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1 UNIVERSITE RENE DESCARTES (PARIS V) FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES ANNEE 2009 THESE N°2009------------ PO UR LE DOCTORAT EN MEDECINE SPECIALITE : MEDECINE GENERALE PAR M . MOUDDEN Noamane Né le 19 Juillet 1981 à Orsay __________ PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 14/05/2009 TITRE : FAUT-ILENVISAGER UN TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE DE LAFATIGUE? DIRECTEUR DE THESE : Monsieur le Docteur GOURARIER PRESIDENT DE THESE : Madame le Professeur LE JEUNNE

FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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Page 1: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

1

UNIVERSITE RENE DESCARTES (PARIS V)

FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

ANNEE 2009 THESE N°2009------------

PO UR LE

DOCTORAT EN MEDECINE

SPECIALITE : MEDECINE GENERALE

PAR

M. MOUDDEN Noamane Né le 19 Juillet 1981 à Orsay

__________

PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 14/05/2009

TITRE : FAUT-IL ENVISAGER UN TRAITEMENT

SYMPTOMATIQUE DE LA FATIGUE?

DIRECTEUR DE THESE : Monsieur le Docteur GOURARIER

PRESIDENT DE THESE : Madame le Professeur LE JEUNNE

Page 2: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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Page 3: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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Page 4: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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REMERCIEMENTS

A Mesdames et Messieurs les membres du jury.

Madame le Professeur Claire LE JEUNNE, je vous remercie de l‟honneur

que vous me faites en acceptant de présider ce jury. Veuillez accepter

l‟expression de mon plus profond respect.

Madame le Professeur Patricia THOREUX, je vous remercie pour la grande

joie que vous me faites d‟être membre du jury.

Monsieur le Docteur Jean LAFORTUNE, je vous remercie de l‟intérêt que

vous portez à ce travail en acceptant de le juger.

Madame le Docteur Marie-José PRUNIERES-THEVENOT, je vous

remercie d‟avoir accepté de siéger dans ce jury.

A Monsieur le Docteur Laurent GOURARIER pour m‟avoir proposé le sujet

de cette étude, pour votre soutien, vos conseils et vos encouragements.

A Monsieur le Docteur Pierre LEVY pour votre aide sur les calculs

statistiques et pour vos encouragements.

Aux Docteurs Abdelhamid et Hélène MOUDDEN, mes parents, pour bien

des choses et votre relecture.

A Monsieur Alexandre ZALIEWSKI et Mademoiselle Adeline SEGOND

pour votre aide dans le questionnaire.

A Nicolas GRIECO, pour infiniment plus que ton aide informatique, et à

Guillaume SARASA.

A mes frères Yassir et Elias et ma sœur Nazik.

A Anaïs BRIAND, un vrai trésor.

Page 5: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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Page 6: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

6

SERMENT

En présence des Maîtres de cette Ecole, de mes chers condisciples et devant

l‟effigie d‟Hippocrate, je promets et je jure d‟être fidèle aux lois de

l‟honneur et de la probité dans l‟Exercice de la Médecine. Je donnerai mes

soins gratuits à l‟indigent et n‟exigerai jamais un salaire au-dessus de mon

travail.

Admis dans l‟intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s‟y

passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne

servira pas à corrompre les moeurs ni à favoriser le crime. Respectueux et

reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l‟instruction que

j‟ai reçue de leurs pères.

Que les hommes m‟accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses !

Que je sois couvert d‟opprobre et méprisé de mes confrères si j‟y manque.

Page 7: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

7

SOMMAIRE

Quelques définitions de la fatigue……………………………………….p.10

1. Introduction……………………………………………………………..p.12

2. Matériel et méthode……………………………………………….p.15 La fatigue, un signe inquiétant…………………………………………...p.20

3. Résultats de l’enquête d’opinion………………………...p.21

3.1. L‟échantillon.……...……………………….....…….……………...…p.21

3.2. Résultats des questions n°13 et n°30……….………...…..…...p.24

3.3. Réponses aux questions principales..…………………..…..….p.26

4. Résultats de la recherche bibliographique………p.30

4.1. Le coût énergétique……………………………………….………...p.30 4.1.1. Le coût énergétique mécanique.……………………..…………………….p.30

4.1.2. Le coût énergétique cognitif …………………………..………………..…p.31

4.1.3. Le coût énergétique central ; niveau d‟activation centrale……..……….....p.31

4.1.4. Ergothérapie, mesures ergonomiques……………………………………...p.33

4.2. Fatigue et maladies cardiovasculaires………………………...p.34

4.2.1. La baisse du débit cardiaque……………………………..……………..….p.34

4.2.2. Le réseau artério-veineux……………………………….….………………p.35

4.2.3. Le reconditionnement à l‟effort : les effets cardiovasculaires………..…....p.36

4.3. Fatigue et affections pulmonaires………...……………………p.37 4.3.1. Distinguer entre fatigue et dyspnée….……………………………………..p.37

4.3.2. Fatigue des muscles respiratoires….……………………………………….p.38

4.3.3. Hypoxémie et fatigue……………….…………………………………...…p.39

4.3.4. Conclusion……………………….….…………………………………......p.40

4.4. Fatigue musculaire………………………..…………………………p.40

4.4.1. Fatigue musculaire à l‟effort……….………………..……………………..p.41

4.4.2. Asthénie per et post infectieuse..…….………………..…………………...p.44

4.4.3. Myopathies……………………………………………..……………..........p.45

4.4.4. Bénéfices de l‟exercice physique .……………………..…………………..p.45

Page 8: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

8

4 .5 . Fatigue et affections

neuromusculaires………………………p.46 4.5.1. La sclérose latérale amyotrophique : atteinte du motoneurone central…….p.46

4.5.2. Le syndrome post poliomyélitique (SPP)………………………………….p.46

4.5.3. Les neuropathies périphériques dysimmunes……………………………...p.47

4.5.4. La neuropathie sensitivomotrice de Charcot-Marie-Tooth (CMT)………..p.47

4.5.5. Les maladies de la jonction neuromusculaire……………………………...p.47

4.5.6. La sclérose en plaques (SEP)……………..………………………………..p.48

4.6. Les fatigues psychique, psychologique et centrale………p.49

4.6.1. La fatigue centrale……………………………………………………….…p.50

4.6.2. Théorie des neurotransmetteurs…………………………………………....p.51

4.6.3. La fatigue mentale : modèle du traumatisme crânien……………………...p.52

4.6.4. Fatigue et sommeil….……………………………………………………...p.53

4.6.5. La dépression………………………………………………………………p.54

4.6.6. La fatigue affective………………………………………………………...p.55

4.6.7. Approche neuropsychologique du sentiment de

fatigue…...………………p.56

4.6.8. La fatigue psychosensorielle……………………………………………….p.57

4.7. Fatigue et immunologie, endocrinologie,

cancérologie………………………………………………………………p.58 4.7.1. Le rôle de la sérotonine…………………………………………………….p.58

4.7.2. L‟axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS)………………………..p.59

4.7.3. L‟axe hypothalamo-hypophyso-gonadien…………………………………p.60

4.7.4. Fatigue sympathique ou parasympathique…………………………………p.60

4.7.5. Cytokines et fatigue………………………………………………………..p.61

4.7.6. Hormone thyroïdienne ou hormone de croissance...……………………….p.62

4.8. Mesurer la fatigue…………………………………………………...p.63 4.8.1. Méthodes biomécaniques…………………………………………………..p.63

4.8.2. Les questionnaires………………………………………………………….p.65

4.8.3. Évaluer l‟autonomie, la qualité de vie et les facteurs contributifs…………p.67

4.9. Traitements non spécifiques de la fatigue…………………...p.68 4.9.1. Thérapeutique médicamenteuse……………………………………………p.68

4.9.2. Thérapeutique non médicamenteuse……………………………………….p.71

4.9.3. Traitement des facteurs favorisants…………………………………....…..p.72

Page 9: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

9

5. Discussion…………………………………………………………………p.73

5.1. Qu‟est-ce qu‟une bonne ou une mauvaise fatigue ?..……p.76 5.1.1. Historique………………………………………………………….……….p.76

5.1.2. Relation entre fatigue normale, bonne fatigue et fatigue physique………..p.78

5.1.3. Relation entre fatigue psychique et mauvaise fatigue……………………...p.79

5.1.4. Quand la fatigue psychique fait l‟objet d‟une plainte.……………………..p.80

5.1.5. Quand la fatigue physique est recevable…………………………………...p.81

5.1.6. Le paradoxe de Sartre.......…….………………………………………...….p82

5.1.7. La fatigue n‟est jamais neutre…………………………...…………………p.82

5.2. Traiter la fatigue : approche biopsychosociale…………….p.84 5.2.1. La fatigue est plurifactorielle : Syndromes Overlappés..…………….…….p.84

5.2.2. A quoi sert la fatigue ?..................................................................................p.85

5.2.3. Le cercle vicieux de la fatigue…………........................................………..p.86

5.2.4. Il faut préciser le symptôme fatigue………………………………………..p.87

5.2.5. Justification du modèle de Damasio…………................…………….……p.88

5.2.6. Existe-t-il une fatigue normale ou pathologique ?........................................p.89

5.2.7. Quel traitement symptomatique envisager pour la fatigue ?........................p.90

5.3. Le problème de l‟automédication………………………………p.92 5.3.1. Historique du café, des amphétamines et autres stimulants …...…………..p.92

5.3.2. Automédication et paradoxe du dopage...………………………………….p.95

5.3.3. Le risque pharmaceutique : exemple des compléments alimentaires……...p.97

5.3.4. Le rôle du médecin…………………………………………………………p.98

5.3.5. Quelle est l‟attente des patients ?................................................................p.100

5.4. Une réflexion éthique obligatoire……………………………..p.102 5.4.1. Nos conditions de vie se sont modifiées..………………………………...p.102

5.4.2. La solitude dans notre organisation sociale….…………………………...p.103

5.4.3. L‟invention de l‟individualité, la fatigue d‟être soi..……………………..p.104

5.4.4. Quelle place réserver à la fatigue ?.………………………………………p.107

5.4.5. Questions éthiques..………………………………………………………p.111

6. Conclusion………………………………………………………………p.115 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………….p.120

ANNEXES …………………………………………………………………….p.125

Page 10: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

10

RESUME……………………………………………………………………….p.136

« Car ce qui est en jeu, c‟est le poids, la pesanteur même de notre pouvoir être, et

non pas notre pouvoir de faire ceci ou cela. N‟en pouvoir plus, c‟est encore une façon de

pouvoir et de se rapporter à son propre pouvoir : c‟est de pouvoir qu‟on en peut plus.

N‟en pouvoir plus n‟est pas du tout identique à ne plus pouvoir. Celui qui ne pourrait plus

du tout en aurait fini aussi avec la fatigue, comme avec la souffrance. » (Jean-Louis

Chrétien, De la fatigue [26])

Page 11: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

11

Quelques définitions de la fatigue

La définition retenue par la SSMG (société scientifique de médecine générale) est

celle de Horn (2002) : « la fatigue est une plainte résultant d’un déséquilibre entre ce

qui doit être accompli et ce qui peut l’être» [113]. C‟est sur cette définition que je vais

développer ma thèse. Cette définition ne fait pas forcement l‟unanimité tant la fatigue est

complexe.

La fatigue est un phénomène complexe et subjectif. Son origine est

multifactorielle. C‟est une expérience intime, universelle et extrêmement fréquente

qui est difficilement mesurable objectivement. La fatigue est « la conscience d‟une

capacité diminuée pour une activité physique et/ou mentale due à un déséquilibre dans la

disponibilité, l‟utilisation, ou la restauration des ressources physiologiques ou

psychologiques requises pour exécuter l‟activité » [4]. La fatigue dite « normale » a un

rôle protecteur, permettant d‟éviter les conséquences néfastes d‟un effort excessif :

chute de la force musculaire, incoordination motrice, augmentation du nombre

d‟erreurs...

Le caractère ubiquitaire de la fatigue lui donne immanquablement une dimension

sociale. La fatigue peut être vécue comme une « bonne » ou une « mauvaise » fatigue.

La « bonne » fatigue est « saine » et « naturelle ». Elle est plus que « normale » car elle

chasse la « mauvaise » fatigue. Elle peut être vue comme une récompense suite à un

effort qui coûte mais qui est productif. La notion de « stress » occupe une grande place

dans l‟étiologie de la « mauvaise » fatigue [76].

Elle est également non spécifique. En effet, elle survient dans de nombreuses

pathologies: infectieuse, toxique, cancéreuse, inflammatoire, pathologies endocriniennes

et métaboliques, pathologies du sommeil, dépression, pathologies neurologiques. Dans

de nombreux cas, il existe une association de facteurs étiologiques. On distinguera la

fatigue primaire (en rapport direct avec la cause) et la fatigue secondaire (liée à des

facteurs aggravants).

L‟existence de différents synonymes usuels : manque d‟énergie ou de motivation,

faiblesse, fatigabilité, envie de dormir, lassitude, ennui, anhédonie, aboulie,

épuisement… illustre chacune de ses nombreuses facettes. La fatigue s‟accompagne

d‟irritabilité, d‟impatience, de maladresse…

Page 12: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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Ce phénomène psychophysiologique peut être aigu (défini comme l‟apparition ou

l‟aggravation de la fatigue depuis six semaines ou moins) ou chronique (présente plus de

50 % du temps, pendant plus de six mois). La fatigue aiguë peut être vue comme

l’augmentation du coût neuromusculaire, métabolique ou psychologique, nécessaire

à la réalisation d‟une tâche et/ou l‟impossibilité de réaliser cette tâche. Elle apparaît

lorsqu‟il existe une inadéquation entre la réserve énergétique et le coût énergétique

nécessaire à la réalisation d‟un objectif donné.

La fatigue nerveuse implique toutes les étapes situées en amont de la jonction

neuromusculaire. La fatigue centrale concerne parfois tous les phénomènes

anatomiquement au dessus du bulbe, plus souvent elle englobe la moelle épinière. Des

afférences périphériques interfèrent communément avec les mécanismes supra spinaux.

La fatigue périphérique fait quant à elle référence à l‟altération potentielle de la

propagation neuromusculaire, du couplage excitation-contraction, de la disponibilité

en substrats ou du flux sanguin ainsi qu‟aux modifications possibles du milieu

intracellulaire et de l‟appareil contractile.

L‟installation de la fatigue aiguë est donc complexe et souvent multiple. Il est admis que

son amplitude et ses origines sont spécifiques à l’exercice réalisé. Si aucun des sites

n‟est en général responsable seul des pertes de force, leur implication relative dépend du

type même de fatigue.

La fatigue peut dégénérer en épuisement chronique qui constitue l‟état ultime

dans lequel les sensations de fatigue peuvent persister plusieurs semaines malgré le

repos de l‟individu en question.

La fatigue psychologique peut se traduire par une réduction de la motivation,

de l‟enthousiasme, ou par de l’ennui qui se produit dans les situations telles que l‟effort,

une activité mentale prolongée, l‟inquiétude ou la dépression chronique.

La caractéristique de la fatigue pathologique est d‟être d’emblée, même sans

effort, manifeste, excessive et de ne pas disparaître après le repos. Elle déséquilibre de

façon durable l‟organisme, le privant de récupération. Elle a des conséquences sur la vie

quotidienne.

Page 13: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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1. Introduction

Pour toute personne en bonne santé, la sensation de fatigue s‟accompagne d‟une

envie irrésistible de se reposer. Cette réaction est probablement une précaution devant

l‟excès d‟exercice pouvant provoquer des dommages physiques ou psychologiques, ou

peut-être le moment de réparer et compenser ces mêmes dommages. Quand cette fatigue,

expérimentée par la plupart des personnes, s‟accompagne en effet d‟un repos réparateur

et quand elle se dissipe avec l‟arrivée d‟une énergie nouvelle, elle est considérée comme

normale. Le problème se pose quand la fatigue arrive disproportionnée par rapport au

travail fourni, quand elle ne cède pas avec le repos, et quand accompagnant l‟individu

toute la journée, elle interfère avec ses activités.

Ce symptôme tient une place particulière dans la médecine moderne. C‟est une

expérience intime, universelle et extrêmement fréquente qui est difficilement mesurable

objectivement. Il est également non spécifique. La ressemblance avec la « douleur » est

frappante. La douleur qui annonce comme une alarme la maladie, initie le raisonnement

médical, il faut comprendre pour guérir ce qui fait mal. Mais le traitement symptomatique

avec l‟utilisation en particulier de la morphine n‟a été l‟objet de long débats, que très

tardivement. En 1847, à l‟occasion d‟une séance de l‟Académie des sciences, Magendie

déclare : « Que les gens souffrent plus ou moins, en quoi cela peut-il intéresser

l‟Académie des sciences ? » [46] Ceci semble actuellement inexplicable, à tel point qu‟il

nous est tous arrivé de considérer nos anciennes pratiques comme inacceptables. Le

traitement de la douleur aussi bien aiguë que chronique est aujourd‟hui acquis.

L‟analogie avec la fatigue est-elle possible ? C‟est notre première hypothèse. Ne faut-il

pas initier le débat au plus tôt ?

Page 14: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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La question de la fatigue bénéficie d‟un intérêt croissant. Les publications

scientifiques ont abondé en 2006 puis 2007, bien plus encore en 2008. Les points de

départ de ces réflexions sont variés et sans aucun doute secondaires à une demande des

patients. Il n‟y a pas pour le moment de consensus sur la définition de la fatigue ce qui

complique terriblement la discussion entre spécialités, acteurs de santé et chercheurs. Elle

a été particulièrement étudiée en médecine du travail afin d‟élaborer le code du travail.

Elle fait l‟objet d‟une recherche approfondie en médecine du sport depuis de nombreuses

années. Elle est une étape indispensable à franchir pour les patients de rééducation. Elle

accompagne inexorablement le malade atteint de sclérose en plaques ou de polyarthrite

rhumatoïde. Elle devient la principale plainte des patients de cancérologie. Il existe bien

quelques traitements contre la fatigue, mais les études évaluant ces traitements sont

rares : les traitements les plus prometteurs sont avant tout des psychotropes. Il est certain

que l‟approche du problème à travers plusieurs modèles enrichit la compréhension du

phénomène « fatigue », mais il n‟existe pas ou très peu de coordination pour ce sujet. Il

est possible aussi que sous le terme « fatigue » se cachent en réalité des phénomènes tout

à fait distincts.

En médecine générale la fatigue est un motif de consultation dans 1.3 %

des cas (soit 65000 consultations par jour en France [63]) et est présente chez 41% des

patients [12], et ce chiffre risque d‟augmenter en raison de la chronicisation de

nombreuses affections. En pédiatrie, le motif de fatigue représente entre 10 et 25% des

consultations [11]. Le généraliste se sent actuellement trop souvent démuni alors que

cette consultation relève entièrement du rôle du médecin traitant [87]. Etant en première

ligne, il est de son devoir de savoir réagir devant une telle plainte. Cette mission est

d‟autant plus difficile que la question de la fatigue soulève le problème du coût pour la

collectivité, un problème majeur d‟éthique et de société, le problème de l‟automédication,

de la drogue et du dopage. Où s‟arrête la fatigue normale, où commence la fatigue

pathologique ? « Commander à la maladie c‟est en connaître les rapports avec l‟état

normal que l‟homme vivant -et aimant la vie- souhaite de restaurer » [18].

Page 15: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

15

En premier lieu je souhaite faire le point sur la demande du patient. A l‟aide d‟un

questionnaire, je vais essayer de mieux comprendre l‟attente des malades face à la

fatigue. L‟objectif premier est d‟évaluer la position des sujets interrogés vis-à-vis d‟un

éventuel traitement symptomatique de la fatigue dont nous faisons l‟hypothèse qu‟il sera

psychotrope (deuxième hypothèse).

Il s‟agit ensuite de faire une revue des discussions médicales sur la fatigue, afin de

faire ressortir les principales facettes du phénomène, notamment sur le plan

physiologique et physiopathologique. La discussion a pour objectif de confronter les

résultats de l‟enquête aux résultats de la recherche médicale sur la « fatigue », et aux

réflexions éthiques et sociologiques. Un traitement symptomatique de la fatigue doit-il

être envisagé ?

Page 16: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

16

2. Matériel et méthode

1. Enquête d‟opinion

Le premier objectif est l‟étude des représentations de la fatigue par les patients

(malades ou non), de leurs attentes, et de leurs positions face au traitement

symptomatique et plus particulièrement psychotrope. Un questionnaire a été élaboré avec

l‟aide du Docteur Gourarier (psychiatre) et après discussion avec Mlle Segond (en DEA

de sociologie à l‟université Paris VI ) et M. Zalewski (journaliste au journal METRO). Je

me suis référé aux guidelines for the design of on-line questionnaires du NRC (national

research council canada) [77]. Nous avons également suivi les recommandations trouvées

sur le site Internet de l‟Ipsos [111], sur le réseau animafac (réunion d‟associations) [112].

Nous nous sommes reportés au cours de méthodologie de l‟enquête du D.E.A d‟éthique

médicale de la faculté de médecine Necker-Enfants-Malades (Paris V) [37]. Nous

effectuons donc une étude descriptive grâce à une enquête transversale par sondage.

L‟objectif de l‟enquête est de répondre aux questions suivantes :

-Quelle est la limite du normal et du pathologique pour les sondés ? Autrement dit,

quand la fatigue devient-elle une plainte médicale, Y a-t-il une bonne et une

mauvaise fatigue ?

-Existe-t-il une ressemblance avec la douleur ? Faut-il traiter la fatigue avec un

traitement symptomatique ? Dans quelles circonstances ?

-Quelle est la représentation du risque ? Ont-ils une expérience du traitement

psychotrope ? Y a-t-il un risque de dopage ? Peut-il y avoir une perte de liberté ?

Page 17: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

17

Le questionnaire vise la population générale française sans aucun critère

d‟inclusion. Il n‟y a pas eu de contrôle sur la nationalité ni sur la domiciliation, nous

avons considéré que le questionnaire en français a limité l‟échantillonnage aux

francophones. Les sondés sont recrutés via le réseau Internet auprès de forums de

discussion et de proche en proche, sur la base du volontariat : du 1er novembre 2007 au

30 juin 2008. Nous avons privilégié l‟enquête en ligne pour différentes raisons. D‟abord

pour l‟accessibilité, la facilité d‟utilisation, le bon respect de l‟anonymat et du

volontariat. Le programme utilisé présente les questions conformément aux

recommandations. Il permet également une acquisition et une gestion plus facile d‟une

base de données de qualité.

Afin de palier le biais de recrutement nous avons également proposé le questionnaire en

salle d‟attente d‟un cabinet de médecine générale pendant 2mois (mai-juin 2008) toujours

sur le volontariat, sans entretien ni explication.

Le questionnaire comprend 30 questions. Il est présenté par quelques lignes

volontairement réductrices afin d‟attirer l‟attention de l‟enquêté, et d‟attiser sa curiosité.

Les premières questions ont pour objectif de confirmer le sujet et de situer le patient face

au symptôme "fatigue". La question 13 est une question ouverte pour que la personne

interrogée puisse s‟exprimer sur la fatigue normale et pathologique. Les questions ont été

ordonnées d‟abord pour sensibiliser le lecteur sur la question du traitement psychotrope,

sur le traitement de la douleur, sur la notion de traitement symptomatique et au final pour

recueillir son opinion sur le traitement symptomatique de la fatigue. La dernière question

est ouverte à tout commentaire, avant les remerciements.

Il a été très difficile de réduire le fossé entre les termes médicaux et le langage courant.

Pour interpréter les résultats il est plus facile de faire correspondre les termes du langage

courant à des concepts médicaux. Sachant cela, le risque est important de modeler déjà

dans la question la représentation qu‟a le patient de la « fatigue » et du « traitement

symptomatique ».

Page 18: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

18

Ceci est d‟autant plus important à appréhender, que nous avons imposé la ressemblance

avec la douleur dans notre hypothèse de départ. Nous avons jugé judicieux de poser la

question du traitement symptomatique de la fatigue de plusieurs manières différentes,

afin de laisser la liberté d‟incohérence à la personne interrogée. Nous avons estimé

nécessaire de poser la question sur l‟analogie avec la douleur très rapidement afin que la

personne exprime plus spontanément son désaccord.

Nous avons veillé à ce que les questions posées n‟induisent a priori pas de bonne ni de

mauvaise réponse, de telle sorte que la personne sondée ne se sente pas testée. Il n‟y a pas

à craindre de réponse de mise en valeur. Il n‟y a pas de question indiscrète faisant

redouter une réticence à répondre.

Il y a 28 questions à choix multiples et 2 questions ouvertes. La qualité et la quantité

des réponses à ces 2 questions reflèteront le sérieux et la motivation des sondés. 26

questions sont à réponse obligatoire, les 2 questions ouvertes ne le sont pas. Pour les

questions à choix multiples les réponses sont variablement en nombre pair ou impair, afin

de ne pas concentrer les réponses au centre (ne sait pas, peut-être, moyen…). Le

questionnaire est bien sur anonyme. La personne interrogée est libre de quitter l‟enquête à

tout moment. Si le questionnaire n‟est pas mené jusqu‟au bout, les réponses ne seront pas

enregistrées. Le temps pour répondre à l‟enquête est mesuré, il n‟y a pas de durée limite.

Avant sont lancement le questionnaire a été présenté à 6 personnes non initiées afin de

recueillir leurs impressions.

Noter que la question 7 a été ajoutée au questionnaire vers la 200e réponse. Nous avons

perçu l‟importance de cette représentation que secondairement.

Les statistiques ont été effectuées avec l‟aide de Dr. Lévy (hôpital Ambroise Paré) et de

programmes informatiques standards. Une analyse multi-variée, permettrait de distinguer

les facteurs concomitants à la réponse positive ou négative aux questions principales et

ainsi de contourner le biais de recrutement (Q20, Q21, Q26, Q27) : faut-il traiter la

fatigue comme la douleur ? Cette analyse en précision est coûteuse en temps, une

première approche globale est suffisante pour notre argumentation.

Page 19: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

19

2. Recherche bibliographique

Une recherche sur PubMed a été réalisée entre septembre 2006 et mai 2008 avec les

mots clés : fatigue, asthenia, asthénie, scale, échelle dans un premier temps ; puis en

association avec polyarthrite, sclérose en plaques, parkinson, treatment, cancer,

sleepiness, sleep, physiopathology, méthylphénidate, amphétamines, hypoxemia,

muscle… La nécessité d‟examiner les hypothèses physiopathologiques de la fatigue dans

différentes spécialités médicales, fait que nous avons privilégié les revues d‟articles, et

les articles traitant surtout de la fatigue ressentie par les patients (subjective). La fatigue

objective, souvent mesurée par la force musculaire ou autre méthodes biomécaniques, est

largement représentée dans la littérature. Les articles très spécialisés, rapportant des

expériences très précises, dont les résultats ne sont encore que ponctuels n‟ont pas été lus

dans le détail et seront brièvement exposés. Une sélection d‟articles référencés a

également été analysée.

Nous avons consulté l‟annuaire des thèses de la Bibliothèque Inter-Universitaire

de Médecine.

Une recherche par amazone.fr a été plus fructueuse qu‟en bibliothèque où le mot

clef « fatigue » fait majoritairement référence à des articles de physique des matériaux ou

au syndrome de fatigue chronique (SFC).

Au total il est difficile de dire combien d‟articles traitent exactement du traitement

symptomatique de la fatigue. Les revues d‟articles sur la fatigue son rares. Mais les

publications sur la physiopathologie de la fatigue sont de plus en plus nombreuses car

l‟intérêt pour le vécu des patients sur le plan de la fatigue et en terme de qualité de vie est

en forte croissance. Les essais sur les traitements symptomatiques de la fatigue sont très

rares, ou bien rapportent un effet positif du traitement étiologique sur la fatigue.

En médecine générale seulement 4 thèses soutenues à Paris et à Toulouse ont été retenues

sur le sujet.

Il existe étonnamment très peu d‟ouvrage de vulgarisation sur la fatigue. Le sujet est

certainement traité en partie dans les ouvrages sur le « bien être » qui foisonnent en

librairie.

Page 20: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

20

Dans les écrits de la littérature française ou étrangère seuls 2 essais philosophiques [26,

62] ont retenu mon attention. Il est clair qu‟une étude approfondie de l‟ensemble de ces

textes permettrait certainement une analyse fine du ressenti parfois très intime de la

fatigue, ainsi que l‟évolution de ses représentations en fonction du niveau social, et dans

le temps. Il existe de nombreux travaux de sociologie, sur la fatigue et le travail, le

dopage, et les addictions, dont je me suis amplement inspiré pour la discussion [44, 46,

70, 75, 76...].

L‟objectif de la recherche bibliographique a été d‟abord de faire le point sur la

physiopathologie de la fatigue. Par quels phénomènes sommes nous fatigués ? La

distinction avec une description des étiologies n‟est pas évidente quand on sait que la

fatigue est polyfactorielle. Nous nous efforcerons de présenter les résultats en restant le

plus près possible du symptôme et du ressenti tout en analysant les différents modèles

que nous fournissent les pathologies. Il n‟y aura donc pas de liste exhaustive des

étiologies de la fatigue ni de démarche diagnostique devant le symptôme. Nous

présenterons les modèles organe par organe pour plus de simplicité, mais il est évident

qu‟il risque d‟y avoir des recoupements, des répétitions, et des inclassables.

Cette étude de la littérature médicale est nécessaire pour mieux comprendre la genèse de

la fatigue, et de son caractère pathologique. La compréhension du pathologique passe

forcément par une définition de la norme suivant les recommandations de Comte [18]. La

physiologie est un moyen inévitable. Mais la probabilité d‟établir une continuité entre la

fatigue normale et pathologique est très grande, et risque de compliquer la présentation.

Sachant cela, nous exposerons sans a priori, indifféremment les modèles de fatigue

normale ou pathologique.

Enfin il s‟agit de justifier aussi la seconde hypothèse : un traitement symptomatique de la

fatigue est un psychotrope. Pour cela je vais essayer d‟intégrer les traitements

actuellement proposés dans notre analyse de la physiologie.

Page 21: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

21

La fatigue, un symptôme inquiétant Aux Pays-Bas, Feyen (1994) situe la fatigue à la sixième place dans la liste des

plaintes en médecine générale, même si le patient ne consulte pas nécessairement son

médecin pour ce symptôme. La fatigue se trouve à la 8e place des motifs de consultation

au Canada (Cathébras 1992) [113].

Aux Etats Unis elle est la septième cause de consultation (National ambulatory medical

care survey). Elle représenterait en tant que symptôme isolé 1 à 3 % des motifs de

consultations médicales.

Ses caractéristiques épidémiologiques sont peu connues en France. Des données sont

présentées sur la prévalence de la fatigue dans un échantillon de 3 784 patients consultant

367 médecins généralistes à travers la France (R. FUHRER 1994). Si 41,2% des patients

ont déclaré avoir ressenti au moins un des symptômes de fatigue, on trouve seulement

7,6% qui se sont présentés à leur médecin avec des plaintes de fatigue. Les femmes s'en

plaignent plus souvent, mais elles ne consultent pas plus souvent pour cette raison. Pour

les hommes, l'âge a une très forte association avec la fatigue comme motif de

consultation et comme diagnostic

Dans d‟autres études citées dans la recommandation belge, la prévalence varie entre

6,9 et 30%, généralement aux alentours de 20 %. [113]

P. Cathebras observe dans une consultation de médecine générale hospitalière à Montréal

une prévalence de la fatigue de 13,6 %, la fatigue étant le motif de consultation

prédominant dans 6,7 % des cas.

Malgré les progrès techniques constants de la médecine, une cause pour la fatigue ne

serait mise en évidence que dans 50 % des cas (Feyen 1994). Il est aussi important de

noter que seulement 1% de la population souffrant de fatigue significative s‟inscrit dans

la définition du SFC (0,2 % de la population générale).

D. W. Bates (Brighan and women‟s hosp. Boston) observe que sur une cohorte de 995

patients se présentant à une consultation hospitalière de médecine générale, 27 % se

plaignent d‟une fatigue inhabituelle interférant avec leur mode de vie. Apres l‟examen du

malade et des éléments de son dossier 85 soit 8,5 % ont une fatigue apparemment

inexpliquée.

Les performances du patient fatigue sont diminuées, ses arrêts de travail sont plus

fréquents et plus longs, sa consommation de médicaments est augmentée. D‟une façon ou

d‟une autre, cela se répercute sur l‟entourage et le fonctionnement psychosocial du

patient. Les patients fatigués font deux à trois fois plus appel à des soins médicaux

ambulatoires, reçoivent deux fois plus de prescriptions médicales et sont hospitalisés

deux fois plus souvent [113].

La littérature nous confirme, avec de nombreux exemples, que la fatigue est un mal

incontournable de la médecine du XXIe siècle, toutes spécialités confondues.

Page 22: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

22

3. Résultats de l’enquête d’opinion

3.1. L‟échantillon

Nous avons pu réunir 382 réponses : 293 réponses par Internet et 89 par

questionnaire papier dans le cabinet de médecine générale, 173 hommes et 209 femmes.

Toutes les tranches d‟age sont représentées, mais la moitié des réponses correspond aux

25-40 ans. 97% ont entre 18 et 70 ans.

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

1 2 3 4 5 6

categorie

age

- 14ans n=1

14-18ans n=6

18-25ans n=70

25-40ans n=197

40-70ans n=103

+70ans n=5

sexe

femmes n=209,

55%

hommes n=173,

45%

n=

Page 23: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

23

Sur les 33 catégories professionnelles proposées seulement 4 ne sont pas représentées :

artisans, religieux, ouvriers agricoles et retraités anciens agriculteurs. (Voir Annexe III)

Nous avons obtenu 135 et 191 réponses aux questions ouvertes n°13 et n°30, alors

que la réponse n‟était pas obligatoire. Ceci montre l‟intérêt qu‟ont eu les personnes

interrogées pour le sujet. Nous avons reçu plusieurs commentaires, par mail et à l‟oral

dans le cabinet : tous ont trouvé le sujet très intéressant et se sont sentis concernés par le

problème mais avouent ne pas s‟être posés la question auparavant.

88% de réponses positives à la question n°1 : « je ne sais pas ce qui m‟arrive, mais je suis

fatigué ». Les réponses aux questions ouvertes sont à de rares exceptions près toutes

sérieuses.

Il faut noter que les questionnaires papier ont tous été bien remplis, avec peu de résultats

incomplets.

Il n‟existe pas de lien de corrélation entre les réponses aux questions 6, 8 et 9.

Les réponses aux questions principales ne semblent pas modifiées en fonction de la

réponse à l‟une de ces 3 questions.

Les sportifs non plus, n‟ont pas de réponses différentes à celles des non sportifs. (42,41%

de sportifs.)

Les résultats sont similaires en fonction de mode de réponse (en cabinet ou par Internet).

35 % des personnes interrogées ont déjà consulté pour fatigue.

0

50

100

150

200

250

300

Av ez v ous deja consulte pour une f atigue

inexpliquee?

Pensez-v ous qu'il suf f it d'une bonne nuit

de sommeil reparateur pour corriger la

f atigue?

Av ez-v ous ou un proche a-t-il ete attteint

d'une maladie grav e?

Non

Oui

Q6 Q9 Q8

n=

Page 24: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

24

Le temps moyen de réponse sur Internet a été de 9minutes, conformément aux

recommandations, afin de ne pas lasser la personne interrogée.

Quelques personnes ont eu peur de « mal » répondre.

3 personnes ont eu l‟impression que la manière dont les questions étaient posées et

surtout le choix des réponses, orientait leur décision, en particulier pour la question n°29.

Quelques personnes ont été très logiquement perturbées par le terme „céphalées‟.

Le programme informatique n‟a pas fonctionné comme souhaité pour la question

n°24, puisqu‟il a fallu donner une réponse même en répondant non à la question n°23.

Il y a eu une confusion dans les questions n°28 et n°29, les personnes ne devaient

répondre qu‟à une seule des deux, mais la consigne n‟a pas toujours été respectée. Il y a

donc respectivement 319 et 302 réponses : nous proposons un résultat simplement en

additionnant les réponses.

-Pensez vous qu‟une bonne gestion des traitements est possible, avec un minimum d‟effets secondaires, en

respectant l‟attente du patient? Ou craignez-vous de mauvais diagnostics et de graves effets secondaires?

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

Q28-29

oui tout à fait, je pense que

c'est possible.

plutot positif

c'est à craindre, mais il faut

poursuivre les recherches

plutot inquiet

tout ceci me semble

extravagant et irrealisable

c'est scandaleux, nous irions

droit dans le mur

sans avis

n=

Page 25: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

25

3.2. Résultats des questions n°13 et n°30

Une des questions secondaires était à propos de la limite de la fatigue normale et de

la fatigue pathologique.

-Pour de nombreuses personnes, la fatigue normale cède avec le repos et après une bonne

nuit de sommeil. Elle est due « aux excès en tout genre ».

Elle est normale « quand le moral est bon », qu‟il n‟y a pas de dépression et « qu‟on peut

prendre sur soi. Il est admis qu‟elle est dépendante de la « volonté ». On peut lire parfois

qu‟elle est subjective, et sans cause médicale ou bien claire retrouvée…

55,7% acceptent le critère du repos pour juger la fatigue pathologique (question n°11). En

lisant les réponses à la question n°13 des personnes qui ont dit non, on s‟aperçoit que la

question a été peut-être mal comprise. Le critère du repos est assez largement accepté,

mais pas de manière unanime.

-La fatigue pathologique est automatiquement considérée comme l‟inverse.

Elle résiste au sommeil et au repos, elle se prolonge dans le temps, « touche la totalité du

corps ». Elle « commence dès le matin » ou au moindre effort. Elle est « constante et

invariable », quelque soit l‟instant ou le lieu. Un argument fort est la persistance de la

fatigue en vacances.

Certains insistent sur le fait qu‟elle empêche l‟action, coupe l‟envie, et induit la déprime.

Si la fatigue normale est à cause de l‟excès d‟activité, la fatigue pathologique est la

conséquence d‟une carence d‟apports. Elle est « indépendante de la volonté ».

0

10

20

30

40

50

60

On a l'habitude de dist inguer la

fat igue patho lo gique de la

fat igue no rmale, sur le critere de

la recuperat io n par le repo s.

Est-ce un bo n critere?

On aime dist inguer la fat igue

physique de la fat igue

psycho lo gique. Est-ce un

meilleur critere de def init io n du

no rmal et du patho lo gique?

oui

non, c'est un continuum

non, il doit exister un meilleur

critere

Q11 Q12

%

Page 26: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

26

-On retrouve souvent la remarque que « seul le patient peut savoir si ce qu‟il ressent est

normal ou pathologique », que la fatigue devient pathologique « quand elle est considérée

comme un handicap ». Très rares sont les personnes qui considèrent l‟aspect social, et la

bonne adaptation à l‟environnement comme un critère.

Quelques personnes évoquent l‟aspect exogène de la fatigue normale et l‟aspect

endogène du pathologique.

-La question n°12 obtient 37,4% de réponses positives. Faire la distinction entre normal

et pathologique avec les dimensions physique et psychologique prête à confusions. 22%

pensent qu‟il existe un passage progressif vers le pathologique, mais ne rejettent pas le

critère.

-La question n°7 a été ajoutée au cours de l‟enquête : 90,8% des personnes pensent qu‟il

existe une bonne et une mauvaise fatigue.

La dernière question (n°30) avait pour objectif de laisser les personnes s‟exprimer

sur le risque social que représente l‟arrivée d‟un traitement symptomatique contre la

fatigue, avec une pointe d‟humour.

-une vingtaine de personnes n‟a pas compris la question, et a répondu d‟un point

d‟interrogation, mais ceux-ci ne sont pas comptabilisés dans les réponses.

-La très grande majorité des personnes refuse de confondre fatigue et paresse. Pour eux la

question ne se pose pas, le paresseux n‟est pas fatigué et n‟est donc pas candidat au

traitement. « La fatigue n‟a rien à voir avec la paresse. » Ils appellent au respect de la

paresse, ils réagissent fortement car la paresse n‟est pas une maladie, et certains parlent

même d‟« art de vivre » ou simplement de « nature humaine ». Car « la vie n‟est pas le

tour de France, ce n‟est pas une performance ! »

La paresse est très facilement mise en opposition avec la « motivation personnelle».

-Certains pensent que les paresseux resteront des paresseux, résistants et accrochés à leur

« philosophie », d‟autres imaginent bien « qu‟ils n‟auront plus d‟excuses ». « Tant que

les traitements ne seront pas obligatoires, ils garderont leur paresse en toute liberté. »

-Seulement une dizaine de personnes sentent qu‟ils seront « en menace d‟extinction »,

« les chefs moins fatigués, les harcèleront pour qu‟ils se mettent à bosser ! », « ils seront

exclus de la société », « ils seront stigmatisés ».

Page 27: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

27

3.3. Réponses aux questions principales

Quelle est la représentation du risque et quelle est l‟expérience des psychotropes ?

A la question n°15, sur l‟efficacité d‟un traitement médicamenteux contre la dépression,

seulement 27% des personnes interrogées ont répondu oui, 47% pensent que non et 26%

sont sans avis.

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Pensez-v ous qu'il est ou sera

possible de traiter la depression

av ec un medicament?

Sav iez-v ous que l'heroine et la

morphine sont deux substances

de la meme f amille?

Sav iez-v ous qu'il existe un

risque important

d'accoutumance et de

dependance aux somnif eres, et

qu'ils peuv ent prov oquer de

grav es accidents chez les

personnes agees?

Pensez-v ous que le traitement

de la f atigue peut ressembler au

dopage sportif ?

Si v ous dev iez consulter un

medecin pour f atigue

inhabituelle et qu'il repondait : "je

ne v ois rien de grav e essay ez

de v ous reposer, je v ous rev ois

dans 2 semaines." Seriez-v ous

satisf ait?

Oui

Non

Sans avis

Q15

Q16

Q22

Q23 Q25

%

Page 28: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

28

16,27% (n=62) ont bénéficié d‟un traitement par la morphine et seulement 2 personnes

l‟ont refusé. 80% l‟accepteraient si on leur proposait. 85% des personnes qui savent

que la morphine et l’héroïne sont de la même famille, acceptent ou accepteraient la

prise de morphine.

Pour 92,9% (n=354), le traitement de la douleur est bien entendu un progrès.

93,2% savent que les somnifères peuvent provoquer de graves accidents et exposent

aux risques de dépendance et d’accoutumance.

Enfin 49% des personnes interrogées pensent que le traitement de la fatigue peut

ressembler au dopage sportif. Cela ne modifie en rien leurs réponses aux principales

questions.

195 personnes (51%) pensent qu’on peut craindre des abus, des addictions et de

graves effets secondaires mais qu’il faut poursuivre la recherche pour le traitement

symptomatique de la fatigue. 265 personnes (69,5%) pensent qu‟une bonne gestion de

tels traitements serait possible. Seulement 24 personnes ont exprimé leur désaccord sur

l‟éventualité d‟un traitement symptomatique et 37 leurs inquiétudes.

0102030

405060

708090

100

Le traitement de la

do uleur en general

est- il un pro gres?

A ccepteriez-vo us un

traitement par

mo rphine?

A cceptez-vo us

l'analo gie entre le

traitement de la

do uleur et celui de la

fat igue?

A ctuellement les

pateints de

cancero lo gie se

plaignent davantage

de la fat igue. F aut- il

se battre po ur

so ulager leur fat igue?

oui

non

sans avisQ14 Q18

Q19

Q27

%

Page 29: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

29

Faut-il traiter la fatigue avec un traitement symptomatique ?

D’abord il faut observer que 29,92% des personnes acceptent au premier abord

l’analogie entre la fatigue et la douleur. Ce résultat passe à 43,5% pour les

personnes qui ont expérimenté la morphine.

Quand la question est orientée en parallèle avec la douleur et en insistant sur le traitement

étiologique associé (questions n°20) les réponses sont à 48,5% pour le traitement

symptomatique de la fatigue.

Q20

Q27

Q26 Q21

0102030405060708090

100

Doit-on traiter la fatigue

pathologique comme on

traite la douleur d'une

fracture? Il s'agit de soulager

la douleur avec un

medicament et d'en reparer

la cause.

Un traitement symptomatique

a pour objectif de soulager un

symptome sans se

preoccuper de la cause. Il est

parfois utilise dans l'espoir

d'une guerison spontanee.

Faut-il orienter la recherhce

medicale vers un traitement

symptomatique de la fatigue?

Doit-on traiter la fatigue du

lundi matin comme les

cephalees du vendredi soir

ou l'insomnie saisonniere?

Actuellement les patients de

cancerologie se plaignent

davantage de fatigue. Faut-il

se battre pour soulager leur

fatigue?

o ui, exactement

vaguement o ui

pluto t no n

no n, pas d'acco rd

sans avis

%

Page 30: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

30

En revanche si le traitement symptomatique n‟est pas associé au traitement étiologique

(question n°26), les réponses positives tombent à 27%. Les réponses aux questions n°20

et 26 sont tout à fait cohérentes, on voit sur le schéma ci-dessous un décalage des

réponses vers le refus, mais presque un tiers des personnes n‟ont pas modifié leur

réponse.

Les questions 20 et 26 avaient été formulées différemment dans le but de tromper la

personne interrogée et de semer la confusion. Il est remarquable que d’une question à

l’autre les personnes soient restées concentrées et n’ont pas brutalement inversé leur

tendance, ou n’ont pas répondu de manière aléatoire.

Quand il s‟agit de traiter la fatigue des patients de cancérologie (question n°27), on

obtient 94% de réponses positives. Et pour la fatigue du lundi matin (question n°21),

il y a 21% de réponses positives.

x=Q26-20

Les réponses aux questions 26 et 20 ont été soustraites pour chaque personne puis le résultat dénombré

sachant que oui exactement est cotée 0 vaguement oui=1 plutôt non=2 non pas du tout = 3 sans avis=4

0

20

40

60

80

100

120

-4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4

n=

Page 31: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

31

4. Résultats de la recherche bibliographique

4.1. Le coût énergétique

4.1.1. Le coût énergétique mécanique

L‟insuffisance d‟apports énergétiques : depuis Aristote, nous sommes voués à la

fatigue parce que notre corps passe à l‟acte dans un effort qui toujours a son coût [26].

Une question ce pose, à savoir si les réserves énergétiques en lipides dans les adipocytes

ou en glycogène dans les muscles, peuvent être liés au sentiment de fatigue ? (cf.

myopathies)

Un mois après un AVC la consommation maximale d‟O2 (VO2max) lors d‟un effort

de marche sur tapis roulant en allègement du poids du corps, n‟atteint que 60 % des

valeurs retrouvées pour une population témoin sédentaire équivalente. Cette perte de

puissance semble liée au déconditionnement à l‟effort. Mais les valeurs retrouvées après

six mois n‟atteignent pas celles d‟un groupe témoin sédentaire [27].

Le coût énergétique de la marche du sujet hémiplégique est 1,5 à 2 fois plus important

que celui d‟une marche normale et peut représenter les trois quarts de sa réserve

physiologique. Le coût énergétique des activités de la vie quotidienne chez le sujet

hémiplégique est lui aussi probablement augmenté.

La conjonction de la désadaptation à l‟effort et de l‟augmentation du coût énergétique

aboutit donc à une diminution des capacités fonctionnelles. Autrement dit si chez un sujet

sain la marche soutenue pendant 1 heure coûte 1pomme, elle peut coûter le double chez

le malade et la distance parcourue sera plus petite. Le facteur limitant n‟est certainement

pas le coût à proprement parler mais plus la puissance nécessaire à développer pour

marcher. Nous retrouverons ce problème chez les patients insuffisants respiratoires et/ou

atteints de maladies neuromusculaires.

La notion de coût énergétique fait directement référence à la technique et l‟astuce

biomécanique.

Page 32: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

32

4.1.2. Le coût énergétique cognitif

La réserve énergétique et le coût énergétique nécessaires à la réalisation de tâches

cognitives ne sont pas mesurables par la consommation d‟oxygène. Peut-on se fatiguer de

penser ? (Cf. discussion)

Très peu d‟études s‟intéressent à la question du rapport entre la lésion cérébrale en elle-

même et l‟existence de fatigue. Les données de la littérature sont contradictoires. La

réalité d‟une fatigue primitive n‟est donc pour l‟instant pas prouvée [100]. De manière

instinctive, il est séduisant de penser que si la lésion cérébrale a endommagé différents

chemins cognitifs (cartes cérébrales [45]), le recours à d‟autres chemins pour

"contourner" le déficit, serait à l‟origine de fatigue. On peut comprendre que

l‟augmentation de travail pour une tache cognitive peut compliquer simplement la

réalisation simultanée d‟une autre et provoquer un sentiment de fatigue [69].

La notion d‟épuisement des neuromédiateurs est actuellement discutée [60] (cf.

fatigue centrale). On sait de longue date également que la pensée est l‟activité la moins

coûteuse en énergie.

On évoque le « burn out syndrome » qui est issu du vocabulaire aérospatial. Cette notion

exprime le moment où une fusée, après avoir trop rapidement brûlé tout son carburant,

retombe au sol. Cette métaphore persiste et résiste chez les psychologues [44, 46], mais

sa définition exacte reste floue [43]. Les personnes souffrant de « burn out » acceptent

une interprétation psychosomatique de leurs troubles. Il se distingue de la dépression par

sa disparition à l‟arrêt du travail.

4.1.3. le coût énergétique central ; niveau d‟activation centrale

Certains auteurs émettent l‟hypothèse que la déafférentation et la paralysie étendue

peuvent être à l‟origine d‟un dysfonctionnement des systèmes d‟activation réticulaire, des

noyaux de la base et du cortex (cf. syndrome de fatigue post poliomyélitique).

Ceci reste l‟objet de controverses. Cependant, en cas de paralysie partielle, les muscles

doivent travailler à une intensité de contraction maximale pour un résultat fonctionnel

utile. Le contrôle volontaire requiert une augmentation et une focalisation du « sens de

l‟effort ». Il y a donc probablement une activation corticale plus élevée, dirigée vers un

nombre réduit de fibres corticospinales et de motoneurones disponibles au-dessous de la

lésion. Cette élévation continue du « sens de l‟effort » pourrait contribuer au

développement de la fatigue chronique, sans lien obligatoire avec la fatigabilité

intrinsèque des fibres musculaires. On rejoint ici une des explications avancées du

syndrome de fatigue chronique. Ce « sens de l‟effort » peut facilement être confondu à

tort avec la notion de motivation ou de vigilance…

Page 33: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

33

Le central activation failure (CAF) traduit la baisse de la contraction musculaire

maximale volontaire (MVC) indépendante des facteurs périphériques. Une secousse

électrique sur un motoneurone provoque une augmentation de la contraction du muscle

au repos comme en MVC. On peut alors calculer le niveau d‟activation central : NA (%)=

[1 Ŕ Amplitude de la secousse surimposée /Amplitude de la secousse au repos] x100.

Après l‟exercice le NA diminue, le CAF augmente [74].

Retenons pour ce paragraphe qu‟il existe peut-être une quantité d‟activité centrale

épuisable. Le CAF est certainement polyfactoriel : il est mesuré aussi bien chez les

patients obèses, chez les patients atteints de SEP (sclérose en plaques), les blessés

médullaires… il est moins évident dans la SLA (sclérose latérale amyotrophique), ou

dans le syndrome de fatigue chronique. [52]

Figure 1 : illustre la mesure de la secousse musculaire au repos puis en contraction

volontaire, suite à une même stimulation du nerf moteur. Il existe une secousse même en

contraction maximale, en début d‟effort : elle traduit le « défaut d‟activation central »

(CAF). Elle augmente avec la durée de l‟exercice ce qui correspond schématiquement à

la fatigue centrale (Cf. figure 2, fatigue centrale.)

Page 34: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

34

4.1.4. Ergothérapie, mesures ergonomiques

L‟éducation à la gestion de l‟activité (répartition des tâches, pauses afin d‟éviter

d‟atteindre un niveau trop important de fatigue), la domotique, les aides techniques, les

aides à domicile, l‟adaptation de l‟environnement (au domicile ou sur le lieu de travail)

vont intervenir lorsque la fatigue par son intensité menace l‟autonomie des patients. Il est

nécessaire de s‟assurer que les activités sont effectuées sans «gaspillage d‟énergie» et en

toute sécurité.

Réduire le coût d‟une activité cognitive par exemple passe par des modifications

cognitivo-comportementales, ou simplement l‟organisation. L‟enseignement de

techniques de relaxation peut être un complément utile pour la gestion du stress source de

fortes dépenses d‟énergie. Cette vision généralisée et très largement acceptée de fatigue

par épuisement des ressources énergétiques, a été le moteur de beaucoup de découvertes

technologiques, et surtout a fait le triomphe du management [44].

Page 35: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

35

4.2. Fatigue et maladies cardiovasculaires

4.2.1. La baisse du débit cardiaque

C‟est en premier lieu l‟inadaptation des débits cardiaques aux besoins de

l‟organisme que nous évoque la fatigue. Quelle que soit l‟origine de l‟insuffisance

cardiaque, les situations sont complexes, intriquées, et font également intervenir la pré-

ou la post- charge. Ainsi la mesure au repos de la fraction d‟éjection ventriculaire qui est

largement utilisée dans le diagnostic de l‟insuffisance cardiaque n‟est pas corrélée à

l‟incapacité d‟effort [20].

La mesure des échanges gazeux au cours de l‟effort est un témoin plus valide et un

facteur pronostique fort, mais elle ne permet pas de distinguer les composantes centrales

(débit cardiaque) et périphériques (différence artério-veineuse en oxygène) de la chaîne

du transport et de l‟utilisation de l‟oxygène. Certaines mesures non invasives en

développement apportent des informations complémentaires sur les anomalies

hémodynamiques à l‟origine de l‟intolérance à l‟effort : paramètres échocardiographiques

au repos et en fin d‟effort couplés au doppler tissulaire, mesure du débit cardiaque

d‟effort par impédancemétrie thoracique et par réinspiration de gaz inerte.

A la baisse du débit correspond avant tout la baisse du transport en oxygène. Ceci

induit une baisse du métabolisme oxydatif grand producteur d‟ATP. Cette baisse du

transport peut également venir de l‟hémoglobine. Nous n‟entrerons pas dans le détail des

étiologies, mais il faut noter qu‟en cancérologie l‟anémie est une cause indépendante de

la fatigue sans rapport avec la baisse du transport en oxygène [97].

La baisse du débit cardiaque entraîne avec certitude la baisse de transport d‟autres

métabolites/catabolites à l‟origine de la fatigue. Prenons l‟exemple de l‟acide lactique qui

a longtemps été considéré comme l‟agent responsable de la fatigue musculaire. On sait

actuellement que son accumulation dans le muscle traduit le dépassement du

métabolisme aérobie par le métabolisme anaérobie : si l‟acide lactique est produit dans

les muscles striés squelettiques, il peut être rapidement utilisé en aérobie par le muscle

cardiaque par exemple. En cas d‟insuffisance cardiaque, les lactates ne sont pas évacués

des muscles striés squelettiques, et le métabolisme aérobie ne sera pas optimisé.

L‟insuffisant cardiaque accumule d‟autres métabolites et force est de constater qu‟il se

fatigue plus vite que ne le prédit sa fonction cardiaque.

La perte de l‟activité physique entraîne la désadaptation à l‟effort. L‟altération du

métabolisme oxydatif musculaire (cf. fatigue musculaire), avec une acidose prématurée

associée à une déplétion en phosphocréatine au cours de l‟effort et un temps de

resynthèse anormalement long de cette phosphocréatine à la phase de récupération, est

particulièrement marquées au cours de l‟insuffisance cardiaque.

La diminution de l‟activité physique est également contemporaine de la symptomatologie d‟effort (angor,

claudication vasculaire, palpitations, malaises…) : le patient limite son activité de façon à ne pas provoquer

une symptomatologie douloureuse anxiogène.

Page 36: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

36

4.2.2. Le réseau artério-veineux

Au cours des maladies cardiovasculaires, une altération de la fonction

endothéliale est à l‟origine d‟une dégradation de l‟adaptation microcirculatoire, comme

l‟altération de la vasodilatation NO dépendante. La conjonction de l‟atteinte musculaire

métabolique et des troubles de la perfusion au cours de l‟insuffisance cardiaque

chronique est plus importante que l‟insuffisance de débit cardiaque dans la pathogénie de

la désadaptation à l‟effort.

Les perturbations neurohormonales, notamment la stimulation des systèmes

nerveux sympathique, rénineŔangiotensineŔaldostérone et arginineŔvasopressine, sont de

plus en plus incriminées dans la pathogénie des maladies cardiovasculaires, en particulier

au cours de l‟insuffisance cardiaque. Elles sont à l‟origine d‟effets délétères multiples qui

vont influer sur la tolérance à l‟effort : vasoconstriction, augmentation des résistances

périphériques, augmentation du volume sanguin, remodelage ventriculaire [20] ; et nous

verrons qu‟elles peuvent être à l‟origine de la fatigue (cf. fatigue humorale).

L‟atteinte respiratoire est fréquente au cours de l‟insuffisance cardiaque sévère,

les anomalies du rapport ventilation/perfusion et de la diffusion alvéolo-capillaire sont à

l‟origine d‟une hyperventilation réflexe délétère. Une dyspnée vient alors aggraver la

fatigue ; elle est le plus souvent corrélée à une augmentation de la pression artérielle

pulmonaire.

L‟insuffisance respiratoire peut être liée à une broncho-pneumopathie chronique

obstructive associée à l‟atteinte cardiovasculaire, les deux affections partageant un

facteur de risque fort, le tabagisme (cf. fatigue et affection pulmonaires).

Page 37: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

37

4.2.3. Le reconditionnement à l‟effort : les effets cardiovasculaires

Il a une place particulière car il intervient sur différentes altérations à l‟origine de la

fatigue physique :

Sur la fonction cardiaque : il existe quatre mécanismes du bénéfice apporté par

l‟exercice [20, 28, 65]. L‟action anti-athérogène : les HDL sont augmentés, LDL et

triglycérides diminués, graisse corporelle diminuée, sensibilité à l‟insuline augmentée,

pression artérielle diminuée. L‟action anti-thrombotique est remarquable ! L‟action anti-

ischémique : les besoins en O2 sont diminués, flux coronaires augmentés, capacité

vasodilatatrice augmentée, circulation collatérale augmentée, inversion de la dysfonction

endothéliale. Enfin l‟action anti-arythmique permet d‟augmenter le tonus vagal et de

baisser l‟activité adrénergique.

On a pu démontrer une diminution des résistances périphériques par réduction de la

dysfonction endothéliale avec une meilleure perfusion musculaire. Elle participe avec la

réactivation de la vasodilatation NO dépendante [97] à l‟amélioration des performances

aérobies.

Il y a une amélioration des capacités respiratoires avec amélioration de la diffusion

alvéolo-capillaire, participant à la régression de la dyspnée.

L‟augmentation des capacités aérobies maximales : augmentation des performances

oxydatives enzymatiques (cf. fatigue musculaire) et de la densité capillaire au niveau des

fibres musculaires striées. La répercussion chez les patients coronariens est remarquable,

également au cours de l‟artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

Chez la personne âgée le déclin cardiovasculaire est inexorable, linéaire. Les myocytes

diminuent en nombre mais augmentent en taille par infiltration de calcium, collagène,

graisse, fibrose, amylose. À 75 ans, ne survit que 10 % du stock des cellules sinusales.

Mais la baisse de la VO2max, d‟environ 10 % par décennie, est secondaire plus à la

détérioration périphérique que cardiaque. Ici réside le secret de l‟énorme bénéfice

d‟activités physiques régulièrement entretenues [28]. À 85 ans, une VO2 de 18

mL/min/kg chez l‟homme, 15 chez la femme est un garant d‟autonomie, soit un « gain »

en qualité de vie chiffrable de 10 à 20 ans.

Les pathologies métaboliques associées aux maladies cardiovasculaires

(dyslipidémies, diabète, obésité) viennent aggraver l‟intolérance à l‟effort,

l‟insulinorésistance étant particulièrement impliquée dans le déconditionnement

musculaire au cours de l‟insuffisance cardiaque [88]. Alors que l‟effet bénéfique de

l‟activité sportive sur ses facteurs est clairement démontré [65].

Ces effets du reconditionnement à l‟effort se traduisent par un recul du seuil de fatigue.

Page 38: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

38

4.3. Fatigue et affections pulmonaires

4.3.1. Distinguer entre fatigue et dyspnée

La fatigue est un symptôme extrêmement fréquent dans les affections respiratoires.

Dans les pathologies obstructives chroniques elle est retrouvée chez plus de 90 % des

patients. Elle est présente dans les pathologies restrictives quelle que soit l‟origine.

L‟analyse de la fatigue est encore plus difficile chez les patients de pneumologie. Il

faut dans un premier temps la distinguer d‟une dyspnée qui peut être associée : difficulté

à respirer, s‟accompagnant d‟une sensation de gène ou d‟oppression.

Il apparaît difficile aux patients de faire la distinction entre l‟impression de fatigue et la

dyspnée. Elles sont dans l‟expérience individuelle souvent accompagnées l‟une par

l‟autre, aussi désagréables l‟une que l‟autre. A tel point qu‟elles peuvent engendrer une

véritable « peur » de l‟effort. La fatigue perçue limite le maintien d‟une activité ou

empêche son initiation, par un phénomène d‟anticipation du désagrément susceptible

d‟être provoqué par cette activité. Il existe bien une relation entre ces deux symptômes,

mais qui n‟est pas parallèle.

Dans le cas d‟une pathologie induisant une fatigue par elle-même, en même temps

qu‟un déficit respiratoire, il est difficile de faire la part, au point de vue de la perte

d‟autonomie fonctionnelle, entre ce qui est dû à l‟affection elle-même et ce qui est dû au

déficit respiratoire entraîné par cette affection. La dyspnée étant le facteur limitant le plus

fréquent à l‟effort avec la douleur musculaire.

Page 39: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

39

4.3.2. Fatigue des muscles respiratoires

Une des sources possibles de fatigue dans les maladies respiratoires est l‟excès de

travail des muscles respiratoires qui se traduit par la diminution des performances de la

ventilation. Elle est le plus souvent liée au surcroît de travail imposé par l‟excès de

résistances. Celles-ci sont constituées par le contenant (cage thoracique) et le contenu

(arbre broncho-pulmonaire).

L‟enraidissement de la cage thoracique est visible dans les déformations thoraciques

(scolioses, cyphose…) et les affections neurologiques et musculaires. Dans l‟emphysème,

ce mécanisme ne peut être évoqué que pour le temps expiratoire. Ces résistances

pariétales peuvent être aussi augmentées par l‟excès de masse abdominale et la distension

gazeuse digestive. Les déformations thoraciques et l‟hyperinflation dynamique, que l‟on

retrouve dans l‟emphysème (pression positive en fin d‟expiration ou PEEPi), modifient la

position du diaphragme et diminuent ses performances.

L‟excès de résistance broncho-pulmonaire est créé par le bronchospasme, la

diminution du calibre bronchique, l‟encombrement bronchique, l‟hyperinflation avec

compression des bronches à l‟expiration. (Enfin, l‟excès de travail des muscles

respiratoires peut également être en rapport avec la dysharmonie du jeu musculaire par

altération de la commande nerveuse et/ou atteinte de la cage thoracique.)

C‟est le diaphragme qui est concerné avant tout par cet excès de travail et le siège

principal de la fatigue physique respiratoire. Les muscles inspirateurs accessoires sont

également touchés puisqu‟ils sont mis en jeu, par compensation, non seulement à l‟effort,

mais aussi au repos (cf. fatigue musculaire). La faiblesse diaphragmatique auto entretient

sa propre fatigue. La baisse du volume courant augmente l‟espace mort relatif et majore

le travail du diaphragme. Quant aux muscles expirateurs, importants notamment pour

lutter contre l‟hyperinflation, ils sont les moins endurants.

La suractivité des muscles respiratoires augmente leur consommation d‟oxygène.

Elle aggrave le déséquilibre entre dépenses et apports puisque leur consommation propre

d‟oxygène peut alors atteindre, au repos, jusqu‟à 50 % de la consommation d‟oxygène

corporelle totale, au détriment de la distribution périphérique.

Il existe donc une compétition entre les muscles respiratoires, déjà surconsommateurs

d‟oxygène au repos, et les muscles périphériques.

De récentes études mettent en évidence une « myopathie » chez les patients BPCO

(broncho-pneumopathie chronique obstructive). Plus que par le déconditionnement à

l‟effort, on a pu décrire l‟augmentation de la part de fibres de type II dans le muscle et

surtout une amyotrophie supérieure à celle des témoins sédentaires. Il y également une

baisse des concentrations d‟enzymes de l‟oxydation. Ces transformations affectent aussi

les muscles respirateurs, augmentent la sensation de dyspnée et donc la sensation de

fatigue…

Page 40: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

40

4.3.3. hypoxémie et fatigue.

L‟apport d‟oxygène et l‟expulsion du CO2 instinctivement sont les premières

conditions pour éviter la fatigue et assurer l‟endurance.

Dans la SEP chez des patients marchant, mais ne se plaignant pas de dyspnée, une

hypercapnie et une hypoxie ont été retrouvées, mais sans corrélation avec la sensation de

fatigue, ni la diminution du périmètre de marche. Si l‟importance de l‟oxygène dans la

contraction musculaire est largement étudiée, nous n‟avons trouvé aucun article traitant

du rôle de l‟hypoxie sur le sentiment même de fatigue. L‟élévation de la PaCO2 n‟est pas

prédictive d‟une fatigabilité augmentée.

La baisse de la ventilation centrale

Un facteur d‟aggravation supplémentaire du déficit d‟apport en oxygène sont les troubles

du contrôle nerveux de la ventilation, qui existent même dans les affections purement

respiratoires. Par exemple, dans la BPCO, la fatigue centrale serait secondaire à la fatigue

musculaire périphérique qui induirait une diminution d‟excitation centrale, réduisant la

fréquence et l‟amplitude du diaphragme, destinée à protéger le diaphragme.

L‟atteinte diaphragmatique est source d‟hypoventilation nocturne, elle-même facteur de

fatigue diurne. L‟accent est mis sur la recherche d‟un SAS -dont on pense qu‟il est cause

de fatigue, en réalité surtout de somnolence- dans les atteintes neurologiques centrales.

La baisse de la ventilation mécanique

La part de l‟atteinte ventilatoire dans la fatigue et le déficit fonctionnel général est

souvent sous-estimée, en clinique courante, lorsque le déficit respiratoire n‟est pas

manifeste [15].

Les abdominaux, insuffisants, ne jouent plus leur rôle de contre appui pour le diaphragme

dans l‟inspiration d‟effort, ce qui diminue l‟expansion thoracique.

Un renforcement électif des inspirateurs et expirateurs améliore la pression inspiratoire

maximale et la pression expiratoire maximale. Les techniques de renforcement analytique

de ces muscles ou d‟endurance (travail avec charge inspiratoire résistive instrumentale

par exemple), sont bien connues et largement pratiquées dans la BPCO. La rééducation

respiratoire améliore grandement la fatigue, la dyspnée, la qualité de la vie et l‟auto-prise

en charge du patient, alors même que l‟amélioration des capacités d‟exercice physique est

modeste.

Echange alvéolo-capillaire

Nous n‟avons pas trouvé d‟étude traitant de la répercussion des troubles de diffusion de

l‟oxygène, sur la fatigue.

Hémodynamique

La fatigue est un signe plutôt tardif dans l‟hypertension artérielle pulmonaire. Il est

difficile de prétendre établir une relation avec les phénomènes pathologiques, ceux-ci

sont particulièrement compliqués dans ce contexte.

Page 41: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

41

4.3.4. conclusion

La fatigue, sensation d‟autant plus désagréable qu‟elle s‟accompagne de dyspnée,

entraîne une restriction des activités physiques, qui fait entrer le patient dans la spirale du

déconditionnement à l‟effort. La fatigue freine les performances physiques

principalement en diminuant le plaisir et la motivation. Elle peut engendrer une véritable

« peur » de l‟effort. La douleur également participe à la kinésiophobie. Elle est

classiquement mise en évidence chez les fibromyalgiques. On assiste à un véritable cercle

vicieux. L‟état de fatigue des personnes atteintes de PR (polyarthrite rhumatoïde)

s‟améliore par la pratique d‟activités aérobies d‟intensité modérée. La sensation

subjective d‟effort perçue après une séance d‟entraînement diminue chez les patients qui

participent régulièrement à un entraînement aérobie d‟intensité modérée [81].

Pour le pneumologue, l‟exercice physique n‟apporte que peu de bénéfices directs.

La diminution de l‟activité physique aggrave l‟encombrement broncho-pulmonaire, la

perte de compliance thoracique et l‟hypoxie. Et il est probable que l‟inactivité de ces

patients conduise à l‟irréversibilité de l‟insuffisance respiratoire. La prise en charge de la

fatigue est donc centrée sur : le traitement de la cause, la diminution du travail

respiratoire, l‟optimisation de principe de l‟oxygénation des tissus, et enfin le

reconditionnement à l‟effort.

4.4. Fatigue musculaire Le muscle est un transformateur d‟énergie, convertissant une énergie chimique en énergie

mécanique et thermique. La fatigue musculaire peut être définie par une diminution de la

performance mécanique. Ceci est perçu par l‟individu. La fatigue peut également être

mesurée comme un retard à la réponse musculaire.

Dans ce chapitre je ne considérerai pas la plaque motrice ni toutes les étapes en amont

comme causes de fatigue musculaire (afin de respecter notre classification).

Avant les années 1970, les notions d‟épuisement des substrats, d‟accumulation de

substances inhibantes ou la rupture d‟un maillon prévalaient, pour expliquer la fatigue

musculaire. Dans les années 1980 le phénomène est perçu comme multiparamétrique et

réversible avec une vitesse et un délai variables. Les années 1990 ont renforcé la notion

de forte plasticité musculaire, de systèmes progressifs de protection, d‟économie et

d‟optimisation, et très récemment de microenvironnements [96]. Les deux processus que

sont la transmission du signal moteur et la chaîne métabolique énergétique se superposent

largement et agissent l‟un sur l‟autre [96].

Page 42: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

42

4.4.1. Fatigue musculaire à l‟effort

Baisse de la stimulation :

À la périphérie, l‟activité électrique de la membrane de surface est le premier site de

défaillance possible : pendant les stimulations de haute fréquence, le flux de potassium

vers l‟extérieur de la cellule est important et, sa concentration extracellulaire peut

localement s‟élever jusqu‟à 9 mmol/l. Il s‟ensuit une dépolarisation partielle de la

membrane musculaire dont le potentiel peut passer de Ŕ80 à Ŕ40 mV. Cette dépolarisation

conduit à une inactivation des canaux sodiques : il s‟ensuit un blocage de la génération du

potentiel d‟action ou au moins une amplitude et une vitesse de propagation réduites le

long des tubules T. Les modifications de l‟onde M mesurées à l‟électromyographie de

surface sont le reflet de ce phénomène [74].

La contraction elle-même va engendrer un rétrocontrôle négatif en différents points [15],

ainsi les contractions musculaires fatigantes s‟accompagnent d‟une diminution de la

fréquence de décharge des motoneurones. La réponse biomécanique d‟un muscle stimulé

de façon répétée évolue en fonction de la fréquence et de la durée de la stimulation.

Baisse de l‟ATP :

Il a été mesuré une baisse du taux d‟ATP chez les patients insuffisants rénaux chroniques,

corrélée avec la plainte de fatigue. Chez les patients de cancérologie, les taux d‟ATP

musculaire sont particulièrement bas en cas d‟anorexie et de cachexie et sont fortement

liés au sentiment de fatigue. Quelques essais de traitement par ATP ou NADH ont été

satisfaisants.

L‟épuisement énergétique peut être la conséquence soit d‟un épuisement des ressources

(exercice exténuant), soit d‟une erreur dans la composition du mélange (glycogénoses et

myopathies lipidiques), d‟une incapacité des mitochondries à débiter le carburant

(myopathies mitochondriales), voire d‟une difficulté à réapprovisionner la cellule en

carburant neuf, suite à un défaut dans le système de vidange du carburant en partie

consommé (AMP) (déficit en myoadénylate désaminase). On peut retrouver à chaque

étape de la chaîne énergétique un déficit enzymatique à l‟origine de la pathologie.

Chez le sujet sain la cellule musculaire maintient à tout prix un rapport ATP/ADP assez

haut pour pouvoir utiliser l‟énergie libre de l‟ATP. Ce qui fait qu‟au cours de l‟exercice

la concentration d‟ATP baisse peu. Lors d‟une contraction soutenue, la phosphocréatine

s‟effondre dans les 15 premières secondes en même temps que s‟élève le phosphate

inorganique (Pi). Mais dans les fibres les plus rapides, l‟ATP diminue de façon

importante. Comme l‟ATP est à 90 % sous forme de MgŔATP, son hydrolyse provoque

une augmentation du Mg2+.

Pour des efforts plus longs la diminution des réserves en glycogène musculaire joue un

rôle à la fois sur la poursuite de l‟exercice mené jusqu‟à l‟épuisement et sur la fatigue

chronique résultant d‟un entraînement intense. Pour des efforts très prolongés la baisse

des réserves en glycogène stimule l‟utilisation d‟autres sources de substrats dont les

acides aminés ou la mise en jeu du cycle des purines nucléotides. Il en résulte une

augmentation de l‟ammoniaque qui est un autre facteur de la fatigue musculaire. Cette

augmentation de l‟ammoniaque stimule l‟uréogenèse hépatique et la production d‟acide

urique [23].

Page 43: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

43

Baisse du calcium disponible :

Avec la fatigue, moins de calcium est libéré ce qui limite le nombre de liaisons actineŔ

myosine formées. L‟élévation du Mg2+ a un effet inhibiteur sur la libération du calcium.

À très faible concentration d‟ATP, la libération du calcium est inhibée. C‟est en fait

l‟association d‟une élévation du Mg2+ et d‟une diminution de l‟ATP et du blocage des

potentiels d‟action qui semble être le facteur inhibant in vivo la libération de calcium.

La baisse du taux d‟ATP permettrait au phosphate inorganique de rentrer dans le

réticulum où il précipiterait en phosphate de calcium, réduisant la quantité de calcium

disponible. Et l‟accumulation intramitochondriale de calcium diminue la capacité de

régénération de l‟ATP.

L‟acidose et l‟hyperammoniémie :

Sur le plan métabolique les changements les plus souvent évoqués sont la baisse du pH et

l‟augmentation du lactate intracellulaire. Cependant, ces variations ne peuvent tout

expliquer puisque les patients atteints de Mc Ardle (qui n‟ont pas de métabolisme

anaérobie) ne sont pas soumis à ces variations mais voient très rapidement apparaître la

fatigue. C‟est en fait probablement une association de petites variations métaboliques

intracellulaires qui pourrait expliquer la fatigue. Les auteurs s‟accordent pour dire que

l‟acidose a une action indirecte sur la fatigue [96].

L‟accumulation de protons limite l‟activité de la pompe Na/K, réduit la probabilité

d‟ouverture des canaux calciques du réticulum sarcoplasmique, gène le recaptage actif du

calcium par le reticulum endoplasmique, diminue le nombre de ponts actine-myosine et

la force de leur liaison, abaisse l‟affinité de la troponine pour l‟ion calcique. L‟ion H+

inhibe l‟enzyme phosphofructokinase et donc le déroulement de la glycolyse.

L‟augmentation du pH est dépendante de l‟efficacité des systèmes tampons, qui restent

peu étudiés (les Pi biprotoniques semblent corrélés à l‟épuisement musculaire). Le

muscle produit de l‟ammoniac à partir de 1‟AMP. L‟ammoniac capte un ion H+ pour

former de l‟ammonium et retarde ainsi l‟acidose musculaire et la fatigue. Cette

production dépend du fonctionnement de deux enzymes, l‟AMP phosphatase et l‟AMP

désaminase, dont le ratio varie selon la capacité oxydative du muscle. L‟accumulation

intracellulaire d‟ammonium* va stimuler la glycolyse, tout en bloquant l‟utilisation

aérobic du pyruvate, mais aussi son recyclage vers la néoglucogenèse. Ceci entraîne une

déviation du métabolisme énergétique vers la formation quasi exclusive de lactates

aboutissant à une véritable impasse métabolique. (Cf. également fatigue centrale et

système GABAergique)

L‟entraînement en endurance améliore le métabolisme oxydatif et réduit les effets

délétères de l‟acidose.

*L‟ammonium est transformé en urée par le foie. Ce mécanisme de détoxication est consommateur de

bicarbonates. L‟élimination de l‟ammonium entretient donc l‟acidose.

Page 44: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

44

Réduction des ponts actine-myosine :

Le ralentissement de la réponse musculaire traduit une altération du fonctionnement des

ponts actineŔmyosine. Noter aussi que les fibres rapides sont plus grosses que les fibres

lentes ; leurs besoins métaboliques sont plus élevés et elles sont donc plus sensibles à la

fatigue.

La décroissance de la tension mécanique du muscle au cours de la fatigue est liée à une

diminution des ponts actineŔmyosine par diminution des réserves en ATP, en

phosphocréatine et en calcium.

L‟épuisement musculaire se traduit cliniquement par l‟apparition de crampes, une perte

de l‟activité électromyographique, et la libération d‟enzymes musculaires dans le sang.

Altération de la fibre musculaire :

La diminution du stock énergétique cellulaire altère le fonctionnement des canaux

membranaires. Le sodium intracellulaire s‟accumule, à l‟origine de l‟œdème des fibres

musculaires. Des enzymes comme la phospholipase A2 altèrent par ailleurs les

membranes cellulaires, ce qui augmente leur perméabilité.

Des modifications de la fibre musculaire apparaissent. Les lésions initiales surviennent au

niveau de l‟appareil contractile avec désintégration des myofibrilles, puis surviennent

l‟altération du cytosquelette et des anomalies du réticulum sarcoplasmique, enfin, une

nécrose des fibres et une réponse inflammatoire. L‟œdème des fibres musculaires peut

augmenter la pression sur les tissus de voisinage et provoquer des troubles de la

microcirculation. Ce qui majore les anomalies métaboliques, induit la libération de

radicaux libres et active des enzymes protéolytiques, aggravant les lésions musculaires

histologiques et la désintégration des myofibrilles.

Au cours de certains efforts, pendant lesquels la force développée est intense, se produit

une ischémie musculaire partielle ou complète, en partie liée à l‟augmentation de

pression intramusculaire.

Il a été démontré que faiblesse musculaire entraîne inévitablement une fatigabilité

accrue. Il est établi que toute fatigue musculaire doit se traduire par une faiblesse

mesurable, ce qui n‟est absolument pas évident… (cf. discussion). Enfin la faiblesse

musculaire -qui peut être d‟origine périphérique ou centrale- peut ne pas être

accompagnée du sentiment de fatigue, alors que la fatigue musculaire l‟est…

Au total, il reste beaucoup de mécanismes à explorer pour comprendre totalement les

phénomènes qui président à l‟apparition de la fatigue [69]. On a observé par exemple des

modifications du système nerveux central chez des patients atteints de myodystrophies,

sans que le lien avec la fatigue ne soit bien établi [98].

Page 45: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

45

4.4.2. Asthénie per et post infectieuse

L‟asthénie post infectieuse est d‟origine multifactorielle : multiplication du virus

dans le muscle, en détournant à son profit le métabolisme musculaire ; persistance virale

au ralenti (rétrovirus, herpes virus...), action des endotoxines bactériennes sur les cellules

et libération massive de cytokines nocives pour le muscle. Et ces différentes anomalies

sont à l‟origine d‟une acidose musculaire intracellulaire et d‟une hyperammoniémie

responsables d‟un dérèglement de l‟équilibre métabolique, véritable cercle vicieux qui

bloque les systèmes producteurs d‟énergie et d‟élimination des déchets métaboliques. Les

physiopathologies de l‟asthénie postinfectieuse et de la fatigue musculaire lors de l‟effort

physique intense présentent de nombreux points communs. [25]

Les cytokines libérées par les macrophages au cours des processus infectieux

stimulent le catabolisme des protéines musculaires et sont impliquées dans le

déclenchement de la fièvre, de l‟anorexie (cf. infra). L‟importance du catabolisme

musculaire est étroitement corrélée à l‟importance et à la durée de la fièvre. Chez les

sujets infectés, la biopsie musculaire montre des lésions aspécifiques mineures. Ceci se

traduit cliniquement par une diminution de la capacité à l‟effort.

Si l‟augmentation de la température dans le muscle s‟accompagne d‟une meilleure

performance, hyperthermie de tout le corps s‟oppose à la bonne extraction de l‟oxygène

par les muscles [85].

Se surajoutent le catabolisme des protéines du muscle cardiaque et les anomalies

circulatoires qui sont générées par l‟alitement. Ces constatations sont reproductibles,

qu‟il s‟agisse d‟une infection d‟origine virale, fréquente, comme la grippe, d‟une

infection bactérienne ou parasitaire comme le paludisme.

L‟hypothèse d‟une action plus ciblée de l‟agent infectieux est peu probable, compte

tenu des observations dans le SFC. De nombreux agents ont été retrouvés : Epstein-Barr

virus (EBV), cytomegalovirus, parvovirus B19, Brucellae, Toxoplasma gondii, C.

burnetii, C. pneumoniae, human herpes virus-6(HHV-6), groupe B coxsackie virus

(CVB), human T cell leukaemia virus II-like virus, spumavirus, entrovirus, hepatitis C

virus, human lentiviruses et l‟herpes virus-7 [40]. On peut donc penser que la fatigue est

fortement liée a la réponse immunitaire (cf. réponse immunitaire). La question se pose

éventuellement pour les virus plus agressifs à l‟origine d‟infections chroniques tels VZV,

HBV, HCV, et surtout HIV.

On peut retenir toutefois que l‟activité RNase a été retrouvée corrélée à la gravité clinique

de certains patients SFC et que l‟amélioration des symptômes s‟accompagnerait d‟une

normalisation de l‟activité enzymatique.

La maladie du sommeil, provoquée par une piqûre de la mouche Tsé-tsé, est une

parasitose, trypanosomiase humaine africaine. Comme son nom l‟indique, elle concerne

plus des troubles de la vigilance et du cycle veille sommeil que la fatigue.

Page 46: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

46

4.4.3. Myopathies

Les myopathies inflammatoires comprennent les dermatomyosites, les polymyosites

les myosites granulomateuses, la myofasciite à macrophages et les fasciites

hyperéosinophiliques (maladie de Shulman, sclérodermie profonde, panniculite lupique,

borréliose, etc.). Le tableau comprend douleurs et faiblesses musculaires, et syndrome

inflammatoire biologique. La fatigue n‟est qu‟au second plan.

Les myosites à inclusions, la myopathie facio-scapulo-humérale, la maladie de

Duchenne et le déficit en dysferline comportent des signes d‟inflammation musculaire

histologiques, mais non biologiques. Les observations physiopathologiques renvoient le

débat sur la résistance à la fatigue non pas à une stratégie d‟économie énergétique, mais à

une notion de tolérance tissulaire à la contrainte mécanique de l‟effort.

4.4.4. Bénéfices de l‟exercice physique

L‟exercice physique a très souvent démontré son action bénéfique sur la fatigue [53].

Fait largement décrit dans la littérature, l‟arrêt des activités physiques s‟accompagne

d‟une modification progressive des fibres musculaires. En plus de l‟amyotrophie, parfois

très rapide, les fibres de types I dites lentes laissent leur place aux fibres de type II dites

rapides. Les premières, riches en enzymes oxydatives sont peu fatigables, les secondes au

contraire sont rapidement fatigables [65].

Ce phénomène est observé dans de nombreuses situations : aussi bien en cas de lésion

médullaire, que dans la fibromyalgie, en passant par l‟insuffisance cardiaque et

respiratoire ou les affection neuromusculaires.

On observe également dans le muscle inactif la présence de mitochondries

hypotrophiques, une réduction des enzymes oxydatives, un ratio abaissé des fibres

musculaires et des capillaires, et une réduction du débit sanguin [3].

Inversement l‟entraînement permet l‟accroissement de la densité capillaire et

mitochondriale, l‟élévation parallèle des enzymes oxydatives et de la myoglobine

facilitant ainsi la diffusion de l‟oxygène vers le compartiment cytoplasmique [80].

L‟entraînement normal, même à haut niveau ne modifie pas les secrétions

hormonales, de manière prolongée, c'est-à-dire moins de 12h. Des dosages anormaux

signent une pathologie ou des apports exogènes. [cours DESC Pr. Martine Duclos] (Cf.

fatigue hormonale).

La sécrétion d‟endorphines survient au-delà du seuil aérobie ou lors d‟efforts dépassant

60 minutes, mais qui pourrait se manifester lors d‟exercices moins intenses pratiqués par

des personnes particulièrement déconditionnées. De là découle l‟augmentation du seuil

de sensibilité douloureuse.

Page 47: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

47

4.5. Fatigue et affections neuromusculaires

La «fatigue» figure parmi les symptômes primitifs les plus fréquemment revendiqués lors

d‟une première consultation neuromusculaire alors même que son origine reste très

diversifiée et souvent mal comprise.

Lorsqu‟un patient fait état de son aptitude physique, le plus souvent il évoque davantage

une limitation par la fatigue plutôt que par le déficit moteur lui-même (idem maladie de

parkinson ou AVC). Les patients atteints de maladies neuromusculaires sont des sujets

par définition très sédentaires et déconditionnés à l‟effort. Or un muscle affaibli par la

maladie neuromusculaire, travaille à l‟occasion des diverses tâches de la vie quotidienne

nécessairement à un pourcentage plus élevé de sa force maximale volontaire que le même

muscle d‟un individu valide (cf. coût énergétique).

4.5.1. La sclérose latérale amyotrophique :

C‟est une maladie dégénérative d‟étiologie inconnue aboutissant à une mort

prématurée du motoneurone central et périphérique. Les patients SLA rapportent une

fatigue indépendamment de leur force physique ou de leurs capacités physiques. Même si

la jonction neuromusculaire n‟apparaît pas affectée, il y a une moindre activation

musculaire par rapport aux contrôles. Le problème est complexifié par l‟atteinte du

motoneurone central, lui aussi responsable de mauvaises performances chez les patients.

4.5.2. Le syndrome post poliomyélitique (SPP)

Après la destruction du motoneurone périphérique par le virus dans la corne

antérieure de la moelle et apparition d‟un déficit moteur, les patients connaissent une

phase de récupération correspondant à la réinnervation distale à partir des motoneurones

sains avec néoformation d‟unités motrices géantes. Après une longue période de stabilité

clinique pouvant durer plusieurs dizaines d‟années (médiane 25 ans), le SPP fait son

apparition correspondant à la négativation de la balance entre les processus de

dénervation et de réinnervation [107]. Ce phénomène semble similaire à celui observé

chez les patients ayant une lésion médullaire. Les muscles innervés par les myotomes

lésionnels sont le siège d‟une atrophie neurogène irréversible, et peuvent bénéficier d‟une

certaine repousse axonale. La préservation de ces muscles détermine largement les

capacités fonctionnelles restantes, mais ils deviennent vulnérables [3].

La fatigue rencontrée chez les patients SPP pourrait correspondre en partie à une

altération de la fonction des jonctions neuromusculaires néoformées (cf. myasthénie).

D‟autres auteurs proposent que la fatigue des patients SPP dépende d‟une atteinte de la

substance réticulée activatrice dans le tronc cérébral à l‟occasion de la phase initiale de la

maladie. Une atteinte centrale avec défaut d‟activation motrice a aussi été discutée et

sous-tendue par la mise en évidence au sein d‟un groupe de 22 patients SPP de lésions

IRM encéphaliques (cf. fatigue centrale)

Page 48: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

48

4.5.3. Les neuropathies périphériques dysimmunes

Elles sont représentées principalement par la polyradiculonévrite aiguë ou syndrome de

Guillain-Barré (SGB) et la polyradiculonévrite chronique (PRNC). La fatigue n‟est

encore une fois pas corrélée au manque de force ou à l‟existence de troubles sensitifs

puisqu‟elle est aussi retrouvée chez plus de 80 % des patients sans déficit sensitivomoteur

[53, 107]. Pour certains, la fatigue rencontrée chez ces patients pourrait correspondre au

contexte de maladie chronique responsable d‟un déconditionnement physique. Ainsi une

prise en charge de rééducation structurée a pu être proposée chez ces patients. Les auteurs

ont observé une diminution de 20 % des scores de fatigue et une amélioration des

échelles de qualité de vie.

4.5.4. La neuropathie sensitivomotrice de Charcot-Marie-Tooth (CMT)

La fatigue des patients CMT est connue de longue date. La physiopathologie de la fatigue

des patients CMT n‟est pas claire. Au cours de cette neuropathie, une atteinte axonale qui

fait le lit du déficit moteur peut s‟installer soit précocement dans les formes axonales soit

secondairement dans les formes démyélinisantes. En étudiant la force des muscles de la

main chez des patients CMT on met en évidence des performances inférieures pour la

main dominante ce qui diffère complètement des témoins. Les auteurs mettent ces

résultats sur le compte d‟une aggravation des lésions du fait d‟une sur-utilisation. Or

comme dans nombre d‟autres maladies neuromusculaires un déconditionnement

musculaire est avancé chez les patients CMT. La mise en place de programmes de

réentraînement chez ces patients a montré que dans la mesure où l‟exercice proposé reste

d‟intensité moyenne et respecte les déficits, les patients améliorent leurs performances

motrices.

4.5.5. Les maladies de la jonction neuromusculaire

La fatigabilité du patient est au centre du problème puisqu‟elle est le maître symptôme

qui conduit au diagnostic. La myasthénie auto-immune est l‟entité la plus fréquente mais

il existe aussi des myasthénies congénitales, le syndrome de Lambert-Eaton ou le

botulisme.

Ces pathologies conduisent à une contraction musculaire diminuée. La situation d‟effort

musculaire augmente le phénomène et explique la fatigabilité de ces patients.

L‟appréhension isolée de la fatigue chez ces patients est donc difficile. Alors que leur

humeur n‟est pas différente de celle des contrôles sains, 50 % des sujets fatigués ont une

fatigue autant physique que mentale. Si l‟origine de la fatigue musculaire des patients

myasthéniques apparaît clairement liée au blocage de la jonction neuromusculaire, la

fatigue intellectuelle est plus difficile à expliquer.

Page 49: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

49

4.5.6. La sclérose en plaques (SEP)

La fatigue est en général peu ou pas du tout corrélée avec les caractéristiques de la

maladie (durée d‟évolution, faiblesse musculaire, ou lésions détectées par IRM). La

fatigue perçue au cours d‟une activité physique ou cognitive n‟est pas fortement corrélée

avec une diminution objective des performances observées. De nombreuses expériences

suggèrent que la fatigue dans la SEP n‟est pas seulement due aux blocs de conduction,

même si cette hypothèse est confirmée par l‟intolérance à la chaleur. Plusieurs causes

potentielles ont été proposées [59, 69, 100, 109]:

Les lésions du SNC sont à l‟origine d‟une diminution du métabolisme dans les

aires préfrontales, le thalamus, et les noyaux gris centraux. Celle-ci s‟associe à de la

fatigue chez les patients atteints de SEP. Les tentatives d‟identification d‟un « centre de

la fatigue » ont été des échecs. Il a aussi été suggéré que l‟exécution d‟activités motrices

ou cognitives requiert une activation plus intense et plus diffuse du SNC dans la SEP.

Même si l‟hypothèse de blocs de conduction complets ou partiels au sein du SNC

comme explication de la fatigue est séduisante, elle n‟a pas été jusqu‟à maintenant

confirmée par des tests neurophysiologiques. La fatigue pourrait être liée à des défauts

d‟interaction fonctionnelle entre le cortex frontal et les noyaux de la base. Le fait que

beaucoup de patients se plaignent d‟une fatigue sévère avant d‟initier toute activité plaide

également contre cette hypothèse ;

Les phénomènes immunitaires : la fatigue intense ressentie au cours des poussées

de SEP suggère que les réactions immunitaires jouent un rôle dans la genèse de la fatigue

(cf. fatigue et réponse immunitaire).

Des perturbations endocriniennes (hypothyroïdie ou dysfonctionnement du

système hypothalamo-hypophysaire), une demande métabolique accrue, ou une atteinte

du système nerveux autonome, ont été citées par certains auteurs comme mécanismes

potentiels. (cf. axe HHS)

En conclusion, aucune hypothèse sur la pathophysiologie de la fatigue dans la

SEP n‟a été suffisamment validée pour s‟imposer comme le mécanisme le plus plausible.

L‟étiologie de la fatigue est multifactorielle, et l‟importance d‟un facteur particulier varie

d‟un individu à l‟autre.

Page 50: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

50

4.6. Les fatigues psychique, psychologique et

centrale

La fatigue psychologique s‟oppose à la fatigue physique, elle sous entend qu‟il n‟y a pas

d‟atteinte somatique, qu‟il n‟y a pas de lésion retrouvée. Il existe sous ce terme

certainement plusieurs phénomènes liés à la culture, au niveau socio-économique, à la

personnalité, à la mode, etc. Car le psychologique sous entend surtout quelque chose de

construit.

La notion de fatigue psychique reste assez floue. Le psychique diffère probablement de

l‟âme qui elle est inépuisable. Il existerait une quantité d‟énergie psychique, comme il

existe une quantité de glycogène dans les muscles (voir aussi coût énergétique).

La fatigue centrale correspond volontiers à un déficit neurologique véritable (normal ou

pathologique). Elle s‟oppose à la fatigue périphérique. Les très grands progrès en

neurosciences rendent toujours plus floue la limite de la psychiatrie et de la neurologie.

Ce serait une erreur d‟entretenir la séparation de ces 3 facettes de la fatigue.

Figure 2 : représente

schématiquement la

force musculaire

mesurable en fonction

de la durée de la

contraction.

Au départ de la

contraction il n‟existe

pas de fatigue centrale à

proprement parler

(puisqu‟il n‟y a pas eu

de travail) : on parle de

CAF (défaut

d‟activation centrale).

La fatigue périphérique

augmente au fur et à

mesure de l‟effort, en

fonction de celui-ci et de

la pathologie.

La fatigue centrale

correspond à

l‟augmentation du CAF

au cours de l‟exercice.

Page 51: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

51

4.6.1. fatigue centrale

La fatigue d‟origine neurologique comprend les facteurs qui s‟étendent de l‟échelon

cortical à la plaque motrice. La notion de fatigue centrale (en terme de localisation)

n‟inclut pas la défaillance de la propagation du motoneurone à la fibre musculaire. Elle

peut être supra spinale ou spinale. La fatigue centrale est physiologique et participe à la

sauvegarde des tissus.

On peut définir la fatigue centrale comme la réduction de la contraction maximale

volontaire qui n‟est pas associée à la même réduction de force maximale obtenue par

stimulation du nerf moteur périphérique [15, 52, 106] (Cf. CAF). La fatigue centrale est

présente dés le début de la contraction maximale volontaire, elle augmente au fur et à

mesure [52, 98]. Certains auteurs appellent fatigue centrale l’augmentation du CAF

[100]. (Voir figure 2).

La notion de fatigue centrale comprend également la réduction des fonctions cognitives.

Celles-ci ne s‟exerçant a priori que dans le SNC, distinguer dans le terme « central »

déficit neurologique, trouble psychiatrique et perte de motivation est illusoire.

Les mesures de fatigue centrale ne sont pas corrélées à la fatigue ressentie par le patient

[52, 98].

L‟ordre moteur a pour origine l‟aire motrice primaire. L‟activité motrice est

programmée dans les aires pré-motrices, et l‟ordre moteur est soumis à des régulations en

boucle de la part des structures sous corticales et du cervelet. Les aires pariétales

postérieures permettent d‟intégrer les informations sensorielles afin d‟adapter le

mouvement. La participation du cortex frontal intègre la motricité dans le vaste processus

des activités cognitives. La moelle épinière est capable de générer une commande

motrice rythmique réflexe, en plus du réflexe myotatique.

Cette description a pour but de montrer que chacune de ces structure est capable de

moduler la commande motrice et donc intervenir sur le sentiment de fatigue.

Il n‟existe actuellement pas de "centre" de la fatigue, certaines régions semblent

avoir un rôle prédominant : la formation réticulaire mésencéphalique serait sévèrement et

constamment atteinte par le virus de la poliomyélite. L‟hypothalamus*, le thalamus, la

substance noire et le locus coeruleus, également responsables de l‟activation corticale,

sont régulièrement évoqués. Mais de nombreuses autres régions sont mises en cause : la

partie rostrale de la formation réticulée, le putamen, les régions périventriculaires, le

lemnisque médian ou le centre semi-ovale…

* Le contrôle de l‟hypothalamus est tellement puissant qu‟il impose l‟arrêt de l‟activité physique volontaire

dépassé une certaine température [85].

Page 52: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

52

La fatigue centrale peut donc s‟exprimer par diminution des performances cognitives

ou baisse d‟excitation des motoneurones. Nous ne savons pas si la fatigue à l‟étage

cérébral est une inhibition d‟un groupe de neurones participants à un schéma complexe

ou s‟il s‟agit d‟une inhibition généralisée. Différents médiateurs sont dans ce sens mis en

cause (sérotonine, moduline, dopamine) [15]. Et la liste ne cesse d‟augmenter : la leptine

est un peptide qui pourrait intervenir dans la modulation de l‟asthénie au cours des

hépatopathies [89]. L‟élévation de la substance P, et la baisse des taux de somatomedine

C, plutôt impliquées dans la douleur, ont-elles un rôle dans la fatigue ? [43]

4.6.2. théorie des neurotransmetteurs

La libération de la dopamine se fait dans des synapses « sociales » : son action est

aussi bien sur le neurone post-synaptique que sur des centaines de neurones avoisinants

[105]. Les voies dopaminergiques jouent un rôle dans la motricité, elles sont à la clef de

la maladie de parkinson. Ces patients se plaignent d‟une importante fatigue indépendante

du déficit moteur. Cette fatigue répondrait favorablement à la lévodopa, soulignant le rôle

étiologique possible d‟un déficit central en dopamine**

[100].

On observe une augmentation de l‟activité dopaminergique au début de l‟effort puis une

baisse au fur et à mesure de l‟épuisement, minimale à l‟arrêt [23, 60]. Le rôle de la baisse

du précurseur immédiat, la tyrosine, est évoqué. Mais la notion d‟épuisement des réserves

en neuromédiateurs est loin d‟être évidente [105, 106].

La responsabilité des catécholamines (cf. adrénaline, noradrénaline) dans la fatigue est

incontestable. Leur administration avant l‟exercice s‟accompagne d‟une augmentation de

la performance dans tous les modèles animaux. Les drogues qui agissent sur leur

métabolisme (Cf. traitements) sont toujours utilisées dans un but de lutte contre la

fatigue, dans un cadre médical, festif ou de toxicomanie (Cf. discussion).

Lors de l‟exercice, le cerveau transforme le glutamate en glutamine afin de limiter

l‟excès d‟ammoniaque. Il y a une diminution du glutamate dans certaines régions

cérébrales. Celui-ci étant le précurseur du GABA (acide gamma amine butyrique), il en

résulte une baisse également de ce neurotransmetteur. C‟est un inhibiteur puissant des

autres neuromédiateurs, et il facilite l‟action des noyaux gris centraux sur la motricité.

Les déficits en GABA jouent un rôle dans la maladie de Parkinson ou la chorée de

Huntington. L‟évolution de l‟axe GABA-glutamate-glutamine au cours de l‟épuisement

est variable suivant les régions du cerveau, le déficit est particulièrement marqué dans le

striatum et le cervelet [60].

**

La physiopathologie de la fatigue dans la maladie de parkinson reste inconnue à ce jour. Elle est

certainement multifactorielle, mais aucune corrélation n‟a été retrouvée avec une dysimmunité. Il n‟y a pas

non plus de lien entre la fatigue et les troubles moteurs [66].

Page 53: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

53

4.6.3. la fatigue mentale : modèle du traumatisme crânien

La gravité globale d‟un TC peut être évaluée à l‟aide du score de coma de

Glasgow. Les séquelles peuvent persister à distance du TC. On observe notamment des

troubles cognitifs. Ces troubles cognitifs sont largement dominés par les troubles de la

mémoire, des fonctions exécutives et de l‟attention. La mémoire à court terme est limitée

lorsqu‟il faut manipuler des éléments de façon simultanée (mémoire de travail). L‟atteinte

de la mémoire à long terme est fréquente. Les conséquences sur la vie quotidienne

peuvent être sévères.

Les troubles attentionnels constituent des déficits fréquents. A noter qu‟on

distingue, parmi les fonctions attentionnelles : l‟attention focalisée, l‟attention divisée,

l‟attention soutenue et l‟alerte phasique. Les lésions diffuses de la substance blanche

seraient responsables d‟un ralentissement du traitement de l‟information et d‟une

diminution des ressources attentionnelles [100, 110].

L‟adaptation dans les situations nouvelles et l‟autocorrection des comportements est

limitée. On assiste à un véritable syndrome dysexécutif. Ces troubles surviennent pour 50

à 70 % des TC graves et peuvent être de gravité variable.

La fatigue mentale est exprimée par différentes plaintes telles que la fatigabilité

pendant la réalisation de tâches cognitives, l‟irritabilité, ou l‟augmentation de la

fréquence des maux de tête. Selon l‟hypothèse du « coping » (adaptation), la fatigue

serait directement secondaire aux troubles cognitifs, et en particulier aux troubles

attentionnels. Plus précisément, la fatigue serait due à l‟effort supplémentaire fourni par

les patients cérébrolésés pour maintenir un bon niveau de performance dans la vie

quotidienne malgré leurs déficits et leur ralentissement. La réalisation d‟une tâche

cognitive nécessiterait une mobilisation importante, un « hyper-effort », pouvant

entraîner une sensation de fatigue. Cette hypothèse du « coping » a été étudiée

expérimentalement par plusieurs auteurs, sans résultats catégoriques [4]. Mais elle est très

régulièrement rapportée dans les articles [100, 110].

Ce phénomène de fatigue mentale semble être une combinaison des 2 notions évoquées

plus haut : coût énergétique cognitif et central. Assurer un calcul nécessite de conserver

les données en mémoire de travail (coût énergétique central augmente) et pour cela avoir

recours à des astuces coûteuses (par exemple revenir à l‟addition pour faire une

multiplication). On peut donc dire que la fatigue mentale est une sollicitation excessive

des processus intellectuels (Cf. burn out).

Page 54: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

54

4.6.4. fatigue et sommeil

Les études sur la population générale confirment que la fatigue et les troubles du

sommeil (subjectivement rapportés par le patient) ne sont pas corrélés. La gravité des

troubles du rythme circadien ou de l‟architecture du sommeil (objectivement mesurés) ne

prédit pas l‟intensité de la fatigue.

La somnolence est une impression très pénible de ne pas être totalement éveillé. Elle se

caractérise par une grande facilité d‟endormissement [67]. Le sommeil s‟élabore à partir

de la fatigue de l‟individu, composante obligatoire, et d‟une composante circadienne qui

conditionne le fléchissement de la vigilance [82].

En cas de fatigue, notre habitude est d‟aller nous reposer, nous coucher voire de dormir

ou pire de regarder la télévision. Ceci est tellement ancré dans notre mode de vie qu‟il

devient difficile, comme pour la dyspnée, de faire la distinction entre la fatigue et la

somnolence.

Les pathologies à l‟origine de troubles secondaires du sommeil, sont nombreuses et

se superposent volontiers avec celles de la fatigue. Il n‟est pas étonnant que la confusion

soit installée. En cancérologie, des troubles du rythme circadien ont été observés et

corrélés avec les scores de fatigue [91, 94]. Cette association a été retrouvée dans le

lupus. Mais bien que la dépression s‟accompagne de troubles du rythme circadien, elle

n‟est pas corrélée avec la fatigue [97]. La prévalence des troubles du sommeil chez les

patients SFC apparaît élevée et participerait à l‟entretien des plaintes

musculosquelettiques [78].

L‟élaboration du processus de sommeil met en jeu de nombreux organes du système

digestif au système nerveux central. Les troubles du rythme circadien s‟accompagnent

forcément d‟une dérégulation des fonctions circadiennes endocriniennes (mélatonine,

cortisol, prolactine, etc.), métaboliques (température ou taux de protéines circulantes) ou

encore immunologiques (cytokines ou leucocytes circulants…). Tout l‟enjeu de la

recherche sur ces points est de décrire les interactions et interdépendances afin de saisir

quels sont, s‟ils existent, les éléments initiateurs.

Pourquoi le sommeil ou le repos sont-ils réparateurs ?

Les traitement médicaux contre l‟insomnie ont comme résultats de réduire le temps

d‟endormissement, le temps de réveil, le nombre de réveils nocturnes, baisser la

somnolence diurne, d‟augmenter la durée de sommeil et certaines études montrent une

amélioration de la qualité de vie. L‟amélioration de la qualité de vie s‟explique par l‟effet

anxiolytique du traitement symptomatique de l‟insomnie [84].

Pr. Dupond au sujet du syndrome de décompression [43] met en garde contre les

comportements de récupération considérés comme salutaires tels la grasse matinée, les

« week-ends télé » ou les vacances programmées « pour ne rien faire ». Il serait

préférable de garder le rythme veille sommeil habituel et de rester en « pression

positive », et de remplacer la mauvaise par de la bonne fatigue ! (cf. discussion).

Bannissant l‟idée que le repos doit être associé à l‟inactivité.

A défaut d‟une explication scientifique sur les mécanismes réparateurs du sommeil, un

constat mérite d‟être rappelé : nous ne sommes pas égaux devant le sommeil. Le besoin

normal de sommeil varie beaucoup d‟un individu à l‟autre, de 5 à 10heures par nuit.

Page 55: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

55

4.6.5. la dépression

Les critères de dépression définis par le DSM IV comprenant des items tels que

fatigue, insomnie et agitation, perte de concentration… nous évoque aussi le syndrome

dysexécutif. Il est donc difficile de faire la part entre les différents symptômes souvent

associés. Ce que représente la dépression a beaucoup évolué ces derniers temps avec les

anti-dépresseurs. Ehrenberg décrit avec précision l‟histoire des anti-dépresseurs [46], et

Dr. Lepasquier (Pitié-salpêtrière) s‟exprime dans le même sens : la dépression est ce que

traitent les anti-dépresseurs. Et progressivement ce qu‟était humeur dépressive et triste

s‟est élargi au syndrome/triade : fatigue-anxiété-dépression.

La dépression est une cause de fatigue aussi bien physique que mentale, et la fatigue

intense affecte terriblement le malade. Dans le lupus, la dépression est le déterminant le

plus important de la fatigue [30]. 30 à 70% des patients SFC présenteraient des signes de

dépression majeure [78], le caractère primitif ou secondaire reste toujours difficile à

déterminer. Mais les études confirment que la fatigue peut être mesurée indépendamment

de la dépression [13, 91]. Comme pour les troubles du sommeil, le problème de l‟élément

initiateur se pose. Ceci d‟autant plus que les travaux sur la dépression font état de

modifications hormonales et des neurotransmetteurs complexes, entrant forcement en

relation avec celles observées dans la fatigue (cf. traitements antidépresseurs).

De récents travaux s‟efforcent de classer les individus suivant leurs scores aux tests de

Quality Of Life, de dépression, de douleur, de fatigue, d‟anxiété et de troubles du

sommeil [91]. On pourrait alors distinguer 4 classes de patients… et suspecter un

syndrome de « sickness behaviour ».

Pour faire la distinction, la fatigue mentale augmente par l‟exercice physique ou les

tâches cognitives, alors que la dépression reflète plus la tristesse, l‟auto-dévaluation et la

perte de plaisir. Mais la limite disparaît avec le problème de la solitude.

« J‟appelle nostalgie […] l‟état de solitude qui devient chaque jour, pour [le patient], plus

effrayant, le plonge dans les réflexions les plus noires, le souvenir du passé excite ses

regrets ; il craint d‟envisager l‟avenir ; il souffre, languit et meurt si rien ne le soustrait à

sa malheureuse position » [9].

Peter Handke à plusieurs reprises souffre de sa solitude dans son essai sur la fatigue : « il

fallait craindre, pendant la durée des études, une fatigue d‟un nouveau genre, inconnue à

la maison : la fatigue dans une chambre, en bordure de ville, seul, la „seulfatigue‟ » ou

bien « cette nouvelle fatigue venait aussitôt que, après le travail, nous sortions dans la rue

et que chacun allait de son coté » ou encore « jamais ne me quittait cette fatigue de

travailleur immigré ; fatigue qui isolait ». Il faut croire qu‟il existe dans le collectif une

énergie facilitatrice…

Cette fatigue est redoutable. Elle colle précisément à la « fatigue psychique » dans le

langage courant : perte de motivation, ennui, lassitude, anhédonie, aboulie… Si cette

fatigue est en partie tolérée chez le malade, elle est très mal vécue : véritable tabou à

l‟hôpital, comme au travail. Extrêmement culpabilisante, elle est la « mauvaise » fatigue

par excellence (cf. discussion). Elle est favorisée par la solitude et isole le malade, le

projetant dans un véritable cercle vicieux. Il me semble que c‟est un aspect que prend la

fatigue dans la dépression. La fatigue affective en est un autre.

Page 56: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

56

4.6.6. la fatigue affective

Qui mieux que Peter Handke nous décrit la fatigue affective ?

« Cette fatigue qui pouvait s‟installer avec une femme avait quelque chose de

terrifiant.[…] L‟un comme l‟autre tombaient déjà, inexorablement, s‟éloignant chacun,

dans sa fatigue propre, non pas la notre, mais la mienne ici, la sienne là-bas. Il se peut que

la fatigue n‟ait été, dans le cas présent, qu‟un autre nom pour l‟insensibilité ou

l‟éloignement Ŕ mais pour le poids qui pesait sur les environs, c‟était le mot qui

convenait. […] Et il se faisait que tous deux, possédés par le démon-fatigue, devenaient

eux-mêmes redoutables. » [62]

Il existe des fatigues affectives aiguës et permanentes. En aigu, elle se manifeste

par des mouvements émotionnels en réponse à une situation de stress : chagrin,

agacement, irritabilité, etc. La personne peut être marquée par une désinhibition verbale

et comportementale, ou au contraire il peut s‟installer un retrait relationnel.

En écho aux phénomènes douloureux, on pourrait croire qu‟il existe un seuil au delà

duquel trop d‟émotions provoque une avalanche émotive. Ce seuil baisserait avec la

montée de la fatigue ?

Le petit enfant a du mal à identifier sa fatigue. Même lorsqu‟il est en age de parler, il a

tendance à exprimer son épuisement à travers son comportement, il va faire preuve

d‟irritabilité, de tension, d‟intolérance à la frustration, de pleurs, d‟oppositions et de

colères. En grandissant ils adopteront plutôt des comportements de passivité, de retrait et

d‟épuisement intellectuel et relationnel. Ces exemples illustrent l‟importance de l‟affect

dans la genèse de la fatigue, quand on sait que les enfants peuvent maintenir une activité

physique importante de façon soutenue sans manifester de fatigue. Les 2/3 des plaintes

pour fatigue en pédiatrie sont attribuées à des anomalies du rythme de vie [11].

La fatigue peut s‟installer de façon durable lors de situations de stress peu

visibles : tracas quotidiens, soucis domestiques, obligations relationnelles, etc. Cette

accumulation de stress génère un trouble de l‟adaptation de l‟affect. On comprend tout de

suite que nous ne sommes pas tous égaux devant cette fatigue. De nombreux travaux

retrouvent des types de personnalités prédisposant à la fatigue [12, 58, 109] sans être

jamais catégoriques. Les personnes à caractère obsessionnel, par exemple, sont assaillies

par les scrupules et le doute anxieux. Certains se plaignent de fatigue matinale, comme

s‟il fallait « dérouiller la pensée ». Cependant, une fois le dérouillage effectué, ces

personnes se mettent en route avec une vigilance toujours redoublée sur l‟ordre… Cet

exemple a l‟intérêt de montrer que le modèle de réserve énergétique/dépense énergétique

n‟est pas constant dans les phénomènes de fatigue.

Le meilleur moyen de limiter les fatigues affectives liées aux conflits est

d‟apprendre comment exprimer son point de vue tout en maîtrisant ses émotions. Grâce

aux méthodes comportementales on peut acquérir cette maîtrise et une attitude distanciée

avec la situation (cf. traitement).

Il est utile de rappeler que les réponses affectives ont certainement une action sur l‟axe

HHS et donc sur la réponse immunitaire (cf. axe HHS).

Page 57: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

57

4.6.7. Une approche neuropsychologique du sentiment de fatigue.

La sensation d‟épuisement naît probablement des afférences sensitives. On peut

supposer que celles ci ont leur origine dans les muscles et tissus associés. Et cette

sensation peut aussi venir de l‟activation de voies centrales corticales. Il a été remarqué

que la perception chez un individu de l‟effort est plus liée à l‟intensité de la force

développée, qu‟à l‟énergie développée pour générer la force. Pourtant la difficulté dans

un déménagement n‟est pas de soulever le carton mais bien de monter les étages. Il

n‟existe pas chez l‟homme de capteur du travail, comment savoir en fin de journée quelle

a été notre dépense énergétique ?

Si l‟on veut faire un parallèle avec les écrits de A. R. Damasio [32], il faut admettre

que la fatigue est un sentiment. A distinguer de l‟émotion qui est plus primitive.

L‟émotion est la perception de toutes les réactions ou états du corps dans son ensemble,

c‟est-à-dire muscles, viscères, artères, peau, etc. devant un évènement. Elles sont

stéréotypées : tristesse, colère, joie, peur, plaisir, dégoût, honte et mépris.

En soulevant le carton, les muscles en tension, l‟individu reçoit une foule d‟informations,

sur le poids la force à développer, l‟équilibre à adapter, toutes ces sensations sont

absolument nécessaires pour poursuivre sa mission. Toutes ces sensations vont

s‟additionner aux émotions de la situation. Le déménagement va se prolonger, et les

efforts vont se multiplier. Comment savoir si notre déménageur ne va pas lâcher le

carton ? Pour un individu A dont ce n‟est pas le premier déménagement il lui est possible

d‟anticiper l‟énergie à fournir. Et pour cette quantité d‟énergie à fournir, il se souvient

(consciemment et inconsciemment) de sensations/émotions identiques, il est donc assuré

d‟y parvenir aujourd‟hui encore: il est en forme! En revanche l‟individu B, moins

habitué, s‟est mal mené sur le premier carton, et il se souvient bien de cette sensation.

Elle ne lui permettait pas de développer l‟énergie dont il pense avoir besoin aujourd‟hui :

les émotions changent, honte, colère, tristesse… il se sent fatigué. Il y a une discordance

entre l‟anticipation de la situation et la perception réelle. C‟est sur cette différence qu‟il

élabore son sentiment de fatigue.

Autrement dit les afférences qui véhiculent les signaux des sensations provoquées par la

situation immédiate, se confrontent avec les afférences qui véhiculent les signaux

d‟anticipation et de souvenir d‟émotions vécues. Cette confrontation a probablement lieu

en région thalamique. Lorsque les deux signaux sont en « harmonie » il n‟y aurait pas de

modification particulière du sentiment ambiant.

En revanche si les deux signaux sont discordants, le signal résultant a pour objectif de

porter à la conscience une situation qui instinctivement semble inappropriée, et de

modifier de manière inconsciente les dispositions du corps dans son ensemble,

reconduisant ainsi la boucle centrale/périphérique des émotions. L‟interprétation de ce

signal par l‟amygdale, le système réticulé et le cortex frontal va générer un sentiment.

Comment ce sentiment passe à la conscience n‟est pas encore expliqué. Mais son intérêt

est tout de suite compréhensible: en portant le sentiment à la conscience nous avons un

système d‟alarme biologique extraordinaire, qui porte un problème d‟ordre plutôt

physiologique à la conscience et donc ouvre une quantité de solutions via la réflexion!

Page 58: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

58

Le sentiment de fatigue est donc polyfactoriel.

Il y a le contexte émotionnel avec l‟humeur. Les circonstances peuvent être plus ou

moins génératrices de fatigue. Le vécu intervient aussi bien dans l‟élaboration du

sentiment que dans le ressentiment [58]. Le sentiment de fatigue est souvent désagréable,

et justifie parfois une anticipation trop précoce, (le défaitisme ?) ou des manœuvres

d‟évitement de l‟effort. La mode, la culture sont intimement intriquées dans la genèse de

la fatigue. L‟age, l‟intelligence, le potentiel d‟introspection, l‟éducation, l‟adhésion aux

représentations… l‟entourage.

La personnalité intervient dans l‟interprétation de la fatigue. Ainsi chacun va privilégier

différents modes d‟explication : je suis trop vulnérable, ou la situation est trop stressante.

Même si la sensation d‟épuisement est la même, la coloration affective sera différente et

les actions qui en découlent également. Quelle part reste-t-il à la condition physique ?

4.6.8. la fatigue psychosensorielle

Par principe il faut parler de la fatigue sensorielle. Au même titre que tous les muscles,

par exemple, les organes sensoriels sont sujets à la fatigue et peuvent donc provoquer le

sentiment de fatigue [49].

Les mécanismes précis sont certainement complexes, puisque la fatigue joue elle-même

sur la précision de nos sens, et se pose encore la question de la cause ou de la

conséquence.

Il apparaît que les jeunes citadins sont cruellement privés de certains sens : odeurs,

toucher, goût et ont saturé les autres ouie et vision. Certains pensent que ceci peut être à

l‟origine d‟une fatigue. [6]. Vivant dans des conditions non naturelles, ce pourquoi nos

sens ont été conçus, il est probable qu‟il existe un dysfonctionnement et que celui-ci a

une répercussion importante sur notre interprétation de la réalité…

Page 59: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

59

4.7. Fatigue et immunologie, endocrinologie,

cancérologie

La fatigue en cancérologie (CRF : cancer related fatigue) est typiquement beaucoup

plus sévère que chez les personnes en bonne santé [94]. Elle peut être la conséquence du

cancer lui même ou le résultat des traitements. Elle peut se prolonger bien après la fin du

traitement. Elle a été très longtemps sous-évaluée, au profit de la douleur ou des nausées,

possiblement parce que le patient pense pouvoir gérer seul ce symptôme, parfois par peur

d‟un traitement supplémentaire [22].

Les charges d‟entraînement imposées aux sportifs professionnels et/ou de haut

niveau sont à l‟origine du syndrome de surentraînement dont les contours nosologiques et

biologiques commencent à se préciser : il associe une capacité diminuée pour l‟exercice

physique et des perturbations comportementales et hormonales tels qu‟une diminution en

stéroïdes sexuels ou de l‟axe hypothalamo-hypophysaire adrénergique. Les changements

de l‟activité des neuromédiateurs cérébraux, tels que l‟élévation des niveaux de

sérotonine, sont responsables davantage des changements comportementaux que des

baisses de performance physique.

Il existe plusieurs conditions associant fatigue chronique et diminution de l‟activité

de l‟axe HHS et/ou du système locus coeruleus/noradrénaline : fibromyalgie, syndrome

de fatigue chronique, dépression du post-partum, insuffisance surrénalienne et sevrage en

glucocorticoïdes. Sur le plan clinique, ces pathologies associent fatigue, symptomatologie

dépressive, troubles du sommeil, douleurs musculaires, douleurs articulaires multiples.

Le fait que de faibles doses d‟hydrocortisone améliorent la symptomatologie en général

et surtout la fatigue, suggère que même si une faible cortisolémie est un résultat

secondaire ou un épiphénomène, elle peut contribuer à la perception du symptôme.

4.7.1. Le rôle de la sérotonine

Une des hypothèses proposées pour expliquer la CRF est que le cancer ou son

traitement provoque une augmentation des concentrations cérébrales de sérotonine ou une

modification d‟une population de récepteurs à la sérotonine (récepteurs 5-HT1A), causant

une diminution de la dynamique somato-motrice, une modification de l‟axe HHS et une

sensation d‟incapacité physique. [97] La sérotonine 5-HT a de nombreuses fonctions : le

sommeil, la mémoire, l‟humeur et la dépression, l‟appétit, la régulation thermique… il

existe des arguments forts pour penser qu‟elle intervient dans la fatigue centrale. Ces

modifications sont également mesurées dans la fatigue après l‟exercice physique intense.

Dans le syndrome de fatigue chronique on a observé une baisse des récepteurs à la

sérotonine dans le cerveau [40] sans dépression associée.

Il est probable que le TNF alpha stimule le relargage de sérotonine, mais aussi sa

clairance de la fosse synaptique. Le TNF alpha, l‟INF alpha et l‟INF gamma, l‟IL1 bêta

réduisent le métabolisme de la sérotonine.

Page 60: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

60

4.7.2. L‟axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (HHS)

La sécrétion de catécholamines et des hormones du complexe hypothalamo-

hypophyso-surrénalien fait partie intégrante de la réponse physiologique à tout stress

physique ou psychologique. Les concentrations plasmatiques de glucocorticoïdes

augmentent après un exercice court et intense mais elles diminuent après un exercice

prolongé, il existe généralement un délai entre l‟arrêt de l‟exercice et le retour de la

cortisolémie à ses valeurs de repos. On observe de faibles taux circulants de cortisol chez

les patients SFC [40,78]. L‟inflammation chronique tend à réduire la synthèse de CRH.

Le cortisol a de nombreuses fonctions décrites de manière plus ou moins précises :

pression artérielle, métabolisme glucidique, régulation immunologique, cycle veille

sommeil. Sa participation au sentiment de fatigue est très probable. Mais les études sont

souvent contradictoires. Les facteurs aggravants la fatigue comme le sommeil ou la

dépression ont également un lien avec l‟axe HHS, ce qui rend l‟interprétation des

résultats plus difficile.

Les effets euphorisants et analgésiques du cortisol sont bien connus. La dopamine est le

principal neurotransmetteur associé au concept d‟anhédonie et d‟humeur. Et il a été

montré que le cortisol augmentait la libération de dopamine dans le nucleus accumbens,

une zone impliquée dans le plaisir, renforçant de façon positive la conduite responsable

de l‟augmentation de la libération de dopamine (exercice musculaire, prise de drogues...).

Le CRH a aussi un rôle de neurotransmetteur au niveau du système nerveux central

lui permettant de générer la réponse intégrée endocrine, végétative et comportementale à

l‟exercice. Il a un rôle dans la physiologie du sommeil. Le CRH a des effets anxiogènes

et anorexigènes. Il stimule aussi la sécrétion de bêta-endorphines (la pro-

opiomélanocortine/POMC étant le précurseur commun de l‟ACTH et des bêta-

endorphines) qui ont des effets positifs sur la performance à l‟exercice à travers leurs

effets euphorisants et en diminuant la perception de la douleur.

Il agit en synergie avec l‟arginine-vasopressine (ADH anti-diurétique hormone) sur

l‟hypophyse antérieure.

L‟IL-1, l‟IL-6, et le TNF-α sont de potentiels stimulateurs de l‟axe HHS.

La sérotonine agit via les récepteurs 5-HT1A au niveau de l‟hippocampe, de

l‟hypothalamus et de l‟hypophyse en augmentant le relargage de CRH, ADH et d‟ACTH.

L‟injection intraveineuse d‟ACTH augmente de façon aiguë le tonus sympathique en

direction du lit vasculaire musculaire. Ces effets sont observés dans les trois minutes

suivant l‟injection. Il s‟agit probablement d‟un effet central de l‟ACTH puisque on a

montré l‟existence de fibres contenant de l‟ACTH innervant les structures centrales

impliquées dans le contrôle des fonctions cardiovasculaires (locus ceruleus, noyau du

tractus solitaire) et du système nerveux autonome (noyau parabrachial, noyau du tractus

solitaire).

Page 61: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

61

4.7.3. L‟axe hypothalamo-hypophyso-gonadien

Il existe parfois une baisse de la concentration de testostérone plasmatique chez

l‟homme en cas de fatigue ; de même chez la femme, une perturbation du cycle menstruel

associe une diminution de la production de progestérone dans la phase lutéale raccourcie.

L‟élévation des endorphines et du CRH résultant du stress chronique (entraînement

physique excessif ou anxiété) serait responsable de la diminution de la libération de

l‟hormone lutéinisante (LH) et de la diminution de la sensibilité des cellules de Leydig à

la LH, donc de la production de testostérone [23]. Mais ces conclusions sont encore très

discutées. Chez la personne âgée on note également une baisse de la testostérone. Et les

adeptes du bodybuilding sont formels sur les effets positifs des stéroïdes anabolisants.

Dans le surentraînement, l‟aménorrhée est directement liée au déficit de sécrétion de

GnRH, qui est la conséquence directe d‟un déficit en apports énergétiques.

La testostérone inhibe le relargage par les macrophages des cytokines pro

inflammatoires [83], TNF alpha, IL1bêta, et IL6. Elle stimule l‟IL10, anti-inflammatoire.

On note parfois une baisse relative de la leptine circulante, associée à la baisse des

concentrations de testostérone. Il est trop tôt pour accorder un effet direct des hormones

sexuelles sur la fatigue.

Le rôle de la DHEA et de la DHEA-S chez les patients SFC est tout a fait improbable

[78]. Le succès qu‟ont connu ces deux hormones relève plus du show-biz que d‟une

réalité scientifique. Elles illustrent surtout les efforts fournis par les laboratoires dans la

lutte contre la fatigue.

4.7.4. Fatigue sympathique ou parasympathique

Plusieurs des symptômes de patients SFC évoquent un possible dysfonctionnement

du système nerveux autonome : hypotension avec bradycardie ou tachycardie

orthostatique, hypothermie, épisodes de sueur et/ou de pâleur, syncopes, palpitations.

Une relation entre la fatigue et une altération de l‟adaptation de la pression sanguine

orthostatique a été évoquée [12].

On distingue dans « le syndrome de surentraînement » deux types, l‟un sympathique

et l‟autre parasympathique. Dans le premier cas le sportif est hyper réactif aux

stimulations et est sujet à un épuisement précoce. On connaît par exemple le « syndrome

du cœur brisé », qui correspond à une poussée d‟insuffisance cardiaque secondaire à un

stress adrénergique (fatigue affective ?). Dans l‟autre cas, le sujet est hypo réactif,

multiplie les malaises et ne parvient pas au maximum de puissance. La distinction est

nécessaire afin d‟aménager le programme de réentraînement.

Pr. Jean-Louis Dupond souhaite la reconnaissance du « syndrome de décompression ».

Ce syndrome s‟apparente pour lui au « baby blues » ou au « syndrome de construction de

maison », des symptômes identiques sont observés chez les athlètes en cas de victoire ou

les étudiants après un concours. Ces syndromes doivent être considérés comme les

syndromes de sevrage observés à l‟arrêt du tabac ou de l‟alcool [43].

Page 62: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

62

Le nerf vague comprend des neurones afférents : l‟hypothèse propose que le cancer

ou son traitement causent une décharge d‟agents neuroactifs. Le système

parasympathique sensible, ainsi activé, serait à l‟origine de l‟expression clinique de la

maladie. Les agents évoqués sont la sérotonine, les prostaglandines et les cytokines [97].

Chez l‟animal la stimulation du nerf vague s‟accompagne d‟une baisse de l‟activité

motrice (cf. « sickness behaviour »).

Le nerf vague peut être le médiateur de l‟augmentation des cytokines périphériques.

Ainsi l‟IL1 bêta périphérique peut via le nerf vague induire la production d‟IL1 bêta dans

l‟hippocampe et l‟hypothalamus. (cf. axe HSS)

On a montré que les taux d‟adrénaline et de noradrénaline étaient plus faibles à

l‟arrivée d‟un triathlon chez des sujets fatigués que des sujets non fatigués (sans

différence entre les groupes dans le temps de compétition, la lactatémie, la température

corporelle, ni les enzymes musculaires) [60]. Cette déplétion est également observée pour

toute situation de stress intense. (cf. fatigue centrale). À l‟arrêt de l‟exercice, les

concentrations plasmatiques de catécholamines retournent à leur concentration

préexercice en quelques minutes. Les catécholamines pourraient être impliquées dans la

fatigue via leurs effets cardiovasculaires périphériques, mais aussi par leurs effets

centraux. L‟adrénaline est un système d‟alarme qui conduit à une diminution des

fonctions neurovégétatives (prise alimentaire, sommeil) et à une activation de l‟axe HHS.

4.7.5. Cytokines et fatigue

De nombreux éléments font penser qu‟une anomalie de la réponse immunologique

pourrait être à l‟origine de fatigue. De nombreux travaux dans le SFC ont analysé les

modifications de différents paramètres immunologiques, mais aucun résultat n‟est assuré

pour le moment [40]. On a remarqué une augmentation de la réponse Th2, avec une

sécrétion augmentée d‟IL4. Le TGF-bêta est modifié [100]. On observe une baisse des

IgG1 et IgG3 circulantes.

Les cytokines pro inflammatoires comme le TNF alpha, l‟IL6 et l‟IL1beta sont très

souvent proposées comme agents responsables de fatigue dans différents modèles

pathologiques : CRF, SFC, fibromyalgie, lupus, post infection, SEP, maladie de

parkinson [66, 69, 109]…

L‟injection de ces cytokines, en particulier du TNF, provoque l‟expression clinique de

maladie (« sickness behavior » : fatigue, trouble de la concentration, mauvaise mémoire,

malaise, anorexie, léthargie etc.). L‟INF alpha utilisé en infectiologie provoque

également de la fatigue [10].

Mais les taux circulants de ces cytokines ne sont pas corrélés à l‟intensité de la fatigue,

dans la majorité des études. L‟IL1Ra ressort régulièrement comme inversement corrélée

avec la fatigue… Des résultats encourageant sur la fatigue ont été observés à l‟occasion

de traitements par anticorps anti-cytokines [97].

Page 63: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

63

Les études sur la fatigue dans l‟infection par le VIH n‟aboutissent pas pour le

moment à un consensus [104].

La cachexie est un phénomène complexe. Elle correspond à une perte de poids

supérieure à ce que la baisse des apports caloriques laisserait envisager. Il y a une

sarcopénie mais celle-ci n‟est pas isolée. Les cytokines pro inflammatoires (IL1, IL2,

IL6, interféron gamma, TNF alpha) jouent un rôle essentiel dans l‟amaigrissement [83].

Les UCP1-2-3 ont été mises en évidence : ce sont des protéines de la chaîne respiratoire

qui ne participent pas à la formation d‟ATP [95], elles sont stimulées par le TNF.

L‟IL1 et le TNF alpha semblent favoriser l‟anorexie, via la stimulation du CRH ou le

blocage du neuropeptide Y. La responsabilité des cytokines dans la fatigue est donc

directe et indirecte, mais dans quelles proportions ?

D‟autres hormones sont étudiées dans la cachexie, très prometteuses, IGF-1 et

myostatine. Leur relation directe avec la fatigue reste à étudier. De même dans le

surentraînement, une diminution de la réponse somatotrope est très probable, mais sa

relation directe avec la fatigue n‟est pas démontrée.

4.7.6. Hormone thyroïdienne ou hormone de croissance

Le déficit en hormone de croissance avec un pic inférieur à 3 μg/L est responsable de

diminution de force, des capacités aérobies et de sensation de bien-être, sa

supplémentation entraîne une amélioration de la concentration, de la mémoire, de la

dépression, de l‟anxiété et de la fatigue [4, 63]. Mais l‟hypersomatotropisme altère la

trophicité musculaire et cardiaque ainsi que la disponibilité en glucose, et acides gras

libres. Les acromégales sont profondément fatigués.

L‟hormone thyroïdienne est l‟hormone régulatrice par excellence du métabolisme. Si

l‟hypothyroïdie ralenti le métabolisme et est réputée provoquer de la fatigue, elle n‟en a

absolument pas l‟exclusivité. L‟hyperthyroïdie s‟accompagne également de fatigue.

Chercher dans une anomalie du métabolisme ou de l‟équilibre hormonal l‟origine exacte

de la fatigue semble restrictif et périlleux [63].

Page 64: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

64

4.8. Mesurer la fatigue

Comme pour tout autre symptôme, la nécessité de l’évaluation de la fatigue a conduit au

développement d’outils de mesure, prenant d’abord en compte de manière prédominante

la composante motrice, puis progressivement la composante psychologique plus

subjective. Ces outils de mesure de la fatigue sont de plus en plus utilisés.

L‟analyse de la bibliographie de ce domaine suggère de considérer les outils d‟évaluation

essentiellement selon deux niveaux :

_Un niveau périphérique de force musculaire avec un recours à des méthodes

biomécaniques associées ou non à des techniques électrophysiologiques ;

_Et un niveau central subjectif d‟évaluations le plus souvent fondées sur des

questionnaires.

4.8.1. Méthodes biomécaniques

C‟est par la mesure de la force musculaire que la fatigue est encore le plus

fréquemment appréhendée et évaluée, associée ou non avec l‟évaluation par

l‟électroneuromyographie. Cependant, le mode d‟activation musculaire (concentrique ou

isométrique), la stimulation tétanique ou contraction volontaire, la dynamique

(isocinétique le plus fréquent), les groupes musculaires mis en jeu, les modalités

d‟exercice et de tests (mesure contraction modérée ou force maximale) sont très

variables. La méthode la plus utilisée est :

-le testing manuel coté de 0 à 5 dont la reproductibilité est très aléatoire même avec un

expérimentateur entraîné compte tenu de la difficulté à distinguer le pourcentage de force

entre certains niveaux de cotation.

-Les tests analytiques dynamiques ou isométriques offrent une meilleure précision de

mesure, mais sont d‟une application plus longue. Le risque est de vouloir chiffrer la

fatigue sur un score ne concernant qu‟un groupe musculaire, l‟extrapolation est

dangereuse.

-Il a aussi été développé des outils spécifiques d‟un type d‟affection permettant une

cotation par association de score moteur sur différents muscles ou même associant

d‟autres modalités cliniques, comme parfois des épreuves chronométrées ou des épreuves

d‟endurance. La pratique d‟un test de marche est un complément au test d‟effort dans

l‟analyse de l‟adaptation à l‟exercice. Le test de marche de six minutes est le plus validé

et le plus largement utilisé.

La fatigue musculaire, faiblesse, peut être définie comme une réduction de la production

de force c‟est-à-dire une perte progressive de l‟aptitude à générer une force maximale.

Alors que la notion d‟épuisement/fatigabilité n‟est retenue que lorsqu‟une force

volontaire désirée ne peut être maintenue plus longtemps au niveau souhaité. Le retard à

la contraction musculaire est mal évalué avec ces outils.

Page 65: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

65

On peut aussi explorer le niveau énergétique indirectement par la consommation

en oxygène nécessaire à la production de l‟effort.

Le test d‟effort représente le moyen le plus conventionnel pour apprécier la baisse des

performances physiques.

Le seuil ventilatoire correspond à un phénomène d‟hyperventilation lors du test d‟effort,

progressif. Il apporte des informations complémentaires au pic de VO2. Il s‟agit d‟un

paramètre sous maximal indépendant de la motivation du patient.

Enfin, sur le plan électromyographique, on analysera les signaux correspondant

aux mécanismes de recrutement des motoneurones et de conduction dans la fibre

musculaire. Il est possible également de réaliser des stimulations magnétiques

transcrâniennes pour connaître le degré de fatigue centrale d‟un sujet.

Les mesures de surfaces de coupes musculaires doivent être abandonnées, tant la qualité

du muscle ne réside pas dans sa taille. [52]

Dans la mesure où il n‟existe pas de valeurs de référence, ces mesures de fatigue ne

sont valables que pour le sujet comparé à lui-même. Les études utilisant ces mesures

doivent être interprétées avec beaucoup de précautions, tant les biais sont nombreux dans

la réalisation de l‟effort [52].

Page 66: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

66

4.8.2. Les questionnaires

La fatigue considérée comme symptôme subjectif a sollicité au même titre que la douleur,

l‟emploi d‟outils génériques comparables. La plupart des outils, échelles ou

questionnaires, ont été développés pour des applications dans des affections

neurologiques (SEP, parkinson) ou en cancérologie.

Des instruments de type unidimensionnels ont été proposés pour l‟évaluation de la

fatigue mais ces outils ne permettent pas de différentier les diverses dimensions de la

fatigue.

-La fatigue "instantanée" est évaluée au moyen de l’Échelle visuelle analogique (EVA)-

Fatigue. Cette échelle aurait l‟avantage d‟être valide et fiable, pour les populations

normales et pathologiques.

-Le score de Rhoten est un des plus simples à utiliser car constitué d‟une échelle visuelle

allant de 0 (aucune fatigue) à 10 (épuisement total).

- Le Brief Fatigue Inventory (BFI) contient neuf items sur une seule page. On mesure la

fatigue et sa répercussion sur les activités journalières.

-L’échelle de sévérité de la fatigue (FSS ou KFFS) est fréquemment mentionnée dans la

littérature et a été largement validée [99]. Cette échelle comprend neuf items que la

personne doit coter de 1 (désaccord) à 7 (accord). Le score global est la moyenne des

résultats obtenus à chacun des neuf énoncés, il varie lui aussi de 1 à 7.

-Le short fatigue questionnaire est un questionnaire simple, constitué de quatre questions,

coté de 1 à 7, validé, fiable et reproductible.

- Le 4-item abbreviated fatigue questionnaire (AFQ) mesure le degré de fatigue au

moment même de l‟examen. [98]

- Le score de Borg permet de mesurer la perception du niveau d‟effort au cours de

l‟exercice [20]. Il comporte 15 niveaux sur une échelle allant de 6 (effort très léger) à 20

(effort violent). Il est validé pour fixer l‟intensité du travail lors de la réadaptation, le

niveau recherché d‟exercice se situe habituellement entre 12 et 16.

Les mesures unidimensionnelles présentent un inconvénient : deux patients avec le même

score peuvent ressentir des fatigues très différentes. L‟un peut être épuisé physiquement

et rester très alerte. L‟autre au contraire est plutôt mentalement extenué mais en bonne

forme physique.

Page 67: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

67

Des instruments dits multidimensionnels ont été développés.

Ils peuvent être généralistes ou spécifiques.

-L’échelle de fatigue de Chalder (CFS) regroupe 11 questions couvrant les symptômes

physiques et psychologiques de la fatigue. Chaque question est cotée de 0 à 3. Cette

échelle, validée dans la population générale, a été utilisée pour diverses pathologies.

-Le multidimensional fatigue inventory, constitué de 20 items, recouvre cinq dimensions

de la fatigue (fatigue générale, fatigue physique, fatigue mentale, réduction de motivation

et d‟activité).

-L’échelle de Piper (PFSS) comprend 22 items répartis en quatre dimensions de la

fatigue: sévérité, affectivité, sensation et adaptation. Chaque question est cotée sur une

échelle numérique de 0 à 10 (fatigue maximum) ; le score total est la moyenne.

-L’échelle d’impact de la fatigue (FIS), qui mesure l‟effet de la fatigue sur les activités,

contient trois sous-échelles évaluant l‟impact sur le fonctionnement cognitif, le

fonctionnement physique et le fonctionnement psychosocial.

-La check-list individual strength (CIS fatigue) est constitué de 20 items, qui évaluent la

fatigue selon quatre niveaux : l‟expérience subjective de la fatigue, la concentration, la

motivation et l‟activité physique, chaque item étant évalué de 1 à 7.

-Le multidimensional assessment of fatigue (MAF) est composé de 16 questions et

mesure quatre dimensions de la fatigue : sévérité, détresse, rythme et impact sur les

activités de la vie quotidienne.

-Le functional assessment of chronic illness therapy-fatigue (FACIT-F) est un

questionnaire qui fait partie intégrante du système de mesure appelé FACIT. Le FACIT-F

est un autoquestionnaire bref (13 questions).

-Le cause of fatigue questionnaire (COF) comprend 12 activités potentiellement

responsables de fatigue : six taches mentales (regarder la télévision, lire, fournir un effort

mental, tenir une conversation, se concentrer, téléphoner), quatre taches physiques

(marcher, faire de l‟exercice physique, prendre une douche), deux mixtes (faire les

courses, activités sociales).

-La Barrow neurological institute (BNI) fatigue scale, est constituée de 10 items dont

chacun est évalué de 0 à 7 et d‟une échelle graduée de 0 à 10 sur laquelle le patient note

son niveau de fatigue en général.

L‟étude bibliographique montre que ne sont considérées, pour valider les échelles,

que les étiologies les plus « classiques » d‟un champ de maladies aussi rares que

nombreuses. Le risque étant de n‟avoir aucune validité sur les affections non étudiées.

Page 68: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

68

Il faut remarquer qu‟il ne ressort de ces questionnaires pas de franc consensus sur les

différentes dimensions de la fatigue. Partagées entre les nécessités scientifiques plutôt

descriptives et les nécessités médicales qui entrent dans une démarche d‟action, il faut

reconnaître 4 axes principaux :

(1) le comportement (le plus objectif, mesure les effets sur les performances, la

concentration ; il est souvent confondu avec la sévérité) ;

(2) le ressenti (subjectif, il mesure l‟expérience fatigue et son interprétation intime, les

conséquences sur le moral) ;

(3) le mécanisme (physique ou psychologique, il évalue l‟activité qui provoque la fatigue,

la sensibilité et la spécificité de la fatigue) ;

(4) le contexte (il évalue l‟environnement susceptible de pérenniser la fatigue; et dépiste

des attitudes/situations aggravantes).

4.8.3. Evaluer l‟autonomie, la qualité de vie et les facteurs contributifs

Les échelles de fatigue ont été validées pour ne mesurer que la fatigue et éviter ainsi

la confusion avec la dépression, la somnolence, la douleur, l‟essoufflement, la qualité de

vie… Ceux-ci sont toutefois souvent associés, et il parait justifié de ne pas oublier la prise

en charge globale pour ne pas risquer l‟excès inverse de "tout fatigue".

Concernant l‟autonomie, les échelles génériques d‟incapacités seront utilisées

lorsque les répercussions fonctionnelles de cette fatigue sont importantes. La mesure

d‟indépendance fonctionnelle (MIF), la grille AGGIR, l‟index de Barthel peuvent être

utilisés.

Les échelles de qualité de vie les plus utilisées sont généralistes. Il s‟agit

essentiellement -du MOS SF-36 (Medical Outcome Study 36-item Short Form),

-du système FACIT,

-du Profile of Mood States (POMS),

-du NHP (Nottingham Health Profile),

-du SIP (Sickness Impact Profile)

-de l‟Euro- Quol.

Une échelle spécifique, l’Epworth sleepiness scale, permet de différencier fatigue et

somnolence diurne excessive (cf. fatigue et somnolence)…

Il existe encore de nombreuses échelles, mais la tendance est bien à l‟uniformisation.

L‟importance est de distinguer les échelles établies dans le but d‟effectuer des études

cliniques de celles élaborées pour le patient dans sa singularité.

Page 69: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

69

4.9. Traitements non spécifiques de la fatigue

En dépit de nombreux travaux menés dans des domaines divers (bactériologique,

virologique, immunologique, neuromusculaire, psychologique…), la physiopathologie du

syndrome de fatigue chronique ou de la fibromyalgie demeure inconnue. Pour reprendre

les termes de Pr. Dupond : « la montagne scientifique a accouché d‟une souris ! Toutes

les études n‟ont finalement réussi qu‟à démontrer que les malades fatigués étaient

réellement fatigués… »

De ce contexte nous pouvons observer les efforts et les tentatives de traitement du

symptôme fatigue dans des groupes homogènes de malades.

D‟une manière générale les études sur l‟efficacité d‟un traitement contre la fatigue, toutes

pathologies confondues, sont rares et confirment le problème de la mesure [17].

4.9.1. Thérapeutique médicamenteuse

Avant d‟ajouter un nouveau médicament, il faut obtenir une liste exhaustive des

médicaments et autres substances consommées par le patient, et de réduire les substances

entraînant une sédation !

Les corticostéroïdes : combinaison d‟hydrocortisone et de fludrocortisone

n‟apporte aucune amélioration subjective de la fatigue dans le SFC. En revanche en

cancérologie, dès 20mg de prednisone, le bénéfice est spectaculaire mais les études sont

de courte durée, et connaissant les effets secondaires à long terme des corticoïdes, et la

décroissance des effets bénéfiques, leurs utilisation n‟est envisageable qu‟en dernier

recours.

Les agents antidépresseurs : les symptômes communs aux patients SFC et aux

sujets dépressifs sont nombreux et la prévalence des syndromes dépressifs associés au

SFC est élevée. Aucun antidépresseur n‟a démontré une amélioration probante sur les

scores de fatigue.

D‟un point de vu très général on considère que l‟effet bénéfique sur la fatigue des anti-

dépresseurs n‟est lié qu‟à l‟amélioration de la dépression (et des troubles du sommeil qui

lui sont associés).

Quelques études controversées, montrent une baisse de la durée de l‟exercice sous IRS,

expliquée par une hypothétique augmentation des concentrations centrales de sérotonine.

Inversement des résultats encourageants ont été observes après traitement par

antagonistes des récepteurs 5-HT3 chez les patients SFC, et en hépatologie. [40, 88, 97].

L‟utilisation du bupropion, antidépresseur atypique, en cancérologie est rapportée

intéressante dans 2 études [19].

Page 70: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

70

L‟amantadine est une substance dopaminergique anti-glutamatergique. Cet

antagoniste des récepteurs NMDA limite la réintégration présynaptique de la dopamine et

ainsi stimule les récepteurs postsynaptiques. C‟est le médicament de référence dans la

SEP [6, 109, …]. Les effets secondaires de l‟amantadine sont peu fréquents, en général

peu sévères, et réversibles après l‟arrêt du traitement. Les plus fréquemment cités sont :

anxiété, insomnie, cauchemars, livedo reticularis.

Par analogie avec la sclérose en plaque, il a été proposé de traiter les patients atteints de

neuropathies dysimmunes par l‟amantadine. L‟essai s‟est soldé par un échec. Une simple

tendance à l‟amélioration de la fatigue a été notée en début de protocole ce qui

correspondrait à l‟attention supplémentaire adressée au patient.

La 4-aminopyridine ou la 3,4-diaminopyridine, qui en bloquant les canaux

potassiques prolongent la durée du potentiel d‟action, ont été utilisées empiriquement

dans le traitement de la fatigue dans le SEP. Les effets secondaires peuvent être

inconfortables (paresthésies, nervosité) et sévères (crises d‟épilepsie). Les résultats

préliminaires n‟ont pas permis de détecter un effet significatif sur la fatigue, mais une

amélioration significative de la force musculaire dans les membres inférieurs et de la

vitesse de marche sur 8 m a été observée.

Ce médicament montre chez le blessé médullaire incomplet (ASIA C et D) une

amélioration de la force des muscles atteints partiellement.

Le modafinil, neuromodulateur postsynaptique central des synapses alpha-1

noradrénergiques, a vu ses indications progressivement élargies à d‟autres conditions qui

peuvent provoquer une somnolence diurne excessive. Les résultats sont pour le moment

contradictoires. Certains patients SFC rapportent que le médicament « les aide à garder

les yeux ouverts », c‟est-à-dire améliore la somnolence, mais ne combat pas la sensation

de fatigue. Mais les études sur le CRF sont prometteuses [19, 92] ainsi que chez les

patients tétraplégiques [3] où l‟on note une amélioration de l‟estime de soi et de la

motivation. Pour la SLA dans un essai ouvert sur 15 patients le modafinil a été bien toléré

et a réduit significativement la fatigue mesurée [99].

Les stimulants amphétaminiques du SNC (méthylphénidate, dexméthylphénidate)

ont été utilisés pour traiter la fatigue, avec des résultats variables. Outre les effets

secondaires connus de ces substances (irritabilité, anorexie, insomnie, troubles de

l‟humeur, nausées, tachycardies, etc.), le risque de dépendance et tolérance est à

considérer avec précaution [31, 40]. Mais les études les plus récentes apportent des

résultats très encourageants [7, 92, 108], les effets secondaires sont beaucoup plus rares

que prévu, et visiblement bénins, à court et à long terme.

La midodrine (Gutron) chez le tétraplégique ; cet alpha-sympathomimétique de

référence pour les hypotensions artérielles neurogènes sévères, a été évalué contre

placebo les résultats montrent une amélioration de la performance et de la VO2max, et la

diminution parallèle de la sensation de fatigue [3].

La pémoline est un stimulant du système nerveux central. Une seule étude en a montré

une diminution de la fatigue pendant les périodes de traitement dans la SEP [109].

Page 71: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

71

Immunothérapie : l‟influence d‟injections en intraveineuse d‟immunoglobuline

G reste l‟objet de controverses.

L‟utilisation des antagonistes du TNF alpha (étanercept) apporte des résultats très

prometteurs dans de nombreuses pathologies. [81] Ces résultats sont confortés par les

observations chez les patients traités par thalidomide, qui rapportent une amélioration du

sentiment de bien être, et une baisse de l‟agitation [2].

Les études sur l‟effet de l‟érythropoïétine sur la fatigue en cas d‟anémie

notamment en cancérologie, sont globalement positives, mais l‟action de l‟hormone est

très certainement indissociable de la montée de l‟hémoglobine [19].

Les compléments alimentaires doivent être utilisés avec grande précaution. Ils

doivent avant tout être de très bonne qualité. Ils ne prennent un sens que s‟il existe un

véritable déficit d‟apport ou un catabolisme modifié. Mais leur utilisation dépasse le plus

souvent ces cas de figure.

-La L-carnitine a fait la preuve de quelques effets positifs sur la fatigue en cas de déficit

de la carnitine-palmitoyl-transférase ou dans la CRF, mais ces résultats sont à confirmer

[19, 29].

-La L-glutamine prétend d‟accélérer la réparation musculaire …

-La supplémentation en acide eicosapentaenoique aurait montré un bénéfice chez les

patients SFC.

-Le coenzyme QlO améliorerait la récupération métabolique après l‟effort, augmenterait

la performance musculaire et la tolérance a l‟effort.

-Le dichloroacétate oxyde l‟acide lactique en acétylcoenzyme A et empêcherait ainsi son

accumulation.

-Le malate de citrulline induit une réduction de l‟acidose et améliore la cinétique de la

récupération de la phosphocréatine [25]. Il est certainement plus efficace que la prise de

boissons riches en bicarbonates.

-L‟apport de créatine est régulièrement rapportée comme ayant des effets bénéfiques sur

la force musculaire et la durée de contraction chez le sujet malade. Chez le sujet sain ce

bénéfice est très douteux. La créatine a été proposée chez les patients CMT pour

améliorer leurs performances motrices mais n‟est pas efficace.

-Les acides aminés à chaîne courte BCAA sont proposés afin de limiter le passage du

tryptophane par la barrière hémato-méningée et donc de limiter l‟augmentation de la

sérotonine centrale.

-Les vitamines et oligo-éléments ont bénéficié d‟un engouement inexplicable au XXe

siècle, il est difficile de lutter contre les représentations très fortes de la vitamine…

Page 72: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

72

4.9.2. Thérapeutique non médicamenteuse

Le reconditionnement musculaire aérobie représente un élément essentiel de toute

prise en charge thérapeutique du patient SFC. Les bienfaits de l‟exercice aérobie sont

supérieurs à ceux du travail d‟étirement et de relaxation. Ceci nécessite des

encouragements répétés.

Les mécanismes d‟action de l‟exercice sur la fatigue n‟ont pas été élucidés. En

cancérologie, son intérêt reste à démontrer [68]. Il se peut que cet effet soit dû

simplement à un reconditionnement musculaire, cardiovasculaire, et respiratoire (cf. plus

haut). L‟exercice a aussi un impact bénéfique sur l‟humeur, possiblement sur les

sécrétions hormonales et le système immunitaire. L‟instauration d‟une routine d‟exercice

aérobique se heurte à de nombreux obstacles [7] : manque de motivation, augmentation

transitoire des symptômes, difficultés de réalisation des exercices, problèmes

d‟accessibilité des lieux d‟exercice, traitement en cours... Le type d‟exercices, leur durée,

leur fréquence, et leur intensité, doivent être adaptées à chaque situation particulière pour

éviter un échec.

Dans la SLA, par exemple, le programme de rééducation doit tenir compte des déficits

moteurs du patient et se faire sans douleur. Il ne doit pas s‟axer sur le renforcement

musculaire mais surtout prévenir les rétractions tendineuses et lutter contre la spasticité

notamment par l‟intermédiaire d‟étirements.

Puisque les résultats des interventions rééducatives reposent sur des modifications de

comportement et de style de vie à long terme, la clé du succès est la précocité de la prise

en charge, avant que les patients ne soient « emprisonnés » dans la fatigue, et avant que

l‟évolution de la maladie n‟ajoute des obstacles supplémentaires.

Dans la fibromyalgie la thérapie cognitivo-comportementale apporte une

amélioration de la qualité de vie en comparaison avec la prise en charge classique seule

ou accompagnée de relaxation.

On se repose sur l‟idée selon laquelle les patients disposent d‟un « capital d‟énergie »

pour la journée. Il peut être utile de planifier la journée, afin que les activités jugées

prioritaires soient complétées lorsque le niveau d‟énergie est maximal, tout en préservant

des temps de repos afin d‟éviter que les patients ne « s‟écroulent » trop tôt en fin de

journée. Cela permet de diminuer la frustration qui en résulte, mais aussi de réduire le

risque de conflits avec l‟entourage. Le déroulement de la nuit est aussi important à

évaluer que celui de la journée, et le patient doit être éduqué à l‟hygiène du sommeil.

On parle de stratégies d‟autogestion (« self-management »). Il s‟agit également

d‟organiser des distractions pour penser à autre chose, pour s‟occuper l‟esprit et oublier

sa fatigue, se forcer à poursuivre ses activités normales en dépit de la fatigue, parler avec

sa famille ou ses amis pour bénéficier de leur soutien et de leurs conseils [81].

Le patient peut s‟inscrire dans une structure psychothérapeutique si besoin. Il peut s‟agir

d‟un groupe de discussion, souvent modéré par un professionnel de santé, pour échanger

des expériences et des stratégies, proposer ou renforcer des éléments éducatifs communs,

rompre l‟isolement, et permettre à l‟individu de prendre confiance en sa capacité de

contrôler le symptôme.

Page 73: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

73

Aucune étude n‟apprécie l‟influence d‟un repos prolongé sur la symptomatologie

des patients SFC. L‟intérêt du repos dans la fatigue est un calcul compliqué, il faut

trouver l‟équilibre entre la dégradation et la cicatrisation. Le repos prolongé est souvent

considéré comme une cause d‟aggravation des symptômes.

L‟utilisation de techniques de refroidissement est fondée sur le fait que la majorité

des patients constatent une augmentation de leur fatigue lorsque la température ambiante

et/ou corporelle augmente. Différents équipements sont proposés et mal évalués. Si les

résultats sont parfois satisfaisants, le mécanisme d‟action du refroidissement n‟est pas

connu avec précision. Il est très bien étudié dans la SEP.

En l‟absence d‟études prouvant l‟efficacité de certains nutriments ou régimes sur

la fatigue [16], il est recommandé de prévenir et combattre l‟obésité, qui augmente les

besoins énergétiques dans la mobilité ; de conserver une alimentation équilibrée avec

suffisamment de liquides ; d‟éviter les stimulants comme le café, le thé ou la nicotine, ou

autres substances présentes dans certains cocktails de vitamines ou préparations herbales,

qui donnent une sensation temporaire de gain d‟énergie mais peuvent interférer avec le

sommeil ; et d‟éviter les substances potentiellement sédatives (alcool, certaines

préparations herbales).

Il est essentiel de noter la quantité de plantes réputées améliorer les performances

physiques. Les études sont rares et de mauvaise qualité, mais quelques plantes semblent

avoir une action : Siberian ginseng (Eleutherococcus senticosus ou Acanthopanax

senticosus), Chinese ginseng (Panax ginseng), mahuang ou Chinese ephedra (Ephedra

sinica)

4.9.3. traitement des facteurs favorisants

Il est parfois nécessaire d‟instaurer certains traitements pour améliorer la fatigue

indirectement. Les résultats sont remarquables.

-En dehors des traitements de la dépression, on pensera au contrôle des facteurs pouvant

fragmenter le sommeil : spasmes musculaires, douleurs, troubles urinaires nocturnes,

apnées du sommeil, ou syndrome des jambes sans repos …

-Prendre en charge les troubles psychologiques et psychiatriques (dépression, anxiété,

stress)

-Est-il nécessaire de rappeler l‟importance de soulager les douleurs, qui peuvent favoriser

la fatigue.

Le nombre de ces facteurs et de leurs interactions potentielles confirme la nécessité d‟une

prise en charge globale et souvent multidisciplinaire de la fatigue.

Page 74: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

74

5. Discussion

Nous avons obtenu 135 et 191 réponses aux questions ouvertes n°13 et n°30, alors

que la réponse n‟était pas obligatoire. Ceci montre l‟intérêt qu‟ont eu les personnes

interrogées pour le sujet. Nous avons reçu plusieurs commentaires, par mail et à l‟oral

dans le cabinet : tous ont trouvé le sujet très intéressant et se sont sentis concernés par le

problème. Les réponses aux questions ouvertes sont à de rares exceptions près toutes

sérieuses, ce qui confirme leur intérêt pour le sujet. 88% de réponses positives à la

question n°1 : « je ne sais pas ce qui m‟arrive, mais je suis fatigué ».

Il faut noter que les questionnaires papier ont tous été bien remplis, avec peu de résultats

incomplets. Le questionnaire étant libre et volontaire, il existe un biais de sélection,

l‟échantillon n‟est pas impartial, et donc non représentatif de la population générale.

C‟est le biais principal de mon enquête.

Il n‟y avait ni critère d‟inclusion ni critère d‟exclusion donc l‟échantillon est

suffisamment grand pour éventuellement faire une analyse multivariée. Cette analyse est

compliquée, et ne changerait pas notre discussion. Nous choisissons de minimiser ce

biais.

35 % des personnes interrogées ont déjà consulté pour fatigue (7.6% dans une étude

canadienne) [113]. Suivant les enquêtes la fatigue représente 1 à 3% des motifs de

consultations. Et si le symptôme est recherché il retrouvé dans 20 à 40% des patients, il

est ressenti comme invalidant dans 10 à 25% des fois [63]. Le biais d’intérêt ne peut

pas remettre en question nos résultats.

Il est important de noter que les réponses aux questions déterminantes (20, 21 et 26) ne

sont pas modifiées en fonction des réponses aux questions 6, 8 ou 9.

Elles ne sont pas modifiées suivant que les personnes ont répondu par Internet ou en

cabinet de médecine générale.

En résumé 1 personne sur 5 à 1 personne sur 2 exprime de l‟intérêt pour le traitement

symptomatique de la fatigue même dans des situations assez anodines. Et la quasi totalité

l‟accepte en cas d‟affection grave.

Notre question principale est : faut-il envisager un traitement symptomatique

de la fatigue ? Pour ne prétendons y pas apporter une réponse catégorique. Au contraire

il serait illusoire de croire faire le tour de la question de façon exhaustive. Et nous

craignons de nous perdre dans les sables hétéroclites d‟une accumulation de détails. Nous

proposons donc un fil d‟Ariane qui ne peut pas faire l‟unanimité. « Et c‟est tant mieux. Il

est grand temps de sortir du consensus mou. » [Kaufmann 2004].

Page 75: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

75

Il n‟y a guère de place dans l‟épopée classique pour les douleurs chroniques. Et nous

nous souvenons du long chemin parcouru pour la lutte contre la douleur. Qu‟en est-il de

la fatigue ? Notre première hypothèse est qu’il existe de fortes similarités entre le

symptôme douleur et le symptôme fatigue et donc qu’il pourrait y avoir une

analogie dans les traitements. Essayons de garder ce fil conducteur.

Dans notre enquête 30% des personnes interrogées acceptent l‟analogie, et 93%

considèrent que le traitement de la douleur est un progrès. S‟interroger sur le traitement

de la fatigue est tout à fait justifié.

Nous allons essayer dans le premier temps de la discussion de comprendre les

représentations de la fatigue, et essayer ainsi de comprendre ce qui amène l‟individu à

consulter un médecin ou d‟agir seul contre sa fatigue. Nous devons pour cela

comprendre ce qu’est une bonne ou une mauvaise fatigue. La mauvaise justifiant

automatiquement son éradication.

Cette interrogation est arrivée tardivement dans notre démarche, mais l‟enquête confirme

la forte prévalence de cette représentation (90% des personnes interrogées). Les résultats

nous imposent de réfléchir sur le ressenti vis à vis de la fatigue physique ou

psychologique. Un consensus se dessine autour de la mauvaise fatigue : c‟est quand le

repos n‟est pas récupérateur. Peut-on préciser quel repos est suffisant pour telle fatigue ?

Il s’agit ensuite de déterminer ce que sont une fatigue normale et une fatigue

pathologique, au sens médical. Comme Canguilhem, « nous sommes très loin de penser

que santé et maladie soient des opposés qualitatifs, des forces en lutte. » La probabilité de

rétablir la continuité entre la fatigue normale et pathologique est telle, qu‟à la limite, le

concept de maladie risque de s‟évanouir.

Nous avons eu un aperçu des différents modèles biomédicaux de la fatigue et des

traitements proposés. Nous souhaitons dans cette discussion justifier la seconde

hypothèse : le traitement symptomatique de la fatigue est un psychotrope. Nous avons

jugé utile de nous appuyer sur le modèle explicatif du sentiment de A. R. Damasio. Ainsi

nous pourrons envisager les risques et conséquences d‟un tel traitement.

Les répercussions négatives de la fatigue sont-elles physiques, psychologiques ou

sociales ? La prise en charge de la fatigue ou sa coordination relèvent-t-elles du

médecin ? Aussi évident que cela puisse paraître nous pensons qu‟il est préférable de

discuter des limites du rôle du médecin. Nous aborderons ces questions par le problème

de l‟automédication. En effet la lutte contre la fatigue est une préoccupation déjà très

ancienne, et n’est pas le monopole du médecin.

Page 76: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

76

La question n°25, où le médecin propose du repos et un contrôle dans 15 jours devant une

fatigue inhabituelle et un examen clinique normal, n‟obtient que 38,5% de réponses

positives. C‟est pourtant une attitude très prudente du médecin. Ce résultat ne permet pas

de savoir si le patient est mécontent de ne pas avoir de diagnostic ou s‟il aurait souhaité

recevoir un traitement.

Près de la moitié des personnes interrogées pensent que la dépression ne peut pas être

traitée par un médicament. 93% connaissent les dangers des somnifères. On peut se

demander« comment le médicament en est venu à incarner à lui seul l‟espoir, sans doute

déraisonnable, mais aujourd‟hui des plus compréhensibles, de se débarrasser de la

souffrance psychique ? » [46]

Ces résultats illustrent la grande ambivalence des patients pour le médicament. Les

personnes restent très suspicieuses vis-à-vis des traitements psychotropes. Mais on

remarque dans notre enquête que les personnes qui ont expérimenté la morphine

acceptent plus facilement l‟idée d‟un traitement de la fatigue.

« Il nous faudra de plus en plus vivre avec des psychotropes améliorant l‟humeur,

augmentant la maîtrise se soi adoucissant peut être les chocs de l‟existence : autant

prendre la mesure du mode de vie qu‟ils révèlent. » [46]

Nos interrogations nous amèneront directement à réfléchir sur la place de la fatigue

dans notre vie et dans notre organisation sociale. Nous avons soulevé de nombreuses

questions d’éthique, auxquelles nous ne prétendons pas répondre. Nous souhaitons faire

le point.

Nos résultats montrent que 48% des personnes pensent que le traitement de la fatigue

ressemble au dopage sportif. Mais dans l‟ensemble, la majorité pense qu‟une bonne

gestion du traitement est possible, il y a des risques d‟abus mais il faut poursuivre les

recherches.

Page 77: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

77

5.1. Qu‟est-ce qu‟une bonne ou une mauvaise fatigue ?

5.1.1. Historique

La fatigue mériterait une étude comme celle de Roselyne Rey pour la douleur [93],

mais la fatigue n‟a pas suscité les mêmes passions chez les médecins. Expérience

individuelle et de tous les temps, la fatigue n‟occupe certainement pas une place

identique dans toutes les sociétés et dans toutes les époques [9]. Dans son acceptation

commune, l‟usure témoigne de l‟imperfection de notre condition de mortel. En grec

κηκμεκοντες désignent les morts : ceux qui ont supporté les fatigues. Les mythes de la

création insistent systématiquement sur la fatalité de la fatigue et de l‟usure par le travail,

punition irréversible du créateur.

Au IVe siècle, l‟acédie se caractérise par la tristesse et le découragement liés à un

manque de foi. « Lorsque l‟acédie fond sur toi, il persuade l‟âme que la psalmodie est

pesante, et il lance la paresse comme un défit au zèle. » Sont prédisposés les ermites et

les anachorètes (moines solitaires). Les cénobites sont protégés car vivent en

communauté. Pour une fois, l‟acédiaque remet en question la régularité des activités

ancestrales. La fatigue ressentie n‟est plus de l‟usure du corps mais de l‟ennui et du

manque de volonté. Aussitôt, l‟acédie devient maladie et péché. Le simple fait d‟être un

état indésirable justifie une demande de remise en état, dans les normes « naturelles ».

L‟ermite acédiaque a donc un contrôle interne trop faible, il est malade. En revanche le

cénobite acédiaque bénéficie d‟un renforcement permanent par la communauté

monastique : il est pécheur.

Hippocrate décrit la mélancolie, caractérisée par la tristesse et la lassitude, résultant

d‟un excès de bile noire. Cette vision, qui postule une base organique, se retrouve dans la

médecine médiévale. A la fin du XVIe et au début du XVIIe, l‟Europe se passionne pour

la mélancolie. L‟élite sociale oisive s‟y complait, d‟autant plus que la mode vient d‟Italie.

Les courtisans imposent dans leurs relations réciproques plus de retenue à leurs

impulsions spontanées. Ainsi au XVIIe les « vapeurs » deviennent à la mode. La maladie

met en accusation un mode de vie « contre nature ». Mais c‟est aussi une forme

ostentatoire de préciosité et de sensibilité, un modèle culturellement valorisé pour

exprimer ses petites et grandes souffrances. Les thérapies plus agréables que les

purgations et les saignées, telles que des cures thermales et le café, participent à créer une

incompréhension entre le monde médical et le monde de la cour.

Au XVIIIe la théorie de la fatigue nerveuse est un succès : par rapport à celui des

élites urbaines, le corps des paysans est plus simple et plus durci par l‟exercice et le grand

air, il ne présenterait pas de fragilité ni de sensibilité des nerfs.

Fin XIXe début XXe, la fatigue des ouvriers prend une autre dimension : il s‟agit

d‟augmenter la productivité du travail tout en réduisant la fatigue et l‟usure de la force de

travail et de promouvoir une gestion scientifique de la main d‟œuvre. Les travaux de

médecine du travail se multiplient, « clé de voûte d‟un nouveau compromis social ».

Page 78: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

78

→ Ce très bref historique de la fatigue dans notre société, a pour but d‟abord de

montrer l‟évolution des représentations et aussi d‟introduire la notion de « bonne » et

« mauvaise » fatigue. Cette notion n‟a a priori aucun fondement scientifique ni médical,

mais elle tient une place favorite dans les représentations du symptôme. Cette vision est à

tel point ancrée dans notre interprétation de la fatigue, qu‟elle intervient aussi bien dans

la plainte du patient que dans la prise en charge médicale. Finalement il y a la fatigue

dont on peut souffrir en tant que personne*, et celle qui est recevable pour la médecine et

l‟entourage.

La complexité des représentations fait que toutes les fatigues ressenties ne

bénéficient pas des mêmes considérations. Ces représentations évoluent d’un groupe

à l’autre, d’un individu à l’autre, d’une époque à l’autre. Ces représentations sont

évidemment interdépendantes.

Si la médecine modifie ces représentations de la fatigue, elle risque de bouleverser

l’ordre des représentations en place.

Je souhaite préciser les limites des bonnes et mauvaises fatigues.

*Je veux dire par là qu‟il existe des fatigues qui n‟affectent pas l‟individu ni en bien ni en mal. Voire des

fatigues dont l‟individu ne prend même pas conscience.

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79

5.1.2. Relation entre fatigue normale, bonne fatigue et fatigue physique.

La fatigue physique est conséquence du travail physique. Dans l‟antiquité, le travail

est indigne. Ce n‟est qu‟au Xe siècle, que certains ordres monastiques (les cisterciens)

vont valoriser le travail physique : signe de l‟expiation pour la faute originelle. Ce sens

spirituel positif est aujourd‟hui encore extrêmement fort. La fatigue physique est

également recherchée, comme moyen d‟échapper à l‟oisiveté quand apparaît la

mélancolie. Le protestantisme fait du travail l‟accomplissement terrestre de la volonté

divine, et l‟impose à tous : la fatigue en est un très bon indicateur. Une éthique du travail

se développe au XVIIIe siècle, le travail est un devoir. Cette notion de devoir est

étroitement liée à celles de responsabilité et de liberté individuelles dans le présent et

dans l‟avenir.

Peter Handke fait une description de bonne fatigue en racontant la moisson : « nous

étions assis, et en parlant ou nous taisant, nous goûtions la fatigue commune, comme

rassemblés par celle-ci, dans une épisodique entente de tous les voisins et des

générations. » [62] Pour lui, cette fatigue touche tous les hommes, de tous les horizons et

de tous les âges. Elle assure une cohésion qui parait indestructible sur le moment. Elle est

pour lui magnifique.

Elle est également présente dans le discours de Descartes : « des exercices du corps,

comme la chasse, le jeu de paume et autres semblables, qui ne laissent pas d‟être

agréables, encore qu‟ils soient fort pénibles ; et même on voit que souvent c‟est la fatigue

et la peine qui en augmentent le plaisir. Et la cause du contentement que l‟âme reçoit en

ces exercices, consiste en ce qu‟ils lui font remarquer la force, ou l‟adresse ou quelque

autre perfection du corps auquel elle est jointe. » [26] La bonne fatigue n'angoisse

nullement parce qu'elle est rattachable à une nomination, à un sens possible. « Je suis

mort de fatigue » est ainsi l'expression d'un bien-être, venant à couronner

l'accomplissement d'une tâche ou d'un exploit apprécié parce qu'il a demandé des efforts

nombreux ou réitérés [36].

La « bonne » fatigue, comme pour la « bonne » douleur, est aussi dans les

représentations collectives, l‟occasion de se dépasser, de repousser ses limites et donc de

progresser. Les exemples sont nombreux, mais c‟est dans le sport qu‟ils sont les plus

parlants. Le volume d‟entraînement des sportifs de haut niveau n‟a cessé d‟augmenter ces

dernières décennies : pensant que la répétition et le nombre d‟heures passées sont les

meilleurs moyens de progresser. Or des progrès ont été démontrés en réduisant le nombre

d‟heures d‟entraînements. Cette représentation est à l‟origine d‟une étonnante

contradiction : le travail use, mais le travail peut également faire progresser…

→ Ainsi la fatigue physique dans la représentation collective est fréquemment

« normale ». Normale par le travail et l‟activité, mais aussi dans la pathologie. Le malade

est fatigué. Mais quand aucune cause organique n‟est retrouvée, à partir de quel degré de

fatigue physique, la plainte est-elle recevable ?

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80

5.1.3. Relation entre fatigue psychique et mauvaise fatigue

Longtemps, la mauvaise fatigue est considérée comme l‟apanage exclusif des

couches supérieures et des élites intellectuelles. Pour la première fois en 1887, la fatigue

est mise à l‟ordre du jour des débats de l‟académie de médecine : elle est saisie du

problème de surmenage intellectuel. Ce n‟est pas un hasard : la fatigue psychique quand

elle est reconnue est forcement pathologique.

L‟infatigabilité de la contemplation d‟Aristote n‟est que relative. Nous ne saurions

contempler toujours, même si nous pouvons le faire plus longtemps que courir. Il en

conclut que c‟est parce que nous pensons avec le corps que penser en vient naturellement

à nous fatiguer. Il est impossible à l‟homme de soutenir la jouissance continue, même par

la contemplation. La pensée, « le moins fatiguant de tous les actes humains est le plus

humain », à la fois en tant qu‟il est le moins fatiguant, mais aussi en tant qu‟il est

inéluctablement fatiguant. » [26] Il n‟est pas étonnant qu‟on lui accorde une gravité sans

mesure.

C‟est le théologien Malebranche qui rompt avec la pensée grecque (fin XVIIe), et

fait de la pensée un travail [26] : « l‟homme doit travailler de l‟esprit pour gagner la vie

de l‟esprit, c‟est une nécessité absolue. » Ce travail est pour lui une libération. Il ne voit

pas dans la liberté un indivisible, qu‟on possède ou pas, mais une faculté qui s‟accroît par

l‟usage qu‟on en fait. Il faut « faire usage de sa liberté AUTANT QU‟ON LE PEUT. » Il

n‟y a rien d‟étonnant que la fatigue de la pensée soit à l‟origine d‟un grand malaise.

On est tenté de penser que les « mauvaises fatigues » sont en attente d'une

nomination, qu‟elles souffrent d'une non-existence, d'une non-reconnaissance dans le

discours médical. « Se traîner, sans très bien savoir pourquoi, n'être bien nulle part. » La

mauvaise fatigue angoisse, inquiète d'autant plus qu'elle se fait habituelle, que sa cause

est obscure et qu'avec l'entourage elle crée une véritable coupure relationnelle [12].

Incomprise du sujet et de sa famille, doit-elle être respectée ou faut-il se « secouer » ?

Composer avec elle est de la haute voltige pour le patient lui-même [36]. Il est impossible

pour l‟individu d‟interpréter sa fatigue quand la faiblesse musculaire ou la maladie ne

sont pas bruyantes. Les tourments sont augmentés car le malade ressent le premier les

effets néfastes du repos prolongé. Il est souvent plus facile de l‟interpréter comme une

fatigue psychique, conservant ainsi un coté mystérieux.

→ Il est certainement simpliste un peu simpliste de faire correspondre la mauvaise

fatigue à la fatigue psychologique, et la bonne fatigue à la fatigue physique. Pourtant

c‟est une facette historique de nos représentations. Cette représentation n‟est plus tout à

fait d‟actualité à en croire les résultats du sondage.

Page 81: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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5.1.4. Quand la fatigue psychique fait l‟objet d‟une plainte

La fatigue psychique, en règle générale, paraît être un phénomène très peu

intéressant, un état plutôt gris, chronique qui aplanit, abrase toutes les différences, affadit,

parasite, réduit à l'impuissance, comme la douleur chronique et la dépression. Dans le

rapport à l'autre, elle risque de provoquer un fort contre-transfert négatif. La sous-

estimation est un risque. Sous prétexte d'impuissance, de répétitivité, de lassitude, de

stagnation, d‟absence de changement, la fatigue psychique fait courir à l'interlocuteur un

risque de collusion antithérapeutique [12, 36]. Désinvestissement ou acharnement,

agressivité ou indifférence, sentiment de défi ou d'omnipotence ne manquent pas alors de

se manifester comme autant de signaux disant qu'il est pénible de faire l'expérience de ne

pouvoir rien faire d'autre qu'écouter la plainte. Tout ce qui est malade se doit d‟afficher

son anormalité sous peine d‟être frappée d‟illégitimité. Lorsque l‟image et les chiffres

sont normaux, la fatigue génère un malaise que le médecin a cherché à conjurer à l‟aide

d‟un outil familier : la nosologie. C‟est ainsi que la fatigue chronique a été

successivement dénommée psychasthénie, asthénie neurocirculatoire, patraquerie,

spasmophilie normocalcémique, encéphalomyélite myalgique bénigne… participant à

obscurcir l‟atmosphère autour du malade.

Guerbois en 1803 écrit au sujet de la nostalgie : « la cause de ce chagrin ne fut pas

difficile à deviner. Je dis deviner, car il était impossible d‟arracher un aveu à ces sortes de

malades ; aucun ne voulait dire ce qu‟il éprouvait. Ils paraissaient pour ainsi dire honteux

du mal qu‟ils ressentaient, mais ils se trahissaient par la joie que faisait éclater dans leurs

yeux la promesse d‟un congé ». [9] Un soldat proclamant bruyamment sa douleur d‟être

séparé des siens serait à coup sûr un simulateur. Le chirurgien Percy enseignait à ses

collaborateurs qu‟une nostalgie authentique se dérobait à la pleine conscience et aux

démonstrations sans pudeur. « Le désir trop tôt exprimé de revoir son pays décèlera à

l‟homme de l‟art le piège tendu à sa bonne foi par la paresse ou la ruse ».

Le sujet fatigué est pris dans l‟ambivalence de son symptôme. Il se sait malade mais

ne sait pas comment se plaindre. Comme la douleur, la fatigue échappe à la définition, à

la représentation, à la mesure et surtout à tout partage possible ; le sujet fatigué, comme le

douloureux, demeure cruellement bien seul avec lui-même. Rien d'étonnant que maladie

grave, fatigue et douleur soient aussi inéluctablement associées dans l'imaginaire collectif

comme autant de facettes d'une même réalité : la mort [36].

La somatisation est l‟illustration même du tabou. Face à la représentation floue de la

fatigue dans les standards et le déni, les patients ressentent leur souffrance comme

médicalement incorrecte : « cause à mes muscles, mes tendons, ma tête est fatiguée… »

[43].

→ La fatigue psychique n‟est finalement bien reçue que lorsque le surmenage

intellectuel est criant. De nombreux psychothérapeutes, psychanalystes ont poursuivi

cette voie, consolidant cette métaphore énergétique de la fatigue psychique. Le syndrome

du « Burn Out » en est l‟exemple le plus caricatural.

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82

5.1.5. Quand la fatigue physique est recevable

La fatigue du peuple ne devient un sujet de préoccupation que lentement, lorsque les

plus riches prennent peu a peu conscience des liens qui unissent leur sort à celui des plus

pauvres. L‟industrialisation réclame plus de sécurité, plus de modernisation et une main

d‟œuvre plus précise et plus productive. Mais il faut attendre l‟action de médecins

engagés, relayée par le mouvement syndical, pour que le droit de souffrir de la mauvaise

fatigue soit reconnu aux catégories populaires [76]. Aujourd‟hui encore les travailleurs

manuels souffrent de la moindre reconnaissance médicale, les plaintes ont tendance à être

limitées et les discours s‟attardent sur le concept d‟usure obligatoire.

Autour de ces discours et de cette souffrance s‟est justement construite une cohésion

entre les individus. La plainte est tue car plus grande est la résistance à la fatigue plus fort

est le groupe. La plainte physique fragilise ces liens, d‟autant plus si le plaignant est

jeune. Les sociologues parlent de « logique de défense collective. »

La notion d‟usure, contrairement à la fatigue quotidienne, offre l‟avantage de ne pas être

la marque d‟une faiblesse personnelle, mais justement le signe que l‟on s‟est beaucoup

donné, sans compter ni rechigner.

Alors que les théories médicales sur la neurasthénie peuvent prospérer malgré

un fondement physiologique finalement très fragile et hypothétique, les médecins

qui ont étudié la fatigue ouvrière n’ont pu faire reconnaître leurs travaux qu’au

prix d’un stérilisant refus de subjectivité ! La fatigue physique doit être objectivée

pour être recevable. Les outils de mesures restent très nombreux, et sont au cœur du

raisonnement médical. Ces outils sont aujourd’hui très précis, mais il existe encore

de nombreux biais d’interprétation (Cf. mesurer la fatigue). Comme la fatigue

"physique" se confond avec la faiblesse, mesurable, je ne m’intéresserai plus qu’à

la fatigue "psychique", le ressenti étant au centre de ma problématique.

La quantité de fatigue n‟est pas directement rapportée comme un élément de fatigue

pathologique. Elle l‟est, en réponse au sondage, comme annoncé en introduction, si

disproportionnée ou résistante au repos (augmentant le temps de repos), voire présente

avant l‟action. On voit apparaître dans cette représentation, la plus importante, un

argument extrêmement subjectif qui semble intégrer l‟expérience personnelle et la

conscience collective (cf. infra). Il existerait une fatigabilité raisonnable pour une

quantité de travail donnée, dictée par une sorte de sagesse du groupe, implicite, et même

évidente ! Il n‟y a pourtant rien de moins évident (Cf. notion d‟effort).

→ Ce traitement inégal des plaintes de fatigue suivant les classes sociales traduit en fait

des mécanismes complexes de rapports de forces sociaux. Dès lors, c‟est peut être plus

sur le terrain social que sur le terrain scientifique qu‟il faut chercher certains facteurs

pouvant expliquer la diffusion de l‟idée de "mauvaise" fatigue…

Page 83: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

83

5.1.6. Le paradoxe de Sartre

Sartre complique encore les représentations morales par son analyse. Suite à une

promenade en montagne il s‟explique. Celui qui vainc sa fatigue et continue son effort

"aime" sa fatigue, il "s‟y abandonne" comme à un bain. Il se sacrifie pour que le monde

existe davantage. Mais aimer la fatigue, c‟est aimer son corps, donnant à l‟effort une

interprétation narcissique et assez péjorative. Dès lors, Sartre choisit d‟appréhender sa

fatigue avec "raideur", comme un phénomène importun dont il veut se débarrasser. Tel

est son paradoxe : la position la plus active est décrite en termes de passivité, tandis que

la position de celui qui cède est décrite comme la ferme résistance aux séductions du

corps.

La fatigue de Sartre est une fatigue rebelle, révoltée et surtout contestataire. Mais

pensait-il si bien dire ? La fatigue s’exprime volontiers dans la confusion des symptômes

ou des idées. Un ras le bol brutal ou progressif. Devant le soupçon d‟exigences

surdimensionnées, d‟incommodités subies, la fatigue se présente comme le début de

rébellion… Ce n‟est pas comme cela que Sartre imaginait sa randonnée en montagne, ce

n‟est pas avec ces sensations qu‟il voulait passer la journée. Il choisit d‟arrêter, car il

n‟est pas d‟accord avec la situation. Est-ce que sa fatigue aurait été plus grande si la

marche lui avait été imposée ? Certainement, s‟il y a, à cette occasion, une modification

de son sentiment de liberté (cf. infra).

Des sociologues américains ont mis en évidence que la structure sous jacente des

représentations sociales de l‟étiologie de la plupart des maladies dans les sociétés

industrielles occidentales, pouvait se résumer à l‟idée d‟agression de l‟individu présumé

sain, par la société (pollution, bruits, rythmes de vie…).

Il semble bien que la représentation de la fatigue de Sartre s‟est largement développée. A

tel point qu‟être fatigué est devenu une expression extrêmement courante, banalisée.

Parfois sans même le savoir, on peut se plaindre de fatigue, simplement pour exprimer sa

douleur face aux agressions multiples. Le stress fatigue, et je pense que ce n‟est pas juste

un sens figuré ou un abus de langage, c‟est une authentique fatigue [39].

→ A priori cette fatigue n‟aboutit pas à une consultation médicale : 87,8% ont ressenti

une fatigue inexpliquée, seulement 35% ont consulté.

5.1.7. La fatigue n‟est jamais neutre

Le diagnostic de neurasthénie monte en puissance en France à la fin XIXe siècle

pour disparaître vers 1930. C‟est l‟occasion pour les hommes d‟affaires, les artistes et

plus généralement les bourgeois, d‟exprimer des sentiments ambivalents face à la

modernité, en se dégageant de tout jugement moral. La neurasthénie est, pour caricaturer,

remplacée par la dépression alors qu‟elle reste d‟usage courant en Chine où les troubles

d‟ordre strictement psychologique sont mal acceptés, notamment parce qu‟ils peuvent

constituer une critique implicite du régime [76].

Page 84: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

84

Bonnes ou mauvaises fatigues correspondent plus à une problématique de mode,

non sans réels fondements. La façon dont la fatigue est décrite et finalement

ressentie au sein d’un groupe, est orientée par les représentations collectives

dominantes (structurées autour de croyances pathologiques, de médecine, de

science, de morale, d’éthique, du besoin de reconnaissance…), qui participent aux

enjeux sociaux et à la régulation sociale propre à ce groupe. La fatigue ressentie

comme "mauvaise" traduit des pressentiments, des inquiétudes qui évoluent avec la

civilisation. « Le rapport à la fatigue n’est jamais neutre ; il comporte le projet de la

quitter et de la surmonter, par le repos ou l’effort victorieux » [26]. La question de

la fatigue est donc universelle, ancienne et quotidienne. Elle semble imposer

constamment une décision réfléchie.

Chrétien s‟exprime sur la notion de "bonne" fatigue. On ne prend plaisir à la fatigue

que quand on n‟y est pas condamné. « La joie des grandes dépenses suppose d‟amples

ressources, et elle est d‟autant plus joyeuse qu‟en vérité ses dépenses augmentent ses

ressources encore. La fatigue du corps en ces jeux est déterminée et spécifiée par leur

gratuité et leur libéralité, ce en quoi elle ne peut être décrite comme fatigue » ! Le mot

« travail » du fait qu‟il s‟applique simultanément à ceux pour lesquels il est épuisant,

fastidieux, désagréable, et à ceux qui y prennent manifestement plaisir, est une

escroquerie [76]. Cette très juste distinction permet d‟introduire la question du dopage

sportif, et du problème des « workaholics », où l‟individu s‟impose volontairement une

fatigue, qui n‟a a priori pour but que d‟augmenter encore et encore ses ressources, et

fréquemment y associe des conduites dopantes (cf. infra).

La fatigue neutre, seule, perd tout son sens. Et il n‟y a pas non plus de fatigue définie

intrinsèquement bonne ou mauvaise. Elle est, ce qu‟on la fait être à partir d‟un projet

social, commun ou individuel et personnel. Rien ne commence avec la fatigue si ce n‟est

le repos. Elle est secondaire et tardive, et est un indice sur ce qui la précède. « L‟idée de

fatigue première semble aussi absurde que celle d‟un oubli premier. » Les sciences

s‟inscrivent dans la pensée de Chrétien, puisque la chimie et la physique ne suivent pas

d‟éthique. En revanche, comme le fait remarquer Canguilhem la vie est polarisée. Elle

fuit la mort et l‟extinction de l‟espèce. On peut donc concevoir une bonne ou mauvaise

activité biologique, mais celle-ci se décrit justement dans son contexte.

→ « Si des analyses philosophiques peuvent distinguer, voire opposer, une fatigue

du corps et une lassitude de l‟âme, il n‟est pas pour nous d‟abord de fatigue, si spirituelle

qu‟elle soit, qui ne pèse sur nos gestes […] ni d‟effort physique qui ne nous plonge en

quelque lenteur ou stupeur » [26]. Toute limite parait artificielle.

« Si on éprouve le besoin de se rassurer c’est qu’une angoisse hante constamment la

pensée, si on délègue à la technique le soin de restaurer dans la norme l’organisme

affecté, c’est qu’on n’attend rien de bon de la nature par elle-même » [18]. La

fatigue "normale" serait celle qui n’angoisse plus, qui n’interroge plus, qui s’intègre

naturellement dans la logique propre et sociale, grâce à l’expérience, et la

connaissance personnelle et collective.

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85

5.2. Traiter la fatigue : approche biopsychosociale

Nous avons vu la subjectivité des représentations de la fatigue pour le patient. Existe-t-il

des limites plus objectives en médecine ? Peut-on appréhender cette subjectivité ?

5.2.1. La fatigue est plurifactorielle : Syndromes Overlappés

Actuellement quand la fatigue ne s‟accompagne pas de cause organique évidente, le

médecin se doit d‟évoquer la fibromyalgie, le syndrome du colon irritable ou le syndrome

de fatigue chronique. Ces trois entités ont fait l‟objet de longues dissertations pour leur

reconnaissance. Pourtant l‟incertitude persiste du fait d‟un argument fort : ces 3

syndromes sont dits « overlappés ». À titre d‟exemple, environ 70 % des patients

souffrant du SFC présentent des manifestations symptomatiques de fibromyalgie alors

que 42 % des patients fibromyalgiques répondent aux critères du SFC [7]. Les

interrogations sont d‟autant plus grandes qu‟il n‟y a toujours pas de physiopathologie

bien claire. Cette confusion est à l‟image du symptôme fatigue en général.

Une confusion similaire est remarquable au XIXe siècle à l‟occasion des discussions

autour de la fièvre. On avait décrit la fièvre ataxique, la fièvre maligne, la fièvre locale, la

fièvre putride, la fièvre mésentérique, la fièvre bilieuse, la fièvre essentielle, la fièvre

froide, [50]… Autant d‟entités qui aujourd‟hui font bien sourire.

La douleur ne suscite plus la même confusion aujourd‟hui, alors que les discussions ont

été bien plus virulentes [93].

Pour Chrétien, « cette polychromie de la fatigue offre à qui voudrait la décrire une

tache indéfinie, mais qui aurait la vanité toujours attenante à l‟indéfini, car elle se perdrait

dans l‟énumération hasardeuse et profuse… » [26]. Il a tout à fait raison. La revue de la

littérature est catégorique : la fatigue est polyfactorielle. Nous avons vu que la fatigue

peut naître de tous les organes, sans compter tous les facteurs favorisants. Chaque

phénomène décrit fait partie d‟un ensemble qui ne cesse de se complexifier au fur et a

mesure des découvertes. Chaque événement est cause non pas d‟une ou de deux

conséquences, mais d‟une multitude, rendant l‟analyse extrêmement difficile voire

impossible dans la rigueur et le détail. Ceci impose donc une observation globale et donc

une compréhension de l‟ensemble. La fatigue nous rappelle que « l‟être humain est une

unité où la structure, le fonctionnement, le cerveau et l‟esprit sont mutuellement et

réciproquement interdépendants » (A. T. Still, premier principe de l‟ostéopathie).

→ L‟argument principal qui nous incite à croire que la fatigue peut être décrite par un

modèle unique est le suivant : « Il n‟est aucun acte humain, même le plus joyeux et le

plus roboratif, qui ne soit sous l‟horizon de la fatigue… Elle suppose par essence la

temporalité, et inversement une temporalité sans fatigue ne serait qu‟irréelle. » [26] Bien

plus que la douleur, la fatigue est universelle, et constante, au sein même de notre être.

Imaginer qu‟elle pourrait avoir différents mécanismes indépendants, n‟expliquerait pas

cette parfaite coordination.

Page 86: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

86

5.2.2. A quoi sert la fatigue ?

Comme Pr. Dupond [43] on peut à juste titre s‟interroger sur la finalité de ces actions

biologiques qui choisissent de faire mal pour prix de la guérison, ce qui pourrait paraître

irrespectueux de toutes les règles de bonne pratique médicale! Comment réagirait un

malade face à un médecin qui, pour le guérir, lui proposerait de lui faire très mal, de lui

donner de la fièvre, des douleurs musculaires, et de lui couper l‟appétit !

Pour lui la fatigue impose une économie d‟énergie pour concentrer toutes les ressources

de l‟organisme au profit de la seule lutte contre la maladie. Ainsi la fatigue entre dans la

vision de Canguilhem de la maladie : elle n‟est pas seulement déséquilibre ou

dysharmonie, elle est aussi et surtout effort de la nature pour obtenir un nouvel équilibre ;

réaction généralisée en intention de guérison [18]. Mais cette économie a-t-elle un sens

encore aujourd‟hui, alors que nous vivons dans l‟abondance, que les progrès techniques

permettent des réparations plus rapide que nature ? Cette vision qui considère la fatigue

comme un phénomène purement énergétique n‟est-elle pas encore une fois réductrice ?

« Nous pensons que la vie n‟est pas indifférente aux conditions dans lesquelles elle

est possible, que la vie est polarité et par là même, la vie est en fait une activité

normative » (qui constitue des normes) [18]. Il ne fait aucun doute que la fatigue peut être

une défense incroyable de notre organisme face aux agressions indirectes et répétées. Les

phénomènes de rétrocontrôle sont très fréquemment décrits en physiologie, ils permettent

d‟obtenir l‟homéostasie, un équilibre biochimique, physique et très certainement

psychologique. Et dans le cas de la fatigue, la nature a fait que ce rétrocontrôle passe par

la conscience dans notre espèce. Nous ressentons la fatigue.

Ainsi la fatigue devient un moyen pour la vie de retourner vers la normalité, un état

sans fatigue, et des conditions adaptées à sa prolongation. Si on continue sur la thèse

de Canguilhem, la fatigue n’est ni normale ni pathologique, puisque c’est un moyen,

dont la fin est l’action de se reposer. Elle est une alarme qui peut annoncer aussi

bien un état normal, que pathologique.

De cette théorie suit la question incontournable de la sensibilité et de la spécificité de

cette alarme. La fatigue peut-elle être trop précoce, peut-elle survenir bien avant le

risque lésionnel et empêcher ainsi une utilisation optimale de nos compétences ?

On sait que la fatigue peut être tardive (burn out, fracture de fatigue). Il existe

indiscutablement dans l‟organisme des lésions ou des perturbations fonctionnelles

pendant longtemps imperceptibles pour ceux dont elles mettent la vie en danger [63]. Ce

qui laisse présager une mauvaise sensibilité. La grande fréquence de la fatigue fait

craindre une mauvaise spécificité et une très mauvaise valeur prédictive positive.

Page 87: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

87

→ Dans le l‟incroyable combat pour l‟existence des espèces, la fatigue s‟est

maintenue, dans le souci d‟économie et de meilleure exploitation des rares ressources.

Mais il est impossible de négliger l‟importance de la prise de conscience de la fatigue qui

impose à l‟individu de participer activement à la lutte contre sa fatigue. Il n‟est pas

étonnant que la question du traitement de la fatigue provoque des réactions passionnées

(cf. automédication et dopage).

Enfin le théâtre de l‟évolution des espèces, c'est-à-dire le milieu, la pression de sélection

est autant sinon plus important que la biologie elle-même. L‟homme a modifié son

milieu, l‟obésité et le diabète en sont les conséquences criantes. L‟alarme fatigue est-elle

encore bien réglée ? Faut-il agir sur l‟individu ou sur le milieu ?

5.2.3. Le cercle vicieux de la fatigue

« L‟hôpital est un lieu artificiel où la maladie transplantée risque de perdre son

visage essentiel. Elle y rencontre tout de suite une forme de complication que les

médecins appellent fièvre des prisons ou des hôpitaux ; asthénie musculaire, langue sèche

saburrale visage plombé, peau collante dévoiement digestif, urine pale, oppression des

voies respiratoires, mort du huitième ou onzième jour, au plus tard le treizième. »

(TENON, mémoires sur les hôpitaux ; paris, 1788)

Ce constat est toujours d‟actualité. On sait que l‟alitement prolongé engendre des effets

négatifs sur la fonction cardiorespiratoire et sur la capacité intrinsèque du système

moteur. Le malade est le premier à le sentir. L‟individu sédentaire présente une

hypotrophie musculaire, une force et une consommation maximale d‟oxygène restreintes,

un rendement mécanique médiocre et un métabolisme de repos faible comparé à celui de

l‟individu actif. Il fait l‟objet d‟un vieillissement cardiorespiratoire et d‟une sarcopénie

accélérés [61, 65].

Pourtant du fait de la fatigue (et de sa pathologie) le patient est forcé de s‟aliter. La

fatigue, comme tous les sentiments, quand elle est trop forte, inhibe le cortex, comme

pour informer d‟une situation d‟urgence. Il s‟agit de prendre une décision en urgence,

parmi celles qui ont largement fait leurs preuves : le repos et dormir! Et donc si le repos

n‟est pas réparateur, l‟individu est dans une impasse cognitive et physique.

Certains auteurs [92] ont remarqué que le sentiment de fatigue proviendrait surtout

d‟une envie de revenir à un état antérieur, d‟avant la maladie (cf. infra). Quand la

guérison est impossible, en cas de séquelles ou d‟évolutivité, quand les médicaments ont

des effets secondaires ou quand leurs effets positifs sont inconstants, il y a une

exacerbation du sentiment de fatigue.

Page 88: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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Nous avons vu que la dyspnée, les douleurs, la symptomatologie angineuse, les

palpitations ou la claudication, l‟anxiété, etc. étaient autant de facteurs favorisant le

déconditionnement à l‟effort. En admettant que ce déconditionnement peut être à

l‟origine d‟un sentiment de fatigue (puisque le reconditionnement améliore les scores de

fatigue), il est évident que la fatigue provoque de la fatigue. Autrement dit comme pour

les douleurs chroniques, la fatigue chronique s‟autoentretient et va croître

progressivement par elle-même [12]. Et « la maladie perd son visage », la fatigue

s‟accompagne de dépression, de troubles du sommeil, d‟anorexie, de cachexie, de

dyspnée, de déconditionnement à l‟effort, d‟anxiété… à tel point que l‟on perd le fil de

« l‟histoire naturelle » de la maladie.

5.2.4. Il faut préciser le symptôme fatigue

Il semble que le signe « fatigue » ne soit pas encore un symptôme comme la douleur.

La fatigue reste un symptôme primitif, au sens de Foucault, dans notre pratique

quotidienne, puisque le médecin doit se contenter d‟une lecture simple du signe alors que

la sémiologie est « cet ensemble de techniques qui permet de constituer une anatomie

pathologique projective » [50]. La fatigue n‟a pas tout le signifiant du symptôme qui

signifie précisément la maladie. L‟opération est d‟autant plus difficile que la fatigue n‟a

pas de siège à l‟issue de notre examen clinique, qu‟elle n‟est jamais comparable, qu‟elle

est omniprésente, extrêmement fréquente et qu‟elle peut être normale…

Toutes les maladies ont-elles leur corrélatif lésionnel ? Le débat est ancien, et de

nombreux médecins pensent déjà au XIXe que le siège n’est que l’insertion spatiale

de la maladie. Ainsi la fatigue s’apparente plus aux « maladies nerveuses ». Elle

serait plus comme la dépression que comme la douleur. A en croire les

interminables querelles sur la dépression, le débat est loin de terminer [46].

Pour le moment, le symptôme fatigue se distingue de la douleur. Mais la fatigue

bénéficie d‟un intérêt nouveau. La recherche s‟accélère et est pleine de promesses. Nous

avons vu que la fatigue avait différentes facettes, la sémiologie est riche. Il est probable

que nous parvenions à discerner dans les signes de fatigue autant d‟étiologies, chacun

reflètera la défaillance d‟une « voie » ou d‟un système et sa répercussion sur l‟individu

dans toute sa complexité.

Puisqu‟il n‟existe pas de test diagnostique objectif de la fatigue, son identification

repose sur les plaintes subjectives. La fatigue est spontanément exprimée par le patient,

mais souvent limitée à une perception générale qui ne suffit pas pour évaluer et traiter le

problème [100]. La fatigue se rapproche de la douleur, ses caractéristiques détaillées

doivent être précisées. « Il est impossible au médecin de comprendre l‟expérience vécue

par le malade à partir des récits des malades. Car ce que les malades expriment dans les

concepts usuels, ce n‟est pas directement leur expérience, mais leur interprétation d‟une

expérience pour laquelle ils sont dépourvus de concepts adéquats. » [18] Il est urgent

pour les médecins de se munir des concepts adéquats pour appréhender la fatigue.

Page 89: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

89

→ Les recommandations sont unanimes. La fatigue mérite souvent qu‟on lui dédie

une ou plusieurs visites, tant son évaluation est complexe, et tant son impact sur la vie

quotidienne des patients est sévère. Même si l‟utilisation d‟échelles n‟est pas toujours

jugée faisable en pratique clinique, il est utile de développer un modèle de note

standardisé, qui permettra d‟éviter les oublis, facilitera la communication entre différents

intervenants, et aidera à juger le résultat d‟interventions ou l‟évolution spontanée du

problème. Une approche tenant compte aussi du contexte et des circonstances associés au

développement de la fatigue (facteurs déclenchant, d‟entretient et d‟aggravation ;

endogènes et exogènes) est impérative [63, 100].

5.2.5. Justification du modèle de Damasio

Nous avons vu qu‟il était délicat de diviser fatigue périphérique, et fatigue centrale ;

qu‟il n‟y avait pas de corrélation entre la fatigue et la faiblesse musculaire. Nous avons

vu également qu‟il n‟y a pas de « centre » de la fatigue, ni de voie nerveuse unique.

Certains diront comme Claude Bernard : « Si nous ne pouvons pas aujourd‟hui expliquer

tous les phénomènes de la maladie, c‟est que la physiologie n‟est pas encore assez

avancée et qu‟il y a encore une foule de fonctions normales qui nous sont inconnues »

[18]. Et nous avons vu aussi l‟importance des règles sociales dans les représentations de

la fatigue.

Si les mécanismes de la fatigue sont encore flous, le modèle de Damasio du sentiment

permet de proposer une réunification des explications pour le symptôme. Il permet de

faire le lien entre la fatigue centrale et la fatigue périphérique ou entre les aspects

psychologiques et physiques, il permet de tenir compte des impressions de bonne ou de

mauvaise fatigue, de distinguer le pathologique du normal, il confirme le rôle normatif de

la fatigue. Le sentiment de fatigue, est un phénomène cognitif élaboré, qui aurait

pour point de départ une inadéquation entre la réalité, les sensations du corps et

l’impression, l’image que l’individu se fait de lui-même (cf. construction de soi) dans

une perspective d’action. L’expression être en bonne forme (good shape) semble

illustrer exactement notre point de vu : la bonne forme c’est la forme qui colle.

Le médecin écossais Brown au XVIIIe siècle, affirme que la maladie dépend

uniquement des variations d‟intensité de "l‟incitation" (qui permet aux vivants d‟être

affectés et de réagir) [18]. « Il est pleinement démontré que l‟état de santé et celui de

maladie ne sont pas différents par cela même que les puissances qui les produisent ou les

détruisent ont une même action » : il prend pour exemple la contraction musculaire

volontaire et le spasme ou le tétanos. La force résultante est même supérieure dans la

contraction volontaire que dans la crampe musculaire qui est pourtant autrement plus

douloureuse. Le phénomène est très facilement mesurable quand il s‟agit de la

respiration. Quand celle-ci augmente au court d‟un effort moyen elle est à peine perçue

par le sujet. Au contraire si celle-ci augmentait très légèrement au repos, le patient aurait

très rapidement le sentiment d‟inquiétude qui accompagne la sensation d‟essoufflement :

docteur j‟étouffe, je manque d‟air ! Ces exemples montrent bien que les sensations

prennent un caractère pathologique quand elles ne sont pas attendues.

Page 90: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

90

► Chrétien rapporte de nombreux arguments descriptifs et philosophiques [26] qui

semblent confirmer l‟hypothèse de Damasio. « Il n‟y a pas de corps humain

indépendamment de l‟épreuve qu‟il fait de soi, et à cette épreuve appartient

essentiellement la pensée […] La philosophie présente diverses figures d‟une fatigue qui

n‟est pas ce en quoi la tache s‟achève, s‟éteint, s‟interrompt, mais qui au contraire envoie

et destine à la tache, une fatigue à partir de laquelle l‟effort même devient possible. »

Pour Damasio, le sentiment est au cœur de la prise de décision. Tout son questionnement,

toute l‟élaboration de sa théorie, commence par l‟observation d‟un patient qui sans

sentiments était dans l‟incapacité de prendre une seule bonne décision.

► Il cite Gilles Deleuze : « Le fatigué a seulement épuisé la réalisation [mentale],

tandis que l‟épuisé épuise tout le possible. Le fatigué ne peut plus réaliser, l‟épuisé ne

peut plus possibiliser. » Celui-ci distingue la fatigue de l‟épuisement. L‟épuisement est

faiblesse, qui empêche de faire, alors que la fatigue est, pour lui aussi, avant tout un

ressenti, qui interrompt l‟exécution de la tache. En amont de l‟action, la fatigue est un

constat conscient ou inconscient d‟impuissance. Comme l‟enfant qui s‟agite au lieu de

dormir quand vient la fatigue, ou Sartre qui abandonne sa promenade, il semble bien que

la fatigue ne corresponde pas à un épuisement des ressources, mais bien à une frustration,

et à un épuisement de l‟élaboration. Il devient tout à fait clair qu‟il est urgent d‟agir

quand la fatigue fait signe. Et quelle angoisse, quand le sommeil n‟arrive pas !

► Descartes explique que notre âme « ne s‟applique à rien avec tant de peine qu‟aux

choses purement intelligibles, qui ne sont présentes ni au sens ni à l‟imagination.. » C‟est

d‟avoir été enfants et d‟en avoir par la suite gardé les habitudes qui nous rend

l‟intelligible laborieux. La difficulté de penser purement est le revers d‟une facilité à

sentir et à imaginer. Autrement dit l‟apprentissage est fatiguant car il consiste à réunir le

soi et la réflexion acquise (c'est-à-dire l‟a priori) à un nouveau savoir intelligible (qu‟on

peut espérer plus "vrai"…). C‟est l‟écart qui crée la fatigue.

5.2.6. Existe-t-il une fatigue normale ou pathologique ?

Dans le chapitre précèdent nous avons essayé de faire la part entre la bonne et la

mauvaise fatigue par l‟approche du malade. Dans ce chapitre nous essayons définir une

limite par une approche médicale.

« Comte insiste à plusieurs reprises sur l‟obligation de déterminer préalablement le

normal et ses vraies limites de variation avant d‟explorer méthodiquement le cas

pathologique » [18]. Mais il ne propose aucun critère permettant de reconnaître qu‟un

phénomène est normal. « Par le concept d‟harmonie, le normal est ramené à un concept

qualitatif et polyvalent, esthétique et moral plus encore que scientifique. » La définition

OMS dépasse largement la vision de Comte, la bonne santé est « un état de complet bien-

être physique, mental et social et qui ne consiste pas seulement en une absence de

maladie ou d'infirmité ».

Page 91: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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→ La fatigue est normative et correspond à un sentiment qui annonce une

situation a priori insurmontable. Elle agit comme une alarme dont l’objectif est de

ramener l’individu à une situation "normale" ou confortable.

La nécessite de rechercher une anomalie ne doit pas être discutée. Le modèle proposé

permet une meilleure appréhension du symptôme. Sans oublier que le « symptôme

fatigue comme signe d‟appel, [peut] exprimer une autre plainte qu‟il faudrait alors

décoder et aborder d‟une autre manière. Cette question a été beaucoup travaillée dans la

douleur chronique qui peut être l‟expression d‟un mal-être qui n‟arrive pas à se dire

autrement que par le symptôme.» [89].

Quand aucune anomalie n’est retrouvée, ou quand celle-ci est jugée avec toute

subjectivité "normale" ou convenable, ne pourrait-on pas intervenir sur la fatigue ?

Dans le but de rassurer le patient, d’éviter le cercle vicieux de la fatigue, mais aussi

pour le confort ? Quand une pathologie est retrouvée, qu’elle bénéficie d’un

traitement étiologique, pourquoi se priver du traitement associé de la fatigue ? En

cancérologie, par exemple, la nécessité du traitement symptomatique commence à

faire l’unanimité. Peut-on en faire autant du traitement de la grippe ?

Dans cette optique, la limite entre fatigue normale et pathologique tend

effectivement à s’effacer.

5.2.7. Quel traitement symptomatique envisager pour la fatigue ?

Pour le traitement étiologique, le déterminisme poussé à l‟extrême expose au risque

de ne jamais trouver la ou les "causes" initiales qui ont abouti à la maladie. Inversement

le traitement symptomatique intervient le plus souvent légèrement en amont du

symptôme, donc il peut se confondre, en quelque sorte. avec un traitement étiologique.

Pour la fatigue nous ne connaissons pas la physiologie exacte mais considérerons les

traitements possibles en fonction du modèle proposé plus haut. Schématiquement il y en a

4, mais les limites ne sont pas nettes.

1. Un traitement symptomatique "magique" tel que l‟imagine une grande partie des

patients consisterait à effacer la fatigue, avec une gomme, ou bien la pilule de la force, un

concentre d‟énergie et d‟oxygène, ou la potion magique de panoramix…« Docteur, vous

ne connaissez pas des vitamines qui pourraient me redonner un peu d‟énergie ? » Il est

agaçant de voir que les laboratoires ce sont emparés de cette croyance naïve, et que pour

conserver leur part de marché, ils ont bien l‟intention de l‟entretenir.

Page 92: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

92

2. Un traitement des sensations, c'est-à-dire sur les afferences périphériques serait

un traitement symptomatique, il consisterait à mettre tout en œuvre pour améliorer la

perception qu‟a le patient de son corps. L‟orchestration des signaux est bien trop

complexe pour imaginer une action « symptomatique ». Il faut remarquer toutefois que

certains traitements ont une très bonne action sur le symptôme fatigue. C‟est le cas des

IEC par exemple, qui agissent sur les symptômes de l‟insuffisance cardiaque sans

réellement la corriger et participent à l‟amélioration du bien être. En réalité, beaucoup de

traitements symptomatiques utilisés en médecine ont avant tout un effet sur le ressenti du

malade. Ce n‟est pas tant la toux qui inquiète le patient, mais bien la sensation d‟être

malade. Cette action ne sera pas discutée, car tout à fait légitime.

3. Agir sur l‟image de soi, c'est-à-dire les souvenirs, les projets, les motivations.

Tout ce qui fait que l‟individu se pense lui-même, et aussi tout ce qui fait que l‟individu

est vu comme lui-même. Cette action relève de la psychanalyse, de la psychothérapie, du

management, et bien sur de la psychiatrie : elle concerne également l‟éducation,

l‟information, la législation, la publicité... Cette action n‟est pas un traitement

symptomatique. Mais les modifications de l‟image de soi et de la norme agissent

directement sur le sentiment de fatigue.

Cette action est bien connue, pour Pr. Dupond « l‟objectif est de réhabiliter le malade [de

fibromyalgie] dans sa relation avec son corps et lui faire substituer l‟image d‟un corps

vaincu et proscrit à celle d‟un corps reconquis et objet de plaisir. Ce travail de

reconditionnement est un préalable indispensable à l‟action thérapeutique spécifique

[43] ».

4. Agir sur le sentiment de fatigue revient à empêcher que s’accomplisse

l’opération [réalité du corps - image de soi]. On peut imaginer que la différence ne

soit même pas mesurée, ou que la différence ne provoque aucun effet au moins au

niveau de la conscience. On peut même imaginer un agent qui positiverait ce calcul,

ou encore qui étoufferait le "bruit fatigue"…

C’est bien de cette action que nous voulons discuter. Et le traitement ne peut être

qu’un psychotrope. Au même titre que la morphine qui empêche l’arrivée du signal

de la douleur. Pour la fatigue de telles molécules existent depuis longue date, et

suscitent de fortes réactions [41].

La première critique face à l‟utilisation de telles molécules découle des observations de

Damasio :

Un patient qui avait une lésion de la région ventro-médiane du lobe frontal [001], ne

ressentait aucun sentiment, était alors incapable de prendre une décision dans l‟action

présente. Cette zone du cerveau lésée semble correspondre à la zone qui initie la réponse

affective, consciente et corticale aux sensations. Les traitements symptomatiques que

nous avons évoqués exposent donc aux mêmes erreurs. En observant d‟autres patients

ayant la même lésion, Damasio à l‟impression que ses patients vivent dans un rêve. Le

traitement symptomatique, et en particulier contre la fatigue offre l‟illusion d‟une

harmonie, « des paradis artificiels ». Le danger parait a priori important.

Page 93: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

93

La philosophie chrétienne assimile la peine et la fatigue à une acquisition d‟énergie.

La fatigue peut être vaincue en allant au-devant des difficultés mêmes, si ce mouvement

repose sur la confiance en Dieu [26]. Il s‟agit bien d‟une révolution pour les hommes. « Il

ne suffit pas d‟être un homme de désir, il faut être un homme de peine, et c‟est cela être

un homme. » Partant d‟une réalité biologique, la philosophie chrétienne concrétise la

nécessite d‟agir face à la fatigue, et d‟agir en bien. Résister à la fatigue, cela ressemble à

une thérapie collective. Abuser de cette philosophie n‟exposerait-elle pas à des risques

pour la santé ? Il faut noter que la prévention de l‟abus se fait collectivement, avec la

juste mesure du groupe.

5.3. Le problème de l‟automédication

Nous avons maintenant une meilleure vision du symptôme ou sentiment de fatigue. Mais

de nombreuses zones d‟ombres persistent. Quelle fatigue relève de la médecine ? La lutte

contre la fatigue s‟intègre dans de nombreuses pratiques qui ne sont pas médicales.

Quand exactement l‟individu peut-il consulter pour sa fatigue ? Quelles sont ses attentes,

et quel est le rôle de la médecine ?

Je propose dans ce chapitre l‟approche du problème par l‟automédication pour essayer

d‟appréhender les risques et les bénéfices d‟un traitement symptomatique de la fatigue. Et

de démontrer ainsi que toute fatigue peut justifier une consultation médicale, et donc une

prise en charge.

5.3.1. Historique du café, des amphétamines et autres stimulants.

Parler de la fatigue sans parler du café serait inexcusable. Nombreux sont les historiens

qui le tiennent pour pièce maîtresse dans la métamorphose de notre société au XVIIe

siècle [99].

Au moyen age personne ne pouvait se représenter le paradis sans respirer ou goûter

une épice. Les épices se voient attribuer des propriétés fantasmagoriques. Le commerce

des épices constitue une entreprise ultra-lucrative, d‟autant plus qu‟elle est complexe et

fréquemment perturbée. Il est tout à fait admis que Colomb et Vasco de Gamma ne sont

que les héros chanceux de cette quête. Dès qu‟il n‟y a plus rien à découvrir ni à

conquérir, les épices perdent leur pouvoir.

Page 94: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

94

Vers la fin du XVIe un médecin autrichien rapporte l‟existence d‟une boisson chaude

aussi noire que l‟encre lors d‟un voyage en Turquie. Le café est utilisé comme

médicament par les arabes déjà au Xe siècle. Au milieu du XVIIe lorsqu‟on prend le café,

le contenant prime le contenu : la société aristocratique est avide de signes ostentatoires.

La société bourgeoise le considère tout autrement. Ces propriétés constituent un

catalogue varié de vertus. Mais dans la littérature médicale, le café passe d‟abord pour

une boisson « sobre ». Jusqu‟au XVIIe siècle, l‟alcool jouait un rôle difficilement

imaginable aujourd‟hui. La bière et le pain sont les aliments principaux. La

consommation s‟élevait à 3 litres par jour et par personne, enfants compris : les effets,

avec notre regard, étaient désastreux. C‟est grâce au café que l‟Europe, qui erre dans les

vapeurs de l‟alcool, est éveillée à la raison et à l‟ardeur industrieuse bourgeoise : telle est

la teneur de la propagande en faveur de la nouvelle boisson.

Le bourgeois travaille surtout avec son cerveau, son attitude corporelle est la position

assise. Ce nouveau mode de travail et d‟existence concerne l‟organisme tout entier.

« Avec le café, le principe rationaliste se donne accès à la physiologie de l‟homme et la

transforme conformément à ses exigences » [99]. Dès lors les avis divergent. Pour le

bourgeois, la propriété d‟exciter l‟esprit et de tenir artificiellement éveillé signifie

prolongation et intensification du travail. Mais s‟y juxtaposent d‟autres conceptions qui

vont du scepticisme à l‟hostilité. Elles sont le plus souvent l‟expression d‟un

pressentiment du prix que le corps ou la santé doivent payer pour le progrès qu‟apportent

une plus forte concentration et un meilleur rendement dans le travail. Malgré les

inquiétudes des médecins qui reprochent au café de dessécher le phlegme, les

« coffeehouses » se multiplient, d‟abord pour le commerce puis comme lieu de

discussions et de communications. Il faut attendre un demi siècle avant que ne pénètre le

café dans la sphère domestique Fatalement il va perdre sa dimension héroïque.

Trois points sont à souligner dans ce résumé : la propagande, l’approche

ergonomique, et enfin la réunion des consommateurs. Le café du matin comme le

verre du samedi soir lient d’autant plus efficacement l’individu à la vie sociale qu’ils

sont d’un usage agréable.

Le tabac provoque « l‟ivresse sèche », ses effets sont ressentis à cheval entre l‟alcool

et le café. Si le café stimule, le tabac est réputé calmer. Les deux substances se

complètent, l‟une stimule le cerveau, l‟autre tranquillise le reste du corps. Dans l’histoire

de la consommation du tabac, l’augmentation vertigineuse accompagne la

simplification et l’abrégement de l’acte de fumer [41, 99].

Le constat est similaire en ce qui concerne l‟alcool. C‟est à la fin du XVIIe siècle que

l‟eau de vie est introduite à l‟usage régulier, la consommation monte immédiatement en

flèche, pour revenir à des moyennes habituelles dans la 2e moitie du XVIIIe. L‟épidémie

aura été de courte durée, mais les ravages sont importants comme ils le seront chez les

indiens d‟Amérique du nord. C‟est de cette époque que naît l‟alcoolisme solitaire. A

l‟aube de la révolution industrielle, la nécessité de l‟existence d‟une drogue puissante et

bon marché illustre le malaise d‟une partie des classes sociales les plus pauvres : en

particulier les personnes issues de l‟exode rurale [41, 99].

Page 95: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

95

L‟opium est un sédatif et analgésique très répandu au XIXe. Il est utilisé aussi

facilement que l‟aspirine aujourd‟hui. Mais l‟introduction volontaire et massive en Chine

par la Compagnie anglaise d‟Orient et de Chine a été la ruine de l‟empire du milieu. Sa

transformation en morphine en 1817 puis en héroïne en 1874, et leur passage du militaire

au civil (comme pour le tabac et l‟eau de vie), ont eu les conséquences dramatiques que

nous connaissons.

L‟amphétamine et tous ses dérivés sont tellement nombreux qu‟ils pourraient être les

« orchidées » des agents psychoactifs [106]. Le mot amphétamine correspond strictement

à une structure moléculaire (α-methyl-phenethyl-amine), mais l‟abus de langage en a fait

un mot très lourd de sens, souvent effrayant, certainement au même rang que l‟héroïne.

L’action amphétaminique est pourtant recherchée dans de nombreuses civilisations

depuis des temps très anciens à travers les plantes. On a retrouvé des traces de ma

huang (éphédrine) ou ephedra sinica dans des temples védique en Inde (-1500 a -500

avant J.-C.). Lophophora williamsii (mescaline) est utilisé par les indiens

d’Amérique depuis 2000ans. Catha edulis (cathinone et norpseudoéphédrine) est

appelé également khat (qat) par les arabes ou myrrha (miraa) en Afrique de l’est.

On rapporte que le khat est utilisé par 85% des adultes au Yémen, pour ses

propriétés anti-fatigue, pour améliorer l’estime de soit, et malheureusement pour

lutter contre la sensation de faim. Mais son utilisation est accompagnée de rituels

très complexes et très particuliers.

Les exemples sont très nombreux, et il est nécessaire d’insister sur l’utilisation

souvent encadrée de ces plantes, que se soit dans un cadre médical ou social [41].

La β-phenéthylamine et la phenyléthanolamine, métabolites de la phénylalanine, et la

tyramine métabolite de la tyrosine, ou la tryptamine du tryptophane ont des structures

amphétaminiques. Elles sont retrouvées à l‟état naturel dans le corps humain. Leur action

amphétaminique est confirmée par l‟administration exogène de β-phenéthylamine ou par

action indirecte des IMAO. Il existerait donc des « amphétamines » endogènes, comme il

existe des morphines endogènes, les endorphines.

L‟amphétamine est inventée en 1887. En 1936 Benzédrine® (dextroamphétamine) est

vendue sans ordonnance. En 1946 il lui est attribué 40 indications thérapeutiques. Son

potentiel addictif est évoqué dès 1937, mais n‟est reconnu que dans le milieu des années

1960. En 1970, la production atteint les 10 milliards de tablettes, et plus de la moitié sont

vendues sur le marché noir, on parle de « crise de civilisation », « fléau public » et surtout

de « menace majeure pour le groupe ». La loi du 31 décembre 1970 relative « aux

mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l‟usage

illicite des substances vénéneuses » est présentée quasi unanimement comme une loi de

« salut public » [41]. Mais de nombreuses personnes sont frappées par son caractère

exceptionnel : fort éloignée des critères habituels de droit de la santé, exorbitante de droit

commun…

Page 96: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

96

5.3.2. Automédication et paradoxe du dopage.

On constate depuis 15ans que les citoyens européens aspirent à prendre une grande

part de responsabilités dans le cadre de leur propre santé. Telle est l‟évolution de la

politique de santé en France depuis la loi Kouchner. La CNAM tente de sensibiliser ses

assurés sur le problème de l‟automédication depuis 1991 : “ un médicament ça ne se

prend pas à la légère ”. Le rapport du conseil national de l‟Ordre des médecins de février

2001 [90], conclut au sujet de l‟automédication qu‟ « il est important d‟appréhender au

mieux le mouvement consumériste, l‟industrie pharmaceutique et la sécurité sociale ainsi

que les différentes motivations de la pratique de l‟automédication.»

« Si l‟automédication n‟est pas déraisonnable lorsqu‟elle s‟avère utile dans l‟attente d‟un

avis médical pour pallier temporairement un trouble important par une médication de

courte durée, par contre elle risque de devenir très dangereuse si elle échappe trop

longtemps à une consultation médicale ou si elle est utilisée de façon irréfléchie alors que

la maladie responsable du trouble n‟est pas encore identifiée. La prudence réclame une

éducation de l‟utilisateur, notamment par une information pertinente.»

Les stupéfiants ne sont pas des médicaments donc leur utilisation ne peut pas être, au sens

strict, confondue avec l‟automédication. L‟usage de drogues couvre un large spectre de

modes d‟utilisation : du festif, au dopage, en passant par le rituel initiatique et bien sur la

toxicomanie. On retrouve dans les motivations des similarités avec celles de

l‟automédication, à la nuance près de l‟interdit et de la désocialisation [41, 71, 90]. Elles

sont la conséquence d‟une impulsivité émotionnelle d‟inquiétude, d‟isolement,

d‟insouciance, de négligence, d‟ignorance (choix de l‟agent, de sa posologie, de la durée

du traitement, connaissance des risques…), d‟un sentiment d‟indépendance vis à vis de la

toute puissance du thérapeute, de la tentation d‟une source d‟économie de consultations

ou (et) de médicaments, d‟un souci de “ gagner du temps ”, de l‟obligation de résultats,

de l‟influence des associations de consommateurs, majorée par la confusion née du

foisonnement d‟informations largement médiatisées.

→ Ainsi avec empirisme on parvient à des solutions remarquables : des médecins se

sont penchés sur l‟automédication par la methamphétamine chez des patients VIH [95].

Les patients se plaignent essentiellement de fatigue [13], de peur et d‟engourdissements.

Tous ont expliqué prendre la methamphétamine pour traiter la fatigue, et les douleurs

neuropathiques. Mais ils sont nombreux à rapporter les douleurs et l‟anxiété exacerbées

quand les effets sont passés.

La consommation de cocaïne est en pleine croissance [86]. On retrouve une

utilisation importante et encore sous estimée dans de nombreux métiers. De la mode à la

publicité, des courtiers en bourse aux avocats, de la politique à la restauration, la cocaïne

est devenue omniprésente. D‟autant plus présente que les enjeux sont importants : elle

sert « pour tenir la pression ». L‟article du Monde du 12 avril 2006, est ahurissant

d‟exemples pour les personnes non initiées, déjà banal pour les autres. En 2005, l'OFDT

(observatoire français des drogues et toxicomanies) constatait que "les milieux sociaux

concernés par cette consommation sont devenus tellement larges et hétérogènes qu'il est

difficile aujourd'hui de dresser un portrait type du consommateur".

Page 97: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

97

Un consommateur rapporte : "ceux qui consomment au boulot savent que c'est pour

compenser une faiblesse, c'est dévalorisant de l'avouer. Ça peut être le matin avant de

partir, dans les toilettes du bureau après le déjeuner ou avant un rendez-vous important.

En une seconde, tu te sens fort, motivé, sûr de toi, capable de tout gérer. Si c'est un travail

physique, tu es plus puissant et plus précis dans tes gestes. Autour de toi, tout le monde a

sur ce sujet l'impression que tu assures. Le résultat n'est pas forcément meilleur, mais

le boulot est fait, et il a semblé moins pénible."

Le docteur Michel Hautefeuille, psychiatre au centre Marmottan, dans le 17e

arrondissement, a découvert un nouveau type de patients : "Je reçois des gens qui

prennent de la cocaïne dans leur entreprise. Ils s'en servent comme stimulant pour

travailler plus dur, pour faire face à la concurrence de leurs collègues. Ce sont des dopés

du travail. Leur motivation est la même que celle des sportifs qui prennent de l'EPO."

Il est convaincu qu‟ : "En France, la drogue a longtemps été considérée comme un

produit planant, extatique, contemplatif. En revanche, les Américains ont toujours

recherché des drogues excitantes, permettant de se surpasser. L'arrivée massive de la

cocaïne chez nous est un symptôme de l'américanisation de la vieille Europe. On ne se

drogue plus pour être rebelle ou original, mais pour se conformer au modèle du cadre

éternellement jeune, infatigable, débordant d'idées."

Le psychiatre Philippe-Jean Parquet, chef du service d'addictologie du CHU de Lille, fait

les mêmes constatations : "Les Français ont entamé un processus de fraternisation

intellectuelle avec la cocaïne."

→ Les conséquences de cette consommation peuvent être tragiques. Les accidents

doivent être étudiés en détail afin d’identifier chaque facteur qui a amené cette

rencontre non médicalisée entre le psychotrope et l’individu. Si l’hypothèse de

l’automédication se confirme alors : « réalité évidente, l’automédication a besoin

d’être organisée au mieux d’un usage compatible avec la santé publique [36]. »

Ce constat est capital. Il rapporte une fatigue/souffrance au travail. Il objective

les modifications des exigences sociales. Il traduit la démocratisation de et la

familiarisation avec l’usage de psychotropes. Il illustre parfaitement le passage

imperceptible de la fête à l’automédication puis au dopage.

Le dopage n‟est pas une conduite imaginée par les sportifs. « Depuis l‟aube des Temps,

des substances sont ingérées pour courir plus vite et plus loin, ne pas avoir faim, lutter

contre la fatigue, respirer en altitude, effacer la peur, etc. Pour acquérir des capacités

physiques et intellectuelles perçues comme absentes ou insuffisantes pour affronter un

obstacle de la vie, ressenti ou réel » [70]. Prométhée, en volant le feu à Zeus, délivre les

hommes de la condition dans laquelle les avait mis son frère Epiméthée. L‟homme peut

vivre la nuit, et investir les grottes, etc. En ce sens il est le sauveur de notre espèce.

Il n‟existe aucune loi, réglementation, qui interdise la conduite dopante dans le monde du

travail, et des études [41]. La pratique du dopage n‟est prohibée, que par le mouvement

sportif [70]. Voici un exemple, où deux systèmes de valeurs opposés se sont installés et

coexistent, rendant la réflexion individuelle encore plus complexe.

Page 98: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

98

Le modèle du vrai champion se distingue par ses résultats, son talent, sa vertu, et qui

gagne l‟estime du public dans la victoire comme dans la défaite [87]. Mais le sportif de

haut niveau doit assurer sa victoire pour lui mais aussi pour tous ceux qui en tirent

bénéfice : « son pays pour la gloire et la politique, sa fédération et son entraîneur pour le

prestige et les retombées économiques, son médecin, son conjoint, ses équipiers, ses

amis… et bien sur ses mécènes. » [70]. Encore un exemple de situation inextricable, dans

laquelle se retrouve le sportif, mais qui en réalité concerne chacun.

→ Le "dopage" est donc la consommation d’une substance pour éviter un

insuccès, c’est une conduite de prévention de l’échec. La conduite dopante est l’accès

à tout "artifice" dans ce même objectif. Chose étonnante, l’essentiel du dopage ne

concerne pas le haut niveau et seulement très peu de produits ont prouvé un intérêt

évident, au prix de risques importants sur la santé. Malgré les valeurs sportives

exprimées par Pierre de Coubertin [87], les sportifs se tournent vers la

pharmacologie et s’exposent à des risques inutiles. Le Viagra® illustre avec

perfection la généralisation de cette conduite, dans son aspect le plus absurde :

l’important degré d’efficacité qu’on lui attribue a fait passer au second plan toute

réflexion sur la sexualité, l amour… C’est désespérant.

5.3.3. Le risque pharmaceutique : exemple des compléments alimentaires

Pour l‟Ordre des médecins [90] le besoin de “ se traiter soi-même” correspond à la

survenue de symptômes en apparence bénins (la fatigue est un excellent candidat...) dont

l‟intensité ou la gêne fonctionnelle n‟est pas de nature à limiter les activités habituelles.

« Cette gêne est parfois subjective et relève du besoin d‟un certain confort, allant du

banal sédatif au remède du domaine publicitaire. Cette attitude est largement

conditionnée par une publicité à laquelle il est difficile d‟échapper, en tous lieux, publics

et à domicile (presse, émissions télévisées) et qui comporte le risque d‟une information

incontrôlable quant à ses conséquences et plus propre à séduire qu‟à convaincre ».

Actuellement le marché du bien être est en pleine expansion, il représente une part

colossale du chiffre d‟affaire des laboratoires. Le fait est que les substances vendues ne

sont pas si inoffensives qu‟on le pense. Pour attirer les clients, les produits se créent des

réputations. Ainsi certaines marquent n‟hésitent pas à enrichir leurs compléments

alimentaires en substances dopantes de manière cachée ou tout à fait ouvertement, en

dépit de toutes les recommandations médicales.

L‟exemple type est le procès de l‟éphédrine aux Etats Unis : le complément alimentaire

se substitue à toutes les règles de précautions du médicament, la Food and Drug

Administration doit prouver la dangerosité du produit pour le retirer du marché ! (1994 :

Dietary Supplement Health and Education Act (DSHEA)) En avril 2005, contournant

l‟interdiction fédérale, après des années de batailles pour démontrer le risque de la prise

d‟éphédrine, le juge Teena Campbell autorise la commercialisation dans le Utah à des

doses de 10mg par jour… La possibilité d’obtention de ces substances sur des sites

Internet empêche actuellement toute réglementation en France. Le médecin est dans

l’obligation de savoir appréhender les risques de ses substances.

Page 99: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

99

Pour Marc Loriol [76], la montée en puissance de l’intérêt médical pour la

fatigue est aussi une conséquence de l’action des laboratoires pharmaceutiques. La

propagande s‟exercerait sur patients et médecins. Les laboratoires diffusent 2 types de

messages auprès des praticiens : d‟une part les convaincre d‟élargir la gamme des

indications normalement spécifiées pour tel ou tel médicament et d‟autre part persuader

le prescripteur que les « signes précoces » de simple mal-être peuvent être le

commencement de problèmes beaucoup plus graves qu‟il convient de traiter.

Claude Bernard a reconnu qu‟il existe un passage insensible et insaisissable entre l‟état

physiologique et l‟état pathologique, alors qu‟il se préoccupait du diabète [18]. Les

laboratoires se sont emparés, pour des raisons de coût, de l‟Evidence Based Medicine,

utilisée pour pallier l‟impossibilité du raisonnement déterministe en médecine. Un

pressentiment émerge dans le corps médical que les laboratoires font déplacer en fonction

de leurs intérêts les limites du normal et du pathologique. Nous avons, comme

Ehrenberg, le sentiment que la fatigue est la cible actuelle [46].

→ Ainsi Pr. Dupond félicite la tentative de résistance française face à la

« déferlante scientifique américaine et la pression des malades de fibromyalgie en

augmentation exponentielle à mesure que se profilait la promesse d’une

reconnaissance de la maladie. » Il explique que certains chercheurs ont été

contraints de faire une confession : « nous avons créé un monstre… » [43]. C’est

pourquoi il cite Halder qui écrit en 1997 dans le journal of rheumatology « la

fibromyalgie est morte, vive le malade… » et conseille de s’appuyer sur la

philosophie générale de soins chère au Pr. Rousset, la « patient based medicine ».

5.3.4. Le rôle du médecin

« A l‟aube de l‟humanité, avant toute vaine croyance, avant tout système, La

médecine en son entier résidait dans un rapport immédiat de la souffrance à ce qui la

soulage » [50]. Tout le monde indistinctement pratique cette médecine.

Si l‟automédication est une réalité qui doit être connue et acceptée du médecin, elle

demeure une réalité dangereuse et contestable suivant les cas [90].

L‟avis du médecin s‟impose quand le malaise devient ingérable seul. Mais le médecin

doit se rendre disponible avant que le patient ne trouve une autre solution. S‟il ne

s‟efforce pas de soulager la fatigue de ses patients, ceux-ci se renseigneront ailleurs, avec

un risque et un coût augmentés. Si l‟on se souvient de la lutte de Molière contre les

médecins, et à voir l‟importance des médecines alternatives, la relation médecin-malade

restera toujours très fragile.

Le médecin généraliste est l‟interface entre la société et la médecine. Il doit intégrer les

données biopsychosociales en rapport avec son patient, afin de trouver une solution

adéquate au problème posé par son patient (WONCA Europe 2002) [61].

Page 100: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

100

Après cette longue discussion, le problème reste entier : le concept de fatigue est-il

une réalité objective accessible à la connaissance scientifique quantitative ? La différence

de valeur que le patient institue entre sa fatigue "normale" et sa fatigue "pathologique"

est-elle une apparence illusoire que le médecin peut légitimement nier ?

Il parait tout à fait important que les médecins reconnaissent Ŕexactement comme dans la

douleur- dans la fatigue un phénomène de réaction totale qui n‟a de sens qu‟au niveau de

l‟individualité humaine complète. L‟homme crée sa fatigue, comme il fait sa maladie,

bien plutôt qu‟il ne la reçoit ou ne la subit. « Dire que la santé parfaite n‟existe pas c‟est

seulement dire que le concept n‟est pas celui d‟une existence, mais d‟une [idée de] norme

dont la fonction et la valeur est d‟être mise en rapport avec l‟existence pour en susciter la

modification » [18]. La souffrance qui en découle est réelle. Il est indiscutable que le rôle

de la médecine n‟est pas seulement la santé, sa fin absolue est bien l‟individu lui-même.

→ Le traitement de confort est une question médicale s’il expose à des risques. La

balance bénéfices-risques penche inévitablement vers la non prescription devant la

volonté de ne surtout pas nuire. Là commence justement le débat. Les promesses

réelles ou imaginaires de tel ou tel agent, semblent justifier, pour le patient, de plus

en plus souvent la prise de risque…

En pratique, comme le fait remarquer Michael Balint : il existe un problème

d‟éducation des patients par leur médecin : ils ne sont pas habitués à être examinés

globalement mais seulement à bénéficier d‟un examen physique. Non préparés à une

approche psychologique de leur problème, les patients peuvent alors se montrer effrayés,

offensés, déroutés par ce type d‟examen [12].

De la même manière une évaluation, des conditions de vie et de travail semble tout aussi

indispensable [61]. Mais ne s‟expose-t-on pas au risque d‟être trop intrusif dans la vie de

nos patients ? Quelle place donner alors à notre rôle de prévention ? Dr. Serge Simon,

(psychiatre du CAPS, centre d‟accompagnement et de prévention des sportifs), convient

qu‟il n‟est pas justifié de détruire la « bulle névrotique », même si l‟individu est jugé être

en équilibre instable… cette question est un enjeu éthique majeur : le consentement en

psychiatrie [72].

Pour le père de la psychologie française Pierre Janet, « nous sommes tout à fait

incapables d‟établir le budget de notre activité mentale… Il est probable qu‟un jour on

saura établir le bilan et le budget d‟un esprit comme on établit ceux d‟une maison de

commerce. » Chrétien s‟inquiète de voir aboutir « une tyrannie médicale », « une

terrifiante emprise dont la candeur avec laquelle Janet la formule ne fait qu‟accroître la

démesure » [26]. En cas de prise en charge médicale de la fatigue, il parait dangereux de

conserver le modèle énergétique pour le symptôme.

Page 101: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

101

→ La discussion autour des médicaments en psychiatrie, à savoir s’ils traitent la

maladie, ou accompagnent le malade, a déjà fait couler beaucoup d’encre. Les

questions fondamentales de l’aliénation au médicament, et de camisole chimique ont

également été débattues en psychiatrie [46, 72]. La part que vont prendre les

psychotropes dans notre démarche thérapeutique, dépendra entre autres de notre

réflexion éthique. Celle-ci est obligatoire si nous ne souhaitons pas être débordés par

la pharmacologie, car telle est la tendance actuelle. La discussion est urgente,

l’histoire des psychotropes nous montre que les catastrophes sanitaires apparaissent

avec l’arrivée de la drogue sur une société inexpérimentée.

5.3.5. Quelle est l‟attente des patients ?

Nous avons vu à l‟issue de notre enquête que les personnes restent très suspicieuses

vis-à-vis des traitements psychotropes.

« Le médicament, perçu comme l‟instrument magique, permettant d‟envisager toute

liberté de respirer, maigrir, dormir, manger, boire, courir...ressentie à tort sans contrainte

ni danger, peut être perçu au contraire comme “ dangereux ” d‟où l‟engouement des

médecines alternatives, douces... » [90].

Appréhender par un simple questionnaire les représentations des patients et leurs rapports

aux médicaments, qui plus est, psychotropes, a été ambitieux. Pour la simple raison que

dans l‟inconscient collectif la pilule contraceptive n‟est pas un médicament ou que

l‟aspirine est en vente libre, la relation au médicament est pleine de contradictions. Pour

obtenir une réponse plus précise de l‟attente des patients, il faudrait organiser une étude

avec des entretiens, afin de prolonger l‟interrogatoire, et d‟insister sur certaines

confusions.

Par ailleurs le fait même d‟incorporer un produit touche à des notions vitales

élémentaires. La polémique passionnelle qui entoure l‟origine et la sécurité des aliments,

influe sur l‟accueil ou le rejet des psychotropes…

Il s’agit de ne pas s’offusquer, et au contraire de prendre en considération cette

ambivalence.

Le tabou qui touche les stupéfiants (opium, haschich, cocaïne, héroïne, …) et leur

interdiction légale dans le monde actuel sont relativement récents [41].

Au milieu du XIXe siècle, l‟avant-garde littéraire et artistique fait un usage ostensible de

l‟opium et du haschich. C‟est une génération romantique, qui vante l‟asocialité. Chrétien

[26] parle de fatigue et de lassitude suite à la chute puis la résurrection « qui les fait se

tenir devant l‟Œuvre à faire ». Ils ont fourni à la société les formules qui allaient

justement établir le tabou. Les fantasmes d‟angoisse ne font que refléter les fantasmes des

poètes [99]. La découverte de différents méfaits de l‟addiction et des drogues à la fin du

XIXe siècle achève la construction du tableau d‟horreurs. Les premières campagnes

politico-moralisantes sont d‟une extrême véhémence et la loi du 31/12/1970 est toujours

en vigueur.

Page 102: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

102

L‟importance est de constater que la morphine est très largement acceptée, même

quand on informe qu‟elle est de la même famille que l‟héroïne. La morphine est devenue

un médicament d‟usage relativement courant, et il ne fait aucun doute que la lutte contre

la douleur est vécue comme un véritable progrès.

On ne peut pas nier que les psychotropes occupent une place de plus en plus importante

dans notre société. Qu‟ils soient sous forme de médicaments ou de produits de

consommation courants, on pourrait croire que le public les utilise sans même s‟en rendre

compte. C‟est bien cela qui nous effraie.

En vérité, à l‟image des échanges de benzodiazépines entre patients anxieux, il s‟avère

que la consommation est bien consciente.

Pour parler plus exactement de la fatigue, dans les entretiens réalisés auprès

d‟infirmières [76], l‟idée de prendre un médicament est souvent nettement rejetée. Cette

idéologie antimédicaments correspond à un désir de se démarquer des malades. (Les

vitamines échappent encore une fois à cette considération). Pourtant, la prise régulière de

tels médicaments, pour tenir le coup ne serait pas rare. Comme pour la consommation de

taurine ou de caféine, c‟est parce qu‟ils sont pris de manière informelle que leur

consommation peut être déniée.

Deux choses sont principalement attendues de la consultation médicale : les arrêts

maladie spontanément proposés, une écoute et la reconnaissance de la difficulté du travail

[76] ressentis comme sources « d‟énergie subjective ». Les reproches faits au corps

médical porte sur la mauvaise connaissance de la fatigue pathologique, l‟indifférence du

soignant, l‟étiquetage "psy", et tout de même l‟absence de thérapeutique ! [12] Les

patients avouent doucement avoir peur du médecin.

60% des personnes interrogées seraient mécontentes de se voir conseillées du repos par le

médecin à l‟occasion d‟une fatigue inexpliquée. Même si celui-ci se propose de les

réexaminer dans 15 jours. Dans le contexte de notre questionnaire se mécontentement

exprime-t-il une demande de médication ou d‟examens complémentaires ? Ce très

surprenant résultat mérite d‟être vérifié, et précisé. Il est en tout cas justifié de ne pas

donner de diagnostic après une première consultation pour fatigue, même si les patients

ressentent l‟importance d‟avoir un nom (71% dans le SFC [12]).

→ Pour une première enquête dans ce sens, 20% d’accords pour une

consommation courante du traitement contre la fatigue est un résultat qui doit très

sérieusement faire réfléchir.

Page 103: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

103

5.4. Une réflexion éthique obligatoire

« Qui devra donc dénoncer au genre humain les tyrans, si ce n‟est les médecins

qui font de l‟homme leur étude unique, et qui tous les jours contemplent les misères

humaines qui n‟ont d‟autre origine que la tyrannie et l‟esclavage ? » (Lanthenas, de

l‟influence de la liberté sur la santé Paris 1792) [50].

5.4.1. Nos conditions de vie se sont modifiées.

« La fatigue engage notre façon d‟être, nos relations avec les autres, nos désirs et nos

frustrations. Même quand elle est le fait d‟une maladie, sa prévention et son traitement

interrogent nécessairement le sens que nous, malades et soignants, donnons ou que nous

voudrions donner à notre vie ». Pour Pr. Ferreri la fatigue chronique souligne souvent la

perte du sens de notre existence [49]. La mélancolie, l‟acédie, la neurasthénie, etc. sont

autant d‟euphémismes qui traduisent notre terrible condition humaine.

Le problème est aujourd‟hui relancé. La mondialisation a inversé la relation entre le

produit et le besoin : nous sommes passés d‟une période où les produits étaient rares, à

une période où les besoins sont dépassés. La communication bouleverse l‟ordre établi, où

l‟information faisait le pouvoir, dorénavant en un clic des millions de personnes peuvent

observer, contempler, impuissants.

Ehrenberg et de nombreux philosophes ont fait l’observation que depuis la fin du

XIXe siècle, une profonde mutation du « soi » s’est mise en marche. « L’idéal

politique moderne, qui fait de l’homme le propriétaire de lui-même et non le docile

sujet du Prince, s’est étendu à tous les aspects de l’existence » [46]. Le processus de

civilisation implique à la fois un autocontrôle de plus en plus étendu des pulsions et

une individualisation croissante qui poussent l’individu à être son propre maître

[76].

Une série d‟articles en 1862 dans The Lancet, décrivent une fatigue provoquée par

les voyages en chemin de fer [43]! Parmi les plus véhéments on retrouve Charcot :

« turbulence musculaire, anxiété et excitation visuelle sont autant de facteurs

indiscutables du malaise qui s‟installe ». Faut-il y voir le génie de Charcot, ou est-ce une

tendance typiquement humaine de penser que l‟époque contemporaine est toujours très

particulière… Le progrès comme source de danger, le progrès qui modifie les habitudes,

qui renverse les lois éthiques, est depuis toujours la cible des conservateurs, la fatigue

définie comme sous produit de la civilisation est bien connue chez Rousseau ; mais la

conjoncture actuelle, et l‟importance des découvertes du XXe siècle laissent peu de place

à la précaution.

→ Prenons le risque de faire un lien entre la pathologie et le milieu dans le quel nous

évoluons…

« Liées aux conditions d‟existence et aux modes de vie des individus, les maladies varient avec les

époques, comme les lieux. Au moyen age, les malades étaient livrés à la peur et à l‟épuisement (apoplexies,

Page 104: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

104

5.4.2. La solitude dans notre organisation sociale.

Pour nous médecins, « la maladie doit être prise dans un double système d‟observation :

il y a un regard qui l‟isole pour mieux la cerner dans sa vérité de nature ; et un regard qui

la confond et la résorbe dans l‟ensemble des misères sociales à supprimer » [50]. C‟est

pour cela qu‟une bonne connaissance de la situation sociale est absolument nécessaire à

la prise en charge de nos patients.

L‟activité professionnelle, lorsqu‟elle est investie et effectuée avec un certain degré

de liberté et de responsabilité, est source d‟identité, de valorisation, d‟estime de soi. Elle

est aussi reconnaissance de l‟autre, source de lien social et d‟épanouissement personnel

[49]. L‟encyclopédie de Diderot et d‟Alembert dans la définition du travail fait notion

d‟un « principe actif en nous, qui nous porte à l‟action. Si cette activité n‟a point d‟objet

réel, l‟esprit se replie sur lui-même, il se trouble, il s‟agite et de la naissent l‟ennui, les

inquiétudes, les appétits bizarres et désordonnées et l‟oubli du devoir. »

Depuis 3 décennies, on convient que le travail s‟est détérioré [44, 46, 61, 76]. Au-delà

des seules conditions de travail (ergonomie, dangerosité, pénibilité…), ce sont les

conditions du travail qui empirent [70] : les protections traditionnelles, acquises ou

conquises et les relations qui unissent les travailleurs… Les individus sont exposés à de

violentes contradictions : chacun est évalué sur sa performance personnelle, alors que

nous sommes poussés à travailler ensembles. L‟honneur est une valeur qui disparaît au

profit du contrat. Certains sociologues pensent qu‟il y a un morcellement et une

destruction en profondeur du lien social : famille, fêtes populaires, etc. [75] L‟entreprise

comme lieu d‟intégration et comme la plupart des grandes institutions autour desquelles

s‟est structurée la vie sociale, disparaît peu a peu, pour qui cherche une collectivité

protectrice et porteuse de repères.

Gilles Lipovetsky nous brosse un tableau inquiétant de l‟évolution de la société au

XXe siècle, qu‟il appelle l‟ère du vide [75]. Son essai est d‟autant plus émouvant,

qu‟écrit en 1983, il semble rajeunir. Le mois de mai 1968 symbolise une profonde

mutation, mais Nietzsche avait déjà annoncé la venue de l‟individu souverain,

« affranchi de la moralité des mœurs. » La disparition des traditionnels interdits offre un

large champ d‟action, tout est possible. Et c‟est bien là l‟effort depuis des siècles, des

sociétés modernes à inventer l‟individu libre.

fièvres hectiques) ; mais avec le XVIe et XVIIe siècles, on voit se relâcher le sentiment de la patrie et les

obligations qu‟on a à son égard ; l‟égoïsme se replie sur lui- même, on pratique la luxure et la gourmandise (maladies vénériennes, encombrement des viscères et sang) ; au XVIIe siècle, la recherche du plaisir passe

par l‟imagination ; on va au théâtre, on lit des romans, on s‟exalte en de vaines conversations ; on veille la

nuit, on dort le jour ; d‟où hystéries, hypocondries, les maladies nerveuses. » [50] (Maret, mémoire où on

cherche à déterminer quelle influence les mœurs ont sur la santé Amiens 1771)

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105

Il nous faut faire le constat. La société est désormais commandée par une nouvelle

stratégie remplaçant les rapports de production, au profit d‟une apothéose des rapports de

séduction, « c‟est avant tout une opération systématique de personnalisation, autrement

dit d‟atomisation du social. » [75].

Il n‟y a pas eu de détresse métaphysique, mais bien de l‟indifférence. La démotivation

généralisée a provoqué un repli autarcique. « Quand le social est désaffecté, le désir, la

jouissance, la communication deviennent les seules « valeurs » et les « psy » les grands

prêtres du désert. »

Ce que certains sociologues appellent « la routinisation du charisme », c'est-à-dire quand

l‟exceptionnel devient habituel, Lipovetsky parle d‟ « indifférence par saturation,

information et isolation. »

La solitude du personnage de P. Handke [62] n‟a plus rien à voir avec la solitude des

héros de l‟age classique ni même avec le spleen de baudelaire. Elle est devenue une

banalité, et non moins redoutable. « On demande à être seul, toujours plus seul et

simultanément on ne se supporte pas soi même, seul à seul ».

→ La sphère privée est sortie victorieuse du raz de marée apathique. « Le

narcissisme traduit le surgissement d’un profil inédit de l’individu dans ses rapports

avec lui-même et son corps, et autrui… au moment où le capitalisme autoritaire

cède le pas au capitalisme hédoniste. » L’individu éprouvant son vide intérieur en

quête de sensations va chercher à le combler dans une consommation frénétique et

effrénée. Lipovetsky l’appelle le mouvement moderniste, hédoniste, et

caricaturalement post-moderne, pour signifier l’escalade folle vers la nouveauté et

aussi la réalisation de soi : il faut être absolument soi-même [75].

5.4.3. L‟invention de l‟individualité, la fatigue d‟être soi.

« La question de la fiabilité des hommes, de leur bon fonctionnement physique et

psychique, devient essentielle à la coopération dans un réseau d‟interdépendances de plus

en plus complexe » [44]. « Chacun doit faire preuve d‟autodiscipline sans faille, d‟une

autorégulation très différenciée de son comportement pour se frayer un passage dans la

bousculade » [76]. Si jamais l‟effort qu‟exige cette autorégulation dépasse les possibilités

d‟un individu, ce dernier et bien d‟autres sont en danger de mort. La question de la limite

de chacun face à l‟effort physique et psychique, c'est-à-dire face à la fatigue, devient

cruciale.

Dans la société occidentale, la construction de l‟identité est devenue un impératif [70] : il

faut se construire, devenir soi-même, s‟accomplir, se réaliser, se dépasser. La formation

identitaire est parsemée d‟obstacles, qui font l‟objet de différentes stratégies

d‟affrontement. « Chaque individu doit conduire sa vie [et se construire] comme un vrai

professionnel de la performance » [46].

Page 106: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

106

Logiquement et progressivement la « responsabilité » remplace la « culpabilité », et

l’ « initiative » remplace la « discipline ». Les notions de projet, de motivation, de

communication sont aujourd’hui des normes.

« A chaque fois que l‟individu se trouve dans une situation qui lui renvoie une

image favorable de lui-même (domination sociale, créativité, reconnaissance sociale, etc.)

il augmente son capital émotionnel » [76]. Le sentiment que la société a de lui rehausse

le sentiment qu‟il a de lui-même. Parce qu‟il est en harmonie morale avec ses

contemporains, il a plus de confiance, de courage, de hardiesse dans l‟action.

« Plus l‟individu est richement doté en capital émotionnel, plus il aura l‟énergie pour

entreprendre et réussir ses projets et donc avoir une image de soi positive et renforcer son

capital. Mais la métaphore est incomplète, l‟énergie mise en œuvre ne peut pas être

comparée à un carburant » [76].

Michel Joubert (professeur de sociologie, Université Paris VIII) explique le sentiment de

fatigue des personnes en situation d‟exclusion par un épuisement du « tonus

biographique » lié à la perte des repères traditionnels, l‟expérience des situations

précaires, des environnements dégradés et de l‟affaiblissement des relations avec autrui.

L‟image positive de soi agit comme source « d‟énergie subjective ».

Il existe différents modèles en psycho-sociologie, qui tentent d‟expliquer la

motivation, et qui cherchent le déclenchement de l‟action. L‟image d‟unité de soi et son

maintient lui donnent sens.

« La quête de la personne parfaite est déclenchée par un sentiment d‟écart, insupportable

car entraîne l‟action, entre l‟identité ressentie et l‟identité présentée » [70].

« Le concept d‟identité peut être défini de façon dynamique comme la recherche

d‟équilibre entre l‟image qu‟un individu a de lui même et l‟ensemble des contraintes et

opportunités qui lui sont imposées par ses différents rôles sociaux. » [76]

« L‟aversion pour l‟effort à fournir et celle pour la situation sur laquelle l‟acteur veut

intervenir entre en conflit. Si la première est plus forte alors c‟est fatigue et lourdeur du

corps. » (Kaufman 1997) Ou bien n‟est ce pas plutôt une question de paresse ?

Si le sens de l‟action n‟est pas évident, le manque de volonté à agir et la fatigue

apparaissent. L'état de stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre les efforts qu'une

personne consent à fournir et les récompenses qu'elle en reçoit en retour [61].

→ Malgré la confusion sémantique, une cohérence se dessine, à l‟image du modèle

scientifique et médical de Damasio. Il me parait important d‟insister ici sur la distinction

entre la fatigue, qui est un constat d‟impuissance, le stress qui est une agression, l‟anxiété

une crainte d‟affaiblissement, et la motivation qui est un élément bien plus riche de la

construction de l‟identité et initiant et pérennisant l‟action. Je ne souhaite discuter que du

traitement de la fatigue…

Page 107: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

107

L‟individu se doit d‟avoir un contrôle de plus en plus serré de ses propres réactions.

Certains y voient un conflit, une lutte de soi contre soi. « Une partie de tensions

susceptibles d‟être déchargées dans des corps à corps impitoyables est maintenant l‟enjeu

du combat intérieur que l‟individu se livre a lui-même. » (Elias 1985). La notion de

conflit traduit l‟écart entre ce qui est possible et ce qui est permis.

« Fatigués et vides, agités et violents, bref, nerveux, nous mesurons dans nos corps le

poids de la souveraineté individuelle. » (Kaufman).

La liberté impose à chaque individu pour ses choix des calculs de plus en plus

compliqués et inextricables, d’autant plus que s’ouvre à lui une infinité de

possibilités. Pour Ehrenberg, l’« individu [moderne] est certainement incertain,

puisque c’est à lui d’élaborer ses propres règles. » [46]

L‟homme moderne vit une tragédie qui accentue sans aucun doute sa fatigue. Si les

contraintes résultent directement de la configuration d‟interdépendances dans laquelle se

trouve pris l‟individu, la complexité de ces interdépendances et surtout l‟intériorisation

des conflits explique pourquoi « l‟adversaire » est perçu comme impalpable, même si

parfois des boucs émissaires sont désignés.

Les systèmes de référence permettent de juger autrui mais aussi de se juger soi-

même. La notion d‟estime de soi est un jugement de valeur personnelle porté sur l‟image

de soi. Les exigences varient avec les cultures et les milieux, elles sont actuellement

particulièrement restrictives…

Pour Levinas, Etre, c’est avoir à être et à faire. C’est le « avoir à … », pensé sur le

mode du « contrat » qui est l’objet de la lassitude. « Etre, c’est avoir souscrit un

engagement à exister qui a la dureté d’un contrat irrésiliable » [26]. Etre las, c’est

d’en vouloir plus d’avoir à vouloir, n’en pouvoir toujours déjà plus d’avoir à

pouvoir ; « la lassitude par tout son être accomplit ce refus d’exister ».

Ehrenberg [46] poursuit dans ce sens. Pour lui dépression et pathologies de l‟addiction

sont le reflet d‟un même phénomène : l‟insuffisance. Ce qu‟il appelle « la fatigue d‟être

soi », n‟est pas une simple figure de style. Une des conséquences des profondes

mutations de notre société, est l‟irrésistible impression de vide qui s‟empare des

individus. La fatigue naît de cette sensation de vide confrontée aux exigences croissantes

et à la nécessite de performance. « Ce n‟est pas pour l‟homme chose pénible d‟être

homme, parce qu‟il a son essence dans l‟être homme. Ainsi on ne se fatigue pas d‟être

homme mais d‟être cet autre homme. » [26] (Alexandre d‟Aphrodise 1891)

L‟alternative à cette fatigue est la prise de conscience du sens de la responsabilité.

→ Cette vision se détache du modèle énergétique de la fatigue. Il se détache

également du modèle conflictuel. Elle réoriente la réflexion sur le traitement

symptomatique de la fatigue, puisqu‟il n‟y a plus de déficit ni physique ni psychique.

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108

Durant cette dernière décennie, on a observé que le corps moderne était de plus en

plus dissocié de la personne. On parle de « chosification » du corps, au sens large,

puisqu‟il comprend le corps qui pense [70]. « Le corps a perdu son statut de matérialité

muette au profit de son identification avec la personne » [75]. La consommation de

produits pour maigrir, augmenter sa masse musculaire, sa mémoire, sa créativité, ses

performances sexuelles, pour dormir, prendre la parole en publique… le tatouage, le

piercing, la chirurgie esthétique, la procréation médicalement assistée, sont autant

exemples qui s‟inscrivent dans cette évolution.

« Le corps psychologique » s’est substitué au corps objectif et la prise de conscience

du corps par lui-même est devenue une finalité même du narcissisme. Le

narcissisme rend le corps disponible pour toutes les expérimentations. » [75]

→ Cette observation ne va-t-elle pas à l‟encourt de tout principe éthique ?

5.4.4. Quelle place réserver à la fatigue ?

La notion de compromis social doit s‟envisager sur des valeurs partagées. Ces

valeurs et ces représentations ne sont pas toujours données a priori. Elles sont

progressivement construites par la recherche d‟un ajustement entre des échelles de valeur

et des visions du monde différentes. Le consensus se construit a fortiori sur des thèmes

ambigus et polysémiques : justement comme la fatigue.

La grande force de la notions de fatigue définie sur un registre médical, est de

déplacer le regard d‟un niveau collectif à un niveau individuel : le problème devient

« gérable » sans transformation structurelle d‟envergure. Il existe un risque de

transformer la détresse sociale en un trouble physiologique. L‟entité nystagmus du

mineur en 1860 (mouvements oculaires associés à des cauchemars, humeur dépressive,

vertiges et maux de tête…) a été la maladie professionnelle la plus indemnisée jusqu‟en

1950. Cet exemple illustre comment la société a fait face à l‟affrontement du capital et du

travail : le système assurantiel.

→ L’assurance occupe une place de plus en plus importante dans notre système

de soins. L’intervention d’un tiers dans la relation médecin-malade est un grand

sujet de déontologie médicale. Ignorer la position des assurances (publique ou

privée) sur la nécessite d’un traitement symptomatique de la fatigue est une grave

erreur. L’argument économique fait souvent présager une pression plus importante

du capital sur le travail…

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109

Actuellement des entités telles le Burn Out, l‟épuisement professionnel, le stress

professionnel chronique bénéficient d‟une attention croissante, et se complexifient [61].

Elles prennent une dimension pénale avec le harcèlement. C‟est un énorme progrès, mais

elles suivent l‟argument économique. En Suède l‟épuisement professionnel est une

pathologie professionnelle. Aux Etats-Unis, les entreprises paient, et donc développent

des stratégies pour la lutte contre l‟épuisement... au travail.

Pour certains sociologues, la médicalisation des problèmes de santé au travail revient à

faire porter sur l‟individu une part, aussi petite soit elle, de la responsabilité de son

malheur. En 1905 Mosso (médecin du travail) écrit : « un des caractères les plus intimes

par lesquels un individu se définit est bien la manière dont il se fatigue. » Il est donc

nécessaire, dans cette optique que chacun soit dirigé vers l‟activité qui lui convienne le

mieux. Si « l‟ancienne conception de l‟être avait une base sociale : l‟être humain se

réalise en assumant la mission dont l‟investit la société ; la nouvelle anthropologie a une

coloration bio-psychologique : l‟épanouissement est affaire individuelle ; il est conçu

comme l‟heureux développement des dons et talents que porte chaque enfant. [76]

→ La notion de prédisposition est très confortable pour les médecins, mais convient-

elle aux patients ? Elle devrait, dans notre société qui semble privilégier la Liberté à

l‟Egalité [75].

Pour Beard, médecin américain fin XIXe siècle, la neurasthénie est un formidable

instrument de régulation sociale [44], qui permet de mieux adapter les individus au

passage de la civilisation agraire à la civilisation industrielle. Elle permet d‟oublier les

malheurs du temps grâce à l‟affaiblissement de la mémoire, elle permet une transition

moins douloureuse aux nouvelles valeurs du fait d‟une révolte physique plus faible.

C est pourquoi la fatigue ne doit pas être analysée seulement comme une réaction à

telle ou telle aspect de la civilisation mais doit être comprise comme facteur de

stabilisation du contrôle émotionnel, à la fois réaction et action de formation d’une

nouvelle régulation émotionnelle et sociale.

Ainsi pour Nietzsche, la fatigue devient la dénomination la plus englobante, la plus

générale, de tout ce à quoi il convient de dire non [26]. « Tous les jugements suprêmes de

valeur, tous ceux qui dominent l‟humanité, peuvent être ramenés à des jugements

d‟épuisés. »

Dans sa recherche du surhomme Nietzsche souhaite éradiquer la fatigue. Mais en faisant

cela il augmente la « grande fatigue », la fatigue de la fatigue. Il pousse son raisonnement

et choisit de ne pas se fatiguer de la souffrance. Il perd la notion du bien et explique :

« qui avant moi est descendu dans ces antres d‟où s exaltent les vapeurs délétères de cet

idéal bien particulier qu‟est le dénigrement du monde ? Le dégoût de l‟homme est mon

péril. » [26]

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110

« Qu‟arriverait-il donc si l‟on ne se départait jamais de la contemplation, […] capable de

faire cela grâce à une nature infatigable ? Ne serait-on pas alors soi-même passé à

l‟éternité ?» Plotin fait une description de la descente des âmes dans les corps : « les

âmes fatiguées de vivre entre elles vont s‟occuper d‟un corps, chacune le sien. » La

crainte du désert et la fatigue du désir (c‟est-à-dire le désir repu) sont les conditions de

possibilité de l‟humanité même.

La fatigue est donc l‟expression d‟une révolte et d‟une souffrance. Elle offre des

outils idéologiques. Sa médicalisation a essentiellement fait élaborer des interventions

individuelles.

Mais tout le monde n‟a pas intériorisé l‟idéologie managériale (psychothérapie cognitivo-

comportementale, spécialisations, professionnalisation…), ou ne l‟a pas acceptée.

Les sociologues ont depuis quelque temps remarqué ce soucis de s‟économiser et de

protéger son identité, il prend 3 formes pratiques : l‟absentéisme, le freinage et le turn-

over. La fatigue contemporaine prend une forme de résistance passive de l‟individu face à

l‟aliénation dans la production et dans la consommation.

Dans de nombreuses professions, comme les récompenses sont faibles (impossibilité de

s‟identifier à une entreprise dynamique ou à une culture de métier reconnue, mauvaise

rémunération et incertitude quant à la pérennité de l‟emploi), l‟acceptation des pénibilité

du travail instrumental est rendue difficile au profit d‟une plus grande sensibilité à la

fatigue. [72]

Le travail (professionnel et dans toute activité) est devenu le principal support de

l‟épanouissement personnel. [70, 76]. La fatigue est supportée « dans la mesure où je

peux m‟épanouir. » Les individus ne comptent que sur eux-mêmes pour réussir et sur leur

capacité à dépasser leurs propres limites. Mais pour autant, ils n‟échappent pas aux

exigences de performances.

Quand l‟individu s‟inscrit dans une logique de devoir social, la fatigue est à peine

mentionnée. Quand le travail est perçu essentiellement dans sa dimension instrumentale,

il devient source de stress et de fatigue. Il s‟agit alors de fatigue physique vécue

"normalement" comme le juste prix à payer. Quand le travail est une source

d‟épanouissement personnel, il s‟agit d‟une fatigue mentale : liée aux responsabilités, les

relations, la communication, la quantité, les exigences… elle est mal vécue. [26, 72]

→ C’est donc bien la forte attente à l’égard du travail en général (dans toutes ses

dimensions, professionnel, loisir, familiale…) et non le rejet qui est a l’origine du

sentiment de fatigue. Celle-ci reprend la forme d’un conflit intérieur. Ce ne sont

plus des supérieurs (employeurs, autorités religieuses, patriarche..) qui imposent le

rythme et les contraintes, mais l’individu lui-même, au nom de son idéal.

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111

Le modèle énergétique de la fatigue est à tel point ancré dans nos raisonnements

qu‟il est trop tôt pour l‟ignorer. Pour de nombreuses personnes, la fatigue naît « quand on

donne beaucoup de soi sans recevoir en retour ». L‟accumulation de petites fatigues

"normales" peut paradoxalement se transformer brutalement, en une décompensation

franchement pathologique : le Burn Out.

Dans notre société « hédoniste » [75], la réalisation de soit passe par l‟action. Distinguer

contrainte et satisfaction devient difficile, puisque l‟individu est contraint de se satisfaire.

Devant des slogans tels « just do it », « parce que je le vaut bien », ou le dernier parfum

« fuel for life, beautiful life »… la fatigue prend des allures d’ennemi public. Elle

n’expose pas tant les inégalités entre individus, elle est une obstruction aux libertés

individuelles.

Cette représentation fait de la fatigue un problème purement quantitatif. Le traitement

serait une quantité d‟énergie : la barre de Mars, le tube de vitamine C, le pot de créatine

concentrée… Le manque d‟effet est ressenti, et les idées changent doucement : le succès

du Red Bull (taurine) en est l‟illustration. Il existe un glissement indéniable vers le

psychotrope, comme nous l‟avons vu aux résultats de l‟enquête.

→ Si la fatigue devient souffrance, c‟est qu‟il existe « un jeu conflictuel entre

biologisation, socialisation et psychologisation de l‟esprit » [46]. L‟homme moderne

semble bien déterminé à s‟affranchir des faiblesses de l‟esprit, mais ne sait pas encore

comment… La biologie est pour lui pleine de promesses !

Cette évolution ne semble pas du tout en harmonies avec nos valeurs éthiques.

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112

5.4.5. Questions éthiques.

Le traitement symptomatique de la fatigue tel que je l‟ai exposé nous a amené à

différentes problématiques éthiques majeures. Je ne répondrai bien évidemment pas ici à

ma question principale, mais souhaite faire le point sur les thèmes soulevés.

Pour Ehrenberg [46] la nouvelle situation dans laquelle se trouve l‟homme moderne

est source de grandes souffrances, « mais il est temps d’aborder la question de

l’émancipation avec un sens pratique, au lieu de s‟encombrer d‟illusions

rétrospectives ».

La question n‟est pas de modifier le cours de l‟histoire, mais de rendre son déroulement

moins pénible et moins coûteux, tant humainement que financièrement.

Le risque du penseur est de croire en un autre monde et d‟haïr celui-ci. Il doit d abord

croire dans ce monde qui lui a offert des possibilités inouïes [26].

« Au centre du dialogue entre philosophie et médecine dès l‟Antiquité autour de

l‟harmonie qui définit la santé, la question des normes est constitutive de la pensée

réflexive sur l‟activité médicale : entre la critique de la notion physiologique de normalité

à partir de la clinique chez Canguilhem, et la critique de la médecine comme institution

chez M. Foucault, cette question invite à la vigilance à l’égard d’une confiscation

toujours possible de l’intégrité de la personne par le discours scientifique, social ou

politique » [42].

« L‟utopie, dans son sens de projet irréalisable, s‟inscrit avec une périodicité entêtante

dans l‟histoire de l‟humanité. En particulier quand elle prône l‟amélioration de l‟espèce…

des projets comme la prolongation de la vie, l‟éradication de maladies graves,

l‟accroissement du niveau d‟instruction générale, voire l‟amélioration des performances

sportives, semblent légitimes. A condition que leur mise en œuvre observe certaines

règles, comme la liberté de choix, le respect de la dignité ou la garantie que tous

puissent en bénéficier. Autrement dit qu‟elle respecte l‟ensemble des mesures destinées

à éviter l‟inféodation de toute ou partie de l‟espèce humaine. » [70]

La recherche du bien-être est une réalité. Les moyens mis à disposition des

individus les exposent à des effets secondaires potentiels. Le rôle du médecin est

indéniable, notamment dans l‟aide à la mesure de la balance bénéfice-risque. Son rôle est

particulièrement difficile quand il doit suivre le principe de primum non nocere.

« La médecine peut avoir des objectifs qui ne sont pas la santé, parce que sa fin absolue

est la personne elle-même […] Elle devient indéfendable si elle accepte le risque de

transformer les personnes en objets. » (Daniel Folscheid) [70]

Avoir recours au produit pour améliorer sa prestation en vers et contre tout est la marque

d‟un double mépris : pour soi-même et pour ce qu‟on est capable de réaliser.

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113

Sur l‟éthique de l’information au patient, se dresse systématiquement l‟image du

médecin paternaliste qui sait mieux que le patient ce qui est bon pour lui. De nombreux

penseurs avertissent du danger que représente le libre arbitre, et insistent régulièrement

sur l‟importance de l‟éducation [38, 51]

Pour Spinoza la nature humaine est ainsi faite que « nous ne voulons pas une chose parce

que nous jugeons qu‟elle est bonne,… mais nous la voulons et tendons vers elle par

appétit ou désir. » Ainsi l‟obésité est-il un enjeu de santé publique majeur.

Pour Cabanis « il faut préserver le peuple de ses propres erreurs ! » [50].

La psychologie diffère considérablement de la logique : par exemple l‟usager acceptera

plus volontiers d‟être exposé à tel effet indésirable engendré par la prise du produit s‟il

tarde à s‟installer. Et on ne peut aujourd‟hui pas accorder à l‟une ou à l‟autre une plus

grande valeur.

Le comite national d‟éthique, réaffirme en 1986 : « respecter la personne humaine,

aussi bien chez autrui qu’en soi même, c’est la traiter toujours comme une fin,

jamais simplement comme un moyen et donc ne jamais se comporter à son égard

d’une manière à laquelle elle ne pourrait librement adhérer par elle-même. »

→ Les deux arguments habituels, éthique et santé, sont-ils devenus secondaires face à

la montée de l‟individualisme et dans une conjoncture où la réussite est souvent une

absolue nécessité ?

L‟éducation et l‟information des patients a-t-elle une limite déontologique ? Ne s‟expose-

t-on pas au risque d‟une tyrannie de la santé ?

Si le dopage a pour but d‟échapper à l‟insuccès, il donne le plus souvent seulement

un sentiment de puissance et du rêve. Ainsi il s‟apparente plus aux stupéfiants et à la

drogue. Les psychotropes, tous confondus, prennent des dimensions opposées, suivant

qu‟ils sont utilisés dans un cadre socialement admis ou non.

Sur le plan médical il n‟est pas éthique de mentir aux patients. En revanche il est admis

qu‟il faut protéger le malade, qu‟il n‟est pas nécessaire de dire toute la vérité. Dans l‟acte

de prescrire un psychotrope contre la fatigue, où commence le mensonge et s‟arrête le

respect des croyances et représentations ?

Il n‟est pas impossible que le sentiment de fatigue soit parfois inadapté et que la conduite

dopante soit utile. « Le médecin doit donc concilier le fait d’être regardé à la fois

comme déterminant et comme régulateur des conduites dopantes. » [70]

Page 114: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

114

Des milliers d‟individus prennent tous les soirs ¼ de cp d‟hypnotique sans préjudice

apparent pour eux, pour leur famille ou pour la société, probablement sans effet

pharmacologique… Mais il serait difficile de leur retirer pour la seule raison qu‟ils ont

tort.

Mais c‟est sans compter l‟action coercitive que peuvent exercer les conduites dopantes

sur les autres consciences. « En matière de réglementation des conduites dopantes, il

ne semble pas y avoir de demande sociale marquée. » [70] Ceci s‟explique

probablement par l‟acceptation de plus en plus large des inégalités, et la défense

indiscutable des libertés individuelles. Chacun est libre de refuser le dopage et donc

d‟accepter les inégalités de chance. Est-ce une évolution acceptable ?

Si la drogue est un moyen d‟obtenir une impression de santé absolue, elle se paie d‟un

esclavage qui génère une autre pathologie de la liberté !

La construction de l‟identité, si indispensable aujourd‟hui, ne peut se faire sans le

support d‟un cadre comprenant des règles. Aucune communauté n’a jamais accordé à

ses membres la liberté totale du choix de leur comportement.

Des règles trop catégoriques ou pas assez, des règles trop décalées par rapport à la

réalité, des sanctions trop fermes ou pas assez, sont autant de facteurs qui

compromettent le fonctionnement et l’appropriation d’un système de valeurs qui

permet à chacun de comprendre le sens de ce qu’il fait. La liberté ne serait pas la

condition de la responsabilité, mais bien plutôt sa conséquence.

La quête de la performance, l‟exigence du tout tout de suite reflètent-elles une forme de

régression de la société à un stade de développement infantile ? Pour Ehrenberg non,

c‟est l‟aboutissement de siècles de réflexion sur l‟homme libre [46].

Pour Emile Durkheim « l’augmentation rapide du seuil d’exigence de la société par

rapport au médicament pourrait traduire une forme d’anomie ». Le niveau de

demande augmente quand les normes sociales sont confuses.

→ Pour résumer, dans le sport, les partisans du dopage considèrent volontiers les

sportifs comme membres intègres d‟une communauté ayant des droits mais aussi des

devoirs, autant les défenseurs du dopage les regardent comme des éléments individuels,

dont l‟intérêt personnel prime le reste.

Il parait légitime d’espérer une législation pour les conduites dopantes ailleurs que

dans le sport.

Page 115: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

115

Pour Werner Maria Rilke, « être aimé c‟est passer, aimer c‟est durer. » Chrétien [26]

termine son essai sur la fatigue sur une note d‟espoir. Il dit que pour une pensée

chrétienne il n‟y a d‟infatigable que l‟amour.

Je ne résiste pas à l‟envie de rapprocher sa conclusion de l‟analyse de Lipovetsky, qui

décrit l‟homme moderne comme narcissique et séducteur [75]. On pourrait se laisser

prendre au jeu des syllogismes et déduire que l‟homme moderne est condamné à se

fatiguer de manière démesurée. « Si l‟amour peut être infatigable, c‟est à se déployer

selon ses propres dimensions, et le lieu de l‟amour n‟est pas la solitude, mais la

communauté humaine, le corps de l‟humanité. » [26]

S‟il y a de l‟infatigable, et un infatigable incarné, réel, il faut un corps inusable

infatigable. Ce qui n‟est pas encore possible. Le traitement psychotrope ne peut en réalité

que repousser l‟échéance de la fatigue, mais ne peut en aucun cas la faire disparaître.

La fatigue doit cesser d‟être pensée comme opacité et comme effondrement à l‟image

d‟Icare. Il ne faut pas succomber à la fatigue nihiliste nietzschéenne, fatigue de dégoût,

de vanité, de renoncement. [26]

La fatigue peut être un lieu de lumière, un lieu de proximité de dieu. Il est inacceptable de

dire que dieu s‟est fatigué/usé au travail, lors des créations. Le repos est celui de ses

œuvres. Il ne faut jamais se reposer sur son travail.

« Ce repos renvoie à la Liberté, en ce que dieu détermine lui-même les limites de son

œuvre. Ce jour sanctifié est un jour que dieu tout à la fois nous donne et prend. Le

7e jour dieu se lie au temps de ce qu’il a créé. Ce premier jour pour l’homme ne

compense et ne récompense rien : ce don de dieu signifie son amour, et est source de

promesses grâce auxquelles la fatigue ne se fait pas désespoir. »

Page 116: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

116

Conclusion

Notre première hypothèse était que le symptôme fatigue et donc sa prise en charge

avaient des similarités avec la douleur. De nombreux points rapprochent ses deux

symptômes, l‟aspect universel, fréquent, ubiquitaire, subjectif, difficilement mesurable, la

dimension centrale et périphérique, la répercussion sur la qualité de vie et sur l‟activité.

La discussion sur la limite du normal et du pathologique pour la douleur a été hésitante

comme elle l‟est actuellement pour la fatigue.

La morphine comme le traitement symptomatique de la fatigue sont des psychotropes,

chargés de représentations et d‟Histoire. Leur utilisation n‟est pas sans provoquer des

réactions vives et mobiliser les consciences.

Mais les ressemblances, inévitablement, ont leurs limites. La fatigue ne se localise

jamais. Elle est multifactorielle et prend une dimension encore plus intime que la douleur.

La fatigue accompagne toutes nos activités.

L‟argument anatomopathologique n‟est pas satisfait pour la fatigue. Et c‟est peut-être le

moment de donner raison à M. Foucault : « la coïncidence exacte du corps de la maladie

et du corps de l‟homme malade n‟est sans doute qu‟une donnée historique et transitoire. »

L‟écoute attentive, et le regard clinique fin sont les principaux outils du médecin. La

fatigue ne doit pas se dérober à la prise en charge médicale.

Notre seconde hypothèse était que la fatigue pouvait bénéficier d‟un traitement

symptomatique, et que celui-ci serait un psychotrope. Après notre étude bibliographique

nous avons proposé un modèle pour comprendre le symptôme fatigue, nous nous sommes

amplement inspiré de la théorie des sentiments de A. R. Damasio.

La fatigue est « la conscience d‟ […] un déséquilibre dans la disponibilité, l‟utilisation, ou

la restauration des ressources physiologiques ou psychologiques [a priori] requises pour

exécuter l‟activité » [4]. « La fatigue est une plainte résultant d’un déséquilibre entre

ce qui doit être accompli et ce qui peut l’être» [113].

En nous accordant sur ce modèle, le traitement symptomatique de la fatigue ne peut être

qu‟un psychotrope. Nous avons été amenés à poser plusieurs questions secondaires.

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117

L‟enquête descriptive avait pour objectif principal de savoir si le traitement

symptomatique de la fatigue correspond bien à une demande du patient. Les résultats sont

plus éclatants que prévu. Presque 1 personne sur 2 est pour le traitement symptomatique

associé au traitement étiologique, 1 personne sur 4 accepte le traitement en attendant une

guérison spontanée, et 1 personne sur 5 accepte le traitement symptomatique de la fatigue

comme traitement de confort. Quand le traitement est proposé dans le cadre d‟une

pathologie grave, comme le cancer, 94% pensent qu‟il faut traiter la fatigue !

Au sujet de la bonne ou mauvaise fatigue nous avons conclu que la limite était à

rechercher plus dans le terrain social que dans le terrain scientifique. Le modèle

énergétique de la fatigue est le seul modèle collectivement accepté. Mais cette vision est

très incomplète, et il semble bien que les idées changent progressivement.

Il existe une continuité biologique entre la fatigue normale et pathologique, et le concept

de normalité s‟efface au profit du bien-être. La fatigue est normative, c‟est une alarme

que l‟individu doit prendre en considération. Pourquoi ne pas en modifier la sensibilité ?

La recherche de substances ou de méthodes pour lutter contre la fatigue est une

préoccupation très ancienne de l‟homme. A ce point que certains philosophes y voient un

véritable moteur pour l‟humanité. Mais qu‟en est-il quand cette recherche aboutit à une

conduite dopante, c'est-à-dire une volonté de performance "au delà des limites du

possible" ? Et qu‟en est-il quand cette recherche aboutit à une conduite toxicomaniaque,

c'est-à-dire à une recherche de bien-être à tout prix ?

La discussion autour de la toxicomanie a eu pour but de rappeler le risque de

l‟ « automédication » et de la recherche du bien-être. Le rôle du médecin est inévitable,

dans la mesure où l‟individu s‟expose à des effets indésirables, à une perte de liberté.

L‟histoire des stimulants nous enseigne que les premières utilisations procurent excitation

et ivresse puissantes, mais que cet effet s‟atténue avec le temps.

« Il se peut que la puissance première du vin ait été domestiquée par des millénaires

d‟usage ininterrompu. Ce sont des forces autrement puissantes et effrayantes qui nous

saisissent dans les mythes où Dionysos, maître des festivités, apparaît avec son cortège de

satyres, de silènes de ménades et de fauves. »

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118

Si l‟utilisation des psychotropes provoque dans l‟anarchie, des catastrophes sanitaires,

leur utilisation rationnelle s‟est accompagnée de progrès considérables.

Nous avons mis en évidence, dans une société dominée par la productivité et la quête

de performance, qu‟adopter des conduites dopantes n‟était pas systématiquement

contraire à l‟éthique. Mais la consommation de produits est parfois jugée problématique :

y a-t-il une limite à ne pas dépasser ? Peut-on garantir le libre arbitre ?

Dans notre société émancipée, tout est possible, mais est-il permis de façonner son

esprit ? Notre inquiétude de la dépendance traduit notre angoisse de passer de

l‟impression de n’être pas assez au constat de ne jamais être assez.

En ce sens elles méritent de bénéficier d‟une régulation. « Cela signifie au minimum que

chacun soit animé de la même volonté [active, sincère et durable] de prendre en

considération, pour chaque personne, le droit au respect, à la dignité, à

l‟autodétermination, à l‟humanité et ce dans toutes les circonstances de la vie. » [70]

Si la majorité des personnes interrogées sont optimistes, dans le sport ce combat est

interminable…

Le deuxième objectif de l‟enquête était d‟avoir une approche sur les représentations

du risque des traitements psychotropes. On voit que la connaissance du risque ne modifie

pas les réponses à la question principale. Au contraire, les personnes ayant expérimenté

d‟autres psychotropes semblent accepter plus facilement le traitement contre la fatigue.

La conjoncture actuelle fait que les individus privilégient la réussite à court terme. En

dépit de toute réflexion éthique, les individus semblent prêts à prendre des risques de plus

en plus importants. Le corps devient un outil que l‟individu est bien décidé à utiliser pour

arriver à ses fins. La fatigue fait partie des barrières que l‟homme moderne est déterminé

à franchir.

Mais l‟homme moderne compte bien également mesurer lui-même les risques qu‟il

prend, et conserver son libre arbitre. Il veut conserver la possibilité de refuser le

traitement. Le rôle du médecin réside dans l‟information du patient. Mais comment

garantir la liberté du choix ? Elle semble se maintenir au prix de l‟acceptation des

inégalités entre les individus…

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Nous avons profité de la discussion pour exprimer une crainte partagée par de

nombreux médecins et sociologues. La pression des laboratoires pharmaceutiques est

telle qu‟il faut redouter l‟arrivée sur le marché de plus en plus de substances stimulantes,

destinées à prévenir la fatigue. Ces substances peuvent être en vente libre comme la

taurine, ou sur ordonnance : les IRS (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) ont

étendu largement leur champ d‟action [46].

Il est redoutable de voir que la généralisation de ces traitements semble incontrôlable (sur

le même principe que pour le tabac ? [99]). L‟introduction d‟une substance psychoactive

a toujours provoqué chez les populations exposées des réactions vives et extrêmes soit de

rejet soit d‟aliénation [41].

Les nouvelles technologies du vivant font évoquer un texte de Michel Foucault

(pourtant consacré aux prisons) « une anatomie-politique, qui aussi bien une mécanique

du pouvoir, est en train de naître ; elle définit comment on peut avoir prise sur le corps

des autres, non pas simplement pour qu‟ils fassent ce qu‟on désire, mais pour qu‟ils

opèrent comme on veut, avec les techniques, selon la rapidité et l‟efficacité qu‟on

détermine » [70].

Avec le traitement contre la fatigue, l‟individu n‟est plus confronté au conflit dans la

mesure où l‟assistance médicale compense le sentiment d‟insuffisance. S‟il revient au

médecin de prendre la décision de prescrire, il lui revient la question fondamentale :

drogue-t-on les gens ou les soigne-t-on ?

Pour garantir la liberté de choisir aux individus, il faut une information loyale, claire et

adaptée…

Entre Nietzsche et Plotin, les philosophes semblent redouter un monde sans fatigue.

Il faut insister sur le pouvoir de décision et de jugement qu‟offre la fatigue. Mais comme

Chrétien, nous sommes convaincus qu‟il n‟y a pas d‟infatigable incarné. Le traitement

symptomatique peut tout au plus retarder l‟échéance de la fatigue ou dans le meilleur des

cas la rendre moins pénible.

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Il est manifeste que l‟homme moderne n‟entre plus dans l‟horizon de la guérison. Sa

fatigue est une demande diagnostic et une demande d‟assistance. Notre société sort

progressivement de l‟idée de "la" bonne solution. Le conflit est en perte de productivité et

structure de moins en moins l‟unité de la personne et du social. La référence au permis

est emboîtée dans la référence du possible. Pour Lipovetsky « le désert est devant nous, à

inscrire parmi les grandes conquêtes à venir, aux cotés de l‟espace et de l‟énergie » [75].

Pour Ehrenberg, il y a les personnes qui mesurent le poids de leur responsabilité dans un

monde croissant en abstractions et où la personnalisation accrue est bien concrète.

D‟autres n‟y parviennent pas. Ces derniers doivent être aidés.

Il suffit de regarder les données épidémiologiques pour s‟apercevoir que la fatigue

est devenue dans de nombreuses pathologies une plainte principale. Quelques équipes ont

déjà entrepris leur prise en charge. Il n‟est pas rare de voir essayés des traitements par

stimulants sans référence à une étude médicale validée. Il est absolument nécessaire de

mettre en place de tels essais thérapeutiques. Et l‟exploration du symptôme complexe

qu‟est la fatigue, impose une méthodologie irréprochable.

Page 121: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

121

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Page 126: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

126

ANNEXES

I. Le questionnaire

Dans le cadre de ma thèse de médecine générale, j'essaie de comprendre comment

répondre au mieux au problème de la fatigue.

Nous avons tous aimé lire les aventures réussies d'Astérix grâce â la fameuse potion de

Panoramix... et nous sommes tous indignés de savoir que le tour de France sombre dans

le dopage.

Je vous propose de participer au questionnaire suivant,

Page 127: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

127

Questionnaire

1. "Je ne sais pas ce qui m'arrive mais je suis fatigué(e)...". Ceci vous

est-il déjà arrivé?

non oui

2. Quelle est votre tranche d'age?

moins de 14 ans 14 - 18 ans 18 - 25 ans

25 - 40 ans 40 - 70 ans plus de 70 ans

3. Quel est votre sexe?

Homme Femme

4. Etes-vous sportif?

non oui

5. Quelle est votre catégorie professionnelle?

agriculteurs exploitants

artisans

commerçants et assimilés

chefs d'entreprise de 10 salariés ou plus

professions libérales

cadres de la fonction publique

professeurs, professions scientifiques

professions de l'information des arts et des spectacles

ingénieurs et cadres technique

cadres administratifs et commerciaux

instituteurs et assimilés

professions intermédiaires de la santé et du travail social

clergé religieux

professions intermédiaires administratives de la fonction publique

professions intermédiaires administratives et commerciales de l'entreprise

techniciens

contremaîtres, agents de maîtrise

Page 128: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

128

employés civils et agents de service de la fonction publique

policiers et militaires

employés administratifs de l'entreprise

employés de commerce

personnels de service direct aux particuliers

ouvriers qualifiés

ouvriers non qualifiés

ouvriers agricoles

retraités : anciens agriculteurs, exploitants

retraités : anciens artisans, commerçants, chefs d'entreprise

retraités : anciens cadres et professions intermédiaires

retraités : anciens employés et ouvriers

chômeurs n'ayant jamais travaillé

étudiants : collège et lycée

étudiants : 1er et 2e cycles universitaires sans activité professionnelle

autres personnes sans activité professionnelle

non renseigné

6. Avez-vous déjà consulté un médecin pour fatigue inexpliquée?

non oui

7. Pensez-vous qu'il existe une "bonne" et une "mauvaise" fatigue?

non oui

8. Pensez-vous qu'il suffit d'une bonne nuit de sommeil réparateur pour

corriger la fatigue?

non oui

9. Avez-vous été ou un proche a-t-il été atteint d'une maladie grave

Page 129: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

129

(leucémie, cancer, séjour en réanimation, dépression sévère), qui aurait

provoqué une fatigue infernale, au point de ne pas pouvoir lire, ni

marcher, ni même manger?

non oui

10. On raconte que les membres pèsent une tonne, que les idées

s'éteignent, qu'avaler sa salive est insurmontable, que la réalité se mêle

aux cauchemars. Pensez-vous pouvoir imaginer une telle fatigue?

oui, je peux me l'imaginer.

non, je ne pense pas qu'on puisse être fatigué à ce point.

je ne sais pas, je ne me suis jamais posé la question jusqu'à maintenant.

11. On a l'habitude de distinguer la fatigue pathologique (maladie)

de la fatigue normale (physiologique), sur le critère de la récupération

par le repos. Est-ce un bon critère de jugement?

oui

non, on ne peut pas faire de distinction, c'est un continuum

non, il doit exister un meilleur critère.

12. On aime distinguer la fatigue physique de la fatigue

psychologique. Est-ce un meilleur critère de définition du normal et du

pathologique?

oui non, on ne peut pas faire de distinction, c'est un continuum

non, il doit exister un meilleur critère.

13. Quel serait pour vous un bon critère, pour distinguer la fatigue

normale de la fatigue pathologique? (Pas de réponse obligatoire)

Répondre sur le verso.

14. Le traitement de la douleur en général (sans distinction) est-il

un progrès?

non oui

Page 130: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

130

15. Pensez-vous qu'il est ou sera possible de guérir la dépression

avec un médicament?

oui sans avis non

16. Saviez-vous que l'héroïne et la morphine sont deux substances

de la même famille?

non oui

17. Vous a-t-on déjà proposé un traitement par la morphine?

non oui

18. Si oui, l'avez-vous accepté ? Si non, l'accepteriez-vous?

bien sur, oui facilement

après réflexion, oui

difficilement oui

difficilement non

après réflexion, non

hors de question

19. Acceptez-vous l'analogie entre le traitement de la douleur en

général et celui de la fatigue en général?

oui, exactement.

vaguement oui.

plutôt non.

non, pas d'accord.

sans avis.

20. Doit-on traiter la fatigue pathologique comme on traite la

douleur d'une fracture par exemple? Il s'agit de soulager la douleur avec

un médicament et d'en réparer la cause (réduire la fracture).

oui, exactement.

vaguement oui.

plutôt non.

non, pas d'accord.

sans avis.

Page 131: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

131

21. Doit-on traiter la fatigue du lundi matin comme les céphalées

du vendredi soir ou l'insomnie saisonnière?

oui, exactement.

vaguement oui.

plutôt non.

non, pas d'accord.

sans avis.

22. Saviez-vous qu'il existe un risque important d'accoutumance et

de dépendance aux somnifères, et qu'ils peuvent provoquer de graves

accidents chez les personnes âgées?

non oui

23. Pensez-vous que le traitement de la fatigue peut ressembler au

dopage sportif?

oui, exactement.

vaguement oui.

plutôt non.

non, pas d'accord.

sans avis.

24. Si oui, dans le bon sens du terme ou dans le mauvais sens?

bon.

à discuter. mauvais.

25. Si vous deviez consulter un médecin pour une fatigue

inhabituelle et qu il répondait : "je ne vois rien de grave, essayez de vous

reposer, je vous revois dans 2 semaines." Seriez-vous satisfait?

oui, exactement.

vaguement oui.

plutôt non.

non, pas d'accord.

sans avis.

26. Un traitement symptomatique a pour objectif de soulager un

symptôme sans se préoccuper de la cause. Il est parfois utilisé dans

l'espoir d'une guérison spontanée. Pensez-vous qu'il faut orienter la

recherche médicale vers un traitement symptomatique de la fatigue?

oui, exactement.

vaguement oui.

plutôt non.

non, pas d'accord.

sans avis

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132

27. Actuellement avec l'évolution des traitements, les patients de

cancérologie se plaignent davantage de la fatigue que de la douleur.

Faut-il se battre pour soulager leur fatigue?

non oui

28. Pensez-vous qu'une bonne gestion des traitements est possible,

avec un minimum d'effets secondaires, en respectant l'attente du patient?

(une seule réponse pour Q27-28)

oui, tout a fait, je pense que c'est

possible.

mitigé, plutôt positif.

pas d'avis.

29. Ou craignez-vous des abus avec addictions ou surmenages,

craignez-vous de mauvais diagnostiques et de graves effets secondaires?

oui, c'est un scandale, nous irions droit dans le mur.

tout ceci me semble extravagant et irréalisable.

oui, c'est à craindre, mais il faut poursuivre les recherches.

plutôt inquiet.

sans avis.

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133

30. Avec l'arrivée d'un traitement contre la fatigue, que pensez-vous

qu'il adviendra des "paresseux"? (pas de réponse obligatoire)

Merci beaucoup pour votre participation.

II. Exemples de réponses aux questions ouvertes Q13

et Q30.

Q13 :

85. RETROUVER UNE PLEINE FORME APRES UNE BONNE NUIT DE

REPOS

84. la cause

83. par ex: etre fatiguer au lever aprés avoir dormi 8 ou 9 hrs , meme si on va se

coucher a une heure raisonnable

82. NORMALE EST PONCTUEL PATHOLOGIQUE EST PERMANENTE

81. personne qui la majorité du temps n'a aucun problème de récupération donc pas

de fatigue élevé

80. la gène occasionnée chez la personne qui ressent la fatigue.

79. le psychosomatisme

78. aprés de gros efforts demandant une dépence énergétique, musculaire et même

une dépence demandant une grosse concentration intellectuelle, moi j'ai une fatigue

plutot un épuisement sans occune raison

77. aucune recuperation,malgres repos,et vis plus"saine",ainsi que les tentatives de

relaxation,yoga,psy ect ect

76. nombre de jours de la fatigue, comment elle survient

75. L'intensité Une fatigue pathologique est plus intense que la fatigue normale

74. La propension du sujet à jouer avec son imaginaire.

73. la durée le lien avec le niveau d'activité et/ou de stress de la personne

72. la durée

71. le plaisir

70. La fatigue normale est provoquée par des facteurs extérieurs classiques, qu'elle

soit physique (facteurs:sport, effort inahibituel,...) ou psychologique (facteurs:

stress, pression, ...).La fatigue pathologique ne s'explique pas vraiment et n'est pas

systématiquement provoquée par ces facteurs extérieurs directs.

69. Ajouter une notion de durée sur la période de repos

68. la fatigue normale survient après un effort la fatigue pathologique semble

n'avoir aucune cause

67. Je ne sais pas du tout , mais qq chose qui ne soit pas discutable par le monde

medical

Page 134: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

134

66. Fatigue continue non liée à un mode de vie objectivement fatiguant, ne

s'estompant pas lors de périodes de repos (WE, vacances).

65. Il n'en existerait pas UN seul, car fatigue normale et fatigue pathologique n'ont

souvent pas d'origine distincte. On pourrait déjà commencer à avoir des éléments de

distinction en regardant le temps de sommeil par nuit, l'état de santé du malade (si il

suit des traitements médicaux par exemple...) et aussi regarder si celui-ci a une

activité physique régulière (que ce soit dans ses loisirs ou son travail).

64. Le sommeil est il récpérateur?

63. Une fatigue normale ne doit pas resister à quelques jours de repos.

62. Sans penser à un "bon" critère, je pense qu'une étude holistique de l'être humain

(métabolisme, activité cérébrale, etc...) pourrait nous fournir des corrélations plus

intéressantes que la vitesse de récupération par le repos. Qu'en est-il sinon de ceux

qui "refusent" la fatigue (mais peut être ne sont-ils pas fatigués :) ), ceux qui s'y

laissent sombrer, etc

61. La capacité à définir des projets d'avenir

60. Récurrence de la fatique, fatigue émotionnelle, stress, mauvaise alimentation,

insuffisance de vitamines ou minéraux, etc

59. fatigue normale : recuperation par le repos fatigue psychologique est une

fatigue pathologique parmi d'autre

58. la fatigue normale doit etre conjoncturelle, réparée par le sommeil, et

explicable par des evenement extérieurs (manque de sommeil du à un nourisson,

trop de stress, etc...); la fatigue pathologique est structurelle et ne s'explique pas par

des evenement extérieurs.

57. Je ne suis pas medecin, j'aaurai préferé ne pas repondre aux deux precedentes

questions

56. Halle berry et mariah carey se battant dans la boue devant moi... si je m'endort

tout de même c'est que je suis atteint de fatigue pathologique

55. la chronicité ou la continuité de cette fatigue face à un changement

d'environnement.(vacances,changement de travail, de regime alimentaire...)

54. un questionnaire pertinent, un examen clinique soigné et d'éventuels examens

complémentaires approppriés

53. considérer mode de vie ( alimentation régulière, horaires et charges de travail ,

sommeil ...) et la durée de la fatigue ( 1 mois, 6 mois...)

52. pas d'idée. Peut-être que certaines constantes physiologiques sont modifiées

lorsque la fatigue est pathologique.

51. Le degré d'inquietude qu'elle procure.

50. L'envie par opposition à l'apathie, quand on est fatigué moralement on a envie

de rien. Ni faire, ni boire ni manger ni attendre ni se réjouïr ni s'attrister... quand

l'abattement est total on peut avoir dormi tout ce que l'on peut, rien n'y change on ne

veut plus rien, on n'a plus aucun désir ni plaisir !

49. Dur à définir

48. Circonstances Evolution REtentissement clinique

47. la durée du sommeil

46. fatigue indépendante du repos

45. fatigue malgré un temps de repos acceptable

44. une fatigue importante survenue sans modification des activités normales

Page 135: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

135

Q30 :

91. La paresse et la fatigue sont deux notions différentes. La preuve, elles ne portent

pas le même nom.

90. ^^ Bonne question .

89. Probablement ! Inévitablement ! C'est certain, en fait !

88. Les "paresseux" sont contents de leur état donc n'iront pas consulter un

médecin pour se faire traiter. Il y aura un risque de les marginaliser.

87. Ca dependra d'eux et de leur environnement. Un paresseux n'est pas

necessairement fatigué!

86. Les paresseux le resteront car ils ne sont pas malades et fières de l'être !

85. Les paresseux se ligueront tous ensemble pour empecher leur proche (voir le

gouvernement) de leur administrer ce produit et ainsi pouvoir continuer a passer

leur journée a regarder derrick et plus belle la vie. être paresseux it's a "way of life",

pas une maladie^^

84. La paresse n'est pas la fatigue... Ca n'a rien à voir ! Les "fainéants" me

semblerait plus précis comme terme, je pense qu'il n'en adviendrait rien de spécial

dans la mesure où c'est un trait de caractère. Par ailleurs j'ai du mal à imaginer que

le traitement contre la fatigue qui permettrait de soulager les cancéreux soit

également utilisé contre la fatigue du lundi matin. Pour finir, en analogie avec les

ISRS, une bonne partie de la population se refusera "par principe" à prendre ce type

de traitement pour ne pas passer pour un "faible"

83. Aucun rapport. Paresse et fatigue n'ont rien à voir. On n'est pas paresseux par

maladie, mais par envie ou caractère.

82. ils seront d'abords etudiés afin de determiner si "cette maladie" est génétique

puis traiter medicalement,les récalcitrants(peu nombreux chez les parresseux)seront

ghettoïsés, internés...Enfin cela redeviendra "IN" de ne pas trop en faire et les

paresseux seront starifiés dans des émissions de télé- réalité. J'ai comme une

impression de déjà vu.

81. LES PARESSEUX EXISTERONS TOUJOURS MAIS UN BON

DIAGNOSTIQUE SAVERE IMPORTANT POUR SAVOIR SI L'ON EST BIEN

DEVANT UN PARESSEUX ET N'ON PAS DEVANT UNE PATHOLOGIE.

80. ils existeront toujours... :)

79. pas de changement. tout au plus le paraitront ils encore plus par rapport aux

gens "dopés" au médicament anti-fatigue. mais la paresse n'a rien à voir avec la

fatigue.

78. rien ils n'iront pas consulter ou ce sera au médecin traitant de faire le diagnostic

77. On pourra facilement les repérer puisque ce seront du coup les seuls qui se

diront fatigués.

76. La paresse aime se faire cultiver... Je pense que certains paresseux agissent de

la sorte. Dans un sens c'est se ménager. Pour moi paresse et fatigue sont deux

choses différentes. La fatigue est inconsciente contrairement à la paresse.

75. il seront toujours présent, car les pareseux ne sont pas fatigués, ils n'ont juste

pas envie de se fatiguer....

74. Exlusions?

73. rien à voir !!

72. Ils finiront sur la paille, tant mieux ces gros batards!

Page 136: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

136

71. c'est une bonne question!

70. La paresse n'est pas un problème lié à la fatigue. Elle peut avoir d'autres causes

: absence de motivation causée par un manque affectif dans l'enfance par exemple.

69. Travailler plus pour gagner plus ! Contre la fatigue un guronsan, le matin et le

midi. Le soir piqure de valiome.

68. Un paresseux n'est pas forcement fatigué. Il y aura donc toujours des paresseux

67. Il y aura toujours des paresseux malgré l'arrivée d'un traiment. C'est une

question de volonté!

66. ça n'a rien à voir donc les paresseux resteront paresseux.

65. un paresseux ne souffre pas forcément de fatigue

64. Cela n\'a rien à voir.

63. Il faudra dépenser beaucoup d'énergie pour lutter contre le totalitarisme des

hyperactivistes. Bon courage !

62. la notion de paresse et de fatigue n'a rien a voir, un paresseux ne veut rien faire

par flemme ou manque de motivation mais pas par paresse.

61. rien, ils resteront paresseux.

60. ils prendront de la drogue.

59. continueront à etre paresseux meme avec le traitement!

58. paresseux ne signifie pas fatigué..!la paresse est d'ordre psychologique

57. ils retourneront dans la foret fumer des petards avec laurent outan

56. Ce n'est pas avec ce questionnaire que l'on y arrivera c'est sur...

55. ils resteront paresseux et peut être heureux...

54. ils devront être encore plus forts

53. traitementde trop de personnes

52. lazy persons are a necessary portion of the social entalpia/entropia.

51. Je pense que s'il s'agissait finalement d'en venir à utiliser un traitement contre la

fatigue ordinaire (et non pathologique), il vaudrait mieux ne pas du tout s'engager

dans la voie d'un traitement de la fatigue pathologique... A la réflexion, je crois

donc qu'il vaut mieux éviter de s'engager dans cette voie !

50. Le paresseux n'a pas besoin d'un traitement, il est bien...

49. je ne pense pas qu'il y a de vrais paresseux

48. Je pense qu'il n'y a aucune causalité entre la fatigue et la paresse.

47. les paresseux ne sont pas fatigués, juste ramollis. peut-être devraient-ils se

réveiller pr prouver qu'ils ne soufrent pas d'une pathologie identifiée ...

46. il y en aurait toujours!

45. ils n'auront même plus besoin de se couper le poil dans la main ! Cool, une

chose de moins à faire...

44. La paresse n'est pas une forme de fatigue mais plutôt un manque de volonté. Je

pense que la paresse ne nécessite pas de ttt médicamenteux à proprement parler.

Eliminer une cause organique ou psychiatrique (ttt de la cause si besoin) et des

facteurs favorisants (et les prendre en charge également).

43. oui

Page 137: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

137

III. Répartition des catégories professionnelles

agriculteurs exploitants - 1 0.26%

artisans - 0 0.00%

commerçants et assimilés - 5 1.31% chefs d'entreprise de 10 salariés ou plus - 6 1.57%

professions libérales - 28 7.33%

cadres de la fonction publique - 17 4.45%

professeurs, professions scientifiques - 38 9.95%

professions de l'information des arts et des spectacles - 17 4.45%

ingénieurs et cadres technique - 47 12.30%

cadres administratifs et commerciaux - 38 9.95%

instituteurs et assimilés - 10 2.62%

professions intermédiaires de la santé et du travail social - 26 6.81%

clergé religieux - 0 0.00%

professions intermédiaires administratives de la fonction publique - 7 1.83%

professions intermédiaires administratives et commerciales de l'entreprise - 5 1.31% techniciens- 8 2.09%

contremaitres, agents de maitrise - 3 0.79%

employés civils et agents de service de la fonction publique - 6 1.57%

policiers et militaires - 2 0.52%

employés administratifs de l'entreprise - 13 3.40%

employés de commerce - 7 1.83%

personnels de service direct aux particuliers - 4 1.05%

ouvriers qualifiés - 4 1.05%

ouvriers non qualifiés - 3 0.79%

ouvriers agricoles - 0 0.00%

retraités : anciens agriculteurs, exploitants - 0 0.00% retraités : anciens artisans, commerçants, chefs d'entreprise - 1 0.26%

retraités : anciens cadres et professions intermédiaires - 11 2.88%

retraités : anciens employés et ouvriers - 5 1.31%

chômeurs n'ayant jamais travaillé - 1 0.26%

étudiants : college et lycée - 7 1.83%

étudiants : 1er et 2e cycles universitaires sans activité professionnelle - 34 8.90%

autres personnes sans activité professionnelle - 10 2.62%

non renseigné - 18 4.71%

Total Answers - 382

Page 138: FACULTE DE MEDECINE RENE DESCARTES

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RESUME

La fatigue est une plainte de plus en plus fréquente en consultation de médecine générale,

en ambulatoire comme en hospitalisation. La première hypothèse est que la fatigue

ressemble en de nombreux points à la douleur, et donc que sa prise en charge devrait

ressembler à la prise en charge de la douleur. La deuxième hypothèse est que le

traitement symptomatique de la fatigue s‟il existe serait un psychotrope.

L‟objectif est de discuter sur la nécessité de soulager la fatigue par un traitement

symptomatique. En premier lieu, une enquête descriptive à l‟aide d‟un questionnaire

anonyme se fixe l‟objectif de mesurer l‟intérêt des personnes pour le traitement

symptomatique de la fatigue. L‟échantillon est constitué de 382 personnes. En second

lieu, une revue de la littérature cherche à comprendre le symptôme fatigue, afin de

confirmer les hypothèses.

Il en ressort que le rapport du patient aux médicaments psychotropes est très ambivalent.

Le traitement symptomatique de la fatigue dans les pathologies graves parait nécessaire

pour 94% des personnes interrogées. 1 personne sur 5 pense qu‟il faut traiter la fatigue

comme des céphalées. Ces résultats méritent une très large discussion.

Fatigue is a growing medical complaint. The first hypothesis is that fatigue has much in

common with pain. Subsequently the treatments should be similar too. The second

hypothesis is that symptomatic treatment of fatigue would be a psychoactive drug.

The purpose is to discuss the necessity to relieve fatigue with a symptomatic treatment.

First a descriptive survey with an anonym questionnaire will try to measure the interest of

people for such a treatment. The sample includes 382 individuals. Secondly, an article

review will help us understand the symptom fatigue, and confirm our hypothesis.

In conclusion, the patient‟s relation with psychoactive drugs is ambivalent. 94% of the

sample admits the necessity of a symptomatic treatment of fatigue in severe affections.

And 1 person over 5 would use such a treatment as for a headache. These results are

worth a large discussion.

MOTS CLEFS:

Fatigue, médecine générale, traitement symptomatique, psychostimulants.