université de Picardie; 2009.

52. Berger John, Mohr Jean. Un métier idéal, histoire d’un médecin de campagne. L'Olivier; 2009.

53. Soulé, Michel. Le médecin dans la salle d’attente, une expérience Balint, “clinique” et espace méconnus. ESF; 1985.

54. Guyot A. Représentation et enjeux de la salle d’attente: points de vue comparés de médecins généralistes et de patients d’après une enquête qualitative [Thèse d’exercice]. [France]: Université Henri Poincaré-Nancy 1. Faculté de médecine; 2010.

55. Tisseron S. Se rendre sensible aux objets. L’Autre. 2001 Aug 1;2(2):231–40.

56. Fustier, Paul. La relation d’aide et la question du don. Nouv Rev Psychosociologie. 2008 Nov 4;n° 6(2):27–39.

57. Bourdieu P. La domination masculine. Actes Rech En Sci Sociales. 1990;84(1):2–31.

58. Jardel J-P, Loridon C. Les rites dans l’entreprise: Tendances. Editions d’Organisation; 2000. 276 p.

59. Lannoy P. Quand Robert Park écrit « La ville » (1915). Essai de scientométrie qualitative. Rev Hist Sci Hum. 2004 Sep 1;11(2):157–84.

60. Augé M. Non-Lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris: Seuil; 1992.

61. Elias, Norbert. La société des individus. Fayard; 1991.

Page 132: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

132

9 ABRÉVIATIONS

ACP: Approche Centrée sur le Patient

ECN : Examen Classant National

HBM : Habitat Bon Marché

HLM : Habitation à Loyer Modéré

WONCA Europe : World Organization of Family Doctors, soit la société Européenne de Médecine

générale-Médecine de famille.

Page 133: UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1...UNIVERSITE CLAUDE BERNARD –LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2014 N ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE La question du sens

133

ASTYL Léa : ETHNOGRAPHIE D’UN CABINET DE MEDECINE GENERALE.

La question du sens dans la relation médecin-malade.

Nbr 132 ill 13 Th. Méd : Lyon 2014 n° ____________________________________________________________________________

RESUME :

La qualité de la relation médecin-malade est un enjeu majeur dans la recherche d’une meilleure

alliance thérapeutique. L’interactionnisme symbolique, un des principaux courants actuels

d’analyse sociologique, s’applique à la relation et contribue à sa meilleure compréhension. Ainsi,

les interactions entre les différents acteurs d’un cabinet de médecine générale, verbales, non

verbales ou modifiées par l’environnement sont soumises au sens qu’en donnent les

protagonistes et influencent la relation médecin-malade. Dans cette hypothèse, une

ethnographie, méthode qualitative, a été réalisée dans un cabinet médical de quatre médecins

généralistes en milieu urbain. Une observation participante de la relation et des entretiens semi-

dirigés des médecins ont permis de décrire l’organisation des espaces et leurs usages afin d’en

dévoiler le sens. Ce travail original par son approche anthropologique, a soulevé de nombreuses

pistes de réflexions: le principe de valeur partagée fondatrice entre les médecins et le

développement d’une identité professionnelle au sein d’un cabinet de groupe, la réflexion sur

les codes culturels, l’anxiété générée par l’attente et ses conséquences, la notion de don et

contre don... Dans le cadre de ce travail, il serait enrichissant d’explorer les pistes par des

travaux spécifiques sur chaque axe. Dans l’optique de l’amélioration des pratiques

professionnelles, nous pouvons encourager ce type de travaux en médecine ambulatoire, afin de

diversifier nos études et de dégager des idées nouvelles.

____________________________________________________________________________

MOTS CLES : Relation médecin-malade,

médecine générale,

interactionnisme symbolique,

ethnographie,

observation participante.

____________________________________________________________________________

JURY : Président : Monsieur le Professeur Pierre FOURNERET

Membres : Madame le Professeur Liliane DALIGAND

Monsieur le Professeur Alain MOREAU

Madame le Maître de Conférences Evelyne LASSERRE

Monsieur le Docteur Philippe ROCH

____________________________________________________________________________

DATE DE SOUTENANCE : jeudi 20 novembre 2014 ____________________________________________________________________________

ADRESSE DE L’AUTEUR : 12 rue Danton, 69003 Lyon [email protected]