140
htf^ YALES JLjUstoire I o¿M LjUstoire o¿M ^ NOURRITURES ^ Í| íÁJ'' iß- Revue publiée m le ooneoais du C.N JLS.

Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf

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htf^

YALES

JLjUstoire

I

o¿M

LjUstoire

o¿M

^

NOURRITURES

^

Í|

íÁJ''

iß-

Revuepubliéem le ooneoaisdu C.NJLS.

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O PU

V,

Saint-Denis

1983

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MEDIEVALES

Revue semestrielle

publiée par

les Presses

et Publications

de

l'Université

de Paris

VIII

-

Vincennes

à

Saint

Denis,

avec

le

concours

du Centre

National de la

Rercherche

Scientifique

COMITE DE

REDACTION

~

fil

François-Jérôme

EAUSSART

-

~

ļļļ^ļ

III

I

Bernard CERQUIGLINI > l i1 V

?

lUlilffliilflrMireilleDEMAULES

j

Orlando

de

RUDDER

Réimpression

PRESSES

UNIVERSITAIRES

DE

VINCENNES

CENTREERECHERCHEEL'UNIVERSITEE PARISVIII

2,

ruede

la

Liberté

93526

SAINT-DENIS

edex02

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SOMMAIRE

5/

NOVEMBRE

1983

NOURRITURES

Page

Présentation,

ar

Odile

REDON

Brouets,potages

et

bouillons

Jean-Louis LANDRIN 5

De

l'usage

des

épices

dans

l'alimentationmédiévale

Bruno

LAURIOUX

15

Cuisine à la cour

de

l'empereur

de Chine les

aspects

culinairesdu Yinshan

Zhengyao

de

Hu

Sihui

Françoise

SABBAN

32

Valeurs,

symboles,

messages

alimentairesdurant

le Haut

MoyenAge

Massimo MONTANARI

57

Exil et retour la nourriture es origines

Danielle

REGNIER-BOHLER

67

Les

appétits

mélancoliques

Marie-Christine

OUCHELLE

81

Documents :

Les

ustensiles e cuisine n

Provence

médiévale

XIIIe-XVe

.)

Pascal HERBETH 89

Une recettedu XVe

siècle

Maguelonne

TOUSSAI

NT-SAMAT

94

ENTREMETS

Les

masques

du clerc

Jean-Charles UCHET

96

Qu'est-ce

ue

le

MoyenAge

?

François

JACQUESSON

117

FRIANDISES

Notes

de lecture

Geneviève 'HAUCOURT, a vie au MoyenAgeRobert

DELORT,

La vie au

MoyenAge

Jean

DUFOURNET,

Le

garçon

et

l'aveugle

Jean-Louis

LANDRIN,

Un

temps pour

embrasser

Jean-Paul

ROUX,

Les Barbares

125

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/ ;-=09 )(8*

=-0/ ]

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NOURRITURES

Qui

va

se

pourléche

Qui

reste e dessèche

(Proverbe

talien u

XIVe

siècle

cité

par

Franco

SACCHETTI.)

Mangerest un acte individuel, la fois nécessaireà la subsistance

et,

dans

certaines

onditions,

énérateur

e

plaisir.

Cependant,

e

plus

souvent,

hommene

mangepas

seul,

mais

avec ses

semblables,

uivant

des

règles

et

usages

économiquement

t culturellement

éterminés.

a

pratique

conviviale et la recherchedu

plaisir

confèrent

l acte

de

manger

des sens

multiples ui dépassent argement

a

simple

solution

d un

problème

de subsistance.

Ce

numéro de

Médiévales veut

précisément

contribuer à

une

recherche

es

multiples

ens

de l acte de

manger

u

Moyen

Age.

l

est

relié au

travail

qui

se fait

depuis plusieurs

années

au

département

d Histoire

de

l Université aris

VIII,

avec Jean-Louis

landrin t moi-

même recherchesd un côté sur l évolutiondes pratiques culinaires

et du

goût

en

Europe,

depuis

le

MoyenAge

usqu au

XVIIIe

siècle,

de

l autre sur

les

usages

de cuisine et de table

et sur

le sens des actes

alimentaires ans l Italie médiévale.

Parce

qu il

fallait

bien

choisir,

dans

l ampleur

d un

champ trop

vaste,

nous n avons

pas

ouvert

ce numéro

-

en tout

cas

pas

direc-

tement

aux

aspects économiques

de l alimentation.

ous avons

plutôt

tenté,

sur

un

point

de

départ historique,

et

en

faisant

appel

à

plusieurs

isciplines,

allerdans

deux

directions.

abord des

recherches

sur

le travail

proprement

ulinaire et sur les

goûts

médiévaux et

sur cette voie il était particulièrement éduisant d aller jusqu à

l Extrême-Orient,

au-delà des

épices.

Ensuite

des réflexions

ur

le

sens

des

comportements

limentaires,

ans des

systèmes

ocio-politiques,

littéraires t

scientifiques

médicaux)

qui

engagent

oute

la

personne

de

l homme.

Nous

souhaitons

ue

ce numéro

de Médiévales

auquel

ont

participé

des

historiens,

inologue,

ittéraire,

nthropologue,

oit

un

jalon

dans

l étude

pluridisciplinaire

e l alimentation

médiévale.

Odile

REDON.

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Jean-Louis

FLANDRIN

BROUETS,

POTAGES

ET

BOUILLONS

Passant à

Lindau,

le 10

octobre

1580,

Montaigne

notait

que

les

Bavarois

«

mettent antôt e rôti e

premier

t

le

potage

à la

fin,

antôt

au

rebours .

Mais

il

ne

semble

pas

s'être

demandé si le

concept

de

potage

existaitdans ce

pays,

ni

s'il

désignait

a même chose

que

dans

la France de

l'époque.

Pour

jious, Français

du

XXe

siècle,

un

potage

est un mets salé et

non

sucré,

de

consistance

plus

ou

moins

liquide,

que

l'on

sert

dans

des assiettescreuses

au début

du

repas.

Cette

définition,

alable dès le

milieu

du XVIP

siècle,

l'était

peut-être

éjà

au

temps

de

Montaigne.

Mais elle ne l'étaitpas dans la France des XIVe et XVesiècles,ni dans

le reste de

l'Europe

occidentale.

Pour

ce

qui

concerne

a

consistance,

l

y

avait certes

des

potages

très

liquides

-

avec ou sans

tranches de

pain

ou

autres éléments

solides

immergés

dedans

-

mais

beaucoup

d'autres ressemblaient

plutôt

à des

ragoûts,

n

sauces souvent iées et

parfois

très courtes.

Au

chapitre

des

«

potages

communs sans

espices

et non

lians

»,

le

Ménagier

de Paris

mentionnaitmême des

«

porrées

de

légumes

dont

il

n'est

pas

évident

u'elles

étaientmoins sèches

que

nos

purées.

Du

point

de vue du

service,

même

ambiguïté

certains

potages

étaient

présentés

avant

les rôts

-

les

sorringues

t les

civés, parexemple mais d'autres 'étaient ouvent vec, comme les cretonnées

ou

les

rosées,

voire même

après,

à l'entremets u à l'issue

de

table,

tout

comme

ces

potages

bavarois

qui

étonneront

Montaigne

la fin

du

XVIe siècle

voyez

es menus

II,

XI

et XIV du

Ménagier

de Paris.

Les choses ne vont

pas

mieux si

l'on entend

par

«

potage

tout ce

qui

était cuit

dans

un

pot.

Car

on cuisait

dans des

pots

les

fromentées,

millot,

venat,

riz

engoulé,

ue

les

livres de

cuisine

français

1)

clas-

1.

Cette tude

prend

n

considération

inq

ivres

rançais

1 Le

Ménagier

de

Paris

composé

n 1393 t édité en 1847

par

Jérôme

ICHON

(reprint

Daniel

Morcrette,uzarches,

.

d.).

Les

Enseignementsui enseignentappareilleroutesmanières e viandesvers1300). ° Le Viandier e Taille-

vent,

Ms. de

la

Bibliothèque

ationale. °

Le Viandier e

Taillevent,

s.

de

la

Bibliothèque

u Vatican.

°

Le Viandier e

Taillevent,

mprimé

ers

1490.

Ces

quatre

erniersraités nt

publiés ar

J.PICHON t

Georges

ICAIRE

au XIXo iècleet réédités

ar

Slatkine Le

Viandier

e

Taillevent

Genève,

1967).

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6

saient

parmi

les

entremets,

e même

que

les

gelées

de

toutes sortes.

Il

arrivait

'ailleurs

que

des

plats

classés hors du

chapitre

des

potages

fussent

cependant

appelés

«

potage

:

voyez

par

exemple,

dans le

menu XVI

.

du

Ménagier,

e

«

Potage pour

faire

yssue appelé gelée

;

ou,

au

chapitre

des

«

Entremets

,

le

«

Potage

parti

ou

faulx

grenon

(p.

216).

On

se

demande donc

quelle

définition

ohérente es

Français

de

ce

tempspouvaient

ien donner

de leurs

potages.

En

Angleterre,

la

même

époque,

e

concept

de

potage

existait ussi

et ne

paraît

pas plus

clair. Il

est,

au

reste

plus

difficile

cerner,

arce

que

les

livresde

cuisine nglais 2) n'étaient as explicitementtructurésen

chapitres

t

que,

dans les

repas,

'ordrede

présentation

es metsest

très

difficile

comprendre

ou

même nexistant

'il faut

en croire es

historiens

ui

en

ont

parlé

(3).

En

Italie,

aucun

mot de la famillede

«

potage

ne

se

rencontre

dans les

recueils

de recette

(4).

Et en

Catalogne,

i

le Libre

de

sent sovi

(5)

a un

chapitre

ntitulé

Qui

parla

con

se deuen

donar

los

potatges

en convit

,

ce

chapitre

ne

traite

que

des

viandes

rôties

Dans

tous ces

livres,

cependant,

n

trouve des

plats

analogues

à

certains

types

de

potages

français,

u

moins

par

leurs

appellations

(«brodo»,

«brodetto»,

«

civiero

italiens,

par

exemple,

proches

des

« Bouillon , « brouet et « civé» français) et des plats inconnus n

France

(comme

les

plats

de

pâtes)

mais

que

les

voyageurs

français

ont

pendant

des siècles

considérés

comme des

potages

-

pour

des

raisons

qu'ils

n'ont

malheureusement

as

expliquées.

2.

Cinq

ivres

nglais

nt

été

utilisés,

ue

nous

désigneronsar

les titres

suivants

Io

The

Forme

of

Cury

v.

1390)

Ancient

ookery

.D. 1381

Ancient

ookery

° 3

(écriture

u

débutXVe

.)

HarleianMs. 279

vers

1430)

Harleian

Ms. 4016

vers

1450).

es

trois

premiers

nt été

publiés

par

Richard

WARNER ans

Antiquitates

ulinariae

London,

791 fac simile

Prospect ooks,

London

.d.

(1981);

les

deux autres

par

Thomas

AUSTIN,

dansTwoFifteenth-Centuryookery ooks OxfordUniversityress,1888reprint964).

3. Par

exemple

ridget

nn

HENISCH,

Fast and

Feast Food n

Medieval

Society

The

Pennsylvania

tate

University ress, University

ark

and

London,

e

ed.,

1978) .

146.

4. Pour

l'Italie,

on

a

utilisé les

quatre

livres

de

cuisine suivants

Librodella cucina

del

secolo

XIV,

édité

par

F.-

ZAMBRINI,

863 réim-

pression

Bologna,

1968. l

sera

appelé

ici

«

le livre toscan . 2°

Libro di

cucina

del secolo

XIV,

édition

L.

FRATI,

Livorno,

1899

réimpression

Bologna,

1970.

l

sera

appelé

ici

«

le livre

vénitien. 3o

Libro de arte

coquinaria,

critvers

1450

ar

le maître

MARTINO,

uisinier u

patriarche

d'Aquilée,

t

publiépar

E. FACCIOLIdans

Arte ella cucina

Milano,

966),

I,

pp.

119-204.

°

Liber de

coquina

manuscrit

atin du XIVe siècle

publié

par

MarianneMULONdans le Bulletin

hilologique

t

Historique usqu'à

1610)

u Comité

es Travaux

istoriques

t

scientifiques.

nnée

968,

ctes

du 93eCongrès ational es Sociétés avantes enu Tours.Volume Les

problèmes

e l'alimentation

Paris,

Bibliothèque ationale, 971)

p.

396-420.

Ce traité

atin,

très

proche

du livre

toscan,

me

paraît

ncontestablement

italien.

5. Libre

de sent

ovi,

dité

par

Rudolf

GREWE

Editorial

Barcino,

979)

avec

introduction,

otes t index n catalan

moderne.

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7

Finalement,

our

faire

progresser

'étude

comparée

de la cuisine

et

du

service

de

table dans les divers

pays

d'Europe

occidentale,

l

faut,

semble-t-il,

bandonner

au

moins

provisoirement

la

notion

générale

de

potage,

t examiner

lutôt

des

types

de

potage plus

faciles

à

définir,

dont 'existence u le

concept,par

ailleurs,

ont

attestés

dans tous les

pays d'Europe

occidentale

aux XIV* et

XVe

siècles.

L'examen des

brouets t

bouillons,

ue

nous allons

présenter

ci,

constitue

n

premier

pas

dans

cettevoie.

Ou

peut-être

erait-il

lus

juste

de dire

que

nous allons

étudier

es

brouets en France,en Angleterre,n Catalogne et en Italie.

Car si

« brouet est

l'équivalent

du « brewet

(ou

« bruet ou « bruette

)

anglais,

du

«

brouvet

(ou

«

broet

)

catalan,

du

«

brodetto

italien et

du

«

brodium

latin,

«

bouillon

,

en

revanche,

'est ni

linguistiquement

ni

réellement elui de

«

broth

,

ni de

«

brou

»,

ni de

«

brodo

».

Etymo-

logiquement,

n

effet,

bouillon a

pour origine

e latin

«

bulliré

,

tandis

que

tous

les autres

mots

que

je

viens d'énumérer

iennent u

germanique

brod

»,

latinisé

n

«

brodium vers

a findu IVe

siècle

(6).

Réellement,

bouillon

n'apparaît

dans

l'appellation

d'aucun

plat

fran-

çais

de

l'époque

considérée,

alors

qu'on

trouve

«

broth

,

«

brou

»,

«

brodo

»

et

«

brodium dans celle

de

nombreusesrecettesdes

livres

de cuisineanglais, atalan, taliens t latins.Le bouillon, ans les livres

français,

n'était mentionné

que

comme

ingrédient,

u comme

une

sorte

de bière

hygiénique

our

malades

(7).

Si,

dans le

français

d'au-

jourd'hui,

broth

,

«

brou

»,

«

brodo

»,

«

brodium

,

peuvent

ans

e

titre

d'une

recette,

tre

parfois

traduits

par

«

bouillon

,

dans

le

français

des

XIVe

et

XVe

siècles,

en

revanche,

ls

correspondent

«

brouet

,

ou

«

potage

,

ou

encore

«

chaudeau

»,

ces trois mots

pouvant

au

contraire e bouillon

désigner

es

plats

aussi bien

que

la

partie

iquide

de

certainsd'entre

ux

(8).

6. Les dictionnairesatin-française QUICHERATet de BLAISE en

mentionnent

n

premier mploi

dans

un sermon e S.

Gaudence,

vêque

de Brescia ers a

fin u IVe

siècle.

7. Le

Ménagier

e Paris

p.

238.

8. Pour

«

brouet et

«

potage

,

on en trouvera ne infinite

exemples

dans

le

Ménagier

e Paris.

Ainsi,

.

166,

la finde la recette u brouet

d'Allemagne

«... au

drécier,

mettez

rois ou

quatre

morceaux e vostre

grain

n l'escuelle t du

brouet

essus ou

p.

168,

la

fin

de la recette

du

«

rapé

«

puis

dreciezvostre

grain

par

escuelleset du

potage par

dessus .

Les deux

mots

paraissent

nterchangeables,

e

sont

pas

tributaires

de

l'appellation

u

plat,

t

peuvent

tre

remplacés ar

«

bouillon

,

comme

à la

p.

155

«

quand

e

grain

era

dressé

par platz,

ous

mettreze

bouillon

dessus . Dans

cet

exemple,

e

bouillonn'est

pas

seulement

'eau où a cuit

une

viande,

mais

un

liquide omplexe

u'on

a

auparavant

ppelé

«

potage

.

Il

semble;

cependant,

u'on

utilise

plus

volontiers bouillon

pour

les

simples ouillons e viande, t «brouet ou «potage pour les liquidesplus complexes. uant à « chaudeau, c'est une eau de cuisson encore

Elus

udins

laire

ou de

ue

tripes

les bouillons

(p.

158 t

e

161).

viande

Mais

parfois

ar exemple

c'est

un

'eau

bouillon

e cuisson

de viande

e

oudins u de

tripes p.

158 t

161).

Mais

parfois

'est

un bouillon e viande

normal,

omme

la

p.

168.Ce mot

n'apparaît

u'une

foisdans

l'appellation

d'un mets

le

«

chaudeau

lament

,

constitué 'eau bouillie ù l'on

répand

en filet es

aunes

d'oeufs

attus

vec

du vin blanc.

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8

Plus

concrètement,

ette étude

porte

sur 52 recettes

françaises

de

brouets 53

recettes

anglaises

dont 37 de brewet et

18

de broth

4

recettes atalanes dont

1

de brouvet t 3 de brou

21

recettes

ta-

liennes dont 8

de brodetto

et 13

de

brodo;

et 6 recettes

atines

de

br dium.Au

total cela nous fait

un

corpus

de 137recettes aucun

autre

type

de

potage

n'en

comptait

autant

dans

les

livres

de cuisine

des

XIVe

et

XVe

siècles.

En

France,

es brouetsformaient ne

catégoriehomogène

u

point

de vue

de leur

place

dans le

repas

sur

les

vingt-cinq

enus

qu'a

notés

le

Ménagier

de Paris on trouve

vingt-quatre

entions e

brouets,

ont

vingt-deux

vant

les

rôts.

Les deux

restant,

'ils étaient

présentés

u

servicedu

rôt,

n'infirment

as

vraiment a

règle,

car

il

s'agissait

d'un

«

rôt

maigre

,

composé

de

poissons

bouillis ou en

sauce,

et non

pas

de

véritables

ôtis.Nous ne

pouvons

malheureusement

largir

etteconclu-

sion aux

autres

pays

d'Europe,

fautede recherches

uffisantes

ur leur

manièrede servir.

Pour

ce

qui

concerne a

manière de cuisinier

-

du moins celle

dont

parlent

es livres

-

deux

faits attestent on caractère

cosmopo-

lite.

C'est d'une

part que

nombrede

brouets,

n

France,

n

Angleterre,

en Italie, portaient e nom d'un pays étranger d'autre part que les

mêmes

appellations

e retrouvaient

arfois

en

français,

n

anglais,

en

italienet

en

latin.

Voyez

'appendice.

l

montre

u'on

trouvait ans

les

livres

français

n

«

brouetde Savoie

»

et,

plus fréquemment,

n

«

subtil

brouet

d'Angleterre

;

dans les livres

d'Italie

(en

toscan

et en

latin)

un

«

brouet

provençal

,

un

«

brouet

français

et un

«

brouet

espa-

gnol

;

dans un

livre

anglais

un

«

brouet de

Lombardie

;

et,

de tous

côtés,

un

«

brouet sarrasin

et

plusieurs

«

brouets

d'Allemagne

.

D'autres

appellations

omme

«

brouetvert ou

«

vergay

,

ou

«

brouet

blanc

»,

se retrouvaient

ans

les livresde

pays

différents,

e

même

que

des

«

brouet

de

chapon

,

«

brouet de

gélines

,

«

brouet de

poullets

,

« brouet d'anguilles , « brouet de poisson , « brouet d'œufs et de

fromage

, etc.,

qui

sont,

vrai

dire,

moins

significatives.

Mais ces

ressemblances u

influences ventuellesne

signifient

as

que

dans

tous les

pays

-

ou toutes es

cours

-

d'Europe

occidentale

on

mangeait

la même

cuisine,

comme

semblent

e croire

plusieurs

auteurs

anglais,

américains

et

canadiens

(9)

:

il

est facile de s'en

convaincre n examinant es brouets.

Pour ce

qui

concerne

'appellation

des

plats,

on ne trouvait

qu'en

France

des

«

brouet

georgië

,

des

«

brouet rousset

,

des

«

brouet houssié

,

un

«

brouet

rappé

»,

des

9. Voirpar exemple olin S. DENCE, «Herbs and spices throughthe

ages

,

HerbalReview

winter

978,

.

11-23

dans une certaine

mesure ast

and

Feast,

de

Bridget

A. HENISCH et

surtout onstance

. HIEATT et

Sharon

BUTLER,

ain vinet veneison

Montréal,

ditions

e

l'Aurore,

977).

Pour une

critique

e cette

dée,

voir

déjà

dans L'Histoire

5,

oct.

1978,

p. 102-103)

Variations

ranco-britanniques

.

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9

«

brouet

de cannelle

,

des

«

brouet de

verjus

,

des

brouets

«

de

dain-

tiers de cerf ou de

«

fressurede

pourcel

.

Les

livres

anglais,

eux,

sont seuls à

présenter

des

«

cold brewet

,

des

«

bruette

saake

»

(ou

brouet

echerché),

es brouetsde connin

«

connynges

n clere

broth

),

de

foie de chevreuil

«

roo broth

),

de

soles,

de

tanches,

d'esturgeon,

de

lamproies,

de

moules,

d'huîtres,

e

buccins et

des brouets

aux

noms

mystérieux

omme

«

browet

tuskay

et,

plus

fréquent,

ballok

broth . Moins riches n

brouets,

es livres taliens

ont

cependant

euls

à

présenter

n brouet

de

perdrixgrises,

un brouet

de

pois

chiches

rouges

et

un

«

brodo

granato

dont

une

seule

des trois

recettes

xpli-cite un

peu

le nom. Enfin,bien que le chevreauet plus encore les

amandes

aient été utilisésdans les

brouetsde bien

d'autres

pays,

ceux

de

Catalogne

taient

euls à en tirer eurs

noms.

Même

mpression

e

diversité t de

spécificités

ationales

ou

régio-

nales

lorsqu'on

examine les

ingrédients

tilisés et les

procédés

de

cuisson.Non

pas

que

cettecuisine

des

livres

it mis en œuvre es

seuls

produits

ocaux

partout,

u

contraire,

lle utilisait bondamment

es

épices importées

d'Orient et les

Anglais

n'étaient

pas

les derniers

utiliser e

sucre,

es

amandes

et

les

raisins de

Corinthe.

Mais,

relative-

ment ibre à

l'égard

des contraintes

aturelles,

ette cuisine

aristocra-

tiqueétaittributairees cultures t des goûtsnationaux. t il meparaît

intéressant e

souligner

ombien

es

spécificités

ationales

u

régionales

étaient

lus marquées

n cuisine

qu'en

d'autresdomaines

mieux

connus

de la culture.

^

Précisons ela

sur

quelques

exemples.

Les deux recettes

françaises

de

«

brouet sarrasinois

prennentpour ingrédient

e base

-

pour

«

grain

,

commeon

disait alors

-

des

anguilles,

e

qui

est

surprenant,

les

poissons

et

plus

particulièrement

e

poisson

sans écaille

n'appa-

raissant

guère

dans les livres

de cuisine

arabes les deux recettes

italiennes

de

«

brodo

saracenico

font un brouet

à base de

chapon

rôti,

ce

qui

serait

plus

musulman si

l'on

n'y

ajoutait

«

du lard à

suffisance; quant aux recettes anglaises, moins homogènes, 'une

prendpour

viande du

bœuf,

'autre du

porc,

et la

troisième,

astueuse

et

extravagante,

es connins u des

lapins,

u des cailles

ou des

perdrix

et... des

anguilles.

Comme

liquide

de

cuisson,

les cuisiniers

français

utilisaient

un

mélange

de

vin

et

de

verjus

les italiens

«

des

sucs

aigres

et éventuellement

u vin blanc et les

anglais,

avec ensemble

cette

fois,

du lait d'amandes.

Certainsd'entre ux

y ajoutaient

du

vin,

voire du

vinaigre.

Pour ce

qui

concerne

'assaisonnement,

nglais

et Italiens

usaient

d'épices

plus

ou moins

nombreuses t

d'ingrédients

oux

dattes et

raisin secs

en Italie

sucre,

raisins

secs,

et

parfois

vin

doux

en

Angle-

terre. es cuisiniers rançais, n revanche, 'ils multipliaientes épices

orientales

gingembre,

annelle,

girofle, raine

de

Paradis,

garingal,

poivre

long

et safran

-

n'admettaient ucun

ingrédient

ucré.

Cela

s'expliquerait-il

eulement

ar

la

plus grande

fidélité es

Italiens et

des

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10

Anglais

un

modèle

original

arabe ? En

fait,

des recettesdont

nous

n'avons

encore rien

dit

parce qu'elles

ne

portent

pas

le nom

de

brouet

10),

montrent

ue

les cuisiniers atalans et

napolitains, énéra-

lement

plus

proches

des

pratiques

arabes

que

les

Anglais

et

les

Toscans,

n'utilisaient

as

non

plus

de

sucre.

Au

reste,

es

statistiques

d'ingrédients

aites ur

des

livresde cuisine

entiers,

ttestent

ue

d'une

manière

générale

es

Italiens et les

Anglais

des

XIVe

et XVe siècles

avaient

beaucoup plus

de

goût pour

les

viandes sucrées

et

les

prépa-

rations

igres

douces

que

les

Français

de leur

temps.

Si

les diverses

ecettes

u

«

brouet arrasin

présentent

e

grandesdifférencesuant à la cuisson et à la consistancefinale du

plat,

ces

différences e

semblent

pas

révéler

de

spécificité

ationale. Peut-être

n'est-ce

pas

par

hasard,

mais

parce

qu'on

voulait,

pour

ce

brouet

au

nom

exotique,

pérer

de

manière

nhabituelle. n

revanche,

orsqu'on

examine

ivre

par

livre

es modes de

cuisson de

l'ensemble es

brouets,

des

tendances

nationalesou

régionales

e

dessinent.

Un

détail,

pour

commencer

les

recettes

françaises

et

italiennes,

lorsqu'il

y

est

question

d'oignons

pour

l'assaisonnement,

ommencent

toujours par

les faire

revenir

ans un

corps

gras pour

en

concentrer

le

goût.

Au

contraire,

es

Anglais

es

faisaient

toujours

bouillir dans

l'eau ou autre iquidenongras,et cela,même orsqu'ily avait dans la

recette

considérée

des

phases

de

cuisson à la

graisse pour

d'autres

ingrédients.

errière

cette

différence

e

pratiques

-

qui

se

retrouve

dans la

préparation

de

toutes

sortes

d'autres

préparations

que

les

brouets

11),

l

y

a

évidemment

ne

opposition

des

goûts.

Pour ce

qui

concerne

es

brouets,

récisons

d'abord

que

tous

étaient,

à

un

moment u

l'autre

de leur

préparation,

'objet

d'une

cuisson en

milieu

humide,

puis

cherchons

esquels

faisaient n

outre

l'objet

d'un

rôtissage

u

d'une

friture t

lesquels

n'étaient

ue

bouillis

cf.

tableau).

A

cet

égard,

ce

ne sont

plus

les

Anglais

mais les

Français

qui

se

singularisaient

29 %

seulement e

leurs

brouets

n'étaient

ue

bouillis

tandisque dans 71 % l'un des ingrédientsu moins avait été rôtiou

frit.

Chez

les

Anglais,

u

contraire,

es

quatre

cinquièmes

des

brouets

n'étaient

que

bouillis.

Plus

inattendu,

e

fait

qu'il

en

était

de

même

de tous

les

brouets

catalans

-

qui

ne

sont

que

quatre,

l

est

vrai

-

et des

trois

quarts

des

brouets

taliens.

Plus

précisément,

n

pourrait

distinguer

eux

groupesparmi

es

livres

taliens

le

premier,

onstitué

10.

Rudolf

GREWE,

p.

56 de

son

introductionu

Libre de

sent

novi,

compare

ne

recette

apolitaine

e

«

salsa

sarazinesca

à la

recette atalane

n° 181

«

Con

cuynaretz

arn

a la

sarreynesca

(p. 188).

Or ni l'une

ni

l'autre

e

ces

recettes

e

mentionne

'ingrédient

ucré. l

suggère

'ailleurs

que ce plat exotique, ien que toutesses recettes,ux quatrecoinsde1

Europe

occidentale,

tilisent

es

ingrédients

nterdits ux

musulmans,

n'est

peut-être

as

un

pur

produit

de

l'imagination

hrétienne. ar

la

recette

napolitaine

e

termine

ar

ces

mots

«

fa

piatelli

pieni

de

deta

salsa et

manda

avolade

sarazini

.

11.

Voir

«

Variations

ranco-britanniques

.

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11

du

Liber de

coquina

et

du

livre

toscan,

tend vers

le modèle

français,

quoique

56

%

de leurs

brouets

ne

fussent

ue

bouillis

l'autre

groupe,

constitué u livre

vénitien t

du

Libro

de arte

coquinaria

de Martino

-

lequel

nous

renseigne

eut-être

ur les

pratiques

et

les

goûts

dans

la

région

romaine

12)

-

ne connaît

pour

les brouets

que

la cuisson

à

l'humide.

Cuisson des

brouets

Sans

rôtissage

Avec

rôtissage

Totaux

ni friture

ou friture

FRANCE

52

recettes)

15 29% 37 71

%

52

Enseignements

1 50

%

1

50

%

2

Taillevent,

s. de la

B.N. 3

30%

7

70%

10

Taillevent,

s.

du Vatican 4 31%

9 69

%

13

Taillevent

mprimé,

490

3 27%

8 73

%

11

Ménagier

e Paris

4

25

% 12

75

%

16

ANGLETERRE

53

recettes)

42 79% 11

21%

53

The Forme f Cury 9 100% 0 0% 9

Ancient

ookery,

.D.

1381

8 67% 4

33

%

12

Ancient

ookery

° 3 7

54

%

6

46

%

13

Harleian

Ms.

279

12 92%

1

8 %

13

HarleianMs. 4016 6 100

%

0 0

%

6

ITALIE

(28 recettes)

Ā

9 56%

7

44%

16

B

12 100

%

0 0

%

12

A. Liberde

Coquina

3 50%

3 50

%

6

LivreToscan

6 60% 4

40%

10

B. Livrevénitien 5 100% 0 0

%

5

Librode arte

coquinaria

7

100

%

0 0

%

7

CATALOGNE

4

recettes)

100% 0% 4

Libre

de sent ovi.

4

100

%

0 0

%

4

Les

procédés

de

cuisson

ne

pouvant

nous fournir

ne

définition es

brouets alable dans toutes

es

régions

d'Europe

occidentale,

xaminons

maintenanteur consistance inale.

Faute de

connaître

es

proportions

des

ingrédients

olides et

liquides

et

les

durées de

cuisson,

l

est, certes,

impossible

de savoir

avec

exactitudece

qu'elle

était

mais

nous ne

sommes

pas

non

plus

désarmésface à

ce

problème.

12.

Le

patriarche'Aquilée,

ont

Martino

tait e

cuisinier,

enait,

it-on,

la

meilleureable

de

Rome.

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12

On

peut

d'abord

affirmer car c'est écrit dans nombre

de

recettes

-

que beaucoup

de

brouets devaient être

«

liants .

Partout,

cette

époque,

on liait au

pain

longuement

ouilli mais

on utilisait

ussi des

amandes

pilées

ou du lait d'amandes

qui s'épaississait

en

cuisant,

des

foies de volaille

écrasés,

des

jaunes

d'œufs

battus,

voire

du

sang.

Les

Anglais

paississaient

arfois

ncore

e lait d'amande

avec de

la farine

de

riz,

ce

qui,

dans tous les

pays,

était la

manière de lier le

«

blanc

manger».

En France et en

Italie,

où l'on faisait volontiers

evenir

a

viande avec des

oignons

dans

un

corps

gras

avant

de

faire

cuire

le

tout

à

l'humide,

cela favorisait

peut-être,

omme

dans nos

braisés

moderneset

contemporains,

ne liaison

par

émulsion.Quoiqu'il en

soit,

on

a souvent e sentiment

ue

la liaison

du

brouet ne

pouvait

se

faire

que

si

l'on avait versé le

liquide

avec discrétion u

si on l'avait

longuement

aitréduire.

De

sorte

que

ces

potages

iants devaient orcé-

ment ressembler nos

braisés

plutôt qu'à

nos

potages.

On arrive la même conclusion

orsque

l'on

considère

es brouets

-

en

particulier

taliens faits sans

eau

ni

bouillon mais seulement

avec du

vin,

du

vinaigre,

u

verjus

ou

autre

jus

acide

que

l'on

jetait

sur

l'ingrédient

rincipal

préalablement

evenudans la

graisse. Voyez

par

exemple

e

«

brodo saracenico

ou le

«

brodo del

pesce

»

première

façon,du livretoscan- bien que l'on prescrive e détremper forte-

ment de vin et de

vinaigre

e

mélange

frit t de le fairebouillir vant

de le

jeter

sur le

poisson.

Aussi amateur

que

l'on soit des

saveurs

aigres,

on ne

peut

faire un

potage

de

vinaigre

ni

de

verjus.

Et le

«

brodo

del

pesce

»

ressemblait ans

doute

plus

à nos sardines

en

escabèche

qu'à

nos

potages.

Il

y

avait aussi

des

brouets

non

liants,

comme le

«

bruet of

Almayne

de

Ancient

Cookery

A.D. 1381 constituéd'oiseaux

baignants

dans un chaudeau

cawdel

») ;

ou comme

es

lamproies

n brouet

et

les soles

en brouet

du

même ivre ou

les

poules

en

brouet,

es

poulets

en

brouet,

es tenches

n

brouet,

es buccins en brouet et

le

«

bruette

saake » du Harleian Ms. 279.Les formes« in bruet ou « in broth ,

dans les livres

nglais,

emblent

onc

un indice de ces consistances

on

liées. Mais

l'exemple

du brouet

d'Allemagne

émoigne u'elles

ne les

signalaient as

toujours

et, inversement,

n

trouvait ous

ces

appel-

lations des brouets iés

par exemple

es

poules

en

brouet à'

A.C.

381,

ou

les

huîtres n brouet et les moules en

brouet,

dans tous

les

livres

qui

les mentionnent.

Au

reste,

si les

«

Connynges

n clere broth étaient

une viande

baignée

d'un

bouillon

clair,

de

même

que

certains

«

ballok

broth

,

«

roo broth

,

«

storion n

broth et

«

venyson

n

broth

,

il

ne

faudrait

pas

en conclure

que

«

broth

peut toujours

être

opposé

à

«

brewet

,

commeun bouillonclair à un brouet ié. Car selon les livres, e même

plat s'appelait

«

muskelys

n

bruette

(

Harleian

Ms.

279)

ou

«

muscules

in

broth

(

Harleian

Ms.

4016)

et le

«

roo broth

,

le

«

geline

n

broth

et le

«

sturgeon

n

broth

étaient,

ans certains ivresdes

brouets

iés.

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13

En

somme

«

broth comme

«

brewet

-

et

comme

«

potage

-

pouvait

selon les cas

désigner

n bouillon clair

ou

ime sauce

liée,

ou

le

plat

constitué e cet élément

iquide

et

des

éléments olides

qui

y

baignaient.

l

en était de

même,

n

français, our

«

brouet

,

potage

et

«

chaudeau

(mais

pas pour

«

bouillon

)

;

en latin

pour

«

brodium

;

en italien

pour

«

brodo

(mais

pas,

semble-t-il,

our

«

brodetto

)

;

et

en catalan

pour

«

brou

».

Finalement,

es

cent

trente-sept

rouets

ui

constituent otre

orpus,

deux seulement taient

iquides

comme

nos

potages

actuels

ce sont

deux

consommés,

e

«

brodo consumato

de

capponi

de

Martino,

t

le

« brou de

gualines

per confortar du Libre de sent sovi. Quelle qu'ait

pu

être la

proportion

e l'élément

iquide par rapport

aux

éléments

solides et nous avons

vu

qu'elle

était

parfois

rès faible les

autres

brouets

étaient constitués

de morceaux

de

viandes,

poisson

ou œufs

baignant

dans

un

liquide qui pouvait

être un bouillon clair ou

une

sauce liée.

De sorte

que

s'ils formaient

ne

catégorie

plus

réduite

que

les

potages

et

plus

homogène

u

point

de vue

du

service

du

moins

en

France

-

les brouets

n'étaient,

du

point

de vue de

la

consistance,

guère

moinshétéroclites.

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14

APPENDICE. LES

APPELLATIONS DES BROUETS

BROUET

SARRASIN Taillevent

at.,

83

«

Brouet arrasinois

Ména-

gier,

.

172,

Brouet

arrasinois Liber

II,

8,

«

De

brodio

arra-

cénico Livre toscan

p.

32,

«

Del

brodo saracenico

Harleian

Ms.

279,

°

66,

«

Bruet

areson Ancient

ookery

381,

°

54,

«

Bruet

of

Sarcynesse.

BROUETS D'ALLEMAGNE. V.

B.N.,

22,

«Brouet

Ailmengne

e

char

ou de

conis ou de

poulaille

TV.

Vat.,

22,

«

Brouet

d'Allemaigne

de

chair,

de

connin t

de

poulaille

87,

«

Brouet

d'Alemagne

d'œufs

TV.

imprimé,

°

3,

«

Blanc

brouet

'Alemagne Ménagier,

p. 165,«Brouetd'Allemagne p. 172,«Brouetd'Alemaigne'œufs

pochés

Liber

II, 6,

«

De brodio heutonico

The Forme

f

Cury,

47,

«

Brewet

f

almony

A.C.

1381,

°

13,

«

Blanche

brewet

e

Alyngyn

31,

«

Bruet

of

Almayne

A.C.

,

p.

292,

«

Browet

f

almayne

p.

295,

«

Blaunche ruet

f

almayn p.

388,

«

Browet

f

almavne

orX mees HarleianMs.

279,

67,

«

Bruet f

Almayne

68,

«

Bruet f

Almayne

n lente .

BROUET D'ANGLETERRE.

nseignements,

°

18,

«

Soubtil

brouet

'Engle-

terre TV.

B.N.,

24,

«

SutilBrouet

'Engleterre

TV.

Vat.,

24,

«

Soustil brouet

d'Angleterre

Ménagier,

.

166,

«

Subtil

brouet

d'Angleterre

.

BROUET DE

SAVOIE.

Ménagier,

.

166,

Brouetde Savoie .

BROUET

DE

PROVENCE.

iber, I,

4,

«

De brodo

provincialico

Toscan,

p.

33,

«

Altramente

la

provenzale

.

BROUETD'ESPAGNE,Liber I, 9, «De brodoyspanico Toscan,p. 33,

«

Altramente

la

spagnuola

i fa brodoverde .

BROUET

DE

LOMBARDIE.

A.C.

1381,

°

32,

«

Brouetde Lombardie

.

BROUETS BLANCS.

Enseignements,

°

17,

«

Blanc

brouet

de

gelines

TV.B.N.,

°

19,

«

Blancbrouet e

chappons

TV.

Vat.,

19,

«

Blanc

brouet e

chapon

TV.

imprimé,

°

1,

«

Brouet

lanc

de

chapons

3,

«

Blancbrouet

'Alemagne

158,

Blancbrouet

e

chapons

Ménagier, .

165,

«

Brouetblanc

p.

173,

«

Brouet

blanc

MAR-

TINO,

43,

«

di

brodetto iancho

A.C.

,

p.

295,

«

Blaunche

ruet

of

almayn

A.C.

1381,

°

13,

«

...blanche ruet

de

Alyngyn

.

BROUETS

VERTS ET

VERGAY. V.

B.N.,

26,

«

Brouet

ergay

75,

«

Brouet

ergay 'anguilles

TV.

Vat.,

26,

«

Brouet

ergay

79,

«

Brouet

vergay

'anguilles

89,

«

Brouetvert

d'œufs t

de fro-

mage

TV.

mprimé

13,

Pour

faire

rouet

ert

Ménagier,.

167,

«Brouet ergay p. 171, Brouet ergay 'anguilles p. 172, Brouet

vert d'œufs t de

fromage

Toscan

p.

34,

«

Altramente

la

spa-

gnuola

si

fa brodo

verde

(Liber

II, 9,

«

Ad brodium

yspanicum

viride

)

MARTINO,

°

44,

«

Brodetto

erde .

BROUETS DE

CHAPON.TV.

B.N.,

«Blanc

brouet.

e

chappons»;

TV.

Vatican,

°

19,

Blancbrouet e

chapon

TV.

imprimé,

°

1,

«

Blanc

brouet

de

chapon

158,

Blanc

brouetde

chapons Ménagier,

p.

149,

Brouetde

chapon Toscan,

.

33,

«

Del

brodo

dei

caponi

Venitien,

°

12,

«

Brodetto amelino

caponi

MARTINO,

°

41,

«

Brodo consumato e

capponi

.

BROUET

DE

GELINES. Lib. sent,

ovi.,

185,

Brou

de

gualines

b let

de amelles

186,

Brouvet e

gualines

b

amelles,

o

de

cabrit

188,

«

Brou de

gualines

per

confortar

Enseignements,

°

17,

«

Blanc

brouetde

gelines

TV.

Vat.,

25,

«

Brouetde

verjus

et

de

poulaille Ménagier,. 167,

Brouetde

verjus

et

de

poulailleA.C.1381, ° 7, «Hennysn Bruet HarleianMs: 279,n° 65,«Henny

in bruette»

Harleian

Ms.

4016,

°

61,

«

Conyng

r

hen n clere

broth

64,

«

Gelyne

n brothe.

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Bruno LAURIOUX

DE

L'USAGE

DES ÉPICES

DANS

L'ALIMENTATION MÉDIÉVALE

L'utilisation ntensivedes

épices

dans

l'alimentation

t

la cuisine

médiévales

est

un

phénomène

constaté et

reconnu de

longue

date.

Cependant, 'appréhension n a été obscurciepar des considérations

a

priori

t des idées

reçues

qui

consistaient

oit

à

exagérer

'ampleur

de ce

phénomène pour

mieux

souligner

e

caractèrebarbare

attribué

aux

temps

médiévaux,

t

par

contraste

a

conquête

civilisatrice

ue

représenterait

a cuisine

bourgeoise

du

XIX*

siècle)

(1),

soit,

au

contraire,

minimiser ette

ampleur,

n cherchant

tout

prix

à

faire

entrer a cuisine médiévale

dans des

cadres

qui

sont

ceux de

la

cuisineou

de

la

gastronomie

ctuelles

2).

L'appréhension

orrecte

du

phénomène exige

d'abord

qu'on

le

mesure,

t cela à travers

es sources

qui

s'y

prêtent

e

mieux les

traités ulinaires

e la

findu

MoyenAge.

Ces recueils

de recettes

pré-sentent n effet ne série assez importante,ont a répartitionhrono-

logique

et

géographique

utorise

des

comparaisons.

ls

permettent

d'analyser

vec

suffisamment

e

précision

e

poids

que représentent

les

épices

dans

la

cuisine,

es

hiérarchies,

es

associations,

es

oppo-

sitions t

les

emplois

entre

esquels

celles-ci

e

répartissent

3).

1. Cf.

A.

FRANKLIN,

a vie

privée

des

Français

d'autrefois

t.

III,

Paris

1888,

.

48

et 51.

W.É.

MEAD,

The

english

medieval

east,

ondres

931,

d. 74 et 77.

2.

C.B. HIEATT-S.

UTLER,

Pain

vin et

veneison,

ontréal,

977,

ntro-

duction,

.

IV

«

le

cuisinier

médiéval

mployait

es

épices

comme

son

homologue

u

XXe

siècle

e sert

du

poivrier,

est-à-direvec

modération

.

Cetteprisede position xplique ans doute certaines daptations radi-cales dans e restede

l'ouvrage.

3.

Les traités

tilises

ans cetteétude

sont es suivants

Le

Viandier,

édit.

A. PICHON-G.

VICAIRE,

Paris

1892,

vol.

(mss

de

cet

ouvrage

conservés

la BN

de

Paris,

du

XIVe

siècle,

t

à la

Bibliothèque

aticane,

du

XVe

iècle,

insi

que

première

dition e

P. Alain t

A.

Chauvin,

a 1490

abréviations

tilisées

ci

TV-BN,

TV-VT,

V-ED).

Le

plus

ancien

ms

du

Viandier

Bibliothèque

u

Valais,

finXIIIe-début

IVe

siècle)

a été édité

par

P.

AEBISCHER,

Un

manuscrit

alaisandu Viandier

ttribué

Taille-

vent

,

Vallesia

1953,

p.

73-100

TV-SI).

Le

Ménagier

e Paris

XIVe

siècle),

édit.Ó.E.

BRERETON-J.M.

ERRIER,

Oxford

981

abrégé

MP).

«

Les Ensein-

fnemensa

BN

qui

de

Paris,

nseingnent

du tout

appareiller

débutdu

toutes

XIVe

siècle,

anières

édités

e viandes

par

G.

»,

LOZINSKI,

onservés

fnemensa

BN de

Paris,

du tout

débutdu

XIVe

siècle,

dités

par

G.

LOZINSKI,

La Bataille

e Caresme

t

Charriage

Paris

1933,

p.

181-18/

ENS).

Le

«

Trac-

tatus

de modo

praeparandi

t condiendi

mnia

cibaria

et le

«

Liber

de

coquina (XIVes.)

ont

été

édités

par

M.

MULON,

Bulletin

hilologique

t

Historique9681971), . I pp.369-435abréviationTR et LIB). «The form

of

ury

(Angleterre

ers

390)

t

«

Ancient

ookery (Angleterre,

IVe

iècle),

dans

'édition

.

WARNER,

ntiquitates

ulinariae,

racts n

culinary

ffairs

of

the

old

english,

ondres

791

FC

et

AC).

Deux

mss

anglais

du

XVe

siècle

publiés

ar

Th.

AUSTIN,

wo

fifteenth

enturyookery

ooks,

ondres

888

(abréviations

Harl.

279 t

Harl.

4016).

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16

Jevoudrais

ependant

ttirer 'attentionur es

dangers

u'il y

aurait

à

se contenter es traités

ulinaires,

u à leur

accorder

trop

de

crédit.

C'est ainsi

que,

de

l'apparition

e ces traités

u tournant

es

XIIIe

ët

XIV*

siècles,

certains ont tiré

la conclusion

qu'il

y

avait

eu à

cette

époque

une véritablerévolution ulinaire

et

l'utilisation

massive

des

épices

auraitété

un

des axes

de cette

«

nouvelle

uisine

du

XIV* s.

(4).

J'essaierai

de montrer

u'il

y

a eu au

contraire

ne évolution

rogres-

sive à

partir

des

pratiques

culinaires et

alimentaires

de

la Basse-

Antiquité.

Mais les traitésculinaires

des

XIIP-XIV* siècles

ne sauraient

non

plus rendre ompte bsolumentdes pratiquesalimentaires e l'époque

où ils ont

été

écrits,

y

compris

n

ce

qui

concerne

'emploi

des

épices.

La

confrontation

vec d'autres

sources

(comptes,

arifs

commerciaux,

œuvres

littéraires)

confirme

que

cet

emploi

est

assez

largement

répandu

dans la société

de la

findu

Moyen

Age,

mais

elle

suggère

n

même

temps

des niveaux sociaux

dans

la consommation

es

épices

(selon

une

plus

ou moins

grande

variété,

u une

plus

ou

moins

grande

régularité).

Avant

de

repérer

et

d'analyser

es

emplois

des

épices

dans

les

traitésculinairesde la findu MoyenAge, l convientde délimiter n

tant soit

peu

cette

catégorie

«

épices

». Les listes

que

fournissenteux

des manuscrits u

Viandiernous

y

aident

5),

mais

il faut

eur

ajouter

des

substances

mployées

dans les

traités,

ue

d'autres

énumérations,

notamment

'origine

ommerciale,

ésignent

omme

«

épices

»

(6).

De

façon générale,

es

épices

sont

des substances

aromatiques d'origine

orientale

7),

et donc

produits

du

grand

commerce

nternational

elles

serventdans

la cuisine mais

ont

également

des utilisations

dans

la

médecine,

a

parfumerie,

tc.

Cela

défini,

n

constate

que

ces

épices

interviennent

ans

les trois

quarts

des recettes des traités

pris

en considération.

a

proportion

monte usqu'à 90 °/o ans les traitésanglais du XIVe siècle mais nul

doute

que

l'utilisationmassive

du sucre

ne

gonfle

ci les chiffres.

n

pourraitexpliquer

ces

pourcentages

mpressionnants

'épices

par

la

sous-représentation

e certaines

préparations,

tilisant des

produits

4. C'est a thèse

développée

écemment

ar

T.

PETERSON,

«

The arab

influencen western

uropean

ooking»,

ournal

f

medieval

istory,

.

6,

3, 1980, p.

317-341.

5.

Ces listes

itent e

gingembre,

a

cannelle,

e clou

de

girofle,

a

graine

de

paradis,

e

poivre

ong,

e

macis,

a fleur

e

cannelle,

e

safran,

e

galanga,

la noix

de muscade le

ms de la

B.

Vaticane

ajoute

notamment

e sucre.

6. On a donc

ajouté

aux

listes

du

Viandier,

e

poivre

ond,

e

cumin,

e

cubeb, a coriandre,e cardamome,e citoal, 'espic, e santal, e sumac, e

fûtde

girofle.

7.

Le

safran

t la canne

sucre ont

ultives ussi

en Occident

bspagne,

Italie,

Sicile),

mais les

meilleures

ualités

sont

réputées

enir d'Orient

Cilicie

pour

e safran

t

Chypre

our

e sucre

cf.

W.

HEYD,

Histoire

u

commerce

u

Levant u

Moyen

Age.

T.

II,

Leipzig

866

p.

668 s.

et 680 s.

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17

jugés trop plébéiens

c'est

ainsi

que

le

Viandierne

contient

ue

peu

de

recettesde

légumes,

e

porées.

Mais

la

proportion

es

recettes

ui

comportent

es

épices

n'est

guère

différenteans le

Ménagier

de

Paris

et le

Liber de

Coquina

qui

consacrent n

chapitre

ntier

ces

produits

horticoles

8).

Ce

qui frappe

surtout,

'est la diversitédes substances

utilisées

nous

ne

trouvons

as

moins

d'une

vingtaine

'épices,

ans

compter

es

poudres,

auces et

mélanges

différents

ui multiplient

es

combinaisons

et

les saveurs.Cette

grande

diversité es

épices

est une

spécificité

e

la

cuisinemédiévale

ui

la

distingue

ettement e ses consœursd'aval

ou d'amont. a cuisinede la findu XVIIe et du XVIII* sièclesemploiera

surtout e

poivre,

t dans une

moindre

mesure

e

clou de

girofle

t la

cannelle.

Quant

à la cuisine

antique,

elle

que

nous la fait connaître

a

compilation

e la

fin du IVe

siècle,

transmise ous

le nom

d'Apicius,

elle

n'utilise,

n fait

d'épices

exotiques,que

le

poivre

et le

silphium/

laser,

'essentiel es assaisonnements tantréalisé

grâce

à des aromates

indigènes

livèche,

rigan,

tc.)

(9).

Du

reste,

n

saisit,

par

la

comparaison

des

traités

médiévaux ntre

eux,

cette diversification l'œuvre.Les

Enseingnemens

t

plus

encore

le Liber

de

Coquina

traitésdu début

du XIVe

siècle sont étonamment

pauvresen épicespar rapport ux recueilsplus tardifs on n'y trouveni

macis,

ni

graine

de

paradis,

ni

même,

dans le Liber de

poivre

ong.

Cette

diversification

emble se

poursuivre

un

rythme

alenti au

XVe

iècle la

graine

de

paradis, usque-là

absente

de

la

cuisine

nglaise,

fait

une timide ntréedans le traité

Harl. 279

peine plus

de

1

%

des

recettes).

Au vrai l'évolution u

XVe

siècle est

limitée

et le

stock

d'épices

constitué u

XIV* reste en

gros

fixe au

siècle

suivant,

voire

jusqu'au

XVI*.

La diversité

des

épices

utilisées

explique

sans doute

qu'aucune

d'entreelles ne soit vraiment

dominante

dans

la

cuisine des traités

médiévaux. t cela fait encore une fortedifférencevec la

domination

affirmée u poivredans la cuisinequi suivra le poivre ntredans 61%

des

recettes

de la Nouvelle Maison

Rustique

de

1755) (10)

ou,

plus

encore,

ans

celle

qui

a

précédé

80

%

des recettes

'Apicius omportent

du

poivre).

l est

vrai

que

le Bas

MoyenAge représente,

u niveau

des

traités

ulinaires,

ne véritable

poque

de

dépression

pour

le

poivre

ses

meilleurs

cores,

au XIVe

siècle,

atteignent

3

°/o

AC)

mais dans

les traités

français

l

disparaît presque

seulement

2 °/o

dans

MP et

rien du tout dans

TV

;

le

poivre long,

substitut

ventuel,

n'entreau

plus

que

dans

7 %

des

recettes,

t encore n'est-il

as présent

dans tous

les traités.

8. TV

=

80

% MP

=

66

% TR

=

77

% LIB

=

79

%.

9.

Apicius,

art culinaire

dit.J.

ANDRE,

Pans 1974.

10.Cité

d

après

des travaux nédits e J.-L.

LANDRIN.

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18

Le

poivre

est

donc,

au

XIVe

siècle,

dépassé

par

le

gingembre,

e

safran,

e

sucre,

la cannelle.

Mais

son

antique

domination

n'a

été

relayée

par

aucune

autre et

les hiérarchies

ouvelles

diffèrent

e

pays

à

pays.

En

France

ou

plutôt

dans les traités

français),

a

primauté

evient

au

gingembre

ui

intervient ans

plus

du

quart

des

recettes

27 %).

Cette

primauté

st en faitencore

plus

marquante

puisqu'il

faut

mettre

à son

compte

es

multiples

auces

auxquelles participe

e

rhizome

du

zingiber fficinalis

et notamment

a cameline

qui accompagne

%

des

recettes

des traités

français,

15

%

dans

TV).

Il ne

fait

aucun doute

que la cuisinefrançaisede l'époque a une préférence our la saveur

«

cameline

(gingembre

cannelle)

celle-ci

constitue

également

a

base des

«

aulx camelins

,

de

la

poudre d'ypocras,

de

la

poudre

fine,

tc.

(11).

A

côté de cette saveur

majeure

s'affirme

ne

grande

diversité,

vec une

importance articulière

u

safran,

u clou de

girofle,

de

la

graine

de

paradis

(qui

est

une

spécialité

française)

12).

Les traités

nglais

n'accordent

uère

moins de

place

au

gingembre

que

leurs

homologuesfrançais

23

%

des recettes 25

%

dans

FC,

ce

qui

est très

proche

des

«

scores

français),

mais celui-ci

st ici

dépassé

par

le

safran

40 %)

et le

sucre

(30 %).

La cuisine

«

anglaise

semble

donc construite ur un triptyque picé,ce que confirmentoutà faitles traités du XV* siècle

(safran

36 à 50 %

dans les traités

Harl.,

gingembre

44

°/o,

ucre 32 à 46

%).

Les

autres substancesont moins

d'importance

ainsi

la

cannelle

représente-t-elle

oins

de

10

/o

des

recettes

es traités

nglais

du XIVe

siècle.

Les recueils n

provenance

'Italie se

caractérisent

ar

la

part

relati-

vement aible du

gingembre

moins

de 5

%

dans

LIB

et

dans le livre

toscan

qui

lui

est

apparenté,

moins

de

20

%

dans un

recueil

vénitien

du XIVe

siècle)

(13).

En

revanche,

e

safran

s'y

affirme

omme

la

première

pice

(de

25 à 45

%

des

recettes),

ans

que

cela

aboutisse une

domination

ncontestée.Ce

sont

peut-être

à des

traits

d'archaïsme,

comme l'est également a forteproportionde poivre dans le livre

toscan

21 %).

Car

ces

hiérarchies,

es

équilibres

ne

sont

pas

figés, tatiques.

ls

ne sont

eux-mêmes

ue

le

résultat

d'une

certaine

évolution

qui

ne

s'arrêtera

as

là.

C'est ainsi

qu'on

peut

suivre e

«

déclin

du

poivre

dans les

traités

français

tout au

long

du XIVe

et du XVe

siècles

(ENS

: 17

%

des

11.Poudre

ine MP n°

314,

.

270

poudre

d'ypocras

ibid.

317,

.

270.

En

revanche,

es

«

camelines

des

traités

taliens

ne

comportent

énéra-

lement

as

de

gingembre.

12.Safran, 8% des recettes es traités rançais clou de girofle,5%graine e paradis, 3%.

13.Livre

toscan

«

Libro

della

cucina

(XIVe

siècle)

édit.

ZAMBRINI,

Bologne,

1863.

Livre

vénitien

«

Librò di

cucina

(XIVe),

édit.

FRATI,

Livourne 899.

f. J.-L.

LANDRIN,

.

REDON,

«

Les

livresde cuisine

ta-

liensdes XIVe

t XVe

iècles

,

in

Archeologia

edievale

981,

p.

393-408.

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19

recettes

uxquels

l

faut

jouter

es

7 %

de

poivre

ong

MP

2 °/o

5

%

;

TV-ED 2 %

H-

°/o).

Mais le

phénomène

n'est

pas

général

en

Angle-

terre,

e

poivre

voit

au contraire roître on

importance

23

%

tout

au

plus

(14)

des

recettesdu

XIVe

siècle

plus

de 30 °/o u XVe

siècle

jusqu'à

40

%

au XVIe

siècle).

Au

reste la cuisine

anglaise,

en

cette

extrême

in

du

Moyen

Age,

s'oriente

plus

volontiers ers les saveurs

brûlantes le

macis

passe,

du XIVe

siècle au

siècle

suivant,

de 6 à

20%,

le cubeb

de

2

à

4

%,

etc.

Parallèlement

'affirmea

croissance

régulière

du

sucre

dans tous

les

traitésoccidentaux.

Dans le traité Harl.

279,

e

sucre entre dans

presque a moitié es recettes tdansunrecueilflamand u XVIe siècle,

cité

par

T.

Peterson,

l

devient

'épice

a

plus

employée

15) (mais

est-ce

vraiment ncore une

épice

?).

La

percée

du sucre

est

particulièrement

remarquable

dans

les traités

français

il

était

peu

employé

au

XIVe siècle

seulement

,5

%

dans ENS

(au

mêmeniveau

que

le

galanga

ou

le

spicnard),

%

dans

TV-SI,

9

%

dans

MP,

quelque

19

%

dans

TV-

ED. Le

sucre est

passé

d'un

usage

encore

argement

médicinal

dans

le

ms du Viandierde la

Bibliothèque

Nationale

de

Paris,

l

n'entre

guère

que

dans les mets destinés ux

malades)

à une

utilisation

roprement

culinaire

cf.

e ms de la

Bibliothèque

Vaticanedu

même

Viandier).

Les deuxépicesprincipales u XIVesiècle, e gingembret le safran,ne voient

pas

leur

position

menacée

au siècle

suivant.Le

gingembre

pénètre

même de

plus

en

plus

la

cuisine

il

est

présent

dans

la

moitié

des recettes e

TV-ED,

40

%

de

celles des

traités

nglais

du

XVe

siècle.

A

la

findu

MoyenAge,

e

gingembre

'affirme

onc bien

comme

'épice

la

plus

employée

ans les

traités

ulinaires,

ssez loin

devant e

safran

qui

reste relativementtable.

De même

que

les

cuisiniers

médiévaux

n'utilisent

as

n'importe

quelles

épices,

on

vient

de

le

voir,

ls

n'emploient

as

ces

épices

avec

n'importe uoi.

T.

Peterson a fait

justice,

une

fois

pour

toutes,

des

vieilles dées reçuesqui traînent ncoreçà et là, et selonlesquelles es

pauvres queux

de ces

temps

barbares

auraient

été

contraints e

com-

battre,

ar

des

amoncellements

ncroyables

'épices,

a

mauvaise

qualité,

voire l'état de

putréfaction

vancée

de

leurs

viandes

(16).

En

fait

les

épices

ont des

emplois

différentielst

précis.

Il

est vrai

que

le

gingembre

st

utilisé

presque

partout

au

moins

dans les traités

rançais)

il

s'allie

à

peu

de

choses

près

avec

toutes

es

autres

épices,

vec une

faveur

particulière

our

la

cannelle,

e

clou

de

girofle,

a

graine

de

paradis,

e

sucre il

accompagne peu

près

tous

les

types

de

plats,

de

produits

t de

préparations.

14.Book

of

Cookrie

1591)

t

The

good

huswifes

ewel

(1596)

travaux

inédits e J.-L.

LANDRIN.

15.T.

PETERSON,

rt.

cité,

ableau

p.

334.

l

s'agit

de

«

Eenen

nyeuwen

coock

boeck

(1560).

16. bid.

pp.

319

q.

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20

En

revanche e safran

et

le

sucre ont des

emplois

bien

spécifiques.

Le safran

st

un

isolé,

qui

intervienteul

ou

tout

à

fait à

part

dans

le

processus

culinaire

que

décrit a

recette.

Cela

est

lié évidemment sa

fonction

articulière

e

colorant

qui

est sans doute

sa fonction

rin-

cipale

dans la cuisine

fini-médiévale)

t

peut-être

ussi à son coût

très

élevé

(au

moins

pour

e safran

d'origine

rientale).

Ce

qui

ne

l'empêche

pas

de relever

e

préférence

a

viande de

porc,

'anguille

t

les

céréales,

mets

pourtant

ort

plébéiens.

Quant

au

sucre,

l

garde

de ses

origines

médicinales,

ne

préférence

our

les

mets

délicats,

tendres,

ptes

à

conforter es

malades

(chapon,

œufs,

amandes) (17),

et un

«

dégoûtpour es substancesgrossières t tropnourrissantesla « grossechar»,

le

porc,

e

gros gibier.

Les utilisationsdu

poivre (toujours uniquement

dans

les traités

français)

ont

marginales,

ésiduelles. e

poivre

rond)

est

l'épice obligée

de

tout

ce

qui

se

rapporte

u

sang

et aux

entrailles

boudin,

fressure,

etc. Seule sa

force

peut

contrebattrea

force

putréfiante

ue possèdent

le

sang

et

les viscères. En même

temps,

l

s'agit

probablement

e

mets

communs,

ulgaires

cela a

peut-être

n lien

avec le fait

que

le

poivre

semble considéré

comme ime

épice

«

commune aux XIV*-

XVe

siècles

(cf.

plus

loin).

On le voit, 'emploides épices offre ne certainecohérence.Mais

quels

en

sont es

critères

e

base

?

Ceux-ci e

relèvent ertainement

as

de

notre

«

gastronomie

moderne

c'est

que

les

épices

ont une fonc-

tion ostentatoire vidente

d'où la

relative universalité

de certaines

sauces

particulièrement

iches

(en

épices

«

fines

),

comme la

«

came-

line»,

qui

semblent

mployées

un

peu

à

tort et à travers.Mais dans

le

détail,

on discerne

des

cohérences

diététiques

ffirmées,

n

rapport

avec la théorie es

humeurs le

gingembre,pice

relativement

quilibrée,

ni

trop

chaude

ni

trop

sèche,

tire

peut-être

a

primauté

e

ces

préoccu-

pations diététiques.

De quand date la configurationui vientd'être décrite Sous sa

forme

chevée,

ans doute

de

l'époque

l'on

peut

la

saisir

à travers

les

traités

culinaires,

'est-à-dire u

tournant

des XIIP-XIV* siècles.

Mais

cela ne

signifie as qu'elle

soit née

toute entièred'un

coup.

C'est

pourtant

ce

qu'a

cru T.

Peterson.

Comparant

Apicius

et les traités

occidentauxdu

XIIP-XIV*

siècle,

il

a

bien

vu

les différences

ui

les

séparaient

notamment

n

ce

qui

concerne

'emploi

des

épices),

t

il

en a

conclu un

peu

vite

que

ces

traités eraient

'expression

'une

révolution

17.Dans la

Provence

es XIVe et XVe

siècles,

es

aliments

our

les

malades sont le

poulet

ou

la

poule,

e bon

pain,

es fruits t

légumes

(L. STOUFF,

Ravitaillement

t

alimentation

n

Provence

ux XIVe et

XVe

siècles,

aris

1970,

.

252

tableau

34).

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21

culinaire

ntervenue,

n ce

tournant

même

des

XIIP-XIV*

siècles,

sous

l'influence

rabe

(18).

Or,

entre e De

Re

coquinaria

t

nos

traités,

l

ne s'écoule

pas

moins

d'un

millénaire,

urant

equel,

si l'on suit la thèse de

M.

Peterson,

oit

il

n'y

a

pas

eu de

cuisine,

soit

la cuisine romaine

(c'est-à-dire

elle

d'Apicius)

a

perduré.

Les

quelques

textes

qu'on peut

rassembler

ur

cette

période

nfirment,

mon

avis,

a deuxième

hypothèse

la

première

n'étant videmment

as

sérieuse).

Certes,

l

n'existe

pour

e

Haut

Moyen

Age

aucun

corpus

culinaire

comparable

à

celui du

Bas

Moyen

Age,

mais

d'autres

documents

ermettent 'y suppléer

en

partie,

t en

tout

cas de soutenir 'hypothèse 'une évolutionprogressive es pratiques

culinaires,

t notamment

e

l'emploi

des

épices,

aboutissant

la situa-

tion

représentée ar

les traités

ini-médiévaux.

Qu'il

n'y

ait

eu aucun traité

culinaire durant

e Haut

Moyen

Age,

c'est

du

reste

ce

qu'on

peut

contester.Nous

connaissons

deux

ouvrages

des V*-VP iècles

qu'on peut égitimement

onsidérer

omme

tels.

Il

y

a

d'abord

a

lettre

Epistola),

consacrée u

régime

des

aliments

(de

observatione

iborum),

édiée

par

le

médecin

grec

Anthimus

u roi

franc

Thierry

er,

t

qui

doit dater

du début du

VI# siècle

(19).

Cet

ouvrage

a

évidemment

es

visées

médicales,

mais

il ne

s'agit

pas

à

proprement arlerd'un traitémédical il ne donnepas des recettes

de médecinemais des recettes

de cuisine. Son

objectif

est

en effet

e

désigner

es bons

aliments,

t

de déterminer

a manièrede les

préparer

pour qu'ils

ne nuisent

pas

à

la santé.

Il

traite donc des

problèmes

spécifiquement

ulinaires

de

cuisson

et de

composition

des mets.

Anthimus

e cherche

pas

à

guérir

des

maladies,

mais

à maintenir

n

bonne santé

grâce

à ime

alimentation

quilibrée,

selon

les critères

diététiques

e

l'époque.

La

diététique

st d'ailleurs

probablement

ne

des

«

voies de

passage

»

des

épices

de la

sphère

médicale

à

la

sphère

culinaire

ainsi,

selon les médecins

ntiques,

e

gingembre

ombat la

mauvaise

digestion

20)

de là à considérer

u'il

est l'auxiliaire

obligé

de toutedigestion,'est-à-dire e toutecuisine, l n'ya qu'un pas.

Précisément,

e

gingembre

st l'une des

épices prescrites

ar

Anthi-

mus

(alors

qu'Apicius

ne l'utilise

guère,

f.

plus

loin).

Mais

il

en

cite

d'autres et

notamment,

côté des substances

«

classiques

»

dans la

cuisine

romaine,

omme

a

coriandre

19

%

des

recettes

d'Apicius)

et

l'aneth

7 %),

on

trouve

un nouveau

venu,

le

clou

de

girofle,

t cela

18.T.

PETERSON,

rt.

cité,

pp.

328 s. Parmi es autres

roduits,

ntro-

duits dans la

cuisine

occidentale

ous

l'influence

rabe,

figurent,

elon

M.

Peterson,

otamment

e cédratet la

grenade qui

étaientutilisésdès

l'époque

romaine

t sont cités dans

la

liste

qui précède

es

«

Excerpta

d'Apiciuscf. plus loin).

19.Edit. E. LIECHTENHAN,De observa:ione iborum..., Corpus

medicorumatinorum

, VIII, 1,

Berlin1928.

20. Cf. ses

emplois

ans

Marcellus

mpiricu

«

De medicamentisiber

(ca

400),

édit. G.

HELMREICH,

Teubner1889

contre es maladies

de

l'estomac

ch. XX),

contre

es

calculs

rénaux

ch.

XXVI),

contre es

coliques

(ch. XXVIII),

etc.

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22

par

deux

fois

(21).

On

a

beaucoup

discuté

pour

savoir si

les

auteurs

antiques

connaissaient

ien le clou

de

girofle

t si

le

«

caryophyllon

,

que

citent

quelques-uns

d'entre

eux,

correspond

bien à

cette

subs-

tance

22).

A

ma

connaissance,

nthimus st

le

premier

témoigner

e

l'emploi

de

cette

épice

dans

la cuisine occidentale.

Un texte

contemporain

Anthimus ffre

ncore

plus

d'intérêt.

l

s'agit

des

Excerpta,

qui

4

se donnent omme des

«

extraits

d'Apicius

copiés

par

un

certain

Vinidarius,

llustre

23).

La

langue

en est

de la fin

du V*

ou du VIe

siècle

24).

Or,

par rapport

u De

re

coquinaria

d'Apicius

(qui

est lui-même

me

compilation

ardive,

e la

findu IV*

siècle),

es

Excerptamanifestentes évolutions ignificatives,récisémentn ce qui

concerne es

épices.

La

plus remarquable

st

l'emploi

du safran

dans

une recettede

«

rascasses aux raves où cette

épice

est

quasiment

a

seule

utilisée,

t de

plus

dans ce

qui

sera

son

usage

médiéval,

'est-à-dire

en tant

que

colorant

«

propter

olore

) (25).

Or,

dans

Apicius

e safran

a

toujours

un

usage

exclusivement édical

«

conditus

aradoxus

,

«

sel

aux

épices...

,

«

absintheromaine

)

(26)

et sa

fonction olorante

n'est

jamais

spécifiée.

e

gingembre,

ans

Apicius,

également

e nombreux

usages

médicaux

(«sel

aux

épices...»,

«

oxyporum

,

«quenelles

à

la

fécule

pour prendre

la

sortie

du bain

»,

«

pour

a

digestion,

es

ballon-

nements...) (27),et,dans ses utilisationsulinaires,l n'apparaît amaiscomme une

épice

déterminanteil est

noyé

dans ime

longue

liste de

produits

ares

sauces

pour

rôtis) 28)

et on

peut

aisément

e

remplacer

(dans

le

«poulet

farci» et le

«porcelet

deux fois

farci»,

la farce est

semblable,

es

épices

sont es mêmes sauf... e

gingembre,

emplacépar

l'origan)

29)

enfin

l

ne semble

accompagner

ue

les

pois,

le

poulet,

le

porc,

es farces t

quelques

sauces

pour

rôtis.Les

Excerpta

'emploie-

ront de manière

nouvelle,

vec une sauce au

garum

destinée

à un

ragoût

30).

Surtout,

es

Excerpta

sont

précédés

d'une

liste

de

produits,

armi

lesquels

de

nombreuses

pices

«

brevis

pimentorum ue

in

domo esse

debeantut condimentis ihil desit (« liste des épices indispensables

dans une maison

afin

de

pourvoir

tous les assaisonnements

)

(31).

21.

Gingembre

lièvres

§ 13).

Coriandre foie de

porc

§ 21)

perdrix

§ 28)

asperge

§

54)

lentilles

§ 67).

Aneth

§

55).

Clou

de

girofle

vache

(§ 3)

lièvres

§ 13).

22. Cf. F.A. FLUCKIGER-D.

ANBURY,

Histoiredes

drogues origine

végétale,

aris

1878,

.

I,

pp.

498

ss.

et J.I.

MILLER,

The

spice

trade

of

the roman

mpire,

xford

969, p.

47

ss.

23.

Pubi,

par

J.

ANDRE

à la suitede

son

édition

'Apicius,

aris

1974,

pp.

124-132.

24.J.

ANDRE,

bid.

p.

XVI.

25. bid.

p. 127,

°

7.

26. bid,p. 3 n° 1 p. 4 n° 3 pp. 9-10 ° 29.

27. bid.

p.

9-10 ° 29

p.

11 n°

37

p.

16 n° 55

p.

29 n° 111.

28.

bid.

p.

76 n° 269

t 271.

29. bid.

p.

70 n° 250et

p.

96 n°

367.

30. bid.

p.

126n°

6.

31. bid.

p.

124.

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23

Cette liste

mentionne,

côté du

laser,

du

nard,

du

poivre,

épices

couramment

mployées

dans

Apicius,

e

gingembre

t le

safran,

e

cardamome t

surtout

e clou

de

girofle,

ui n'apparaît

dans

aucune

recette es

Excerpta

L'évolution

ttestée

par

Anthimus e

trouve

donc

confirmée. e

quand

date cette liste

?

Le

manuscrit

ui

conserve

es

Excerpta

est du

VIP-VIIP

siècle

(32).

La

liste,

qu'on

a de bonnes

raisonsde croire

postériéure

ux

Excerpta

ux-mêmes,

donc

été

écrite

entre a findu

V*

et le VIIIe

siècle.

Après

e

VIII*

siècle

au

plus

tard les documents

proprement

uli-

naires disparaissent.On sait, par de multiplestémoignages, u'on

continue utiliser des

épices

dans

la cuisine

(33),

mais ces

témoi-

gnages

omettent

e

préciser

de

quelles

épices

il

s'agit.

Il faut

donc

se tourner ers d'autres

types

de

textes,

notamment eux

qui

ont

été

rassemblés ors

de la

polémique

suscitée

par

les thèses

de

Pirenne ur

l'arrêtdu

grand

commerce riental

et

donc

du

commerce

des

épices)

à

l'époque carolingienne.

De ce

point

de

vue,

il

y

a

un

exemple

célèbre et

privilégié,

elui

dé Corbie.Concernant

'approvisionnement

n

épices

de

ce

monastère,

nous

possédons

en effet eux textes

que sépare

au moins

un siècle

un diplômedélivrépar Chilpéric I en 716,mais qui doit remonter,

pour

l'essentielde son

contenu,

la findu VIP siècle

(puisqu'il

ne

fait

que

confirmer

n

diplôme

de Clothaire

II)

(34)

d'autre

part,

e

Brevis de melle

copié

à

la

suite

des fameux tatuts d'Adalhard

datés

de

822),

dans un manuscrit éalisé

peu

après

986 ou 987

(35).

L'opinion

de

Pirenne

qui

fait

remonter e Brevis de melle à

l'époque

mérovin-

gienne,

ous

le

prétexte

qu'il copierait

le

diplôme

de

716,

s'écroule

lorsqu'on

prend

a

peine

d'examiner e

près

ce

Brevis loin

de

copier

le

diplôme

de

Chilpéric

I,

il

lui

ajoute

des

produits

nouveaux,

andis

32. bid.

p.

XVI.

33.

Cf.

par exemple

héodulfe,

Carmina d Carolum

egem

(

MGH

Poetae...,

. I

p.

487),

v. 198:

«

Sed

pigmentati

is

prope

mensa' ibi».

Ou

encore es

«

Benedictiones

d

mensas

d'EkkehardV

de

St-Gall,

omposées

vers 'an mil

édit.

KELLER,

n

Mittheilunçen

es

Antiquarischen

esellschaft

in Zurich

t.

III,

pp.

97

ss.)

qui

ne mentionnent

uère

ue

le

poivre

u

la

«

piperade (w.

65-66,

.

154,

tc.).

34. Edit. L.

LEVILLAIN,

xamen

ritique

es chartes

mérovingiennes

t

carolingiennes

e

l'abbaye

de Corbie Paris

1902,

p.

235-237.lothaire

II

a

régné

e 657 673.

35.

Publié

par

B.

GUERARD,

olyptyque

e l'abbé

Irminon,

. II Paris

1844,

.

336.

Ce

Brevis

e

melle,

insi

que

divers utres

extes,

e trouve ans

le meme

manuscrit

u'une

des versions es

«

Statutsd'Adalhard

pour

Corbie.

Pour

L.

LEVILLAIN,

Les

statutsd'Adalhard

,

MoyenAge

1900,

pp.336-337,e manuscrit étécopiépeu après987.E. LESNE, «L'économie

domestique

'un monastèreu IXe s.

d'après

es Statuts

d'Adalhard,

bbé

de Corbie

,

Mélanges

.

Lotx

aris

1925,

.

386,

n. 3

semble

penser

u'une

première

artie

n a

été écrite

près

986

plus

précisément.

n

tout

cas,

notre

exte été

composé

ntre822

date

de

rédaction

es

«

Statuts

)

et

986-987.

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24

que

certaines

des

épices

citées

en 716 ont

disparu

(36).

Le Brevis

de

melle

est

donc bel et

bien le témoin d'une évolution

mputable

aux

IX'-X*

siècles.

Déjà

l'énumération e 716

présentait

es différences

otables

avec

le stock

d'épices

caractéristique

e la fin de

l'Antiquité.

ertes

on

y

constate

oujours

une

présence

affirmée es

épices

«favorites»

d'Api-

cius

poivre

et cumin

(ce

dernier entrait

dans 25

%

des recettes

d'Apicius).

Elles

constituentes

quantités

es

plus importantes

ue

les

moines

pourront

e

procurer

ans les

entrepôts

oyaux

de Fos

(respec-

tivement 0 et

150 livres)

et ce sont les seules

à être aussi

servies

quotidiennementux employésdu monastère hargésd'allerrécupérer

ces

marchandises.

a cuisine héritée

de

l'Antiquité

emble

donc encore

en

faveur

le

diplôme

ccorde à Corbie

10000 itresd'huile d'olive

qui

sert aussi

cependant

pour

le

luminaire),

une certaine

quantité

de

garum

et de fruits

ecs

(dattes,

amandes,

pistaches), produits égale-

ment

typiquement

romains .

Mais,

en même

temps,

d'autres subs-

tances

connaissent ne certaine

promotion

le

costus

et

le

spienard,

très

peu

employés

par Apicius (respectivement

2

et 4

reprises),

surtout

e clou

de

girofle

t la

cannelle,

mais ces

derniers ont encore

achetés

en

quantités

très imitées

seulement

et

1

livres).

Prenonsmaintenante Brevisde melle Les « fonds de la cuisine

antique

y

ont

disparu

l'huile

ďolive

(qui

a été

remplacée,

pour

le

luminaire,

ar

la

cire),

mais

aussi le

garum

et les

fruits ecs.

Corré-

lativement

n voit

apparaître

de nouvelles

pices, qui

ne se trouvaient

pas

dans le

diplôme

de

716

galanga,

gingembre,

hubarbe,

édoaire,

mastix,

tc.

(les

substancescitées

dans

la

liste n'ont

donc

pas

toutes

un

emploi

culinaire

elles

peuvent

ussi servir

de

colorants,

de médi-

caments,

de

parfums).

Surtout les

rapports

de

quantité

entre

les

épices

ont

été

sensiblementmodifiés

par rapport

à 716

le

poivre

est maintenant

égalité

avec

le

cumin,

ui

semble donc

quelque peu

perdre

de

sa

faveur le

clou de

girofle

t la cannelle

prennent lus

d'importancemais le cas du gingembrest le plus frappant nouveau

v<e;nu

Corbie,

l

représente ourtant

a

moitié

des

achats de

poivre

et de

cumin;

le

spie

stágne,

e costus

recule nettement

en

716,

on

prenait

autant de costus

que

de

poivre,

au

IXe

ou

Xe

siècle

on

en

achète dix

fois

moins).

Les

autres textes

qu'on

peut

rassembler

pour

la

période qui

va

du VIIIe au

Xe

siècle sont

peu

nombreux

quelques

lettresdu

VIIIe

et

du

IX*

siècles mentionnant es cadeaux

d'épices

(37),

le

Brevis

de

36. H.

PIRENNE,

Mahomet t

Charlemagne,

ééd.

Paris

1970,

.

125,

n. 2 « il suffit e parcourirette istepoury retrouver,ugmentés e

quelques

utres,

ous es

produits

itésdans a charte e 716

pour

Corbie.

Cg

sont

précisément

es

«

quelques

utres

qui importent.

37.

MGH,

Epist.

Merow. t Karol.t.

I,

p.

298

ibid.

p.

308 ibid.

p.

328

ibid.

p.

338

ibiĶ

p.

366,

.

367.Cf.

galement

a

lettre

e

l'évêque

alomon

I

de Constance Louis e

Germanique876 )

in

MGH,Formulae,

.

415.

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25

substantia

concernant

l'église

du

Saint-Sauveur

de

Steneland,

de

867

(38),

la

description

e

Mayence

écrite

par

le

géographe

uif

de

langue

arabe

Ibn-Yakoub

vers 965

(39),

enfin es Honoranciae

civitatis

Papiae

qui,

bien

qu'écrites

u XI*

siècle,

se réfèrent

la

situation

de

la

fin du X*

siècle

(40).

Les

épices

qu'on

trouve

e

plus

couramment ans ces textes sont

le

poivre,

a

cannelle,

e clou

de

girofle,

e

galanga,

dans une moindre

mesure e

costus.

Nous sommes oin des

épices

d'Apicius,

t tout

près

au

contraire u

«

stock» médiéval.

Le cas du

galanga

ne

manque pas

d'intérêt

il

apparaît

en

Occident u

IX*

siècle la

première

mention

ne s'en trouvepas dans la lettrede l'évêqueSalomon II de Constance

de

876

(41),

mais

dans

le

Brevis de

substantiade 867

déjà

cité;

tout

de

suite,

ux IX*-Xe

iècles,

e

galanga

est une

épice

très utilisée cité

dans le

Brevis de melle

de

Corbie,

l

est mentionné

ar

Ibn-Yakoub

et

les

Honoranciae comme un

produit

habituel

du

grand

commerce.

Mais tous

ces documentsne sont

pas

de la

même

valeur.

Les

lettres se réfèrent

des

petits

cadeaux

qui

concernent ussi bien

des

parfums,

es

médicaments

ue

des condiments.

'où

la

présence

de

substancescomme e

storax,

e

zérumbet,

e

mastix. En

revanche,

avec

le

Brevis de substantia on

touche sans aucun

doute les

épices

proprementlimentaires42).Or qu'y trouve-t-onUne once de cumin,une once de

cannelle,

de

galanga

et de clou de

girofle.

'absence du

poivre

est

surprenante,

mais

il

y

a

visiblement ne

lacune dans le

texte

qui peut-être

'explique

le

scribe

a écrit

«

de uncia I

»

juste

avant

«

de

cumino

uncia I ».

Enfin,

es

témoignages

oncordantsdes

Honoranciae

et de Ibn-Yakoub

permettent

e

suggérer ue

le

grand

commerce es

épices

touche,

la

fin

du

Xe

siècle,

avant

tout

quatre

à

cinq

produits poivre,

cannelle,

gingembre,

alanga (auxquels

Ibn-

Yakoub

ajoute

le

clou de

girofle).

a

promotion

des

quatre

derniers

d'entre ux est bien un

apport propre

du

Haut

Moyen Age.

Les siècles suivants, usqu'au XIV* siècle, n'apporteront ue des

retouches ce tableau

déjà

bien en

place.

On a

depuis longtemps

reconnu es

premières

mentions n Occident

d'épices

mportées

ardive-

ment le cubèbe

(Constantin

'Africain,

médecindu XI*

siècle) (43),

la

noix de muscade

(Pietro d'Eboli,

vers

1195)

44),

la

graine

de

paradis

38. Edit,

par

B.

GUERARD,

olyptyque

e l'abbé

Irminon,

.

II,

Paris

1844,

ppendice

p.

404

ss.

39.Trad.

A.

MIQUEL,

«

L

Europe

occidentale ans

la relation rabe

d'Ibrâhîm

.

Ya'qûb (X* s.)

»,

Annales

.S.C.

1966, p.

1059-1060.

40. Edit.

MGH,

Scriptores,

.

XXX/2.

.

1453. es

Honoranciae uraient

été écrites ntre 010

t

1027,

mais se

référeraient

la situation 'avant 91.41. Contrairementce qu'écrit EYD,op. cit., . II, pp.616 s.

42.

l

semble

'agir

de distributions

nnuelles ux

«

frères.

43. F.A. FLUCKIGER-D.

ANBURY,

p. cit.,

t.

II,

p.

347.

44.

Pietro

D'EBOLI,

Carmende

motibus

iculis,

v.

264

propos

du

couronnement

'Henri

VI).

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26

(Roland

de

Padoue,

en

1214) 4fj.

Mais ce

ne

sont

encore

dans ces

textes

que

des

substances

médicales

ou

des

parfumsdispensés

à l'occasion

de

fêtes

omptueuses.

'examendes tarifs ommerciaux

onfirme

'ail-

leurs

l'introductionardivede ces

épices

avec un

décalage

significatif.

Si

l'on

regarde

n effeta série

des tarifs

atalans

(1221,

252, 271),

on

constate

ue

c'est seulement

partir

de

1252

u'apparaissent

a

noix

de

muscade,

a

galanga

et même e

clou de

girofle

le

cubèbe,

e carda-

mome,

e

macis,

e

poivre

ong

pimienta

arga)

n'entrent ur

le

marché

catalan

qu'en

1271

46).

Même

chose dans

es textes

églementairesrançais ui

s'échelonnent

du milieu du XIIIe siècle à 1498 47). C'est seulement u XIVe siècle

qu'on

y

voit

apparaître

e

poivre

ong,

a

noix de muscade

(le

macis

est

présent

dans

le

Tarif de

1296),

a

fleurde

cannelle,

t

la

graine

de

paradis

(48).

Ainsi,

e stock

d'épices

utilisé

par

les traités

ulinaires

de la

findu

Moyen

Age

s'est bien

constitué écemment...

ans ses

parties

es

plus

superficielles.

es

épices

es moins

mployées

onten effet

énéralement

les

plus

récemment

pparues

sur

le

marché

uropéen

muscade,

graine

de

paradis,

fleur

e

cannelle,

ubèbe).

En

revanche,

es

«

fonds

épicés

de

cette cuisine

fini-médiévale

ont

connus

et utilisés

depuis

le Haut

MoyenAge gingembre,annelle, afran, lou de girofle.

Mais ne

risque-t-on

as

d'être

victime

d'une

erreur

d'optique

en

limitant

'examen,

pour

les

XIV'-XV*

siècles,

aux

traités culinaires

Autrement

it

ne faut-il

as

considérer

ue

les

épices

ne

sont

qu'une

consommation

xclusivede la

classe

aristocratique,

i

nos

traités

epré-

sentent ien

une cuisine

ristocratique,

e

qui

reste

ncore

démontrer

45.

Rolandini

atavini

hronicon

,

12

n

MURATORI,

IS,

t.

VIII, 1726,

col. 180-181

épisode

du

«

castellod'amore

).46.A. DE CAPMANY DE MONTPALAU,emorias istóricasobre a

marina

omercio artes

de

la

antigua

iudad

de

Barcelona

Madrid

779-1792,

t. IL

pp.

3

ss.

(«Reglamento

obre

as

tarifas...»

e

1221);

t.

II,

pp.

19 ss.

(

«

Translado

de

la

tarifa...

de

Collioure)

t.

II,

Appendice,

p.

73

ss.

(

«

Ordenanzas e

los

corredores...

de

Barcelone, 271).

47.

«

Tarif

des

péages

du

comte de

Provence

(milieu

XIIIe

s.),

édit.

par

GUERARD,

artulaire

e

l'abbaye

de

Saint-Victor

e

Marseille. aris

1857,

.

I,

p.

LXXIII-C.

Tarif

de

Paris

1296),

ublié

par

DOUET

D'ARCQ,

Revue

rchéologique,

.

IX/1

1852,

p.

216

s.

Mandement

e

Philippe

V le

Bel

(1304)

n

DE

LAURIERE,

Ordonnances

es

rois de

France.... .

I,

Paris

1723,

.

422.

Lettres e

Philippe

VI

(1349),

bid. t.

II,

Paris

1729,

.

319.

Droitsde

courtage

e

1498

ubliés

par

P.

DORVEAUX,

roitsde

courtage

établis

Paris au XVe

s.

sur

quelques

marchandises

'épicerie

Paris 1910.

48.

Cependant

e

cubeb,

a

noix

de

muscade

t la

graine

de

paradis

sont

mentionnés

ans un

Tarif

de

Lyon

1245)

eproduit

artiellement

ar

C. HOFLER,Albert onBehamundRegesten abst nnocenzV in Biblio-thek es iterarischen

ereins

n

Stuttgart,

.

XVI/2,

tuttgart

847,

.

XXIII.

DOUET

D'ARCQ,

rt.

cit.,

p.

216,

stime

ue

la

«

graine»

u'il

trouve ans

le

tarif e

1296

st

plutôt

e

kermès

ue

la

graine

e

paradis.

es

«

grana

que

mentionnentes

tarifs

du

comte

de

Provence

ont

bien

le

kermès

(«grana

ex fit

igta

,

p.

XCI).

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27

Tout

d'abord,

l

faut ever

une

hypothèque,

ui

concerne

es

quan-

tités

d'épices

consommées.

Deux historiennes

anadiennesont

récem-

ment

mis

en

doute

l'importance

de cette

consommation,

outenant

qu'elle

était

très

comparable

la nôtre

t

que,

somme

toute,

es

queux

médiévaux saient

des

épices

avec modération

49).

Elles ne

produisent

malheureusement

as

de

preuve

à

l'appui

de leur

thèse,

e contentant

d'une

vague

référenceux

comptes

médiévaux n

général.

Or

les sources

comptables

osent

un

problèmeparticulier

our

le domaine

qui

nous

intéresse les

achats

d'épices

ne

sont,

a

plupart

du

temps,

mentionnés

qu'en

fin

e mois dans ces

comptes.

e

rapport

vec

les

autres

produitsconsommés dont les achats sont en général ndiqués journellement)

et avec le nombre

des convives

qui peut

varier

tout au

long

du

mois)

est donc

particulièrement

ifficile

établir.

Cela

dit,

es

quelques

indices

qu'on

peut

rassembler

à

et

là vont

dans un sens contraire la

«

thèse de Hieatt et Butler

les

quantités

d'épices

consommées,

orsqu'il

y

a

consommation

'épices

(c'est-à-dire,

commeon

le

verra,

de

manière

rrégulière),

ont

importantes.

l

n'est

qu'à

examiner

es

repas

décritsdans

le

Ménagier

de

Paris

(50),

ou les

quelques

recettes e cuisine

qui

comportent

es

proportions

51),

pour

s'en rendre

ompte.

Ouvronsmaintenante livrede raison de Guillaumede Murol,petit

seigneur uvergnat

u début du XV*siècle

(52).

En

1416,

Guillaume

y

a

noté les

dépenses

occasionnées

par

les noces de l'Antonia

Bedos

(les

Bedos sont

de ses

vassaux).

Outre des

viandes en

grandes

quantités

(bœuf

t

porc,

poulailles, oqs,

un

lapin,

un

lièvre,

tc.)

et 300 itres

de

vin,

on

y

achète une

livre-poids 'épices

(safran,

gingembre, oivre).

Parmi ces accumulations e victuaillesune livre

d'épices,

cela semble

bien

modeste

en

fait,

ar rapport

nos consommations

ctuelles,

'est

une

quantité mpressionnante.

L'exemple

des Bedos nous

suggère

ussi

que

la

consommation es

épices

est

plus

largement

épandue

dans la société

fini-médiévale

u'on

a bien voulu le dire.Certes, es exemplesprivilégiés e cette consom-

mation oncernent vant tout

la

cour

royale

«

Journal

de la

dépense

de JeanLe Bon

»

durant a

captivité

nglaise)

53)

et la

hautearistocratie

des

princes

t des

grands eigneurs

erritoriaux

la

cour de

Bourgogne

au

temps

d'Isabelle

de

Portugal

54),

les

convives

du

banquet

pour

les

49.

HIEATT-BUTLER,p.

cit. cf.

note 2.

50.Dîner donné

par

«

monseigneur

e

Laigny (MP p.

182 n°

51)

«

Nopcesque

fera maistre

Helye (MP

p.

184-186°

55).

Dans

le

second

repas, our

«

X

escuelles

,

on

n'achète

as

moins

de

quatre

ivres t demie

d'épices sans compter

es

épices

de

chambre).

51.

Ypocras

MP

p.

270

317).

52. P.

CHARBONNIER,

L

alimentation

'un

seigneur uvergnat

u

débutdu XVe».BPH 19681971). . I. dd. 77-101.53. Edité

par

DOUET

D'ARCQ,

Comptes

de

l'Argenterie

es rois

de

France u XIVe

s.,

Paris

1851,

p.

195-277

le

compte

ébute n

juillet

1359

et

s'achève

n

uillet

1360.

54.M.

SOMME,

«

L'alimentation

uotidienne

la cour de

Bourgogne

au milieu u

XVe

.

»,

BPH

1968

1971)

.

I,

pp.

103-117.

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28

funérailles e la

comtesse

de

Bar

(55),

'hôtel

du comte

Jean

d'Angou-

lême) (56).

Mais les

comptes

des

dépenses

des officiers

u

clercs du roi

envoyés

n

mission en

province

u début du

XIVe

siècle,

mentionnent

également

des

épices

(57).

Enfin

es

Bedos,

on

l'a

vu,

appartiennent

la

dernière

classe

de la

noblesse

l'un

des

leurs

a été

capitaine

au

château

de

Murol. Et Guillaume de Murol lui-même

onsomme ussi

des

épices,

en

dehors des

repas

de

noces

il

reçoit

des redevances

n

poivre

il achète

de

temps

en

temps

à

Clermont u

gingembre,

e la

cannelle,

du safran.

En

dehors

de

l'aristocratie,

'information e fait

plus

rare. Les

somptueux epas rapportésdans MP s'adressent-ils des hôtes nobles

ou

«

bourgeois

?

et,

dans le

deuxième

cas,

sont-ils utre chose

que

des

exceptions

(58).

Et,

si l'on

ignore

a

qualité

des

prisonniers

e

Saulx-le-Duc

n

Bourgogne,

l

est

peu probableque

leurs deux

gardiens

et les deux

guetteurs

u château

appartiennent,

ux,

aux hautes couches

de la

société.

Pourtant,

n achète à ces

prisonniers,

ces

gardiens

t à

ces

guetteurs

me livre de

poivre

nnuellement,

n

1343, 344,

345

59).

Cependant

es

épices

restentun

signe

de classe. C'est

particulière-

ment

net dans

les

fabliaux.Le

«

vilain

asnier

,

parvenu

dans

la

rue

des

épiciers

de

Montpellier,

éfaille

soudain,

terrassé

par

l'odeur des

épices seule la « flairor du fumier ourra e remettre urpied.Mora-lité le

paysan

ne doit

pas quitter

sa

« condition

,

c'est-à-dire on

fumier,

our

a rue aux

épices

(60).

C'est

que

les

épices

sont avant tout

produits

urbains,

nterdits

u

«

vilain

:

«

VOustillement

u vilain ne

lui

laisse,

en

fait de

condiments,

ue

les

aulx,

les

échalotes, tc.,

c'est-

à-dire es

produits

u

jardin

(61).

Si la consommation es

épices

est

assez

largement

épandue,

eur

usage

est donc

bien socialement

iérarchisé. t

d'abord,

n

vertud'un

principe ue

F.

Piponnier

déjà soulignépour

la

Bourgogne

plus

on

55.

A.

DIGOT,

«

Pièces relatives

l'histoire u Barrois

,

Journal

e

la société

d'archéologie

orraine

857,

p.

77-80. es

funérailles

nt eu

lieu

le 13 mars 1404.

56. F.

MAILLART,

Les

dépenses

e

l'hôtel u comteJean

d'Angoulême

BPH 1968

1971)

.

I,

pp.

119-127.

57.

F.

MAILLART,

omptes oyaux

1314-1328)

2e

partie comptes arti-

culiers,

aris1961 Recueil es historiense

la France. ocuments

inanciers,

t.

IV)

:

compte

de Robert e

Veneur,

nquêteur

es eaux et forêts

1322),

pp.

12-15

compte

de

Philippe

de

Bethisy,

nquêteur

es

eaux

et forêts

(1320-1323),p.

44-47

compte

e Ithier

u

Fau,

clercdu roi

1318),

p.

90

ss.

compte

e Jean

de

Paroy,

lerc

du roi

(1319), p.

103 s. nouveau

ompte

de Robert e Veneur

1329), p.

230-232.

58.L'auteur

précise u'il

s'agit

de

«

disners t

souppers

e

grans

ei-

gneurs

t aultres

(MP p. 174).

59.F. PIPONNIER,«Recherchesur la consommationlimentairen

Bourgogne

u XIVes.

»,

Annales e

Bourgogne

974,

.

46,

p^.

65-111.

60.

«

Du VilamAsnier

,

edit.Ph.

MENARD,

abliaux

rançais

u

Moyen

Age,

.

I,

Genève

979,

p.

19 ss.

61.

«

De

1

Oustillement

u Vilain

,

édit.A. de

MONTAIGLON-G.

AYNAUD,

Recueil

énéral

t

complet

es

fabliaux...,

°

XLIII,

t.

II,

pp.

49

ss.

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29

s'élève dans l'échelle

ociale,

plus

on utilise

des

épices

diversifiées

62).

Le

riche

ce n'est

pas

tant

celui

qui

consomme

des

épices

que

celui

qui

peut

s'offrires

plus

diverses,

'est-à-dire

es

plus

rares,

es

plus

coû-

teuses.

On

comprend

mieux

'humiliation

u

chevalier

du

fabliau,

qui

se

promettait

e servir à

ses hôtes et

pairs

des

sauces

riches

(en

épices),

daptées

à

chaque

mets,

t

qui

finalement

e voit arriver ur sa

table,

du fait

de la

perfidie

éminine,

u'une unique

sauce d'aulx

(63).

Au

sommetde la hiérarchie

ociale,

les

épices

achetées

pour

Jean

le

Bon

en 1359-1360

ont

remarquables

de diversité

sucre,

gingembre,

anis, macis,

fleur

e

cannelle,

lou de

girofle,picnard, ubèbe,

annelle,

galanga, ardamome, oix de muscade,grainede paradis, poivreblanc

et

poivre

ong

c'est la

«

palette

utilisée

par

les traités

fini-médiévaux,

notamment

e Viandier.

Au niveau nférieur n est moins

exigeant.

es

envoyés

n mission

du roi

doivent e contenter

e condiments

ournaliers eu

variés

aulx,

verjus, arfois

herbes et

moutarde.

orsqu'onpeut

saisir

eurs

achats

d'épices,

ls concernente

gingembre,

a

cannelle,

e

safran,

e clou

de

girofle

64).

Les

épices

achetées

à Clermont

par

Guillaume

de Murol

ou celles

qui

ont été

dispensées

ux

noces

de l'AntoniaBedos

ne sont

guère

différentes

e

celles-là,

n

l'a vu.

Nous

retrouvonsci les

«

fonds

en épicesde la cuisinemédiévale ue nous évoquions plus haut. Seulela haute aristocratie

pu

se

permettre

'engouement

our

les nouvelles

épices apparues

en

Occident ux XIP-XIIP

siècles.

Plus bas

encore,

es

clercs,

es

marchands,

voire les

pauvres,

se

contentent e

poivre.

Le

poivre

rond)

serait-il

n attribut es clercs

?

Ainsi,

dans les chartes

de

Saint-Victor

e

Marseille,

e sont

des clercs

qui

doivent

l'abbaye

des

re4evances

n

poivre

65)

dans les

fabliaux,

curieusement,

es

prêtres

gloutons,galants

et séducteurs sont

aussi

grands

consommateurs e ce

produit

66).

Mais

le

poivre,

n'est-il

pas

consommé ncore

plus

largement

ans la

société

fini-médiévale La

ration des

pensionnaires

e

Saulx-le-Duc

ous incite à formuler ette

hypothèse,insi que tellephrased'Arnaudde Villeneuve « poyvre ...)

est saulse de

gens

de labeur

salsamenti

usticorum dans

la

version

latine)

et mellent e

poyvre

vec

des fevesou

pois...

;

pour

le

médecin

montpelliérain,

e

poivre

est

ime

sauce de

paysan,

l'instardes sauces

d'aulx,

tandis

que

les

riches,

ux,

usent de sauce au vin

ou

de

sauces

diversifiées,

daptées

à la fois

au

tempérament

e

chacun,

ux saisons

62.F.

PIPONNIER,

rt.

cité.

63. Fabliau

«

de la dame escolliée

,

édit. MONT

IGLON-RAYN

UD,

op.

cit.n°

CXLIV,

. VI

p.

106.

64.

Compte

e Jean

e

Parov,

° 13412

une

ivre e

«

giengiebre

,

2

onces

de safran, /2 ivrede «quenelles,2 onces de girofle.

65.

M.

GUERARD

Cartulaire

e V

bbaye

de Saint-Victore

Marseille,

Paris

1857,

° 1001

t. II, p. 459),

002

t. II, p. 460),

119

t. II, p. 593).

66.

MONTAIGLON-RAYNAUD,

p.

cit.,

«

Du

prestre

t de

la

dame

(n° LI,

t.

II,

p.

235

ss.)

«

de

l'evesquequi

benei lo con

(n°

LXXVII,

t.

Ill,

p. 185).

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30

et aux

mets

qu'elles

doivent

ccompagner

67).

Nous retrouvons

onc le

chevalier

humiliédu fabliau.

La

hiérarchie

ociale se manifeste

ussi

dans les

rythmes

e consom-

mation des

épices.

La

consommation

e

Jean

e Bon est

relativement

monotone

ans sa diversité

pas

de mois

où il n'achète

du

sucre,

du

gingembre,

e la fleur e

cannelle,

tc.

Quand

on n'est

pas

roi ou

prince

(cf.

a

même

régularité

ans

la

consommation

la cour de

Bourgogne)

(67 bis),

on doit

attendre es

grandes

occasions,

es

grandes

fêtes

pour

satisfaire

e désir

d'épices

qui

traversetoute

la société

noces,

chez

les

petits eigneurs uvergnats

ù,

en un

jour,

on

dépense

autant

qu'enun an; pour les chanoinesd'Arles,funérailles e l'un des leurs (68).

Enfin,

es

élèves

du

Studium

apal

de

Trets,

uant

à

eux,

n'ontdroit

la

«

piperade qu'une

fois

par

an

(69).

Mais ces

rythmes

e sont

pas

les seuls à affectera consommation

des

épices.

L'alternance

es

jours

gras

et

des

jours maigres

détermine

une

consommation

ifférentielle,

lus importante

urant es

seconds

que

durant es

premiers.

M.

Sommé avait

déjà

noté ce

phénomène

pour

les achats de

verjus

et de

vinaigre

la cour de

Bourgogne

la

moyenne,

e

1,9 2,5

ots

pour

es

jours

gras,

'établissait

3,9

t

4,4

ots

pour

le vendredi

t

le

samedi,

ours

maigres,

t

à

3,4

lots

pour

le

mercredi,our demi-maigrec'est-à-direu'on y consommeviande et

poisson)

70).

Je retrouvea mêmealternance ans le

compte

de Robert

le

Veneur,

nquêteur

des

eaux et

forêts

pour

1322 en

pourcentage

u

total des

dépenses

de

bouche,

es

«

condiments

(aulx,

herbes,

pices,

verjus,

vinaigre) eprésentent

e

1,6

à

3,1

%

les

jours gras,

mais

3,9

%

et

3,7

%

le vendredi t le samedi. Les

épices,

chaudes

et sèches dans

la

théorie

des

humeurs,

uraient-elles

our

fonction

particulière

de

combattre

'influence éfastedes

poissons,

froids t humides

Mais la

catégorie

des

«

condiments

est

trop hétérogène

dans ces

sources

pour

qu'on

en

puisse

tirer

des conclusionsdéfinitives.

En

revanche,

'est bien la théoriedes humeurs

qui explique que

l'hiver oit considéré omme une période privilégiée e consommation

des

épices.

Ce caractère aisonnier

st

longuement

éveloppé

dans

les

ouvrages

médicaux

Arnaud de Villeneuve recommande

de confec-

tionner

es sauces d'hiver vec

moutarde,

ingembre,

oivre,

annelle,

clou

de

girofle,

ulx, vin,

vinaigre,

lors

que

les

sauces

d'été seront

faites de

verjus,

us

de limons ou de

grenades

et,

en

fait

d'épices,

seulement e

sucre et d'eau de rose la sauce verte d'hiverne diffère

de celle d'été

que

par

du

vin,

qui remplace

e

vinaigre,

t surtout

par

67.Arnaud e VILLENEUVE,Regimenanitatisnirançois..., yon1501.Versionatine Operad'A. de VILLENEUVE, yon1509.

67bis.

M.

SOMME,

rt.

cit.,

pp.

104

s.

68.

L.

STOUFF,

p.

cit.,pièce

ustificative

°

54.

69. bid

p.

233,

ableau27.

70.

M.

SOMME,

rt.

cit.,

p.

109.

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31

des

épices

en

plus

grande

quantité

(71)

enfin,

n

poème

provençal

du

XIII* siècle

recommande

'accompagner

es

mets,

n

hiver,

d'épices

et

surtoutde

poivre

72).

On retrouve es traces

de

cette

alternance

saisonnière dans les traités culinaires

eux-mêmes

l'auteur

de

MP

prescrit

de

cuisiner es

potages

d'épices après

«

les

grandes

chaleurs

de

juin»

(73).

Il

faudrait reuserdans cette

voie.

La tradition ulinaire rabe

a

probablement

u une

influence

ur

la

cuisine

occidentale

de la fin du

Moyen Age.

Cependant e

ne crois

pas que

l'utilisation ntensive

es

épices

soit à

mettre

u

compte

de

cette influence c'est plutôt une constantedans l'alimentationdes

classes

dirigeantes

depuis

la fin

de

l'Antiquité.

Mais constante

ne

signifie

as

absence d'évolution

le

stock

d'épices

culinaires

égué

par

le monde romainest

profondément

ouleversé

durant

e Haut

Moyen

Age

et de

nouvelles

hiérarchies

pparaissent

cette

époque,

hiérarchies

qui

seront n

gros

celles

qu'on

observe dans les

traités

culinairesfini-

médiévaux les

XII*,

XIII* et XIV* siècles feront onnaître

e nouveaux

produits,

mais

qui

resteront

econdaires dans

la cuisine.

Quoi

qu'il

en

soit,

la

consommation

stentatoire t

massive des

épices

est

un

désirou

un

idéal

profondément

ncré et

largement

artagé

dans la société de la findu MoyenAge.C'est que les épices sontbienautre chose

que

des alimentsou des condiments

aromates,

parfums,

médications,

manations

d'un Orient

mythique

t

contigu

u

Paradis,

elles sont aussi

chargées

d'un

symbolisme

exuel très affirmé. oudrer

un mets de

cannelle,

relever une sauce

avec du

poivre,

goûter

des

épices

confites,

oilà

des

comportements

ui

vont

bien

au-delà

de

simples gestes

«

techniques

;

c'est toute

l'épaisseur

sociale et

cultu-

relle

de

ces

«

gestes

que

l'historiendoit aussi

avoir l'ambition de

mettre u

jour.

71.A. de VILLENEUVE, ditions itées.

72.L.

STOUFF,

p.

cit.,

ui

se fonde

ur E.

BONDURAND,

Une diété-

tique provençale

,

Revuedu midi

1895

.

XVIII,

p.

191-207.

73.

MP

p.

266

309.

Cf. aussi

ibid.,

p.

262

292

«

en

yver

toutes

saulses

doivent

stre

plus

fortes

ue

en esté .

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Françoise

SABBAN

CUISINE A

LA

COUR

DE

L'EMPEREUR

DE

CHINE

AU

XIVe

SIÈCLE

Les aspects culinaires

du

Yinshan

zhengyao

de

Hu

Sihui

*

La

longue

histoirede

l'acclimatationde

produits

alimentaires

t

de

modes

de

consommation enus d'ailleurs démontre

ombien

sont

malléables les

besoins

et

les désirs d'ordre

alimentaire,

lors

qu'ils

paraissent

onstituer

our

chacun

de nous

un

système

tanche,

ourd

à

toute

nfluence. n

vérité,

ans le domaine

alimentaire,

a fermeture

sur soi et l'ouvertureur le monde constituentes termesd'un mouve-

ment

lternatif ont

l

est difficile e

comprendre

es mécanismes.Un

des

buts de cet

article

st d'illustrer es

phénomènes

travers

'œuvre

culinaire

de Hu Sihui.

L'homme ne

se

laisse

pas

saisir

facilement,

uisqu'il

est tantôt

considéré

comme

chinois,

antôtcomme

mongol

n'oublions

pas

qu'à

cette

époque

la

dynastie

des. Yuan

(mongole)

1214-1368)

ègne

sur la

Chine).

Tout

ce

qu'on

peut

dire,

c'est

que

s'il était

mongol

c'est

un

de

ces

exemples

de

personnalité

non-Han

ayant

assimilé

la

culture

chinoise,

tant

parvenu

u

plus

haut

sommetdans

un

domaine scienti-

fique la diététique; 'il étaitchinois, l a fait montred'une souplesse,d'une

intelligence

ux autres et d'une ouverture u monde

peu

com-

mune. La

tradition

hinoise e

moque

de son

identité xacte. Elle fait

sienne son

œuvre,

a

considérant

omme un maillon

important

de

l'histoire e

la

diététique

hinoise

certaines

de

ses ordonnances ont

encore

mentionnées,

ans aucun

changement,

ans des livres de diété-

tique

récemment

ubliés (1).

En

revanche,

a

partie

de

son

ouvrage

intitulée

Recueil

de

mets

précieux

t

extraordinaires

qui

nous inté-

resse

ci,

et

qui

est

manifestementn traité

ulinaire

lus que

diététique

*La version inale e cet article oitbeaucoup OdileRedon, ous 'en

remercions

ivement

nous

remercions

galement

rançoise

ubin

t

André

G.

Haudricourt

ont

'aide t es

conseils ousont

permis

e clarifier

ertains

points

e

notre

exte.

1.

HU

Zhenzhu,

t

al.,

Jiating

hiliao houce

Manuel

de

diététique

ami-

liale),

Tianjin,

ianjin

kexue

ishu

chubanshe,

982,

17

p.

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33

est

ignorée

de cette même tradition.

r,

c'est essentiellement

râce

à

ce traité

que

Hu Sihui

contribue

faire de

son

ouvrage

la

réplique

chinoise ux

conceptions

rabes,

ndiennes

t

européennes

e

la cuisine

à cette

époque.

Si les

aspects

culinaires

du Yinshan

hengyao

Les

justes principes

du boire

et du

manger)

ont

été

peu

étudiés,

cet

ouvrage

n'en

a

pas

moins

attiré 'attention

es chercheurs

our

son

rôle

dans l'histoire

des sciences

en Chine

(2)

et

pour

les curiosités

de

son

lexique, qui

contient

ne

cinquantaine

e termes

mpruntés

u

mongol,

u turc t à

l'arabe

(3).La compilation e cet ouvrage, résenté l'empereur n 1330, été

effectuée

ar

Hu

Sihui dont on ne sait

rien

sinon

qu'il

assumait

la

charge

de

diététicien

mpérial

ous le

règne

de

Wen

Zong

(Tuq

Temiir

1328-1339).

ertains

pensent

u'il

était

mongol

t

lui

restituente nom

mongol

Hoshoi

(4).

Chinois ou

Mongol,

'auteur de ce traité est très

marqué par

son

appartenance

la

cour,

et

c'est

une des

raisons

de

l'aspect

«

cosmopolite

de son

texte,

ui

n'est

quelquefois pas

consi-

déré comme

un

témoignage

roprement

hinois des habitudes alimen-

taires ous

les

Yuan

(5).

Cependant,

i le

textede Hu Sihui

est

le

reflet

de

normes

fficielles

t

de certaines

xtravagances

rincières

n matière

d'alimentation,l est aussi le miroird'habitudes t de manières cou-

rantes

à

l'époque,

comme le

précise

d'ailleurs l'auteur de la notice

bibliographique

u

Siku

(6).

Les textes

ulinaires

uropéens

du

Moyen

Age

offrent

'ailleurs

cette

même

hétérogénéité

ils contiennent

la

2. LU

G.D.,

J.

NEEDHAM,

A contribution

o the

History

f Chinese

Dietetics

,

Isis,

1951,

°

42,

pp.

15-17 J.

NEEDHAM,

LU

G.Ď.,

«

Hygiene

and

Preventive

edicine

n

Ancient hina

,

Clerks

nd

Craftsmen

n China

and the

West,Cambridge

niversity

ress, 1962,

.

359 G.

METAILIE,

«

Cuisine

t

santé

dans a

tradition

hinoise

,

Communications,

979,

°

31,

pp.

126-127;

.

MOTE,

«

Yüan and

Ming»,

n: CHANG

K.C.

ed.,

Food

in

Chinese

Culture,

nthropological

nd

Historical

erspectives,

ew Haven

andLondon, aleUniversityress, 979, . 227 t note18p. 255.

3.

Y.S.

LAO,

«

Notes

on

Non-Chinese

erms

in the

Yiian

Imperiai

Dietary

ompendium

in-shan

heng-yao

,

Bulletin

f

the

nstitute

f

His-

tory

nd

Philology,

cademia

inica,

1969,

ol.

39,pp.

399-416

H.

FRANKE,

«

Additional

otes

on

Non-Chinese

erms

n

the

Yiian

Imperial

Dietary

Compendium

in-shan

heng-yao

,

Zentral

siatische

tudien,

,

1970,

p.

7-16.

4.

L.C.

GOODRICH,

BriefCommunications

,

Journal

f

the

American

Oriental

ociety,

940,

°

60,

pp.

258-260

CH'EN

Y,

Western nd

Central

Asians

n China

Under

he

Mongols,

ranslated nd

annotated

y

Ch'ien

Hsing-hai

nd

L.

Carrington

oodrich,

onumentaerica

Monograph

V,

Los

Angeles,

onumenta

ericaat the

University

f

California,

966,

.

305.

CH'EN

Yiian,

itantGoodrich

op.

cit.),place

Hu Sihui

dans

la

liste

qu'il

dresse

des

personnalités

ongoles yant

crit

un

ouvrage

n

chinois

ous

les Yuan.

5.

F.

MOTE,

op.

cit.,

p.

227

«

The Yin-shan

heng-yao

s

undoubtedly

importantn thehistoryf Chinese cience, ut it maybe less typical fChinese ttitudesoward ood nd eatingn relation o hygienehan ome

other

works

hathave

ess

importance

n the

history

f

science .

6. Siku

quanshu ongmu iyao,

ibu,

pululei

cunmu, ékin,

Zhonghua

shuju

huban, 965,

p.

1001-1002.et

ouvrage ibliographique

u

XVIIIe

iècle

est

le

plus

complet

es traités e

bibliographie

hinoise.

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34

fois

des recettes rès

sophistiquées,

nfluencées

arfoispar

des

usages

étrangers

7)

et

des recettes ans

prétention

8).

Composé

de

trois

volumes,

bondamment

llustré,

e Yinshan

heng-

yao

est

essentiellement n

ouvrage

de

diététique qui

fournit ses

lecteurs236 recettesde

plats, réputés pour

leur vertu

thérapeutique.

Sur

l'ensemble

de ces

recettes

ntégrées

ans les diverses

sections

du

livre,

a série

des 95

recettes

comprise

dans

la

«

Collection

des mets

précieux

t

extraordinaires

apparaît

plus

comme un livre de

recettes

de

cuisine

que

comme

un

recueil d'ordonnances

médicales.

La

cuisine de Hu Sihui

Nous

concentrerons otre

analyse

sur ces 95 recettes

de

la

«

Col-

lection de

mets

précieux

et

extraordinaires

,

dont le titre

même

est

révélateur;

l

n'a

apparemment

ien à faire avec la dure contrainte

d'un

régime

médical. De

plus,

un

peu

moins de la moitié

de ces

recettes

42)

ne

comporte

ucune

indication

hérapeutique,

omme si

celles-cine

figuraient

à

que

pour

le

plaisir.

Quant

aux

autres,

a

majo-

rité

d'entre

lles

(34)

n'est

que

«

fortifiante»

bu).

Et

19

recettes ur

95,

seulement, omportent a spécification abituelle aux autres ordon-

nances du

traité

«

soigne

telle maladie

(

zhi

.

Ajoutons que pour

l'ensemble

de cette

collection,

e

mode et le moment

de

la

consom-

mationne

sont

amais

indiqués.

Aucun

ordre

apparent

ne semble

régir

cette

collection

de

recettes,

dans

laquelle

on

ne trouve

amais

la

moindre

llusion au serviceni

à

la

place

des

mets dans

le

repas,

ce

qui

aurait

pu

nous aider à identifier

les

différents

ypes

de

plats.

Néanmoins,

et

ensemble

eut

être

découpé

en

quatre

grandes

catégories

viennent

'abord 35

recettes

base de

bouillon,

puis

11

recettes dont

les

principaux

ngrédients

ont des

pâtes

alimentaires

(certaines

semblent

accommodées en

potages,

d'autresen sauce plus courte), nsuite 35 recettesdiversesregroupant

des

viandes

bouillies,

des

préparations

rites,

es

mélanges

de

produits

crus

ou

cuits,

des

viandes

rôties ou

des

plats

cuits à la

vapeur

enfin,

12

recettes e

«

pâtisserie

(au

sens

médiévaldu

terme,

uisque

ce

sont

des

pâtes

farcies,

genre

ravioli,

petits

pâtés

ou

galettes,

uites à la

vapeur).

Restent

deux

recettes

placées

en fin

de

recueil,

ui

n'entrent

dans

aucune de

ces

catégories

un

bouillon

concentréde

jarret

de

mouton

po'erbitang

et un

suc de

gigot

de

mouton

cuit

à

l'étouffée

7.

J.L.

FLANDRIN,

Internationalisme,

ationalismet

régionalisme

ans

la

cuisine

des XIVe

et XVe

siècles Le

témoignage

es

livres

de cuisine

,

MangertBoire u Moyen ge, Ie ColloquenternationaluCentre 'EtudesMédiévales eNice oct.82, paraître ans esActes u Colloaue

O.

REDON,

«

Façons

de

préparer

t

manger

a

viande

en

Toscane

u

XIVe

siècle»,

Manger

t

Boire

au

Moyen

Age,

I*

Colloque

nternationalu

Centre

'Etudes

Médiévales e

Nice,

oct.

82,

à

paraître

ans

les

Actesdu

Colloque.

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35

(

mihanaqueliesun

.

Ces deux

préparations

comportent

une

mention

thérapeutique

t

sont censées avoir une action

régénératrice

ur

l'organisme.

Hu

Sihui se montre

parfois

très

elliptique

dans

la formulation e

certaines ecettes. n a

l'impression ue

la

brièveté e

son

style

raduit

un

souci d'aller au

plus

vite comme si toutes es

opérations

ulinaires

étaient i bien

connues de

tous

qu'une

simple

énumération es

ingré-

dients

et

des

modes

de

cuisson

successifs,

ans autre

précision,

uffi-

sait

à la

compréhension.

Ainsi,

de

nombreux

roblèmesd'interprétation

e

posentpour

une

partiedes 35 recettesdiversesqui correspondent des préparations

pour

esquelles

a

cuisson

ou les

cuissons

utiliséesne sont

pas

te

u

ours

clairement

ndiquées.

Parmi

ces 35

recettes,

n

relève deux

recettes

de

grillé

brochettes),

ept

recettesde

friture

vec ou

sans

enrobage,

deux

recettesde

rôti,

deux

recettesd'un

mélange

de

plusieurs

ngré-

dients

crus,

une

recettede

bouilli,

une

recetted'un

plat

à

la

vapeur

et une

recette

ntitulée

Mouton

la

vapeur

de saule

»

qui

correspond

en

fait à la

cuisson d'un

mouton

entier dans un

four

creusé

dans le

sol

obturé

par

un

couvercle

de

feuillages

de saule.

Les

recettesres-

tantes

ont

apparemment

es

«

sautés

»,

mais,

leur

texte

donne lieu

à

plusieurs nterprétations9).Le livrede Hu Sihuine se

laisse

pas

saisir

par

un

principe nique

à cause

sans doute

de

la

personnalité

e

son

auteur,

de sa

nationalité,

mongole

u chinoise

t du

faitde

la

composition

u

milieu

dans

lequel

il

évoluait,

et

univers

rès

particulier

e

la

cour des

Yuan

devaient

se

côtoyer

des

hommes

venus

d'horizons

divers. On

sait

que

sous le

gouvernement

ongol,

es

sujets

de

l'empire

taient

lassés

selon leur

appartenance

thnique

n

trois

grandes

classes

les

Mongols,

es non-

Mongols peuples

des

pays

situés à

l'Ouest de la

Chine)

et

les

Chinois.

La

cuisinede Hu

Sihui

reflète

n

quelque

sorte

ce

pluralisme

thnique

son

traité est écrit en

chinois,

mais sa

langue

est

continuellement

émailléede motstranscrits u mongol, u turc et de l'arabo-persan.a

cuisine de

même,

est

un

mélange

de

traditions

iverses

qui

forment

néanmoins ne

unité

la

Chine,

ertes,

st

omniprésente

ans l'œuvre

de Hu

Sihui,

son travail

est le

résultat

d'une

compilation

n

chinois

d'ouvrages

e

pharmacopée

hinoise t

sa

cuisine

est

chinoise

dans

sa

structure

mais,

comme

s'il

voulait

satisfaire

es

lecteurs

rop

fraîche-

9. Selon

la

ponctuation

n

comprend

«

Les

ingrédientsrécités

ont

mélangés

vec du

bon

bouillon

t

assaisonnés

vec

de la

ciboule

rite t du

sel» ou « les ingrédientsrécitésont autés vecdu bonbouillon t assai-sonnés e ciboule t de

sel ».

L'ambiguïté

e

pourra

tre

evée

qu'après

une

étudedes

contextes

'apparition

u

terme

hao

«

sauter

à

partir

e

plu-

sieurs extes

ontemporains

e celui

de Hu

Sihui.

Ce

verbe

présente

ail-

leurs,

ncore

aujourd'hui,

ne

ambiguïté

u

même

ordre

dans certains

environnements

articuliers.

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37

il

a

suivi,

dans toutes les sections de son

traité,

es

règles

de

l'art

médical,

t

il

applique

e même érieux la

cuisine.

Si

l'on

compare

on

texte u court

traité ur le boire et le

manger

du

peintre

Ni

Zan,

son

contemporain

14),

on ne

peut manquer

de

remarquer

a différence

de

style

entre

es deux auteurs.

D'un

côté,

la

rigueur

cientifique

e

Hu

Sihui,

soucieux de n'oublier

aucune

mesure

jusque

dans les

moments

e

plus grande

fantaisie,

e

l'autre,

e

charme,

e bon

goût

et l'amour

de la

bonne chère de

Ni

Zan,

plus préoccupé

de

détails

d'ordre

astronomique

ue

de

l'exactitude es

quantités

nécessaires

la

réalisation

de ses recettes.

Hu Sihui et

Ni Zan

représentent

eux

deux 'attitude mbivalente es Chinoisvis-à-vis e la cuisine elle est,

d'un côté subordonnée

la

diététiquepour

le maintien

de

la

santé,

d'un

autre

c'est

un

art,

égal

à

la

peinture

u à

la

poésie

et dont on

magnifie

es

techniques

t

les

réalisations.

Hu Sihui

cependant,

n'est

pas

seulement

un rédacteur

d'ordon-

nances

arides,

l

sait aussi

être un bon cuisinier

hinois,

xigeant

ur

certains

spects

de

la

technique

ulinaire

ugés

fondamentaux,

omme

le

découpage

par

exemple

il

précise chaque

fois de

quelle

manière es

alimentsdoivent

tre

ciselés,

respectant

énéralement

a

règle

d'or

du

découpage

à

la chinoise

que

tous les

ingrédients

'un

même

plat

soientdécoupésde manière dentique.

Malgré

a

difficulté

ue

nous avons à évaluer es

goûts

et les ten-

dances

de

la

cuisine

onsidérée

omme

typiquement

hinoise

l'époque

de Hu

Sihui,

'emploi par

ce dernierde certains

condiments

marque

incontestablement

a cuisine

d'une

empreinte

hinoise.

ur

une trentaine

de

condiments,

es

plus

souvent cités sont

la

ciboule,

le

gingembre

fraisou conservé

dans le

maje

(

zaojiang

,

le

vinaigre

15),

me amóme

(Àmomum

sao-ko

Crevost t

Lem),

le

poivre,

a coriandre t

le zeste

de

tangerine.

hez

le

peintre

Ni

Zan,

sur une

vingtaine

e

condiments,

les

plus

utilisés sont

les

clavaliers,

des

vins

(16),

la

ciboule,

le

gin-

gembre

frais ou

conservé

dans le

marc,

le

vinaigre

et le zeste

de

tangerine.

14.NI

Zan,

peintre

e

paysages

e la

fin

es

Yuan

1301-1374)

st

'auteur

du

Yunlin

ang

yinshi

hidu

Système

limentaire

u

palais

de

Yunlin),

petit

ivre

d'une

cinquantaine

e

recettes,

dition

Biliruangguan

ongshu.

15.La liste

des

vinaigres

ités

par

Hu Sihui

dans la

section

graines

de son troisième

olume

st

le

vinaigre

e

vin

( iucu

,

le

vinaigre

e

pêche,

e

vinaigre

'orge,

e

vinaigre

e

raisin,

e

vinaigre

e

jujube,

le

vinaigre

e riz. Ce

dernier,

onsidéré

omme

upérieur,

ar

Hu

Sihui,

st

utilise ans

a

préparation

es médicaments.

16.

Nous

traduisons

ci

par

«

vin

le mot

iu,

terme

énérique

e tous

les

iquides

lcoolisés,

ières,

ins,

lcools,

iqueurs,

ar

'habitude

consacré

cette

ppellation

our

des alcools

doux

titrant

à

18°,

comme

e

«vin

jaune par exemple,btenus ar la fermentation'unecéréale, ue l'on

utilise

dans

la cuisine t

que

l'on consomme n

peu

comme e vin en

France.Voir

ce

sujet

a

proposition

e

L.

BERNOT

«

Compte

endu

de

K.C. CHANG

d.,

Food in

Chinese

Culture

Anthropological

nd

Historical

Perspectives,

ew-Haven

nd

London,

Yale

University

ress, 1979,

29

p.,

T'oung

ao,

vol.

LXV, 1-3,

p.

103-109.

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/';-=09 )(8*

=-0/']

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39

Les similitudes ont

frappantes

ntre es

deux listes

et on

pourrait

dire

que

la

ciboule,

e

gingembre,

e

vinaigre

t le zeste

de

tangerine

constituente fond

aromatique

de la cuisine chinoise

au xiv*

siècle.

L'usage

par

Hu Sihui de ce

complexe aromatique

suffirait

faire de

sa

cuisineune cuisineà la chinoise.

Les

divergences

e

goûts

entre

ces

deux auteurs se

manifestent

dans la raretéde

la

coriandre

hez

Ni

Zan,

et dans la

préférence

e Hu

Sihui

pour

e

poivre, lus piquant que

les

clavaliers,

poivres

autoch-

tones dont

Ni Zan fait un

grand emploi.

Mais

la

grande

différence

entre es deux cuisines

porte

ur l'utilisation e l'amome

par

Hu Sihui

et du vinpar Ni Zan. En effet,'est avec l'amome, ssociée au galanga

que

Hu Sihui

parfume

es bouillonsde viande

(de

mouton)

tandis

que

Ni Zan fait

ouvent

uire ses crustacés

t

ses

poissons

dans

du vin

pur

ou

coupé

d'eau. Ce dernier

usage

du vin avec

les

produits

de

la

mer

est

caractéristique

e

certaineshabitudes culinaireschinoises et

Hu

Sihui

s'y

conforme

ussi,

car la seule recette

pour

laquelle

il

utilise

«

un

peu

de vin

»

est

un

plat

de

poisson,

e

«

Potage

de

carpe

».

Or,

on observe ntre es deux auteursune différenceien

plus impor-

tante

que

celle des aromates un tiers des

recettes

de

Ni

Zan

est à

base

de

poisson

et

de

crustacés,

lors

qu'on

relève

seulement

uatre

recettes e poissonchez Hu Sihui. Il y a là différence e goûts,mais

surtout

ifférence

éographique.

a

cuisinede

Ni

Zan

est une cuisinedu

sud,

de Wuxi dont

il

est

originaire,

ette

ville

du

Jiangsu

où l'on

consommeforce

produits

de mer et

d'eau

douce,

tandis

que

celle

de

Hu

Sihui,

c'est la cuisine

plus

rude de

Pékin,

a

capitale,

où les

vents

de sable

évoquent

a froide ridité continentale.

Par

ailleurs,

i

l'on s'attache

au

style

des recettesde Hu

Sihui,

on

constate

que

les raviolis

jiaor,

hundun

,

les

petits pains

à

la

vapeur

(mantou),

es

pâtes

alimentaires

miari),

ont

'existence

st attestée n

Chine u moins

depuis

es débuts de l'ère chrétienne

17),

tiennent

ne

place

très

mportante

ans

le recueil.

Certes,

outes es farces sont

à

base de mouton, e qui n'estpas le cas des raviolisde Ni Zan fourrés

de hachis de

porc,

mais,

e

style

du

plat

est bien chinois.De

même,

l

propose

des

plats

comme

e

«

Poissonen kuai

»

(

yukuai

,

cette

«

salade

»

de

tranches

e

carpe

crue,

mélangées

du

radis,

du

gingembre,

e

la

ciboule,

du

basilic et de la renouée

poivrée,

dont on

trouve

déjà

mention ans

des textesdatantdes Zhou

(XIe

siècle

av. J.-C. IIe

siècle

av.

J.-C.)

18),

ou encore

du

«

Poulet

lotus

»

(furong

ï),

dont

les

ingré-

17.Le célèbre

raité

'agriculture

imin

yaoshu

de JIA Sixie

VIe

siècle

ap. J.-C.) ontient n chapitre ur la fabrication e «pâtisseries et depâtes alimentaires.f. MIAO Qiyuéd., Qiminyaoshuxiaoshi,Zhongguo

nongshu

ongkan

onghe

hi

bu, Pékin,

Nongye

hubanshe,

982,

p.

509-516.

18.

QIU

rangtong,

Yukuai

i

yu

hua lai

zong

(

Yukuai ou

le

sou-

venird'un mot

plein

de

richesse),

hongguo

engren

Cuisine

chinoise),

Pékin,

983/4,p.

12-13.

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40

dients

de base

sont

le

poulet

et les

œufs,

Hu Sihui

se

pliant

ici à

la

tradition,

même si

la

préparation,

ans ses détails

a évolué.

Ainsi,

on

pourrait

estimer

que

Hu Sihui et

Ni Zan

représentent

chacun

une version

égionale

de

la

cuisine

chinoisedu

XIV*

siècle

(19).

-

Un

fonds mongol

La

cuisine des

Mongols,

population

d'éleveurs

nomades,

est

carac-

térisée

par

ime

prépondérance

es

préparations

base

de mouton

t de

produits aitiers 20). Or sur les 95 recettesdu recueil,72 sont à base

de chair de

mouton,

ssociée ou

non avec

un

produit

végétal

ou

une

céréale,

xceptionnellement

vec

ime autre

viande.

Sur

ces

72

recettes,

4

sont

spécifiquement

onsacrées

un morceau

particulier

u

mouton

et le nom

du

morceau

apparaît

alors

dans

le

titre de la recette.C'est

le cas

par

exemple

du cœur et

du

rognon

grillés,

es

tripes

salées

et séchées

puis

frites

la

grande

friture,

u

bouillon

«

restaurant

de

jarret,

etc.,

ou même

de la

bête

en son

entier uite au four.

Dans les autres

recettes,

nterviennent

n bouillonde

mouton

t/ou

de

la chair de

mouton

déjà

cuite.

Par

exemplepour

les

potages

et

les

pâtes alimentaires,e bouillonde mouton oue le rôle d'un fonds de

cuisine

et la

chair,

celui de

l'élémentcarné

du

plat.

Les

titres

des

recettes

ne

laissent d'ailleurs

pas supposer

qu'elles

sont à

base

de

mouton

Potage

au

fenugrec,

otage

à

l'orge,

Ravioli à

la farine

d'euryale,

Gnocchi

d'igname,

tc.

Si

plusieurs roduits

aitiers

21)

sont

cités dans le texte

de

Hu

Sihui,

quatre

seulement,

ntrent añs

la

cuisine

proprement

ite

Le lait de

vache

(

niu

naizï)

apparaît

dans trois recettes

il

accompagne

e

beurre

(

suyou

dans la

pâte

des

galettes

haobing

t est

ajouté

à la sauce

du

«

Potage

de

cerf .

Or,

'usage

dans la cuisine

d'un lait non transformé

ne semblepas être une habitudemongole.Mais,nous avons de bonnesraisons de

penserque

le «

Potage

de cerf est un

plat d'origine

rabo-

persane

d'une

part,

on trouve

plusieurs

recettesde

ragoûts

base de

lait dans un livre de

cuisine

arabe du XIIIe siècle

(22),

d'autre

part,

19.C'est

pourquoi

H. FRANKE

op.

cit.,

p.

16)

conclut,

n

peu

hâtive-

ment notre vis

«

In

any

case,

Mongolian

uisine

eems

to

have been

less

important

n the Yüan

imperial

itchen han

Near Eastern

food,

but

it

remains fact hat

many

f the

recipes

n the Yin-shan

heng-yao

s a

whole,

f

not the

majority,

re

of

Chinese

rigin

.

20. R.

HAMA

ON,

«

L'os

distinctift

la chair

indifférente

,

Etudes

Mongoles

1975,

ahier .

21.Les traductionsue nous donnonsci des nomsdes divers roduitslaitiers u traité e Hu Sihuine sont

que

des

approximations

ondées ur

leurs

utilisations

il faudraitn connaître

es

procédés

e fabrication

xacts

pour

proposer

ne

terminologieigne

de ce nom.

22.

A.J. ARBERRY

trad.,

«

A

Baghdad

Cookery-Book

(Milk

dishes),

Islamic

Culture,

939,

anvier, p.

4147.

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41

la

graisse

utilisée

pour

le

rissolage

des morceaux

de

viande

enrobés

dans de l'assa-foetida st

appelée

«

graisse

arabe

»

(

huihui

xiaoyou)

par

Hu Sihui.

Il

ne mentionne

ulle

part

ailleurs

ce

type

de

graisse

dont

nous ne savons rien

(est-ce

a

graisse

de la

queue

de mouton

gras

?).

Le beurren'est

employé

u'une

seule fois

comme

graisse

de

friture

dans le

«

Potage

Sasu

»

il

sert

à

faire revenir

plusieurs

matières

aromatiques.

Les autres

fois,

l

entre

dans la

confection e

pâtes

à

pains

et

galettes,

d'une farce et

d'un caramel à

base de miel

pour

enrober

es raviolis.

Restent

deux

types

de

«

fromages

.

L'un

appelé rubing

«

fourme

(litt.« forme e lait») est probablement n fromage rais il apparaît

dans

quatre

recettes rès

similairesde

potages

denses ou

de

plats

en

sauce

épaisse,

comme

l'un

des

agents

de

liaison dans un bouillon

de

viande.

L'autre,

lao,

fromage

que,

d'après

le traité

d'agriculture

e

Lu

Mingshan

23),

contemporain

e Hu

Sihui,

l'on

peut

faire

sécher,

entredans la

préparation

'un

plat

de

pâtes

et

d'un

plat d'aubergines

farcies.

Sur 95

recettes,

2 seulement ontiennent n

produit

aitier,

c'est

peu,

et ce n'est

guère significatif

'une

emprisemongole

ur

la cuisine

de Hu

Sihui. D'autant

qu'à

l'époque

ces

produits

aitiers semblaient

des denréesrépanduesdans les milieux hinois.Un emploiassez largeen est faitdans

les

recettes 'une

encyclopédie

ménagère

24).

Jia

Ming,

auteur

ui aussi

d'un

traité

de

diététique égèrement ostérieur

celui

de Hu Sihui

(25),

es

inclutdans

sa liste des

«

saveurs et

l'on trouve

chez Ni Zan une recette

ntitulée

Légumes

sous la

neige

(xue

an

cai)

(26)

où la

«

neige

n'est

autre

qu'une métaphore

pour

désigner

l'épaisse

couche

de

fromage

rubing),

blanc

à

n'en

pas

douter,

qu'il

dépose

sur

un

tendre

égume

vert avant de le faire

cuire

à

la

vapeur,

assaisonné

de

sel,

de

clavalier

et d'une touche de

vin

pur.

23.LU Mingshan,gronomeuïghourst l'auteur u calendriergricole

Nongsangyishiuoyao

1314)

Abrégé

ur

l'agriculture,'élevage

du

vers à

soie,

e

vêtement

t

l'alimentation),

f. LU

Mingshan,

ongsanggyishi

uoyao,

WANG

uhu,

d.,

Pékin,

Nongye

hubanshe,

962,

.

79.

24.

Jujia

biyong

hilei

uanji

Toutes

es choses

nécessaires la

maison).

Nous n'avons

malheureusement

u

consulter e

textedans

son

intégralité,

ne

disposant

ue

d'une

édition

aponaise

de

fragments

u texte

S.

NAKA-

MURA,

.

SATO, Shokkei,

Classique

du

manger)

okyo,Kobayashi

Hideo,

1980,

pp.

146-216).

our

plus

amples

détails sur

cette

encyclopédie,

f.

H.

FRANKE,

Chinese exts

n the

Jurchen,

Translationf

the

Jurchen

Monograph

n the San-ch'ao

ei-meng

ui-pian, ppendix

I,

Jurchen

ood

Recipes,

entral

siatische

tudien,

, 1975,

p.

173-177.

25.JIA

Ming

1268

- 1374

)

célèbre

pour

son

exceptionnelleongévité,

est l'auteur

u Yinshi

uzhi

Ce

qu'il

faut

avoir ur

le boire

t le

manger)

traité

e

diététique

onstitué

e l'énumérationes

produits

e la

pharma-

copée chinoise, ccompagnés e leurs vertus hérapeutiquest n'incluant

pratiquement

ucunerecette. f.YANG

Jialuo,

Yinzhuan

ulti

Inventaire

des traités

ur

le boire

t le

manger),

aipei, hijie shuju,

1976.

n

trouve

quelques

renseignements

ur

l'auteur t son œuvredans

T.T.

CHANG,

«

Chia

Ming's

Elements

f

Dietetics,

Summary

ť the first olume

with

an

introduction

,

Isis,

1933,

°

20,

pp.

324-334.

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42

Ce

n'est

pas

l'usage

des

produits

aitiers

qui distingue

Hu Sihui

de

ses

contemporains

27),

c'est

la

place

qu'il

accorde au

mouton,

iande

de

prédilection

es

éleveurs

mongols.

Comme

nous le disions

précédem-

ment

toutes es farceset

bouillons

ont à base

de

mouton,

à où

ordi-

nairement

n trouverait u

porc.

Média au service des

détenteurs

u

pouvoir,

ces

Mongols

à

peine

sinisés,

encore

imprégnés

des odeurs

de

la

steppe,

e traité de Hu Sihui

apparaît

comme une traduction

dans le

langage

de la

cuisinechinoisedes

appétits

t des

goûtsmongols.

-

Une touche

xotique

Nous l'avons

déjà

dit,

le texte de Hu Sihui a une allure

étrange

due aux bizarreries

e

son

lexique.

Mais,

Hu Sihui n'attribue

xplicite-

ment

une

origine trangère

u'à

trois recettes le

«

Potage

Ba'erbu

»

et le

«

Potage

Sasu

»

sont des

plats

de l'Inde

(xi

xitian

chafanming)

et

le

plat

de

nouilles

à la

viande et

aux

légumes Shuoluotuoyin

st un

plat

ouïghour

(xi

weiwu'er

chafan

.

Pour

le

reste,

il

est diffìcile

d'affirmervec certitude

ue

telle ou telle

recette

st

d'origine

tran-

gère.Cependant,

a

transcription

e

mots

étrangers

ans

certains

itres,

peut

constituer ne

présomption.

ans la seule

partiequi

nous

occupe,

on relèveune

vingtaine

e

transcriptions

e

mots

étrangers.

outefois,

il faut faireune distinctionntre es mots transcrits u mongold'une

part,

et ceux transcrits

u

turc et de

l'arabo-persan

'autre

part.

En

tant

que

langue

des

occupants,

e

mongol

,

en

effet,

n

statut

différent

des

autres

angues

et

les mots transcrits u

mongol

ont

e reflet

moins

d'un

certain xotisme

ue

d'habitudes

«

autres

non encore assimilées

au

mode de

vie

chinois.

On

relève donc

des termes

étrangers

dans

certains

titres

comme

«

Potage

au mastic

(masidaji

tang),

où le

terme

masidaji

«

mastic est une

transcription

e

l'arabe

«

Tutu-

mashi

(tutumashi),

glosé

dans

le texte

par

l'expression

chinoise

shoupie

mian

«

pâtes shoupie (pâtes coupées

à la main

?)

qui

est une

transcription

u turc

28),etc.

26.an est

le

nom d'un

couvercle,

erme

echnique

are surtout

mployé

dans es

catalogues

e

bronzes

rchaïques

renseignementommuniquéar

Michèle

Pirazzoli).

En

utilisant e mot

désuet avec

la

métaphore

e la

neige,

Ni Zan veut

sans nul

doute,

montrer

'extrême

affinemente sa

cuisine

ui

ne

s'adresse

u'à

des

personnes

yant

une

grande

ulture

hi-

noise.

l

s'oppose

ainsi à Hu

Sihui

dans son

appropriation

e

la

culture

chinoise.

ependant,

ans des

répertoires

ifférents,

u Sihui et Ni Zan

prônent

hacunune cuisine

distinguée.

u Sihui

est

le

promoteur

'une

cuisine

aristocratique

pécifique

es milieux nternationauxe la

cour,

tandis

que

Ni

Zan est le chantre-

e la haute

gastronomie

raditionnelle

chinoise.

27.

l serait

ntéressant

e

dater e

déclin de

cette

consommation

e

produits

aitiers,

ue

E.N. ANDERSON

«

Cuisine

,

in

B. HOOK

éd.,

The

Cambridge ncyclopedia f China,Londres,Cambridge niversityress,

1982,

p. 382-399)

lace

après

es Yuan

lorsque

es influenceses

pays

situés

à l'ouest

de

la

Chinefont

place

à celle

venantde

la

mer,

l'est,

avec

l'introduction

ar

les

Espagnols

t les

Portugais

es

plantes

méricaines.

28. Nous nous

référonsci

aux

travaux

de

H. FRANKE

op. cit.)

et

Y.S. LAO

op. cit.),

f.

note 3.

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43

La

pénétration

u

langage

culinaire

par

des

termes

étrangers

se

situe

généralement

u

niveau du

lexique

et

des

titres

des

recettes.

lle

n'est certes

pas

spécifique

de Hu Sihui.

Tous

les textes médiévaux

européens

connaissent e même

phénomène

ui

poussé

à

l'extrême,

peut

donner naissance à

une véritable

angue

comme la

langue

culi-

naire italienne

du XVe

siècle fortement

nfluencée

ar

le

français

et

pratiquée

dans les

sphères

restreintes es cours

de l'Italie du centre

et du nord

(29).

Ces faits

linguistiques

ont le reflet

des

influences

réciproques

es cuisinesde divers

pays,

comme e

montrenta

cuisine

princière

rabe

médiévale

qui

a

assimilé

des

apports

perses,

turcs

et

francs 30) et les cuisinesde cour des pays de l'Europemédiévalequi

ont interféré

ntre

elles

(31)

et fait

nombre

d'emprunts

u monde

arabe

(32).

L'utilisationdans un

texte

de

cuisine d'un

vocabulaire truffé e

mots

empruntés

d'autres

angues

contribue

envelopper

on

contenu

d'une

aura

mystérieuse

ar

les mots transcrits

ont

perçus

comme des

suites de

sons,

musiques

d'autres

espaces

et

d'autres

temps.

En

conviant

on lecteur

dépasser

es

frontières es

goûts

onnus,

Hu

Sihui

lui

propose

déjà,

par

l'écho de leurs

noms,

a

jouissance

de

saveurs

encore

plus

fines t

délicates.

Mais,

es

raisons

qui

ont

poussé

Hu Sihui

à jouer les polyglottes taient-elles raiment de cet ordre EtantChinois, oulait-il

implement

montrer

u'il

était l'aise dans l'ambiance

internationale

ui

entourait

'empereur

u

bien,

au

contraire,

tant

Mongol,

t s'adressant des

Mongols

inisés,

vait-il u mal

à

maîtriser

le

chinoiset trouva-t-il

écessaire de

parsemer

on

texte

de

repères

Ces

quelques

réflexions ous incitent

nous

demander

dans

quelle

mesure a

cuisine

de Hu

Sihui

reflétait a

réalité et

si ces

recettes

«

étrangères

ne

sont

pas

tout

simplement

e

fruit

e son

imagination.

Que

certains

plats

n'aient été

répandus

qu'au

sein

des élites diri-

geantes

ne

fait

guère

de

doute

cependant

ertains

plats

«

étrangers

de Hu Sihui

semblent voir connu

une

certaine

diffusion.

reuve n est

la mentionde quelques-unesde ces recettesdans d'autres textesde

l'époque.

Le

plat

«

Tutumashi

,

mentionné

ans

l'Encyclopédie

ména-

gère

33)

y

est

classé

parmi

es

recettes

musulmanes. a

fabrication es

pâtes,

ngrédient

e

base

du

plat,

est

même

décrite

n détail

dans un

29.

M.

CATRICALA,

Sul

lessicodi

cucina

del 500

,

Convegno

azionale

sui lessici

technici el

sei

e

settecento

1-3

dèe.

1980), lorence,

cademia

della

crusca,1982,

.

140.

30.

M.

RODINSON,

Recherches

ur les

documents

rabes

relatifs

la

cuisine,

xtrait e

la revue

des

Etudes

slamiques,

nnée

1949,

aris,

Paul

Geuthner,950, . 146et suivantes.31.J.L.FLANDRIN, p. cit.,cf.note 7.

32.

M.

RODINSON,

«

Romania et

autres

mots

arabes

en

italien

,

Romania,

950,

XXI, pp.

433-449.

33.

O.

SHINODA,

Chugoku

hokumotsushio

kenkyu

Recherches

ur

l'histoire

e

l'alimentationn

Chine),

okyo,

asaka

yasumori,

978,

.

210.

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44

Manuel

d'enseignement

u

chinois

l'usage

des

Coreens

34)

alors

que

Hu

Sihui se

contented'en donner une

traduction

pproximative

n

chinois.

On

peut

s'interroger

ur

l'origine

ndienne

ue

Hu Sihui attribue

au

«

Potage

Ba'erbu

»

et au

«

Potage

Sasu

».

Certes

es deux recettes

comportent

e

l'assa-foetida,

ondiment rès utilisé

en

Inde,

mais bien

d'autres recettes du texte

en contiennent

galement.

Le

«

Potage

Ba'erbu

»

est

composé

d'un bouillon de mouton ux

pois-chiches

t au

radis

(daikon),

romatisé

la

graine

de l'amomum

sao-ko,

uquel

on

ajoute après

cuisson

safran, curcuma,

poivre,

assa-foetida,

oriandre

fraîche t sel. On le mangeensuite n accompagnement'unplat de riz

parfumé

uit

«

de

manière être

sec

».

Aucune

précision

de cet ordre

n'existe illeurs

dans

le recueil où

le

riz

est

toujours

cuit

en

bouillon

ou

présenťé

sous forme de bouillie

(

zhou

comme s'il

s'agissait

d'une

préférence

e

l'époque

ou de notre auteur.

Or,

un

texte

ndien

du

XIIe-XIIIe siècle

nous

apprend que

le

plat

de riz d'un festinde

mariage

est

«

bien

cuit, blanc,

parfumé,

élicieux,

haque

grain

étant

bien

séparé

de

l'autre

;

il

est

accompagné

de

bouillons

de viandes et

de

poissons

35).

Le

«

Potage

Sasu

»

est la seule

recette ontenant es

grenades

cides

et dont e servicenécessite

qu'il

soit conservé

ou

pré-

senté ) dans un récipient ue l'on a préalablement xposéaux fumées

parfumées

dégagées

par

la cuisson dans du

beurre,

d'assa-foetida,

e

nard

(

Nordost

chy

chinensis

Batal)

et de

jiaxiang

(36).

Or,

selon

Om

Prakash

(37),

certaines

préparations

ans l'Inde du VIIP-XIII6 siècle

incluaient ne cuisson avec

des

fruits

cides,

suivie

d'une

fumigation

d'assa-foetida t d'autres

épices.

Ces

quelques

exemples

uffisent montrer

ue

les

recettes étran-

gères

de Hu Sihui ne

sont

pas

nécessairement

es

plats

rares ou très

exotiques

réservés une

petite

élite,

pas plus qu'elles

ne

sont

complè-

tement

«inventées»;

les

deux

recettes

ndiennes

omportent

ien ce

quelque

chose d'indien

qui

devait

avoir

frappé

es

voyageurs

ontem-

porainsde Hu Sihui. Ces recettes trangères estent ependantmargi-

nales

par

rapport

à l'ensemble

des

autres,

mais leur

présence

suffit

à

donner u

texte

de Hu Sihui

ce

petit

air

dépaysant

ui

le

distingue

d'un livre de cuisine ordinaire.

34. Lao

qida yanjie.

Piao

tongshi

anjie,

Taipei,Lianjing

huban

hiye

gongsi, 978,

.

151

document

ommuniquéar

Alain

Peyraube),

oir ussi

CHEN

Gaohua,

«

Piao

tongshi'

uo

ji yuandaiyinshi

(Les

notations

ur

l'alimentation

l'époque

des

Yuan dans

le

«

Piao

tongshi

),

Zhongguo

pengren

Cuisine

hinoise), 983/3,

.

10-11.

35. O.

PRAKASH,

ood

and Drinks n Ancient

ndia,

Dehli,

Munshi

Ram Manohar ai, 1961, . 238.36.Variétéd'encensfabriqué partirde l'opercule e liparis Turbo

cornutus

olander),

f.

B.E.

READ,

Chinese

Materia

Medica,

Turtle nd

Shellfish

rugs,

Shanghai,

937,

éimpression,

aipei,

SouthernMaterials

Center'

nc., 1977, .

74.

37. O.

PRAKASH,

p.

cit.,

p.

212.

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45

Universam

et

particularismes

La cuisine de Hu

Sihui,

chinoise

d'apparence,

mongole

de

cœur,

exotique

dans certainsde ses traits

est néanmoins

e

pendant

respec-

table de ses consœursoccidentales t arabes.

Haut

fonctionnaire

la

cour,

Hu

Sihui se

doit

de donner

au monde

la version Yuan

de la

cuisine des

princes,

de

même

que

Bartolomeo

Scappi,

cuisinier

du

Papié

Pie

V a

donné

à la

postérité

ne

version

de la cuisine

pontificale

au XVI*

siècle

(38).

Nous aimerions montrermaintenant

n

quoi

la

cuisinedes Yuan estcomparable ux autrescuisines ristocratiquesuenous connaissons t en

quoi

elle s'en

distingue

ormellement.

Deux

usages

surtout nous semblent

caractéristiques

des

grandes

cuisines

princières

médiévales l'utilisation

d'une

grande

quantité

d'épices

t,

à un moindre

egré,

a

recherche

e

couleurs

pour

a

présen-

tationdes mets.

La cuisine de Hu Sihui se

conforme,

emble-t-il,

ces

deux

usages.

Toutefois,

a cuisine

de Hu Sihui

reflète ussi

des habitudes

ordi-

naires,

dont

a

plus

frappante

st,

à notre

avis,

à l'instar

des cuisines

occidentales

médiévales,

t en

particulier

e

la

française,

'importance

accordée

à la

catégorie

es

«

potages

selon la

terminologie

es

textes

culinairesmédiévaux rançais.

En

revanche,

n trait

original

marque

l'art culinairede

Hu

Sihui,

c'est la

primauté

onnée

aux

pâtes

alimentaires

t

la

richesse

de leurs

préparations.

-

Les

ápices

Peut-on

raiment

arler d'épices pour

la Chine alors

que

ce

terme

au

MoyenAge

réfère

pparemment

des

produits

du

grand

commerce,

importés

n

Europe

des

pays

orientaux.Dans

l'Europe

médiévale,

es

listes

d'épices

contiennent

ussi bien

des

condiments

ulinaires

que

des articles de pharmacopée,de parfumerie, e teinturerie,tc. Ce

conceptd'épices,

n

référence la nomenclature ommerciale xiste-t-il

en Chine Seule une

étude

des textes ur le commerce ntre a

Chine

et d'autres

pays

nous

permettrait

e savoir si les

objets

et les

produits

commerciaux

taient

conçus

comme

un

ensembleavec

plusieurs

sous-

ensembles

usceptibles

e recevoir

es

dénominations

articulières.

Cependant,

hez

Hu

Sihui,

dans

l'EncyclopédieMénagère,

dans le

Manuel

de

chinois

pour

Coréens et dans

le

Traité

d'Agriculture

e

Lu

Mingshan,

n relève

'usage

fréquent

u terme

iaowu

(matériau-subs-

tance) (39)

dont la meilleure raduction st le terme

«

épices

».

Dans

38.B. SCAPPI,Opera,Rome1570, éimpressionvec une présentationde G. RO

VERSI,

Bologne,

rnoldo

orni,

981.

39.

Sans entrer ans e détaild'une tude

philologique,

ue

nous

n'avons

pas

les

moyens

e

faire,

l

faut avoir

qu'à

l'heure ctuelle

iao

a

le rôle

d'un

suffixe

ignifiant

chose,

matière

dans

toute une

série de

termes

dont

e

composé

uoliao

qui,

en

pékinois,

ignifie

assaisonnement

.

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46

l'ouvrage

de

Jia

Ming

a liste des

condiments

st intitulée out

simple-

mentweilei

«

catégories

des saveurs

.

Le dernier

hapitre

du

codex de

Hu

Sihui,

troisième

olume de son

ouvrage,

st

ime liste de

28

produits,

ntitulée iaowu

xing

wei «Les

saveurs

de nature iaowu».

De cette liste

d'épices

ou aromates sont

exclus les

sucres,

les

miels,

les

vinaigres,

es

pâtes

condimentaires,

certains

ferments,

lassés

dans la section

«

céréales

,

ainsi

que

la

coriandre

raîche,

a

ciboule

et

Tail

classés dans

la section

«

légumes

et les

fromages

lassés dans la

section

«

animaux

.

Dans le texte

des

recettes

de

ces

quatre ouvrages,

l

est

parfois

dit d'ajouterdes « liaowu» au cours de la préparation,t ceci même

si,

par

ailleurs,

'autres

pices

sont

employées.

Ainsi,

toutes

es farces

de

raviolis,

Hu Sihui

ajoute

ce

que

nous

pouvons

désormais

appeler

des

épices.

Ce

qui

laisse

supposerqu'en

Chine comme en

Occident la

même

époque,

existaient es

mélangesd'épices

composées

qui

devaient

se vendre

tout

préparés.

La

composition

de ces

mélanges, appelés

poudre,

poudre

fine,

pices

fines, tc.,

dans les textes

médiévauxocci-

dentaux,

ariait selon

l'usage qu'on

en faisait

40).

Par

trois

fois,

Hu

Sihui utilise

même

des

«

xi

liaowu

»

dont

l'appellation correspond

terme

pour

terme

à

l'expression

fines

pices

». Par

chance,

nous

en

trouvons meformule râceà la glose que donnent es commentateursdu Manuel de chinois

pour

Coréens,

pour

expliquer 'usage

de ces

fines

pices

«

(Elles

se

composent)

de

cannelle,

galanga,

poivre

ong,

cardamome

ou

noix

de muscade

?),

zeste de

tangerine,

momum illo-

sum

Lour.,badiane, fenouil,

n

liang

de

chaque

(1

liang

=

env.

37

g),

clavalier,

eux

liang

amandes de

noyaux

d'abricots

inq liang,réglisse

un

liang

et

demi,

bois

de

santal un demi

iang,

e tout réduit

n

poudre,

prêt

l'usage

selon e

désir.Celui

qui

doit

partir

n

voyage

t

s'absenter

longtemps,

ait

détremper

e

mélange,

puis

le

cuit à

la

vapeur,

et le

façonne

n forme e

petites

boulettes,

our pouvoir,

e moment

oulu,

les

utiliser,

près

les avoir fait revenir

ans un

peu

d'eau chaude. C'est

selon a coutume hinois^ce qu'on appelledes fines pices» (41).

Dans les textes

uropéens,

es

mélanges

d'épices

sont

nclus

comme

chez

Hu Sihui dans la

préparation

es

aliments,

t sont

aussi

utilisés

en

saupoudrage

u

momentdu

service. Ce n'est

pas

le cas chez

Hu

Sihui

qui

ne

mentionne

amais

l'utilisation

d'épices pour

le

service.

Mais,

cet

usage

existait

probablement

uisque

l'auteur

du Manuel de

chinois

pour

Coréens le

rapporte

dans

la

description

d'un

banquet.

40.Voir

par exemple

es trois

mélanges 'épices

du

«

Livre Vénitien

(

Librodi cucina

del secolo

XIV,

op.

cit.,

p.

40)

appelés Specie

fine

tute

cosse

épices

fines

our

toute

hose),

Specie

dolce

per assay

cosse bone

e

fine épicesdoucespourbeaucoup e chosesbonnes t fines), pecie negree forte er assaysavore épicesnoires t fortes ourbeaucoupde sauces).

En ce

domaine,

e document énitienst e

plus

précis

es

traités ulinaires

médiévaux

ce

n'est certes

pas

un

hasard

quand

on connaît e rôle de

Venisedans le

commerce es

épices

au

Moyen

Age.

41.Piao

tongshi anjie, p.

cit.,

p.

17.

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47

En

Chine

comme

ailleurs,

es

épices

ont

le

rôle

bien

connu de

correctifs

iététiques

mais elles ont aussi

la

fonction

e

corriger

u

d'améliorer

es

goûts,

ce

qui

est leur

véritable

ttribution

ans l'art

culinaire.

Ainsi,

par

exemple,

Hu Sihui

justifie

a consommation

e

la

chair de

loup par

la

possibilité ue

l'on

a

«

aujourd'hui

de la

préparer

avec

des

épices,pour

en améliorer e

goût

.

Certes,

a fonction orrec-

tricede

l'épice

est l'une des

justifications

vouées de son

emploi,

mais

d'autres

facteurs

lus

subtils

ouent

aussi, car,

il

n'est

pas

indifférent

de

pouvoir

jouter

aux

alimentsdes substances

rares

et chères

dont

les vertus ont

ugées

immenses

ar rapport

la

quantité

utilisée.

Parallèlement l'emploides mélanges d'épices et des condiments

courants

appartenant

u

fonds chinois

de la cuisine de

Hu

Sihui

(cf.

plus

haut),

on

relève,

n

quantité

décroissante,

'utilisation 'assa-

foetida,

e

galanga,

de

safran,

e

clavalier,

de

moutarde,

e

basilic,

de

curcuma,

e

poivre

ong,

de

cannelle,

Amomum anthioid.es

Wall,

d'ail,

d'aneth,

e

mastic,

de

camphre,

e

fenugrec,

e

nard,

de

jiaxiang

(42)

et d'eau de

rose.

Cette liste n'est

pas

sans

rappeler

celle

des traités médiévaux

européens.

De

fait,

gingembre,

oivre,poivre

ong,

coriandre,

alanga,

safran,

urcuma,

mastic,

annelle et

eau

de rose font aussi

partie

de

l'arsenal ondimentairee la cuisinemédiévale uropéenne. n revanche,en Chine

pas

trace de noixde muscade ni de clous de

girofle

i

large-

mentutilisés en

Europe

(43).

Si

ces

produits

ont

d'emblée

pour

nous un caractère

exotique

et

contribuent e ce fait

à

caractériser

a cuisine médiévale

européenne,

il

est

plus

difficile e le dire

pour

celle de Hu Sihui.

Certes,

ar rapport

à la cuisine

chinoise standard

actuelle,

cette

liste

correspond

une

débauche

d'aromates,

ar les condiments es

plus

courants

ujourd'hui

sont le

gingembre,

e

piment,

a

ciboule,

'ail,

la coriandre

fraîche,

e

clavalier

et

les sauces de

soja.

De même

que

nous

n'avons

plus guère

dans notre armoire à

épices que

le

«

quatre

épices

»,

les Chinois ne

disposentplus que d'un « cinq épices», habitudes résiduelles de ces

mélanges

'épices

si courantes u

MoyenAge.

Seule

une étude

portant

ur

l'usage

des

condiments n Chine

depuis

l'antiquitépourrait

nous

indiquer

en

quoi

Hu

Sihui

est novateur.

l

faudrait n

effet avoir

lesquelles

de

ces

épices

étaient considérées

comme

exotiques

ou relativement ares. Si l'on

compare

la

liste des

épices

utilisées

par

Hu Sihui et

celles

du

mélange

«

fines

pices

»

men-

tionnéedans

le Manuel de chinois

pour

Coréens,

dont on

peut

penser

42.Cf.note36.43.Le clou de

girofle

t la noix de

muscade,

lantes

non

indigènes

la

Chine,

mais

bien connuesdes

Chinois,

emblaient

lus

employés

n

pharmacopée

u'en

cuisine.

Cf. B.E.

READ,

ChineseMateriaMedica

Vege-

table

Kingdom

Shanghai,

911,

éimpression,aipei,

SouthernMaterials

Center'

nc.,

1979,

.

95 et

p.

276.

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48

qu'elle

constitue

un

répertoire

de

base

relativement ourant

pour

l'époque,

on

voit

que

l'utilisationchez Hu

Sihui,

d'assa-foetida,

e

safran,

de

curcuma,

de

mastic,

de

camphre,

de

fenugrec,

tc.,

peut

constituer

n fait

original.

Ge

que

nous

voudrions

uggérer

maintenant

c'est

que

Hu

Sihui,

animé d'un

comportement

imilaire

celui

qui

a

inspirē

les cuisiniers occidentaux

(44),

emploie

une

telle diversité

d'épices

moins

pour

valoriser e

goût

des

aliments

ue

pour

hausser sa

cuisine à un niveau

qui

la

distingue

de celle du

peintre

Ni

Zan

par

exemple

45).

En

effet,

Hu

Sihui

lui-même,

nous fournit 'indication du

prixqu'il attache certainesde ces épices en ne les citantqu'avec la trans-

cription

e leur

nom

mongol,

rabe ou

turc lors même

qu'il

en connaît

parfois

e

nom en

chinois.

C'est

le cas de

l'assa-foetida,

u

safran,

du

mastic,

t du

camphre.

l

connaît e nom

chinoisdu

camphre

ongnao

et de

l'assa-foetida

aweï)

puisqu'il

l'utilise

par

ailleurs sous

ce nom.

Toutefois,

l

ne

semble

connaître e mastic

que

sous sa

transcription

de

l'arabe,

car

après

avoir

donné

ses

caractéristiques

harmacopéiques,

il

précise

n note

que

c'est

une

espèce

très

parfumée

ui pousse

dans les

pays

arabes. Le

safran,

u'il

utilisehuit

fois,

«

est

»

lui semble-t-il une

fleurde

carthame

qui

croît en

pays

musulman». Il lui attribue a

propriété hérapeutique e chasser la tristesse t de réjouirle cœur,ce

que

faisait

déjà

au XIII* siècle Ibn

Beïthar,

e célèbre botaniste

du

monde

musulman

46),

et

que

Rabelais

reprend

son

compte

au

XVI'

siècle

lorsqu'il

dit

que

le safran fait

rire.

C'est d'ailleurs

pour

cette

fonction

hilarante

que

Hu

Sihui

l'utilise

dans les recettes de

cœur

et

de

rognons

grillés,

recettesdont on

pourrait

penser qu'elles

viennent

irectement u

fond, es

steppes

mongoles,

ar elle consistent

en

des

brochettes

'abats de

mouton

grillées

même a

flamme,

mais

qui

sont ici

anoblies,

car

les

abats

sont,

avant

d'être

cuits,

marinés

dans

de l'eau

de

rose,

puis

enduits de

«

jus

de

safran

pendant

a

cuisson.

Dans les

autres

recettes,

e

safran,

arfois

ssocié au curcuma

a le même rôle de colorant aune que dans les cuisines de l'Europe

médiévale.

Par

ailleurs,

n a

l'impression

ue

Hu Sihui

inverse es valeurs de

certains

roduits.

ans la

liste

d'épices

classées

par

ordre de

fréquence,

il

est

effectivementurieux

de constater

ue

le

clavalier

est

pratique-

44. La

cuisine

des

textes

ulinairesmédiévaux

e

veut

aristocratique

t

distinguée

et

l'un

des

moyens

e se

démarquer

u

commun

tait

d ntro-

duire ans

es

préparations

es

épices

rares t

chères

ont

a consommation

était

réservée

une élite. Cf.

Le

Cuisinier

rançoys,

extes

présentés ar

J.L.

FLANDRIN,

. et M.

HYMAN,

Bibliothèque

leue, Paris, Montalba,

1983,

.

18

et

suivantes.

45. Nousavonsdéjà suggérécf.note26) que les « critères e distinc-

tion

sur

lesquels

e

fondentes cuisines e Hu Sihui

et de Ni Zan

sont

complètement

ifférents.

46. .

BEITHAR,

e

Traité es

Simples,

.

LECLERC trad.. n Notices

et

extraits es

manuscrits

e

la

Bibliothèque

ationale,

aris,

mprimerie

Nationale,

ome

25-1, 881,

p.

208-210.

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49

ment

éliminé

au

profit

u

poivre

6

emplois

contre

24),

alors

que

de

nombreuses

ariétés e clavaliers utochtones

taientutilisées n

Chine,

et

ce,

depuis l'antiquité

47).

Nous avons

vu

que

c'est

l'épice

préférée

du

peintre

Ni

Zan.

Le

poivre

et le

poivre

ong,

dont

l'origine

ndienne

était bien

connuedes Chinois

48)

gardaient-ils l'époque

de Hu Sihui

un

certain

prestige

u fait de leur

origine

u

de

leur

provenance

des

régions

ud)

ou

bien

s'agit-il

e la

manifestation'une réelle

préférence

de

goût

pour

des aromates

plus

amers

et

plus piquants.

La

liste

des

épices

utilisées

par

Hu Sihui

place

sur le même

plan

l'ail et l'eau de

rose,

mais si leur

emploi

est

égal

en

occurrences,

l

ne saurait avoir la

mêmesignification.'ail n'estemployéque deux fois,dans la recette

de

pâtes

«

Tutumashi

et dans

celles des

«

Aubergines

arcies

(49).

Ni

Zan de

son

côté

ne

l'emploiequ'une

seule

fois,

dans

une

recette

de

tripes

de

porc.

Cet aromate

qui

faisait

partie

des condiments suels

sous

les

Han

(50)

avait-il

erdu

tout crédit ux

yeux

des

contemporains

de Hu

Sihui ou du moins de ceux

qui

prétendaient

aire une cuisine

aristocratique

omme Hu Sihui ou une

cuisine raffinée omme

Ni

Zan.

Si

oui,

cela

expliquerait

ourquoi

Hu Sihui

ne lui

permet

ue

deux

appa-

ritions,

t

encore sous

le

couvert d'habitudes

étrangères.

L'eau

de

rose

qui

faisait

'objet

d'un

commerce

ntre les

Chinois

et les Arabesdans les Iles de l'Archipel ndonésien, Ceylan (51) etdans le Golfe

Persique

52) est un

produit

onnoté« musulman . Son

emploi

dans

la marinade

du cœur

et du

rognon

grillés

diffère

e celui

qui

en est fait n Occident

ù elle

parfume

es

plats.

47. M. PiRAZZOLI-T

SERSTEVENS,

«

La consommation

limentaire

l'époque

Han

»,

à

paraître,

n Grand

Atlasde

l'Archéologie

Paris,

Encyclo-

paedia

Universalis.

48. B.

LAUFER,

ino-Iranica,

hineseContributionso the

History

f

Civilizationn Ancient

ran,

Chicago,

ield Museum f Natural

History,

Publication

01,

Anthropological

eries,

vol.

XV,

3,

1919,

éimpression,

Taipei,

Ch'eng

wen

Publishing

ompany,

978,

p.

374-375.

49.Dans le Manuelde chinois ourCoréens,n nousapprend ue ces

pâtes,

façonnées

u

plat

de la mainen forme e fines

alettes,

ont

cuites

a l'eau

puis

servies vec

un

accommodement

e

tranches e mouton autées

au

beurre,

u sel

torréfié,

n

peu

de sauce

aigre-douce,

n

hachis

d'ail et

du

fromage.

u

Sihui,

uant

lui,

joute

cet

assaisonnement

e la ciboule

frite

t

du basilichache.

Cette

ssociation

asilic/ail/fromage,

tilisée ussi

dans la recette

es

«

Aubergines

arcies ne relève

robablementas

d'un

goût

spécifiquement

hinois,

même i comme e montrent

lusieurs

ocu-

ments

ontemporains,

e

«

tutumashiétait un

plat

relativement

épandu

à

l'époque

de Hu Sihui.Notons

ue

le

basilic,

'ail

et le

fromage

parmesan)

sont es

composants

u

«

pesto

,

typique

e la cuisine es

pâtes

en

Ligurie

actuellement,

t dont nous

n'avons

pas

noté l'existence ans

les textes

culinairestaliens

u

XIVe,

XVe

et

XVIe

consultés.

50.

M.

PIRAZZOLI-T'SERSTEVENS,

p.

cit.

51. SU

Jiqing

d.

d'après

WANG

ayuan,

aoyi

zhiliie

Annales

ur

les

Etrangers es Iles) (XIVe),Daoyi zhiliiexiaoshi,Zhongwai iaotong hijicongkan, ékin, honghuahuju,1981, . 43 et p. 270.

52.

F.

HIRTH,

W.W.

ROCKHILL,

hau

Ju-kua,

is Work n

the Chinese

and

Arab

Trade n the

twelth nd

thirteenth

enturies,

ntitled hu-fan-

chi,

St

Petersbourg,mperial

Academy

f

Science, 911,

éimpressionaipei,

Ch'eng

wen

Publishing

ompany,

967,

.

13.

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50

Les

Chinoisestimaient

ue

l'assa-foetida

rovenait

de

l'Inde et de

la

Perse cette

résine assez

mal

connue,

utilisée

en Inde dans

la

cuisine,

onnaissait

n

Chine

un

emploi

en

pharmacopée

omme

anti-

poison

et

digestif.

Hu

Sihui,

en

l'employant

fois fait

preuve

d'une

originalité

ertaine. Faut-il

mettrecette

faveur sur

le

compte

d'une

habitude

mongole,

omme certains e

pensent

53)

ou bien voir dans

cet

usage

l'hommage

endu

par

notre

uteur,

ux

cuisines

prestigieuses

de l'Inde et du

monde

arabo-persan

-

Les

couleurs

Une des caractéristiques e la cuisine médiévale occidentaleest

l'existence e

plats

«

teintés

ou dont certains

léments

nt

été artifi-

ciellement olorés

par

des

produits

limentaires u

non alimentaires.

Des

matières

inctoriales omme e

tournesol

t

l'orcanette ont intro-

duites dans des

bouillons

pour

coloreren

rouge

ou

bleu des

gelées

ou

des

potages,

andis

que

le

safran

st surtout

xploité

pour

sa

propriété

de

colorer

en un

beau

jaune

vif.

Cet

usage

va de

pair

avec

l'habitude

de

présenter

u

cours de

banquets,

des

plats

factices ou

d'apparat,

comme

pâtés

d'oiseaux

vivants

54)

ou

château

en

pâte

(55),

et ne

peut

se

concevoir

ue

dans une

cuisine de

cour. Hu Sihui

utilise es colo-

rants vec modestie 11 recettes) t se limite deuxcouleurs, e jaune

et

le

rouge.

Pour

colorer n

jaune,

il

se

sert du

safran,

eul,

ou associé

au

curcuma

u à

un

gardenia

Gardenia

asminoïdes

Ellis).

Des

potages

sont

colorés en

jaune

tels

le

«

Potage

Ba'erbu

»,

le

«

Potage aune

»,

le

«

Potage

d'ours

,

des

grillades

comme

le cœur

et le

rognon

en

bro-

chettes,

insi

que

de

fritures

omme

es

«

Brochettes

e

boudin ou le

«

Poisson curcuma .

Le

colorant

rouge,

yanzhi qui

est

probablement

de la

graine

de

baselle

rouge

56)

est

moins

employé.

Ainsi

es

«

Petits

pains

en

fleurs sont

colorés en

rouge

après

avoir

été

découpés

en

forme e

fleurs. e

même

a fressure

e

mouton

uite,

utilisée

dans

la

«

Tête

de

mouton fleurie

est colorée

en

rouge pour

s'assortir au

jaune de l'omelette t à l'orangedes carottesqui, découpéesen forme

de

fleurs

lles

aussi,

constituentes

autres

ngrédients

u

plat.

Malgré

leur

aspect

rudimentaire,

es

teintures

dénotent

chez Hu

Sihui un

certain

ouci du

décorum.

l

est

dommage

ependant

ue

son

textene

nous donne ucun

renseignement

ur a

manière

onttous

ces

plats

sont

présentés

t

consommés

hors de la

cuisine. Si

Hu

Sihui

s'essaie de

manièreun

peu

simpliste

jouer

les

peintres

n

cuisine,

l

semble en

53.

B.E.

READ,

Chinese

MateriaMedica

Vegetable

Kingdomop.

cit.,

p.

174.

54.

«

Del

pastello

i

uccellivivi

in

Libro

della

cucina

del secolo

XIV,

op. cit.,p.

58.

55.C.B.HIEATT,S. BUTLER,Pain,vinet veneison. n livrede cuisinemédiévale.Montréal. es Editionsde l'Aurore. 977. Entremés.

56.Le

terme

yanzhi,

ui

signifie

colorant

ouge

,

ne

correspond

as

à

une

appellation

otaniqueprécise,

mais

réfère

robablement

Basella

rubraL. On

relève

déjà

son

utilisation

omme

osmétique

ans des textes

du

VIe

sièclede notre

re.

Cf.

Qimin

yaoshu

iaoshi,

p.

cit.,

p.

269

note

28.

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51

revanche

n'attacher ucune

importance

l'alliance

et au

contraste

des

couleurs

naturelles es

divers

ngrédients

'un

plat, préoccupation

ui,

à l'heure

actuelle

constitue

'un

des

fondements e

l'art culinaire

chinois.

-

Les

potages

L'usage

des

épices,

l'habitude

de

colorer

les

plats

sont

autant de

points

ommuns

ui

rapprochent

a

cuisine

de Hu

Sihui de celle

de ses

contemporains

ccidentaux.

Même

si

ces

rapprochements euvent

paraîtrehasardeux, ls n'en sont pas moins significatifs.errière es

marmites

ont es

échanges

ommerciaux

rospères, changes

l'échelle

mondiale,

ui

modèlent,

éforment

t

transformentes modes

de consom-

mationet les

préparations

limentaires,

la

manière d'une onde

de

choc amortie

par

la distance et les obstacles.

Et

finalement,

l

n'est

guère

étonnant

ue

les

épices,

ces valeurs marchandes

ui

passaient

d'une

main à

l'autre,

ient dans

ce contexte

déclenché des réactions

similaires

t conduit

des

usages

comparables.

Plus intéressantes

áns

un

sens,

sont les similitudes

qui

ne

s'appuient

sur aucune raison

économique.

Ainsi,

dès le

début de cet

article,

nous avons noté la

place

consi-

dérable des tang « potages qui représentent /3 des recettes du

recueil de Hu Sihui.

De

même,

nous

remarquions

'importance

n

nombre

des

potages

(de

1/4

à

1/3

des

recettes)

dans les manuscrits

français

u XIV' siècle

57).

Certes,

arler

de

«

potage pour

la France

et

de

«

tang

pour

la Chine

correspond

une

approximation our

une

grande

diversité

e

plats.

En

France,

et ensemblerecouvrait es

plats

composés

de

solides,

ssociés à une

plus

ou moins

grande

quantité

de

liquide

contrairement

ce

que

sont es

potages

actuellement,

ssentiel-

lementdes

liquides épais)

et

qui portent

es

noms de

potage,

civet,

brouet,boussac,

etc. En

Chine,

es

préparations

n

bouillon,

dont la

nature même et les différences estent

préciser,

taient

regroupéessous les appellations tang,genget zhou. Cependant, u-delà de cette

diversité,

e

qui

nous

semble

important,

'est la

présence

massive de

cette

catégorie,

ont on sait

par exemple,

qu'elle

constituait ous

le

nom de

geng

e

plat

principal

d'accompagnement

es

céréales sous les

Han

(58).

Bien

qu'on

ne

sache

pas quelle

place

occupait

ce

plat

dans

le

repas

sous

les

Yuan,

on

peut

supposer qu'il

connaissait

une très

large

diffusion

t

que

les

recettes e Hu Sihui

ne

sont

que

les

versions

sublimées e

préparations

rdinaires. ar

même

i

la

cuisine

de Hu Sihui

est une cuisine de haut

rang,

lle

ne

peut

être

entièrement

maginaire

57. F.

SABBAN,

Le savoir-cuireu l'artdes

potages

dans le

Ménagier

de

Paris et le

Viandier e

Taillevent

,

Manger

t

Boire

au

Moyen

Age,

IIe

Colloque

nternationalu

Centre

'EtudesMédiévales e

Nice,

oct.

82,

à

paraître

ans les

Actesdu

Colloque.

58.M.

PIRAZZOLI-T'SERSTEVENS,

p.

cit.

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52

ou

synthétique,

lle est

nécessairement

e refletd'habitudes

de son

époque.

Or il

semble

bien

qu'au

XIVe

siècle

en

Chine,

on consommait e

manière

mportante

es

plats complets

que

sont les

potages

où sont

associés

le

substantiel t le

liquide

c'est-à-diree boire

et le

manger

Mais,

de

même

que

leur

nature se

transforme

rofondément

en

France,

ls finissent

ar

contenir

e

moins

en

moins

d'éléments

olides,

pour

la Chine

l'analyse

reste

à faire

-

leur rôle s'amenuise

considé-

rablement,

eur

nombrediminuant

59).

- Les pâtes alimentaires

Un trait

igne

de son

originalité

a

cuisine

de Hu

Sihui

par

rapport

à

ses

contemporaines

c'est

l'usage

qui

est fait des

céréales

et

en

particulier

des

pâtes

alimentaires.

Aucune des cuisines

occidentales

n'accorde

une telle

place

à

ces

deux

types

d'aliments.

Les

céréales,

dans les

manuscrits

français,

nglais

et italiens sont

cuites

en fro-

mentées, venat, etc.,

c'est-à-dire

réparée

en bouillies

épaisses

dans

du

lait de vache ou

de

chèvre,

du

bouillon

ou du lait

d'amande

en

Carême

60),

mais les

recettes n sont assez rares

et

peu

variées.

Quant

aux

pâtes, ignorées

en

France,

elle font une timide

apparition

en

Angleterre61) et une belle percéeen Italie (62).

59.

Au

XVIIIe

siècle,

sur

plus

de 800 recettes

e la

Cuisinière

our-

feoise

oppens,

La

éd.

Cuisinière

1774,

dition

ourgeoise,

fac-similée

uivie

La

Cuisinière

e

l'Office,

Bourgeoise

ruxelles,

de

MENON,

rançois

feoise

oppens,

d.

1774,

dition

ac-similée

La

Cuisinière

ourgeoise

e

MENON,

postface

ar

A.

PEETERS, Paris,

Temps

Actuels,

981,

98

p.),

on ne

trouve

plus qu'une

vingtaine

e

plats

nommés

potages

,

et dans

le

recueil

de

recettes u

poète

Yuan

Mei

(YUAN

Mei,

Suiyuan

hidan,

Le

menu^

e

Suiyuan),

n

Suiyuan uanji,

Shanghai,

Wenming

huju,

1918),

la

même

époque,

12

recettes eulement

e

tang-geng-zhou

ont

données

ur

un

total

de

plus

de

300

recettes.

ette

tatistique ortant

ur la

Cuisinière

our-

geoise st certes n peu faussée ar le faitqu'uncertain ombre e plats,

comme es

civets

t les

ragoûts,

lassés

parmi

es

«

potages

au

Moyen

Age

ne

disparaissent

as

du

repertoire

ulinaire

rançais

u

XVIIIe

siècle,

mais

ne sont

plus

rangés

dans

cette

catégorie. ependant

e

changement

e

catégorie

st un

indice

upplémentaire

e la

profonde

utation

e

l'ensemble

«

potages

entre e

XIVe et le

XVIIIe et cetteévolution

raduit

ne

ten-

dance

qui

n'a

pas

connud'inversion.

60. Cf.

par

exemple,

Fourmenteedans

Le

Ménagier

e

Paris,

op.

cit.,

p.

246, Ung

gruyau

'orge

mondé

dans Le

Viandier e

Taillevent,

p.

cit.,

p.

101,

«

Miglio

on

brodo de carne dans

Maestro

MARTINO,

ibro

de

Arte

Coquinaria,

p.

cit.,

p.

139,

Ryse

of flesh dans

The

Forme

f Cury,

op.

cit.,

p.

5.

61. Cf.

les recettes

ntitulées Losens

(lasagnes

)

et

«

Macrows

(macaroni

)

dans

The

Forme

f

Cury,

p.

cit.,

p.

49

et

p.

92.

62.

En

Italie,

es

pâtes

sont des denrées

épandues,

ar

elles

figurent

parmi es alimentsourants,ités dans les nouvelles u XIVe siècle.A ce

propos

cf. G.

BOCCACIO, ecameron,

iornata

ttava,

Novella

erza,

Flo-

rence,

adea/Sansoni,

966,

.

667

Informations

ommuniquées

ar

Odile

Redon).

Dans les

livresde

cuisine,

n

relève

également

es

recettes

e

ravioli,

maccaroni

t

vermicelli,

f.

par exemple

Maestro

MARTINO,

ibro

de Arte

Coquinaria,

p.

cit.,

pp.

144-145.

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53

Tableau des

pâtes

PATES NON FARCIES

shuihua

qizi

fen

mian

mixin

izi

suanzi

fen

juemian

«

qizi

cœurde riz

choufen

jizhua

mian

quesheqizi

«

mian

pattes

e

poulet»

«

qizi langue

de

pianfenmoineau xi mian

«

mianfines

dingtou

izi

«

qizi

tête

de

clou

gua

mian

«

mian

suspendues

qianyan

izi

«

qizi

trou de

jingdai

mian

sapèque

«

mian ceintures

shanyao

mian

«

gnocchid'igname

miansi

«vermicelles»

tutumashi

shoupie

mian

maqi

=

shoucuo

mian

PATES FARCIES

hetun

fugu

hundun raviolis

zhijia

bianshi raviolis

nglés

Chez Hu

Sihui,

a

préparation

es céréales et la cuisson

des

pâtes

sont

étroitement

iées à

celle des

soupes

et des

potages.

En

effet,

e

riz

n'est

préparé

«

à sec

»

que

dans une

seule

recettecomme nous

le

disions

précédemment,

ans les autres

recettes,

t c'est le cas

de toutes

les

céréales

panie, orge,

etc.)

il

est

cuit dans une

soupe (tang)

ou en

bouillie

zhou

.

La moitié

des

recettes

du

recueil

de

«

Mets

précieux

et

extra-

ordinaires est

à

base d'une ou

plusieurs

céréales.

10 recettes sont

celles de

bouillons

auxquels

on

ajoute

une céréale selon la

quantité

ajoutée

ils seront

onsidérés omme des

potages

ou comme

des

bouil-

lies. Les autressontdes recettes e pâtes (15 en bouillon,10en sauce)

et

des recettes e

pâtisserie.

Les

pâtes

sont à base

de farine blanche

(froment

),

de farine

d'euryale

(Eury

ie

ferox

Salisb.),

de

farinede

soja,

de

farine

d'orge,

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54

de farine

de

riz

glutineux,

eules,

mélangées

entre elles

selon

des

proportions

récises,

ou avec d'autres

produits

comme

de

la

purée

d'igname

uite

ou du

sang

de mouton.

D'après

les nombreux

oms

qui

leur

sont

attribués,

l

existerait

ne

vingtaine

e

variétésde

pâtes

dont

les

différenciationsont fondées

sur

l'opposition

farci/non

arci,

sur

leur

composition

t

surtout ur

leur

forme.

Toutes ces

pâtes,

même

celles

qui

sont

farcies,

ònt cuites dans

de l'eau

ou

du bouillon.

Celles

qui

sont cuites

à la

vapeur portent

'autres noms et

sont classés

avec

les recettes e

«

pâtisserie

.

Il

est difficile

'imaginer

omment

taient

ces différentes

âtes

même

si leurs noms sont

parfois

très

imagéscomme e montre e tableau des pâtes.

Tout au

plus,

pouvons-nous

aire des

conjectures

ur

ce

qûe

sont

ces différentes

âtes

à

partir

de nos connaissances ctuelles.

Les

mian

semblent

tre,

pour

la

majorité

d'entre

lles,

cuisinéesen sauce

et non

en

potage,

et

fabriquées partir

de farineblanche

uniquement.

auf

pour

ce

que

nous avons

appelé

«

gnocchid'igname

par

analogie

aux

«

gnocchi

di

patate

»

italiens

fabriqués

de

manièresimilaire

n mélan-

geant

de

la

farine

de froment une

purée

de

tubercule

uite. Les

fen,

dans la fabrication

esquelles

entre

toujours

de la farinede

soja

sont

cuites

en

potage

et doivent

u fait

de

leur

composition

tre

égèrement

transparents. uantaux

*

qizi (63),sur lesquelsnous ne savonsrien endehors des

jolis

noms

qu'elles portent,

lles se

partagent

ntre ces

deux accommodements. otons

qu'au

contraire de

ce

qui

se

passe

dans la cuisine chinoise

actuelle,

a

catégorie

des

raviolis,

regroupant

toutes les sortes de

petits

pâtés

farcis,

quel que

soit

leur mode

de

cuisson

n'existe

pas.

Ceux

qui

nous intéressentci sont

les

bianshi,

es

hundun t les hetun

64),

tous

présentés

n

potage.

Les hetun

ffrent

a

particularité

'être d'abord

frits la

grande

friture

vant d'être

etés

dans le bouillon.

La

catégorie

des recettes e

pâtisserie

oncernedes raviolis

iaor

,

des

petits pains

(

mantou

,

des

petits pâtés

(

baozi

dour

anzi),

des

grandesgalettes u levain zhengbingcuits à la vapeuret des galettes

au lait

et

au beurre

(

haobing

dont

le

mode

de cuisson

n'est

pas

précisé,

mais

que

l'on fait

cuire,

l'heure ctuelle dans

un

fourou

sur

une

plaque.

Le

mode

de fabrication

es

enveloppes

t

des

pâtes

de ces

pâtisseries

est

plus

élaboré

que

celui des

précédents

le

plus

souvent farine

+

63.

N'ayant

u

trouvere caractère

ans aucun

dictionnaire,

ous avons

reconstruita

prononciation

qi

»

d'après

'élément

honétiqueu'il

contient.

64. Le nom

de

ces

raviolisest celui

d'un

poisson

( Fugu

ocellatus,

Osbeck).

ls devaient onc avoir me

forme

llongée

essemblant

raisem-

blablement celle d'unpoisson.

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55

eau)

puisque

des

éléments omme de la

graisse,

du

lait ou

du beurre,

figurent

armi

es

composants.

Et selon

que

l'on recherche

a finesse

et la

transparence,

'élasticité u encore e moelleux de

la

pâte,

on

a

recours

de la

farinede

soja

ou on

ajoute

de la

graisse

ou

un levain

à la farine e

froment.

Une telle

richessedans

l'élaboration t

la

variété

des

préparations

à base de

céréales et

particulièrement

partir

des

farines,

st à notre

avis le

signe

distinctif

e la

cuisine de Hu Sihui. Là aussi

une étude

diachronique partir

de

l'antiquité ermettrait

e voir si

Hu Sihui

se

démarque

de la

tradition u s'il contribue enrichir

'art culinaire

de son temps.

Le

«

Recueilde mets

précieux

t extraordinaires

,

malgré

on

enver-

gure

modeste u

sein de l'œuvre

de Hu

Sihui,

est

la

pierre

de touche

qui

révèle

sous

quels

atours

chinois

es modes

mongols

peuvent

être

travestis t

comment

e

mélange

ino-mongol,

n

s'adjoignant

uelques

façons

étrangères

réussit à

passer pour

la haute

cuisine extrême-

orientalede la findu

MoyenAge.

Car cette

grande

cuisine

repose

en

partie

sur des

présupposés

qui

semblent être

universels,

savoir,

l'estime

partagée

pour

ces valeurs marchandes

que

sont les

épices

les épices,dont le réseau d'échangeest un filetqui maintient n sacohésion des manifestationsulinaires

apparemment

ussi différentes

que

la cuisine

de

Taillevent,

maître-queue

u roi Charles

V

et celle de

Hu

Sihui,

diététicien fun

mpereur

es Yuan.

Les éditions u YINSHANZHENGYAO tilisées ource travail ont

-

Une

édition

hotolithographique

'une

édition

Ming

du Sibu

congkan

xubian,

hanghai

ommercial

ress.

934.

-

Une édition

dans

l'Encyclopédie

e

poche,

Renren

wenku,

WANG

Yunvvu

d., Taipei,

Taiwan,

hangwu

inshuguaninxing,

971,

78

p.

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56

Index

des

caractères

chinois

anzi

mixin

izi

awei

niu naizi

4

-A

4

Ba'erbu

f

pianfen

baozi

12*

po'erbitang

Ķ

bianshi

R'Ä.

qianyan

izi

bu

^

qizi

"á*

choufen queshiqizi^

dingtou

izi

rubing

dour

^

Sasu

fen

^

shanyao

mian

^

ÍŽ

furong

i

^

^

shaobing

geng

shoucuo

mian

guarnían

shoupie

mian 3-Jfcíi

hetun

shuihua

'fà

huihui

iaoyou

^

1

Shuoluotuoyin

MI«.®

hundun suanzifen3Î -6"J$0

Hu Sihui

S

S ft

suyou

ûftytè

jiaor

tang

jiaxiang

f

*

tutumashi

/u

jizhua

mian

ft

A

ífll

weilei

**&

jingdai

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Ä

^

^

ximian

alfe

juemian

tÙ-

xi xitian hafan

ming

$ v&

lao

xi weiwu'er hafan

%>

TLi

'fe.

liaowu

xue an cai

^

liaowuxingwei yanzhi

longnao

Yinshan

hengyao

î

mantou

yukuai

maqi

zaojiang

ļ

masidaji ang

b

&

%

%

zhengbing

mianÖl

zhi

vo

miansi

zhijia

bianshi

ŒL

9<-

mihanaqueliesun

^

'irt

Q

^

zhou

3Í5

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Massimo

MONTANARI

VALEURS, SYMBOLES,

MESSAGES

ALIMENTAIRES

DURANT

LE

HAUT

MOYEN AGE

Dans une sociétécomme

celle

du

Haut

Moyen

Age,

ù l alimentation

constitue

ffectivementn

problème,

réel souvent

(1),

psychologique

toujours

2),

la

première

«

valence

linguistique

de la nourriture

st

très

simple

et

immédiate,

e nature

économique

et sociale. Le

potens

mange

peut

manger)

plus

et

mieux

le

pauper

mange

(peut manger)

moins et

plus

mal

(3).

On

mange,

comme les textes de ce

temps

ne

manquent

as

de

le

souligner,

ecundum

ualitatem

personae

4).

Mais

qualitas est quelque chose de plus que la condition ociale c est la

condition

ociale

comme manifestation une

qualité

personnelle, ue

l idéologie

des

groupes

dominants ime

à

représenter

omme

intrin-

sèque

et immuable. a

praxis

tend lors à devenir

norme,

t le

compor-

tement

limentaire,

éterminé

ar

la

qualitas

personae

en devient n

même

temps

e révélateur. e

potensmangebeaucoup

celui

qui

mange

beaucoup

est

potens

A ce

stade

le

signe

se

codifie,

u

point

de se

transformern devoir social le

puissant

doit

mangerbeaucoup,

pour

faireconnaître

on

rang

(5).

«

L alimentation,

omme

l a

noté

Jacques

Le

Goff,

st

la

première

ccasion

pour

les couches

dominantesde la

société de manifester eur

supériorité

;

elles

adoptent,

vec le luxe

et l ostentation limentaires, n vrai et propre « comportement e

1. Ce n est

cependant as

une

raison,

mon

avis,

pour

accepter

es

images ragiquement

ombres

u on

peint

a

plupart

u

temps

ce

sujet.

Ces

images

apparentent

des lieux

communs,

urtout

uand

le

Haut

Moyen

Age

y

est

opposé

aux

périodes

ltérieures,

upposées

tort

plus

favoriséesu

point

e vue des conditionslimentaires.f. M.

MONTANARI,

L alimentazione

ontadina ell alto

Medioevo, aples 1979,

urtout

.

425

q.

2.

M.

ROUCHE,

La

faim

l époque

carolingienne

essai sur

quelques

types

de rations alimentaires

,

dans Revue

Historique,

CCL/2

(1973),

pp.

295-320.

3.

MONTANARI,

p.

cit.,

p.

457

sq. pour

le

binôme

potens

pauper

comme

pposition

ondamentale l intérieure la sociétédu Haut

Moyen

Age, f. K. BOSL, « Potens und « Pauper . Begriffsgeschichtlichetudien

zur

gesellschaftlichen

ifferenzierung

m frühenMittelalternd zum

«

Pau-

perismus

des

Hochmittelalters,

ans

Alteuropa

nd die moderne esell-

schaftFestschriftür

Otto

Brunner, öttingen,963, p.

106-134.

4.

MONTANARI,

p.

cit.,

p.

458.

5.

Ibid.,

p.

460

q.

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58

classe

»

(6).

Et celui

qui

ne

s adapte pas

à ce

langage

est

blâmé,

parce

qu il

risque

de

désorienter,

omme s il mettait

en

doute,

en

même

temps

que

le

signe,

a

réalité

que

le

signe

exprime.

C est

dans cette

logique que

s inscrit

anecdote

rapportéepar

Liutprand

de Crémone

dans

YAntapodosis

l évêque

de

Metz,

s apprêtant

n 888 à recevoir

Guy

de

Spolète

pour

e

couronner oi des

Francs,

ui

prépara

de

grands

honneurs t de

nombreux

mets

ayant ppris

ensuite

a

frugalité

e ses

mœurs

alimentaires,

l

lui

préféra

Eudes,

comte

de

Paris,

exprimant

sur

Guy

un

jugement

méprisant

«

il

n est

pas digne

de

régner

ur

nous,

celui

qui

se

contented un

vil

repas

de

quelques

sous

»

(7).

Le

faitde mangerbeaucoup est donc retenu comme signe distinctif u

mode de vie

des

puissants,

uivant

une

éthique

de

comportementui

paraît

caractériser

urtout e monde chrétien

ontinental,

ormé

sur

les

modèles de vie

propres

aux

aristocraties

germaniques.

e

même

Liutprand

ne

manque pas

de

compter

a

sobriété

au

nombre

des

faiblesses du Rex

Grecorum,

empereur

byzantin

Nicéphore

au

contraire e Rex FrancorumOtton

n est nullement obre

(

nunquam

parous)

et

Liutprand

xalte

sa

grandeur,

a force et son

courage

(8).

Le

pauper

de son

côté,

doit se contenter e

sa

propre

situation

sociale sans viser à

des

comportements

ropres

d un

rang

différent,

à commencer ar les comportementslimentaires. e moine Alcuin,illustrant es différentes anifestations u vice de la

gourmandise,

évoque

le

péché

de

qui

«

se

fait

préparer

es mets

plus

raffinés

ue

ne

l exige

a

qualité

de sa

personne

(9).

Il

existe aussi un

aspect qualitatif

de

la

question

le

potens

non

seulement

mange

doit

manger)beaucoup,

mais

il

mange

doit

manger)

surtoutde la viande. Il

est vrai

que,

pendant

e

Haut

Moyen Age,

a

consommation e viande ne

joue pas

encore

vraiment e rôle de

status-

symbol

u elle

assumera dans

les siècles à venir.

En

effet e

type

d éco-

nomie,

argement

asé sur

l élevage

et la

chasse en

même

temps que

sur

l agriculture,

ermet

un

approvisionnement

égulier

en

aliments

carnés à tousles niveaux ociaux (10).C estpourquoi e « signealimen-

taire de

la

distinction

ociale est de

nature

surtout

uantitative.

Mais

pour

es membres

e

l aristocratie

militaire,

onsommer

e la viande

ne

répondait

pas

seulement

un

besoin

de

subsistance.

C était aussi le

symbole

e la

force,

image

limentaire une

violence

ui

faisait

partie

de leur

culture,

a

manifestation

uotidienne

e

leurs

mœurs

t de leur

6. J.

LE

GOFF,

La

civilisation

e

l Occident

médiéval

Paris, 964,

.

439

voir

ussi

p.

292.

7.

Ltudprandi

pera

ed.

J.

Becker,

M.

G.H.

Script

r

s

rerumGermani-

carum

n usum

cholarum, anovre-Leipzig,915. .

18.

8. Ibid pp. 196-197c est un passagede la Relatiode legationeonstan

tinopolitana).

f. MONTANARI,

p. cit.,

pp.

462-463

et

pp.

460-461,

our

l épisode récédent).

pp.

*

9. ALCUINI Liber

de

virtutibust

vitiis, XVIII,

dans

MIGNE,

Patro-

logia

Latina.

CI,

c.

633.

10.

MONTANARI,

p. cit.,

p.

221

q.

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59

mentalité

11).

En

être

privés

tait

pour

eux

intolérable,

t on

comprend

bien

pourquoi

interdiction

e

manger

de

la viande

pouvait

apparaître

commeune

punition

rès

grave,

nstituée,

l époque

carolingienne,

our

des délits

tels

que

retardsou

refus du service militaire

12).

Au-delà

de

l aspect

trictement

unitif,nspiré

e

dispositions

nalogues

prévues

par

les

normes

cclésiastiques

ontre

ous

es

pécheurs

13),

abstinence

forcée e

viande devaitavoir

aussi,

pour

es

puissants,

ne valeur

sym-

bolique,

signe tangible

de

l exclusion

plus

ou moins

provisoire

de la

société des forts

14).

Car dans ce cas aussi la

praxis

s était trans-

formée n

norme,

habitude

limentaire

tait

devenueune

obligation

et le faitd y manquer,par nécessité ou par choix,se traduisaitau

niveau social.

L oppositionproposée par Liutprand

entre

le

roi des

Francs

et le roi des

Grecs,

citée

plus

haut

(15),

signale

entre

autres

«

vices

de ce dernier

on habitude

de

manger

il,

oignon

t

poireaux

entreautres

«

vertus du

premier,

e

fait

qu il

ne

mange pas

de ces

produits

qui,

évidemment,

xprimaient

autres

valeurs,

étrangères

l éthique ristocratique.

Il

existait

n

effet

ans la

société

du

temps

un

autre

modèle,

otale-

ment

différent,

e

comportement

limentaire.

était celui

proposé

par

la culture

monastique,

ur une échelle de

valeur

complètement

nver-

sée (16). Si l éthique aristocratique dmettaitcomme signe d auto-identificationociale le fait de

manger beaucoup

et surtout de la

viande,

a

propositionmonastique

tait de

trouver e

signe

de

distinc-

tion et de force non

pas

physique,

mais

spirituelle

dans le fait

de

manger

peu,

de macérer

son

corps

par

le

jeûne,

de s abstenirde

viande. La

casuistique

des

prescriptions

t des

exclusions

pensées

avant tout

pour

les

membres des

communautés

monastiques

mais

proposées

l ensemblede la société

comme modèle

-

était en réalité

extrêmementariée de

toutes

façons

l

s agissait

d un

code de

compor-

tement

limentaire

ui

assurait

ui

aussi

l identificationu

groupe,

n

plus

d un

espoir

de

récompense

éleste.

Accepter

omme

norme

de vie

la continencealimentaire,refuser,totalementou partiellement,a

consommation

e

viande

pour

adopter

une

alimentation

endantielle-

ment

végétarienne,

ela

signifiait

efuser e

monde,

hoisir un

modèle

de

vie

pacifique,

uidé

par

les

valeurs de

l esprit

plutôt que

du

corps.

11.

bid.

pp.

261

q.,

461-464.

12.

Capitulare

ononiense

a.

811),

n

CapitulariaRegum

Francorum,

I

(

M.G.H

Leges, ,

ed. A.

Boretius-V.

rause),Hannovre, 883,

.

74, p.

166.

13.Voir sur ce thème

M.G.

MUZZARELLI,

Norme i

comportamento

alimentare ei libri

penitenziali

,

dans

Quaderni

Medievali,

3

(1982),

pp.

45-80.

14.En

effet

obligation

e s abstenir

e viande

llait

souvent vec celle

de déposer es armes cf.MONTANARI,p. cit., p. 462 à proposde lapénitence

mposée

n 999à Ardouin Ivrée

pour

avoir

dirigé

es assassins

de

l évêque

de

Verceil).

15.

Cf. ci-dessus,

ote 8 et

contexte.

16.

MONTANARI,

p.

cit.,

p.

464

sq.

(mais

je

viens

de

lancer une

recherche

pécifique

ur

ce

thème).

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60

Que

la

pratique

du

jeûne

et de

l abstinence

it été souvent

trans-

gressée,

u

bénéfice

d un

comportement

limentaire

ien

plus proche

de

l éthique

aristocratique que

des

règles

monastiques,

voilà

une

contradiction

ui

s explique

non

pas

tellement

n termes

de faiblesse

ou

d indignité

personnelle

qu en

signe

d intégration

conomique

et

politique

du

corps

ecclésiastique

à

son

niveau le

plus

haut)

dans

les

rangs

de

l aristocratie,

n

pleine

adhésion avec ses codes

de

compor-

tement

17).

C est

pourquoi

la valence

sociale

du

signe

alimentaire

peut

aller

jusqu à

infléchir

paradoxalement

même

l image symbolique

du

« repas spirituel , opposé comme vraievaleur à la misèredu « repas

terrestre. Ainsi

un texte

hagiographique

u VHP

siècle,

la Vita du

moine

Appien,

écrivant

œuvre aintede

diffusion

e

la

parole

de

Dieu,

précise

dans un

crescendo

ignificatif qu elle

se limita restaurer

(recreare)

les

pauperes,

tandis

qu elle

rassasia

pleinement pleniter

refecit)

es mediocres

quant

aux

divites et

pauperes

elle

les

combla

de

banquets

pirituels spiritualis pulis

saturavit) 18).

Le même

contexte ulturel

monastique

nous

permet

d éclairer

d autres valences

sémantiques

de la

nourriture. lle

peut

signifier

l opposition

du

quotidien

et

de la

fête,

que

l on

rencontre

ailleurs,

sous des acceptionsdifférentes,tous es niveaux ulturels e la sociétédu

temps.

La

Règle

du Maître

par exemple

prévoit

des distributions

supplémentaires

e nourriture

our

les

jours

de

fête,

marqués

aussi

par

la

consommation aliments

ucrés

(19).

La

règle

de saint

Benoît

tend

plutôt

à relier

alimentation

u

travail,

prescrivant

augmenter

les

rations

de ceux

qui

se

consacrent

ux

travaux

des

champs

comme

il

arrivait

ncore

dans le

monachisme

rimitif)

20).

Mais le

«

sens

»

de la

nourriture

e

s arrête

pas

à sa

capacité

de

représentation

t communication.

u-delà es

valences

éthiques

t com-

portementales,

lle

tend

à se

charger

de

significationslus

proprement

symboliques,

ans

un

processus

d élaboration

onceptuelle

avorisé

ar

la propension e la culturereligieuse e ce tempsà interpréterymbo-

liquement

a

réalité

terrestre,

la

comprendre

omme

me

image

(au

sens

presque ontologique)

de

l unique

réalité

réelle,

celle de

l esprit.

L indication

de Raban

Maur,

suivant

laquelle

les

légumes

«

peuvent

signifier

a

continence,

pposée

à la

luxure,

et la

mortification u

17. bid.

pp.

466-467.

18.Vita

Apiani apiensis,

ans

Acta

Sanctorum, artu,

,

p.

319.

19.

Regula

MagistřiXXVI,

11-12

edition

A. De

Vogiie,

La

Regle

du

Maître

Paris,1964).

20.RegulaBenedicti, XXIX,6 (éditionA. De Vogíié,J. Neufville,a

Règle

de

Saint

Benoît, -II,

Paris,

1972).

ur

les

différencesntre

es

deux

règles

propos

du

régime

limentaire,

oir A. DE

VOGÜE,

«

Travail

et

alimentation

ans les

règles

de saint

Benoît t du Maître

,

dans Revue

Bénédictine,

XXIV

1964), p.

242-251

cf.

e commentaireu

même uteur

à

La

Règle

de Saint

Benoît, p. cit.,

VI,

p.

1133.

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62

du

milieu ulturel t cultuelchrétien.

e

repas

rituelde viandes

consa-

crées aux

divinités

paraît

un moment essentiel

de

la vie

religieuse

païenne,

énoncé t combattu

ar

les

autorités

cclésiastiques.

es

Lom-

bards,

avant leur conversion à la nouvelle

foi,

consommaient

es

carnes immolaticias

25).

De

même les

Saxons,

et la

persécution

eli-

gieuse

fut,

ustement

contre

eux,

un des

objectifs

majeurs

de la

politique

expansionniste

de

Charlemagne.

e

capitulaire

de

partibus

Saxoniae,

promulgué

dans

les dernières

décennies

du

VIII*

siècle,

condamne

a

coutume

païenne

de

manger

des

aliments

ad honorem

daemonum

26),

et

institue

a

peine

de mort contre

ceux

qui

refuse-

raient e jeûne quadragésimal t mangeraient e la viande au mépris

du christianisme

pro despectu

christianitatis

27).

C est donc

tout à

fait

onsciemment

ue

le

comportement

limentaire st

ressenti

omme

«

signe

d une

identité

eligieuse,

omme

instrument

our

manifester

et

communiquer acceptation

u le refus

de cette dentité.

Le

comportement

limentaire

peut

aussi

exprimer

une identité

nationale

ou

ethnique,

de

signe

positif

orgueil

d en

être)

ou

négatif

(mépris

nvers

qui

en

est),

s entrecroisant

vec les sens ci-dessus

tu-

diés.

On retrouve

éthique

du

manger-beaucoup

n tant

que signe

de

noblesseet de force

physique,

mais renforcée

une

acception

thnique,

dans la louangefaite aux Francs d êtrede grands mangeurs d êtredonc un

peuple

noble et fort.

L évêque

de Metz

prépara

pour Guy

de

Spolète

«

de nombreux

mets,

suivant

usage

des Francs

,

écrit

liut-

prand

dans

le récit

déjà

cité

(28).

Et nous avons

déjà

dit

que

le roi

des Francs est

orgueilleusement

éfini

nunquam

parcus

(29).

De son

côté le

biographe

d Odon,

abbé de

Cluny,

quand

il

parle

du

régime

frugal

adopté par

le

pieux

personnage

depuis

son

enfance,

ne

peut

s empêcher

e relever ombien était contra naturamFrancorum

30).

Nous trouvons un

exemple

contraire,

de

mépris

de

la nationalité

d autrui,

ans le

dégoût

manifesté

ar

Sidoine

Apollinaire

our

l odeur

d ail et

d oignon

xhalée

par

ses hôtes

burgondes

31).

Jusqu ici ai cherché mettre n lumière a fonction e la nourri-

ture et

du

comportement

limentaire

omme

expression

d une identité

personnelle

u

de

groupe.

Je voudais

maintenantmontrer l aide

de

quelques exemples,

eur

usage

en tant

qu instruments

e

représen-

tation des

rapports

entre

es

personnes,

es

groupes,

es institutions.

Une

première xpression

e la hiérarchie ociale est

la

place

à

table,

déterminée

n

fonction

e

l importance

es

personnes

t

de

leurs

rap-

25.

Cf. épisode

aconté

ar Grégoire

e Grand ans es

Dialogues,

II,

27

(éd.

A.

Moricca, ome, 924, p. 198-199).

26.

Capitulado

e

partibus

axoniae

21,

dans

Capitularia

egum

ran-

corum. . ov. cit..

n.

26. p.

69.

27. bid..4 (p. 68).28.

Cf.ci-dessus,

ote t contexte.

29.

Cf.

ci-dessus,

ote t

contexte.

30.

OHANNIS

TALICI

Vita Sancii

Odonis,

dans

MIGNE,

Patrologia

Latina

CXXXIII,

c.

51.

31.

MONTANARI,

p.

Cit.t .

463.

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63

ports

réciproques.

e

degré

de

pouvoir

de chacun

est

signifié

ar

sa

place, plus

ou

moins

proche

de celle du

chef,

uivant

un rituel

plus

ou

moinsformalisé. la table

de

l empereur yzantin,

attribution

es

places

était

particulièrement

igoureuse,

omme nous

l explique

Liut-

prand,

mbassadeurd Otton er

rès

du

roi des

Grecs,

fort

rrité

d avoir

été

relégué

la

quinzième

lace

(32).

La mauvaise

humeur

de

Liutprand

prouve

d ailleurs

u en

Occident ussi le rituel

de table

était considéré

fortement

ignificatif.

lus informel

mais

non moins

révélateur

est

l usage

lombard

rapportépar

Paul

Diacre,

suivant

equel

le fils

du roi

ne

pouvait

s installer

la

table

de

son

père qu après

avoir

pris

les

armes à l ennemi 33). Alorsseulement,yantmontré a forceet son

courage,

l

pouvait

asseoir à la table des chefs.

Même

dans la société

monastique, ui pourtant

ne

prévoit

pas

de

hiérarchies

ormelles ntre ses

membres,

es

places

à

table sont

attri-

buées en fonction e

l autorité

ici

morale et

spirituelle)

de

chacun,

commenous le savons

d après

a

Règle

de saint Benoît

34)

et

d autres

textesnormatifs.

abbé,

qui

est maior a sa

table,

distinctede

celle

des

frères,

laquelle

il

peut

occasionnellement

nviter es

plus

anciens

et accueillir es hôtes et les

pèlerins

35).

Dans tous

les cas

le

lieu

physique

de la

tabre

représente

parfaitement

es

rapports

entre

les

personnes. t si la tableexprime a communauté t les rapports ntreses membres, exclusionde la table est le

signe

de l exclusionde la

communauté,

e

la dissolution e tout

type

de

rapport.

Pour

le moine

qui

s est souillé

d une

faute,

a

première

orme

ď

«

excommunication

(exclusion

de la

communauté)

st celle de la table

manger

dans

la

solitude

st le

signe

de sa fauteet l instrument

e

son

expiation.

Et

il

doit,

précise

Benoît

dans sa

Règle,

tre

pleinement

onscient

e la

valeur

et du

sens

de cette exclusion

autrement l

vaut

mieux recourir

une

autreforme

e

punition.

La solitude à

table comme

signe

d exclusion sociale

et

comme

instrument

expiation

est

pas propre

la

culture

monastique

c est

une donnéegénéralede la culturemonastique c est une donnéegéné-

rale de la culture

du

temps,

d ailleurs

fortement

énétrée

surtout

depuis époque carolingienne

de

traits

relevantdu milieu

ecclésias-

tique,

t

marquée par

son influence. ême

pour

les

laïcs,

l excommuni-

cation

mplique

olitude

et exclusionde la table de

leur

propre

com-

munauté. t

personne

ne

peut

manger

vec un

excommunié,

ous

peine

d être

frappé

de

la même

punition.

est ce

qui

arriva au roi

d Angle-

terre,

rappé

de

la

censure

ecclésiastique

pour

avoir

mangé

avec deux

32.

Liudprandi pera

cité,

p.

181 Relatio de

legaîione

onst

ntinopo-

litana.XI).

33.Quipatri npericulo,ta et in convivioornes sset PAULIHistoria

Langobardorum,

, 23 (éd. L. Bethmann-G.aitz,M.G.H. Scriptr s rerum

Germanicarum

n usum

cholarum, anovre,

878,

.

70).

34.

Regula

enedicti

itee,

XIII,

18.

35.

bid

LVI.

36.

bid.,

XXIV.

3-7;

XXV,

5;

XXX;

XLIV,

1.

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64

nobles de

son

palais

excommunié

ar l évêque.

La

faute était

grave

puisque,

malgré

sa

volontéde

pénitence,

l

ne

put

être

absout Odon

de

Clunyrapporte

et

épisode pour

montrer

ue

l obéissance

des

puis-

sants laïcs à la hiérarchie

cclésiastique

st une stricte

nécessité

37).

Je voudrais

enfin

nvisager

a valeur

symbolique

t

représentative

des

offrandes

e nourriture

38)

qui

peuvent

dvenir uivantdes

moda-

lités

variées,

n des directions

haque

fois

différentes,

vec des

signi-

fications

pposées.

En

sens

pour

ainsi

dire

horizontal,

ffrir

manger

signifie

olidarité,

ignifie

nviter

uelqu un

à

faire

partie

de sa

propre

comrtnmauté,

e

son

propre

groupe.

Tel

est le

signe

de l offrande

e

nourriturerévuedans les règlesmonastiques n faveurdes hôtes et

des

pèlerins, ui

sont de cette manière

ntégrés

même si

ce n est

que

provisoirement

à la

communauté es frères

39).

Mais

l offrande

e

nourriture

eut

avoir lieu aussi en sens

vertical,

de haut

en

bas

ou vice-versa. e

premier

as est celui

du

potens

qui

distribue

manger

pour

manifester a

richesse,

a

force,

on

pouvoir.

L image

a

plus

élémentaire

ue

nous

puissionsproposer

ce

sujet

est

celler

rès

ancienne,

u

chef

qui

partage

e butin de

guerre

ntre ses

fidèles

mais la fonction u

«

donner

,

comme

nécessaire

contrepartie

du

«prendre»

(Georges Duby

a

écrit sur

ce thème de très

belles

pages) (40),est une constantede la sociétédu Haut MoyenAge,où la

rapine

a un rôle

politique

et

économique

essentiel. l suffit e

penser

à la

fonction

e

redistribution es

entreprises

omaniales

(41),

le

grenier

du

seigneur,

entre de

perception

des

redevances

et

tributs,

pouvait

aussi,

en

cas

de

nécessité,

fournir

de

quoi

subsister

à

une

communauté

e

paysans

que

le

seigneur

n avait aucun intérêt

voir

mourir e

faim,

puisqu ils

ui

appartenaient.

-

Dans un

type

différent

ôffrandes

limentaires,

oujours

en direc-

tion

verticale u haut vers e

bas,

signalons

es

dispositions

en

général

testamentaires

en

faveur

des

pauper

s

(42).

Nourrir

un certain

nombre de

«

pauvres

pendant

un

certain nombre de

jours par

an,

les chiffrestantfixés n fonction es capacitésfinancières t du degré

de

puissance

de

chacun,

était un

moyen

normal,

pendant

le Haut

MoyenAge,

de

garantir

e

salut

de

son âme et de l âme de ses

proches.

Dans de

telles

offrandes

aspect

économique,

assistance,

vait en réa-

37.

Voir

épisode

dans

LAMMA,

p.

cit.,

p.

105.Odon

le raconte

ans

les

Collationes,,

24

(Patrologia atina,CXXaIII,

cc.

535-536).

38. Sur

l importance

ymbolique

t

représentative

u

don

dans

les

sociétés

rimitives,

f.

M.D.

SAHLINS,

«

La

sociologia

ello

scambio

rimi-

tivo

,

dans

L antropologia

conomica,

d. E.

Grendi,

urin, 972,

p.

99-146,

aux

pp.

130-133.

39.

Cf., ar exemple, egula

Benedicti

itée,

UI.

40. G. DUBY,Guerrierst paysans.Premier ssor de l économie uro-

péenneParis,1973,

II.l

:

Prendre, onner,

onsacrer.

41.Voir sur ce

thème,

our

l Italie,

B.

ANDREOLLI-M.

ONTANARI,

L azienda

curtense n Italia.

Proprietà

ella terra lavoro contadino ei

secoli

VIII-XI,Bologne,

983.

f.

MONTANARI,

p.

cit.,

pp.

81-82.

42.

bid., pp.

453-456.

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65

lité

un rôle

tout à fait secondaire

l aspect

rituel

était

au contraire

prédominant,

t renforcé

ar

la

symbolique

des nombres

les

«pau-

vres à nourrir

taient de

préférence

ouze,

comme

les

apôtres).

Un

rite où les

pauvres,

out

compte

fait,

n étaient

guère pris

en

considé-

ration;

ils

n étaient

ue

des

instruments,

ermettant

d autres,

plus

ou moins

puissants,

d acheter

a

vie éternelle

par

un

acte formelde

charité

43).

Si l on inverse a direction

ociale du

parcours,

offrande

e

nour-

riture

peut

être

faite du bas vers le

haut,

destinée cette fois à sanc-

tionner

t

signifier

ne situation

d infériorité. e

pense

aux

«

dons

»

(poulets,œufs,fouaces) que, par contrat, es paysans étaient tenus

d offriru

propriétaire

e la terre

qu ils

travaillaient. ons forcés

qui

signalaient

ils

étaient

parfois

appelés

signa

la

prééminence

ociale

et

économique

du

propriétaire

ur le colon

(44).

Il

existait

d autrescas

de dons

forcés,

ous formede

nourriture u

d hospitalité

ratuite,

us

à titrenon

plus

foncier

mais

territorial,

est-à-dire

olitique

nourrir

et

loger {albergare)

e roi et ses fonctionnaires

u,

plus

souvent,

es

puissants

qui

exerçaient

es

fonctions

ubliques

au niveau local

(45).

Bien

évidemment

offrande e nourriture

prend

une autre valeur

sémantique

vec le renversement

u rôle social des

parties

oncernées

d acte gracieux lle tend à se transformern acte dû, de concessionen contrainte.elle est encore a fonction e l offrande

uand

le

rapport

de

dépendance

e

pose

non

plus

entre

particuliers

mais entre nstitu-

tions.

Il arrive souvent

par

exemple qu un

organisme ecclésiastique

dépendant

un autre soit tenu

de

manifester t

représenter

ne

telle

situation

de manière

quasi

théâtrale,

moyennant

offrande un

repas

aux membres

de l institution ominante.

On

comprend

a très forte

valeur

symbolique

e telles redevances n constatant

importance ui

leur est attribuéedans

les controverses e nature

juridique

où les

préoccupations

e

type

proprement

conomique

paraissent

avoir

un

rôle décidément

econdaire.

l

suffit e

rappelerpar

exemple

e

procès

qui se déroula en 785 à Lucques entrel évêque Giovanni, ui reven-

diquait

au nom

de

l évêché a

possession

de

l église

Saint-Pierre,

t

le

prêtreAlpulo,

ui prétendait

enircette même

église

de son

héritage

personnel.

Or,

pour

démontrer

ue

cette

église dépendait

de

l évêché,

l avocat

de

l évêque

invoqua l argument

uivant le

recteurde Saint-

Pierre

avait

chaque

année

préparé

un

repas pour

le

défunt

évêque

43. Sur la

fonction

es

pauperes

omme

nstrumente

salut,

f.

J.

LE

GOFF.

«

Les

paysans

t

le monde uraldans la littératureu

Haut

Moyen

Age Ve-

Ie

siècles)

,

dans

Agricoltura

mondo urale n

Occidente

ell alto

Medioevo, poleto,

966,

p.

723-741,

la

p.

737.

Settimane

i studio

del

Centro

taliano

i studi

ull alto

medioevo, 3.)

44.MONTANARI,p.cit., p.250-251ANDREOLLI-MONTN RI op.cit.,

pp. 18,

93.

45.

Le

problème

es

redevancest des

charges

es ruraux u

moment

du

passage

de la

seigneurie

oncière la

seigneurie

anale

a été

bien

posé

par

M.

BLOCH,

Les

caractères

riginaux

e l histoire urale

française,

Paris,

1952,

II,

2.

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66

Peredeo comme

étaient

traditionnellementenues de

le

faire les

églises

dépendant

de la

cathédraleSaint-Martin.

lpulo rétorqua

qu il

avait

en

effet

ffert

e

repas,

mais c était de son

propre

gré

et non

pas

par

devoir

46).

Ce

qui

se débattait à

était donc la valeur

sémantique

du

repas,

à savoir

qu il signifiait

épendance

u

autonomie,

ontrainte

ou

générosité.

Des

exemples

de ce

genre,

ortnombreux ans la documentation u

Haut

Moyen Age

(47),

confirment

image

d une société

qui

attribuait

à la

nourriture

t aux

comportements

limentaires ne forte

charge

émotive

48)

et communicative.

l est

évident ussi

que

la nature

du

symbole t du messagese définissait e manièrefortdifférenteuivant

les

circonstances,

n

fonctiondes

rapports

de

pouvoir

effectifs,

es

rapports

ociaux et

économiques,

des attitudesmentales

et des idéo-

logies.

Utilisésdans

un

code

linguistique,

a nourriture t l acte alimen-

taire n étaient

ue

dans certainscas

pris

en

compte pour

leur

nature

spécifique

d autres fois ils n étaient

u un simple

instrument estiné

à

exprimer

es contenus

ui

leur étaienten soi

étrangers.

Un

«

système

de communication

,

c est ainsi

que

Roland

Barthes

définit

e

comportement,

ans son célèbreessai sur

la

psycho-sociologie

de

l alimentation

ontemporaine

49),

un

système

où bien souvent

a

« circonstance prend le pas sur la « substance , et où la fonctionsociale de l aliment

épasse

sa valeurnutritive

50).

La sociétédu Haut

Moyen

Age,

fortement

marquée

par

le

problème

de la survivance

quotidienne,

vait avec la nourriture n

rapport

certainement

lus

immédiat t

viscéral. Cela

n empêchaitpas

le fait

alimentaire

de se

charger

e

significations

ociales,

symboliques,

eprésentatives,

ommu-

nicatives.

On

peut

même

penser

que

cela favorisait ette

surcharge

e

sens. Dès

lors,

bien loin de rester iée à la

simple

réalité

biologique,

a

nourriture

raiment

arlait

46.

placiti

del

«

Regnum

taliae

,

éd.

C.

Manaresi,,

Rome, 955,

.

6,

pp.

14-18.

47.

Mais

pas

exclusivement

dans les

siècles uivants

ussi,

obligation

d offrir

es

repas

est

un

des

moyens

ui permet

e détermineres

rapports

entre

es

personnes

t

les institutions.ar

exemple,

offrande

un

repas

est

longuement

iscutée

ans la controverse

ui,

à la

fin

du

XIIe

siècle,

oppose

l évêque

d Imola aux

chanoinesde

la

cathédrale

Chartularium

Imolense,

d. S.

Gaddoni

G.

Zaccherini,,

Imola,1912,

n. 451-453

a. 1197),

pp. 546-584.

48.

Cettebelle

expression

st

de W.

KULA,

Problemi metodi

i storia

economica, ilan, 972, .

250.

49. R.

BARTHES,

Pour

une

psycho-sociologie

e

l alimentationontem-

poraine ,

dans

Annales

.S.C.,

Xvl

(1961), p. 977-986,

la

p.

979.

50.

bid.,

p.

986.

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Danielle

RÉGNIER-BOHLER

EXIL

ET

RETOUR

:

LA NOURRITURE DES

ORIGINES

*

L'abondance

des

banquets

et

des

fêtes

dans les

fictions

médiévales

de

la findu XIIe au

XVe

siècle

évoque

un universheureux ù

la cohé-

sion du

groupe

rassemblé se consolide dans

le

déploiement

du

luxe

et la

joie

collective,

mais si les

esthétiquesconjointes

de

la saveur

attendue t

du

regard

émerveillé e

glissent

dans

l'ellipse

bien connue

de la

cour

arthurienne ù

l'hyperbole

uggère

un flux

népuisable

de

mets,

de

dons

et de

parures,

lles s'offrent

'autres

fois,

à la

manière

d'unepiècesoigneusement ontée, ans des scènes minutieusesomme

les fêtes

champêtres

e Guillaume

de Dole où

une

société

de

grands

seigneurs

et de

grandes

dames s'ébat

dans une nature délicieuse

qui

prodigue

es

bienfaits,

oisonnement es fleurs

leues et

blanches,

fromage

rémeuxde

la

vallée

de Clermont t vin clair de

la Moselle...

Mais

la

transparence

es

utopies

alimentaires e doit

pas

faireoublier

d'autres

tables,

plus symboliques,

ans la

Quête

du Saint Graal

par

exemple

ù les

chevaliers,

éjà

comblés

par

le Graal

qui

fait

apparaître

devant hacun

«

les mets

qu'il

désire

,

progressentfuyant

ces nour-

ritures

trop

riches

qui

incitent

'homme

à

la luxure et

au

péché

mortel -vers des nourritures

célestielles

,

usqu'à

«

la nourriture

a

plus sainte, a plus exquise» qui apporte « toutes es douceurs nima-

ginables

(1).

D'autres

nourrituresont ombrées

d'un

symbolisme

lus

inquiétant

ainsi

lorsque

la

métaphore

ourtoise du cœur dérobé

et

captif

vient 'offrir

ur un

plat pour

devenir

«

oœur

mangé

,

il

s'ajou-

tera dans le

Lai

d'Ignauré que

l'on dit

parodique,

des attributs

plus

précisément

iés à

l'érotisme,

u

lorsqu'unethérapie nthropophagique

permet

u

lépreux,

n vue d'une

guérison,

e boire le

sang

de

jeunes

enfants

2),

ou enfin

orsque,

dans

un contexte

xplicitement

ransgressif

*

(Les

notesrenvoientux

traductionses

textes

orsqu'elles

xistent

sinon

elles renvoient

l'édition

n

langueancienne,

ont

le

fragmentgénéralementté traduite

1. La

Quête

du Saint Graal

trad. Emmanuèle

AUMGARTNER,

aris,

Champion

979,

.

153 t 239.

2.

Dans

1

Histoire

'Olivier e

Castille

t

Artus

d'Algarbe,

Ve

s.,

qui

reprend,

n la

modifiantn

profondeur,

'histoire

'Ami

t

Amile le

sang

y

est

conseillé

omme

otion

texte

nédit).

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68

-

en

écho au sombre

repas

de Chronos

-

le roi

Terée dans Philo-

mèle

(3)

paie tragiquement

e viol de sa belle-sœur

u'il

a vouée à

l'éternel

ilence

en lui

coupant

la

langue

festins annibales

qui

rap-

pellent

juste

titre

ue

l'acte de

manger

st

tout sauf

univoque

t

qu'il

peut,

ous

l'apparente

nnocence

du

contingent,

ervir

désigner

nter-

dits

et situations e conflit.

Vœux de

satiété,

épitomé

d'une

utopique

sociabilité,

tape

ultime

d'une

quête spirituelle

t

transmutation,

onction e vie ou

de

mort,

châtiment

ui

renvoie

'être

à lui-même n lui

rappelantqu'une

jouis-

sance interdite

peut

être

punie

d'une dévoration de soi

:

l'acte

de

manger t de boire nous montre ue les valeurs, es idéaux, es normes

et les

projections

antasmatiques

e

l'institution

ollective

peuvent

'y

faire

entendre.Veut-on

nalyser

dans les fictionsmédiévales

-

en

acceptant

e

risque

d'une

trop rapide esquisse

-

la valeur

symbolique

de la

nourriture t

envisager,

u

point

de vue

culturel,

es

différences

dans le

genre

de

nourritureelon

l'espace

investi

par

l'individu ans et

avec le

groupe,

eut-on

égager

quelle

représentation

e

l'organisation

collective era donnée à travers a

lecture des

pratiques

alimentaires

-

substance

partagée

avec autrui

ou consommation olitaire

-

on

sera

frappépar

la

récurrence

ans les fictionsmédiévalesde la

place

de la nourriture ans certainsrécitsoù#récisément,e gested'appro-

priation

du

pain,

du vin et de la viande devient

épreuve

et test au

social

l'aliment,

uquel

on

peut

reconnaîtreci aussi

quelque charge

symbolique,

ert à mesurer a

cohésion du

groupe

comme

signe

d'une

exclusion suivie d'une

réintégration,

ù le

régime

alimentaire

nfin,

dans des situations ontraintes

'exil,

ainsi

que

les bonnes

manières

qui jalonnent

souvent

e retour u

collectif

ervent,

omme

le disait

Claude

Lévi-Strauss,

«

étalons

de mesure

(4).

Je

souhaite

donc

examiner

ujourd'hui

e

fonctionnementu code

alimentaire,

modeste

dans

ses

composantes, ui

s'attache aux

situationsd'exclusion

de la

collectivité ù le héros sera

contraint

d'inventer a nourriture

t

je

voudraissuivre 'itinéraire e son goûtet de ses appétences travers

l'inventivité

riginelle,

ui

ne

manquera pas

d'évoquer

'histoire

d'une

humanité

rimitive,usqu'au

moment ù les

avatars de la fiction ont

le ramener

parmi

ses semblables.

Exil

et retour

plutôt

que

de

céder

aux

charmesvisuels et

sapides

de la

gastronomie

es

banquets

et au

goût

d'une

archéologie

des

représentations

topiques

-

qui

reste,

me

semble-t-il,

ncore à faire

-

,

je

m'engage

ur

le sentier ustère

de

la

nourrituredu

solitaire

qui

semble la

représentation

igurative

de

l'exclusion.

Le

rapport

e

plus

intime au

corps,

en

parallèle

avec

la

3.

Philomène

ou

Philomèle)

dition h. DE

BOER,

Paris 1909

dans

ce

récit ttribué

Ch. de

Troyes,

'enfant ubit

a totalité es

apprêts

uli-

naires,

e rôti t

le bouilli

seule a tête

restera

our

être

ancée,

anguino-

lente,

u

visage

du

père

abusé...

4.

Cl.

LEVI-STRAUSS,

'origine

es manières e

table,

.

421,

aris

1973.

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69

nudité

dont,

dans

les mêmes

situations

d'exil,

e

corps

est

affecté

5),

concerne

n effet

e

rapport

de

l'individu

u

groupe,

dans

la mesureoù

l'invention

'un

code alimentaire

ermet,

utre

la

survie,

d'accéder

à

la découverte

ou

à la

redécouverte)

u

code

collectif,

des

aliments

nouveaux,

des

préparations

différentes t

surtout à des

«

conte-

nances

qu'il

faudra

respecter.

Etre

nu,

avoir

faim,

nventer

our

survivre

a

nourriture ce

noyau

minimal

qui

ne

devait

pas

sembler ellement

antasmatique

l'homme

des

réalités

médiévales,

ût-il

rivilégié

omme

destinataire

es récits

)

du

rapport

u

corps

est

parallèlement

ussi une

privation

de Vautre

S'absenterde la collectivité eut impliquerun oubli du code alimen-

taire

(une

forme de

régression)

ou

une totale méconnaissance

du

code,

le

temps

du

récit étant

alors

fait d'un recouvrement u

de

l'apprentissage

u code

par

l'individu

emporairement

xilé.

Aussi

le

corpus

des textes

relevant e cette

problématique

era-t-il elativement

large

on

pourrait

aisément considérer

que

les histoires

de

loups

garous

sont es formes

es

plus

schématiques

es destins

d'exil et

four-

nissent,

ar l'apparition

nstantanéede

la

gueule

redoutable

et

l'on

sait

à

quel point

es siècles

ont été fécondsen

créations

maginaires

de

monstres

dévorants...)

'emblème de

la

sauvagerie

à

laquelle

les

héros des autres récitsserontprovisoirementffectés pour le garou,le retour la « semblance humaine se fera

par

des

gestes d'appro-

priation

du

pain

et

du vin

qui posséderont uelques

traits

d'une heu-

reuse transmutation. e traiterai urtout des histoires

d'enfants

au-

vages

comme Valentin t Orson et Tristande

Nanteuil,

nés en

marge

de la société et vivant selon les lois

de

la

forêt,

t des histoires

de

traumatisés

t ď

amnésiques,

comme Yvain

et

le héros du Dit du

Lévrier

ui

recouvrent

a

mémoire.Dans tous ces

cas,

à

l'espace

nou-

veau òù

se trouve

éjecté

l'individudont le

comportement

e modifie

dans le sens d'une

gestualité

haotique,

est

liée une nourriture

ou-

velle

qui

le fait basculer

vers un monde in-humain

no man's

land,

forêt, le déserte,bref un espace carcéral où il faudra apprendreà

manger.

A

l'espace

des

origines,

ne nourriture es

origines.

L'invention

de

la nourriture

La

nourriture e l'exil est une

nourriture

ue

l'on

«

trouve dans

un

espace

que

l'on

apprend

à

occuper.

Condamné la

forêt,

e

grand

seigneur

mi

d'Arthur,

Mélion

le

garou

s'élance,

dévorant tout

cru

le

morceau

du

cerf

qu'il

vient

d'abattre,

l

vivra désormais de

la

nourriture es

loups.

Comparables,

es récits

d'amnésiques

font

appel

5.

Cf.mon

rticle ans

Europe,

ctobre

983 Le

Moyen

ge,

maintenant

«

Le

corps

mis

à nu

perception

t

fonction

ymbolique

e la

nudité

dans

les narrations

édiévales.

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70

à des

ensembles

émantiques

xtrêmementtables

privés

de

raison et

de

mémoire,

n

proie

à la

folie,

Yvain

et le héros du

Lévriererrent

dans

l'espace

sauvage

et

régressent

ers

un

mode de vie

inhumain. es

vêtements

rrachés,

e

corps

recouvert e

poil,

il

ne reste à l'homme

sauvage privé

de

mémoire

que

l'agression

de la

«

bielle

sauveginne

,

comme

l

est

dit dans le

Lévrier

qui

peut

d'ailleurs

s'accompagner

e

comportements

'auto-agression.

u

psychisme

rouillé

'offre

e monde

du

cru,

sans condiment

ni

préparation.

i Yvain

est

encore

capable

de

chasser

lui-même,

muni d'un arc et de

flèches

6),

le

héros

du

Lévrier

ttend e

gibier

dont

l

se nourrit de son chien

avec

lequelil forme meunitéoriginelle,e réfugiantontre on corps lorsqu'ila

froid

t

hurlantde faim

pour

l'inciter

la chasse ainsi

«

il

mange

et dévore e lièvre

dont e

goût

ui

plaît

autant

que

s'il était assaisonné de

poivre.

Il va

boire

de l'eau de

la

source,

puis

se couche

à

même a

terre

(7).

L'usage

de la viande

crue

provient

d'une

métamorphose,

omparable

à celle du

garou,

t d'une

occultation e toute

appétence

ivilisée

à

la

limite e héros se trouvedans un universmonstreux,ommepourraitle

suggérer

e

passage

de Huon

de Bordeaux

8)

:

le héros

parcourt

des

terres

tranges,

es

pays

le soleil

ne

luit

pas,

où les

femmes ont

stériles,

ù l'on

ignore

'usage

du

blé,

«

les

gens

dévorent

a viande

crue,

ommedes

dogues

enragés

.

A

cette forme

brupte

de

réduction une nourriture

auvage,

au

cours de la

phase

d'amnèseoù

le

héros est

pris

de

«

rage

»

et

«

mélan-

colie»

(Yvain,

v.

3001),

on

comparera

es situationsd'exil où se trou-

vent retracées

es conditions 'une humanité

rimitiveL'espace

d'exil

est

fréquemment

me

île déserte et

l'occupation

de

l'espace

fournit

l'esquisse

d'une brève

«

robinsonnade

:

homo

faber

se met

en

œuvre,

exploite 'espace, invente on mode d'existence. ci encore espace et

nourriture e

présentent

n un réseau

sémantique

relativement ons-

tant l'île déserte

dans les

Prophécies

de Merlin

9)

et dans les

Grands

Géants

(10)

est une terre de

promesse

dont

les

naufragés

découvrent

l'abondance.

oursuivis

ar

Vertigier,

aleholt e Brunet Hector e

Brun

6.

Je

renvoie

pour

une

analyse

détailléede la

sauvagerie

Yvain à

üarticle

e

Jacques

LE

GOFF et Pierre

VIDAL-NAQUET,

Lévi-Straussn

Brocéliande

,

dans ClaudeLévi-Strauss

textes

e et

sur...),

aris,Gallimard,

1979,

.

265

à 319.

7. Dit du Lévrier d. A.

SCHELER,

Dits et

Contesde Baudouin t Jean

de Condé.vol. 11.Bruxelles 866-67,. 927ss.

8.

Histoire e Huon de

Bordeaux

t Aubéron oi de

féerie,

rad.

François

SUARD,

Paris

1983, tock,p.

89.

9. Les

Prophécies

e

Merlin,

d. L.A.

PATON,

New

York 1926-27.

10.Les

Grands

Géants,

rad. D.

REGNIER-BOHLER

ans Le

Cœur

mangé,

aris

1979,

tock.

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71

arrivent ur

l'Ile

Inconnue

l'Isle

Non

Sachant),

n'y

trouvent

me

qui

vive,

mais une

«

si

grande

bondancede bêtes

sauvages

qu'ils

en

furent

stupéfiés (p.

425).

Se manifeste lors

l'ingéniosité

humaine

ils se

fabriquent

n

arc et des flèchesdont

les fers

proviennent

es

débris

de

leur

bateau ils

prennent

n abondance

du

gibier,

'essentiel

de

leur nourriture

11),

mais

ne

manquent

as

de

pommes

sauvages

qu'ils

font uire en des

récipients

e terre fin

d'obtenir me sorte

de cidre

(«cervoises

de

pometes auvages»

p.

425).

L'île

semble

aux

naufragés

tellement

aradisiaque

que

«

si

elle était

connue,

l

ne se

pourrait

n

aucune manière

u'elle

ne

soit

habitée,

ar

(pensent-ils)

lle

est

pleined'agrémentsn ce qui concernebois et rivière, laines et montagnes

et

présente

outes es

qualités

nécessaires

à la fondation

'une

belle

ville

(p.

426).

Dans

le court

récit Les Grands

Géants

l'île

d'accueil,

pour

les criminelles

unies

d'une réclusion

vie sur l'insula

poenae,

est

un

grand

espace

de

bocages, plaines,

vallées et

montagnes,

de

rivières

oissonneuses

t de

taillis où court

e

gibier.

L'ingéniosité

es

naufragées

e

déploie

avec force

détails

poussées par

la faim

elles

mangent

'abord des

«

herbes

crues

»

qu'elles

trouvent

n abondance

et des

«

fruits

ui pendent

ux arbres

,

elles se nourrissent

de

glands,

de

châtaignes

t

d'ail,

de

prunelles

rouvées ur les

buissons,

d'églan-

tines, e nèfles, e poireset de pommes (p. 286-7). ar nécessité 'étatde natureest

pour

elles strictement

égétarien,

mais elles ne tardent

pas,

ayant

été dans le

passé grandes

chasseresses,

à inventer

une

nourriture

lus

riche

«

Comme

elles

étaientavisées

et

ingénieuses,

lles

réfléchirent

on-

guement

t

fabriquèrent

vec

adresse

plus

d'une

centainede

pièges.

Avec des

branches

fines,

lles

firentdes lacs

pour prendre

e

gibier.

Pour

prendre

es

oiseaux,

elles

fabriquèrent

es ardillons

à

l'aide de

baguettes

. Puis elles

allument

un feu

«

à

l'aide de

cailloux

,

font cuire

les

gros

animaux

«

dans leur

peàu

»,

font

rôtir

même a

braise le

petit gibier

et les oiseaux

»

(p.

228-289).

Dans les deux récitsdu XIII* siècle,on insiste ur l'eau de sourcequi

est dite

«

bonne et claire

(Prophéties).

La

diététique mposée

par

cet

état

de nature sur

une terre

vierge

est

éminemment

rofitable,

ar

l'on voit

les

naufragées

eprendre

force

et

corpulence

(

Géants

et

les

chevaliers es

Prophécies

deviennent

gras

et

membrus

.

Au

cru de

l'amnésique 'oppose

pour

'homo

faber

e rôti

à

l'aliment

non

élaboré,

une forme

primitive

e

préparation,

omme

en

témoigne

la

présence

dans

les

Prophécies

de

l'objet

culturel,

e

récipient

en

terre

objet

lui-même

d'une cuisson.

Pourrait-onmettre

en

parallèle

cette vision

prometteuse

'un état

primitif

vec

la

représentation

e

l'âge d'or telle que nous la donne par exempleJean de Meung dans

11.Cf.

Jacques

LE

GOFF,

op.

cit.,

p.

276,

ls

réinventent

en

quelque

sorte a

civilisation,

son

degré

e

plus

bas

».

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72

le Roman de la

Rose

?

Encore

au

stade d'une

protohistoire

ui

précède

la

longue

dégradation,

a création du

pouvoir

et

la

naissance

de

la

propriété,

'humanité

rimitive

les

premiers ères

et

premières

mères)

vit d'une économiede cueillette t sa

nourriture

st strictement

égé-

tarienne en ces

temps-là

«

les hommesn'étaient

as

aussi raffinés

pour

eurs habits et leurs

mets

ils cueillaient

ans les bois les

glands

qui

leur tenaient ieu

de

pain,

de viande et de

poisson

et ils cherchaient ans les buissons,à travers allées,plaineset montagnes,

pommes,poires,

noix

et

châtaignes,

boutons,

mûres t

prunelles,

framboises,

raises t

cenelles,

fèves,

ois

et

petites

choses telles

que

fruits,

acines

et herbettes

(12).

Miel

et eau

pure

complètent

e

régime

riginel

'où

le

pain

est

absent,

alors

que

ces

hommes sont dits

«

égrener

des

épis

de

blé

»

(v.

8343).

Heureux

emps

où la viande n'était

pas

recherchée,

ù

le

pain

et le

vin

paraissent

omme es

signes

d'un ultérieur

et

déjà

corrompu)

tat de

civilisation,

lors

que

l'absence de

pain

semblait

bien

apparaître

omme

un manque dans les Prophécies « mais ils n'avaientpas de pain»,

p.

425)

Pourtant ans

les

deux

récits a

représentation

e

l'homo

fäb

r

repose,

d'une

certaine

manière,

ur

un

primitivisme

doux

»

(13),

un

état

où la

forme

primitive

e l'existence st

proche

-

comme

dans

Le

Roman de la

Rose

-

d'un

âge

d'or et d'un heureux

tat de

nature.

Les

habitats

respectifs

ont d'ailleurs

comparables

chez

Jean de

Meung,

es cabanes et

hameaux des

premierspères

sont

«

recouverts

de

genêts,

de

feuillages

et de rameaux

(p.

7)

et

ils creusent

des

«

fosses

dans

la terre

,

mais

dans

les Grands Géants si

les

géants

creusent

des

cavernes,

ls fontédifier out autour

de

grands

murs et

creuser des fossés la société primitive e sera qu'un monde féodal

avorté

(14)

Pour l'heure

cependant

y

président

es conditions

d'une

terre

promise,

lors

que

la vie

primitive

e

l'amnésique

était un état

totalement

estial dont seule une intervention

agique

(l'onguent

hez

Yvain,

et

dans le

Lévrier e

passage

de la fée

guérisseuse) pourra

12.Le

Romande

la Rose

trad.A.

LANLY,

Champion,

aris

1973,

.

11,

p.

6.

13.

Sur la notion

de

primitivisme

t

ses

présupposés,

f.

G.

BOAS,

Essays

on

primitivism

nd

related deas n

the

Middle

Ages,

altimore

948,

et

aussi

a belle

tude 'E.

PANOVSKY,

Les

origines

e l'histoire umaine

,dansEssais d'Iconologie,aris 1967, n particulierur la réactivationar

Piero

di

Cosimo

d'une vision

de

l'humanité

rimitive.

14.En

effet,

e

crime

rimitif

es

mèresdes

géants

t la

répétition

e

l'inceste emblent

endre oute

fondation éritable

mpossible

pour

que

l'île

d'Albion oit

habitable,

l

faudra

ue

Brutus xtermine

otalementa

race

maudite.

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73

rompre

a malédiction.

eul

le Dit du Prunier

15)

apparaît

un

traumatisé

non

amnésique

retrace

des conditions

de vie

primitive

comparable

u

végétarismedyllique

de

l'âge

d'or

rejeté par

la

dame

qu'il

aime,

le héros

fuit toute

compagnie,

déchire

comme les autres

son

vêtement,

hasse son cheval

et meurtde

faim

«

mais nature

qui

nous

aide adroitement n toutes circonstances

l'engagea

à

goûter

des

prunelles,

des

nèfles,

glands, pommes

et

châtaignes,

oix,

poires sauvages

et des

graines

de toutes sortes

d'herbes

(p.

94).

Durant es

sept

années de sa vie forestièreù il s'abritedans un vieil

arbre

creuxet

pourri,

l ne recherchera

as

la nourriture

arnée et

son

rejet

de la

.vie

sociale

semble

proche

d'un

contemptus

mundi

conscient

et volontaire.

Quant

à

l'enfant

auvage

dans

Valentin t Orson

16)

et dans

Tristan

de Nanteuil

17),

a

nutrition

nimale dont

a

joui

le

nourrisson ntraîne

une différenciation

orphologique

mportante,

u'il

faut

mettre en

rapport

avec ses

vertus

attribuées

u lait maternel

le

pauvre

Keu

privé

du lait

maternel réservé

au

bébé Arthur era

définitivement

dépourvu

'importantes

ualités)

qui expliquent

n

particulier

a forme

de fanatismematernel ttribué Ide de Boulogne,mère de Godefroy e

Bouillondans

la Chanson

du Chevalier

u

Cygne

Orson

«

pour

cause

de

la nutrition

e l'ourse est venu

comme

une

bête

sauvage

et

vit

«

de vie

bestialleet

non

pas

humaine

,

il met à

mort

indistinctement

êtes

et hommes

«

la

chair

mengoit

toute

crue

ainsi comme

es aultres

bestes

(chap.

VI).

A

l'occasion

Orson saura

profiter

e

rapines

à

un

vilain

qui passe

il

dérobe

es nourritures

'un

autre

monde,

pain,

fromage,

iande ainsi

que

sa femme

dont

il fera

usage

à

plusieurs

reprises.

Par

contre

Tristan,

levé et nourri

par

la

cerve,

velu

lui

aussi,

a

déjà

pris

goût,

grâce à l'ingéniosité e la cerve,à la nourriture es hommes elle

apporte

les vivres

dont Tristan

et

Blanchandine,

venue

meubler la

solitude

du

sauvage,

ont besoin

vin,

pain

blanc,

chapons

rôtis,

et à

plusieurs

reprises

encore

«

pain

et viande et

poisson

et deux

barils

de vin». Initié à

la nourriture

e ses

semblables,

e

sauvage

(privi-

légié

puisque,

bien

éloigné

d'Orson

qui

restera

ongtemps rivé

de

la

parole,

Tristan

été

éduqué par

un

ange

qui

lui a

appris

es

langues

du

monde,

aisse

107)

aura

à suivre

un

itinéraire

qui

concernera

plus

15.DitduPrunier,rad. uzanne UPARC,Mercure e France,mai 1948.

Cette

raduction

omportant

uelques

oupures. 'indique

'édition

n

langue

originale

'Emile

ROY,

Publications e

1Université

e

Dijon,

1929.

16.

Valentin

t

Orson,

ncunable

Maillet,

484.

17.

Tristan

e

Nanteuil,

d. K.

SINCLAIR,

Assen1971.

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74

spécifiquement

a

mesure

dans

l'usage

des mets et surtout a

place

à

accorder la

jouissance

gustative

ans l'échelle

des

valeurs

chevale-

resques,

'exploit

t la

foi.

Palli et vin : vers la

nourriture des autres

Dans

l'espace

d'exil où la

créature

mnésique

est

emprisonnée ar

un

mode de vie bestial

réduit à la chair

crue,

où l'homme

ngénieux

par contre recours une alimentation e cueillette, u à un régimevégétal omplétépar du

gibier,

eux

grands

absents le

pain

et le vin.

L'ermitedans Y

vain,

l

est

vrai,

nstaureune

forme

d'apprivoisement

de

l'hòmmeforsené

qui

lui

apporte

de la

venaison

et recevra de

lui

un

pain

grossier

18).

Pourtant

our

le

garou

-

plus

que

pour

l'amné-

sique

l'accent est surtout

placé

sur la

régression

e

l'alimentation,

de la

gestualité,

e la cohérence

psychique

et surtout

pour

l'enfant

sauvage,

es narrations

omportent

ne

phase importante

e

réintégra-

tion,

naugurée ar

un

rituelfortriche dont la

nourriture ait

partie

parallèlement

u

processus

qui

fera de l'hommenu un

homme

vêtu,

à travers e

rite de

purification

u bain

et.

de la

suée,

e

sauvage

devra

apprendre mangerdes mets nouveauxet surtoutmontrer u'il sait

manger

comme

l'exige

le code de

son

groupe d'origine

pain

et vin

apparaîtront

ci

comme des

signes

culturels

ui

annoncent

e

rapport

recouvré,

u

trouvé,

vec le

collectif.

Ainsi e

garou

des forêts

'Irlande

(19)

trahit ux

yeux

d'Arthur t

de

ses

compagnons

ne modification

rofonde

e

sa nature

le

loup

est,

dira-t-on,

desnaturés

,

v.

430)

dont

es

symptômes

ont

'usage

du

pain

et du

vin,

insi

que

le

comportement

courtois

:

Arthur

ait

présenter

u

garou

du

pain

qu'il

prend

t

mange

on lui

donne

alors

un

morceau de

viande

qu'il

mange

«

courtoisement

,

puis « le roi fitprésenter u vin en un bassin devant e loup. Lelouple vit et le but, achezqu'il en avait fort nvie (p. 144).

Cet

épisode

précédant

e

retour

la

semblance

humaine,

e

rapport

certainsmets-clés

evient n

test

d'humanité t

le

signe

d'un recouvre-

ment

possible,

en

fait

le

seul

signe qui

trace

véritablementa

voie

aux

circonstances

e la

métamorphose.

n

ne sera

pas

étonné,

ès

lors,

que

le

pain

soit

présenté

parfois

comme

possédant

la

vertu de

ramener

la

conscience

lorsque

souillée de la

fange

marine

et dans

un

état de

grande

faiblesse,

'héroïnede la

Belle

Helaine de

Constan-

tinople

era

recueillie

par

le

roi

d'Angleterre,

elui-ci

demande à son

18.Cf.

J. LE

GOFF,

p.

cit.,p.

281,

Le

poète

définit

insi,

antôt

mpli-

citement,

antôt

xplicitement,

es

absences,

elle

de la

bouillie,

elle du

vin,

elle du

sel

et

des

épices,

elle en

général

es

«

manières

e table .

19.Le

Lai

de

Melion,

rad,

dans

Cœur

mangé, .

144.

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75

«

aumônier

du

pain

qu'il place

devant

la

bouche

d'Helaine,

elle

revient lors à

elle,

puis

«

elle

mangea

du

pain

et

but du vin

usqu'au

moment ù

elle sembla tout

à fait

revenue

elle

»

(20).

Plus

explicite

et

plus

concret,

e

long

processus

d'apprentissage

e

l'enfant

auvage

dans Valentin

t Orson au

sauvage

qu'il

a

conquis

et en

qui

il

ne

reconnaît

as

encore son frère

umeau,

Valentin

propose

«

Venez avec moi et

vous

agirez

en homme

sage.

Je

vous ferai

baptiser

t vous ferai

connaître

a

sainte

foi,

et

je

vous donnerai

beaucoup

de

viande,

de

poisson,

de

pain

à

manger

t

beaucoup

de

vinà boire, e vous donneraide quoi vous vêtir t vous chaussersomptueusement,t vous mènerez tous les jours une vie conve-

nable comme le

veut

la

nature de l'homme»

(«home

naturel»)

chap.

XII.

Or

Orsondont

a

niceté

n

faitde

nourriture

'a

d'égal que

la nudité t

l'ignorance

bsolue de

la

parole

-

il

ne

communique ue

par

«

signes

-

doit

d'abord

apprendre

e

qu'est

la

cuisson de la

viande et le

mou-

vement

e la broche

ainsi

que

l'usage

modéré

du

vin,

bref

apprendre

le

temps propre

pour

chaque

chose et la

mesure

dans

son

usage

Les deux frères e

logent

dans

une

hostellerie t

trouvent ans la

cuisinedes chaponset plusieursmorceaux e viandequi se trouventsur une broche.Valentinfait

signe

à Orson de tourner a

broche,

car la

viande ne

semble

pas

encore cuite

le

sauvage

«

mit a main

à

la

broche t en retira

ne bonne

partie

de la

viande,

l

ne demanda

pas

si elle était bien

ou mal

cuite,

mais la

mangea

comme un

loup

dévore a

proie,puis

il

vit un

baquet

plein

d'eau,

y

plongea

a tête

et

but tout

comme

e

cheval

boit à

la

rivière

(chap.

XIII).

Valentin,

édagogue,

mène Orson

à la cave

et

lui

tend une cruche

de

vin,

qu'il goûte

et trouve

«

fortbon

et

friand

.

Et

il

en

boit si

largement

u

il

vide

toute a cruche

ans

reprendre

on

souffle,

l

en

réclame ncore t Valentin

rend

«

grand

plaisir

voir

et à

regarder

les

contenances 'Orson e

sauvage

.

Ayant ppris

que

«

le vin vaut

mieux

que

l'eau

»,

Orson tente de

faire

boire son

cheval,

mais en

vain,

et

ivre,

l

se couche

près

du feu

et

se met à ronfler.

alentin

se met à philosopher « Vrai Dieu tout puissant,quelle faible créa-

ture

qu'un

homme

endormi,

u'un

homme

qui

sous

l'effet e la

boisson

perd

sagesse

et

mémoire

»

On

se souvient

ue

l'absence de

«

sens

et

memoire

caractérisait

précisément

'asocial

dans la

forêt. avoir

user

du

vin,

avoir

passer

du

cru

au

cuit,

donc

savoir

attendre

a

cuisson

adéquate

de

la

viande,

savoir

passer

de la

frénésie

mmodérée u

contrôle

du

plaisir

gustatif

est

l'essentieldes

«

contenances

que

le

sauvage

aura

à maîtriser. e

sentiment

e la

honte

naissanteest

d'ailleurs 'un

des

premiers

ignes

d'acculturation. e

sommeil

dans

lequel

Orson

plongera

à

plusieurs

reprises ous l'effet u vin est une formed'absence au monde et une

20.La

Belle

Helaine

de

Constantinople,

ncunable N

s. d.

Rés.

Y2 708

veuve

Nie.

Chrestien.

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76

mortde la

conscience sommeil t

ivresse

sont

comparables

u

repos

foetal

ui

précède

une nouvelle

naissance,

elle de l'individu

u

groupe,

et le

rapport

oit

se faire

vec le

profond

ommeild'Yvain et

du

héros

du

Lévrier,

u cours

duquel

s'opèrent

'anamnèse

t le réveil la raison.

Ainsi

manger,

oire,

e

vêtir,

ormird'un

juste

sommeil,

manger

vec

les

autres

et

comme es

autres forment

n

ensemble

anthropologique

dont les éléments

alonnent

la voie

vers

l'intégration

éfinitive u

sauvage.

D'ailleurs

-

et hors du schéma narratif ui précède, l faut le

souligner

le Dit du Prunierdécritun érasement ort ntéressant u

code

alimentaire,

ne

méconnaissance

ignificative

es

«

contenances

et

parallèlement

ne

méconnaissance es valeurs

chevaleresques pro-

digue

en

«

nices

manieres

(v. 390),

le héros

au

momentoù

il

sera

amoureux,

modifiera otalement

e

rapport

à son

propre corps

(les

soins),

e

rapport

la

nourriture,

on

rapport

à la

sociabilité,

'atten-

tion au code de la table fait de

médiations

multiples

ntre a bouche

et

les mets

Auparavant

ale,

négligé,

rotté,

se taillant de

grands

morceaux

avec un couteaucrasseux, e dos bossu,prenant« à cinq doigts essauces, les civets et les galantines , le jeune hommeest métamor-

phosé après

la

messe,

il

se rend à la

panneterie

demander

une

nappe, prépare

es tranchesde

pain,

frotte es couteaux. l observe

«

comment se faisait le service comment on

partageait

civet,

faisan,

ie

ou

oison,

grue,

utor,

erdrix, igeon

avec

quelle

adresse

et

quelle

grâce

les

écuyers

ranchants e servaient 'un

couteau,

de

deux

ou

de

trois

quels

étaient es

poissons

de mer ou d'eau douce

qui

se

mangeaient

table

avec les

doigts,

et ceux

qu'il

fallait

découper

à

l'avance

avec les

couteaux,

commenton

pouvait

les

sortir

de la

gelée

ou de la

galantine

ans

se

salir les

doigts,

om-

ment es

écuyers

hoisissaient e

bon

morceau dans divers

plats

et

tranchaient

out si menu

que

les dents ne se

fatigueraient

uère

à

mâcher et à

avaler,

comment nfin

ls

piquaient

es

morceaux de

viande sans les toucher vec la pointedu couteau pour les mettre

sur les tranches e

pain

»

(p.

86 et

87).

Moins

que

l'ignorance

'un

code,

c'est une formede

démesure,

ne

déraison

primitive,

ui

caractériseTristan le

sauvage

bien

qu'il

ait

joui

dans la forêt

d'une

éducation

providentielle,

l

se

fait donner

un

complément

d'enseignement ar

ceux

qu'il

rencontre,

n

particulier

sur

la chevalerie t la

religion, nseignement

uquel

il

opposera

ses

propres

valeurs et

sa

propre

«

religion

. A

Blanchandine

ar

exemple,

il

dira

«

Combattre e

m'inspire

ucun

désir

Je me rendrais

volontiers,

e

ne le

cache

pas,

où l'on

mengerait

e la

viande rôtie et où

l'on boirait du

vin en

abondance

»

(laisse

1

0)

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ri

et

de sa

propre

foi

«

Ma

croyance,

'est la

viande,

e

pain

et la

poivrade,

t mon

amour

va au

vin

Quand

je

suis

repu,

l

me semble

que

rien de mauvais

ne

pourra

m'arriver e la

journée

»

(laisse 149).

Le

grand

branle

du

monde

: les

broches

Loin

de se réduire l'une des lois

des fictions

ui

veulent

que

les

hérospossèdentchair et sang, le rapportà la nourriture,oïncidant

avec des

phases

d'exclusionet de

réintégration,

ossède

ime

valeur

symbolique

e transmutation

e l'asocial vers

un être

intégré

u col-

lectif.

r

la

préparation

es

aliments,

a

vie des cuisines t

la circulation

des mets semblent

leur tour

particulièrement

iées aux

fonctionne-

ments ollectifs

la nourriture

pparaît

ainsi comme

point

névralgique

de la vie collective.

Sur les chemins

initiatiques,

e

rapport

manqué

ou

réussi

aux

contenances st

une

étape

nécessaire,

t si le

nice

Perceval,

u début

de son

itinéraire,

ans

l'épisode

de la

Demoiselle sous la

tente,

aisait

montre 'ime fortpeu courtoise ppétencede la nourriture 'autrui,eLai de Désiré

par

contraste

eprésente

e héros

témoignant

'exquises

manières

ui

lui

procureront

'accès à

l'AutreMondeoù

il

espère

trouver

la fée

dans

la forêt le chevalier

prit

un

couteau,

coupa

un bon

morceau

de

viande,

'arrosa

de

poivrade,

'offrit

u nain

qui

le

mangea.

Il

ouvrit e couvercle

du

hanap,

ui offrit out d'abord

à boire

et ne

mangea

pas

un

seul

morceau sans

lui

en offrir

n autre

tout aussi

bon. Le nain

trouva ses

manières i

affables,

énéreuses,

imables

et raffinées

u'il

ne

put

plus

s'empêcher

e

lui

parler

(21).

Si la valorisation

u

«

savoir

manger

avec

autrui est

ici tout à

faitévidente, l est significatifue des formesd'organisation ollec-

tive

-

une distribution

es

fonctions

oncernant a nourriture

se

dessinentdans certaines

robinsonnades,

ans l'Ile Inconnue

des Pro-

phéties par

ex. où

les chevaliers et

les

quatre

marins

se

partagent

l'organisation

uotidienne.

Les uns

chassent le

gibier,

es autres

se

livrent la cueillette

t accommodentes

mets,

ociles

à la

reproduction

d'une hiérarchie ociale

«

Les deux

valeureux chevaliers

partaient

à

la chasse

pour

la

journée

et

attrappaient

es

grands

oiseaux et les

grands

animaux

les

quatre

marins

partaient

la recherche e

petites pommes

et

préparaiente repas pour les deux chevaliersqu'ils servaientde

leurmieux

(p.

425).

21.Le Lai

de

Désiré,

rad,dans Cœur

mangé,

.

79.

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78

A

partir

de l'extrême

mportance

ttachée dans Valentin

t Orson

à

la

lente maîtrise

d'appropriation

e la

nourriture,

n

pourra

s'interroger

sur

l'agressivité

manifestée

l'égard

du

maîtredes

cuisines,

ui

a

pour

issue le meurtre mérité du cuisinier

Alors

qu'il

se

montre

déjà

prêt

à

lire

le

langage

des

signes

de

l'amour,

Orson

perçoit

dans la cuisine a

nourriture

ue

le cuisinier

préparepour

le

souper

«

Il

s'approche

de

lui,

saisit

deux

chapons

tout

crus,

y

plante

es dents

et

les

mange

comme

feraitun chien

.

Le cuisinier

'empare

d'un

pilon

et en

frappe

Orson,

qui

le bat

à

mort

Le

meurtre

u

cuisinier,

ui

me

semble

transcender

a

valeur anecdo-

tique,

marque

bien

que

commencent

reculer es frontières

'un

pouvoir

au

profit

'autres

enjeux

le maître des broches

doit céder

la

place

à

celui

qui

-

malgré

quelques pesanteurs

se

montre sur

la bonne

voie d'un retour la collectivité

Orson

découvrira

n effet

u'il

est

filsde

roi,

frère

e

Valentin,

eveu

de

Pépin).

Le

règne

sur

la cuisine

implique

aussi

la maîtrise

de

l'abondance

fût-ellemiraculeuse les deux

jumeaux

de

la belle

Helaine,

élevés

jusqu'à seize ans par un ermite, e sont instinctivementdistribuésselon des antinomiesbien connues Bras, le végétarien, 'a jamais

mangé

que

des

herbes

et des

racines,

dormant ur

de la

paille,

alors

que

son

frère

yon,

e

carnivore,

e

mange

que

du

gibier,

hasse

toute

la

journée

cerfs et

lapins

qu'il

fait

cuire,

dort

à même

la

terre,

un

caillou sous

la

tête.

D'ailleurs

l

est dit du

premier

ue

son

mode

de

vie

plus

fragile

«

son

foyble

ouvernement

)

ne

lui aurait

pas

permis

de dormir ur ime couche aussi dure

que

celle de son

frère...

arvenus,

en

quête

de leurs

géniteurs,

la cour

de la reine de

Bavière,

ls

inau-

gurent

n

mélange,

roisé de la

nourriture

rimitive

t

de la

nourriture

propre

à

l'intégration

ociale,

pain

et vin:

le

premier umeau

ne

tou-

chera ni au vin ni à la viande et ne mangeraque du pain et des

herbes

qu'il

a

lui-même

pportées

de

la

forêt,

lors

que

son

frère

mange

de la

viande

«

commeun chien

t met en

pièces

es

gras

chapons

et boit

à

grandes

coupes

du bon

vin

».

Distribution es

fonctions

alors

que

le

végétarien

e voit assumer

1'

«

état

»

de la

prière,

'autre

devient

espender

de

la cour

Durant

un

siège,

l

fait venir es

pauvres,

eur distribue

pain,

vin,

viande rôtie

et

tout

ce

qui

est

préparé pour

le dîner

«

dont

les

cuisiniers

'affligèrent

ort . Il

est

accusé de vouloir

ffamer

a

cité,

et la reinebannit es

deux

frères.

On annonce lors

que

«

toutes

es

broches ont

chargées

de rôt et

qu'il

y

a à la cuisine

deux fois

plus

de denréesque Lyonn'en avait distribué . Plus tard, 'épisode se

répète

chez

l'archevêque

de Tours dont

e

végétarien

evient ecré-

taire et

le carnivore

outeillier

il

fait donner

chaque pauvre

un

chapon

et

quatre pains.

L'archevêque

est

atterré,

n

vient

cepen-

dant des

cuisines

ui assurer

qu'y règne

'abondance...

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79

Assurer

un

juste

équilibre

des

cuisines,

procurer

de

quoi manger,

conserver

e

contrôledes

broches sont les

signes

évidents d'un

fonc-

tionnement

topique

de la

communauté. e

mouvement

erpétuel

et

rassurant

des

broches serait-ildans ces fictions e

grand

branle

du

monde

Vide,

privée

de

mouvement,

a broche annonce

une

«

terre

gaste

.

Chargée,

docile au

temps propre

de la cuisson

requise,

la

broche

et

par

elle,

la

catégorie

du rôti

-

se réclame

de la

durée,

assure

une

permanence,

ncarne

un

conceptrégulateur

t

une

garantie

d'abondance.

Le

cru,

a

viande

consomméedans l'instant travers

un

geste

de

démesure,

st

l'arrachement la

durée,

exclut toute

régu-lation,devient ignedu précaire.La distribution es fonctions utour

de

la

préparation

es aliments t

la

régulation

e la

cuisson,

insi

que

la

juste

consommation

eraient-elles,

omme dans d'autres sociétés

mais selon

un mode

spécifique,

ne

façon symbolique

e faire

marcher

le monde Dans ce contexte

et on se

rappelleraque

«

la

rage

et la

melencolie s'étaient

emparées

d'Yvain, l'asocial,

qui

a

perdu

tout

repère

des codes

-

il

devient

ignificatif

u'un

texte

comme

e Dit du

Prunier

fasse

appel

au terme

«

mélancolie

ses

nices

melancolies

v.

250)

pour

décrire elui

qui

vit au

mépris

de

toutes es

règles

de

vivre,

qui

se

choisit,

omme

le

dit son

père

désolé,

«

les

plus

vils

compa-

gnons , qui passe la veillée « avec les fileuses , qui ressembledansson accoutrement t sa

négligence

une «bête

sauvage»,

dont les

contenances e

table,

on

l'a

vu,

sont

profondément

hoquantes.

D'ail-

leurs

qu'une

forme 'ordredu monde oit souhaitée travers

'attitude

face à la consommation limentaire

pparaît

bien

dans nombre

de

textes

normatifs,

t si la démesure st condamnée hez Robert

de

Blois

aussi

bien

pour

les

hommes

que pour

les femmes

«

Bien est honiz

et honiz soit

/

Et homs et

fame

qui trop

boit» 311

Chastoiement

es

Dasmes)

c'était

déjà

un Etat du Monde

qui

était accablé

pour

la

glou-

tonnerie

hez

Etiennede

Fougères

du

moins

es

membres

u

bas-clergé,

str.

48-58)

«

Pasteiement

t

beverie

C'est or

déduit

par

lecherie

).

Mais c'est surtoutdans

l'apologue

social

Dui

Chevalier

vont

chevau-

chant

que

l'attitude

l'égard

de la consommation

limentaire

evient

pour

le chevalier e critère

de sa

place

dans

la société

face à

la

belle

clairière,

e

«

locus

amoenus

,

les

chevaliers

rêvent

d'un

somp-

tueux

pique-nique,

es

clercs

de

plaisir

érotique

quant

aux

vilains,

ls

trouvent

e lieu idéal

pour

un

plaisir

fécal.

Or cet

apologue,

comme

e

dit très

pertinemment

ean

Batany

(22),

«

attribue

chaque

état

ime

conduite,réelle ou souhaitée qui est, en un sens, un renversement

de sa

fonction,

t

pourtant,

n un

autre

sens,

un

prolongement

es

réalités

matérielles

uxquelles

est

liée cette

fonction

.

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80

Ainsi e

rapport

à la nourriture

ui

dans les

fictions

pparaît

en

des

oppositions

extrêmement

imples

(cru/rôti,

laboré/non-élaboré,

eau/vin)

aisse affleurer es

normes

de

configuration

ollective

où le

discours alimentaire

orte

le

poids

symbolique

d'une

épreuve

à

fran-

chir

pour

e mieux.

A

l'égal

du

rapport

u

vêtement,

'acte

d'apprendre

à

manger

t à

boire avec

les

autres,

out comme e

contrôlede

l'appro-

priation

des

mets,

désigne

l'enserrement

déal de

l'individudans

la

communauté.

22. Jean

BATANY,

L'apologue

ocial des strates

ibidinales

Dui

cheva-

liervont hevauchant

,

Actes

Colloque

Récit

bref,

miens

979,

.

136-137

t

il

ajoute

«

La fameuse

argesse

e

la classe

aristocratique,

ien moins

ue

de

l'altruisme,

erait

n

fait une attitude e

consommation

stentatoire

.

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Marie-Christine POUCHELLE

LES

APPÉTITS

MÉLANCOLIQUES

Depuis que

les

romantiques

en

proie

au

spleen

ont affirmé

n

dédain

distingué

pour

les

nourritures

errestres,

es

mélancoliques

n ont

plus

guère

d appétit.

n

revanche,

our

les

encyclopédistes

t

les

médecins du

Moyen Age,

les

victimes

de la

«

bile noire

se carac-

térisaient

ar

les

appétits

es

plus

fous.

Ce

renversement,

oins

tranché

d ailleurs

qu il n y

paraît

tout

d abord,

tient à

l édulcoration

u ont

subie au cours

du

temps

les

images

de la mélancolie

1).

La bile noire

médiévale a

quelque

chose

de radical. Puissance

de

sauvagerie,

e

délire

et de

mort,

lle est

aussi

nécessaire l entretien e la vie,voireà sa reproduction.n explorant

la

configurationymbolique

dont elle

participait

ux

XII*,

XIIIe et

XIVe

siècles,

e

tenterai

e montrer

omment lle sous-tendait

imagi-

naire de

l appétit,

uand

ce

n était

pas

les

figures

mêmes

de l avidité.

Au XIIIe siècle

Barthélemy

Anglais

rapporta

que

les femmes

enceintes t les

hémorroïdaires,

hez

qui

la

mélancolie

abonde,

«

ont

appétit

de choses mauvaises

,

à cause

de

«

la

fumée

du mauvais

sang

corrompu ui

est retenudedans

leur

corps laquelle fumée

blesse

les

nerfs

ensiblesde

Vestomac t

fait

muer

Vappétit

.

Alors

«

la

personne

désire son

contraire omme

charbons

terre t sel

»

(2).Un peu plus tardle médecinBernard de Gordondevait donner ui

aussi une

liste des substances

repoussantes

éclamées

par

les

futures

mèreset

plus généralement

ar

ceux

qui

souffrent

humeursmélanco-

1. La

mélancoliet son

histoire nt

fait

objet

d une

bibliographie

nté-

ressante

173titres)

ans J.

STAROBINSKI,

Histoire u traitement

e la

mélancolie

es

origines

1900

,

Documenta

Geigy,

Acta

psychosomatica,

3,

1960. our

ce

qui

concerne

pécifiquement

a

période

médiévale,

a

récolte

st

cependant

ssez

maigre,

e même

que

cette

époque

est

relati-

vement

eu

traitée

ar

Starobinski

il

s en tient

quelques ignes

apides

sur

Hildegarde

e

Bmgen,

t à une

courte

nalyse

e

Constantin

Africain).

D autre

part

l arrive

ue,

chez

les auteurs

médiévaux,

a

mélancolie oit

associée la pertede l appétit. estce qui se passe,par exemple,our es

amoureux

malheureux

cf.

BERNARD DE

GORDON,

Lilium

medicinae

(1305-1311).aris.1542,

° 111 °.

2.

BARTHELEMY

L ANGLAIS,

e

grand propriétaire

vers 1230),

ra-

duction

e Jean

CORBECHON,

aris,1528,

ivre

VII, chapitre

LIIII,

De

l appétit

ui

est

trop

grant

t

qui

est

appellé

bolisme,

° 89

v°.

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82

liques.

Aux charbons

s ajoutent

l argile

ou

la

craie

(creta),

poissons

et viandes

crues,

ainsi

que

les fruitsverts

(3).

Ces

appétits sauvages

se

situenten

deçà

de toute

cuisine,

et relèvent

d une

animalité

qui

confine

la

folie.Même es fils

de roi

n en

sont

pas toujours

préservés.

Lorsqu Yvain,

e

Chevalier

u

Lion,

perd

l amour de sa dame

par

sa

propre

faute,

un

«

torbeillons

de

«

rage

et de

«

mélancolie

lui

monte

la tête devenu

fou,

yant

perdu

a mémoire

l

se

dévêt,

ourt

nu

parmi

champs

et

forêts,

t

mange

son

gibier

cru

(4).

Ainsi es débordements

e la bile noire étaient-ils

ensés

provoquer

chez leurs victimes es

appétits

dénaturés.Une telle

conception

ne

se

comprendque si l on se reporteaux représentations hysiologiques

alors en

usage.

Ce

que

nous

appelons aujourd hui

e

sang

était

pour

les savants

médiévaux

ne

substance

composite

formée

de

quatre

humeurs

sang,

bile,

phlegme,

mélancolie

5).

En

constant

renouvellement,

es consti-

tuants

de la masse

sanguine

résultaient

e la

digestion

des

aliments

absorbés. Le

processus

commençait

dans

l estomac,

qui

extrayait

a

partie

utile du

bol

alimentaire,

e

chyle,

puis

continuait

dans le

foie,

qui

faisait bouillir

e

précieux

suc. Cette

coction,

négale,

produisait

le meilleur omme

le

pire.

Outre la

bile et le

phlegme,

taient

ainsi

fabriqués e sangproprement it,chaud et humide,principemême dela

vie, et,

à

l opposé,

un résidu

calciné,

une « cendrehumorale froide

et sèche de nature

terreuse,

onsidérée

omme

«

l ordure

t la lie

»

de

la

masse

humorale

la mélancolie

6).

De couleur

noire,

responsable,

quand

elle n était

pas

maintenue ans d étroites

imites,

des maladies

les

plus

terribles,

e la

lèpre,

du

cancer,

de

la

folie,

cette bile noire

entretenait vec la

vieillesse,

a

stérilité t la mort

une relation

pri-

vilégiée.

Cependant

ne

surproduction

elativede

«

cole noire était

théori-

quement compatible

vec la santé.

C était

ce

qui

définissait

a

com-

plexion,

e

tempérament, élancolique.

Mais alors était-on

lacé

sous

le signede Saturne,« mauvaiseplanète froideet sèche nocturnale t

pesante

.

Laids,

le

teint

pâle

ou même

jaune, paresseux

et

tristes,

lourds,

es hommes de cette

catégorie

ont tout le

corps

âpre

et les

talons

entamés

par

de

grandes

revasses sèches.

Prédisposés

u

travail

de la terre

«

ils n ont

point

d horreur

e

choses

puantes

et

ordes,

et

quierent

viandes seiches et

aigres

(7).

En

effet,

es semblables

3. BERNARDDE

GORDON, v. cit..

230

De corruvtionevvetitu).

4.

CHRETIEN DE

TRO

ES,

Le

Chevalier u Lion M.

Roques,

Paris,

Champion,

965,

ers

2786 t

sq.,

et 2998.

5.

BARTHELEMY

ANGLAIS,

p.

cit.,

Livre

V, chapitre i,

f

35,

Des

humeurs

t

de

leurs

générations

t

de

leurs

oeuvres.

hirurgie

e

Maître

Henride Mondeville,rad.E. NICAISE,Paris,1893, . 650et sq. (éd. latine

par

J.L.

Pagel,Berlin, 892).

6.

MONDEVILLE,

p.

cit.,p.

653

BARTHELEMY

ANGLAIS,

p.

cit.,

Livre

V, chapitre i,

«

De la

propriété

e la

mélancolie

.

38.

7.

BARTHELEMY

ANGLAIS,

p.

cit.,

ivre

VIII,

chapitre

xv,

° 108

°,

et Livre

VIII,

chapitre xiii,

°

108.

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83

s

attirant

éciproquement,ui

était

intérieurement

égi

par

une

subs-

tance

ignoble

ne

pouvait

que

désirer des

aliments

répugants

8).

On

notera au

passage

la

nature

mélancolique

assignée

aux vilains dont

la

littérature

médiévale d autre

part

tracé

des

portraits

ù dominent

le

sombre t le

bestial.

Dans les

descriptions

médicales

le

teint des

mélancoliques

oscille

entre

la

pâleur

mortelle du

plomb

et une noirceur

diabolique.

Le

chirurgien

Henri

de Mondeville es voit

bruns,

noirs,

maigres.

Leur

urineest

pâle,

noirâtre

u

brune,

peu

abondante leur

sang

est

épais

et noir.

ls se nourrissent e

préférence

e substances

froides

t sèches

qui correspondent leurtempéramentt qui l entretiennentfromages

secs et

vieux, houx,

entilles t toutes

égumineuses,

œuf,

hevreau,

lièvre,

anglier

t d une manière

générale

bon nombre

d animaux sau-

vages

(9).

On

peut

alors se demander i les

seigneurs,

ont

le

gibier

était la

viande

de

prédilection,

e couraient

pas

grand danger

de

devenir a

proie

de

la

bile noire.

Mais

ce

serait oublier

que

les nobles

étaient,

ans les

représentations

édiévales,

aractérisés

ar

la

couleur

rouge

t

le

tempérament

anguin.

A

la différence

es

paysans grossiers

ils

pouvaient

ans

risque

absorber ces redoutables

mets,

puisqu il

y

avait

en eux assez de chaleur

et d humidité

our

combattre a

néfaste

influence es nourriturescres, froideset sèches. De même,dans ledomaine

vestimentaire,

euls les très

grands seigneurspurent

se

per-

mettrede

porter parfois

leurs

fourrures e

poil

à

l extérieur t de

flirter insi avec l animalité leur

aura

suffisait

our

détourner eux

tout

soupçon

de

sauvagerie

bestiale

(10).

Mais les

mélancoliques

n étaient

pas

seulement

friands

de

subs-

tances

grossières

et noires

qui

confinaient u

contre-nature,

ls

étaient aussi de

grands

mangeurs

11).

Pourquoi

ime

telle voracité?

Parce

qu ouvrir

appétit

était

justement

a

fonction

pécifique u on

assignait

la

mélancoliedans

l organisation orporelle.

Ramassée dans

la

rate,

elle

était

envoyée par

celle-ci

usqu à

l orifice

upérieur

de

l estomac pour y faire naître le sentimentde la faim (12). Rien

d étonnant onc à ce

que

les

êtres chez

qui

elle

dominait ussent un

fort

ppétit.

On

tient ci la

justification

avante

-

médicale

-

qui permettait

alors d associer a mélancolie

et

l appétit.

Mais cette

rationnalisation

allait de

pair

avec un

imaginaire

ui

débordait

argement

e

registre

de la

pensée

réfléchie,

t

qu il

nous

faut

continuer

explorer

i nous

8.

BERNARDDE

GORDON,

p. cit.,

230.

9.

MONDEVILLE, p. cit.,p.

604.

10.Robert

DELORT,

Le

commerce es

fourrures

n

Occident

la

fin

duMoyenAge,EcoleFrançaise e Rome, 978, p. 358, 61, 62.M.C. POU-

CHELLE,

«Des

peaux

de bêtes et des

fourrures.

istoire

médiévale

une

fascination.

Le

temps

e la

réflexionII), Paris,Gallimard.

981.

11.

MONDEVILLE, p. cit.,p.

604.

12.

bid.

p.

650.BARTHELEMY

ANGLAIS,

ivre

V,

chapitre li,

Des

propriétés

e la ratte

58

v°).

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84

voulons

entrevoir e

que

l appétit

représentait

our

les hommes

de

ce

temps.

Les

documents

choisis

pour

ce cheminement

elèvent

d un

même

fonds

symbolique,

même

si les visées

d un

«

technicien

tel

que

le

chirurgien

Mondeville ont bien

éloignées

des intentions

une

sainte

Hildegarde.

Parce

que

ces textes e

recoupent

t se

complètent,

on

les

fera

se

répondre

es

uns

aux

autres

comme

on

a

déjà

commencé

à

le faire dans les

lignes

qui

précèdent,

ur

la

scène

imaginaire

ù

l histoire onstruit es

objets.

Les désordres

de

l appétit

ne

pouvaient as manquer d occuper

une

grandeplace dans le discoursmédicalmédiéval, ompte enude l impor-

tance

alors accordée au

régime

alimentairedans le maintiende

la

santé et dans la

thérapeutique.

Bernard

de Gordon

leur

consacre

plusieurs hapitres

ans son traité

13).

Pour décrire a faimdémesurée

de certains

malades,

c est à un animal de

nature

froide

et

sèche,

mélancolique qu il

renvoie

le chien

(14).

Ce

dernier était en effet

perçu

comme

perpétuellement

ifamé,

n

proie

à un

appétit

ntense,

désordonné,

nsatiable. Le

médecin

montpelliérain

ouligne

que

cet

animal va même

usqu à

revenir ce

qu il

a

vomi.

Aussi,

dans l avidité

qui

tenaille ses

patients

voit-il a manifestation

un

«

appétit

canin

Ces insatiablesont quelque chose de bestial.Si d autres sourcesne le montraient

l envie,

analogie

posée

par

Bernard de Gordon

uffirait

suggérer ue

l imaginaire

e

l appétit

t

a

fortiori

e la

dévoration,

ppartient

u

registre

e

l animalité,

omme

bien

longtemps uparavant

es

platoniciens

avaient

ndiqué

en

affir-

mant

que

«

la

partie

de l âme

qui

a

l appétit

du

manger

t du boire

,

c est-à-dire

estomac,

était une

bête

sauvage

enchaînée

qu il

fallait

nourrir l attache.

nsensible la

raison,

et animal

était

our

et nuit

séduit

par

des

images

et des

fantômes

15)...

Au

MoyenAge

cette sensi-

bilité aux illusions devait être le

propre

des

mélancoliques

et

des

enragés.

Revenons n effetu chien,dont on imaginait ue les ripailles, on

seulement

xcessives mais

abjectes,

étaient

à l occasion sanctionnées

par

les hallucinations

mortellesde

la

rage.

Car le

fidèle

compagnon

de

l homme

n est

pas

seulement

nsatiable,

l

se

repaît

aussi

des

pires

substances

les

cadavres

humains

cadavera

mortuorum)

échappent

pas

à sa

voracité,

non

plus

que

l eau des

puits

corrompus

16).

Alors

la

mélancolie e

déchaîneet

se

putréfie

n

lui,

a

rage

le

saisit,

comme

elle saisira

l homme

mordu

par

la

bête

infectée.

13.

Op.

cit.

f° 220 et

sq.

14. bid., f° 228,De caninoappetitu. ur la naturemélancolique uchien et ses

appétits

désordonnés,

oir

aussi

BARTHELEMY

L ANGLAIS,

op.

cit.,

Livre

XVIII,

chapitre

xv f°

235

v°,

et BERNARDDE

GORDON,

op.

cit.,

31

et

sq.

(De

morsu

anis

rabiosi).

15.

PLATON, imee,Pans, Garnier-Flammarion.969. .

448.

16.

BERNARDDE

GORDON,

p.

cit.,

f° 31

v°.

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85

Rendu

ntérieurementmmonde

ar

la

putréfaction

e la bile

noire,

l homme

tteint

par

la

rage

-

«

passio

melancólica

-

est

la

proie

du délire

(17).

Il craint avant tout l eau

pure,

d où le

nom

d hydro-

phobie

appliqué

à cette affection canine

.

La

transparence

queuse

grouille

our

lui

d intestins, excréments,

t de viscères de chien

(18).

Il faut donc lui

éviter

a vue

de toute surface

réfléchissante,

t le

soigner

omme

un

fou

maniaque,

n

mélancolique

19),

puisqu il

confond

monde

intérieur

t

environnement,

antasme t

réalité. Tel

Narcisse,

l homme

nragé

st victime

e

ses

propresmirages,

t le chien

malade,

«

quant

il

porte

char ou

autre

chose

en sa bouche et

qu il

traverse

une rivière, oyant e reflet e ce qu il portedans l eau, laisse ce qu il

tient

pour

prendre

«

ce

qui

est néant

(20).

Aboyant

la vue de sa

propre mage

prisonnière

e l eau

le

voilà

bien

qui,

dans

son

avidité,

laisse la

proie

pour

l ombre.

Ainsi,

omme e

démon,

a mélancolie

gare-t-elle

es victimes

dans

un réseau

d apparences

mensongères,

bscurcissant

eur

regard

et

trompant

eur

imagination.

u

reste la bile noire était

associée aux

yeux

puisque

c est

par

eux,

pensait-on,

ue

le

corps

s en

purgeait

21).

Que

les

femmes n cours de menstruation ernissent

es miroirs

par

leur seul

regard

ne doit

guère

étonner

22)

chez elles

a

rompu

ses

diguesun sangmenstruelhargéde mélancolie.Ne suffisait-ilas qu un

chien n absorbeune

petite

uantitépour

devenir

nragé

23)

?

Le

sang

des

règles,

upposé

réunir

es

superfluités

roides

t

gros-

sières

que

le

corps

féminin e

pouvait

éliminer,

tait à l instar

de la

bile

noire,

considéré comme

susceptible

de déclencher es maladies

mélancoliques

elles

que

la

lèpre

ou

le

délire

(24).

A

la suite de Pline

et d Isidore de

Séville,

Barthélémy Anglais

ui

attribue

de remar-

quables pouvoirs

de

destruction.

es blés

qui

en sont touchés

ne

germent as,

les herbesen

meurent,

es arbres

perdent

eur fruit

il

a

la

propriété

e faire

rouiller

e

fer,

noircir

airain,

et les

métaux de

dissoudre e

«

ciment

(25),

l asphalte

(26).

Enfin

«

se

une

asnesse

menge rgetoucheedes fleursdes femmes, lle sera autant de annees

sans

porter

faons

(qu elle

aura avalé de

grains)

(27).

17.

bid.,

32.

C est

au f° 31

qu on

trouvera a

rage

qualifiée

de

«

passio

melancólica

.

18. bid.

32.

19. bid.

20. BRUNET

LATIN,

i livres

ou

tresor,

.

Chabaille, aris, 863,

.

234.

21.GUILLAUME

DE

SAINT-THIERRY,

Patrologie

Latine

(Migne),

CLXXX,

ol.

700.

A.

SALMON,

Remèdes

opulaires

u

MoyenAge

,

Etudes

romanes édiées

Gaston

Paris,Paris,189f, .

255.

22.

BERNARD E

GORDON,

p.

cit.,

f

30

«

et ideo

muliermenstruata

inficitpeculum

.

23.BARTHELEMY ANGLAIS, ivre V, chapitre iii,f° 36 v°, «Du

sang

maulvais t

corrompu

.

24.

MONDEVILLE, p. cit.,p.

616et

sq.

25.BARTHELEMY

ANGLAIS,

ivre

V, chapitre

iii,

36

v°.

26.

BRUNET

LATIN,

op. cit.,

p.

155.

27.

BARTHELEMY

ANGLAIS,

p.

cit.,

Livre

XVIII,

chapitre

I,

f° 228.

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86

Puissance de

mort,donc,

ce

sang

était

aussi

puissance

de

vie.

De

même

que

la

mélancolie,

i

redoutable,

réside

pourtant

l entretien

de

la vie en incitant

homme se

nourrir,

a

substance

des

règles

est

indispensable

à la

reproduction

e la vie

c est

elle

qui

alimente

le

fœtus

et lui

fournit

une

partie

de sa

matière

pendant

toute

la

gestation.

C est elle aussi

qui, après

la

naissance,

se

convertit

n

lait

dans

les

seins

maternels

our

nourrir

e nouveau-né

28).

Chez les femmes nceintes

a rétention es

règles

n allait

pas

sans

péril,

e fœtus

n utilisant

pas

nécessairement oute

la

matière

mise

à

sa

disposition.

Aussi le

corps

maternel tait-il

lors encombré

d un

surplus d humeursmélancoliques,comme celui des hémorroïdaires,

dont les hémorroïdes onstituaient

utant

de réservoirs

e la

mélan-

colie,

comme

celui des

délirants,

des

maniaques,

des

fous.

D où

les

appétits

dénaturés ur

lesquels

j ai

ouvert

et article.

Parmi es

symptômes

remiers

de

la

grossesse

figurent,

our

Bar-

thélemy

Anglais,

e désir

qu ont

es femmes

e

«

diverses hoses

»

(29).

Dans

ce

passage

rien de

plus

n est dit

sur la nature

de ces

envies,

de

sorte

qu il

semble

s agir

non seulement

de convoitises

alimentaires

mais du

désir en

général,

omme si

l appétit

de nourriture

ui

survient

bientôt hez la femme

gravide

n était

que

l image

métaphorique

une

faim utrementlus exigeante. r les fantasmes elatifs uxexubérances

du désir et des

appétits

dénaturés

qui

seraient

ceux des femmes

enceintes onnent

voir les mères comme des

puissances

redoutables

en tant

qu elles

sont des

puissances

désirantes.

t,

si

l on en

croit

es

données du bestiaire

qui figure

ans

Li livre

dou Trésor

les

grandes

dévorantes

ont finalement

e mauvaises mères.

Il

est

en

effet

n animal

qui

se

présente

la fois comme

mélan-

colique, ravageur

dans ses

appétits

et détestablevis-à-vis

e sa

progé-

niture.C est

l autruche,

aractérisée

par

un

estomac

qui

a conservé

jusqu aujourd hui

a

réputation,

t

par

un

aspect

monstrueux

uisque,

tout en

ayant

ailes et

plumes

d oiseau,

elle ne vole

pas,

et

qu elle

possèdepar surcroîtdes « pieds de chameau . L auteur ne la qualifie

pas explicitement

e

mélancolique,

mais c est

bien comme telle

qu il

la

décrit,

pesante

et

«

oublieuse(e)

malement .

Or

cette

vilaine

bête,

capable

d avaler et

de

digérer

n importequoi,

affame ses

propres

petits

la dévorante

est

pas

nourricière,

est une

mère contre-nature

qui

non seulement ublie

ses

œufs,mais,

après

leur

éclosion,

«

ennuie

ses

poussins

et leur fait

«

tantde

cruautécomme

l

puent

(30).

Sur ce

point

Brunet

Latin,

emportépeut-être ar

son

imagination,

diffère e

Barthélemy

Anglais qui,

lui,

tout en

expliquant que

l au-

truchene couve

pas

ses œufs

et les

oublie dans

le

sable,

montre om-

28.

MONDEVILLE,

p. cit., pp.

17, 21, 22, 58, 59,

728. BARTHELEMY

L ANGLAIS,

p.

cit.,

Livre

VI,

chapitre

ii,

Livre

V,

chapitre

xxiiii.

29. l renvoie

ce

propos

Aristotet Galien.

Op.

cit.,

Livre

VI,

cha-

pitre ii,

f° 70.

30.BRUNET

LATIN,

p.

cit.,

pp.

221,

22.

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87

ment lle revient

ourrir

es

petits

près

leur naissance

(31).

Parcourir

les

bestiairesmédiévaux

ermettrait

e

reconnaître

omment

et oiseau

a

été

perçu

dans

la

majorité

des cas.

Mais

quoi qu il

en soit

le fan-

tasme de

BrunetLatin est

malgré

tout

significatif.

l

correspond

bien

à la

représentation

u Hildegarde,

au

siècle

précédent,

se fit

des

femmesde

tempérament

mélancolique.

La maternité

eur va

mal,

en

effet.

énéralement

tériles,

uand par

hasard elles

deviennentmères

cela

ne leur

arrive

qu une

fois et sur le

tard,

vers

la

cinquantaine

32).

Ainsi de tous

côtés

répète-t-onue

la

mélancolie

est en l homme

la noirceurmenaçante ui s opposeà, a vie touten lui étantnécessaire.

Mais est-cevraiment ette substance

effroyable

ui

fait

de

l homme

un

fauve affamé

L histoire

du

péché

originel,

elle

que

sainte Hilde-

garde l interprète,

ait

apparaître

une réalité

plus complexe.

En

effet

au

moment ù

Adam,

poussé par

un

appétit

scandaleux où la

faim de

connaissance

e confondait

vec

le

goût

du

fruit

défendu,

désobéi à

l ordre

divin,

«

à cet instantmême la mélancolie est

coagulée

dans

son

sang

(...)

tandis

qtie

a

lumière n lui

s éteignait

(33).

La bile

noire,

les

appétits

et le

péché

furent

troitement ssociés

par

Hildegarde,

comme si

mélancolie,

out à

coup

définitivement

paissie,

était en

l homme a marque ndélébilede sa dissemblance.

Cette dissemblance culmine

sans doute chez

les cannibales.

Au

nombre des

plaisirs

contre-nature

ue

Brunet

Latin

égrène

dans

le

chapitrequ il

dédie

au

«

Délit

»

figurent

e

«

cruels malices a

guise

des

fieres

auvages qui

sont le

propre

des

«

frenetiques

,

des

«

for-

cenez

et...

des

«

mélancoliques

. Or ceux

qui

consomment es

«

deliz

de

fiere

sont

«

cil

qui

se delite en ovrir

es cors des dames

grosses

por

saouler soi

des

filz que

eles

portent

dedanz

lor cors et

(...)

celui

qui

manjue

char d ome ou char

crue

»

(34).

Commentmaintenantne

pas évoquer

celui

qui,

dissemblant

par

excellence,

tait aussi

dans l au-delà

médiéval,

e maître naturel des

anthropophages,e diable? Ce personnagepartageait a noirceurdes

mélancoliquespuisque

l un de

ses

déguisements

avoris

consistait à

prendre

ne

apparence

ď

«

éthiopien

,

se montrant insi

sous sa vraie

couleur,

noir comme mûre

(35).

Du

reste

la

bile noire et le

démon

furentbien souvent

associés,

et

par

les

médecins

eux-mêmes.

our

Bernardde Gordon a

rage,

maladie

mélancolique

e

le

rappelle,

mène

à la

«

manie

démoniaque

avant de

provoquer

a

mortdu

patient

36).

31.BARTHELEMY

ANGLAIS,d. cit..

Livre

XII. chapitre xxiiii.

° 140.

32.HILDEGARDE DE BINGEN,Causae et Curae,P. Kaiser,Leipzig,

1903, .

89.

33.

bid.. p.

143.

34. BRUNET

LATIN, p. cit.,p.

306.

35.

bid.,p.

171.

36.

Op.

cit.,

31,

32.

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88

Inversement

e diable

peut

être

parfois

à

l origine

de

la

folie mélan-

colique

(37).

D autre

part

l avidité

de

Satan

c est aussi celle de

Saturne,

ce

«

grand

mangeur

de

viande dont le Calendrierdes

Bergers

devait

rapporter

au XVe

siècle

qu il

était aussi

plein

ď

«

envie et

de

«

mauvaise

malice

(38).

«

Convoiteux étaient

également

es hommes

gouvernés

ar

l humeurnoire

39).

Ce trait e retrouve hez les

mélan-

coliques

décrits

par

Hildegarde

de

Bingen

trois

siècles

auparavant.

C est même une de leurs

caractéristiques

majeures.

Jamais

satisfaits,

les

mélancoliques

ont amers et

avares,

et

leurs enfantsmêmes sont

haineuxet envieux 40). Quant à Barthélemy Anglais l fitdu chien,

dont on a

vu

qu il

est à la

fois

mélancolique,

orace et

insatiable,

vin

animal

«

envieux

,

«

convoiteux

et

«

eschars»

(avare) (41).

Ainsi,

d image

en

image,

sommes-nous onduits à nous

interroger

sur

les

représentations

ssociées à la

convoitise,

l avarice.

Au XIII*

siècle,

e

théologien

ierre

e Chantre

fit de

l avarice

le

modèle de

l insatisfaction. omme a

gueule

de

l enfer,

omme e sexe

des

prostituées,

es

avares sont

des

puits

sans

fond,

évorés

qu ils

sont

par

un

désir

qui,

comme une

sangsue,

ne cesse de clamer

«

Apporte

apporte

(42).

Car si la

«

libido

,

le désir

charnel,

décline avec

l âge,

l avarice est incurable (43). Et le maître parisien de comparerlesavares aux

hydropiques, ui,

tels

Tantale,

ont

toujours

soif,

et à

Narcisse

qui,

croyant

tancher a

soif ne fit

ue

l aggraver

44),

comme

l avait

souhaitée celle de

ses

victimes

qui

l avait maudit

«

Puisse-t-il

aimer,

ui aussi et

ne

jamais posséder

V

bjet

de son amour

(45).

N est-il

donc

d appétit que

mélancolique

N y

a-t-ilde désir

que

condamné

l insatisfaction Ces

rêveries

médiévales

ncitent

méditer

sur

l inassouvissement,

a difficulté

être et

les séductions

de

l avoir.

En

quête

de

l impossible

46)

les

mélancoliques,

els

que

le

MoyenAge

les a

imaginés,

nous

présentent

eut-être,

ans leurs

appétits pour

des

nourritures rohibées, es figuresmétaphoriques une faim radi-cale que nous ne sommespas sûrs d avoir enfin

paisée.

37.

bid.,

108.Sur

l association

u diable et de

la mélancolie la

Renaissance,

f.

F.

AZOUVI,

La

peste,

a mélancoliet le

diable,

u

l ima-

ginaire églé

,

Diogène,

°

108,

ct.-déc.

979, p. 135,

38.

38.

Calendrier

es

Bergers, aris,

Guiot

Marchand, 493,

° 136.

39. bid. f° 145.

40.

HILDEGARDE

DE

BINGEN,op. cit.,pp.

38 et 73.

41.

Op.

cit.,

Livre

XVIII,

chapitre

xv,

«

Des mauvaises

ropriétés

u

chien

,

£

235.

42.

Verbum

bbreviatum,

atrologie

atine,

tome

CCV,

col. 77

{De

avaritia)

t col. 277

De

bona

esurie t

siti).

Cf.

ussi nnocent

II,

P.L.

CCVII,

De

contemptu

undi

ive De miseria

onditionis

umanae,

ib.

II,

cap.

VII

(Quare

cupidus

atiarinon

potent),

t

cap.

XI

(De

avaritia).

43. bid.,col. 73 Contra upiditatemt avaritiam).

44.

bid.,

col.

277

et 73.

45.

OVIDE,

Métamorphoses,

II,

vers

405,

Paris,

Les Belles

Lettres,

961,

p.

82.

46. BERNARD

DE

GORDON,

p.

cit.,

«

De mania

t melancolia

,

f° 106

et

sq.

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Pascal HERBETH

LES USTENSILES

DE

CUISINE

EN PROVENCE MÉDIÉVALE

(XHP-XVe

SIÈCLES)

Les

objets domestiques

ont une

porte

ouverte ur le

quotidien

de

la

société traditionnelle.

ne

porte qui

nous fait

pénétrer,

la suite

du

notaire,

ans la salle commune

aula)

d'autrefois,

ans ce sanctuaire

au centre

duquel,

autour des braises

rougeoyantes,

es femmes

'affai-

raient

à la

préparation

es

repas.

Pour connaître es

différents

ypes

d'ustensiles

ulinaires,

es

listes

notariées sont

des

documents

ndis-

pensables,

omplémentaires

es donnéesde

l'archéologie.

Notre

enquête

est basée sur un ensemble de 49 inventaires e maisons (1), rédigésentre 1297 et 1445,dans la cité vicomtale de Marseille et en Basse

Provence entrale

2).

Nous

présentons

ci la substance

de

ses

résultats

en situant es instruments

leur

place

dans le

processus

culinaire.

La

préparation

à froid

Elle débute

par

le

lavage

des aliments.Cette

opération

ne semble

pas

avoir

exigé

de contenants

particuliers.

es trois

quarts

de nos

maisons sont en

effet

épourvues

de

toutes

bassines,

bassins et bassi-

nettes.Peut-être e servait-on e jattes en terre,grazali,gavede,elles-

mêmes

peu fréquentes

3).

La

cuisinière

puisait

l'eau dans de

grandes

jarres

en terre

placées

dans

la

salle,

à

l'aide d'une

louche, cassia,

de

ferou de cuivre.

1.

Intégralement

ubliés

dans mon

mémoire e maîtrise

Répartition

des

objets domestiques

u sein

d'habitations arseillaisest varoises

du

XIIIe au XVe siècle

préparé

sous la direction e M. Ch.-E.

DUFOURCQ,

Université e Paris

X

Nanterre,

ctobre 1982et dont

j'assure

l'édition

commentée.

2.

Besse,

Pignans,Puyloubier,

arcès,

Draguignan,

rignoles, amps

la Source,a Celle,MontforturArgens,a Roquebrussanne,rchivesépar-

tementales

u

Var,

Séries3 E 3 et 3 E 7.

3. Cf. G.

et H.

BRESC,

P.

HERBETH,

L

équipement

e la cuisine

t

de la tableen

Provence t en Sicile

XIVe

et XVe

siècles),

tude

comparée,

dans es actes

du

IIe

Colloque

nternationalu

Centre

'études

Médiévales

de Nice

octobre

982):

Manger

t boire u

Moyen

Age,

paraître.

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90

Le

mortier,

ndispensable

à la

préparation

des sauces et

à la

réduction n farine des céréales

et des

légumes

secs,

est

beaucoup

plus fréquent

on le trouvedans

une maison sur

deux

à

Marseille,

ne

sur trois dans la Provence ntérieure.

e matériau e

plus

cité est

la

pierre,

uivi du marbreet

du bois. Son

complément

ogique,

e

pilon,

en

bois ou en

pierre,

st

numériquementous-représenté

4).

Ce

petit

objet

de faible

valeur,

isément

remplaçable,

'a

guère

soulevé,

emble-

t-il,

'intérêt es notaires.

La

râpe

à

fromage,

ratuza,

est un

signe

de luxe

un

quart

des

maisons marseillaises n sont

pourvues

et seulement ne maison sur

sept en basse Provence.Ustensilepeu courantdans les inventaires e

dot,

a

râpe

est

toujours

unique

dans

la

demeure.

Autourde

ces

objets

qui

interviennentirectement ans

la

prépa-

ration

des

mets,

e trouvent ifférentsontenants

usages

variés.Ainsi

les

pots,

potus,poaz, pot

vases sans anses

et

majoritairement

n

étain,

sont

régulièrement

ités dans la batteriede

cuisine.

Leur

destination

n'apparaît

clairement

que

dans une

boutique

proche

du

Lacydon

en

1297.

ls servent contenirdes

confits u

des

confitures e noix et

de dattes. Le rôle

des

«

burettes est encore

plus

obscur.

Elles sont en cuivre

ou,

pour

la

plupart,

n étain. Ces

miseraba, massacaba, mezseraba, ont absentes des actes marseillaisdu XIIIe siècle.

La cuisson

En

dehors des

ustensiles

de

soutien et de

suspension,

es notaires

décrivent

eu

la

cheminée.Nulle

trace,

par

exemple,

des chenêts si

nombreux ans les

inventaires rlésiensde F. Feracci

(5),

à

partir

du

milieu du XVe

siècle. Nulle trace

non

plus

des

pincettes,

u

fourgon

à

braises.

l

faut attendre

387

pour

voir

apparaître

dans la salle d'un

prêtre inconnu,à Brignoles, e tisonnier en fer, et 1445,pour le«

cache-feu

,

cachifavecz,

uart

de

sphère

de terre cuite

ou

de

fer,

munie de deux

poignées

semi-circulaires

ixes,

onservant es

tisons

durant

la nuit

pour

faciliter

'allumage

matinal

des

brindilles.La

présence

d'un

foyer

onstruit st

cependant

ttestée

par

la

présence

quasi

générale

de la

crémaillère,

umascle,

tandis

qu'à

Besse en

1423,

le

notaire

précise

«

qu'une

huche

recouverte e deux

planchettes

st

placée

devant e

foyer

. Le

support

principal

st,

partout

n

Provence,

le

grand trépied

de

fer,

ripos tripode,

nd.es.

4.

13

exemplaires

trissonum

crissonum,

izonus, pistonus)

contre

18mortiers.

5.

F.

FERACCI,

Ameublementt cadre de

la vie

journalière

Arles,u

XVe

siècle

d'après

les

registres

05 E 69 et 402 E 123

des Archives es

Bouches u

Rhône.Mémoire e

maîtrise

actylographié,

ix

1976,

ité

dans

Aujourd'hui

e

Moyen

Age,

rchéologie

t vie

quotidienne

n Franceméri-

dionale,

1981-83

ouvrage ollectif),

ages

29-30.

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91

Les ustensiles

e

cuisson directe

la flamme u

à la braise sont

peu

communs.Les

grils,

grazilla,

rostineta

qui

ne sont

jamais

décrits,

sont

proportionnellement

fois

plus

nombreux Marseille

3

maisons

sur

8)

que

dans

l'arrière-pays

3

maisons sur

40).

Ils

constituent

u

même

titre

que

la

broche, ste,

veru, broca,

un élément

apprécié

de

dot. La

broche,

toujours

en

fer,

précisent

es

inventaires,

xiste

en

deux

tailles

la

grande

t

la

petite...

8 cuisines s'en

répartissent

4

au

total.Treize

foyers

nt une seule

broche,

uatre

en ont

2,

un seul

en

possède

trois.

Cependant,

n

Provence

médiévale,

'est

la

cuisson dans des

usten-

siles préalablement raissés ou contenantun liquide, qui prédomine

nettement. a

poêle,

sartago,

st

une

des

«

reines

de la cuisine avec

le

chaudron

t la marmite.

oêle

à

longue

queue

et

poêlon,

cassia,

sont

destinés frire e

poisson.

Ils sont tous deux

présents

dans

50 de

nos

inventaires. n aurait

pu

s'attendre

ce

que

les détenteurs

de

poêles

soient différentse ceux des

poêlons,

mais

il

n'en

est

rien.

Les

plus

riches

possèdent

es

deux,

tandis

que

les

pauvres

sont

totalement

démunis. Notons

la

curieuse absence de

palettes

pour

tourner

la

friture

7).

Le

chaudron,

acobus,

payrolum,

e différenciee la

marmite,

lla,

par sa taille de un à douze brocs d'eau pour le premier, ontre unseul

pour

a seconde.Cette dernière ontenance emble

supérieure

la

norme ux

yeux

du

notaire,

uisqu'il

a

juge

«

grande

(8).

La marmite

possède

par

ailleurs une anse ferrée amovible

(9).

Ces deux conte-

nants,

aitsd'airain ou de

cuivre,

ignalent ar

leur

présence

générale,

la

prépondérance

e la

soupe,

des

légumes

et

de la viande bouillis

dans l'alimentation

uotidienne.

Dans

l'ensemble

donc,

es

récipients

estinés à la

cuisson,

ne

pré-

sentent

guère

de variété. Un

tian,

tianus,

apparaît

isolé

à Marseille

dans l'extrêmefin du XIIIe

stècle. Ce

poêlon

couvert

pour

cuire

à

l'étouffée

10)

correspond

e toute évidence

à un

raffinement

ulinaire

nouveau.

La rareté des

menus

objets

intervenant

ans

la

cuisson est

frap-

pante,

mais ne doit

pas

conduire

des

conclusions

égatives

le notaire

préoccupé

de

la

valeur

monétaire,

e

relève

que

des

ustensilesmétal-

liques

une

cuillère,

quatre

écumoires.

Ces

dernièresn'étaient

peut-

6.

Primo

quemdam

naucum

nte ienem

copertum

e duobus

tauletis,

Série3

E

3/2,

Archives u

Var,

Folio

135.

NotaireHonoré

Peleti.

7. Une seule

mention 'une

paleta

dans la

boutique

marseillaise e

Richard ulian n

1297.

8.

Unam olam

magnam apacitatis

unius

broqui,

9

septembre

384.

Inventaire e tutellede Bertrand otini de Camps la Source,5E 7/58,Archives u Var.Folio nonnuméroté.

9.

Quasdam

tancas

olle

f rratas,

ctobre

420.

nventaire

e tutelle e

Katroneta

Meyrescesse,

otaire

Honoré

Peleti,

E

2,

Archives u

Var,

folio

non

numérote.

10.

D'après

'hypothèse

e

M. Henri

Bresc.

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92

être

que

des

cuillères

perforées,

omme

tendrait

le

souligner

ette

périphrase

de 1387 cullerias

ferreos

duas

unam ex

Ulis

perforatam.

La vaisselle

de

table

Corollaire

d'un menu à

base de

soupe,

les

plats

creux

individuels

sont les

plus

fréquemment

osés

sur

la table à

tréteaux.

L'écuelle,

par

xis, stanhada,

grasaletus

(11),

est

universelle,

uel que

soit le

milieu social du propriétaire. ur un total d'environ200 pièces,56 écuelles sont dites en terre, 8 en bois, 40 en étain. Elles accom-

pagnent

des

tailloirs,

plus

rares

et

donc semi-collectifs

taillador

ou

cissorium.

'ensemble

uggère

donc

un

système

table

à deux

éléments,

le tailloir tantutilisé

par

deux voisins

disposant

hacun d'une

écuelle.

Les

plats

collectifs

'apparaissent

ue

tardivement

ans nos

inven-

taires

platellus

à

partir

de

1373,

latus après

1423.

Ces

plats

et

petits

plats

ne sont détenus

ue par

huit

foyers.

es

premiers

ont

en

terre,

n

étain et

en

bois,

les seconds

en étain ou en bois.

Cette modification

des coutumesde

table soulève une

interrogation,

uisqu'elle

ntervient

au

moment où l'instabilité

politique

et

économique

de

la

fin

du

XIVe siècle appauvritplus ou moins durablement es bourgs de la

Provence

rurale

(12).

D'autres

innovations ont alors

perceptibles

Monet

Aycard,

ourgeois

de

Besse

sur

Issole,

vend en

1423,

eux

sau-

cières

d'étain,

duas salcerias

stagni

Il

pourrait 'agir

comme à

Gênes

au XV*

siècle,

d'une

petite

écuelle destinée

recevoir es

condiments,

sauce et

moutarde.

En

opposition

avec les informations

rchéologiques,

verres

et

gobelets

boire

sont

pratiquement

bsents

des documents

crits.

Même

les inventaires

e riches marchands

marseillais

qui

comportent

es

plats

et

des

pichets,

ne

connaissent

pas

le

verre,

mais

seulement

a

coupe, scyphus

rgenti.

Nous ne

les

rencontrerons

u'en

1373dans

le

legs de Pons Dorgani,mort à Brignoles, rêtreet sans doute scribe

professionnel.

rois

verres sont enfermés ans

un

étui,

unum

cartays

cum tribusvit

is,

un nécessairede

voyage,

mais

de

qualité.

A

l'inverse,

ichets

t carafes sont abondants

dans nos

documents

picherius

e terre t

pit

lf

s

d'étain

ou

de

terre

uite

(13),

tandis

qu'à

Marseille

en

1297,

st citée

la carafe de verre dont

la diffusion

este

très

limitée,

signe

de distinction ociale.

Ajoutons

à ces

récipients

collectifs,

es

quatre gargoulettes,

otellus,

botelhus

trouvées

dans

11.

Auxquels

nous

ajouterons

es

fromagères

azarías

placées

dans un

escudelier.nventairees biensde Guillaume errer, rchivesommunales

de

Marseille,

érie

FF.

501,

folio

10,

recto

1298).

12.L'abandon

e nombreuses

aisons

ituées

l'extérieures

remparts

en

porte

émoignage

voir

ce

propos

.

BARATIER,

.

REYNAUD,

istoire

du

Commerce

e

Marseille, ion,

ome

2,

Paris 1951.

13.A

partir

e 1384.

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93

trois

demeures

marseillaises

ui

laissent

penser

que

l'on

pouvait

boire

le

vin

ou

l'eau

à

la

régalade.

Les notairesne

nous laissent

guère

d'informations

ur

les

couverts

médiévaux

pas

de

fourchette,

eu

de couteaux

5

maisons).

Ces derniers

ont

une fonction

multiple

t

il

est

bien difficile e

discerner

eux

qui

serventdans

la maison ou à

l'extérieur.

e couteau

qui pend

à

la

ceinture

u

marseillaisBertrand

Marin,

ervait-il

découper

es

mets

dans son écuelle

? Les

couteaux si

précieux

du

boutiquier

Richard

Julian,

manchede

corail

(14)

sont-ils estinés

la table de

quelques

privilégiés

Que

recouvre

ette

xpression

cultellum

ominis

couteau

d'homme arme? Dans la plupartdes cas nous ne pouvonstrancher.

Du XIII* au

XV*

siècle,

â

batteriede cuisine

présente

donc,

outre

une constance

de

formes,

ne

variété

croissante,

ndice d'une

gastro-

nomie

en évolution.

lle

reste

pourtant

lémentaire t

réduite,

tricte-

ment

adaptée

à

la nourriture

imple, pauvre

de

la vie

quotidienne.

14. nventaire e

tutelle,

Archives

ommunales

e Marseille.

Notaire

André

Grassi,

érie

FF.

501,

folio

76 recto

août

1297).

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Maguelonne

TOUSSAINT-SAMAT

UNE

RECETTE DU XV SIÈCLE

Voici une recetteextraited un livre de cuisine

inédit,

chevé

de

copier

le 18

décembre 1481

par

un certain Reimboldus

Filinger

de

Strasbourg

1).

Celui-ci

n aurait

fait

que reproduire

n

original

rédigé

en latin

par

un

certain

«

N.

médecin d Assise

,

sans

doute dans

les

années trente u

quinzième

iècle

(2).

Ce

«

livre de

recettes

de

cuisine

propres

à conserver

e

corps

en

bonne

santé,

bon

appétit

t

bon

goût

constitue

n

volume

de 80 folios

de

papier

10

x

15,5

m)

relié

en

peau

de

porc.

l

appartient

un

fonds

légué au XIXe siècle à la bibliothèquede Châlons-sur-Marnear un

notablede la

ville

(cote

319

(129) Garinet).

Les

cent huit

recettes

de ce

manuscrit ont

précédées

de

quelques

considérations

énérales

ur les herbes à

cuire

et

les

fruits,

t

d une

table des

matières. lles

sont ordonnées

e

manière

un

peu

incertaines

en

brouets,

gelées,

pâtés,

égumes,

auces et

poissons.

Peu de recettes

sont

propres

ce

recueil

beaucoup

sont

proches

des

recettes

u Liber

de

Coquina

du XIVe

siècle édité

par

MarianneMulon

(3).

J ai choisi

de

publier

ci

les

«

Tortelli d Assise

(f

58

v

-

59

v)

précisément arce

que

c est,

dans un

genre

onnu,

ne recette

riginale

cuisine

régionale

1.Résidait-il Bergameomme ontvu les archivistesu XIXe siècle

Peut-être,

ais la lecture st incertaine.

2.

Le

premier

olio

du

manuscrit

onne

ne date

tronquée

143.1ermai.

3.

M.

MULON,

«

Deux traites

medīts

d art culinairemedieval

,

dans

Bulletin

hilologique

t

historique,

968,

p.

368-435,

e Liber de

Coquina,

p.

396-420.

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95

De

modo

faciendi

Tortellos assisianos

<4

Recipe

carnes

porci

masculi

pingnes

et

macre

videlicet de ven-

treschaet

cossa,

et

elixa bene et

bacte cum cultello minut

t m et

recipe

mule

5)

et

erbellevel

grele

?)

elixateet

bene

pístate.

Et

recipe

ova

debactuta et

om>

a

supra

dicta misce simul in catino cum

pauco

sale

saff

rano

et

bonis

(6)

speciebus

et

fac

misturamnon morbidam

sed

aliqualiter pissam

et misce

bene.

Et

recipe

farinam

tacciatam

uper

tabulam

igniam,

t

recipe

de

dieta mistura

um

digitis

vel

cocleare et

involve

uper

dietam

farinam

et

fac

formas

icut

digiti

manus

longi

de tota

mistura,

idelicet ero

promane et manepro sero ut benefirmentur.

Modus

coquendi

eos

Recipe

brodium

grassumpullorum

vel

vitelli

dum

bene

bullit

et mitte ntus

dietos tortellos

t subito extrahe

quia

subito cocti

sunt

et mitte n

parassidibus

et

desuper

de dicto brodio

et cum bonis

speciebus,

t

da ad

comedendum.

Et

si vis

facer

pizzám

ex

dieta mistura

fac

sine emula et

magis

morbida um ovis

et

lactata in

techia,

t

coque

cum

admigdalis

undis,

uvis

passis

et

speciebus

desuper.

Comment faire les tortelli

d Assise

Prendsde la viande de

porc

mâle,

grasse

et

maigre,

est-à-dire e

la

ventrèche

t

de la cuisse. Fais-la bien bouillir

t hache-lamenu avec

an couteau.Prendsde l aunée

?)

et des herbes

bouilliesou

... ? ...

et bien

pilées

prends

des

œufs

battus et

mélange

toutes ces

choses

ensemble

dans une

atte

avec

un

peu

de

sel,

de

safran t de

bonnes

épices.

Fais-en

un

mélange

ui

ne soit

pas trop

mou,

mais

plutôt pais

et

mélange

bien.

Prends

de

la

farine

tamisée sur une

table de bois. Prends de

ce

mélange

vec

les

doigts

ou

avec une cuiller et

roule-ledans la farine.

De

tout

ce

mélange,

ais des

formesde

la

longueur

d un

doigt

de

la

main.

Prépare-les

e soir

pour

le

matin,

e

matin

pour

le

soir,

pour

qu elles

se raffermissentien.

Manière

de

les

cuire

Prendsdu bouillon

gras

de

poulet

ou de

veauet quand il boutbien, ette dedans lesdits tortelli t retire-lesoutde

suite,

car ils sont cuits tout de

suite. Mets-lesdans

des

plats

et mets

par-dessus

u

mêmebouillon

vec de

bonnes

épices

et donne à

manger.

Et si tu

veux faire une

seule

pièce

avec ce

mélange,

fais-le sans

aunée et

plus

mou,

avec des œufs

et

du

lait

(?)

dans un

plat

et

cuis-le

avec des

amandes

émondées,

es

raisins secs

et des

épices

par-dessus.

4. Pour

l édition,

ous avons

respecté

ntégralement

orthographe

t

les formes rès

mparfaites

e ce latin

«

de

cuisine .

5. Emule

pour

nule

?) ;

de

plus

ce mot t ceux

qui

lui

sont oordonnés

devraient

tre à l accusatif.

6.

Le

copiste

répété

t

bonis.

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Jean-Charles

HUCHET

LES

MASQUES

DU CLERC

(Le

Tristan de

Béroul)

Le

plus

souvent

nonyme,

e

roman médiéval

cherche,

d'un même

geste*

protéger

on

anonymat

t à

traquer

le

visage

caché

de son

auteur. l produitde multipleseurresdont se nourrita fiction t qui

aveuglent plaisir

a

lecture,

mais

qui

se

révèlent

ependant

e

subtiles

interrogations

e

l'écriture

omanesque.

Dans le

Roman de

Tristan attribué un

certain

Béroul,

nom dont

les

efforts

e la

critique

n'ont

pu percer

le

mystère,

e clerc

auteur

feintde

livrer on

nom

(v.

1268et

1790) 1)

pour

mieux dérober son

identité t

se

représenter

masqué,

ailleurs,

dans la

fiction.

e contexte

émerge

e nom

pris

ppur

a

signature

ait

ouer

habilement,

omme

pour

es

mêler,

a vérité

t

le

mensonge.

a

première

mention

du nom

de

Béroul

(au

cas

sujet,

«

Berox

)

intervient

u

momentoù

il faut

trancher u sort

réservé

par

Tristan Y

vain,

e chef des

lépreux quifut ivrée seut « provee d'adultère

«

Li

conteordïent

qu'Yvain

Firent

nïer,

ui

sont vilain

N'en

seventmie

bien

l'estoire,

Berox 'a

mex

en sen

memoire,

Trop

ert

Tris ran

preux

et cortois

A

ocirre

ģent

de tes

lois.

»

(v. 1265-70).

Au-delà

des

rodomontades finalité

ublicitaire,

éroul ne

revendique

son

appartenance

la

confrérie

es

«

conteor

»

que pour

mieux s'en

séparer,

ouligner

e

mensonge

travesti

n

méconnaissance)

de ceux

qui ne « seventmie bienl'estoire et vanter 'excellence 'une mémoire

témoignant

'une

transmission rale de

1'

«

estoire . La vivacité du

souvenir

ient

d'ailleurs moins aux

facultés

de mémorisation

u'à

la

chance

d'avoir

pu

consulter 'écrit

contenant a

véritéde

1'

«

estoire

et

Béroul dit

l'avoir

apprise

«

Ne,

si

conme

'estoire

dit,

La ou

Berox e

vist

escrit,

Nule

gent,

ant ne

s'entramerent

(v.

1789-91).

Cette source

écrite

et

perdue

-

exista-t-elle

La

critique,

non sans

raisons,

n

a

parfois

douté

(2).

Serait-ce

lors une

invention u

clerc

1.

Nos

référencesu

texte e

Béroul

renvoient

l'édition

'E.

MURET,

Le Roman

de

Tristan

C.F.M.A.. aris. 1969.

e

éd.

2,

Pour les

repères

bibliographiques,

n

pourra

consulter

'excellente

synthèse

e

D.

SHIRT,

The old

french

ristrans

oems.

A

bibliographical

guide

Londres,

980.

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97

grâce

à

laquelle

il

assoit

la

crédibilitéde sa version

ainsi

que

son

autorité

Et

qui

dira s'il

ment moins ou

plus que

les

«

conteors

?

Béroul

n'est

peut-être

ue

le nom reliant entre

eux les

multiples

leurresmis en œuvre

par

le

texte,

'autre nom du

suspens

entre

vérité

et

mensonge,

es contradictions

u roman l'archaïsme

pparent

un

effet de

style

)

d'une

première partie

démenti dans

la

seconde,

l'incohérence

'un baron

tué

à

deux

endroitsdifférents

u récit

(3)...

La vérité

du

nom

énigmatique

est

appendue

à la vérité

de

1'

«

estoire

qui

cherche elle-même

se

fonder,

t

pourtant 'égare,

par

un

geste

de

rupture

avec

une tradition

égitimante.

Le nom

« Béroul réponddans le registre« biographique par une énigme

au

coup

d'arrêt donné à

la transmission

ui

fonde

1'

«

inventio

.

Le

nom

se donne

pour

la

marque

de la vérité

du

récit

singulier

qui

«

dé-ment la tradition

des

«

conteors

. Il

personnifie

a déviance

par laquelle

le récit

tente d'accréditer

a vérité de la

fiction,

faire

prendre

e

mensonge

e

la fiction

our

a vérité e

la

fiction.

l

ne

témoigne

que

de

l'oscillation

ntrevérité

t

mensonge,

eux

pôles

entre

esquels,

comme nous

le

verrons,

e

récit ne cesse

d'hésiter,

ans

parvenir

s'empêcher

e les mêler.

Car comment

roire à

la vérité de

la fiction

et

du nom

qui

en

revendique

a

nouveauté,

uand

le

récit ne

laisse

pas de mettren scène despersonnagese payantde mensonges quand

le

lecteur,

onvié à

prendre

a

place

de Marc dans le

pin

épiant

les

amants,

reste sourd

à ce

qu'avouent

eurs

mensonges

quand,

enfin,

l'ermite

la

voix

même

de la vérité

confondue vec

celle de

Dieu)

conseillede mentir

v.

2353-54)

t tend au

clerc un

masque pour

qu'il

se

travestisse Le nom

d'auteur

fonctionne omme

un leurre

le clerc

est

ailleurs,

dissimulé

derrière

es

personnages,

t

préserve

son

ano-

nymat

sous

les

figures

ntagonistes

du nain Frocin et

de l'ermite

Ogrin

afin de

mieux

livrer,

t

dérober à

la

fois,

es secrets

de son

écriture.

A l'instar

d'un

ermite,

e

«

nain devin

«

set

de maint

atin

(v. 636)

il lit dans les

étoiles

v.

322,331,

736-37)

omme

'ermite

ans

le livrede Dieu (v. 2292).Ne conseille-t-ilas à Marc d'envoyer ristan

porter

Arthur n

«

bref

(une

lettre) v. 649-54),

ont on le

suppo-

sera

auteur,

u même

titre

qu'Ogrin rédige

un «bref» transmis

par

Tristan

Marc

(v.

2356-2620)

Enfin,

rocin

ne se veut-il

as

«

conteor

lorsqu'il

dévoile

a fiction

'une vie à

venir

«

Qant

il

oiet

un enfant

nestre,

Les

poinz

contottoz

de sa

vie

»

(v.

326-27).

tout

comme

Ogrin,

dans

le

«

bref tracé de sa

main,

conte,

les

«

poinz

de la vie

passée

des amants

et

anticipe

leur avenir en un

récitdignedu « conteor Béroul?

3.

On

a

parlé

d'utiBéroul

(v.

2-2754),

idèle

une

version

rimitive

u

roman

ont e

Tristrant

'Eilhart

on

Oberg

st

le

meilleur

émoin,

t d'un

Béroul

I, plus

récent,

écartant

ignificativément

u texte ourni

ar

Eilhart.

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98

L'écriture

impossible

Béroul

est

le seul

auteur

français

ayant

«

conté de Tristan à

nommer e

nain

«

Frocin

(aux

vers

320,328,

645)

et

«

Frocine

(aux

vers

470,

1328,

349).

ingularité

coup

sûr

signifiante,ui

fait

à nou-

veau

achopper

sur

le

mystère

d'un nom. M.

Delbouille

a

cru devoir

rapprocher

e nom

«

Frocin du

mot

«

froncin

(ou

«

froncine

)

qui

désignait

au XIV*

siècle

(4),

dans la

région

picardo-flamande,

n

parchemin 5).

V.

Gay,

à

qui

il

emprunte,

éfinit insi le

froncin:

«

Parchemintrès blanc et de qualité supérieurequ'on appelait enFlandres « francin . La

froncine,

ui

subissait

peut-être

ne

prépa-

ration

particulière,

st

presque

toujours

une

peau

de

brebis

passée

en

chaux

»

(6).

La

rugosité

du

parchemin

aisant

mage

à la

peau

rêche

d'un

crapaud,

le

mot

«

fro(n)cinie)

aurait

bientôt

désigné

un

petit

crapaud

ou un

têtard,

t

Béroul aurait

transformée

substantif n

nom

proprepour

résumer a

hideur,

ant

physique

ue

morale,

du nain

(7)...

Le

nom

conserve

'écho de son

origine

t

souligne

es

accointances

du

nain

avec la

question

de

l'écriture

8).

On

le

dépliera

comme un

parchemin.

Mais

qu'écrire

sur

cette

page

blanche

appelée

par

le

nom,

sinon

la

preuve

des

amours

coupables

de

Tristan et

d'Iseut,

dont le scandale emplitun jour la vue des barons félons sans pour

autant

amais

s'offrir

celle de

Marc

?

«

Qar,

en un

gardin,

oz

une

ente,

Virent

'autrier

Yseut la

gente

Ovoc

Tristran n

tel

endroit

Que

nus hon

consentir e

doit

Et

plusors

foiz

es ont

veiXz

El

lit

roi Marc

gésir

toz

nus

»

(v.

589-94)

Il

s'agit

de

capter

dans

les

rets

d'une

représentation

ignifiante

e

que

les

yeux

de

Marc

ne

peuvent,

u

ne

veulent

pas

voir,

de

substituer

la

violence génératriced'incertitude e l'image, la preuve d'un signe

écrit

qui

fasse

à

jamais

trace de 1'

«

asenblee

de

l'hommeet

de la

femme

dérobée

à la

vue.

Car

l'image

n'est

pas

sûre

et

fait le

jeu

du

4.

Le

mot

cependant

tre

utilisé

ien

avant

a

première

ttestation

littéraire.

5.

«

Le

nom

du

nain

Frocin(e)

,

Mélangesofferts

Istvan

Franck

Sarrebriick,957, .

191-203.

6.

Cité

p.

197.

/ Tiiïi e.?

*

boçu (v.

320),

«

cort

(v.

1328)

sa

tête est

grosse

(v.

1328)

il

est

proche

'une

bête

dont,

u

moins

ne

fois,

l

eut

e

compor-

tement

«

il fist

que

beste

,

v.

1309).

Comme

e

crapaud,

l

enfle

«

De

mautalent,ogisttenfle,v.332). 'âme stà l'image ucorps, 'ymélangentla féloniev.470) t la ruse «voidie ,v. 673).

8.

Aucun

utre

auteur

ne

conservera

ans un

nom

le

lien du nain

et

de 1

criture. e

manuscrit

du

Tristrant

'Eilhart

e

nomme

Aquitayn

(v;

3931),

«

Volant

(v.

1780).

hez

Gottfried

e

Strasbourg,

l

a

pour

nom

«

Melot

(

«

Melot

petit

von

Aquitan,

v.

14240).

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99

désir de

ne

pas

voir

Marc

en fera

plus

tard

les

frais,

dans

la

loge

de

feuillage

du

Morois,

orsqu'il

surprendra

es

amants endormis

t

s'abusera

des

signes

(disposition

des

corps,

vêtements, nneau,

épée,

cf. v.

1995-2019)

'une désunion

actuelle n'abolissant

cependant pas,

dans

la

mémoire

u

lecteur,

e souvenir

de

charnellesunions.

L'urgence

d'une trace écrite

s'est d'ailleurs fait

sentir dès la

pre-

mière

séquence

de ce

qui

reste

du roman de

Béroul,

lorsque

Marc,

grimpé

ans

le

pin

sur

les conseils

du

nain,

ssiste au

«

parlement

des

amants t

guette

lor asenblement

(v.

474)

sans

que

son

regard

puisse

en

saisir le

signe

«

Or

puis e

bien enfin

avoir.

Se feüst

voir,

este asenblee

Ne feüst

pas

issi

finee.

S'il

s amasen de

fol'amor,

Ci

avoient sez

leisor.

Bien les veïse

entrebaisier

(v.

298-303).

A

la

différencee

Marc,

e nain

voit,

par

«

nicromance

,

tous les

types

de

conjonction

il

les lit

dans

le

cours des

astres et dans

l'assemblée

des

étoiles.Une

première

ois,

uste après

la

scène du

pin,

l

découvre

dans

l'agencement

es

planètes

a menace*

ui

pèse

sur

sa tête

«

Oiez du nain

boçu

Frocin.

Fors

estoit,

i

gardoit

n

l'er,

Vit Orient t

Lucifer.

Des

estoiles

e

cors

savoit,

Les

set

planestres

devisoit

Il

savoit bien

que

ert a

estre.

(...)

As estoileschoisist

'asente,

De

mautalent

ogist

t

enfle,

Bien set

li

rois fort e

menace

(v.

320-332).

Menace

qui

n'est

que

le

résultatde

la

réconciliation

«

l'asente

,

v.

331)

de Tristanet de Marc et qui, peut-être,veugle le roi sur une autre

«

asenblee

...

Plus

sûrement

ncore,

le

nain

astronome

it dans

les

astres a

réunion es

corps

dans

l'amour,

orsque

Tristan,

ui

pourtant

a

vu le

piège

de la

fleurde

farine,

n'a

pu

s'empêcher

de

rejoindre

Iseut

dans le

lit de

Marc

«

Li

nains

defors st. A

la

lune

Bien

vit

osté

erent

nsenble

(v.

736-37).

C'est le

signe

de cette

«

joste

»

(conjonction) 9)

-

mot

qui

conserve

l'écho

de la

«

joute

»

des

corps

la

blessure

de

Tristan

(v.

716-20)

9. Comme

ouvent,

homas

st

plus

explicite

«

Li

rois,

que

li

nains

i

amene/Prendre

es

cuidoit

l'ovraine

l'ouvrage,

n

action)/Mes,

erci

Deu,

bien i

demorrent

,

THOMAS,

es

Fragments

u

Roman

de

Tristan,

éd.

B.H.

WIND,

Genève,

960,

ragment

e

Cambridge,

. 5-7.

Page 102: Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf

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100

se

rouvre

t

ensanglante

es

draps

-

qu'il

s'agit

de

fixer,

«

écrire

.

Précisément,

e

qui

se dérobe au

regard

de Marc et

du lecteur onvié

à

occuper

sa

place.

Fixer à

jamais

d'un

signe

1'

«

asenblee

des

amants,

«

écrire

,

pourreprendre

.

Bodel,

«

la

some/Q'avint

'une fame t d'un home

(10),

telle

serait

a

tâche

dévolue

au

nain. Il

s'agit

en somme de

reproduire

ailleurs,

ur une autre

surface,

le

parchemin

ppelé

par

son

nom

-

le

signe

d'une

fusion-annulationes sexes. Le nom du nain a deux

formes

«

Frocin

,

rimant vec

«

matin

(v.

320)

et

«

devin

(v.

643)

et

«

Frocine

,

rimant vec

«

roïne

(v.

470et

1349)

t

«

espine

(v. 1328).

Le nain conjugue les deux genres grammaticaux t additionne es

sexes il

reste

en-deçà

de

la

différencees

sexes

qu'il

totalise t

partant

abolit.

Il

prend place

dans la série

des êtres

hybrides ngendrés

par

la

littératuremédiévale

il

est

en

quelque

sorte,

'envers énébreux t

monstrueux e la lumineuse

Camille

qui,

dans

l'Enéas,

«

le

jor

ert

rois,

la

nuit raïne

(v.

3977)

(11)

et le double du

Sagitaire

du Roman

de

Troie

de Benoît de Sainte Maure mi

homme

mi

bête

(v. 12353493) 12),

dont

il

partage

la

bestialité

(«il

fist

que

beste»,

v.

1309) (13).

La

fonction 'écriture e la

«

some

»

sexuelle

appartie

au nain

est homo-

logue

à

la

structure isexuée de

son nom en d'autres

termes,

e

nom

se donnepour la matriced'où s'engendre ne séquence du récitquiva en

déploier,

ans le

registre

e la

fiction,

es

potentialités

ignifiantes.

Ecrire,

pour

le

nain,

sera-ce

pour

autant confier u

langage

ce

que

les

yeux

de Marc ne

peuvent

mbrasser

traduire

dans

la

langue

ce

qui

se donne à lire dans la

grammaire

des

astres?

fixer,

râce

au

«

trivium

(les

«

artes

sermonicales

,

les

disciplines

du

langage)

les

mystères

u

«

quadrivium

(les

«

artes reales

»,

les

disciplines

de

la

nature)

Quelle

langue

aura la

magie

du

philtrepour

retenir a trace

de

l'union des

amants

Le

langage

écrit

pourra-t-il

ême

y

parvenir

Rien

n'est

moins sûr. Le nain

entretient ne

méfiance ertaine

l'égard

du langage sans doute est-ce à la conséquenced'un savoir sur la

langue

et les

langues

(

«

il

set de

maint latin

)

et leurs

impasses.

L'écriture emble même

engagée par

le nain dans une

stratégie ara-

doxale.

Avant de mettre

n

place

le

stratagème

e

la fleurde

farine,

Frocin

conseille

à

Marc

d'envoyer

ristan

porter

un

«

bref à

Arthur

«

Di

ton

nevo

q'au

roi

Artur,

(...)

Covienge

u'il

aut

par

matin

un

brief

scrit

n

parchemin

Port

a Artur oz les

galoz,

Bien

seelé,

a cire aclox»

(v.

649-54).

10.Li

sohaiz

desvez, abliaux,

d. P.

NARDIN, aris,Nizet, 965,

. 34.

11.

Ed.

J.J.

ALVERDA E

GRAVE, .F.M.A., aris,

2

vol..

1964-68.

12.

Ed. L.

CONSTANS, .T.A.F.,

aris,

1903-09,

vol.

13.Ne

revele-t-il

as

la

bestiame e

Marc

«

Marc

a orellesde cheval

,

v.

1334)?

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101

Pressé

par

le

désir

à la veille d'une

séparation,

ristan ra

rejoindre

a

reine dans le

lit de Marc

qui,

grâce

à la

complicité

du

nain,

pourra

les

prendre

en

flagrant

élit d'adultère. Le

stratagème

n

lui-même

impprte

eu,

seuls

comptent

e

sort

apparti

au textenon

communiqué

du

«

bref et

sa fonction e désuniondes amants

pour

hâter

'inscrip-

tion

de leur réunion dans

un

registre

non

langagier.

Si

ce

«bref»

contient

uelque

chose,

Frocin en est sûrement 'auteur

Marc ne

sait

ni

lire ni

écrire;

plus

tard,

lorsqu'il

recevra

la

missive

de

l'ermite,

il

la

fera

lire

par

son

chapelain

(v. 2510-13)

t lui demandera

de

rédiger

a

réponse (v. 2639-40).

A

moins

que

la

clôture.

du «bref»

(« Bienseelé, cire aclox») n'enfermeue duvide, ue le textemanque...

Pourquoi

le

message

en serait-il u alors

que

le contenu

des autres

«

brefs est

longuement

ommuniqué

cf.

v.

2360409,

.

2556-618,

655-

80)

?

Le

«

bref

du nain n'est

qu'un

simulacre,

igne

de sa défiance

à

l'égard

d'un écrit

qui

confierait u

langage

le soin de

retenir

1'

«

asenblee de Tristan et

d'Iseut. Ce

«

bref reste

lettre morte

Frocin sait

qu'il

ne

parviendra

amais

à son

destinataire,

u'il

est

un

semblantdont on s'amuse

pour

manifester

'impuissance

saisir

l'es-

sentiel

d'une certaine ittérature

ont

il

est

l'emblème.En restant

à

l'état

de

projet,

e «bref»

marque

ime défiance

l'égard

de

la litté-

raturedont il soulignele caractère de fiction, oire de mensonge.

Serait-ce elle

propagée par

les

«

conteors

?

Plus

largement,

l inter-

roge

e

langage

contaminé

ar

le

mensonge.

Dans le Tristan de

Béroul,

rien n'est moins sûr

que

le

langage

chaque

personnage

n

use

et

en

abuse

pour

dissimuler

a vérité.

Com-

ment dès

lors

confier u

langage

corrompupar

le

mensonge

a

tâche

de fixer

jamais

la

preuve flagrante

e l'union sexuelle

des amants

?

Dans

la

première

séquence

conservée

du

roman,

Marc,

venu

pour

surprendre

'

«

asenblement

(v.

474)

de son neveu et de

la

reine,

n'assiste

u'à

leur

«

parlement

(v. 471).

A

la

place

de

l'acte des

mots,

qui en nient 'existence.Que pourront-ilsn dire ?... Dans le premier

entretien vec

Tristan,

seut

a

vu le reflet

e

Marc dans

l'eau de

la

fontaine elle

se

saisit

de

la

parole

en s'adressant Tristan

v. 3-4)

et

le

mensonge

urgit,

e véritémêlé

«

Se

li

felonde cest'enor

Por

qui

jadis

vos

conbatistes

(...)

Li

font croire

ce

me

senble)

Que

nos amors

ostent

ensenble,

Sire,

vos

n'en avez talent

Ne

je,

par

Deu

omnipotent,

N'ai

courage

de drlierie

(v. 26-33).

S'éploie

alors une

dialectique

retorse

visant à mêler

toujours plus

la

vérité t le

mensonge

par

une utilisation

frauduleusedu

langage.

Le

mensonge

e

pare

des

couleurs

de

la

vérité

par

une

répétition

deux

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102

mensonges;au

moins,

ont

nécessaires

pour que

le

mensonge

devienne

semblant e la

vérité.

seut

mentune

première

ois en

niant

son

amour

adultère

pour

Tristan

v. 33)

et

une

seconde fois

à

Marc descendu

du

pin

en

lui

assurant

u'elle

ne

ment

pas

:

«

Sire,

onques

jor

ne

vos menti.

(...)

S'en

dirai

e

le voir du

tot

Ja n'i

avra menti

d'un mot

(v.

395-98).

Elle lui rapporte idèlemente « parlement mensonger our masquerla vérité de 1' « asenblee . La

prolifération

u

mensonge

exclut la

possibilité

d'une

énonciationdu

vrai. Un troisième

mensonge

'avère

cependant

ndispensable

pour

fermer a

boucle

qui

prend

la vérité

dans

les rets du

semblant celui

de

Brengain,

a suivante d'Iseut.

Chargée

d'aller

quérir

Tristan,

lle

refuse,

dénonçant

une haine

qu'il

n'éprouve

pas

et

réclamantune

réconciliation

ar

même

inutile

«

Brengain

i dit

«

Sire,

l

me

het

:

Si a

grant

ort,

Dex

le

set.

Dit

par

moi est

meslez

o vos

»

(v.

511-13).

Rien n'est plus faux au regarddu présentque cette «meslee , mais

rien

de

plus

vrai

au

regard

de la

«

proto-histoire

du

récit où

fut

absorbé le

«

bievre

d'amor

,

détournéde

sa destination nitiale

par

Brengain

et

donné à

boire au neveu

et non

à l'oncle. Le

mensonge

de la

suivante

est

reconnu

comme vérité

par

le silence de Tristan

tapi

derrière a

paroi,

comme Marc le fut

dans le

pin.

Au

fil de ce

chassé-croisé,

érité t

mensonge

emeurent

onfondus

ar

un

langage

impuissant

les

démêler,

t

partant

à

«

écrire la

copule

des

corps

dans

l'amour.

Mais

le

mensonge

est-il

autre chose

que

l'inadéquation

de la vérité

aux

mots

?

elle-même

eflet, ans le registre, on plus de la logiquemais de la dialectique, e l'inadéquation es « dictiones et des « res»,

des

mots

et

des

choses ?

Le

mensonge

ristanien

onne structure e

fiction

l'arbitraire

ui

régit

e

rapport

des

«

dictiones et des

«

res

»

;

il

s'inscrit,

sa

manière,

ans le

débat entre

nominalisme t

réalisme

qui

sous-tend a

querelle

des

universaux

14).

Faudra-t-il

'étonner

ue

Frocin,

dans

l'épisode

de la

fleurde

farine,

ente

de saisir la vérité

de

l'amour

et de la

sexualité

en-deçà

du

langage,

dans

l'inscription

14.On a

déjà

souligné

es

rapports

u

Tristan e Béroul

vec

l'éthique

abélardiennecf. T. HUNT, «Abelariati Ethics and Beroul's Tristran».Romania

XCVIII,

1977,

.

501-40).

n

prenant

e

mensonge

t

la

vérité

pour

des faits

dénonciation,

n verrait

ue

c'est surtout

vec la

logique

d'Abélard

ue

le

Tristan ntretient

es

rapports

es

plus

féconds t

par

qu'il

consomme,

ors e

champ héorique,

a

rupture

vec le

réalisme

ont

Abélard ut

'instigateur

clairé.

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103

d'un

signe

non

linguistique

pte

à

faire l'économie

des

impasses

du

langage

En

répandant

a farine sur le sol entre

les lits

de

Tristan

et

d'Iseut

«

Entre deux liez la flor

respant,

Que

li

pas

allent

päraisant,

Se

l'un a

l'autre a nuit

vient

La flor

a

forme

des

pas

tient

(v. 703-06).

Frocin transforme'espace de la chambre en

«

bref , il déploie lasurface blanche d'un

parchemin

où doit venir s' « écrire le

signe

faisant

ien entre

les

deux lits et les

deux amants

qui feignent

e

s'y

reposer.

Signe

enfin

déquat

à

ce

qu'il

veut

signifier.

e nain est

toute ttente

'une

trace,

d'un

signe,

t non

plus

d'un mot.

Sa tentative

s'inscritdans

la recherche 'une

sémiologie,

la fois

simple

et

géné-

rale,

visant à

pallier

les carences

d'un

langage

clivé

par

la confron-

tation réitérée de

la vérité et du

mensonge

dès lors

qu'il

prétend

affronter

a

question

sexuelle

et

«

écrire

la

«

some

»

de

l'embrasse-

mentdes

corps

annulant a

différenceexuelle.

Mais le

signe tangible

de l'union n'adviendra

pas.

Tristan

a

vu

le

nain

répandre

a farine

et compris e piègetendu

«

Tristran it le nain besuchier

Et la

farine

sparpellier.

(...)

Pus

dit

«

Bien

tost

a ceste

place

Espandroit

lor

or

nostre race

Veer,

e

l'un a

l'autre roit

(v. 707-13).

Le nain

sorti,

Tristan

njambe

a

page

offerte

l'écriture e ses

pas

et

saute d'un

lit

sur

l'autre.

L'effort

ait se rouvrir ne blessure

récente

qui

ensanglante

es

draps

de

la

reine

(v. 731-32).

out à leur

«

délit

,

les amants n'en ont cure,cependantque, dehors (15), le nain lit leur

«

asenblee dans les astres

(v. 736-38).

endu

à

lui-même

ar

le bruit

de

la venue du

roi,

Tristan

fait un saut en sens inverse

«

Li

rois s'en

vient.

Tristran

'entent,

Live du

lit,

tot

esfroïz,

Errant 'en rest mot tost

salliz,

Au

tresallir

ue

Tristran

ait,

Li sans decent

malement ait)

De la

plaie

sor la

farine

(v. 744-49).

15.Chez Eilhart,e nain se cache directementous le lit «Je seraicaché ous e lit de ma souveraine.e vous réveilleraiès

que

je

l'entendrai

y

aller.

l ne

pourra

ier,

ar l aura mis

e

pied

dans a farine

(v. 3846-51).

Tristan ans

e

lit,

«

le nain se

mit

pousser

n cri

si fort

ue

la

salle

en

retentit

(v.

3831-32).

exte t

traduction e D.

BUSCHINGER,

Göppingen,

1976.

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104

A

la

place

de

l'empreinte

e

pas

attendue,

n'apparaît

que

le

sang

de

la blessure.

A

la

place

d'un

signe

un

autre

signe,

plus

que jamais

inadéquat

à la

«

res

»

signifiée.

e

sang

sur

la farine

et

les

draps

n'écrit

amais

que

la vérité

de

la

blessure

et,

surtout,

u

saut,

mis

en

valeur

dans le texte

par

un

superbeenjambement

«

Et sor la flor

n

pert

a

trace,

Du

saut.

Li

rois Tristran

menace

(v. 769-70).

En

prenant

e

sang pour preuve

de

son

infortune,

arc

s'égare

tout

en restantdans le vrai. Son erreur n'est-ellepas aussi celle de tout

lecteur

aveuglé

par

la

lisibilité

fallacieuse des

signes

produits

par

le

roman

Car le

signe sanglant

«

écrit

moins,

rouge

sur

blanc,

'union

des amants

qu'il

ne fixe

eur

séparation

c'est seulement

u

retour

que

le

sang

vient maculer a

farine.Là où les

pas

eussent

à

jamais

fourni

a

preuve

de

1'

«

asenblee de

Tristan et

d'Iseut,

le

sang

ne

retient

que

la

disjonction

des

corps.

L'entreprise

ď

«

écriture

du

nain a

échoué,

sa

sémiologie

s'est

avérée,

elle

aussi,

impuissante

produire

e

signe

attendu.

eule

la

lecture

veuglée

de

Marc,

sa

volonté

précipitée

e

renvoyer

e

signe

à

la

signification

exuelle

prévue,

réta-

blissent

l'adéquation

du

«

signum

et

de

la

«

res

significandi

,

gomment a disjonction rréductible es « dictiones et des « res»

induite

par

le

clivage

de

la véritéet du

mensonge

ui

fait

paradigme

à la différenceexuelle.

L'importance

e l'échec

de cette scène

ď

«

écriture

,

qui

dénie

à

la

littérature

e

pouvoir

de

produire

le

signe

de l'union

sexuelle,

se

mesurera

au

nombre

de ses

reprises

dans

la littérature

médiévale

«

contant de

Tristan,

n

français

ou non.

On les

lira comme

autant

de

tentatives

'effacemente

cet échec.

Ainsi,

e

héros

d'Eilhart ne

peut-il

effectuer

e bond de

retour

sans

mettre

n

pied

à

terre

« do mocht r nit wol recken «Mais il ne

put

d'une détente

daß

er wol

wer komen

wider

y

parvenir,

l mit un

pied

à

daß tratt r mit im

Füßnider

terre

.

(v.

394042)

La fleur de

farine

retiendra

quand

même

le

signe

espéré,

réduit à

l'unicitédu miracle.Preuve

rréfragable.

Dans le

Tristan

n

Prose

il ne

s'agit

plus

d'une scène

ď

«écriture»,

mais d'une

simple

péripétien'ayant

plus qu'un

lointain

rapport

avec

le

roman de

Béroul.

Audret,

n

autre neveu

de

Marc,

place

un

sou-

des faux

tranchantes utour du lit dTselt

pour surprendre

ristan.

Tristan s'y blesse, rejoint la reine, ensanglante es draps à leur

mouillure,

elle-ci

omprend

e

piège

et

enjoint

à Tristan

de

regagner

son

lit,

mais

se blesse elle-même

ux faux en se levant.

Elle accuse

Audret,

u

Tristan,

'avoir

voulu attenter sa

vie Marc

refuse

le

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105

combat

entre es deux cousins

germains

ui

manifesterait

a véritéet

promet

de

la

faire

apparaître

utrement

16).

Le

sang

ne

prouve plus

rien,

n'

«

écrit

plus

rien le motif

paraît

totalement xténué

(17).

L'impuissance

du nain

à

«

écrire

1'

«

asenblee de

Tristan et

d'Iseut montre

qu'il

n'y

a

pas d'équivalent,

dans le

langage

ou les

systèmes

de

signes,

du lien

magique

et

imaginairequ'est

le

philtre.

Et

cet échec sera

définitivementonsommé

ans ime autre

séquence

du

roman

par

la mort

du nain

qui,

en voulant révéler

un

autre

mystère

aux

barons,

aissera

échapper

e secret de la bestialité

ffligeant

arc

(« Marc a orelles de cheval , v. 1334).Mécontent,e roi lui coupera

la tête

«

Traist

'espee,

e chief n

prent

,

v.

1347).

L'épée,

qui

tranche

à même le

corps,

inscrit

a

ligne

de

partage

entre

la

virilitéet

la

féminité

onjointes

par

le

double

genre

du

nom

en

cette créature

diabolique

gnorant

a différenceexuelle. e

coup d'épée

porté

par

Marc

n'est-il

as

finalementa réalisation

e l'éviration

romise

u nain

à la

descente

du

pin

?

«

Se

je

le

puis

as

poinz

tenir,

Par

feu ferai son

cors fenir.

Par moi avra

plus

dure

fin

Que ne fistfaireCostentin

A

Segoçon,

qu'il

escolla

Qant

o sa

feme e trova

(v.

275-80).

Castration

ui

inscrit

a différence

es sexes

et rend

par

là si

difficile

leur

«

asenblee et

leur

«

some

».

Le

«

bref

» de l'ermite

Faut-il s'étonner

ue,

sitôt

le nain

mort,

pparaisse

l'ermite,

non

plus ennemi uré des amants,mais ami bienveillant, oire complice

D'entrée,

Frère

Ogrin

s'avère le double inversé

du nain

Frocin.

La

créature

diabolique

a cédé

le

pas

à l'hommede

Dieu,

isolé,

comme

e

couple,

ux

confins

e

la

sauvagerie.

Tristan

t Iseut

se

rendent eux foisà

l'ermitage

'Ogrin

ime

première

fois

«

par

aventure

(v. 1363-423)

ù,

encore sous

l'influence

de

16.Le Roman

de Tristan n

Prose t.

II,

éd. R.

CURTIS, Leiden,

976,

§

532-33.

17.

En amont

de la

version n

prose,

l

faudrait uivre

a

réapparition

de ce

sang

chez Chrétien

e

T

royes,

ecteur e Béroul

ou

de son

modèle)

dans le Chevalier e la Charretteéd. M. ROQUES,C.F.M.A., aris,1970,

v.

4698-911),

ans

Yvain

éd.

M.

ROQUES, C.F.M.A., aris,

1970,

.

1178-85)

et

jusque

dans

le

sang

qui

sourd

de

la blanche ance

du

cortège

u Graal

(éd.

W.

ROACH,

Genève, 959,

.

3196-201)

u

dans celui

qui

macule a

neige

de la

lande

devant

aquelle

muse

Perceval,

oyant

e

surimposer

e

vermeil

des

joues

de Blanchefleur

v.

4172-215).

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106

1'

«

herbé

,

ils

n'entendent

as

«

les

profecies

e

l'escrit

par

lesquelles

le

saint

homme

es

invite

à

venir à

résipiscence

de leur

péché

une

seconde

fois

après

la cessation des effets

u

philtre

et

l'échange

de

l'épée

et de l'anneau

par

Marc

qui

les

a

surpris

endormis

dans

la

forêt

v.

2289-2744).

La

première

isite

e solde

par

un échec les

incitations

la

pénitence

restent ettre

morte

les

plaintes

des

amants

s'élèvent,

n

un

presque

duo où chacun entend

dans

la bouche de l'autre

'écho de

ses

propres

paroles

Tristan Iseut

«

Tristran

i

dit

«

Sire,

par

foi,

«

Sire,

por

Deu

omnipotent,

Que

ele m'aime en

bone

foi,

Il ne

m'aime

pas,

ne

je

lui,

Vos n'entendez

as

la

raison Fors

par

un herbé dont

e

bui

Q'el

m'aime,

'est

par

la

poison.

Et il en but ce fu

pechiez

.

Ge

ne me

pus

de lié

partir,

(v. 1412-15)

N'ele de

moi,

n'en

quier

mentir" .

(v.

1381-86)

La

série

des

chiasmes

ge/lié//ele/moiil/m'//je/lui

je/

/lui)

constitue

un

discours

ù,

sous

l'effet u

philtre,

'annule eur différence. iscours

qui

ne

laisse

pas

de

place

à

la

parole

de l'ermite.

Ne ressuscite-t-il

pas, dans le registre e la langue, a figuremonstrueuse u nain dont

le

nom niait la

différence

exuelle La

substitution

e

l'épée

de Marc

à

celle

de Tristan

(v. 2049-50)

t la cessation

des effetsdu

philtre

(v. 213349)

suspendent

es

jeux

de

l'identification

t

de la

dissolution

spéculaires

et rendent

chacun à sa

différence.

imultanément,

lles

frayent

a voie

à la

parole

de

l'ermite,

ui

va

prendre

sa véritable

dimension

dans la

rédactiondu

«

bref

,

dans

lequel

il

faut voir une

métaphore

e

l'écriture

u roman.

Si

Tristan

l'idée du

«

bref

(v. 2282-84),

seut

formule

rès clairement

la

condition e

son

écriture leur

désunion,

a

négation

e

1'

«

asenblee

guettée

par

le nain

«

De

la

comunede

mon

cors

Et

je

du

suen

somes tuit

fors

(v.

2329-30).

Ainsi

'écrit,

dont

l'ermite era

l'auteur,

prend

acte de

la

disjonction

sexuelle

des

amants,

mais

va

tenter

e

servir,

'est-à-dire

'écrire

vant

sa

réalisation,

ne

double

conjonction

u'on

qualifiera,

âtivement,

e

«

symbolique

.

Dans

l'avant-projet

e

texte

qu'Ogrin

expose

à

Tristan

(v.

2356-409),

igure

a

proposition

'un

retour

d'Iseut

auprès

de Marc

et

une

offre

e

servicede

Tristan

son

oncle

«Au loementde ses vasaus

Preist a feme

a

cortoise.

Et,

se

savez

que

lui

n'en

poise,

O

lui serez

ses

soudoiers,

Servirez e mot

volentiers

(v. 2402-06).

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107

Le

«

bref

permettra

onc

de renouer

e lien

conjugal

distendu

par

l'adultère

et le

lien de

parenté

mis

à mal

par

la

rivalité sexuelle

(œdipienne

)

de l'oncle et du

neveu. Sa fonction 'avère

radicalement

inversede celle du

«

bref

,

peut-être

crit de la main du nain

pour

éloigner

Tristan,

ui

visait à hâter

a

conjonction

exuelle des amants

pour

provoquer

une double

disjonction

symbolique

par

la

rupture

du

mariage

et

du

lien

parental

et

vassalique.

De

même,

es

«

lettres

de

sang

sur

la

fleurde farine ont lues comme les

signes

de la ren-

contre exuelle des amants

(même

s'ils ne

sont,

au

vrai,

que

la trace

de

leur

séparation)

et

entraînent

a

rupture

du

mariage

et

de la

parenté ar la condamnation e Tristan t d'Iseut au bûcher v. 866-98).

Le

«

bref

de l'ermite met à

jour

la

fonction

ppartie

à

l'écrit

par

l'auteur e

représentant

à en train

de

rédiger,

on

une

lettre,

mais

son roman. l

ne

s'agit

plus

de

produire

e

signe

de

1'

«

asenblee

des

amants

-

tâche dont le nain

a

payé

de sa

vie

l'impossibilité

mais

de tenter

'évacuer e sens sexuel du

texte en le

niant.

Dans

l

avant-

projet,

Ogrin

onseille Tristande nier

qu'il

éprouva

amais

le

moindre

amour

coupable

envers Iseut et

de

défendre e

demi-mensonge

es

armes à la main

«N'i avroitfort, age ne lort,

S'il

veut

dire

qu'en

vilanie

Elisiez

prise

drüerie,

Si

vos face

li

rois

Marc

pendre,

Se

vos ne

vos

poez

defendre

(v.

2366-70).

Plus

tard,

le

texte du

«

bref

,

Tristan

s'exprime

à la

première

personne

reprend

es

propos

de

l'ermite

«

Ge sui

tot

prest que

gage

en

donge,

Qui

li

voudroit

lasme

lever,

Lié

aleçier

contre

mon

per,

Beau

sire, pié

ou a

cheval

(...)

Qu'onques

amor nen

out

vers

moi,

Ne

je

vers

lui,

par

nul

desroi

(v.

2568-74).

On

remarquera

es

expressions

«

en

vilanie

,

«

par

nul

desroi

, dont

la

valeur

restrictive

nstalle

une

part

de

vérité au

cœur

même

du

mensonge.

ar il

est vrai

que

les

amants,

omme

e dit

Iseut,

s'aimèrent

de

«

bone

foi

(v. 1382)

et de

«

bone

amor

»

(v.

2327),

ans

«

vilanie

donc.

Au

demeurant,

es

quelques

vers

développent

t

illustrent

e

principe

d'écriture

défini

par

l'ermite

avant

d'inventorier

e

futur

contenu u

«

bref :

«

Tris

ran,

oïne,

r

escoutez

Un

petitet,

i

m'entendez.

Por

honte oster

et

mal

covrir

Doit on un

poi

par

bel

mentir

(v.

2351-54).

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108

Qu'est-ce,

ux

yeux

de ce

représentant

e

la morale

et de

Dieu,

que

le

«

mal

»

et

la

«

honte à recouvrir 'un

écrit,

sinon

1'

«

asenblee

sexuelle

si souvent

épiée

par

le nain

et

Marc ? Non

seulement,

'écrit

de

l'ermite,

ia différence e celui de

Frocin,

prend

acte

de

la

confusion

de

la vérité et

du

mensonge,

u

clivage

indépassable

des

«

dictiones et des

«

res

»,

mais

il

préfère

e

mensonge

la

vérité.Dès

lors,

'écrituren'a

plus pour

fonction e

fixer a vérité

sexuelle,

mais

de la

taire

en laissant

proliférer

es

mots,

de

1'

«

inter-dire

,

de la dire

entre es

mots,

ur le

mode

de

la

dénégation

u de

la

restriction.

Une telle

approche

de l'écriture

uppose

aussi,

en

retour,

ne écoute

plus fineque celle exercéepar Marc affligé e ses oreillesde cheval,

une

lecture

qui

ne

se

précipitepas

sur les

signes,

ne

se laisse

pas

prendre

au

piège

de

l'adéquation

fallacieuse des

«

dictiones et des

«

res

»,

mais,

à

l'inverse,

ache

entendre a vérité

«

mi-dite entre es

mots

du

mensonge,

ui puisse, par exemple,

évoiler e leurre

du

nom

et

démasquer

e

visage

du clerc

derrière

es traitsde ses

personnages.

De

la

lettre

au roman

Le récit de Béroul s'efforce 'accréditer e caractèreépistolairedu

«bref» de l'ermite n

soulignant

es

détails

susceptibles

de le rendre

conforme

ux

normes

de

l'épistolographie

médiévale.

La matérialité e

la

lettre e trouve

insi

mise

en

valeur

d'une

manière

particulièrement

significative.

ristan,

près

avoir demandé à

Ogrin

de

consigner

on

exigence

d'une

réponse

v.

2417-18),

chève l'inventaire e ce

que

doit

contenir e

«

bref

sur

la

mention ouscrite Vale

»,

caractéristique

es

lettresmédiévales

18)

«

Maistre,

mon brief

et seelé

En la

queue

escriroiz Vale

»

(v.

2425-26).

La missiverédigée,Ogrin a clôt et imposeun sceau (19)

«

Qant

il

out

fait,

prist

un

anel,

La

pierre passot

el

seel.

Seelé

est,

Tristran e tent

(v.

2431-33).

Sceau

rompu,

dès

réception, ar

un

chapelain

à la

demande de Marc

«

Primesmanda le

chapelain,

Le brief

i

tent

qu'a

en

la main.

Cil fraint

a

cire

et

lut

le brief»

(v.

2511-13).

18.Cf. G.

CONSTABLES,

etters nd

Letter-collections,urnhout,

976,

p.

17-18.

19.

De

la

meme

maniere,

a

réponse

de

Marc,

une fois

achevée,

era

cloœ^jui^

scellée

«

Et

quand

i

brief rt

selle^/A

a Croiž

Roge

e

pendez

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109

Il

n'est

pas

jusqu'à

la

«

dispositio

(composition)

du

«

bref

qui

ne

reflète

a

rhétorique

des

«

artes

dictaminis

(arts

de

dicter une

lettre) (20),

dont la

fortune

va

croissant dès la seconde moitié du

XII*

siècle et

qui

firent a

réputation

de

Bologne

et

d'Orléans,

es

deux

plus

grands

centresde

l'épistolographie

médiévale.

Le

«

dictamen

prévoyait

une

division de

l'épître

en

cinq parties

ordonnées la

«

salutatio

,

équivalente

la

«

captatio

benevolentiae

des

œuvres

ittéraires,

ui

visait

à

attirer

'attention u destinataire u

de

l'auditoire ors d'une

ecture

publique,

'

«

exordium

(exorde),

orte

de

proposgénéral

u de

proverbe

ervant

d'introduction,

a

«

narrado

précédant a « petitio (la requête), 'épîtredevait s'acheversur une

«

conclusion ou

«clausula». Au XIII*

n

iècle,

Alberico de

Monte

Cassino,

se faisant 'écho de

règles

antérieures,

ropose

de

mêler

la

«

petitio

à la

«

narratio suivant

'ordre

d'une

alternance

«

pars

narrattonis

pars

peticionis

alia

pars

narrationis

alia

pars peticionis

(21).

Lors

de

l'élaborationdu

projet

de la

lettre,

'ermite

mentionne

out

d'abord a nécessitéde la « salutatio :

«

En

parchemin

rendrai

un

brief

Saluz

avra

el

premier

hief

(v.

2357-58).

Les

lectures,

rivée

et

publique

,

du

«

bref

par

le

chapelain

mettent

en

relief

'importance

e la

«

salutatio :

«

Cil

fraint

a cire et lut

le brief.

Li

roi

choisi el

premier

hief,

.

A

qui

Tristranmandoit

aluz

»

(v. 2514-15).

«

Levez s'en

est

li

chapelains,

Le briefdeslie o ses deus mains,(...)

«

Or

escoutez,

ntendez

moi.

Tristran,

i

niés nostre

seignor,

Saluz

mande

prime

et

amor

Au

roi et a tot

son

barnage

(v. 2549-55).

Pressé,

Marc

demande son

chapelain

que

la

réponse

soit vite

rédigée

et

scellée

(«Soit

fait

cist brief

o main

isnele/ ...)

Hastez le

brief»,

v.

2640-42)

la

précipitation

emble

lui

faire

oublier la

«

salutatio

,

mais

il

se

reprend

t

s'en

souvient u dernier

moment

(20)

Cf.

notammente

De arte

dictandi hetorice e

Pierrede

Blois

(Ms. Cambridge, niversityibrary,

d IX

38,

115-125).

21.

Cité

par

P.

BEC,

«

Pour

un essai de

définition

u

salut d'Amour

les

quatre

nflexions

émantiques

u

terme

,

EstudisRomanics.

X,

Barce-

lone,1961,

.

196.

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110

«

Et

quant

li brief

rt

seelez,

A

la Croiz

Roge

le

pendez

Ancor

enuit soit

penduz.

Ecrivez

par

moi

saluz

»

(v.

2645-48).

Si la

«

salut

tio

»

corstitue

une

partie

essentielle t

indispensable

du

«

bref

(22),

1'

«

exordium et

la

«

conclusio

paraissent

à

l'ermite

dénués d'intérêt

il

les omet et

rentre,

itôt la

«

salutatio

achevée,

dans le

vif

de la

«

narratio

et,

fait

significatif,

l

respecte

'alternance

«

pars

narrationis/pars eticionis

.

Ainsi,

e

corps

de

la lettre

peut

se diviser n quatre parties,de longueur ensiblementquivalente, ùalternent elationdes faitset

requête

lre

narratio :

histoire ointainede Tristan t d'Iseut

(v.

2556-67).

1"

«

petitio

: Tristan

requiert

e

droit

de

défendre n

combat sin-

gulier

on honneur

t

celui de la reine

v.

2568-80).

2e

«

narratio : histoire

récentedes amants

(v.

2581-603).

2e

«

petitio

:

Tristandemandeà Marc de

reprendre

a

reine,

de

le

retenir

uprès

de lui

ou,

à

défaut,

'autorisation

e

porter

on service u roi de Frise

(v.

2604-18).

L'absence de

1'

«

exordium et

de

la

«

conclusio

-

ces

parties

indispensables

râce auxquelles

'épître

'arrache

aux

contingences

es

faits et à

l'urgence

relative)

de la

demande

pour

devenir

matière

à

réflexion

t à

enseignement

est moins

la

désignation

du caractère

du « bref qu'une entorseà la rhétoriquedu genrepar laquelle il

devient

e

lieu

d'une

interrogation

e l'écriture

omanesque.

e

«

bref

rédigé

par

Ogrin

déplie

les

différentes

tapes

du

processus

créatif.

En

rassemblant

es idées

destinées

la futurerédactiondu

«

texte

,

l'ermite élabore

1'

«

avant-texte

(23) (v.

2360-409)

u'il

soumet

à

Tristan

pour

approbation

v. 2410-11)

t

modification:

ristan

propose

d'ajouter

a demande

d'une

réponse

de

Marc

(v. 2415-24).

ient

ensuite

la

transformation

e

1'

«

avant-texte en

«

texte

,

la rédaction

du

«

bref

qui

met en valeur a

matérialité rute de l'acte d'écrire

n

évo-

quant

les

instrumentst les

ingrédients

equis

«

Ogrins

'ermite ieve

sus,

Pene et

enque

et

parchemin

prist,

Totes ces

paroles

mist

(v. 2428-30).

L'auteur se veut ci

copiste

de

son œuvre deux

fonctions

omplémen-

taires,

mais

souvent

distinctes,

e

trouvent

assemblées

en un même

personnage. igure mblématique

t

totalisante e l'acte d'écrire.

22. Assuréde

l'importance

e

la

«

salutatio

,

l'auteur

pourrait

even-

diquer

es

propos,

enus n

siècle

plus

tard

par

Brunetto

atini

«

adunque

pare

manifestamente

he la salutazione cosi

parte

della

pistola,

ome

l'occhiodell'uome. t se l'occhioé nobile membro el corpodell'uomo,

dunque

a salutazione nobile

parte

della

pistola,

'altressi llumina utta

la

lettera ome 'occhio

llumina

'uomo

,

cité

par

P.

BEC,

art.

cit.,p.

1%.

23.

A la suitede G.

Genette,

ous

appelons

avant-texte

,

la

série des

esquisses,

des

projets

divers

précédants

e

texte.Cf.

Palimpsestes

Paris,

Seuil, 1982,

.

10.

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Ill

Tristan,

messager

de

son

histoire,

e

charge

de

la transmission

u

«

brief à Lancien

où le roi

séjourne

vec la cour

«

Quii

portera

»

dist

li

hermites.

«

Gel

porterai.

Tris

ran,

nu

dites.

-

Certes, ire,

i ferai

bien,

Bien sai l'estrede

Ļancīen

(v.

2435-37).

En

dépit

du

danger,

e

messager

tient à

se faire

connaître

il

éveille

Marc)

et à

marquer

sa

participation

l'acte créatif n

déclinant on

nom

«

... Di moi ton non.

-

Sire,

Tristran

m'apele

'on.

Un

brief

port,

il

met ci

jus

El fenestrier e cest enclus.

Longuement

'os a vos

parler,

Le briefvos lais n'os

plus

ester

(2465-70).

Serait-ce

à mise en fictiondu

caractère

risqué

de

récritureet

de

toute ittérature

Le

contenu

du

«

bref

,

son

«

texte

,

n'est connu

qu'au

momentde sa

lecture

publique,qui

en

livre,

«

in extenso

,

la teneur.

Significative-ment,Marc n'en a qu'une connaissance ynthétique, ar un « résumé

du

chapelain

«Au

roi a dit

le

mandement»,

.

2517).

Le «texte» se

met à existerdès lors

qu'il

est

lu

devant

tous,

à voix

haute,

orsqu'au-

delà du cercle restreint e l'audition-lecture

rivée,

l

acquiert

une

dimension ociale en se soumettant u commentaire

«

Seignors,

n

brief

m'est

ci

tramis.

Rois

sui

sor

vos,

vos

mi

marchis.

Li

briés soit

iez

et soit oïz

Et

qant

liz

sera

li

escriz,

Conseillez

m'en,

el

vos

requier.

Vos m'en devez bien consellier» (v. 2525-30).

Outre e fait de

souligner

'oralité de la

transmission

t

la dimension

collective

de

la consommation u

texte

médiéval,

a

lecture'

onstitue

un

troisième

emps

du

processus

créatif,

ar

lequël

le

«

texte existe

pour

un autre

que

son auteur elle est

partie

intégrante

e

l'écriture

dont elle

révèle,

au sens

photographique

u

terme,

'existence

24).

La

lecture

ppelle

la

glose

qui,

à son

tour,

ngendre

'écriture

après

avoir

rapidement

couté les conseils de

son

barnage

(le

commentaire

du

«

texte

),

Marc ordonne

son

chapelain

de

rédiger

vec

diligence

une

réponse

(«Soit

fait cist brief

o

main

isnele»,

v.

2640).

Réponse

dont e texten'existe u'aprèssa lecture résumée)par l'ermite v. 2665-

24.

L'importance

e la lecture st

soulignée

ar

les

nombreuses

ccur-

rences

u verbe

ire v.

2527, 8,

39 et 47.

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112

80).

La

réponse

mage

le retourdu texte

vers son

auteur.

Retour

qui

leste

le

«

texte

des

gloses

qu'il

a

suscitées,

mais

l'ampute

de ce

qui

est resté ettremorte

pour

l'auditeur-lecteur

les

barons

acceptent

ue

la

reine

regagne

a

cour,

mais

exigent

e

départ

de Tristan

v.

2625-32).

Au

termede

la

réversion

u

texte vers sa

source,

'auteur est

devenu

lecteur,

uivant

e

jeu réglé

d'un

changement

e

places qui intègre

a

lecture à l'écritureet

métaphorise

e mouvement

de

la littérature

médiévale,

ans cesse relancée

par

la

lecture,

'engendrant

e

la

réponse

et

des textes

qu'elle

a

suscités,

comme la suite du

roman

épouse

le

cours des événements

révu

par

la

réponse,

elle-même

roduite

par

le « bref (fig. ).

(lecteur)

(écrivain)

ERMITE

MARC/CHAPELAIN/BARNAGE

(écrivain)

(lecteur)

NSSSSsl

TRISTAN

**"

(Transmetteur/

ongleur/«

onteor

)

Suspendu

à la

Croix

Rouge

A

la Croiz

Roge

le

pendit

,

v.

2650),

e

«

bref

de Marc

et du

chapelain

réveille

e souvenir

du

«

bref de

Frocin

fait de la

fleur e farine ù s'

«

écrivirent

les croix

rouges

du

sang

de la

blessure

de Tristan.L'échec

du nain résiderait-il

ussi dans

sa

volonté d'avoir voulu

faire

l'économie d'un tel

parcours

d'écrire

un

texte

directementisible où

appert,

ans

la médiationd'un

circuit

risquant

de

l'effacer,

e

signe

de

1'

«

asenblee des

amants

Les

rapports

du

«

texte du

«

bref

(v. 2556-60)

t de son

«

avant-

texte (v. 2360409)permettent 'entrevoir a manière dont le clerc

conçoit

'écriture

omanesque.

es idées de

1'

«

avant-texte se

suivent

sans

ordre,

au fil

de

l'inspiration

e

l'ermite

il

évoque

d'abord

le

présent

le

séjour

des amants dans le

Morois,

v.

2361),

puis

dresse

des scenari

pour

le futur

retour

de

la

reine,

pardon

de

Marc,

...,

v.

2362-74),

ait

nsuiteretour un

passé,

d'abord mmédiat

épisode

du

bûcher

promis

la

reine,

u saut de la

chapelle

et du

sauvetage

d'Iseut,

v.

2375-90),

uis

plus

lointain

(mariage

de Marc et d'Iseut amenée

d'Irlande

par

Tristan,

v.

2391-94),

our

revenir finalement

u futur

(proposition

e

1'

«

esconduit

,

offre e service ou

d'exil,

v.

2390409).

Le

«

texte

,

lu

par

le

chapelain,

ordonne cette matière et

dispose

les « radones suivant un ordre chronologique. l s'ouvre,sitôt la

«

salutatio

,

par

le

rappel

d'un

passé

lointain

obligeant

le récit à

remonter

vers les

origines

de

1'

«

estoire

:

conquête

d'Iseut

par

Tristan

après

le meurtredu

serpent

crêté

(v.

2556-61),

mariage

de

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113

Marc

et d'Iseut

(v. 2562-63),

médisance

des

«

losangiers

(v.

2565-67).

L'état

lacunaire du

manuscrit

unique

contenant

e

roman

de

Béroul

a

donné

à

penser que

c'était là

une

synthèse

'une

partie

perdue

du

roman,

'ordre des

séquences

étant donné

par

le Tristrant

'Eilhart,

translation

llemande

d'un

roman

français

dont

se serait

inspiré

Béroul

(25).

Mais,

peut-être,

e roman

de Béroul

ne fut-il

amais

com-

plet, peut-être

'évoquâit-il as

le début

de

1'

«

estoire

. Le résumé

contenu

dans le «bref»

aurait alors

pour

fonction

de

rappeler

des

épisodes étrangers,

ppartenant

une

autre

tradition,

rale

ou

écrite,

celle des

«

conteors

qui

«

n'en sevent

mie bien

l'estoire

(v. 1267).

Suit la proposition 'un combatsingulier ontre es barons et la néga-

tion de l'amour

dultère

v.

2568-78).

ientensuite

e résumé

d'épisodes

déjà

contés

par

le

roman la condamnation

'Iseut et de

Tristan au

bûcher

(v.'

2579-88),

e saut

de la

chapelle

(v. 2589-90),

'épisode

des

lépreux

v.

2591-95),

a

fuite t la vie dans

le Morois

v.

2596-2605).

our

finir,

e

«

texte

émet

une série de

possibilités

concernant e

futur

demande

de

reprise

de

la reine

par

Marc

(v.

2604-07),

ffre

e

service

de Tristanou

départ

vers le

royaume

de Frise

(v. 2608-14)),

u encore

retour

d'Iseut

en Irlande

(v. 2615-19).

e texte s'achève

(26)

sur

cette

dernière

hypothèse,

ans

«conclusio»,

sans

prise

de

congé,

aussi

brutalementue le roman nachevéde Béroul, mputédu second cahier

qui

contenaita suite.Le travaild'écriture donc consistéà ordonner

r

«

avant-texte

en

quatre parties.

La

première

mentionne es

épisodes

«

extra-diégétiques

(27)

constituant

a

«

proto-histoire

du

récit

de

Béroul tel

qu'il

nous est

donné

lire

v.

2556-67).

a

seconde

v.

2569-80)

ménage,

ntre

ce

qui préexiste

u récit et

le récit

proprement

it,

a

place

du

mensonge

mêlé à

la

vérité,

oit ce

qui

thématise

e contenu

des vers où

l'ermite

définissait

e

principe

du «bref»

(cf.

v.

2353-54,

cités).

La troisième

partie

(v.

2579-603)

appelle

synthétiquement

es

épisodes

«

intra-diégétiques

;

la dernière

v. 2604-18)

ffre u

récit

différentes

ossibilités

de continuation.

La

première

artie

du

«

bref se donne à

lire comme

me

synthèse

d'épisodes

antérieurs

e

1'

«

estoire

;

elle

reflète e

qui préexiste

u

récit,

lle

le ramène

sa

«

protohistoire

et

figure

e à

partir

de

quoi

et,

éventuellement,

e contre

quoi

s'écrit

le roman. Elle met

en

abyme

28)

les

rapports

du clerc

et de

1'

«

estoire

,

du clerc et

de son

modèle,

du clerc et

de la tradition

es

«

conteors

.

Les

onze vers

de

la

25.

Cf.

M.

DELBOUILLE,

«

Le

premier

omande

Tristan

,

Cahiers

de

Civilisation

édiévale.

,

Poitiers, 962,

.

273-85t 419-35.

26. En fait, e «bref est lui-meme achevé. a rectificationemandée

Í>arrmule

ristan

du

à

chapelain

'ermite

ne

v.

laisse

417-20)

aucun

'a

pas

doute

:

consignée

«

Sire,

n'a

par

plus

grin.

en cest

a

Í>arrmule

du

chapelain

ne laisse

aucun doute

«

Sire,

n'a

plus

en cest

escrit

(v.

2620).

27.On

prendra

e mot

diégèse

dans le sens

«

d

univers

patio-temporel

désigné

ar

le récit

,

G.

GENETTE,

op.

cit.,

p.

341.

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114

seconde

partie

constituente

foyer

ilencieuxde

l'œuvre,

ù

la

vérité

sexuelle,

'est-à-dire

'impossible

criture e

1'

«

asenblee des

amants,

se

dérobe

sous

la

négation

«

Qu'onques

amor nen out vers

moi/

e

je

vers

ui,

par

nul

desroi

,

v.

2573-74),

ù

les

mots voilent t

désignent

la

faille

que

la

différenceexuelle

nscritdans

la

littérature.

ignifica-

tivement,

es

barons,

dans le

temps

du commentaire

ui

suit la lecture

(v.

2625-638),

'évoqueront as

cette

proposition

e

Tristan

personne

ne

se

proposerapour

relever,

es armes à la

main,

e

défide

l'impossible

vérité,

our prendre

a suite du nain.

La troisième

artie permet

u récit de revenir

ur

ce

qu'il

a

déjàraconté, e faire e point,de se replier ur soi avant de continuer t

d'anticiper

a fin.

La

quatrièmepartie

offre u récit

différentes

anières

de se

pour-

suivre

et de s'achever.

Proposer

e retourd'Iseut

et de

Tristan

auprès

de

Marc

(v. 2604-07)

quivaut

à

revenir la situation nitiale

généra-

trice

de

tensions,

condamner e

roman à une

répétition

ndéfinie.

Accepter

e

rapatriement

'Iseut

en Irlande

(v. 2615-18),

'est-ce

pas

boucler le roman

par

un

retour à

l'origine

écraser la fin sur le

commencement

engluer

e

récitdans une circularité

mythique

'empê-

chant d'accéder à l'état de roman

Seuls

le retour de la reine à

la

cour et le départde Tristanconstituent ne solutiondiégétiquement

acceptable

la

disjonction

du

couple

ouvre une

béance,

génératrice

d'écriture,

génératrice

de

péripéties

nouvelles

visant à

la

suturer

(v.

2666-73).

Le

«

bref

de l'ermite ntroduit

onc une

pause

réflexive,

râce

à

laquelle

le roman

fait le

point

sur

le chemin

déjà

parcouru,

nticipe

son

avenir,

saisit son mode de

fonctionnement

t, simultanément,

nomme,

ans

le

registre

exuel,

a

part

d'impossible

écrire.

La

comparaison

du

«

texte

et de

1'

«

avant-texte

fait

apparaître

les deux

figuresmajeures

de la

rhétorique

médiévale 1'

«

amplificatio

et

1'

«

abreviado

(29).

Les

cinquante

et un

vers de 1'

«avant-texte»

(v. 2360-409) énèrent n texte de soixantequatre vers. L' « amplifi-

catio

»

opère

dans

plusieurs

directions.Elle

peut évoquer

dans

le

«

texte des

épisodes

passés

sous

silence dans

1'

«

avant-texte

,

souli-

gner, ar exemple,

'action

néfaste

des

médisants

v. 2565-67),

essusciter

le

souvenir

ffroyable

es

lépreux

v. 2591-93),

mentionner

'hypothèse

d'un

retourd'Iseut en

Irlande

(v.

2614-18)...

lle

peut

aussi

étoffere

rappel

d'un

événement. insi

e

mariage, voqué

en

quatre

vers dans

1'

«

avant-texte

,

l'est en neuf

dans le

texte la

vie dans

le

Morois,

allusivement

mentionnée n un

vers,

devient

l'objet

d'une micro-

description

e

neuf vers...

L'

«

amplificatio

,

en

tant

qu'excès

rhéto-

rique,

désigne

a

part

de libertédu

clerc

grâce

à

elle,

il

s'affranchit

28.

Cf. L.

DÄLLENBACH,

e

Récit

péculaire, aris,

1977.

29. Cf. E.

FARAL,

es

Arts

poétiques

u XII

t

du XIIIe

siècles, aris,

1924.

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115

de

I'

«

avant-texte

,

mais surtout u texte

uteur,

éel ou

fictif,

ransmet-

tant

1'

«

estoire

. A

l'inverse,

écriture u

«

bref sait aussi

emprunter

la voie de 1'

«

abreviado . Il

ne semble

pas

y

avoir

de

suppressions

pures

et

simples.

Aucun vénement

voqué par

1'

«

avant-texte n'a

été

sacrifié

par

le

«

texte

,

mais

le

développement pu

s'en trouver

abrégé

ou

amputé

de

quelques

vers. Le saut

de la

chapelle,

qui

permit

à Tristan

d'échapper

à ses

gardiens,

omplaisamment

mis

en

valeur

par

l'ermite ans 1'

«

avant-texte

en neufvers

(v.

2380-88.

(sans

doute

y

voit-ilune

manifestation e

la

magnanimité

ivine à

l'égard

des

pécheurs),

est réduite à l'évocation

congrue

de

deux

vers

dans le

texte v. 2589-90).

En

somme,

es

rapports

du

«

texte du

«

bref et

de son

«

avant-

texte réfléchissentes

rapports

du romancier et de

1'

«

estoire

héritée

de la

tradition. omme

l'ermite,

e clerc

y

met certes

«

totes

ces

paroles

(v.

2430),

mais

il

les

ordonne

n

s'efforçant

e faire coïn-

cider 'ordre

diégétique

t l'ordre

chronologique

es faits

il

amplifie

là,

abrège

ailleurs,

fait

œuvre

originale.

Le

personnage

:

un

masque

du clerc

Dans

1'

«

avant-texte

,

Tristan écoute l'histoirede sa vie

narrée,

d'une manière

mpersonnelle, ar

l'ermite effacé

derrière

un

«

vos

»

omniprésent

«

Vos

passerez

a

mer de

Frise/Iroiz

ervir n

autre roi

»,

v.

2408-09).

près

avoir demandé à

Ogrin

de

mentionner on

exigence

d'une

réponse

de

Marc,

Tristan met

un

terme au

déploiement

de

1'

«

avant-texte

par

une

formule

urprenante

«

Maistre,

mon brief

set

seelé

»

(v.

2425).

La

lettre

peut

être

dite

sienne,

non

seulement

parce

que

son

histoire

n

constitue e

sujet,

mais surtout

parce

que

son auteur

s'efface éfinitivement

errière

e

personnage

de son récit.

La

lecture du

«

texte du

«

bref

rend

patent

cet

effacement e

l'auteur Tristanyparleà la première ersonne

«

Rois,

tu sez bien le

mariage

De la

fille

e

roi d'Irlande.

Par mer en

fui

usqu'en

Horlande,

Par ma

proece

a

conqui¿

(v. 2556-59).

D'abord uditeur e sa

propre

istoire,

ristan

'en

fait e

«

conteor

(30)

par

un

artifice

'écriture

ortant

ur

l'énonciation

ui,

en

signant

a

disparition

e

l'auteur,

nstitue

fe

ersonnage

sa

place.

Ce

transfert

de

paternité

dévoile

la

feinte

de la

littérature

médiévale,

grâce

à

30.

Eilhart

gnore

es

subtilités 'une

énonciation

ravestie

Ingrim,

l'ermite,

arle

dans

le

«

bref

en

son nom

«

Seigneur, our

l'amour

de

Dieu,

reprends

ma

souveraine,

on

épouse,

voilà

ce

que

te

demande

ngrim

au

nomde

l'amour ivin...

,

op.

cit.,

v.

4844

t s.

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116

laquelle

l'auteur

se cache derrière

ses

personnages

t s'en

fait des

masques,

derrière rocinou

Ogrin,

t

peut-être

éroul.

Le

caractère

illusoire, fallacieux,

du

procédé

est

cependant

mis

en

lumière

par l'équivoque présidant

à la

collaboration

littéraire

de

Tristan t de l'ermite. ristan

demandé

ue

soit

consigné

on

exigence

d'une

réponse

(cf.

2415-20),

mais le texte

lu devant le

barnage

ne

mentionne

as

cette

exigence

il

s'achève, brutalement,

u vers

2618,

sur

l'éventualité 'un retourde la reine en Irlande.

Seul,

l'écho

que

la

demande muette

de

Tristan trouve dans

les conseils des

barons

Mandez

par

brief

que

la

roïne/Vos

meint

ci a

brief

termine

,

v. 2637-38)ncite Marc à répondre vec diligence.Ogrina donc volon-

tairement

mis

le correctif ouhaité

par

Tristan,

exclu

du

«

bref

toute trace

effective

'une collaboration

pouvant

le désaisir

de son

pouvoir

créatif. Dans

le

temps

qu'il

feint d'accréditer

a

paternité

de

Tristan

par

l'utilisation

'une énonciation

la

première

personne,

l'ermite

renforce

'authenticité e la sienne

par

une omission

qui

retranche u

«

texte toute

participation

xtérieure.

Ce voile de la

paternité

de l'œuvrederrière e

masque

du double est

épaissi par

l'indécision e

la

«

signature

mise en clausule

à

1'

«

avant-

texte du

«

bref

:

«Maistre,monbrief et seelé

En

la

queue

escriroiz

Vale

(v. 2425-26).

Dans

l'épistolographie

médiévale,

a

mention

souscrite

«

Vale

»

(ou

«

Valete

»),

sans

date,

est

généralement

e la main même de l'auteur

elle

constitue

a seule

partie

de la

lettre crite

par

l'auteur

ui-même t

sert,

la

fois,

de

signature

t de

moyen

d'authentification

31).

Tristan

ne

revendique

a

paternité

u

«

bref

que

pour

en

laisser

la

signature

à un

autre,

laisser la

main

de

l'auteur tracer sur le

parchemin

a

formule

rituelle

qui,

dans

le même

temps,

maintient

on

anonymat

et assure

la

paternité

de l'œuvre fallacieusement

déléguée

à des

doubles. Et cependant a signature e signerien elle n'inscrit u'une

formule

odée,

réduisant

'identité l'habileté

ou

au

tremblé

de la

trace

écrite,

au

style

retrouvant

insi sa

signification

tymologique.

La

signature

ne

compte pas, pas

plus que

le nom

qui

la fixe seule

importe

'écriture,

mot dont nous

laisserons

jouer

ici

l'équivoque...

N'est-ce

pas

en ce

point précis que

le

clerc

livre

es secrets

et les

ruses de

l'écrituremédiévale Elle

masque

le

visage

de son

auteur

derrière

ses

personnages

le

nain,

l'ermite),

ou derrière des

noms

d'emprunt

Frocin,

Ogrin,

Béroul

peut-être).

ans ces doubles du

clerc,

représenté

u

travail,

elle saisit les mécanismes

qui

la

régissent

t

découvre

e

point

d'impossibilité

ur

lequel

elle

vient buter dès

lors

qu'elle prétend« écrire 1' « asenblee de l'homme et de la femme.

31. Cf. G.

CONSTABLE,

p.

cit.,

p.

17-18.

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François

JACQUESSON

QU'EST-CE

QUE

LE MOYEN AGE

?

Notre

temps

se

défie des

questions

trop

vastes,

parce que

les

réponses

nt

tendance se faire

dogmes inadéquates

au

détail,

elles

sont

simplificatrices.

es

questions

générales

sont

pourtant

réhabi-

litées

par

notre défiance si nous mesurons

maintenant

a

distortion

qu'elles

apportent,

ela ne

signifie as

qu'elles

soient

devenues

nutiles,

au

contraire cette distorsion

u'entraînent

os

moyens

de

connaître,

nous

savons

qu'elle

est inhérente u

processus

de

connaître,

onc

au

connaître

ui-même. ucune

pureté

doctrinalene nous

épargnerait

es

détours le

savoir

se

fait en eux.

Les questions générales viennent ouvrir des débats dont nous

savons,

de ce savoir

même,

qu'ils

ne se referment

amais

tout à fait.

Mais les

reformulations

u'elles exigent,

en

impliquant

autant

les

moyens

u savoir

que

ses

objets,

sont

bien à la mesurede leur

généra-

lité

c'est nous

qui

nous

déplaçons

dans

le

déplacement

e nos

objets.

Ce

qui

devient lair

pour

nous est

vrai

également

dé toute

époque

notre

relativisme

st ainsi

-

paradoxe apparent

-

le

moyen

d'une

ambition

plus

vaste.

Le

point

de

départ

du

Moyen Age

Ainsi cet

hellénisme

qui

fait

largement

défaut au

Moyen

Age

occidental,

e doit

pas

être vu tellement

omme un

manque

-

comme

nous

avons tendance le

voir

après

Erasme et Rabelais.

Il

serait

plus

juste

de

dire

l'hellénisme,

e

Moyen Age

occidental n'en avait

pas

besoin. En

eût-ilressenti a

nécessité,

l

aurait lu le

grec

comme

le

latin

ce n'était

pas

tant

ignorance

qu'indifférence.omplémentaire-

ment,

e retour u

grec

n'est

pas

dû à l'afflux es hellénisants

près

1453,

mais à une

évolution es besoins.

De

même,

a

ou les transformations

e la

latinité,

t de la

langue

latine, e sont-elles as les conséquencesmalheureuses 'uneruée chao-

tique

de

barbares,

«

l'infélicité t calamité des Gothz

qui

avoient mis

à

destruction

oute bonne

litérature

(Rabelais,

Pantagruel

VIII).

Le

nouveau

latin est

l'expression

de

besoins

nouveaux,

d'une

société

différente.

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118

Cette

ndifférence

l'égard

du

grec,

lors

que

Yhumanitas romaine

avait

été,

selon

l'expression

d'Horace,

subjuguée par

la

Grèce,

définit

le

point

de

départ

du

Moyen Age,

e

terminus

quo

Le

Moyen

Age

commence

uand

tarit a

nécessitédu

grec.

Cela ne

signifie

videmment

pas

que

tout

disparaisse

de la Grèce mais

que

ce

qui

vient d'elle

n'est

plus qu'influence

la

Grèce,

mais via la

latinité

la

Grèce,

mais

autant

qu'elle

s'est

absorbéedans les

projets

t

les

expériences

e Rome.

De sorte

que

a

posteriori

e

«

moyen ge

»

nous

apparaît

comme

un

excellent

rible de

la

latinité,

ne

latinité

privée

de

son

altéritévivi-

fiante, t en ce sens déjà morte une latinité, u sens exact,privée.

L'espace

latin

devient u

MoyenAge

un

espace

clos,

et cette

clôture st

le

fait du

christianisme,

on

pas

tant

d'ailleurs

u

sens

dogmatique

e

Credo ne s'est constitué

que

lentement les conciles

définisseurs

e

sont

tenus

en

grec;

le

latin

n'est devenu

langue

officielle

e

l'Eglise

qu'en

370)

qu'au

sens social.

La

socialité

chrétienne,

elle

qui

délivre la latinité de l'altérité

grecque,

est celle

que

défendent

es

premiers

«

Pères

»

latins,

celle

qu'Arnobe

définit

ans

le Contra

Nationes le

principe

du

paganisme,

dit-il n

somme,

st le do ut

des une

religion

t

ime

société

de l'avan-

tage personnel,

t

par

incapable

de

saisir

l'ampleur

des événements

(turéclames a pluie,et la sécheresse e paraîtmaudite,mais qui es-tu

pour

décider

que

tous

veulent a

pluie,

et

ignorer

es

parts

de la vie

qui

veulent a sécheresse Le souci

personnel,

t

avec lui l'idée de

rétribution

n ce

monde,

ou

de

vengeance,

endent e

païen incapable

d'une

vision cohérente et

conséquente),

incapable

de

philosophie.

Quand

Arnobe

nvoque

Platon,

c'est au sens moderned'une autorité:

non

pas pour

soutenir me

idée

particulière,

mais

parce

qu'il

aide

à

comprendre

e

monde.L'altruisme

vangélique

evient,

travers

'effort

romain

de Yhumanitas la clef de

toute

philosophiepossible.

Ou

du

moins e

présente

omme elle avec la

mêmeassurance

qu'aura

l'auteur

des

Prolégomènes

toute

métaphysique uture.

Et non seulementde

toute

philosophie,

mais

de

toute

perspective

d'action. La

romanité

u

sens

strictement

olitique

(au

sens où

les

Grecs avaient défini e

pouvoir)

échoue non seulementdevant l'infu-

sion

barbare,

mais bien avant

cela,

bien

en-deçà,

choue

justement

cause de son

erreurde

perspective

ur l'idée de

frontière

le

limes

est

l'erreurde

Rome,

et

le

fait

politique qui

l'a détruite

les

barbares,

quels qu'ils

aient

été,

étaient

déjà

dedans,

à

l'intérieur.

Saül-Paul,

en ouvrant a Nouvelle Loi

ou

la

Bonne Nouvelle aux

Gentils

et

prolongeant

ar

la

thématiquechristique

de

Yenfant,

des

Ti

T7VffeO|JtcTi

réussit à où

l'extension

u droit-de-

cité romain,toujoursen retard sur son concept,échoue. L'humilité

chrétienne,

n fondantune intériorité

ui

est un

accueil,

est

bien

autant

qu'une

vertu ou même

qu'une

morale,

une

perspective

ocio-

politique.

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119

A

posteriori,

'échec

du Christ n tant

que

dieu,

le délai ouvert

de

l'imminente

arousie

qu'attendaient

es

premiers

disciples,

a fait le

succès du Christ n tant

qu'homme

à la différence es

gnosticismes

dont

l

est à

l'origine

ndissociable,

e christianisme

omme

espoir

à

la

fois

accompli

et

reporté,

'ouvre sur le monde

au lieu de se

protéger

contre ui.

L'ouverture

ociale du

christianisme

'est

pas

une

transgression,

une

rupture

des

frontières,

ais une définition

e

l'intériorité

cette

ouverture st corollaire

d'un

recourbement,

'un

renfermementur

un

ici-basclos. Le

MoyenAge

se

développe

donc

sur des bases nouvelles

précisément arcequ'il prend u sérieux 'héritage omain. es Romains

ne

se sont

amais

mieux définis

ue

dans les

mondes

romans;

définis

et finis.

Trajan,

rêvant

d'Alexandre,

eportait

à

l'Est

les

frontières

contre es Daces

et les

Parthes

Hadrien

rêvait d'une urbanitas

qu'il

trouvait

lutôt

ans es universaux e

la

que

dans

'affairisme

de l'Urbs.

En

séparant

Constantinople

et

Jérusalem)

e

Rome,

'empire

romain

du IV*

siècle

projetait

'Orientvers

la

politique

impériale

et

l'Occident ers la socialité

chrétienne.

Le

Moyen

Age

est

donc le

propos

de la romanité

orsqu'elle

se

clôt

sur

elle-même.

'œcuménisme

hrétien,

a

façon

dont les nouveaux

Pèrespensent oute1' ēVoo^^^ļ , ou raisonnement

prolonge

t déborde

e

programme

olitique

des

empereurs

de Rome

de ce

point

de vue les

papes

sont bien les successeursde

Pierre et

de

César. Mais

parce qu'ils

ne rêvaient

pas

d'Alexandre

et

oubliaient

l'Odyssée,

arce

qu'ils

ne

poursuivaient as

le rêve

du

toujours-plus-

loin

mais celui du

toujours plus-profond

in

interiora

gaudia,

disait

Augustin),

ls retrouvaient e civisme

qui

n'avait été à César

qu'un

prétexte,

e retrouvaient ace à Caton.

Le latin de

l'Eglise

n'a été

ni

celui de

Cicéron ni celui de

Plaute,

'un et l'autre

étaient

trop

épris

de

grec

mais

qu'on

lise Pierre Damien

(XI*

siècle)

ou

Prudence

(IV*

siècle),

le latin

y

semble

plus

strictement

talique

que

chez les

auteurs lassiques.

Sous

un certain

angle,

e

mépris

affiché es Pères latins

pour

la

rhétorique, arce

qu'elle

est mondaine t

artiste,

n

somme

«

divertis-

sement

,

rappelle

celui

de

Caton ne

corrumperent ravitatis igorem

dit Arnobe.

La linéarisation e

la

syntaxe

atine

alors,

qui

est à

la

source des

syntaxes

omanes,

st corollaire

de l'idée

de

durée

orientée,

tient une

langue

qui, privée

de miroirs

où se

réfracter,

'étend.

Le

latin médiéval st

ainsi à la fois curieusement

rchaïque

et

nettement

progressiste

n ce sens

qu'il

sait son

propos

devant ui

Augustin

avec

sa variété

de tensions

de

l'Hymne

bécédaire à la

prose

des

Confes-

sions),

Raban

Maur ou

Godchau

d'Orbais,

entent

ue

leur

langue

n'a

pas encore tout dit, qu'elle possède une plasticité syntaxiqueriche

de

plusieurs

mondes.

Et c'est

en effet u

contact de

cette

syntaxe

latine romane

que

vont se constituer es

langues

de

l'Europe,

les

langues

dites romanes

bien

sûr,

mais aussi

l'anglais

et

l'allemand.

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120

De la vérité révélée à la vérité

artiste

Mais l'altérité

grecque

nourrissait e devenir

de

Rome

l'alexan-

drinisme

st au cœur de

l'inspiration

u

siècle

d'Auguste,

es auteurs

que

connaîtra l'Occident

médiéval

Virgile,

Ovide,

Horace, Lucain,

Stace.

Privé d'un tel

ressort,

'âge

roman

se fonde dans

un

démarcage

culturel

qui

devient isolement. C'est cet isolement volontaire

(les

contacts vec

le reste de la

Méditerranée,

ar exemple,

xistent,

mais

occultés)

qui,

la

culture

atine

devenue

sphère

fermée,

rovoque

cette

curieusenévrose ymboliste u'Emile Mâle a autrefois i bien décrite,

ou se

transforme

n une

volonté ntellectuelle

la fin du

XI* siècle

qu'Anselme

écrit

parfaitement

ans le

prologue

du

Proslogion

décri-

vant

e

cheminement

ntérieur u sens in

persona

alicuius

tacite ecum

ratiocinandoaboutissant u déclic à la fois

ntellectuel

t

mystique

e

l'argument ur argumentum

uod

nullo

alio ad se

probandum

quam

se solo

indigeret.

Isolementvolontaire.

Quel

besoin

d'Homère

quand

nous

avons

la

Bible,

et

quel

besoin

du beau

quand

nous avons

la foi

L'universel

palpite

dans

un coin

retiré,

ime se concentrer

our

sentir

mieux

sa

vastité

penché

à la

fenêtre

'une

maison

d'Ostie,

es

yeux ignorants

du jardin ntérieur, ugustin la visiond'une totalité ntime t vivante

(Con/.

X,

10)

passé

et futur e recourbent

ur le

présent

de la révé-

lation.

C'est

déjà

la

noix

sur

quoi

Bernard

médite,

a

pesant

peut-être

dans

sa

main,

et

il

voit ime

imago

mundi

«

L'inculture du

MoyenAge

n'est

pas

le résultat

des destructions

barbares,

i

l'âge

romanun lent et infantile

éveil

près

la

catastrophe.

Cette

«

inculture

est une

intention,

lle a sa

logique,

son

propos,

et

son histoire. t elle a

sa

violence

detestanda

uriositas

disait

Augustin

(Civ.

Dei

V,

21)

de

l'empereur

Julien.

Et c'est

bien

pourquoi

les

«curieux»

(«Qu'on

lui mette

en fantaisie

une honnête

curiosité

de

s'enquérir de toute chose» dira Montaignedans l'Institutiondes

Enfants)

de la

Renaissance entiront

u'ils

ont

avec

toute

cette

époque

un

compte

à

régler

«

le vilain monstre

gnorance

dira

Ronsard.

Renfermement,

éditation 'un

monde où

tout est

déjà

donné

mais

point

encore

reçu,

«

obstination

,

univers de reclus

exstatiques,

de

reconnaissances

nquiètes,

de

répétitions

ignifiantes

voilà une

des

pointes

de

l'âge

roman.

L'histoire

ontemporaine

'est

pour

lui

qu'une

menace,

renvoyée

ux

bizarreriesde

l'événementiel,

méprisé

comme

anecdote. La

Renaissance sera le momentoù le

monde,

donné,

sera

aussi vécu

comme

reçu

(et

de là les

querelles

sur le

libre

arbitre)

avant

qu'à

travers

es siècles

suivants,

vec

l'audace

de découvrir

t

celle de l'histoire, n se demande si vraiment e monde était donné.

Mais

perdu

en

lui-même,

endu

dans sa

propre

cogitation,

ressé

par

sa foi à chercher a

conscience,

Anselmedécouvre a rationalité

de

sa foi dans le mouvement

e sa

quête,

et

l'existence

de son dieu

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121

dans la rationalité e sa

foi.

Koyré

avait

raison

de

souligner

a

com-

munauté d'attitude ntre

Anselme

et Descartes.

Encerclé

par

sa

foi,

comme Descartes s'enferme

ans

son

doute,

Anselme saisit

brusque-

ment

sa

preuve

dans le

mouvement

e son

esprit.

Le sens

aillit

d'un

blocage

tragique

reconnu

de même

que,

de nos

jours,

Sartre a décrit des

situations

tragiques

pour

y

faire sentir

l'indépendance

réatrice

e l'être

qui

décide

de

s'assumer,

de

même a

vérité

d'Anselme,

t

bientôt

l'élan

gothique,

naissent

mieux dans

l'expérience

'une détresse

agravée

de son

questionnement

quaesivi

bona, et ecce turbatio, endebam n Deum, et offendi n meipsum

requiemquaerebam

n secreto

meo et

tribulationem

t dolorem

nveni

in intimismeis.

volebam

ridere

gaudio

mentis

meaet

et

cogor

rugiré

a

gemitu

ordis

mei

sperabatur

aetitia,

t ecce unde

densentur

uspiria.

Dans le

mouvement

'ime

détresse,

e mouvement

ui-même st

plus

clair. Du

Dante de

la Vita nova

à

Maurice Scève

en

passant

par

Pétrarque,

e

n'est

pas

seulement

à le rassemblement

u

antique,

a délicieuse

douleurde

l'amour

c'est,

au moment ù

l'amour

devient

un souci

qu'on

caresse,

donc l'amour

lui-mêmedevient

aimable,

a

Quête

qui

trouve sa forme

en

même

temps

que

les

pre-

miersromans.

Au

XII*

siècle,

n

même

tempsque

les

«

néo-platonistes

(le terme st largement rompeur) rouvent ans cette nouvelleforce

de l'intellect

ue

décrivaitAnselme

e

projet

de

comprendre

e monde

tel

qu'il

est,

la

lyrique

exalte

le

relief

onquérant

de la

désespérance,

et le roman

en vers

montre

ue

la

vérité,

i

elle ne s'atteint

pas,

se

découvre

arfois

ans l'effort

'un

parcours

ainsi

des romans

du Graal.

Mais

de ce

fait,

a vérité devient

rtiste.

Ce mouvement

ui

n'est

plus hypnotisé

ar

son

but,

se

fait attentif

sa

propre dynamique,

devient

à la

fois

plus

intérieur

l'intériorité

omanesque)

et

plus

conscient

(l'art

ou

l'artifice

romanesque).

Dans cette coïncidence

Abélard

trouve

es

premières

descriptions

e la médiateté

entre

le

nom abonnéà l'objetet l'objet spécifié ar le nom, l voitque c'est le

mouvement

e

décrire

ui

bâtit es

spécificités

es

noms et des

objets.

La

littérature

omanesque apparaît,

et non seulement

omme un

art

spécifique,

mais

comme un

art

qui développe

une méthode

de

la

spécificité

u

de la

médiateté.

Tandis

que

l'épopée

romane,

disons

Beowulf

ou

Roland,

se

présente

comme une construction

exempla

(même

si elle

est aussi

autre

chose),

et ressemble

l'hagiographie,

e

roman

remodèle

es

types

du

héros,

de la

belle,

de

l'oncle,

et

de la

bête alors

que

les

types

romans

étaient entre eux sans

communi-

cation,

que

Ganelon

n'est

que

Ganelon

et

est

le

Ganelon-éternel,

es

personnages

gothiques

communiquent

arce qu'ils

s'organisent

dans

une intrigue,dans un décor et un propos réflexif.Alors que les

épisodes

de

l'épos

roman

s'enchaînent

u même se

juxtaposent,

eux

du roman

gothique

e

coordonnent

ans une

perspective

'auteur

et

en

effet

elui-ci

e

fait

moins

anonyme.

Les romans de

Chrétien

de

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122

Troyes,

ia

les romans

taliens

du

XV*

siècle,

ressemblent

ien

plus

à

YAstrée

u'au

Beowulf.

On

pourrait

aire

es mêmes

réflexions

ur a

sculpture, ar

exemple.

Aux

portails

de la

façade

de

Reims,

es droites tatues

romanes

emblent

figées

dans leur

identité,

lles sont

graves,

isolées,

elles

sont

des

signes

les statues

gothiques

'ordonnent

ar

groupes,

t se sourient

l'une

l'autre,

lles

accueillent,

lles se courbent

ces

dernières,

ia

le

«

gothique

nternational et

par exemple

'iconostase

de delle

Massegne

à

Saint-Marc e

Venise,

ressemblent

lus

à des

Verrochio

u'à

leurs

voisinesromanes.

Les héros deviennent une société

Le

MoyenAge

trouve on

départ

dans une

revendication ondamen-

tale,

dont

le

moyen

st

la clôture

de

la romanité.Cette

revendication

de

clôture,

ette

transcendance

s'exaspère

à

partir

du XI* siècle

en

scrutant éflexivement

es modalités

t ses médiations.

l

y

a

donc

une

logique

internede l'histoire

médiévale,

une définition n com-

préhension.

i

cette

définition

st

ďaboťd consciente et

conscienťe-

contre-l'histoire,ontre a culture, t la logique (credo quia absurdum,

crie Tertullien

je

crois

parce qu'ainsi je

m'élance dans

un

ordre

différent,

'ordre

pur

de ma

foi,

l'intimation

xigeante),

si

Arnobe

dénonce même les

conventions

e la

grammaire

pour prêcher

une

égalité

des

langues

Adver

us

nationes, ,

59),

'histoire aite tabula

rasa

-

cette

exigence

va

cependant

s'inscrire,

'histoire

y

retrouver on

relief. La socialité chrétienne ù

se refond

'Occident romain

était

une et abstraite ussi

longtemps

ue chaque

communauté ivait

dans

l'appréhension

e

sa foi

personnelle,

ue

la

communication onsistait

en

ressourcements

t en

exhortations

tenir

l'ère des

martyrs

st

l'ère des symboles témoigner,'était une façonde croyance ublime

(

quia

absurdum)

dont a violencemême

empêchait

ue l'Eglise

s'établît

trop

vite en un

«

grandcorps

»

(Renan,

Hist, des

orig

du

christ

,

Marc-

Aurèle,

h.

23).

La

foi

personnelle,

'était e

risque

des

déviations,

mais

complémentairement

'assurance

xistentielle 'une vérité

vécue.

Mais,

ogique

du

langage,

e

qu'on

a à dire se déforme

n se

disant

la

communication e la

foi,

à travers les

lettres,

es

hymnes,

es

exhortations,

ransformaitn

société cette

mosaïque

de

croyants.

i les

figures

modèles du

christianisme oman

sont le

moine,

et même

l'anachorète,

e

succès

de la

foi tisse

à côté

d'eux,

et

à

la fin

ans

eux,

le

tissu de la

société

chrétienne,

ans

le siècle. Bernard

marque

le

moment harnière ù le rigorismepéculatif e la foi, e prenantpour

une morale

la

lutte

de

Bernardcontre

es

Universités,

ontre

Abélard,

contre es cathédrales

othiques),

bandonne n

fait

'invention

ratique

du

christianisme ses nouveaux

raits,

ociaux

le

populisme

t

l'hyper-

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123

dulie

mariale,

a

scholastique

t

l'aristotélisme,

a

dramatisation e

la

foi,

c'est-à-dire

'inscription

e

«

l'exigence

absurde

dans

l'angoisse

sociale,

comme

en

témoignent

e

théâtre,

e

développement

es menta-

lités

parodiques,

e

goût

croissantdes monstres.

En

s'inscrivant

ans

le

siècle,

le christianisme

e formait. i les

épisodes

des

épopées

romanes

taientde brèves

et

tragiques

ventures,

les

romans

gothiques

vont,

en

réunissant, édoublant,

omposant

es

épisodes,

ransformer

es aventures es héros

en

vies de

personnages

tel

paladin

se

métamorphose eu

à

peu, acquiert

des

«

enfances et

des amis,une mort, e voitpris dans un tourbillon 'allusionsoù son

type

s'émousse,

sa stature s'humanise

en même

temps

qu'elle

s'en-

chante.Le monde

gothique

ocialise

ses héros comme

il

se socialise

mais

transpose

e

mystère

e

sa foi

dans la

magie

des

pouvoirs

beau-

coup plus qu'aux temps

romans,

le

monde

gothique

est

celui

des

monstres,

des

géants,

des

griffons.

t c'est bien ce

que

Bernard

dénonçait.

En

adhérant

aux

échanges

et aux

communications mondaines

dont elle avait elle-même

eté

les

bases,

l'Eglise accepte que

beaucoup

du

mystère

e la foi se

transforme

n

magies

mais

inversementlle

cautionne, as forcément ans le détail des faits mais dans son prin-

cipe,

l'autorité

ivile en

fournissantes clichés et

structuresmentales

du

pouvoir.

L'histoire

u

personnage

e Théodoric st

caractéristique

lié dans

les

premiers

emps

de

l'épopée

(

Hildebrandslied

fin

VIII*

siècle)

à des

épisodes

fragmentaires

e la

saga

d'Atli-Etzel-Attila,

e

personnage

acquiert

au

long

du

XIIe

siècle

sa

consistance

propre

en même

temps

que

se

compose

'intrigue

omplexe

du

Nibelungenlied

où interviennent

des héros venus d'horizons ifférents.u

XIII*

siècle,

on obtientdonc

une

histoire à

plusieurs

facettes,

«

plusieurs

lectures

,

parce que

chaque personnagemportant

son histoire

propre,

on

propre passélittéraire t registre 'allusions, t vient ouer un rôle dans un roman

que l'intrigue

nifie. n

fait,

e

procédé

(ou

la

rationalité e

l'histoire

littéraire)

st similaire

celui

de

Virgile,

ui

«

utilise

des

personnages

bien connus

par

ailleurs,

et

les

confronte

ans

un réseau

à

la

fois

ancien et

nouveau,

e

qui

leur

donne un relief

ingulier,

ne

«

person-

nalité .

Georges

Zink

faisait

remarquer

ue

«

la

légende

héroïque

de

Dietrich

Théodoric)

tendait

de

plus

en

plus

à

prendre

une forme

biographique

(Cycle

de

Dietrich,

p.

18,

dans la très

remarquable

Bibliothèque

e

philologie ermanique).

Les

héros

deviennent ne

société,

et la

querelle

«

moderne

qui,

via le Quichotte, a jusqu'à Madame Bovary (les romans ressemblent

à la vie la

vie se cherche

dans

les

romans),

trouve

bien son

départ

dans le

«

roman de

chevalerie

,

c'est-à-dire

e

roman

courtois,

elui

qui

s'initie

u

XII*

siècle.

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124

Il

n'y

a

pas

de

fin

Quand

donc

prend

fin e

Moyen

Age

? En

fait,

l ne

prend

pas

fin.

La

revendication

'Augustin,

e Tertullien u

d'Arnobe,

e

prend pas

fin.

Mais

l'Antiquité

on

plus

n'avait

pas

de

fin l'Occident

médiéval

l'avait reformulée

n l'absorbant dans une

clôture

il

avait achevé

l'Antiquité

bstraitement,

on

pas

dans

le

temps

il

serait

juste

de

dire

que

s'était créé

un autre

temps,

et

que l'Antiquité

n'a

pas

eu

vraiment e terme.

De même le MoyenAge a été reformulét absorbé par un autre

temps,

ne

autre

forme u

temps.

De

même

qu'il

est vain de demander

si le Phoenixde Lactance

est

antique

ou

médiéval,

u de

quel

côté est

Sidoine

Apollinaire, uisqu'il n'y

a

pas

de côté à cette

métamorphose,

de

même est-il

vain de

peser

Rabelais,

Sébastien

Brant,

Pétrarque,

Bacon

ou

Conrad

Ceitis.Le

jour

où Pic

écrivit

ue

l'homme

tait

supé-

rieur à

l'ange

(

Oratio

de Hominis

Dignitaté),

l

reprenait

fastidieuse-

ment

un

topos

médiéval

et en un

sens

aussi le

Credo ut

intelligam

d'Anselme,

t la Fides

quaerens

ntellectum

'Augustin

mais

si

l'image

a des couleurs

imilaires,

a

polarité

n était

pourtant

out autre

la foi

de Pic

est

devenue

un

moyen

de son

appréhension

du

monde,

une

qualité humaine assez semblable à cettequalité qu'ont les choses de

tombervers

e bas. Totalement

umanisée,

a foi est

devenue

prédicat,

non

plus

fons

vitae. Ce

qui

compte

pour

Pic,

comme

pour

Rabelais,

Ficin,

Erasme ou

Montaigne,

e

n'es

plus

le Credo

quia

absurdum,

l'exil

salvateur,

mais

la vérité

plastique

d'un monde

composé

et fort

composite,

a

vérité

es

écarts t des

tensions,

'énergie

es

divergences

à la fois

l'émergence

du

mécanique

et la

passion

du

débat.

«

Tant

d'humeurs,

e

sectes,

de

jugements,

'opinions,

e lois

et de coutumes

nous

apprennent juger

sainement

des

nôtres,

et

apprennent

notre

jugement

reconnaître

on

imperfection

t sa

naturellefaiblesse

qui

n'est

pas

un

léger

apprentissage (Montaigne,

bid.).

Pourexemple e tableaudu Titien ux Frari de Venise, a Madonne

de

Ca'Pesaro,

la

Vierge

n'est

plus

au centredu

tableau,

mais

où la

formede

deux colonnes

géantes,

grises

et

asymétriques,

quilibre

dans

l'intelligence

u

spectateur 'oblique

montantedes

personnages

t les

trois tons de

rouge.

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NOTES DE

LECTURE

Geneviève

d Haucourt,

La

Vie au

Moyen

Age

coll.

«

Que

sais-je

?

»,

P.UŠF.,

aris,

1979.

Robert

Delort,

La

Vie au

MoyenAge

coll.

Points

Histoire,

euil,

Paris,

1982.

LE

SENS DE LA

VIE

Il

n est

pas

si

fréquent

ue

deux

ouvrages

portent

e même

titre,

ni

que

ce titre

pose

autant de

questions.

La

Vie

au

Moyen

Age

de

Robert

Delort,

dont a

première

dition

parut

en 1972

répond

à

La Vie

au

Moyen Age

de

Geneviève

d Haucourt

qui

en était à sa

dixième

édition

n 1979. l

serait

facile,

propos

de ces

ouvrages

d opposer

deux

types

d Histoire et

d historiographie

t de déclarer

l un des

auteurs

plus

«

moderne

que

l autre. Ce serait

facile,

mais aussi assez

vain.

Plus

importante

ous semble a

question

du

titre,

dévoilant

quelques-uns des sens du mot «vie ». La naturemêmedes ouvrages, es collec-

tions dans

lesquelles

ils

parurent

nterdisentme stricte

comparaison

qui,

d ailleurs,

e serait

peut-être as pertinente.

Genevième

d Haucourt,

archiviste-paléographe,

ous

entraîne,

dès

sa

dense

introduction,

ans la

configurationhysique

des

campagnes

et

dans a

toponymie.

e

là,

l Hommedevant

adapter

u

climat,

evant

se

loger

et

se

vêtir,

nous

parvenons

au

chapitre

concernant

a

vie

matérielle;

a

nourriture,

tc...

Après quoi,

la

vie,

la vie

quotidienne,

nous est

présenté

ans le

temps,

dans la durée de

la

journée,

et

dans

celle de

la vie. Le dernier

hapitre

tend cette

durée

à la

vie

elle-même,

et ce « tempsde la vie» précèdeune conclusion, élèbre une certaine

attitude

face à la vie

-

et nous

voyons

ci

que

le sens

du mot a

changé

-

qui permet

une

«

paix

intime

,

un

«

équilibre

intérieur

voire une

«

joie

»

et une

«

sérénité de

l optimisme

hrétien,

ui peut

avoir,

malgré guerres,

isettesou

épidémie,

rendu

l homme

médiéval

heureux.

Geneviève

d Haucourt

nous montre

ainsi la

grandeur

de

l idéologie,

de ce

«

rapport

maginaire

u réel

»

qui

nous

permet

de

vivre

et de

survivre.

Discrètement,

mais avec une certaine

fermeté,

elle nscrit

existence ans une dimension

osmique,

oire

métaphysique,

puisqu elle

a soin de

rappeler que

le

cycle

des faminesest

celui des

tachessolaires.Ainsiprendson sens le mot même de métaphysique,

puisque

ce sontbien là des

relations,

es corrélations ntre e monde

physique,

es

conséquences

ur la vie

quotidienne,

t ce

que

l esprit

de

l homme

peut

en

percevoir

t en

penser, qui

a

toujours

tendance à

percevoir

es causalités dans

les corrélations.

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126

La

Vie au

Moyen

Age

de Geneviève

d Haucourt,

fait

partie

de

la

collection

Que

sais-je

?

»

dont a

réputation

est

plus

à

faire.Collec-

tion

négale,

lle n en

comprend as

moins

un

grand

nombre

d ouvragçs

excellents, urieux,

pratiques,

voire même amusants...

Sa

concision;

l extrêmedensité des

ouvrages

de cette collection

est

à la fois

une

qualité

et

un

défaut. l

est certes

pratique

d avoir en si

peu

de

pages

autant de

renseignements

ue

dans le

livre

de Geneviève

d Haucourt,

mais cette concision conduit

à

un

rythme

n

peu

haletant, t,

bien

sûr,

à l économie des notes et d ime

bibliographie.

Celui

qui

a

lu

quelques

textes médiévaux

reconnaît, à

et

là,

certaines

des sources

de l auteuret peut parfois e demander i tel ou tel détaild un texte

littéraire st

réellement

ignificatif

e la vie

quotidienne...

u importe

l exercice est

réussi

car,

en 127

pages

serrées,

Geneviève

d Haucourt

entraîne e

lecteur la découverte un monde

dont elle sait

montrer

les

spécificités

ime manière accessible. Ce

livre,

malgré

sa

densité,

est

agréable

à

lire le

rythme,

abord

un

peu

surprenant

es

phrases

brèvesde l auteur

nous entraîne ans une instructivehevauchée.

l

est

bon

que

ce livre xiste.

La

vie

pour

Robert

Delort,

n est

pas

la même chose

que pour

Geneviève Haucourt.Bien

sûr,

des

choses

sont communes

ux

deux

livres,mais aux petites ndications osmiquesconcernante tempset

ses

intempéries,

ux taches du soleil et

à

l optimisme

hrétien,

épond,

chez Robert

Delort,

une

préoccupationplus

tellurique

la

terre,

e

monde et tous

leurs

tremblements

ous

précipitent

ans

un

quotidien

plus

«

terre terre

certes,

mais non moins

puissant.

Le séisme

Bâlois

du

18

octobre 1356nous montre es

transformations

pectaculaires

t

brutales

du

milieu,

e

qui n empêchepas

ime

description

étaillée

de

modifications

lus

lentes. De la

terre bouleversée

par

le séisme ou

effleurée

ar

l araire

naît

«

le

sens

du

temps

,

et c est celui

des

mon-

taisons,

des

épiaisons,

des récoltes

ou des labours. Ce

temps qui

comptait

es distances

en

journées,

englobait

espace,

déterminait a

perception u monde, a connaissance.Et, à partirde là, on peut le

déchiffrer,

ui

trouver

un

sens.

C est dans la

rigueur

de

ce

plan que

Robert Delort nous conduit à

un

sous-chapitre

ntitulé

«

signes

et

symboles

.

Après

donc

avoir,

en

partant

du

milieu,

de la

terre et de

ces

accidents,

montré es

«

structures

mentales et vie sociale

»

de

l homme

médiéval,

auteur décline les différents

spects

de celles-ci

en

montrantomment out ela détermine

n

certain

nombre attitudes

dans la

vie

quotidienne,

omme

des

structures ociales

et

juridiques.

Du

général

u

particulier,

ous

en

arrivons

la déclinaisonde ces

différents

léments elon les classes sociales.

Ce

temps,

et

espace,

ces

signes

t

symboles,

es

lois,

cette société sont

perçus

et vécus différem-

ment selon les hommes,paysans,clercs ou chevaliers,malgré une

certaine communauté

de

pensée.

Puis,

à

cet ordre

ancien,

tripartite,

s ajoute

la montée

d un monde

neuf,

elui

de la

ville,

des

marchands,

des

artisans,

es

bourgeois...

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127

Robert Delort

nous

convie

à

mieux

envisager

a

psychologie

d un

temps.

Sa

«

Vie au

Moyen Age

est

plus

quotidienne

que

celle

que

décrit

Genevièved Haucourt. l est vrai

que

les

dimensions

de

son

ouvrage

e

permettent,

andis

qu un

«

Que

sais-je

?

»

oblige

à

la

brièveté.

Cependant,

est

peut-être

ussi la

conséquence

d une

plus grande

diversité es sources.

En

effet,

enevièved Haucourt

est,

en

ce

sens,

bien

plus

archiviste ce sont es

textes,

t

les

textes euls

qui

fondent

son

ouvrage.

Robert Delort fouille

ui aussi les

manuscrits,

mais

en

sachant

y

ajouter l apport

de

diverses

sciences,

telles

la

climatologie,

la

géographie hysique,

économie.S il

lit

le codex

médiéval,

l

n en

déchiffreas moins sur le terrain e plan d une ville, l implantation

des

essences

d arbres,

achant faire

un

document

e l état

actuel

d une

ruine,

d une faille

géologique,

un arbre.

S ils

sont

différents,

es

deux

livres

n en ont

pas

moins

un

point

commun ils sont

agréables

lire,

précis

et utiles.Tous

deux

montrent

à l évidence cette

générosité

ui

est ou

qui

devrait

être

la

qualité

principale

du chercheur ou de

l enseignant.

Sans

simplifications

abusives,

ls savent

nformer lairement t

donner à réfléchir.

ertes,

l idéal

un

peu

rassis de

1

«

honnête

homme

est

battu en

brèche et

il

est

de moins en moins

possible

à nos

contemporains,

lors

même

que l informationt la communicatione développent, être u courantde

tout,

e connaître

énéralement

état des

recherches,

es découvertes

et

des sciences.

Cependant,

e

petit couplet

de cette

mpossibilité

ous

semble

trop

convenu,

voir

trop d implications

ociales et

politiques

pour

ne

pas

s en

méfier.C est

pourquoi

nous

voudrions

saluer des

ouvrages

permettant

u

profane

de

comprendre

n

peu

mieux et de

connaître e

qu on

veut

réserver ux seuls

spécialistes.

Dans

un monde

les

moyens

e communication

nt tendance

occulter

ustement

e

dialogue,

la

compréhension,

ù l information

rend

le

pas

sur

la

connaissance,

l

devientnécessairede lutter

pour

la

culture,

our

son

extension,

a

diffusion,

ans

pour

cela tomberdans

les

dénaturations,

voire es falsificationse certaines« vulgarisations.

O. de R.

Jean

Dufournet,

e

garçon

et

l aveugle.

Champion,

aris,

1982.

L aveugle

dans la société

médiévalefournit n

beau

sujet

de litté-

rature

t d histoire.

n le

sait,

e

MoyenAge

voit

peu,

et

fort

mal. Les

rares

individus

ui mangent

leur

faim

se

plaignent

de

leur

myopie

non

corrigée,

e leurs

yeux armoyants

t chassieux

quant

à

l immen-

sité

des

autres,

malnutritiont maladies

endémiques

du

sous-développe-

mentmultiplientes non-voyants. aveugle parcourt es rues de la

cité

médiévale,

Tiers

Monde d avant-hier. e rire

ou

la

pitié

qu il

déclenche,

a

compassion

ou

le

rejet, par

leur

force et leur

constance,

ne

s expliquent

ependant

pas par

la

seule histoirede la

santé.

Cécité

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128

pieuse

ou

impie,

errifiante

u

grotesque

onstituent

n

thème

majeur

dps

représentations

édiévales.

Après

voir

fort ien traduit e

garçon

et

l aveugle

jeu

dramatique

du XIII*

siècle),

réhabilité

ustement

cette farce

joyeuse

et

terrible,

où la

ruse

ignoble

démasque

la

fourberie,

ean

Dufournet

interroge

sur la richesse

sémantique ambiguë

de

la cécité

médiévale.

Valorisé

par

le

christianisme,

ar il fut

objet

de la

compassion

divine,

ource

d innombrables

miracles dont

il

légitime

a

sainteté,

aveugle

reste

néanmoins

suspect.

Comme

marqué

d un

péché

qui

offusqua

son

regard,

omme

de la rue

même

s il

y

a

pignon,

ôtoyant

es

gueux

ou

joint à leur compagniesi l espérancede quelque pèlerinage a jeté

sur

a route

pour y

perdre, ossible

contrefait

uxurieux

t

avide,

dont

on rit

afinde n en

point

voir

peur,

homme

ans

yeux

est

un

marginal.

Il

est

au

nombre

de

ceux

qu a

étudiés

Bronislaw

Geremek,

ivantdans

la

marge

de la

société

médiévale,

ui

en dessinent

es

limites,

oujours

précaires,

ans

cesse franchies.

L excellent

dossier

que

Jean Dufournet

joint

à

sa

traduction,

dont

le commenaire

illustre

d un bon

choix de

textes,

contribue

cerner ette one

sombre

de la conscience

médiévale,

ù

la voix

chevro-

tante et le

pas

hésitant

du

«

pauvre

aveugle

suscitent

vec

une telle

violence ompassion t terreur. B.C.

Jean-Louis

landrin,

Un

temps pour

embrasser.

Aux

origines

de

la

morale sexuelle

occidentale

VIe-XIe

iècle).

Collection

Univers

histo-

rique,

Seuil,

Paris,

1983.

C est sous ce bien

joli

titre

que

Jean-Louis

landrin

a choisi

de

nous

présenter

e résultat

de

ses

recherches

ur les

origines

de

la

morale sexuelle

occidentale.

Cet

ouvrage,

insi

que

l annonce

auteur,

est le premier un ensemblede trois volumesau cours desquels sera

étudiée

a

notion

de

continence

ériodique,

es

origines,

es

différents

sens

qui

lui ont été successivement

ttribués insi

que

ses

effets ur

le

comportement

exuel et la

démographie

ccidentale.

L auteur se livre tout

d abord à une

description

minutieuse

des

temps

de continence

mposés par l Eglise.

Pour ce faire

l

a

procédé

au

dépouillement oigné

de

cinquante-sept

énitentiels origine

cel-

tique,

nglo-saxonne

t continentale ont

a rédaction est

étalée

entre

le VIe et

le

XP siècle.

«

Ces tarifs

e

pénitences infliger

ux

pécheurs

pour

chacun

des

péchés qu ils

avouaient

n

confession

(J.L.

Flandrin),

parfois

condamnés

par

la doctrine fficielle u

clergé,

fournissent

n

témoignage irect ur le christianismeécu et pratiquépar les paysans

qui

formaient

lors

la

grande

masse de la

population. L Eglise,

ne

négligeant

as

de

recourir tout

un arsenal de

pénitences

évères

et

dissuasives

pprenait

insi à

l amoureuxdu Haut

MoyenAge,

qu il

est

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129

interditde

connaître

on

épouse

en

certaines

circonstances,

u

«il

est un

temps

pour

embrasser t

un

tempspour

fuir

es

embrassements

(L Ecclésiaste).

La

doctrine

léricale définit es

périodes

d interdit

n

fonction e deux

rythmes

le

rythme

iologique

de la femme

féconde

et le

rythme

alendaire de la

liturgie

estive.

e

désir devait

se taire

lorsque

la

femme vait ses

règles,

ttendaitun

enfant,

u

venait de

le

mettre u monde. De

même le

commercecharnel

était-il

prohibé

lorsque

a vie

cultuelle

xigeait

une dévotion

particulièrement

ervente.

Chaque

semaine les

époux

devaient

se contenir e

dimanche,

t

le

mercredi insi

que

le vendredi t le

samedi

en

signe

de deuil.

Trois

carêmes, n outre,

xigeaient

u cours de l année une totaleabstinence

le

grand

carême avant

Pâques,

l Avent

qui

commençait

la

Saint

Martin

(le

11

novembre)

et

s achevait à

Noël,

et

aussi

le

carême

moins solidement tabli

qui

suivait ou

précédait

a

Pentecôte.A

ces

temps

de

jeûne

et

de

continence inrent

ajouter

au fil

des

siècles,

puis

se

substituer,

orsque

le carême

de

la

Pentecôte

fut abandonné

au XI*

siècle,

un nombre ans cesse

croissantde

fêtes

iturgiques.

On

reste saisi

d étonnement

constater

que

l Eglise

a

imposé

pendant

des siècles

ime

continence

négalée

dans

l histoire

universelle

du

mariage,

ans recourir des

justifications

octrinales ohérentes t

systématiques. e fait est qu elle resta largement ributaire interdits

déjà

formellement

osés

avant le

christianisme t

qu elle

les

reprit

n

leur donnant

uelquefois

un

sens différent.

L amour

comme

le labeur est enraciné

dans le

temps profane,

entaché

d impureté

t donc en

parfaite ncompatibilité

vec

le

temps

pur

et

sacré

qui appartient

Dieu

et

à

son service.Cette

nette

éparation

du sacré et du

profane,

u

pur

et

de

l impur,

rès

prégnante

ans le

judaïsme

et en

particulier

ans

le

Lévitique explique

que

l on

jugeât

nécessaire

de

purifier

e

corps

et

l âme,

avant de se

tourner xclusi-

vement ers un Dieu

jaloux. L originalité

u

christianisme ura été en

outre de

juxtaposer

ces

modes de

pensée hébraïques

e dualisme du

corps et de l esprithérité de la philosophie ntique.La morale chré-

tienne nvite insi le

pécheur

se

détourner es

œuvres

de chair

pour

se consacrer

uniquement

celles de

l esprit.

Reste à

savoir

comment

Eglise

parvenait

à

faire

accepter

des

manières de

penser

et de vivre

à

ceux

qu elle appelait

volontiers es

rustres,

rop peu

enclins,

elon

elle,

à taire

les

appétits

de la chair

et à

écouter

a voix de

l esprit.

Par

une

pastorale

efficace e

clergé

diffusa

argement

es

préceptes.

Par

des

pénitences

évères,

l

pouvait

aussi dissuader es

rebelles

et rendre

mpératives

es

exigences.

Mais

plus que

la

persuasion

u la

répression,

n

traitde la

sagesse

paysanne

assurait

Eglise

d une obéissance

respectueuse

la

perception

u

temps.

Car le paysan aitpartraditionu il est untempsfavorable u impropre

aux

labourages,

ux

semailles et aux

récoltes.

Les

prescriptions

léri-

cales trouvaient

n

point

d ancrage

dans

ces

pratiques

terriennes. t

réciproquement,

es interdits

ituels

étaient,

n en

pas

douter,

ime

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130

des

expressions

de la

mentalité

paysanne

qui

unissait alors

le

clerc

et

le

«

rustre .

Plein

d'idées et

souvent convaincant

e

livre

aboutit ainsi

à des

conclusions

éduisantes t

soulève

de nombreuses

uestions

uxquelles

l'auteur e

propose

de

répondre

ans les

prochains

uvrages.

Comment

savoir i les

couples

observaient éellementes

prescriptions

léricales

Quels

ont été les effets ur la

démographie

'alors

? En l'absence

de

documentation

ppropriée,

'auteur ne

peut que présumer

'effet es

interdits ur

la

fécondité es

couples parfaitement

évots.

Quoique

l'on

puisse

regretter

a lourdeur

des

moyens

démonstratifs

mployés,

ni

trèsclairs ni trèssûrs,Jean-Louis landrin,pporte vec prudenceune

nouvelle

explication

au déclin

démographique,

ue

les

historiens

s'accordent

discerner

u

cours

du

Haut

Moyen

Age.

La

richesse

de

cet

ouvrage

tient donc autant à l'intérêtde ces

suppositions

uda-

cieuses

qu'à

la

connaissance

plus profonde

u'il

apporte

de l'histoire

du

mariage.

M.

D,

Jean-Paul

oux,

Les

Barbares.

Bordas, Paris,

1982.

Le bel ouvragede Jean-Pierre oux ne prétend pas à ime étude

rigoureuse

de ces

peuplades

que, depuis

la

nuit des

temps,

d'autres

ont

qualifié

de

«

Barbares .

Un

tel travail a été mené ailleurs

par

l'auteur,

spécialiste

des civilisations

moyennes

t extrême-orientales.

J.P. Roux s'attache

plutôt

ici,

sans

pour

autant laisser de côté

la

rigueur

cientifique

t

en

utilisant es facettes

multiples

d'une riche

érudition,

évoquer

ou,

plus

exactement,

faire résonneren nous

toutes es

significations

u'a

pu prendre,

u

fil

du

temps

et

jusqu'à

l'époque contemporaine,

e mot

«

Barbare .

Pour es

médiévistes

e

mot

évoque

avant tout

es

grandes

nvasions

qui

déferlèrentur tout e mondeoccidental

urant e Haut

Moyen

Age.

Epoque noire parmi les époques noires pour les grands historiens

classiques

on

se souvient

de ce

qu'en

dirent

Augustin

Thierry

u

Jules

Michelet.

ourtant,

ean-Pierre

oux ne

réduit

pas

son étude à ce

seul

aspect

son

propos

est,

à

l'évidence,

utre.

Si le

mot

vient

proba-

blementdu

grec,

chaque

époque

et

chaque

civilisation eu

son ou

ses barbares.

Et

c'est avec

une certaine

nostalgie

et une

évidente

sympathie

ue

l'auteur,

au

long

d'un

texte

dense,

soutenu

par

une

iconographie

e

très

grandequalité,

souvent

originale,

ous les

décrit.

Au

lieu

de

nous les faire

voir de

l'extérieur,

l

préfère

nous entraîner

dans

leurs

nfernales

hevauchées

travers

'immensité e ces

steppes

qu'ils

croient

nfinies t

qui

viennent

ourtant

uter

contre es limites

des royaumes u des empiresétablis,objets de répulsion t de fasci-

nation,

u'ils

finissent

ar

traverser n

laissant

derrière

ux la mort t

la

ruine,

u

dans

lesquels

ils

se

fondent

our

y

disparaître

n

devenant,

à leur

tour,

des

«

civilisés .

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131

A

juste

titre,

'auteur,

dans

sa

préface,

tablit

un

parallèle

entre

le barbare

et

le

loup.

Tous

deux

hantent a conscience des hommes.

Venus d'un

ailleurs aussi

inconnu

que

lointain,

ls vivent sur les

marges,

ur

les

«

marches des

lieux civilisés.

Prédateurs,

ls

guettent

le

voyageur

olitaire

ui

a osé

s'éloigner, rêts

à

se

jeter

sur

lui

pour

le

dévorer.

arfois,

uand

la

faim es

presse,

ou le

besoin

d'espace,

ls

fondent n

bandes

innombrables

ur

ceux,

trop

tranquilles, ui

avaient

cru bâtir

pour

'éternité,

ouleversant'ordredu

monde

qu'on

avait

cru

immuable,

néantissant

n

quelques

heures ce

qui

avait demandé des

siècles

pour

s'établir.

Les Barbares.

Le mouvement ontre

'immobilité.

La

précarité

ontre a stabilité. 'insécurité

ermanente,

a

fragilité.

a

mort

urgissant

u

galop

qui pousse

des

cris

effrayants

rticulés

dans

une

langue

inconnue.

Terreurs,

répulsion,

mais

aussi fascination.

N'avons-nous

as

été nous

aussi,

un

jour,

les barbares de

quelqu'un

?

Gaulois,

Francs ne

furent-ils

as

en

leur

temps

es

«

Barbares

On

le

voit,

e livrede Jean-Pierre

oux

s'éloigne

bien des

égards

de l'étude

historique pour

aller

beaucoup plus

loin,

au fond de

nous-même

sans doute.

Ce

qui oppose

radicalement

e

«

Barbare au

«

Civilisé c'est son

instabilité,

e mouvement ncessant

qui

-le

porte

en

avant,

toujours

plus loin. Qu'il se sédentariseet il devient relativement noffensif.

Les civilisations

tablies l'ont

bien

compris qui,

au

fil

de l'histoire

et de la

géographie,

e la Chine à la Gaule en

passant par

Rome ont

préféré

aire e sacrifice

es terres

qui

bordaient eurs frontières

our

tenter e

«

fixer les

barbares.

Les

Barbares sont

nombreux.

Ceux

que

privilégie

'auteur,

parce

qu'il

les connaît

bien,

sont

Turcs ou

Mongols.

ls

poussent

sans

fin

leurs

gigantesques

roupeaux

ans des

plaines

mmenses

ui

s'étendent

à

l'infini.

ls

surgissent

out à

coup

des

profondeurs

e l'inconnu

ue

l'imaginaire

es civilisations

nanties

peuplait

de

monstres

fabuleux

hommes à tête de chiens ou cyclopes.Leur nombre et surtout eur

supériorité

ans l'art

de la

guerre

es rendent

nvincibles. omment e

pas

voir

en

eux l'instrument

u châtiment ivin

«

La

campagne

a

été

ravagée,

e

sol est en deuil...

C'est

qu'il

est

proche

e

jour

de Iahvé...

C'est

un

peuple

nombreux t

fort,

el

qu'il

n'y

en eut

jamais

de

pareil...

Devant

lui

un feu dévore et derrière ui

une

flamme mbrase...

t

il

n'y

a rien

qui

lui

échappe

. Comme e

dit J.-P.

Roux,

e nouvel

arrivant

vient

pour

l'Apocalypse.

e Barbare

un

rédempteur

ont la

pureté

native sera

opposé

à la décadence de

la

civilisation.Certains

intel-

lectuelsn'hésitent

as

à

le

proclamer.

Le

Barbare

«

récupéré

à des

fins

politiques

ou

idéologiques

Les

«

bons

Barbares

:

Germains,

opposés aux «méchantsBarbares : asiatiques. Clovis contre Attila.

Vision tentante mais

par trop

simpliste.

C'est

oublier

l'éloge

v

de

Gengis

Khan

par

Marco

Polo

«

Il

mourut,

e

qui

fut

grand dommage,

car

il

était

prudhomme

t

sage

».

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132

Alors,

u-delà des discours

dont

l

est

l'objet,

qui

tous utilisent

on

altéritémais

qui

sont

incapables

de

la

prendre

n

compte,

omment

parler

du

Barbare

?

Simplement

n

le

regardant

ivre.Ce

que

fait

vec

talentJ.-P.Roux.

Que

le

Barbare ne soit

pas

ce

qu'en

disaient

nos

vieux

manuels

d'Histoire,

n s'en doutait

un

peu. L'ethnologie

t

l'archéologie

'avaient

depuis longtemps

rouvé.

Le

propos

de l'auteur

ne se situe

pas

exacte-

ment à

ce

niveau,

même si de nombreux

hapitres

et

de

superbes

images

s'attachent

mettre

n évidence

a richesse

t la

complexité

e

ces peuples. Il s'agit plutôtpour lui d'aller vers ce qu'on pourrait

appeler

«

l'âme

»

du

Barbare,

n

devenant

our

cela,

plutôt

u'historien,

poète.

Peut-être e

«

Barbare n'est-il

pour

le

«

Civilisé

qu'un

rêve

d'errance

t

d'infini,

n refus

absolu des

limites

qui

hante encore

nos

consciences

modernescomme

elles

hantèrent

elles

de nos

ancêtres.

Le Barbare est celui

donton ne

parle pas,

sauf

pour désigner

uelqu'un

de

«

cruel,

nhumain,

éroce

.

Image

vivantede ce

prédateur

nomade

que

fut

'homme ses

origines

vant de se sédentariser

our

construire

des cités et écrire

eur

histoire,

e

«

Barbare

est

absent,

nachronique.

Caïn

contre

Abel.

Depuis

les

origines

le

«

Barbare

est

maudit et

depuisl'origine a fin st inéluctable.

«

Ils sont

tous

morts,

es

Barbares dit

J.-P.Roux

dans

une

belle

conclusion.

«

La barbarie

les a

quittés.

Elle est

allée se

réfugier

ailleurs chez de

prétendus

ivilisés

qui

en ont

désormais

l'apanage.

Elle

ne

pouvait

pas disparaître,

ppartenant

u

fond de

la nature

humaine . Le

Barbare ne hante

plus

la

conscience

moderne.

Voire.

Pour

les

idéologues

froids

qui

tiennent

e

monde,

es

Barbares

qui

existent

encore

-

qui

existaient

-

sont

tout au

plus

des

«

contre-révolution-

naires . Les

derniers

Barbares

meurent

n ce

moment fauchés

par

les mitrailleuses

ourdes

devant des

fils

de

fer barbelés

marquant

des

« frontières qui ne signifientien pour eux ou bien massacrés en

série

par

les

chars

et les

hélicoptères

e

combat.

«

Mais ils

sont

les

derniers.

ls achèvent

de

vivre ous nos

yeux

comme des

Barbares

qui

n'auraient

plus

de

Barbarie.

ls

sont entrainde

passer.

Ils

viennent

eut-être,

ujourd'hui,

e

passer

».

F.-J. .

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Vientde

paraître

ux P.U.V.

LES

MIRACLES,

MIROIRS

DES CORPS

Cet

ouvrage

présente

es résultatsd'une recherche ollective

ur

le

coïps

vécu dans le

passé.

Le

point

d'observation st

le fait

miraculeux

qui,

à travers es

siècles,

met et remet en scène le

corps

sacré

des

saints

thaumaturges

t le

corps

en crise des hommes et des

femmes

en

péril.

La

recherche été conduite

et

est

présentée

par

Jacques

Gelis

et

OdileRedon,enseignants u département 'Histoirede l'Université

de Paris VIII. Et

l'ouvrage

omporte

ix

monographies

Le

Miracle

de la Jambenoire

étude

conographique

IV-XVI*

s.)

par

Judith-

Danielle

Jacquet

Les Miraclesde Saint Louis

(1271-1282)

ar

Sharah

Chennaf Les Miraclesde

Saint-Martial

Limoges

t

II'-XVII

s.)

par

Anne

Carion;

Les

Miraculés du cimetière

Saint-Médard

Paris

(

1727-1735

par

Eliane Gabert-Boche

Anne

Charlier,

un miracle

eucharistique

dans

le

Faubourg

Saint-Antoine

31

mai

1725)

par

Jean-Claude

ie;

De

l'incorruptibilité

es

corps

saints

par

Michel

Bouvier.

A travers es tempsse confirmeous des formesdiverses 'ambiva-lence du

corps

au

regard

du christianisme,

bjet

de

mépris

comme

corps

de chaircondamné

la

pourriture,

bjet

d'attention

espectueuse

comme

temple

de

Dieu

promis

à la résurrection.

e

regard

de

la

médecine,

mniprésent

n

contrepoint

u

miracle,

'impose

davantage

à

partir

du XVIII*

siècle,

et

le

corps

malade est

disputé

entre les

thérapies

naturelles et

le miracle.

230

pages,

10

reproductions hotographiques.

BON

DE

COMMANDE

A

retourner

Jacques

GELIS ou Odile

REDON,

Département

'Histoire,

Université e Paris VIII, 2, rue de la Liberté,93526 SAINT-DENIS

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Désire

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LES

MIRACLES,

MIROIRS DES CORPS

Adresse ù doit être

expédié

'ouvrage

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Chèques

établis

à

l'ordre

de :

Agent

Comptable

de

l'Université

Paris

VIII

(PUV-MIR).

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'Universitée Paris

III

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e

a

Recherche

2,

rue e a Liberté

93526

aint

enis

EDEX

2

Dépôt

égal

4e

trimestre

985

Numéro

e

'imprimeur

134

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Í

POUR

UNE

HISTOIRE

DU

LIVRE

MANUSCRIT

AU

MOYEN

AGE

C.

Bozzolo

et

E.

Ornato

nouvelle

dition

1983)

Etude matérielle

es manuscrits

nombre,

rix,

oût

de

fabrication

Répartitionar

siècle de

la

production

Problèmes

techniques

manuscrits

imposés,

séquences

d'écriture,

taille es

feuillets,

echniques

e

pliage,

volution

e la

taille,

isposition

du

texte.

Trois ssais

de

codicologie

uantitative

1

-

La

production

e livresmanuscrits

n

France du nord

2

-

La constitutiones

cahiers dans les manuscrits

n

papier

d'origine

française t le problème

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Réimpression

u

textede

1

980

;

Supplément

e 60

pages

:

prise

en

compte

du livre

mprimé

ncien et

son

apport

la connaissance

du

manuscritlisteet index

nalytique

des tableaux

t

graphiques.

Un

supplément

e 60

pages

destiné

aux

acheteurs

de la

1re

dition.

16

X

25

/

408

p.

/

broché

80 tableaux t

graphiques

145

F

ISBN2-222-02712-8

Supplément

16

X

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64

p.

/

broché

2

figures

1

tableau

40,00

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ISBN

2-222-03262-8

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acques,

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paris

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tél. 326

56.11

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ISSN

0751-2708