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htf^
YALES
JLjUstoire
I
o¿M
LjUstoire
o¿M
^
NOURRITURES
^
Í|
íÁJ''
iß-
Revuepubliéem le ooneoaisdu C.NJLS.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 2/139
O PU
V,
Saint-Denis
1983
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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MEDIEVALES
Revue semestrielle
publiée par
les Presses
et Publications
de
l'Université
de Paris
VIII
-
Vincennes
à
Saint
Denis,
avec
le
concours
du Centre
National de la
Rercherche
Scientifique
COMITE DE
REDACTION
~
fil
François-Jérôme
EAUSSART
-
~
ļļļ^ļ
III
:§
I
Bernard CERQUIGLINI > l i1 V
?
lUlilffliilflrMireilleDEMAULES
j
Orlando
de
RUDDER
Réimpression
PRESSES
UNIVERSITAIRES
DE
VINCENNES
CENTREERECHERCHEEL'UNIVERSITEE PARISVIII
2,
ruede
la
Liberté
93526
SAINT-DENIS
edex02
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SOMMAIRE
N°
5/
NOVEMBRE
1983
NOURRITURES
Page
Présentation,
ar
Odile
REDON
Brouets,potages
et
bouillons
Jean-Louis LANDRIN 5
De
l'usage
des
épices
dans
l'alimentationmédiévale
Bruno
LAURIOUX
15
Cuisine à la cour
de
l'empereur
de Chine les
aspects
culinairesdu Yinshan
Zhengyao
de
Hu
Sihui
Françoise
SABBAN
32
Valeurs,
symboles,
messages
alimentairesdurant
le Haut
MoyenAge
Massimo MONTANARI
57
Exil et retour la nourriture es origines
Danielle
REGNIER-BOHLER
67
Les
appétits
mélancoliques
Marie-Christine
OUCHELLE
81
Documents :
Les
ustensiles e cuisine n
Provence
médiévale
XIIIe-XVe
.)
Pascal HERBETH 89
Une recettedu XVe
siècle
Maguelonne
TOUSSAI
NT-SAMAT
94
ENTREMETS
Les
masques
du clerc
Jean-Charles UCHET
96
Qu'est-ce
ue
le
MoyenAge
?
François
JACQUESSON
117
FRIANDISES
Notes
de lecture
Geneviève 'HAUCOURT, a vie au MoyenAgeRobert
DELORT,
La vie au
MoyenAge
Jean
DUFOURNET,
Le
garçon
et
l'aveugle
Jean-Louis
LANDRIN,
Un
temps pour
embrasser
Jean-Paul
ROUX,
Les Barbares
125
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/ ;-=09 )(8*
=-0/ ]
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NOURRITURES
Qui
va
se
pourléche
Qui
reste e dessèche
(Proverbe
talien u
XIVe
siècle
cité
par
Franco
SACCHETTI.)
Mangerest un acte individuel, la fois nécessaireà la subsistance
et,
dans
certaines
onditions,
énérateur
e
plaisir.
Cependant,
e
plus
souvent,
hommene
mangepas
seul,
mais
avec ses
semblables,
uivant
des
règles
et
usages
économiquement
t culturellement
éterminés.
a
pratique
conviviale et la recherchedu
plaisir
confèrent
l acte
de
manger
des sens
multiples ui dépassent argement
a
simple
solution
d un
problème
de subsistance.
Ce
numéro de
Médiévales veut
précisément
contribuer à
une
recherche
es
multiples
ens
de l acte de
manger
u
Moyen
Age.
l
est
relié au
travail
qui
se fait
depuis plusieurs
années
au
département
d Histoire
de
l Université aris
VIII,
avec Jean-Louis
landrin t moi-
même recherchesd un côté sur l évolutiondes pratiques culinaires
et du
goût
en
Europe,
depuis
le
MoyenAge
usqu au
XVIIIe
siècle,
de
l autre sur
les
usages
de cuisine et de table
et sur
le sens des actes
alimentaires ans l Italie médiévale.
Parce
qu il
fallait
bien
choisir,
dans
l ampleur
d un
champ trop
vaste,
nous n avons
pas
ouvert
ce numéro
-
en tout
cas
pas
direc-
tement
aux
aspects économiques
de l alimentation.
ous avons
plutôt
tenté,
sur
un
point
de
départ historique,
et
en
faisant
appel
à
plusieurs
isciplines,
allerdans
deux
directions.
abord des
recherches
sur
le travail
proprement
ulinaire et sur les
goûts
médiévaux et
sur cette voie il était particulièrement éduisant d aller jusqu à
l Extrême-Orient,
au-delà des
épices.
Ensuite
des réflexions
ur
le
sens
des
comportements
limentaires,
ans des
systèmes
ocio-politiques,
littéraires t
scientifiques
médicaux)
qui
engagent
oute
la
personne
de
l homme.
Nous
souhaitons
ue
ce numéro
de Médiévales
auquel
ont
participé
des
historiens,
inologue,
ittéraire,
nthropologue,
oit
un
jalon
dans
l étude
pluridisciplinaire
e l alimentation
médiévale.
Odile
REDON.
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Jean-Louis
FLANDRIN
BROUETS,
POTAGES
ET
BOUILLONS
Passant à
Lindau,
le 10
octobre
1580,
Montaigne
notait
que
les
Bavarois
«
mettent antôt e rôti e
premier
t
le
potage
à la
fin,
antôt
au
rebours .
Mais
il
ne
semble
pas
s'être
demandé si le
concept
de
potage
existaitdans ce
pays,
ni
s'il
désignait
a même chose
que
dans
la France de
l'époque.
Pour
jious, Français
du
XXe
siècle,
un
potage
est un mets salé et
non
sucré,
de
consistance
plus
ou
moins
liquide,
que
l'on
sert
dans
des assiettescreuses
au début
du
repas.
Cette
définition,
alable dès le
milieu
du XVIP
siècle,
l'était
peut-être
éjà
au
temps
de
Montaigne.
Mais elle ne l'étaitpas dans la France des XIVe et XVesiècles,ni dans
le reste de
l'Europe
occidentale.
Pour
ce
qui
concerne
a
consistance,
l
y
avait certes
des
potages
très
liquides
-
avec ou sans
tranches de
pain
ou
autres éléments
solides
immergés
dedans
-
mais
beaucoup
d'autres ressemblaient
plutôt
à des
ragoûts,
n
sauces souvent iées et
parfois
très courtes.
Au
chapitre
des
«
potages
communs sans
espices
et non
lians
»,
le
Ménagier
de Paris
mentionnaitmême des
«
porrées
de
légumes
dont
il
n'est
pas
évident
u'elles
étaientmoins sèches
que
nos
purées.
Du
point
de vue du
service,
même
ambiguïté
certains
potages
étaient
présentés
avant
les rôts
-
les
sorringues
t les
civés, parexemple mais d'autres 'étaient ouvent vec, comme les cretonnées
ou
les
rosées,
voire même
après,
à l'entremets u à l'issue
de
table,
tout
comme
ces
potages
bavarois
qui
étonneront
Montaigne
la fin
du
XVIe siècle
voyez
es menus
II,
XI
et XIV du
Ménagier
de Paris.
Les choses ne vont
pas
mieux si
l'on entend
par
«
potage
tout ce
qui
était cuit
dans
un
pot.
Car
on cuisait
dans des
pots
les
fromentées,
millot,
venat,
riz
engoulé,
ue
les
livres de
cuisine
français
1)
clas-
1.
Cette tude
prend
n
considération
inq
ivres
rançais
1 Le
Ménagier
de
Paris
composé
n 1393 t édité en 1847
par
Jérôme
ICHON
(reprint
Daniel
Morcrette,uzarches,
.
d.).
2°
Les
Enseignementsui enseignentappareilleroutesmanières e viandesvers1300). ° Le Viandier e Taille-
vent,
Ms. de
la
Bibliothèque
ationale. °
Le Viandier e
Taillevent,
s.
de
la
Bibliothèque
u Vatican.
°
Le Viandier e
Taillevent,
mprimé
ers
1490.
Ces
quatre
erniersraités nt
té
publiés ar
J.PICHON t
Georges
ICAIRE
au XIXo iècleet réédités
ar
Slatkine Le
Viandier
e
Taillevent
Genève,
1967).
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6
saient
parmi
les
entremets,
e même
que
les
gelées
de
toutes sortes.
Il
arrivait
'ailleurs
que
des
plats
classés hors du
chapitre
des
potages
fussent
cependant
appelés
«
potage
:
voyez
par
exemple,
dans le
menu XVI
.
du
Ménagier,
e
«
Potage pour
faire
yssue appelé gelée
;
ou,
au
chapitre
des
«
Entremets
,
le
«
Potage
parti
ou
faulx
grenon
(p.
216).
On
se
demande donc
quelle
définition
ohérente es
Français
de
ce
tempspouvaient
ien donner
de leurs
potages.
En
Angleterre,
la
même
époque,
e
concept
de
potage
existait ussi
et ne
paraît
pas plus
clair. Il
est,
au
reste
plus
difficile
cerner,
arce
que
les
livresde
cuisine nglais 2) n'étaient as explicitementtructurésen
chapitres
t
que,
dans les
repas,
'ordrede
présentation
es metsest
très
difficile
comprendre
ou
même nexistant
'il faut
en croire es
historiens
ui
en
ont
parlé
(3).
En
Italie,
aucun
mot de la famillede
«
potage
ne
se
rencontre
dans les
recueils
de recette
(4).
Et en
Catalogne,
i
le Libre
de
sent sovi
(5)
a un
chapitre
ntitulé
Qui
parla
con
se deuen
donar
los
potatges
en convit
,
ce
chapitre
ne
traite
que
des
viandes
rôties
Dans
tous ces
livres,
cependant,
n
trouve des
plats
analogues
à
certains
types
de
potages
français,
u
moins
par
leurs
appellations
(«brodo»,
«brodetto»,
«
civiero
italiens,
par
exemple,
proches
des
« Bouillon , « brouet et « civé» français) et des plats inconnus n
France
(comme
les
plats
de
pâtes)
mais
que
les
voyageurs
français
ont
pendant
des siècles
considérés
comme des
potages
-
pour
des
raisons
qu'ils
n'ont
malheureusement
as
expliquées.
2.
Cinq
ivres
nglais
nt
été
utilisés,
ue
nous
désigneronsar
les titres
suivants
Io
The
Forme
of
Cury
v.
1390)
2°
Ancient
ookery
.D. 1381
3°
Ancient
ookery
° 3
(écriture
u
débutXVe
.)
4°
HarleianMs. 279
vers
1430)
5°
Harleian
Ms. 4016
vers
1450).
es
trois
premiers
nt été
publiés
par
Richard
WARNER ans
Antiquitates
ulinariae
London,
791 fac simile
Prospect ooks,
London
.d.
(1981);
les
deux autres
par
Thomas
AUSTIN,
dansTwoFifteenth-Centuryookery ooks OxfordUniversityress,1888reprint964).
3. Par
exemple
ridget
nn
HENISCH,
Fast and
Feast Food n
Medieval
Society
The
Pennsylvania
tate
University ress, University
ark
and
London,
e
ed.,
1978) .
146.
4. Pour
l'Italie,
on
a
utilisé les
quatre
livres
de
cuisine suivants
1°
Librodella cucina
del
secolo
XIV,
édité
par
F.-
ZAMBRINI,
863 réim-
pression
Bologna,
1968. l
sera
appelé
ici
«
le livre toscan . 2°
Libro di
cucina
del secolo
XIV,
édition
L.
FRATI,
Livorno,
1899
réimpression
Bologna,
1970.
l
sera
appelé
ici
«
le livre
vénitien. 3o
Libro de arte
coquinaria,
critvers
1450
ar
le maître
MARTINO,
uisinier u
patriarche
d'Aquilée,
t
publiépar
E. FACCIOLIdans
Arte ella cucina
Milano,
966),
I,
pp.
119-204.
°
Liber de
coquina
manuscrit
atin du XIVe siècle
publié
par
MarianneMULONdans le Bulletin
hilologique
t
Historique usqu'à
1610)
u Comité
es Travaux
istoriques
t
scientifiques.
nnée
968,
ctes
du 93eCongrès ational es Sociétés avantes enu Tours.Volume Les
problèmes
e l'alimentation
Paris,
Bibliothèque ationale, 971)
p.
396-420.
Ce traité
atin,
très
proche
du livre
toscan,
me
paraît
ncontestablement
italien.
5. Libre
de sent
ovi,
dité
par
Rudolf
GREWE
Editorial
Barcino,
979)
avec
introduction,
otes t index n catalan
moderne.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 9/139
7
Finalement,
our
faire
progresser
'étude
comparée
de la cuisine
et
du
service
de
table dans les divers
pays
d'Europe
occidentale,
l
faut,
semble-t-il,
bandonner
au
moins
provisoirement
la
notion
générale
de
potage,
t examiner
lutôt
des
types
de
potage plus
faciles
à
définir,
dont 'existence u le
concept,par
ailleurs,
ont
attestés
dans tous les
pays d'Europe
occidentale
aux XIV* et
XVe
siècles.
L'examen des
brouets t
bouillons,
ue
nous allons
présenter
ci,
constitue
n
premier
pas
dans
cettevoie.
Ou
peut-être
erait-il
lus
juste
de dire
que
nous allons
étudier
es
brouets en France,en Angleterre,n Catalogne et en Italie.
Car si
« brouet est
l'équivalent
du « brewet
(ou
« bruet ou « bruette
)
anglais,
du
«
brouvet
(ou
«
broet
)
catalan,
du
«
brodetto
italien et
du
«
brodium
latin,
«
bouillon
,
en
revanche,
'est ni
linguistiquement
ni
réellement elui de
«
broth
,
ni de
«
brou
»,
ni de
«
brodo
».
Etymo-
logiquement,
n
effet,
bouillon a
pour origine
e latin
«
bulliré
,
tandis
que
tous
les autres
mots
que
je
viens d'énumérer
iennent u
germanique
brod
»,
latinisé
n
«
brodium vers
a findu IVe
siècle
(6).
Réellement,
bouillon
n'apparaît
dans
l'appellation
d'aucun
plat
fran-
çais
de
l'époque
considérée,
alors
qu'on
trouve
«
broth
,
«
brou
»,
«
brodo
»
et
«
brodium dans celle
de
nombreusesrecettesdes
livres
de cuisineanglais, atalan, taliens t latins.Le bouillon, ans les livres
français,
n'était mentionné
que
comme
ingrédient,
u comme
une
sorte
de bière
hygiénique
our
malades
(7).
Si,
dans le
français
d'au-
jourd'hui,
broth
,
«
brou
»,
«
brodo
»,
«
brodium
,
peuvent
ans
e
titre
d'une
recette,
tre
parfois
traduits
par
«
bouillon
,
dans
le
français
des
XIVe
et
XVe
siècles,
en
revanche,
ls
correspondent
«
brouet
,
ou
«
potage
,
ou
encore
«
chaudeau
»,
ces trois mots
pouvant
au
contraire e bouillon
désigner
es
plats
aussi bien
que
la
partie
iquide
de
certainsd'entre
ux
(8).
6. Les dictionnairesatin-française QUICHERATet de BLAISE en
mentionnent
n
premier mploi
dans
un sermon e S.
Gaudence,
vêque
de Brescia ers a
fin u IVe
siècle.
7. Le
Ménagier
e Paris
p.
238.
8. Pour
«
brouet et
«
potage
,
on en trouvera ne infinite
exemples
dans
le
Ménagier
e Paris.
Ainsi,
.
166,
la finde la recette u brouet
d'Allemagne
«... au
drécier,
mettez
rois ou
quatre
morceaux e vostre
grain
n l'escuelle t du
brouet
essus ou
p.
168,
la
fin
de la recette
du
«
rapé
«
puis
dreciezvostre
grain
par
escuelleset du
potage par
dessus .
Les deux
mots
paraissent
nterchangeables,
e
sont
pas
tributaires
de
l'appellation
u
plat,
t
peuvent
tre
remplacés ar
«
bouillon
,
comme
à la
p.
155
«
quand
e
grain
era
dressé
par platz,
ous
mettreze
bouillon
dessus . Dans
cet
exemple,
e
bouillonn'est
pas
seulement
'eau où a cuit
une
viande,
mais
un
liquide omplexe
u'on
a
auparavant
ppelé
«
potage
.
Il
semble;
cependant,
u'on
utilise
plus
volontiers bouillon
pour
les
simples ouillons e viande, t «brouet ou «potage pour les liquidesplus complexes. uant à « chaudeau, c'est une eau de cuisson encore
Elus
udins
laire
ou de
ue
tripes
les bouillons
(p.
158 t
e
161).
viande
Mais
parfois
ar exemple
c'est
un
'eau
bouillon
e cuisson
de viande
e
oudins u de
tripes p.
158 t
161).
Mais
parfois
'est
un bouillon e viande
normal,
omme
la
p.
168.Ce mot
n'apparaît
u'une
foisdans
l'appellation
d'un mets
le
«
chaudeau
lament
,
constitué 'eau bouillie ù l'on
répand
en filet es
aunes
d'oeufs
attus
vec
du vin blanc.
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8
Plus
concrètement,
ette étude
porte
sur 52 recettes
françaises
de
brouets 53
recettes
anglaises
dont 37 de brewet et
18
de broth
4
recettes atalanes dont
1
de brouvet t 3 de brou
21
recettes
ta-
liennes dont 8
de brodetto
et 13
de
brodo;
et 6 recettes
atines
de
br dium.Au
total cela nous fait
un
corpus
de 137recettes aucun
autre
type
de
potage
n'en
comptait
autant
dans
les
livres
de cuisine
des
XIVe
et
XVe
siècles.
En
France,
es brouetsformaient ne
catégoriehomogène
u
point
de vue
de leur
place
dans le
repas
sur
les
vingt-cinq
enus
qu'a
notés
le
Ménagier
de Paris on trouve
vingt-quatre
entions e
brouets,
ont
vingt-deux
vant
les
rôts.
Les deux
restant,
'ils étaient
présentés
u
servicedu
rôt,
n'infirment
as
vraiment a
règle,
car
il
s'agissait
d'un
«
rôt
maigre
,
composé
de
poissons
bouillis ou en
sauce,
et non
pas
de
véritables
ôtis.Nous ne
pouvons
malheureusement
largir
etteconclu-
sion aux
autres
pays
d'Europe,
fautede recherches
uffisantes
ur leur
manièrede servir.
Pour
ce
qui
concerne a
manière de cuisinier
-
du moins celle
dont
parlent
es livres
-
deux
faits attestent on caractère
cosmopo-
lite.
C'est d'une
part que
nombrede
brouets,
n
France,
n
Angleterre,
en Italie, portaient e nom d'un pays étranger d'autre part que les
mêmes
appellations
e retrouvaient
arfois
en
français,
n
anglais,
en
italienet
en
latin.
Voyez
'appendice.
l
montre
u'on
trouvait ans
les
livres
français
n
«
brouetde Savoie
»
et,
plus fréquemment,
n
«
subtil
brouet
d'Angleterre
;
dans les livres
d'Italie
(en
toscan
et en
latin)
un
«
brouet
provençal
,
un
«
brouet
français
et un
«
brouet
espa-
gnol
;
dans un
livre
anglais
un
«
brouet de
Lombardie
;
et,
de tous
côtés,
un
«
brouet sarrasin
et
plusieurs
«
brouets
d'Allemagne
.
D'autres
appellations
omme
«
brouetvert ou
«
vergay
,
ou
«
brouet
blanc
»,
se retrouvaient
ans
les livresde
pays
différents,
e
même
que
des
«
brouet
de
chapon
,
«
brouet de
gélines
,
«
brouet de
poullets
,
« brouet d'anguilles , « brouet de poisson , « brouet d'œufs et de
fromage
, etc.,
qui
sont,
vrai
dire,
moins
significatives.
Mais ces
ressemblances u
influences ventuellesne
signifient
as
que
dans
tous les
pays
-
ou toutes es
cours
-
d'Europe
occidentale
on
mangeait
la même
cuisine,
comme
semblent
e croire
plusieurs
auteurs
anglais,
américains
et
canadiens
(9)
:
il
est facile de s'en
convaincre n examinant es brouets.
Pour ce
qui
concerne
'appellation
des
plats,
on ne trouvait
qu'en
France
des
«
brouet
georgië
,
des
«
brouet rousset
,
des
«
brouet houssié
,
un
«
brouet
rappé
»,
des
9. Voirpar exemple olin S. DENCE, «Herbs and spices throughthe
ages
,
HerbalReview
winter
978,
.
11-23
dans une certaine
mesure ast
and
Feast,
de
Bridget
A. HENISCH et
surtout onstance
. HIEATT et
Sharon
BUTLER,
ain vinet veneison
Montréal,
ditions
e
l'Aurore,
977).
Pour une
critique
e cette
dée,
voir
déjà
dans L'Histoire
n°
5,
oct.
1978,
p. 102-103)
Variations
ranco-britanniques
.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 11/139
9
«
brouet
de cannelle
,
des
«
brouet de
verjus
,
des
brouets
«
de
dain-
tiers de cerf ou de
«
fressurede
pourcel
.
Les
livres
anglais,
eux,
sont seuls à
présenter
des
«
cold brewet
,
des
«
bruette
saake
»
(ou
brouet
echerché),
es brouetsde connin
«
connynges
n clere
broth
),
de
foie de chevreuil
«
roo broth
),
de
soles,
de
tanches,
d'esturgeon,
de
lamproies,
de
moules,
d'huîtres,
e
buccins et
des brouets
aux
noms
mystérieux
omme
«
browet
tuskay
et,
plus
fréquent,
ballok
broth . Moins riches n
brouets,
es livres taliens
ont
cependant
euls
à
présenter
n brouet
de
perdrixgrises,
un brouet
de
pois
chiches
rouges
et
un
«
brodo
granato
dont
une
seule
des trois
recettes
xpli-cite un
peu
le nom. Enfin,bien que le chevreauet plus encore les
amandes
aient été utilisésdans les
brouetsde bien
d'autres
pays,
ceux
de
Catalogne
taient
euls à en tirer eurs
noms.
Même
mpression
e
diversité t de
spécificités
ationales
ou
régio-
nales
lorsqu'on
examine les
ingrédients
tilisés et les
procédés
de
cuisson.Non
pas
que
cettecuisine
des
livres
it mis en œuvre es
seuls
produits
ocaux
partout,
u
contraire,
lle utilisait bondamment
es
épices importées
d'Orient et les
Anglais
n'étaient
pas
les derniers
utiliser e
sucre,
es
amandes
et
les
raisins de
Corinthe.
Mais,
relative-
ment ibre à
l'égard
des contraintes
aturelles,
ette cuisine
aristocra-
tiqueétaittributairees cultures t des goûtsnationaux. t il meparaît
intéressant e
souligner
ombien
es
spécificités
ationales
u
régionales
étaient
lus marquées
n cuisine
qu'en
d'autresdomaines
mieux
connus
de la culture.
^
Précisons ela
sur
quelques
exemples.
Les deux recettes
françaises
de
«
brouet sarrasinois
prennentpour ingrédient
e base
-
pour
«
grain
,
commeon
disait alors
-
des
anguilles,
e
qui
est
surprenant,
les
poissons
et
plus
particulièrement
e
poisson
sans écaille
n'appa-
raissant
guère
dans les livres
de cuisine
arabes les deux recettes
italiennes
de
«
brodo
saracenico
font un brouet
à base de
chapon
rôti,
ce
qui
serait
plus
musulman si
l'on
n'y
ajoutait
«
du lard à
suffisance; quant aux recettes anglaises, moins homogènes, 'une
prendpour
viande du
bœuf,
'autre du
porc,
et la
troisième,
astueuse
et
extravagante,
es connins u des
lapins,
u des cailles
ou des
perdrix
et... des
anguilles.
Comme
liquide
de
cuisson,
les cuisiniers
français
utilisaient
un
mélange
de
vin
et
de
verjus
les italiens
«
des
sucs
aigres
et éventuellement
u vin blanc et les
anglais,
avec ensemble
cette
fois,
du lait d'amandes.
Certainsd'entre ux
y ajoutaient
du
vin,
voire du
vinaigre.
Pour ce
qui
concerne
'assaisonnement,
nglais
et Italiens
usaient
d'épices
plus
ou moins
nombreuses t
d'ingrédients
oux
dattes et
raisin secs
en Italie
sucre,
raisins
secs,
et
parfois
vin
doux
en
Angle-
terre. es cuisiniers rançais, n revanche, 'ils multipliaientes épices
orientales
gingembre,
annelle,
girofle, raine
de
Paradis,
garingal,
poivre
long
et safran
-
n'admettaient ucun
ingrédient
ucré.
Cela
s'expliquerait-il
eulement
ar
la
plus grande
fidélité es
Italiens et
des
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 12/139
10
Anglais
un
modèle
original
arabe ? En
fait,
des recettesdont
nous
n'avons
encore rien
dit
parce qu'elles
ne
portent
pas
le nom
de
brouet
10),
montrent
ue
les cuisiniers atalans et
napolitains, énéra-
lement
plus
proches
des
pratiques
arabes
que
les
Anglais
et
les
Toscans,
n'utilisaient
as
non
plus
de
sucre.
Au
reste,
es
statistiques
d'ingrédients
aites ur
des
livresde cuisine
entiers,
ttestent
ue
d'une
manière
générale
es
Italiens et les
Anglais
des
XIVe
et XVe siècles
avaient
beaucoup plus
de
goût pour
les
viandes sucrées
et
les
prépa-
rations
igres
douces
que
les
Français
de leur
temps.
Si
les diverses
ecettes
u
«
brouet arrasin
présentent
e
grandesdifférencesuant à la cuisson et à la consistancefinale du
plat,
ces
différences e
semblent
pas
révéler
de
spécificité
ationale. Peut-être
n'est-ce
pas
par
hasard,
mais
parce
qu'on
voulait,
pour
ce
brouet
au
nom
exotique,
pérer
de
manière
nhabituelle. n
revanche,
orsqu'on
examine
ivre
par
livre
es modes de
cuisson de
l'ensemble es
brouets,
des
tendances
nationalesou
régionales
e
dessinent.
Un
détail,
pour
commencer
les
recettes
françaises
et
italiennes,
lorsqu'il
y
est
question
d'oignons
pour
l'assaisonnement,
ommencent
toujours par
les faire
revenir
ans un
corps
gras pour
en
concentrer
le
goût.
Au
contraire,
es
Anglais
es
faisaient
toujours
bouillir dans
l'eau ou autre iquidenongras,et cela,même orsqu'ily avait dans la
recette
considérée
des
phases
de
cuisson à la
graisse pour
d'autres
ingrédients.
errière
cette
différence
e
pratiques
-
qui
se
retrouve
dans la
préparation
de
toutes
sortes
d'autres
préparations
que
les
brouets
11),
l
y
a
évidemment
ne
opposition
des
goûts.
Pour ce
qui
concerne
es
brouets,
récisons
d'abord
que
tous
étaient,
à
un
moment u
l'autre
de leur
préparation,
'objet
d'une
cuisson en
milieu
humide,
puis
cherchons
esquels
faisaient n
outre
l'objet
d'un
rôtissage
u
d'une
friture t
lesquels
n'étaient
ue
bouillis
cf.
tableau).
A
cet
égard,
ce
ne sont
plus
les
Anglais
mais les
Français
qui
se
singularisaient
29 %
seulement e
leurs
brouets
n'étaient
ue
bouillis
tandisque dans 71 % l'un des ingrédientsu moins avait été rôtiou
frit.
Chez
les
Anglais,
u
contraire,
es
quatre
cinquièmes
des
brouets
n'étaient
que
bouillis.
Plus
inattendu,
e
fait
qu'il
en
était
de
même
de tous
les
brouets
catalans
-
qui
ne
sont
que
quatre,
l
est
vrai
-
et des
trois
quarts
des
brouets
taliens.
Plus
précisément,
n
pourrait
distinguer
eux
groupesparmi
es
livres
taliens
le
premier,
onstitué
10.
Rudolf
GREWE,
p.
56 de
son
introductionu
Libre de
sent
novi,
compare
ne
recette
apolitaine
e
«
salsa
sarazinesca
à la
recette atalane
n° 181
«
Con
cuynaretz
arn
a la
sarreynesca
(p. 188).
Or ni l'une
ni
l'autre
e
ces
recettes
e
mentionne
'ingrédient
ucré. l
suggère
'ailleurs
que ce plat exotique, ien que toutesses recettes,ux quatrecoinsde1
Europe
occidentale,
tilisent
es
ingrédients
nterdits ux
musulmans,
n'est
peut-être
as
un
pur
produit
de
l'imagination
hrétienne. ar
la
recette
napolitaine
e
termine
ar
ces
mots
«
fa
piatelli
pieni
de
deta
salsa et
manda
avolade
sarazini
.
11.
Voir
«
Variations
ranco-britanniques
.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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11
du
Liber de
coquina
et
du
livre
toscan,
tend vers
le modèle
français,
quoique
56
%
de leurs
brouets
ne
fussent
ue
bouillis
l'autre
groupe,
constitué u livre
vénitien t
du
Libro
de arte
coquinaria
de Martino
-
lequel
nous
renseigne
eut-être
ur les
pratiques
et
les
goûts
dans
la
région
romaine
12)
-
ne connaît
pour
les brouets
que
la cuisson
à
l'humide.
Cuisson des
brouets
Sans
rôtissage
Avec
rôtissage
Totaux
ni friture
ou friture
FRANCE
52
recettes)
15 29% 37 71
%
52
Enseignements
1 50
%
1
50
%
2
Taillevent,
s. de la
B.N. 3
30%
7
70%
10
Taillevent,
s.
du Vatican 4 31%
9 69
%
13
Taillevent
mprimé,
490
3 27%
8 73
%
11
Ménagier
e Paris
4
25
% 12
75
%
16
ANGLETERRE
53
recettes)
42 79% 11
21%
53
The Forme f Cury 9 100% 0 0% 9
Ancient
ookery,
.D.
1381
8 67% 4
33
%
12
Ancient
ookery
° 3 7
54
%
6
46
%
13
Harleian
Ms.
279
12 92%
1
8 %
13
HarleianMs. 4016 6 100
%
0 0
%
6
ITALIE
(28 recettes)
Ā
9 56%
7
44%
16
B
12 100
%
0 0
%
12
A. Liberde
Coquina
3 50%
3 50
%
6
LivreToscan
6 60% 4
40%
10
B. Livrevénitien 5 100% 0 0
%
5
Librode arte
coquinaria
7
100
%
0 0
%
7
CATALOGNE
4
recettes)
100% 0% 4
Libre
de sent ovi.
4
100
%
0 0
%
4
Les
procédés
de
cuisson
ne
pouvant
nous fournir
ne
définition es
brouets alable dans toutes
es
régions
d'Europe
occidentale,
xaminons
maintenanteur consistance inale.
Faute de
connaître
es
proportions
des
ingrédients
olides et
liquides
et
les
durées de
cuisson,
l
est, certes,
impossible
de savoir
avec
exactitudece
qu'elle
était
mais
nous ne
sommes
pas
non
plus
désarmésface à
ce
problème.
12.
Le
patriarche'Aquilée,
ont
Martino
tait e
cuisinier,
enait,
it-on,
la
meilleureable
de
Rome.
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12
On
peut
d'abord
affirmer car c'est écrit dans nombre
de
recettes
-
que beaucoup
de
brouets devaient être
«
liants .
Partout,
cette
époque,
on liait au
pain
longuement
ouilli mais
on utilisait
ussi des
amandes
pilées
ou du lait d'amandes
qui s'épaississait
en
cuisant,
des
foies de volaille
écrasés,
des
jaunes
d'œufs
battus,
voire
du
sang.
Les
Anglais
paississaient
arfois
ncore
e lait d'amande
avec de
la farine
de
riz,
ce
qui,
dans tous les
pays,
était la
manière de lier le
«
blanc
manger».
En France et en
Italie,
où l'on faisait volontiers
evenir
a
viande avec des
oignons
dans
un
corps
gras
avant
de
faire
cuire
le
tout
à
l'humide,
cela favorisait
peut-être,
omme
dans nos
braisés
moderneset
contemporains,
ne liaison
par
émulsion.Quoiqu'il en
soit,
on
a souvent e sentiment
ue
la liaison
du
brouet ne
pouvait
se
faire
que
si
l'on avait versé le
liquide
avec discrétion u
si on l'avait
longuement
aitréduire.
De
sorte
que
ces
potages
iants devaient orcé-
ment ressembler nos
braisés
plutôt qu'à
nos
potages.
On arrive la même conclusion
orsque
l'on
considère
es brouets
-
en
particulier
taliens faits sans
eau
ni
bouillon mais seulement
avec du
vin,
du
vinaigre,
u
verjus
ou
autre
jus
acide
que
l'on
jetait
sur
l'ingrédient
rincipal
préalablement
evenudans la
graisse. Voyez
par
exemple
e
«
brodo saracenico
ou le
«
brodo del
pesce
»
première
façon,du livretoscan- bien que l'on prescrive e détremper forte-
ment de vin et de
vinaigre
e
mélange
frit t de le fairebouillir vant
de le
jeter
sur le
poisson.
Aussi amateur
que
l'on soit des
saveurs
aigres,
on ne
peut
faire un
potage
de
vinaigre
ni
de
verjus.
Et le
«
brodo
del
pesce
»
ressemblait ans
doute
plus
à nos sardines
en
escabèche
qu'à
nos
potages.
Il
y
avait aussi
des
brouets
non
liants,
comme le
«
bruet of
Almayne
de
Ancient
Cookery
A.D. 1381 constituéd'oiseaux
baignants
dans un chaudeau
(«
cawdel
») ;
ou comme
es
lamproies
n brouet
et
les soles
en brouet
du
même ivre ou
les
poules
en
brouet,
es
poulets
en
brouet,
es tenches
n
brouet,
es buccins en brouet et
le
«
bruette
saake » du Harleian Ms. 279.Les formes« in bruet ou « in broth ,
dans les livres
nglais,
emblent
onc
un indice de ces consistances
on
liées. Mais
l'exemple
du brouet
d'Allemagne
émoigne u'elles
ne les
signalaient as
toujours
et, inversement,
n
trouvait ous
ces
appel-
lations des brouets iés
par exemple
es
poules
en
brouet à'
A.C.
381,
ou
les
huîtres n brouet et les moules en
brouet,
dans tous
les
livres
qui
les mentionnent.
Au
reste,
si les
«
Connynges
n clere broth étaient
une viande
baignée
d'un
bouillon
clair,
de
même
que
certains
«
ballok
broth
,
«
roo broth
,
«
storion n
broth et
«
venyson
n
broth
,
il
ne
faudrait
pas
en conclure
que
«
broth
peut toujours
être
opposé
à
«
brewet
,
commeun bouillonclair à un brouet ié. Car selon les livres, e même
plat s'appelait
«
muskelys
n
bruette
(
Harleian
Ms.
279)
ou
«
muscules
in
broth
(
Harleian
Ms.
4016)
et le
«
roo broth
,
le
«
geline
n
broth
et le
«
sturgeon
n
broth
étaient,
ans certains ivresdes
brouets
iés.
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13
En
somme
«
broth comme
«
brewet
-
et
comme
«
potage
-
pouvait
selon les cas
désigner
n bouillon clair
ou
ime sauce
liée,
ou
le
plat
constitué e cet élément
iquide
et
des
éléments olides
qui
y
baignaient.
l
en était de
même,
n
français, our
«
brouet
,
potage
et
«
chaudeau
(mais
pas pour
«
bouillon
)
;
en latin
pour
«
brodium
;
en italien
pour
«
brodo
(mais
pas,
semble-t-il,
our
«
brodetto
)
;
et
en catalan
pour
«
brou
».
Finalement,
es
cent
trente-sept
rouets
ui
constituent otre
orpus,
deux seulement taient
iquides
comme
nos
potages
actuels
ce sont
deux
consommés,
e
«
brodo consumato
de
capponi
de
Martino,
t
le
« brou de
gualines
per confortar du Libre de sent sovi. Quelle qu'ait
pu
être la
proportion
e l'élément
iquide par rapport
aux
éléments
solides et nous avons
vu
qu'elle
était
parfois
rès faible les
autres
brouets
étaient constitués
de morceaux
de
viandes,
poisson
ou œufs
baignant
dans
un
liquide qui pouvait
être un bouillon clair ou
une
sauce liée.
De sorte
que
s'ils formaient
ne
catégorie
plus
réduite
que
les
potages
et
plus
homogène
u
point
de vue
du
service
du
moins
en
France
-
les brouets
n'étaient,
du
point
de vue de
la
consistance,
guère
moinshétéroclites.
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14
APPENDICE. LES
APPELLATIONS DES BROUETS
BROUET
SARRASIN Taillevent
at.,
n°
83
«
Brouet arrasinois
Ména-
gier,
.
172,
Brouet
arrasinois Liber
II,
n°
8,
«
De
brodio
arra-
cénico Livre toscan
p.
32,
«
Del
brodo saracenico
Harleian
Ms.
279,
°
66,
«
Bruet
areson Ancient
ookery
381,
°
54,
«
Bruet
of
Sarcynesse.
BROUETS D'ALLEMAGNE. V.
B.N.,
n°
22,
«Brouet
Ailmengne
e
char
ou de
conis ou de
poulaille
TV.
Vat.,
n°
22,
«
Brouet
d'Allemaigne
de
chair,
de
connin t
de
poulaille
n°
87,
«
Brouet
d'Alemagne
d'œufs
TV.
imprimé,
°
3,
«
Blanc
brouet
'Alemagne Ménagier,
p. 165,«Brouetd'Allemagne p. 172,«Brouetd'Alemaigne'œufs
pochés
Liber
II, 6,
«
De brodio heutonico
The Forme
f
Cury,
n°
47,
«
Brewet
f
almony
A.C.
1381,
°
13,
«
Blanche
brewet
e
Alyngyn
n°
31,
«
Bruet
of
Almayne
A.C.
,
p.
292,
«
Browet
f
almayne
p.
295,
«
Blaunche ruet
f
almayn p.
388,
«
Browet
f
almavne
orX mees HarleianMs.
279,
n°
67,
«
Bruet f
Almayne
n°
68,
«
Bruet f
Almayne
n lente .
BROUET D'ANGLETERRE.
nseignements,
°
18,
«
Soubtil
brouet
'Engle-
terre TV.
B.N.,
n°
24,
«
SutilBrouet
'Engleterre
TV.
Vat.,
n°
24,
«
Soustil brouet
d'Angleterre
Ménagier,
.
166,
«
Subtil
brouet
d'Angleterre
.
BROUET DE
SAVOIE.
Ménagier,
.
166,
Brouetde Savoie .
BROUET
DE
PROVENCE.
iber, I,
4,
«
De brodo
provincialico
Toscan,
p.
33,
«
Altramente
la
provenzale
.
BROUETD'ESPAGNE,Liber I, 9, «De brodoyspanico Toscan,p. 33,
«
Altramente
la
spagnuola
i fa brodoverde .
BROUET
DE
LOMBARDIE.
A.C.
1381,
°
32,
«
Brouetde Lombardie
.
BROUETS BLANCS.
Enseignements,
°
17,
«
Blanc
brouet
de
gelines
TV.B.N.,
°
19,
«
Blancbrouet e
chappons
TV.
Vat.,
n°
19,
«
Blanc
brouet e
chapon
TV.
imprimé,
°
1,
«
Brouet
lanc
de
chapons
n°
3,
«
Blancbrouet
'Alemagne
n°
158,
Blancbrouet
e
chapons
Ménagier, .
165,
«
Brouetblanc
p.
173,
«
Brouet
blanc
MAR-
TINO,
n°
43,
«
di
brodetto iancho
A.C.
,
p.
295,
«
Blaunche
ruet
of
almayn
A.C.
1381,
°
13,
«
...blanche ruet
de
Alyngyn
.
BROUETS
VERTS ET
VERGAY. V.
B.N.,
n°
26,
«
Brouet
ergay
n°
75,
«
Brouet
ergay 'anguilles
TV.
Vat.,
n°
26,
«
Brouet
ergay
n°
79,
«
Brouet
vergay
'anguilles
n°
89,
«
Brouetvert
d'œufs t
de fro-
mage
TV.
mprimé
n°
13,
Pour
faire
rouet
ert
Ménagier,.
167,
«Brouet ergay p. 171, Brouet ergay 'anguilles p. 172, Brouet
vert d'œufs t de
fromage
Toscan
p.
34,
«
Altramente
la
spa-
gnuola
si
fa brodo
verde
(Liber
II, 9,
«
Ad brodium
yspanicum
viride
)
MARTINO,
°
44,
«
Brodetto
erde .
BROUETS DE
CHAPON.TV.
B.N.,
«Blanc
brouet.
e
chappons»;
TV.
Vatican,
°
19,
Blancbrouet e
chapon
TV.
imprimé,
°
1,
«
Blanc
brouet
de
chapon
n°
158,
Blanc
brouetde
chapons Ménagier,
p.
149,
Brouetde
chapon Toscan,
.
33,
«
Del
brodo
dei
caponi
Venitien,
°
12,
«
Brodetto amelino
caponi
MARTINO,
°
41,
«
Brodo consumato e
capponi
.
BROUET
DE
GELINES. Lib. sent,
ovi.,
n°
185,
Brou
de
gualines
b let
de amelles
n°
186,
Brouvet e
gualines
b
amelles,
o
de
cabrit
n°
188,
«
Brou de
gualines
per
confortar
Enseignements,
°
17,
«
Blanc
brouetde
gelines
TV.
Vat.,
n°
25,
«
Brouetde
verjus
et
de
poulaille Ménagier,. 167,
Brouetde
verjus
et
de
poulailleA.C.1381, ° 7, «Hennysn Bruet HarleianMs: 279,n° 65,«Henny
in bruette»
Harleian
Ms.
4016,
°
61,
«
Conyng
r
hen n clere
broth
n°
64,
«
Gelyne
n brothe.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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Bruno LAURIOUX
DE
L'USAGE
DES ÉPICES
DANS
L'ALIMENTATION MÉDIÉVALE
L'utilisation ntensivedes
épices
dans
l'alimentation
t
la cuisine
médiévales
est
un
phénomène
constaté et
reconnu de
longue
date.
Cependant, 'appréhension n a été obscurciepar des considérations
a
priori
t des idées
reçues
qui
consistaient
oit
à
exagérer
'ampleur
de ce
phénomène pour
mieux
souligner
e
caractèrebarbare
attribué
aux
temps
médiévaux,
t
par
contraste
a
conquête
civilisatrice
ue
représenterait
a cuisine
bourgeoise
du
XIX*
siècle)
(1),
soit,
au
contraire,
minimiser ette
ampleur,
n cherchant
tout
prix
à
faire
entrer a cuisine médiévale
dans des
cadres
qui
sont
ceux de
la
cuisineou
de
la
gastronomie
ctuelles
2).
L'appréhension
orrecte
du
phénomène exige
d'abord
qu'on
le
mesure,
t cela à travers
es sources
qui
s'y
prêtent
e
mieux les
traités ulinaires
e la
findu
MoyenAge.
Ces recueils
de recettes
pré-sentent n effet ne série assez importante,ont a répartitionhrono-
logique
et
géographique
utorise
des
comparaisons.
ls
permettent
d'analyser
vec
suffisamment
e
précision
e
poids
que représentent
les
épices
dans
la
cuisine,
es
hiérarchies,
es
associations,
es
oppo-
sitions t
les
emplois
entre
esquels
celles-ci
e
répartissent
3).
1. Cf.
A.
FRANKLIN,
a vie
privée
des
Français
d'autrefois
t.
III,
Paris
1888,
.
48
et 51.
W.É.
MEAD,
The
english
medieval
east,
ondres
931,
d. 74 et 77.
2.
C.B. HIEATT-S.
UTLER,
Pain
vin et
veneison,
ontréal,
977,
ntro-
duction,
.
IV
«
le
cuisinier
médiéval
mployait
es
épices
comme
son
homologue
u
XXe
siècle
e sert
du
poivrier,
est-à-direvec
modération
.
Cetteprisede position xplique ans doute certaines daptations radi-cales dans e restede
l'ouvrage.
3.
Les traités
tilises
ans cetteétude
sont es suivants
Le
Viandier,
édit.
A. PICHON-G.
VICAIRE,
Paris
1892,
vol.
(mss
de
cet
ouvrage
conservés
la BN
de
Paris,
du
XIVe
siècle,
t
à la
Bibliothèque
aticane,
du
XVe
iècle,
insi
que
première
dition e
P. Alain t
A.
Chauvin,
a 1490
abréviations
tilisées
ci
TV-BN,
TV-VT,
V-ED).
Le
plus
ancien
ms
du
Viandier
Bibliothèque
u
Valais,
finXIIIe-début
IVe
siècle)
a été édité
par
P.
AEBISCHER,
Un
manuscrit
alaisandu Viandier
ttribué
Taille-
vent
,
Vallesia
1953,
p.
73-100
TV-SI).
Le
Ménagier
e Paris
XIVe
siècle),
édit.Ó.E.
BRERETON-J.M.
ERRIER,
Oxford
981
abrégé
MP).
«
Les Ensein-
fnemensa
BN
qui
de
Paris,
nseingnent
du tout
appareiller
débutdu
toutes
XIVe
siècle,
anières
édités
e viandes
par
G.
»,
LOZINSKI,
onservés
fnemensa
BN de
Paris,
du tout
débutdu
XIVe
siècle,
dités
par
G.
LOZINSKI,
La Bataille
e Caresme
t
Charriage
Paris
1933,
p.
181-18/
ENS).
Le
«
Trac-
tatus
de modo
praeparandi
t condiendi
mnia
cibaria
et le
«
Liber
de
coquina (XIVes.)
ont
été
édités
par
M.
MULON,
Bulletin
hilologique
t
Historique9681971), . I pp.369-435abréviationTR et LIB). «The form
of
ury
(Angleterre
ers
390)
t
«
Ancient
ookery (Angleterre,
IVe
iècle),
dans
'édition
.
WARNER,
ntiquitates
ulinariae,
racts n
culinary
ffairs
of
the
old
english,
ondres
791
FC
et
AC).
Deux
mss
anglais
du
XVe
siècle
publiés
ar
Th.
AUSTIN,
wo
fifteenth
enturyookery
ooks,
ondres
888
(abréviations
Harl.
279 t
Harl.
4016).
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16
Jevoudrais
ependant
ttirer 'attentionur es
dangers
u'il y
aurait
à
se contenter es traités
ulinaires,
u à leur
accorder
trop
de
crédit.
C'est ainsi
que,
de
l'apparition
e ces traités
u tournant
es
XIIIe
ët
XIV*
siècles,
certains ont tiré
la conclusion
qu'il
y
avait
eu à
cette
époque
une véritablerévolution ulinaire
et
l'utilisation
massive
des
épices
auraitété
un
des axes
de cette
«
nouvelle
uisine
du
XIV* s.
(4).
J'essaierai
de montrer
u'il
y
a eu au
contraire
ne évolution
rogres-
sive à
partir
des
pratiques
culinaires et
alimentaires
de
la Basse-
Antiquité.
Mais les traitésculinaires
des
XIIP-XIV* siècles
ne sauraient
non
plus rendre ompte bsolumentdes pratiquesalimentaires e l'époque
où ils ont
été
écrits,
y
compris
n
ce
qui
concerne
'emploi
des
épices.
La
confrontation
vec d'autres
sources
(comptes,
arifs
commerciaux,
œuvres
littéraires)
confirme
que
cet
emploi
est
assez
largement
répandu
dans la société
de la
findu
Moyen
Age,
mais
elle
suggère
n
même
temps
des niveaux sociaux
dans
la consommation
es
épices
(selon
une
plus
ou moins
grande
variété,
u une
plus
ou
moins
grande
régularité).
Avant
de
repérer
et
d'analyser
es
emplois
des
épices
dans
les
traitésculinairesde la findu MoyenAge, l convientde délimiter n
tant soit
peu
cette
catégorie
«
épices
». Les listes
que
fournissenteux
des manuscrits u
Viandiernous
y
aident
5),
mais
il faut
eur
ajouter
des
substances
mployées
dans les
traités,
ue
d'autres
énumérations,
notamment
'origine
ommerciale,
ésignent
omme
«
épices
»
(6).
De
façon générale,
es
épices
sont
des substances
aromatiques d'origine
orientale
7),
et donc
produits
du
grand
commerce
nternational
elles
serventdans
la cuisine mais
ont
également
des utilisations
dans
la
médecine,
a
parfumerie,
tc.
Cela
défini,
n
constate
que
ces
épices
interviennent
ans
les trois
quarts
des recettes des traités
pris
en considération.
a
proportion
monte usqu'à 90 °/o ans les traitésanglais du XIVe siècle mais nul
doute
que
l'utilisationmassive
du sucre
ne
gonfle
ci les chiffres.
n
pourraitexpliquer
ces
pourcentages
mpressionnants
'épices
par
la
sous-représentation
e certaines
préparations,
tilisant des
produits
4. C'est a thèse
développée
écemment
ar
T.
PETERSON,
«
The arab
influencen western
uropean
ooking»,
ournal
f
medieval
istory,
.
6,
n°
3, 1980, p.
317-341.
5.
Ces listes
itent e
gingembre,
a
cannelle,
e clou
de
girofle,
a
graine
de
paradis,
e
poivre
ong,
e
macis,
a fleur
e
cannelle,
e
safran,
e
galanga,
la noix
de muscade le
ms de la
B.
Vaticane
ajoute
notamment
e sucre.
6. On a donc
ajouté
aux
listes
du
Viandier,
e
poivre
ond,
e
cumin,
e
cubeb, a coriandre,e cardamome,e citoal, 'espic, e santal, e sumac, e
fûtde
girofle.
7.
Le
safran
t la canne
sucre ont
ultives ussi
en Occident
bspagne,
Italie,
Sicile),
mais les
meilleures
ualités
sont
réputées
enir d'Orient
Cilicie
pour
e safran
t
Chypre
our
e sucre
cf.
W.
HEYD,
Histoire
u
commerce
u
Levant u
Moyen
Age.
T.
II,
Leipzig
866
p.
668 s.
et 680 s.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 19/139
17
jugés trop plébéiens
c'est
ainsi
que
le
Viandierne
contient
ue
peu
de
recettesde
légumes,
e
porées.
Mais
la
proportion
es
recettes
ui
comportent
es
épices
n'est
guère
différenteans le
Ménagier
de
Paris
et le
Liber de
Coquina
qui
consacrent n
chapitre
ntier
ces
produits
horticoles
8).
Ce
qui frappe
surtout,
'est la diversitédes substances
utilisées
nous
ne
trouvons
as
moins
d'une
vingtaine
'épices,
ans
compter
es
poudres,
auces et
mélanges
différents
ui multiplient
es
combinaisons
et
les saveurs.Cette
grande
diversité es
épices
est une
spécificité
e
la
cuisinemédiévale
ui
la
distingue
ettement e ses consœursd'aval
ou d'amont. a cuisinede la findu XVIIe et du XVIII* sièclesemploiera
surtout e
poivre,
t dans une
moindre
mesure
e
clou de
girofle
t la
cannelle.
Quant
à la cuisine
antique,
elle
que
nous la fait connaître
a
compilation
e la
fin du IVe
siècle,
transmise ous
le nom
d'Apicius,
elle
n'utilise,
n fait
d'épices
exotiques,que
le
poivre
et le
silphium/
laser,
'essentiel es assaisonnements tantréalisé
grâce
à des aromates
indigènes
livèche,
rigan,
tc.)
(9).
Du
reste,
n
saisit,
par
la
comparaison
des
traités
médiévaux ntre
eux,
cette diversification l'œuvre.Les
Enseingnemens
t
plus
encore
le Liber
de
Coquina
traitésdu début
du XIVe
siècle sont étonamment
pauvresen épicespar rapport ux recueilsplus tardifs on n'y trouveni
macis,
ni
graine
de
paradis,
ni
même,
dans le Liber de
poivre
ong.
Cette
diversification
emble se
poursuivre
un
rythme
alenti au
XVe
iècle la
graine
de
paradis, usque-là
absente
de
la
cuisine
nglaise,
fait
une timide ntréedans le traité
Harl. 279
(à
peine plus
de
1
%
des
recettes).
Au vrai l'évolution u
XVe
siècle est
limitée
et le
stock
d'épices
constitué u
XIV* reste en
gros
fixe au
siècle
suivant,
voire
jusqu'au
XVI*.
La diversité
des
épices
utilisées
explique
sans doute
qu'aucune
d'entreelles ne soit vraiment
dominante
dans
la
cuisine des traités
médiévaux. t cela fait encore une fortedifférencevec la
domination
affirmée u poivredans la cuisinequi suivra le poivre ntredans 61%
des
recettes
de la Nouvelle Maison
Rustique
de
1755) (10)
ou,
plus
encore,
ans
celle
qui
a
précédé
80
%
des recettes
'Apicius omportent
du
poivre).
l est
vrai
que
le Bas
MoyenAge représente,
u niveau
des
traités
ulinaires,
ne véritable
poque
de
dépression
pour
le
poivre
ses
meilleurs
cores,
au XIVe
siècle,
atteignent
3
°/o
AC)
mais dans
les traités
français
l
disparaît presque
seulement
2 °/o
dans
MP et
rien du tout dans
TV
;
le
poivre long,
substitut
ventuel,
n'entreau
plus
que
dans
7 %
des
recettes,
t encore n'est-il
as présent
dans tous
les traités.
8. TV
=
80
% MP
=
66
% TR
=
77
% LIB
=
79
%.
9.
Apicius,
art culinaire
dit.J.
ANDRE,
Pans 1974.
10.Cité
d
après
des travaux nédits e J.-L.
LANDRIN.
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18
Le
poivre
est
donc,
au
XIVe
siècle,
dépassé
par
le
gingembre,
e
safran,
e
sucre,
la cannelle.
Mais
son
antique
domination
n'a
été
relayée
par
aucune
autre et
les hiérarchies
ouvelles
diffèrent
e
pays
à
pays.
En
France
ou
plutôt
dans les traités
français),
a
primauté
evient
au
gingembre
ui
intervient ans
plus
du
quart
des
recettes
27 %).
Cette
primauté
st en faitencore
plus
marquante
puisqu'il
faut
mettre
à son
compte
es
multiples
auces
auxquelles participe
e
rhizome
du
zingiber fficinalis
et notamment
a cameline
qui accompagne
%
des
recettes
des traités
français,
15
%
dans
TV).
Il ne
fait
aucun doute
que la cuisinefrançaisede l'époque a une préférence our la saveur
«
cameline
(gingembre
cannelle)
celle-ci
constitue
également
a
base des
«
aulx camelins
,
de
la
poudre d'ypocras,
de
la
poudre
fine,
tc.
(11).
A
côté de cette saveur
majeure
s'affirme
ne
grande
diversité,
vec une
importance articulière
u
safran,
u clou de
girofle,
de
la
graine
de
paradis
(qui
est
une
spécialité
française)
12).
Les traités
nglais
n'accordent
uère
moins de
place
au
gingembre
que
leurs
homologuesfrançais
23
%
des recettes 25
%
dans
FC,
ce
qui
est très
proche
des
«
scores
français),
mais celui-ci
st ici
dépassé
par
le
safran
40 %)
et le
sucre
(30 %).
La cuisine
«
anglaise
semble
donc construite ur un triptyque picé,ce que confirmentoutà faitles traités du XV* siècle
(safran
36 à 50 %
dans les traités
Harl.,
gingembre
44
°/o,
ucre 32 à 46
%).
Les
autres substancesont moins
d'importance
ainsi
la
cannelle
représente-t-elle
oins
de
10
/o
des
recettes
es traités
nglais
du XIVe
siècle.
Les recueils n
provenance
'Italie se
caractérisent
ar
la
part
relati-
vement aible du
gingembre
moins
de 5
%
dans
LIB
et
dans le livre
toscan
qui
lui
est
apparenté,
moins
de
20
%
dans un
recueil
vénitien
du XIVe
siècle)
(13).
En
revanche,
e
safran
s'y
affirme
omme
la
première
pice
(de
25 à 45
%
des
recettes),
ans
que
cela
aboutisse une
domination
ncontestée.Ce
sont
peut-être
à des
traits
d'archaïsme,
comme l'est également a forteproportionde poivre dans le livre
toscan
21 %).
Car
ces
hiérarchies,
es
équilibres
ne
sont
pas
figés, tatiques.
ls
ne sont
eux-mêmes
ue
le
résultat
d'une
certaine
évolution
qui
ne
s'arrêtera
as
là.
C'est ainsi
qu'on
peut
suivre e
«
déclin
du
poivre
dans les
traités
français
tout au
long
du XIVe
et du XVe
siècles
(ENS
: 17
%
des
11.Poudre
ine MP n°
314,
.
270
poudre
d'ypocras
ibid.
317,
.
270.
En
revanche,
es
«
camelines
des
traités
taliens
ne
comportent
énéra-
lement
as
de
gingembre.
12.Safran, 8% des recettes es traités rançais clou de girofle,5%graine e paradis, 3%.
13.Livre
toscan
«
Libro
della
cucina
(XIVe
siècle)
édit.
ZAMBRINI,
Bologne,
1863.
Livre
vénitien
«
Librò di
cucina
(XIVe),
édit.
FRATI,
Livourne 899.
f. J.-L.
LANDRIN,
.
REDON,
«
Les
livresde cuisine
ta-
liensdes XIVe
t XVe
iècles
,
in
Archeologia
edievale
981,
p.
393-408.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 21/139
19
recettes
uxquels
l
faut
jouter
es
7 %
de
poivre
ong
MP
2 °/o
5
%
;
TV-ED 2 %
H-
°/o).
Mais le
phénomène
n'est
pas
général
en
Angle-
terre,
e
poivre
voit
au contraire roître on
importance
23
%
tout
au
plus
(14)
des
recettesdu
XIVe
siècle
plus
de 30 °/o u XVe
siècle
jusqu'à
40
%
au XVIe
siècle).
Au
reste la cuisine
anglaise,
en
cette
extrême
in
du
Moyen
Age,
s'oriente
plus
volontiers ers les saveurs
brûlantes le
macis
passe,
du XIVe
siècle au
siècle
suivant,
de 6 à
20%,
le cubeb
de
2
à
4
%,
etc.
Parallèlement
'affirmea
croissance
régulière
du
sucre
dans tous
les
traitésoccidentaux.
Dans le traité Harl.
279,
e
sucre entre dans
presque a moitié es recettes tdansunrecueilflamand u XVIe siècle,
cité
par
T.
Peterson,
l
devient
'épice
a
plus
employée
15) (mais
est-ce
vraiment ncore une
épice
?).
La
percée
du sucre
est
particulièrement
remarquable
dans
les traités
français
où
il
était
peu
employé
au
XIVe siècle
seulement
,5
%
dans ENS
(au
mêmeniveau
que
le
galanga
ou
le
spicnard),
%
dans
TV-SI,
9
%
dans
MP,
quelque
19
%
dans
TV-
ED. Le
sucre est
passé
d'un
usage
encore
argement
médicinal
dans
le
ms du Viandierde la
Bibliothèque
Nationale
de
Paris,
l
n'entre
guère
que
dans les mets destinés ux
malades)
à une
utilisation
roprement
culinaire
cf.
e ms de la
Bibliothèque
Vaticanedu
même
Viandier).
Les deuxépicesprincipales u XIVesiècle, e gingembret le safran,ne voient
pas
leur
position
menacée
au siècle
suivant.Le
gingembre
pénètre
même de
plus
en
plus
la
cuisine
il
est
présent
dans
la
moitié
des recettes e
TV-ED,
40
%
de
celles des
traités
nglais
du
XVe
siècle.
A
la
findu
MoyenAge,
e
gingembre
'affirme
onc bien
comme
'épice
la
plus
employée
ans les
traités
ulinaires,
ssez loin
devant e
safran
qui
reste relativementtable.
De même
que
les
cuisiniers
médiévaux
n'utilisent
as
n'importe
quelles
épices,
on
vient
de
le
voir,
ls
n'emploient
as
ces
épices
avec
n'importe uoi.
T.
Peterson a fait
justice,
une
fois
pour
toutes,
des
vieilles dées reçuesqui traînent ncoreçà et là, et selonlesquelles es
pauvres queux
de ces
temps
barbares
auraient
été
contraints e
com-
battre,
ar
des
amoncellements
ncroyables
'épices,
a
mauvaise
qualité,
voire l'état de
putréfaction
vancée
de
leurs
viandes
(16).
En
fait
les
épices
ont des
emplois
différentielst
précis.
Il
est vrai
que
le
gingembre
st
utilisé
presque
partout
au
moins
dans les traités
rançais)
il
s'allie
à
peu
de
choses
près
avec
toutes
es
autres
épices,
vec une
faveur
particulière
our
la
cannelle,
e
clou
de
girofle,
a
graine
de
paradis,
e
sucre il
accompagne peu
près
tous
les
types
de
plats,
de
produits
t de
préparations.
14.Book
of
Cookrie
1591)
t
The
good
huswifes
ewel
(1596)
travaux
inédits e J.-L.
LANDRIN.
15.T.
PETERSON,
rt.
cité,
ableau
p.
334.
l
s'agit
de
«
Eenen
nyeuwen
coock
boeck
(1560).
16. bid.
pp.
319
q.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 22/139
20
En
revanche e safran
et
le
sucre ont des
emplois
bien
spécifiques.
Le safran
st
un
isolé,
qui
intervienteul
ou
tout
à
fait à
part
dans
le
processus
culinaire
que
décrit a
recette.
Cela
est
lié évidemment sa
fonction
articulière
e
colorant
qui
est sans doute
sa fonction
rin-
cipale
dans la cuisine
fini-médiévale)
t
peut-être
ussi à son coût
très
élevé
(au
moins
pour
e safran
d'origine
rientale).
Ce
qui
ne
l'empêche
pas
de relever
e
préférence
a
viande de
porc,
'anguille
t
les
céréales,
mets
pourtant
ort
plébéiens.
Quant
au
sucre,
l
garde
de ses
origines
médicinales,
ne
préférence
our
les
mets
délicats,
tendres,
ptes
à
conforter es
malades
(chapon,
œufs,
amandes) (17),
et un
«
dégoûtpour es substancesgrossières t tropnourrissantesla « grossechar»,
le
porc,
e
gros gibier.
Les utilisationsdu
poivre (toujours uniquement
dans
les traités
français)
ont
marginales,
ésiduelles. e
poivre
rond)
est
l'épice obligée
de
tout
ce
qui
se
rapporte
u
sang
et aux
entrailles
boudin,
fressure,
etc. Seule sa
force
peut
contrebattrea
force
putréfiante
ue possèdent
le
sang
et
les viscères. En même
temps,
l
s'agit
là
probablement
e
mets
communs,
ulgaires
cela a
peut-être
n lien
avec le fait
que
le
poivre
semble considéré
comme ime
épice
«
commune aux XIV*-
XVe
siècles
(cf.
plus
loin).
On le voit, 'emploides épices offre ne certainecohérence.Mais
quels
en
sont es
critères
e
base
?
Ceux-ci e
relèvent ertainement
as
de
notre
«
gastronomie
moderne
c'est
que
les
épices
ont une fonc-
tion ostentatoire vidente
d'où la
relative universalité
de certaines
sauces
particulièrement
iches
(en
épices
«
fines
),
comme la
«
came-
line»,
qui
semblent
mployées
un
peu
à
tort et à travers.Mais dans
le
détail,
on discerne
des
cohérences
diététiques
ffirmées,
n
rapport
avec la théorie es
humeurs le
gingembre,pice
relativement
quilibrée,
ni
trop
chaude
ni
trop
sèche,
tire
peut-être
a
primauté
e
ces
préoccu-
pations diététiques.
De quand date la configurationui vientd'être décrite Sous sa
forme
chevée,
ans doute
de
l'époque
où
l'on
peut
la
saisir
à travers
les
traités
culinaires,
'est-à-dire u
tournant
des XIIP-XIV* siècles.
Mais
cela ne
signifie as qu'elle
soit née
toute entièred'un
coup.
C'est
pourtant
ce
qu'a
cru T.
Peterson.
Comparant
Apicius
et les traités
occidentauxdu
XIIP-XIV*
siècle,
il
a
bien
vu
les différences
ui
les
séparaient
notamment
n
ce
qui
concerne
'emploi
des
épices),
t
il
en a
conclu un
peu
vite
que
ces
traités eraient
'expression
'une
révolution
17.Dans la
Provence
es XIVe et XVe
siècles,
es
aliments
our
les
malades sont le
poulet
ou
la
poule,
e bon
pain,
es fruits t
légumes
(L. STOUFF,
Ravitaillement
t
alimentation
n
Provence
ux XIVe et
XVe
siècles,
aris
1970,
.
252
tableau
34).
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 23/139
21
culinaire
ntervenue,
n ce
tournant
même
des
XIIP-XIV*
siècles,
sous
l'influence
rabe
(18).
Or,
entre e De
Re
coquinaria
t
nos
traités,
l
ne s'écoule
pas
moins
d'un
millénaire,
urant
equel,
si l'on suit la thèse de
M.
Peterson,
oit
il
n'y
a
pas
eu de
cuisine,
soit
la cuisine romaine
(c'est-à-dire
elle
d'Apicius)
a
perduré.
Les
quelques
textes
qu'on peut
rassembler
ur
cette
période
nfirment,
mon
avis,
a deuxième
hypothèse
la
première
n'étant videmment
as
sérieuse).
Certes,
l
n'existe
pour
e
Haut
Moyen
Age
aucun
corpus
culinaire
comparable
à
celui du
Bas
Moyen
Age,
mais
d'autres
documents
ermettent 'y suppléer
en
partie,
t en
tout
cas de soutenir 'hypothèse 'une évolutionprogressive es pratiques
culinaires,
t notamment
e
l'emploi
des
épices,
aboutissant
la situa-
tion
représentée ar
les traités
ini-médiévaux.
Qu'il
n'y
ait
eu aucun traité
culinaire durant
e Haut
Moyen
Age,
c'est
du
reste
ce
qu'on
peut
contester.Nous
connaissons
deux
ouvrages
des V*-VP iècles
qu'on peut égitimement
onsidérer
omme
tels.
Il
y
a
d'abord
a
lettre
Epistola),
consacrée u
régime
des
aliments
(de
observatione
iborum),
édiée
par
le
médecin
grec
Anthimus
u roi
franc
Thierry
er,
t
qui
doit dater
du début du
VI# siècle
(19).
Cet
ouvrage
a
évidemment
es
visées
médicales,
mais
il ne
s'agit
pas
à
proprement arlerd'un traitémédical il ne donnepas des recettes
de médecinemais des recettes
de cuisine. Son
objectif
est
en effet
e
désigner
es bons
aliments,
t
de déterminer
a manièrede les
préparer
pour qu'ils
ne nuisent
pas
à
la santé.
Il
traite donc des
problèmes
spécifiquement
ulinaires
de
cuisson
et de
composition
des mets.
Anthimus
e cherche
pas
à
guérir
des
maladies,
mais
à maintenir
n
bonne santé
grâce
à ime
alimentation
quilibrée,
selon
les critères
diététiques
e
l'époque.
La
diététique
st d'ailleurs
probablement
ne
des
«
voies de
passage
»
des
épices
de la
sphère
médicale
à
la
sphère
culinaire
ainsi,
selon les médecins
ntiques,
e
gingembre
ombat la
mauvaise
digestion
20)
de là à considérer
u'il
est l'auxiliaire
obligé
de toutedigestion,'est-à-dire e toutecuisine, l n'ya qu'un pas.
Précisément,
e
gingembre
st l'une des
épices prescrites
ar
Anthi-
mus
(alors
qu'Apicius
ne l'utilise
guère,
f.
plus
loin).
Mais
il
en
cite
d'autres et
notamment,
côté des substances
«
classiques
»
dans la
cuisine
romaine,
omme
a
coriandre
19
%
des
recettes
d'Apicius)
et
l'aneth
7 %),
on
trouve
un nouveau
venu,
le
clou
de
girofle,
t cela
18.T.
PETERSON,
rt.
cité,
pp.
328 s. Parmi es autres
roduits,
ntro-
duits dans la
cuisine
occidentale
ous
l'influence
rabe,
figurent,
elon
M.
Peterson,
otamment
e cédratet la
grenade qui
étaientutilisésdès
l'époque
romaine
t sont cités dans
la
liste
qui précède
es
«
Excerpta
d'Apiciuscf. plus loin).
19.Edit. E. LIECHTENHAN,De observa:ione iborum..., Corpus
medicorumatinorum
, VIII, 1,
Berlin1928.
20. Cf. ses
emplois
ans
Marcellus
mpiricu
«
De medicamentisiber
(ca
400),
édit. G.
HELMREICH,
Teubner1889
contre es maladies
de
l'estomac
ch. XX),
contre
es
calculs
rénaux
ch.
XXVI),
contre es
coliques
(ch. XXVIII),
etc.
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22
par
deux
fois
(21).
On
a
beaucoup
discuté
pour
savoir si
les
auteurs
antiques
connaissaient
ien le clou
de
girofle
t si
le
«
caryophyllon
,
que
citent
quelques-uns
d'entre
eux,
correspond
bien à
cette
subs-
tance
22).
A
ma
connaissance,
nthimus st
le
premier
témoigner
e
l'emploi
de
cette
épice
dans
la cuisine occidentale.
Un texte
contemporain
Anthimus ffre
ncore
plus
d'intérêt.
l
s'agit
des
Excerpta,
qui
4
se donnent omme des
«
extraits
d'Apicius
copiés
par
un
certain
Vinidarius,
llustre
23).
La
langue
en est
de la fin
du V*
ou du VIe
siècle
24).
Or,
par rapport
u De
re
coquinaria
d'Apicius
(qui
est lui-même
me
compilation
ardive,
e la
findu IV*
siècle),
es
Excerptamanifestentes évolutions ignificatives,récisémentn ce qui
concerne es
épices.
La
plus remarquable
st
l'emploi
du safran
dans
une recettede
«
rascasses aux raves où cette
épice
est
quasiment
a
seule
utilisée,
t de
plus
dans ce
qui
sera
son
usage
médiéval,
'est-à-dire
en tant
que
colorant
«
propter
olore
) (25).
Or,
dans
Apicius
e safran
a
toujours
un
usage
exclusivement édical
«
conditus
aradoxus
,
«
sel
aux
épices...
,
«
absintheromaine
)
(26)
et sa
fonction olorante
n'est
jamais
spécifiée.
e
gingembre,
ans
Apicius,
également
e nombreux
usages
médicaux
(«sel
aux
épices...»,
«
oxyporum
,
«quenelles
à
la
fécule
pour prendre
la
sortie
du bain
»,
«
pour
a
digestion,
es
ballon-
nements...) (27),et,dans ses utilisationsulinaires,l n'apparaît amaiscomme une
épice
déterminanteil est
noyé
dans ime
longue
liste de
produits
ares
sauces
pour
rôtis) 28)
et on
peut
aisément
e
remplacer
(dans
le
«poulet
farci» et le
«porcelet
deux fois
farci»,
la farce est
semblable,
es
épices
sont es mêmes sauf... e
gingembre,
emplacépar
l'origan)
29)
enfin
l
ne semble
accompagner
ue
les
pois,
le
poulet,
le
porc,
es farces t
quelques
sauces
pour
rôtis.Les
Excerpta
'emploie-
ront de manière
nouvelle,
vec une sauce au
garum
destinée
à un
ragoût
30).
Surtout,
es
Excerpta
sont
précédés
d'une
liste
de
produits,
armi
lesquels
de
nombreuses
pices
«
brevis
pimentorum ue
in
domo esse
debeantut condimentis ihil desit (« liste des épices indispensables
dans une maison
afin
de
pourvoir
tous les assaisonnements
)
(31).
21.
Gingembre
lièvres
§ 13).
Coriandre foie de
porc
§ 21)
perdrix
§ 28)
asperge
§
54)
lentilles
§ 67).
Aneth
§
55).
Clou
de
girofle
vache
(§ 3)
lièvres
§ 13).
22. Cf. F.A. FLUCKIGER-D.
ANBURY,
Histoiredes
drogues origine
végétale,
aris
1878,
.
I,
pp.
498
ss.
et J.I.
MILLER,
The
spice
trade
of
the roman
mpire,
xford
969, p.
47
ss.
23.
Pubi,
par
J.
ANDRE
à la suitede
son
édition
'Apicius,
aris
1974,
pp.
124-132.
24.J.
ANDRE,
bid.
p.
XVI.
25. bid.
p. 127,
°
7.
26. bid,p. 3 n° 1 p. 4 n° 3 pp. 9-10 ° 29.
27. bid.
p.
9-10 ° 29
p.
11 n°
37
p.
16 n° 55
p.
29 n° 111.
28.
bid.
p.
76 n° 269
t 271.
29. bid.
p.
70 n° 250et
p.
96 n°
367.
30. bid.
p.
126n°
6.
31. bid.
p.
124.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 25/139
23
Cette liste
mentionne,
côté du
laser,
du
nard,
du
poivre,
épices
couramment
mployées
dans
Apicius,
e
gingembre
t le
safran,
e
cardamome t
surtout
e clou
de
girofle,
ui n'apparaît
dans
aucune
recette es
Excerpta
L'évolution
ttestée
par
Anthimus e
trouve
donc
confirmée. e
quand
date cette liste
?
Le
manuscrit
ui
conserve
es
Excerpta
est du
VIP-VIIP
siècle
(32).
La
liste,
qu'on
a de bonnes
raisonsde croire
postériéure
ux
Excerpta
ux-mêmes,
donc
été
écrite
entre a findu
V*
et le VIIIe
siècle.
Après
e
VIII*
siècle
au
plus
tard les documents
proprement
uli-
naires disparaissent.On sait, par de multiplestémoignages, u'on
continue utiliser des
épices
dans
la cuisine
(33),
mais ces
témoi-
gnages
omettent
e
préciser
de
quelles
épices
il
s'agit.
Il faut
donc
se tourner ers d'autres
types
de
textes,
notamment eux
qui
ont
été
rassemblés ors
de la
polémique
suscitée
par
les thèses
de
Pirenne ur
l'arrêtdu
grand
commerce riental
et
donc
du
commerce
des
épices)
à
l'époque carolingienne.
De ce
point
de
vue,
il
y
a
un
exemple
célèbre et
privilégié,
elui
dé Corbie.Concernant
'approvisionnement
n
épices
de
ce
monastère,
nous
possédons
en effet eux textes
que sépare
au moins
un siècle
un diplômedélivrépar Chilpéric I en 716,mais qui doit remonter,
pour
l'essentielde son
contenu,
la findu VIP siècle
(puisqu'il
ne
fait
que
confirmer
n
diplôme
de Clothaire
II)
(34)
d'autre
part,
e
Brevis de melle
copié
à
la
suite
des fameux tatuts d'Adalhard
datés
de
822),
dans un manuscrit éalisé
peu
après
986 ou 987
(35).
L'opinion
de
Pirenne
qui
fait
remonter e Brevis de melle à
l'époque
mérovin-
gienne,
ous
le
prétexte
qu'il copierait
le
diplôme
de
716,
s'écroule
lorsqu'on
prend
a
peine
d'examiner e
près
ce
Brevis loin
de
copier
le
diplôme
de
Chilpéric
I,
il
lui
ajoute
des
produits
nouveaux,
andis
32. bid.
p.
XVI.
33.
Cf.
par exemple
héodulfe,
Carmina d Carolum
egem
(
MGH
Poetae...,
. I
p.
487),
v. 198:
«
Sed
pigmentati
is
prope
mensa' ibi».
Ou
encore es
«
Benedictiones
d
mensas
d'EkkehardV
de
St-Gall,
omposées
vers 'an mil
édit.
KELLER,
n
Mittheilunçen
es
Antiquarischen
esellschaft
in Zurich
t.
III,
pp.
97
ss.)
qui
ne mentionnent
uère
ue
le
poivre
u
la
«
piperade (w.
65-66,
.
154,
tc.).
34. Edit. L.
LEVILLAIN,
xamen
ritique
es chartes
mérovingiennes
t
carolingiennes
e
l'abbaye
de Corbie Paris
1902,
p.
235-237.lothaire
II
a
régné
e 657 673.
35.
Publié
par
B.
GUERARD,
olyptyque
e l'abbé
Irminon,
. II Paris
1844,
.
336.
Ce
Brevis
e
melle,
insi
que
divers utres
extes,
e trouve ans
le meme
manuscrit
u'une
des versions es
«
Statutsd'Adalhard
pour
Corbie.
Pour
L.
LEVILLAIN,
Les
statutsd'Adalhard
,
MoyenAge
1900,
pp.336-337,e manuscrit étécopiépeu après987.E. LESNE, «L'économie
domestique
'un monastèreu IXe s.
d'après
es Statuts
d'Adalhard,
bbé
de Corbie
,
Mélanges
.
Lotx
aris
1925,
.
386,
n. 3
semble
penser
u'une
première
artie
n a
été écrite
près
986
plus
précisément.
n
tout
cas,
notre
exte été
composé
ntre822
date
de
rédaction
es
«
Statuts
)
et
986-987.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 26/139
24
que
certaines
des
épices
citées
en 716 ont
disparu
(36).
Le Brevis
de
melle
est
donc bel et
bien le témoin d'une évolution
mputable
aux
IX'-X*
siècles.
Déjà
l'énumération e 716
présentait
es différences
otables
avec
le stock
d'épices
caractéristique
e la fin de
l'Antiquité.
ertes
on
y
constate
oujours
une
présence
affirmée es
épices
«favorites»
d'Api-
cius
poivre
et cumin
(ce
dernier entrait
dans 25
%
des recettes
d'Apicius).
Elles
constituentes
quantités
es
plus importantes
ue
les
moines
pourront
e
procurer
ans les
entrepôts
oyaux
de Fos
(respec-
tivement 0 et
150 livres)
et ce sont les seules
à être aussi
servies
quotidiennementux employésdu monastère hargésd'allerrécupérer
ces
marchandises.
a cuisine héritée
de
l'Antiquité
emble
donc encore
en
faveur
le
diplôme
ccorde à Corbie
10000 itresd'huile d'olive
qui
sert aussi
cependant
pour
le
luminaire),
une certaine
quantité
de
garum
et de fruits
ecs
(dattes,
amandes,
pistaches), produits égale-
ment
typiquement
romains .
Mais,
en même
temps,
d'autres subs-
tances
connaissent ne certaine
promotion
le
costus
et
le
spienard,
très
peu
employés
par Apicius (respectivement
2
et 4
reprises),
surtout
e clou
de
girofle
t la
cannelle,
mais ces
derniers ont encore
achetés
en
quantités
très imitées
seulement
et
1
livres).
Prenonsmaintenante Brevisde melle Les « fonds de la cuisine
antique
y
ont
disparu
l'huile
ďolive
(qui
a été
remplacée,
pour
le
luminaire,
ar
la
cire),
mais
aussi le
garum
et les
fruits ecs.
Corré-
lativement
n voit
apparaître
de nouvelles
pices, qui
ne se trouvaient
pas
dans le
diplôme
de
716
galanga,
gingembre,
hubarbe,
édoaire,
mastix,
tc.
(les
substancescitées
dans
la
liste n'ont
donc
pas
toutes
un
emploi
culinaire
elles
peuvent
ussi servir
de
colorants,
de médi-
caments,
de
parfums).
Surtout les
rapports
de
quantité
entre
les
épices
ont
été
sensiblementmodifiés
par rapport
à 716
le
poivre
est maintenant
égalité
avec
le
cumin,
ui
semble donc
quelque peu
perdre
de
sa
faveur le
clou de
girofle
t la cannelle
prennent lus
d'importancemais le cas du gingembrest le plus frappant nouveau
v<e;nu
Corbie,
l
représente ourtant
a
moitié
des
achats de
poivre
et de
cumin;
le
spie
stágne,
e costus
recule nettement
en
716,
on
prenait
autant de costus
que
de
poivre,
au
IXe
ou
Xe
siècle
on
en
achète dix
fois
moins).
Les
autres textes
qu'on
peut
rassembler
pour
la
période qui
va
du VIIIe au
Xe
siècle sont
peu
nombreux
quelques
lettresdu
VIIIe
et
du
IX*
siècles mentionnant es cadeaux
d'épices
(37),
le
Brevis
de
36. H.
PIRENNE,
Mahomet t
Charlemagne,
ééd.
Paris
1970,
.
125,
n. 2 « il suffit e parcourirette istepoury retrouver,ugmentés e
quelques
utres,
ous es
produits
itésdans a charte e 716
pour
Corbie.
Cg
sont
précisément
es
«
quelques
utres
qui importent.
37.
MGH,
Epist.
Merow. t Karol.t.
I,
p.
298
ibid.
p.
308 ibid.
p.
328
ibid.
p.
338
ibiĶ
p.
366,
.
367.Cf.
galement
a
lettre
e
l'évêque
alomon
I
de Constance Louis e
Germanique876 )
in
MGH,Formulae,
.
415.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 27/139
25
substantia
concernant
l'église
du
Saint-Sauveur
de
Steneland,
de
867
(38),
la
description
e
Mayence
écrite
par
le
géographe
uif
de
langue
arabe
Ibn-Yakoub
vers 965
(39),
enfin es Honoranciae
civitatis
Papiae
qui,
bien
qu'écrites
u XI*
siècle,
se réfèrent
la
situation
de
la
fin du X*
siècle
(40).
Les
épices
qu'on
trouve
e
plus
couramment ans ces textes sont
le
poivre,
a
cannelle,
e clou
de
girofle,
e
galanga,
dans une moindre
mesure e
costus.
Nous sommes oin des
épices
d'Apicius,
t tout
près
au
contraire u
«
stock» médiéval.
Le cas du
galanga
ne
manque pas
d'intérêt
il
apparaît
en
Occident u
IX*
siècle la
première
mention
ne s'en trouvepas dans la lettrede l'évêqueSalomon II de Constance
de
876
(41),
mais
dans
le
Brevis de
substantiade 867
déjà
cité;
tout
de
suite,
ux IX*-Xe
iècles,
e
galanga
est une
épice
très utilisée cité
dans le
Brevis de melle
de
Corbie,
l
est mentionné
ar
Ibn-Yakoub
et
les
Honoranciae comme un
produit
habituel
du
grand
commerce.
Mais tous
ces documentsne sont
pas
de la
même
valeur.
Les
lettres se réfèrent
des
petits
cadeaux
qui
concernent ussi bien
des
parfums,
es
médicaments
ue
des condiments.
'où
la
présence
de
substancescomme e
storax,
e
zérumbet,
e
mastix. En
revanche,
avec
le
Brevis de substantia on
touche sans aucun
doute les
épices
proprementlimentaires42).Or qu'y trouve-t-onUne once de cumin,une once de
cannelle,
de
galanga
et de clou de
girofle.
'absence du
poivre
est
surprenante,
mais
il
y
a
visiblement ne
lacune dans le
texte
qui peut-être
'explique
le
scribe
a écrit
«
de uncia I
»
juste
avant
«
de
cumino
uncia I ».
Enfin,
es
témoignages
oncordantsdes
Honoranciae
et de Ibn-Yakoub
permettent
e
suggérer ue
le
grand
commerce es
épices
touche,
la
fin
du
Xe
siècle,
avant
tout
quatre
à
cinq
produits poivre,
cannelle,
gingembre,
alanga (auxquels
Ibn-
Yakoub
ajoute
le
clou de
girofle).
a
promotion
des
quatre
derniers
d'entre ux est bien un
apport propre
du
Haut
Moyen Age.
Les siècles suivants, usqu'au XIV* siècle, n'apporteront ue des
retouches ce tableau
déjà
bien en
place.
On a
depuis longtemps
reconnu es
premières
mentions n Occident
d'épices
mportées
ardive-
ment le cubèbe
(Constantin
'Africain,
médecindu XI*
siècle) (43),
la
noix de muscade
(Pietro d'Eboli,
vers
1195)
44),
la
graine
de
paradis
38. Edit,
par
B.
GUERARD,
olyptyque
e l'abbé
Irminon,
.
II,
Paris
1844,
ppendice
p.
404
ss.
39.Trad.
A.
MIQUEL,
«
L
Europe
occidentale ans
la relation rabe
d'Ibrâhîm
.
Ya'qûb (X* s.)
»,
Annales
.S.C.
1966, p.
1059-1060.
40. Edit.
MGH,
Scriptores,
.
XXX/2.
.
1453. es
Honoranciae uraient
été écrites ntre 010
t
1027,
mais se
référeraient
la situation 'avant 91.41. Contrairementce qu'écrit EYD,op. cit., . II, pp.616 s.
42.
l
semble
'agir
de distributions
nnuelles ux
«
frères.
43. F.A. FLUCKIGER-D.
ANBURY,
p. cit.,
t.
II,
p.
347.
44.
Pietro
D'EBOLI,
Carmende
motibus
iculis,
v.
264
(à
propos
du
couronnement
'Henri
VI).
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 28/139
26
(Roland
de
Padoue,
en
1214) 4fj.
Mais ce
ne
sont
encore
dans ces
textes
que
des
substances
médicales
ou
des
parfumsdispensés
à l'occasion
de
fêtes
omptueuses.
'examendes tarifs ommerciaux
onfirme
'ail-
leurs
l'introductionardivede ces
épices
avec un
décalage
significatif.
Si
l'on
regarde
n effeta série
des tarifs
atalans
(1221,
252, 271),
on
constate
ue
c'est seulement
partir
de
1252
u'apparaissent
a
noix
de
muscade,
a
galanga
et même e
clou de
girofle
le
cubèbe,
e carda-
mome,
e
macis,
e
poivre
ong
pimienta
arga)
n'entrent ur
le
marché
catalan
qu'en
1271
46).
Même
chose dans
es textes
églementairesrançais ui
s'échelonnent
du milieu du XIIIe siècle à 1498 47). C'est seulement u XIVe siècle
qu'on
y
voit
apparaître
e
poivre
ong,
a
noix de muscade
(le
macis
est
présent
dans
le
Tarif de
1296),
a
fleurde
cannelle,
t
la
graine
de
paradis
(48).
Ainsi,
e stock
d'épices
utilisé
par
les traités
ulinaires
de la
findu
Moyen
Age
s'est bien
constitué écemment...
ans ses
parties
es
plus
superficielles.
es
épices
es moins
mployées
onten effet
énéralement
les
plus
récemment
pparues
sur
le
marché
uropéen
muscade,
graine
de
paradis,
fleur
e
cannelle,
ubèbe).
En
revanche,
es
«
fonds
épicés
de
cette cuisine
fini-médiévale
ont
connus
et utilisés
depuis
le Haut
MoyenAge gingembre,annelle, afran, lou de girofle.
Mais ne
risque-t-on
as
d'être
victime
d'une
erreur
d'optique
en
limitant
'examen,
pour
les
XIV'-XV*
siècles,
aux
traités culinaires
Autrement
it
ne faut-il
as
considérer
ue
les
épices
ne
sont
qu'une
consommation
xclusivede la
classe
aristocratique,
i
nos
traités
epré-
sentent ien
une cuisine
ristocratique,
e
qui
reste
ncore
démontrer
45.
Rolandini
atavini
hronicon
,
12
n
MURATORI,
IS,
t.
VIII, 1726,
col. 180-181
épisode
du
«
castellod'amore
).46.A. DE CAPMANY DE MONTPALAU,emorias istóricasobre a
marina
omercio artes
de
la
antigua
iudad
de
Barcelona
Madrid
779-1792,
t. IL
pp.
3
ss.
(«Reglamento
obre
as
tarifas...»
e
1221);
t.
II,
pp.
19 ss.
(
«
Translado
de
la
tarifa...
de
Collioure)
t.
II,
Appendice,
p.
73
ss.
(
«
Ordenanzas e
los
corredores...
de
Barcelone, 271).
47.
«
Tarif
des
péages
du
comte de
Provence
(milieu
XIIIe
s.),
édit.
par
GUERARD,
artulaire
e
l'abbaye
de
Saint-Victor
e
Marseille. aris
1857,
.
I,
p.
LXXIII-C.
Tarif
de
Paris
1296),
ublié
par
DOUET
D'ARCQ,
Revue
rchéologique,
.
IX/1
1852,
p.
216
s.
Mandement
e
Philippe
V le
Bel
(1304)
n
DE
LAURIERE,
Ordonnances
es
rois de
France.... .
I,
Paris
1723,
.
422.
Lettres e
Philippe
VI
(1349),
bid. t.
II,
Paris
1729,
.
319.
Droitsde
courtage
e
1498
ubliés
par
P.
DORVEAUX,
roitsde
courtage
établis
Paris au XVe
s.
sur
quelques
marchandises
'épicerie
Paris 1910.
48.
Cependant
e
cubeb,
a
noix
de
muscade
t la
graine
de
paradis
sont
mentionnés
ans un
Tarif
de
Lyon
1245)
eproduit
artiellement
ar
C. HOFLER,Albert onBehamundRegesten abst nnocenzV in Biblio-thek es iterarischen
ereins
n
Stuttgart,
.
XVI/2,
tuttgart
847,
.
XXIII.
DOUET
D'ARCQ,
rt.
cit.,
p.
216,
stime
ue
la
«
graine»
u'il
trouve ans
le
tarif e
1296
st
plutôt
e
kermès
ue
la
graine
e
paradis.
es
«
grana
que
mentionnentes
tarifs
du
comte
de
Provence
ont
bien
le
kermès
(«grana
ex fit
igta
,
p.
XCI).
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 29/139
27
Tout
d'abord,
l
faut ever
une
hypothèque,
ui
concerne
es
quan-
tités
d'épices
consommées.
Deux historiennes
anadiennesont
récem-
ment
mis
en
doute
l'importance
de cette
consommation,
outenant
qu'elle
était
très
comparable
la nôtre
t
que,
somme
toute,
es
queux
médiévaux saient
des
épices
avec modération
49).
Elles ne
produisent
malheureusement
as
de
preuve
à
l'appui
de leur
thèse,
e contentant
d'une
vague
référenceux
comptes
médiévaux n
général.
Or
les sources
comptables
osent
un
problèmeparticulier
our
le domaine
qui
nous
intéresse les
achats
d'épices
ne
sont,
a
plupart
du
temps,
mentionnés
qu'en
fin
e mois dans ces
comptes.
e
rapport
vec
les
autres
produitsconsommés dont les achats sont en général ndiqués journellement)
et avec le nombre
des convives
qui peut
varier
tout au
long
du
mois)
est donc
particulièrement
ifficile
établir.
Cela
dit,
es
quelques
indices
qu'on
peut
rassembler
à
et
là vont
dans un sens contraire la
«
thèse de Hieatt et Butler
les
quantités
d'épices
consommées,
orsqu'il
y
a
consommation
'épices
(c'est-à-dire,
commeon
le
verra,
de
manière
rrégulière),
ont
importantes.
l
n'est
qu'à
examiner
es
repas
décritsdans
le
Ménagier
de
Paris
(50),
ou les
quelques
recettes e cuisine
qui
comportent
es
proportions
51),
pour
s'en rendre
ompte.
Ouvronsmaintenante livrede raison de Guillaumede Murol,petit
seigneur uvergnat
u début du XV*siècle
(52).
En
1416,
Guillaume
y
a
noté les
dépenses
occasionnées
par
les noces de l'Antonia
Bedos
(les
Bedos sont
de ses
vassaux).
Outre des
viandes en
grandes
quantités
(bœuf
t
porc,
poulailles, oqs,
un
lapin,
un
lièvre,
tc.)
et 300 itres
de
vin,
on
y
achète une
livre-poids 'épices
(safran,
gingembre, oivre).
Parmi ces accumulations e victuaillesune livre
d'épices,
cela semble
bien
modeste
en
fait,
ar rapport
nos consommations
ctuelles,
'est
une
quantité mpressionnante.
L'exemple
des Bedos nous
suggère
ussi
que
la
consommation es
épices
est
plus
largement
épandue
dans la société
fini-médiévale
u'on
a bien voulu le dire.Certes, es exemplesprivilégiés e cette consom-
mation oncernent vant tout
la
cour
royale
«
Journal
de la
dépense
de JeanLe Bon
»
durant a
captivité
nglaise)
53)
et la
hautearistocratie
des
princes
t des
grands eigneurs
erritoriaux
la
cour de
Bourgogne
au
temps
d'Isabelle
de
Portugal
54),
les
convives
du
banquet
pour
les
49.
HIEATT-BUTLER,p.
cit. cf.
note 2.
50.Dîner donné
par
«
monseigneur
e
Laigny (MP p.
182 n°
51)
«
Nopcesque
fera maistre
Helye (MP
p.
184-186°
55).
Dans
le
second
repas, our
«
X
escuelles
,
on
n'achète
as
moins
de
quatre
ivres t demie
d'épices sans compter
es
épices
de
chambre).
51.
Ypocras
MP
p.
270
n°
317).
52. P.
CHARBONNIER,
L
alimentation
'un
seigneur uvergnat
u
débutdu XVe».BPH 19681971). . I. dd. 77-101.53. Edité
par
DOUET
D'ARCQ,
Comptes
de
l'Argenterie
es rois
de
France u XIVe
s.,
Paris
1851,
p.
195-277
le
compte
ébute n
juillet
1359
et
s'achève
n
uillet
1360.
54.M.
SOMME,
«
L'alimentation
uotidienne
la cour de
Bourgogne
au milieu u
XVe
.
»,
BPH
1968
1971)
.
I,
pp.
103-117.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 30/139
28
funérailles e la
comtesse
de
Bar
(55),
'hôtel
du comte
Jean
d'Angou-
lême) (56).
Mais les
comptes
des
dépenses
des officiers
u
clercs du roi
envoyés
n
mission en
province
u début du
XIVe
siècle,
mentionnent
également
des
épices
(57).
Enfin
es
Bedos,
on
l'a
vu,
appartiennent
la
dernière
classe
de la
noblesse
l'un
des
leurs
a été
capitaine
au
château
de
Murol. Et Guillaume de Murol lui-même
onsomme ussi
des
épices,
en
dehors des
repas
de
noces
il
reçoit
des redevances
n
poivre
il achète
de
temps
en
temps
à
Clermont u
gingembre,
e la
cannelle,
du safran.
En
dehors
de
l'aristocratie,
'information e fait
plus
rare. Les
somptueux epas rapportésdans MP s'adressent-ils des hôtes nobles
ou
«
bourgeois
?
et,
dans le
deuxième
cas,
sont-ils utre chose
que
des
exceptions
(58).
Et,
si l'on
ignore
a
qualité
des
prisonniers
e
Saulx-le-Duc
n
Bourgogne,
l
est
peu probableque
leurs deux
gardiens
et les deux
guetteurs
u château
appartiennent,
ux,
aux hautes couches
de la
société.
Pourtant,
n achète à ces
prisonniers,
ces
gardiens
t à
ces
guetteurs
me livre de
poivre
nnuellement,
n
1343, 344,
345
59).
Cependant
es
épices
restentun
signe
de classe. C'est
particulière-
ment
net dans
les
fabliaux.Le
«
vilain
asnier
,
parvenu
dans
la
rue
des
épiciers
de
Montpellier,
éfaille
soudain,
terrassé
par
l'odeur des
épices seule la « flairor du fumier ourra e remettre urpied.Mora-lité le
paysan
ne doit
pas quitter
sa
« condition
,
c'est-à-dire on
fumier,
our
a rue aux
épices
(60).
C'est
que
les
épices
sont avant tout
produits
urbains,
nterdits
u
«
vilain
:
«
VOustillement
u vilain ne
lui
laisse,
en
fait de
condiments,
ue
les
aulx,
les
échalotes, tc.,
c'est-
à-dire es
produits
u
jardin
(61).
Si la consommation es
épices
est
assez
largement
épandue,
eur
usage
est donc
bien socialement
iérarchisé. t
d'abord,
n
vertud'un
principe ue
F.
Piponnier
déjà soulignépour
la
Bourgogne
plus
on
55.
A.
DIGOT,
«
Pièces relatives
l'histoire u Barrois
,
Journal
e
la société
d'archéologie
orraine
857,
p.
77-80. es
funérailles
nt eu
lieu
le 13 mars 1404.
56. F.
MAILLART,
Les
dépenses
e
l'hôtel u comteJean
d'Angoulême
BPH 1968
1971)
.
I,
pp.
119-127.
57.
F.
MAILLART,
omptes oyaux
1314-1328)
2e
partie comptes arti-
culiers,
aris1961 Recueil es historiense
la France. ocuments
inanciers,
t.
IV)
:
compte
de Robert e
Veneur,
nquêteur
es eaux et forêts
1322),
pp.
12-15
compte
de
Philippe
de
Bethisy,
nquêteur
es
eaux
et forêts
(1320-1323),p.
44-47
compte
e Ithier
u
Fau,
clercdu roi
1318),
p.
90
ss.
compte
e Jean
de
Paroy,
lerc
du roi
(1319), p.
103 s. nouveau
ompte
de Robert e Veneur
1329), p.
230-232.
58.L'auteur
précise u'il
s'agit
de
«
disners t
souppers
e
grans
ei-
gneurs
t aultres
(MP p. 174).
59.F. PIPONNIER,«Recherchesur la consommationlimentairen
Bourgogne
u XIVes.
»,
Annales e
Bourgogne
974,
.
46,
p^.
65-111.
60.
«
Du VilamAsnier
,
edit.Ph.
MENARD,
abliaux
rançais
u
Moyen
Age,
.
I,
Genève
979,
p.
19 ss.
61.
«
De
1
Oustillement
u Vilain
,
édit.A. de
MONTAIGLON-G.
AYNAUD,
Recueil
énéral
t
complet
es
fabliaux...,
°
XLIII,
t.
II,
pp.
49
ss.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 31/139
29
s'élève dans l'échelle
ociale,
plus
on utilise
des
épices
diversifiées
62).
Le
riche
ce n'est
pas
tant
celui
qui
consomme
des
épices
que
celui
qui
peut
s'offrires
plus
diverses,
'est-à-dire
es
plus
rares,
es
plus
coû-
teuses.
On
comprend
mieux
'humiliation
u
chevalier
du
fabliau,
qui
se
promettait
e servir à
ses hôtes et
pairs
des
sauces
riches
(en
épices),
daptées
à
chaque
mets,
t
qui
finalement
e voit arriver ur sa
table,
du fait
de la
perfidie
éminine,
u'une unique
sauce d'aulx
(63).
Au
sommetde la hiérarchie
ociale,
les
épices
achetées
pour
Jean
le
Bon
en 1359-1360
ont
remarquables
de diversité
sucre,
gingembre,
anis, macis,
fleur
e
cannelle,
lou de
girofle,picnard, ubèbe,
annelle,
galanga, ardamome, oix de muscade,grainede paradis, poivreblanc
et
poivre
ong
c'est la
«
palette
utilisée
par
les traités
fini-médiévaux,
notamment
e Viandier.
Au niveau nférieur n est moins
exigeant.
es
envoyés
n mission
du roi
doivent e contenter
e condiments
ournaliers eu
variés
aulx,
verjus, arfois
herbes et
moutarde.
orsqu'onpeut
saisir
eurs
achats
d'épices,
ls concernente
gingembre,
a
cannelle,
e
safran,
e clou
de
girofle
64).
Les
épices
achetées
à Clermont
par
Guillaume
de Murol
ou celles
qui
ont été
dispensées
ux
noces
de l'AntoniaBedos
ne sont
guère
différentes
e
celles-là,
n
l'a vu.
Nous
retrouvonsci les
«
fonds
en épicesde la cuisinemédiévale ue nous évoquions plus haut. Seulela haute aristocratie
pu
se
permettre
'engouement
our
les nouvelles
épices apparues
en
Occident ux XIP-XIIP
siècles.
Plus bas
encore,
es
clercs,
es
marchands,
voire les
pauvres,
se
contentent e
poivre.
Le
poivre
rond)
serait-il
n attribut es clercs
?
Ainsi,
dans les chartes
de
Saint-Victor
e
Marseille,
e sont
des clercs
qui
doivent
l'abbaye
des
re4evances
n
poivre
65)
dans les
fabliaux,
curieusement,
es
prêtres
gloutons,galants
et séducteurs sont
aussi
grands
consommateurs e ce
produit
66).
Mais
le
poivre,
n'est-il
pas
consommé ncore
plus
largement
ans la
société
fini-médiévale La
ration des
pensionnaires
e
Saulx-le-Duc
ous incite à formuler ette
hypothèse,insi que tellephrased'Arnaudde Villeneuve « poyvre ...)
est saulse de
gens
de labeur
(«
salsamenti
usticorum dans
la
version
latine)
et mellent e
poyvre
vec
des fevesou
pois...
;
pour
le
médecin
montpelliérain,
e
poivre
est
ime
sauce de
paysan,
l'instardes sauces
d'aulx,
tandis
que
les
riches,
ux,
usent de sauce au vin
ou
de
sauces
diversifiées,
daptées
à la fois
au
tempérament
e
chacun,
ux saisons
62.F.
PIPONNIER,
rt.
cité.
63. Fabliau
«
de la dame escolliée
,
édit. MONT
IGLON-RAYN
UD,
op.
cit.n°
CXLIV,
. VI
p.
106.
64.
Compte
e Jean
e
Parov,
° 13412
une
ivre e
«
giengiebre
,
2
onces
de safran, /2 ivrede «quenelles,2 onces de girofle.
65.
M.
GUERARD
Cartulaire
e V
bbaye
de Saint-Victore
Marseille,
Paris
1857,
° 1001
t. II, p. 459),
002
t. II, p. 460),
119
t. II, p. 593).
66.
MONTAIGLON-RAYNAUD,
p.
cit.,
«
Du
prestre
t de
la
dame
(n° LI,
t.
II,
p.
235
ss.)
«
de
l'evesquequi
benei lo con
(n°
LXXVII,
t.
Ill,
p. 185).
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30
et aux
mets
qu'elles
doivent
ccompagner
67).
Nous retrouvons
onc le
chevalier
humiliédu fabliau.
La
hiérarchie
ociale se manifeste
ussi
dans les
rythmes
e consom-
mation des
épices.
La
consommation
e
Jean
e Bon est
relativement
monotone
ans sa diversité
pas
de mois
où il n'achète
du
sucre,
du
gingembre,
e la fleur e
cannelle,
tc.
Quand
on n'est
pas
roi ou
prince
(cf.
a
même
régularité
ans
la
consommation
la cour de
Bourgogne)
(67 bis),
on doit
attendre es
grandes
occasions,
es
grandes
fêtes
pour
satisfaire
e désir
d'épices
qui
traversetoute
la société
noces,
chez
les
petits eigneurs uvergnats
ù,
en un
jour,
on
dépense
autant
qu'enun an; pour les chanoinesd'Arles,funérailles e l'un des leurs (68).
Enfin,
es
élèves
du
Studium
apal
de
Trets,
uant
à
eux,
n'ontdroit
la
«
piperade qu'une
fois
par
an
(69).
Mais ces
rythmes
e sont
pas
les seuls à affectera consommation
des
épices.
L'alternance
es
jours
gras
et
des
jours maigres
détermine
une
consommation
ifférentielle,
lus importante
urant es
seconds
que
durant es
premiers.
M.
Sommé avait
déjà
noté ce
phénomène
pour
les achats de
verjus
et de
vinaigre
la cour de
Bourgogne
la
moyenne,
e
1,9 2,5
ots
pour
es
jours
gras,
'établissait
3,9
t
4,4
ots
pour
le vendredi
t
le
samedi,
ours
maigres,
t
à
3,4
lots
pour
le
mercredi,our demi-maigrec'est-à-direu'on y consommeviande et
poisson)
70).
Je retrouvea mêmealternance ans le
compte
de Robert
le
Veneur,
nquêteur
des
eaux et
forêts
pour
1322 en
pourcentage
u
total des
dépenses
de
bouche,
es
«
condiments
(aulx,
herbes,
pices,
verjus,
vinaigre) eprésentent
e
1,6
à
3,1
%
les
jours gras,
mais
3,9
%
et
3,7
%
le vendredi t le samedi. Les
épices,
chaudes
et sèches dans
la
théorie
des
humeurs,
uraient-elles
our
fonction
particulière
de
combattre
'influence éfastedes
poissons,
froids t humides
Mais la
catégorie
des
«
condiments
est
trop hétérogène
dans ces
sources
pour
qu'on
en
puisse
tirer
des conclusionsdéfinitives.
En
revanche,
'est bien la théoriedes humeurs
qui explique que
l'hiver oit considéré omme une période privilégiée e consommation
des
épices.
Ce caractère aisonnier
st
longuement
éveloppé
dans
les
ouvrages
médicaux
Arnaud de Villeneuve recommande
de confec-
tionner
es sauces d'hiver vec
moutarde,
ingembre,
oivre,
annelle,
clou
de
girofle,
ulx, vin,
vinaigre,
lors
que
les
sauces
d'été seront
faites de
verjus,
us
de limons ou de
grenades
et,
en
fait
d'épices,
seulement e
sucre et d'eau de rose la sauce verte d'hiverne diffère
de celle d'été
que
par
du
vin,
qui remplace
e
vinaigre,
t surtout
par
67.Arnaud e VILLENEUVE,Regimenanitatisnirançois..., yon1501.Versionatine Operad'A. de VILLENEUVE, yon1509.
67bis.
M.
SOMME,
rt.
cit.,
pp.
104
s.
68.
L.
STOUFF,
p.
cit.,pièce
ustificative
°
54.
69. bid
p.
233,
ableau27.
70.
M.
SOMME,
rt.
cit.,
p.
109.
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31
des
épices
en
plus
grande
quantité
(71)
enfin,
n
poème
provençal
du
XIII* siècle
recommande
'accompagner
es
mets,
n
hiver,
d'épices
et
surtoutde
poivre
72).
On retrouve es traces
de
cette
alternance
saisonnière dans les traités culinaires
eux-mêmes
l'auteur
de
MP
prescrit
de
cuisiner es
potages
d'épices après
«
les
grandes
chaleurs
de
juin»
(73).
Il
faudrait reuserdans cette
voie.
La tradition ulinaire rabe
a
probablement
u une
influence
ur
la
cuisine
occidentale
de la fin du
Moyen Age.
Cependant e
ne crois
pas que
l'utilisation ntensive
es
épices
soit à
mettre
u
compte
de
cette influence c'est plutôt une constantedans l'alimentationdes
classes
dirigeantes
depuis
la fin
de
l'Antiquité.
Mais constante
ne
signifie
as
absence d'évolution
le
stock
d'épices
culinaires
égué
par
le monde romainest
profondément
ouleversé
durant
e Haut
Moyen
Age
et de
nouvelles
hiérarchies
pparaissent
cette
époque,
hiérarchies
qui
seront n
gros
celles
qu'on
observe dans les
traités
culinairesfini-
médiévaux les
XII*,
XIII* et XIV* siècles feront onnaître
e nouveaux
produits,
mais
qui
resteront
econdaires dans
la cuisine.
Quoi
qu'il
en
soit,
la
consommation
stentatoire t
massive des
épices
est
un
désirou
un
idéal
profondément
ncré et
largement
artagé
dans la société de la findu MoyenAge.C'est que les épices sontbienautre chose
que
des alimentsou des condiments
aromates,
parfums,
médications,
manations
d'un Orient
mythique
t
contigu
u
Paradis,
elles sont aussi
chargées
d'un
symbolisme
exuel très affirmé. oudrer
un mets de
cannelle,
relever une sauce
avec du
poivre,
goûter
des
épices
confites,
oilà
des
comportements
ui
vont
bien
au-delà
de
simples gestes
«
techniques
;
c'est toute
l'épaisseur
sociale et
cultu-
relle
de
ces
«
gestes
que
l'historiendoit aussi
avoir l'ambition de
mettre u
jour.
71.A. de VILLENEUVE, ditions itées.
72.L.
STOUFF,
p.
cit.,
ui
se fonde
ur E.
BONDURAND,
Une diété-
tique provençale
,
Revuedu midi
1895
.
XVIII,
p.
191-207.
73.
MP
p.
266
n°
309.
Cf. aussi
ibid.,
p.
262
n°
292
«
en
yver
toutes
saulses
doivent
stre
plus
fortes
ue
en esté .
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 34/139
Françoise
SABBAN
CUISINE A
LA
COUR
DE
L'EMPEREUR
DE
CHINE
AU
XIVe
SIÈCLE
Les aspects culinaires
du
Yinshan
zhengyao
de
Hu
Sihui
*
La
longue
histoirede
l'acclimatationde
produits
alimentaires
t
de
modes
de
consommation enus d'ailleurs démontre
ombien
sont
malléables les
besoins
et
les désirs d'ordre
alimentaire,
lors
qu'ils
paraissent
onstituer
our
chacun
de nous
un
système
tanche,
ourd
à
toute
nfluence. n
vérité,
ans le domaine
alimentaire,
a fermeture
sur soi et l'ouvertureur le monde constituentes termesd'un mouve-
ment
lternatif ont
l
est difficile e
comprendre
es mécanismes.Un
des
buts de cet
article
st d'illustrer es
phénomènes
travers
'œuvre
culinaire
de Hu Sihui.
L'homme ne
se
laisse
pas
saisir
facilement,
uisqu'il
est tantôt
considéré
comme
chinois,
antôtcomme
mongol
n'oublions
pas
qu'à
cette
époque
la
dynastie
des. Yuan
(mongole)
1214-1368)
ègne
sur la
Chine).
Tout
ce
qu'on
peut
dire,
c'est
que
s'il était
mongol
c'est
un
de
ces
exemples
de
personnalité
non-Han
ayant
assimilé
la
culture
chinoise,
tant
parvenu
u
plus
haut
sommetdans
un
domaine scienti-
fique la diététique; 'il étaitchinois, l a fait montred'une souplesse,d'une
intelligence
ux autres et d'une ouverture u monde
peu
com-
mune. La
tradition
hinoise e
moque
de son
identité xacte. Elle fait
sienne son
œuvre,
a
considérant
omme un maillon
important
de
l'histoire e
la
diététique
hinoise
certaines
de
ses ordonnances ont
encore
mentionnées,
ans aucun
changement,
ans des livres de diété-
tique
récemment
ubliés (1).
En
revanche,
a
partie
de
son
ouvrage
intitulée
Recueil
de
mets
précieux
t
extraordinaires
qui
nous inté-
resse
ci,
et
qui
est
manifestementn traité
ulinaire
lus que
diététique
*La version inale e cet article oitbeaucoup OdileRedon, ous 'en
remercions
ivement
nous
remercions
galement
rançoise
ubin
t
André
G.
Haudricourt
ont
'aide t es
conseils ousont
permis
e clarifier
ertains
points
e
notre
exte.
1.
HU
Zhenzhu,
t
al.,
Jiating
hiliao houce
Manuel
de
diététique
ami-
liale),
Tianjin,
ianjin
kexue
ishu
chubanshe,
982,
17
p.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 35/139
33
est
ignorée
de cette même tradition.
r,
c'est essentiellement
râce
à
ce traité
que
Hu Sihui
contribue
faire de
son
ouvrage
la
réplique
chinoise ux
conceptions
rabes,
ndiennes
t
européennes
e
la cuisine
à cette
époque.
Si les
aspects
culinaires
du Yinshan
hengyao
Les
justes principes
du boire
et du
manger)
ont
été
peu
étudiés,
cet
ouvrage
n'en
a
pas
moins
attiré 'attention
es chercheurs
our
son
rôle
dans l'histoire
des sciences
en Chine
(2)
et
pour
les curiosités
de
son
lexique, qui
contient
ne
cinquantaine
e termes
mpruntés
u
mongol,
u turc t à
l'arabe
(3).La compilation e cet ouvrage, résenté l'empereur n 1330, été
effectuée
ar
Hu
Sihui dont on ne sait
rien
sinon
qu'il
assumait
la
charge
de
diététicien
mpérial
ous le
règne
de
Wen
Zong
(Tuq
Temiir
1328-1339).
ertains
pensent
u'il
était
mongol
t
lui
restituente nom
mongol
Hoshoi
(4).
Chinois ou
Mongol,
'auteur de ce traité est très
marqué par
son
appartenance
la
cour,
et
c'est
une des
raisons
de
l'aspect
«
cosmopolite
de son
texte,
ui
n'est
quelquefois pas
consi-
déré comme
un
témoignage
roprement
hinois des habitudes alimen-
taires ous
les
Yuan
(5).
Cependant,
i le
textede Hu Sihui
est
le
reflet
de
normes
fficielles
t
de certaines
xtravagances
rincières
n matière
d'alimentation,l est aussi le miroird'habitudes t de manières cou-
rantes
à
l'époque,
comme le
précise
d'ailleurs l'auteur de la notice
bibliographique
u
Siku
(6).
Les textes
ulinaires
uropéens
du
Moyen
Age
offrent
'ailleurs
cette
même
hétérogénéité
ils contiennent
la
2. LU
G.D.,
J.
NEEDHAM,
A contribution
o the
History
f Chinese
Dietetics
,
Isis,
1951,
°
42,
pp.
15-17 J.
NEEDHAM,
LU
G.Ď.,
«
Hygiene
and
Preventive
edicine
n
Ancient hina
,
Clerks
nd
Craftsmen
n China
and the
West,Cambridge
niversity
ress, 1962,
.
359 G.
METAILIE,
«
Cuisine
t
santé
dans a
tradition
hinoise
,
Communications,
979,
°
31,
pp.
126-127;
.
MOTE,
«
Yüan and
Ming»,
n: CHANG
K.C.
ed.,
Food
in
Chinese
Culture,
nthropological
nd
Historical
erspectives,
ew Haven
andLondon, aleUniversityress, 979, . 227 t note18p. 255.
3.
Y.S.
LAO,
«
Notes
on
Non-Chinese
erms
in the
Yiian
Imperiai
Dietary
ompendium
in-shan
heng-yao
,
Bulletin
f
the
nstitute
f
His-
tory
nd
Philology,
cademia
inica,
1969,
ol.
39,pp.
399-416
H.
FRANKE,
«
Additional
otes
on
Non-Chinese
erms
n
the
Yiian
Imperial
Dietary
Compendium
in-shan
heng-yao
,
Zentral
siatische
tudien,
,
1970,
p.
7-16.
4.
L.C.
GOODRICH,
BriefCommunications
,
Journal
f
the
American
Oriental
ociety,
940,
°
60,
pp.
258-260
CH'EN
Y,
Western nd
Central
Asians
n China
Under
he
Mongols,
ranslated nd
annotated
y
Ch'ien
Hsing-hai
nd
L.
Carrington
oodrich,
onumentaerica
Monograph
V,
Los
Angeles,
onumenta
ericaat the
University
f
California,
966,
.
305.
CH'EN
Yiian,
itantGoodrich
op.
cit.),place
Hu Sihui
dans
la
liste
qu'il
dresse
des
personnalités
ongoles yant
crit
un
ouvrage
n
chinois
ous
les Yuan.
5.
F.
MOTE,
op.
cit.,
p.
227
«
The Yin-shan
heng-yao
s
undoubtedly
importantn thehistoryf Chinese cience, ut it maybe less typical fChinese ttitudesoward ood nd eatingn relation o hygienehan ome
other
works
hathave
ess
importance
n the
history
f
science .
6. Siku
quanshu ongmu iyao,
ibu,
pululei
cunmu, ékin,
Zhonghua
shuju
huban, 965,
p.
1001-1002.et
ouvrage ibliographique
u
XVIIIe
iècle
est
le
plus
complet
es traités e
bibliographie
hinoise.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 36/139
34
fois
des recettes rès
sophistiquées,
nfluencées
arfoispar
des
usages
étrangers
7)
et
des recettes ans
prétention
8).
Composé
de
trois
volumes,
bondamment
llustré,
e Yinshan
heng-
yao
est
essentiellement n
ouvrage
de
diététique qui
fournit ses
lecteurs236 recettesde
plats, réputés pour
leur vertu
thérapeutique.
Sur
l'ensemble
de ces
recettes
ntégrées
ans les diverses
sections
du
livre,
a série
des 95
recettes
comprise
dans
la
«
Collection
des mets
précieux
t
extraordinaires
apparaît
plus
comme un livre de
recettes
de
cuisine
que
comme
un
recueil d'ordonnances
médicales.
La
cuisine de Hu Sihui
Nous
concentrerons otre
analyse
sur ces 95 recettes
de
la
«
Col-
lection de
mets
précieux
et
extraordinaires
,
dont le titre
même
est
révélateur;
l
n'a
apparemment
ien à faire avec la dure contrainte
d'un
régime
médical. De
plus,
un
peu
moins de la moitié
de ces
recettes
42)
ne
comporte
ucune
indication
hérapeutique,
omme si
celles-cine
figuraient
à
que
pour
le
plaisir.
Quant
aux
autres,
a
majo-
rité
d'entre
lles
(34)
n'est
que
«
fortifiante»
bu).
Et
19
recettes ur
95,
seulement, omportent a spécification abituelle aux autres ordon-
nances du
traité
«
soigne
telle maladie
(
zhi
.
Ajoutons que pour
l'ensemble
de cette
collection,
e
mode et le moment
de
la
consom-
mationne
sont
amais
indiqués.
Aucun
ordre
apparent
ne semble
régir
cette
collection
de
recettes,
dans
laquelle
on
ne trouve
amais
la
moindre
llusion au serviceni
à
la
place
des
mets dans
le
repas,
ce
qui
aurait
pu
nous aider à identifier
les
différents
ypes
de
plats.
Néanmoins,
et
ensemble
eut
être
découpé
en
quatre
grandes
catégories
viennent
'abord 35
recettes
base de
bouillon,
puis
11
recettes dont
les
principaux
ngrédients
ont des
pâtes
alimentaires
(certaines
semblent
accommodées en
potages,
d'autresen sauce plus courte), nsuite 35 recettesdiversesregroupant
des
viandes
bouillies,
des
préparations
rites,
es
mélanges
de
produits
crus
ou
cuits,
des
viandes
rôties ou
des
plats
cuits à la
vapeur
enfin,
12
recettes e
«
pâtisserie
(au
sens
médiévaldu
terme,
uisque
ce
sont
des
pâtes
farcies,
genre
ravioli,
petits
pâtés
ou
galettes,
uites à la
vapeur).
Restent
deux
recettes
placées
en fin
de
recueil,
ui
n'entrent
dans
aucune de
ces
catégories
un
bouillon
concentréde
jarret
de
mouton
po'erbitang
et un
suc de
gigot
de
mouton
cuit
à
l'étouffée
7.
J.L.
FLANDRIN,
Internationalisme,
ationalismet
régionalisme
ans
la
cuisine
des XIVe
et XVe
siècles Le
témoignage
es
livres
de cuisine
,
MangertBoire u Moyen ge, Ie ColloquenternationaluCentre 'EtudesMédiévales eNice oct.82, paraître ans esActes u Colloaue
O.
REDON,
«
Façons
de
préparer
t
manger
a
viande
en
Toscane
u
XIVe
siècle»,
Manger
t
Boire
au
Moyen
Age,
I*
Colloque
nternationalu
Centre
'Etudes
Médiévales e
Nice,
oct.
82,
à
paraître
ans
les
Actesdu
Colloque.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 37/139
35
(
mihanaqueliesun
.
Ces deux
préparations
comportent
une
mention
thérapeutique
t
sont censées avoir une action
régénératrice
ur
l'organisme.
Hu
Sihui se montre
parfois
très
elliptique
dans
la formulation e
certaines ecettes. n a
l'impression ue
la
brièveté e
son
style
raduit
un
souci d'aller au
plus
vite comme si toutes es
opérations
ulinaires
étaient i bien
connues de
tous
qu'une
simple
énumération es
ingré-
dients
et
des
modes
de
cuisson
successifs,
ans autre
précision,
uffi-
sait
à la
compréhension.
Ainsi,
de
nombreux
roblèmesd'interprétation
e
posentpour
une
partiedes 35 recettesdiversesqui correspondent des préparations
pour
esquelles
a
cuisson
ou les
cuissons
utiliséesne sont
pas
te
u
ours
clairement
ndiquées.
Parmi
ces 35
recettes,
n
relève deux
recettes
de
grillé
brochettes),
ept
recettesde
friture
vec ou
sans
enrobage,
deux
recettesde
rôti,
deux
recettesd'un
mélange
de
plusieurs
ngré-
dients
crus,
une
recettede
bouilli,
une
recetted'un
plat
à
la
vapeur
et une
recette
ntitulée
Mouton
la
vapeur
de saule
»
qui
correspond
en
fait à la
cuisson d'un
mouton
entier dans un
four
creusé
dans le
sol
obturé
par
un
couvercle
de
feuillages
de saule.
Les
recettesres-
tantes
ont
apparemment
es
«
sautés
»,
mais,
leur
texte
donne lieu
à
plusieurs nterprétations9).Le livrede Hu Sihuine se
laisse
pas
saisir
par
un
principe nique
à cause
sans doute
de
la
personnalité
e
son
auteur,
de sa
nationalité,
mongole
u chinoise
t du
faitde
la
composition
u
milieu
dans
lequel
il
évoluait,
et
univers
rès
particulier
e
la
cour des
Yuan
où
devaient
se
côtoyer
des
hommes
venus
d'horizons
divers. On
sait
que
sous le
gouvernement
ongol,
es
sujets
de
l'empire
taient
lassés
selon leur
appartenance
thnique
n
trois
grandes
classes
les
Mongols,
es non-
Mongols peuples
des
pays
situés à
l'Ouest de la
Chine)
et
les
Chinois.
La
cuisinede Hu
Sihui
reflète
n
quelque
sorte
ce
pluralisme
thnique
son
traité est écrit en
chinois,
mais sa
langue
est
continuellement
émailléede motstranscrits u mongol, u turc et de l'arabo-persan.a
cuisine de
même,
est
un
mélange
de
traditions
iverses
qui
forment
néanmoins ne
unité
la
Chine,
ertes,
st
omniprésente
ans l'œuvre
de Hu
Sihui,
son travail
est le
résultat
d'une
compilation
n
chinois
d'ouvrages
e
pharmacopée
hinoise t
sa
cuisine
est
chinoise
dans
sa
structure
mais,
comme
s'il
voulait
satisfaire
es
lecteurs
rop
fraîche-
9. Selon
la
ponctuation
n
comprend
«
Les
ingrédientsrécités
ont
mélangés
vec du
bon
bouillon
t
assaisonnés
vec
de la
ciboule
rite t du
sel» ou « les ingrédientsrécitésont autés vecdu bonbouillon t assai-sonnés e ciboule t de
sel ».
L'ambiguïté
e
pourra
tre
evée
qu'après
une
étudedes
contextes
'apparition
u
terme
hao
«
sauter
à
partir
e
plu-
sieurs extes
ontemporains
e celui
de Hu
Sihui.
Ce
verbe
présente
ail-
leurs,
ncore
aujourd'hui,
ne
ambiguïté
u
même
ordre
dans certains
environnements
articuliers.
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 38/139
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 39/139
37
il
a
suivi,
dans toutes les sections de son
traité,
es
règles
de
l'art
médical,
t
il
applique
e même érieux la
cuisine.
Si
l'on
compare
on
texte u court
traité ur le boire et le
manger
du
peintre
Ni
Zan,
son
contemporain
14),
on ne
peut manquer
de
remarquer
a différence
de
style
entre
es deux auteurs.
D'un
côté,
la
rigueur
cientifique
e
Hu
Sihui,
soucieux de n'oublier
aucune
mesure
jusque
dans les
moments
e
plus grande
fantaisie,
e
l'autre,
e
charme,
e bon
goût
et l'amour
de la
bonne chère de
Ni
Zan,
plus préoccupé
de
détails
d'ordre
astronomique
ue
de
l'exactitude es
quantités
nécessaires
la
réalisation
de ses recettes.
Hu Sihui et
Ni Zan
représentent
eux
deux 'attitude mbivalente es Chinoisvis-à-vis e la cuisine elle est,
d'un côté subordonnée
la
diététiquepour
le maintien
de
la
santé,
d'un
autre
c'est
un
art,
égal
à
la
peinture
u à
la
poésie
et dont on
magnifie
es
techniques
t
les
réalisations.
Hu Sihui
cependant,
n'est
pas
seulement
un rédacteur
d'ordon-
nances
arides,
l
sait aussi
être un bon cuisinier
hinois,
xigeant
ur
certains
spects
de
la
technique
ulinaire
ugés
fondamentaux,
omme
le
découpage
par
exemple
il
précise chaque
fois de
quelle
manière es
alimentsdoivent
tre
ciselés,
respectant
énéralement
a
règle
d'or
du
découpage
à
la chinoise
que
tous les
ingrédients
'un
même
plat
soientdécoupésde manière dentique.
Malgré
a
difficulté
ue
nous avons à évaluer es
goûts
et les ten-
dances
de
la
cuisine
onsidérée
omme
typiquement
hinoise
l'époque
de Hu
Sihui,
'emploi par
ce dernierde certains
condiments
marque
incontestablement
a cuisine
d'une
empreinte
hinoise.
ur
une trentaine
de
condiments,
es
plus
souvent cités sont
la
ciboule,
le
gingembre
fraisou conservé
dans le
maje
(
zaojiang
,
le
vinaigre
15),
me amóme
(Àmomum
sao-ko
Crevost t
Lem),
le
poivre,
a coriandre t
le zeste
de
tangerine.
hez
le
peintre
Ni
Zan,
sur une
vingtaine
e
condiments,
les
plus
utilisés sont
les
clavaliers,
des
vins
(16),
la
ciboule,
le
gin-
gembre
frais ou
conservé
dans le
marc,
le
vinaigre
et le zeste
de
tangerine.
14.NI
Zan,
peintre
e
paysages
e la
fin
es
Yuan
1301-1374)
st
'auteur
du
Yunlin
ang
yinshi
hidu
Système
limentaire
u
palais
de
Yunlin),
petit
ivre
d'une
cinquantaine
e
recettes,
dition
Biliruangguan
ongshu.
15.La liste
des
vinaigres
ités
par
Hu Sihui
dans la
section
graines
de son troisième
olume
st
le
vinaigre
e
vin
( iucu
,
le
vinaigre
e
pêche,
e
vinaigre
'orge,
e
vinaigre
e
raisin,
e
vinaigre
e
jujube,
le
vinaigre
e riz. Ce
dernier,
onsidéré
omme
upérieur,
ar
Hu
Sihui,
st
utilise ans
a
préparation
es médicaments.
16.
Nous
traduisons
ci
par
«
vin
le mot
iu,
terme
énérique
e tous
les
iquides
lcoolisés,
ières,
ins,
lcools,
iqueurs,
ar
'habitude
consacré
cette
ppellation
our
des alcools
doux
titrant
5°
à
18°,
comme
e
«vin
jaune par exemple,btenus ar la fermentation'unecéréale, ue l'on
utilise
dans
la cuisine t
que
l'on consomme n
peu
comme e vin en
France.Voir
ce
sujet
a
proposition
e
L.
BERNOT
«
Compte
endu
de
K.C. CHANG
d.,
Food in
Chinese
Culture
Anthropological
nd
Historical
Perspectives,
ew-Haven
nd
London,
Yale
University
ress, 1979,
29
p.,
T'oung
ao,
vol.
LXV, 1-3,
p.
103-109.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 40/139
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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39
Les similitudes ont
frappantes
ntre es
deux listes
et on
pourrait
dire
que
la
ciboule,
e
gingembre,
e
vinaigre
t le zeste
de
tangerine
constituente fond
aromatique
de la cuisine chinoise
au xiv*
siècle.
L'usage
par
Hu Sihui de ce
complexe aromatique
suffirait
faire de
sa
cuisineune cuisineà la chinoise.
Les
divergences
e
goûts
entre
ces
deux auteurs se
manifestent
dans la raretéde
la
coriandre
hez
Ni
Zan,
et dans la
préférence
e Hu
Sihui
pour
e
poivre, lus piquant que
les
clavaliers,
poivres
autoch-
tones dont
Ni Zan fait un
grand emploi.
Mais
la
grande
différence
entre es deux cuisines
porte
ur l'utilisation e l'amome
par
Hu Sihui
et du vinpar Ni Zan. En effet,'est avec l'amome, ssociée au galanga
que
Hu Sihui
parfume
es bouillonsde viande
(de
mouton)
tandis
que
Ni Zan fait
ouvent
uire ses crustacés
t
ses
poissons
dans
du vin
pur
ou
coupé
d'eau. Ce dernier
usage
du vin avec
les
produits
de
la
mer
est
caractéristique
e
certaineshabitudes culinaireschinoises et
Hu
Sihui
s'y
conforme
ussi,
car la seule recette
pour
laquelle
il
utilise
«
un
peu
de vin
»
est
un
plat
de
poisson,
e
«
Potage
de
carpe
».
Or,
on observe ntre es deux auteursune différenceien
plus impor-
tante
que
celle des aromates un tiers des
recettes
de
Ni
Zan
est à
base
de
poisson
et
de
crustacés,
lors
qu'on
relève
seulement
uatre
recettes e poissonchez Hu Sihui. Il y a là différence e goûts,mais
surtout
ifférence
éographique.
a
cuisinede
Ni
Zan
est une cuisinedu
sud,
de Wuxi dont
il
est
originaire,
ette
ville
du
Jiangsu
où l'on
consommeforce
produits
de mer et
d'eau
douce,
tandis
que
celle
de
Hu
Sihui,
c'est la cuisine
plus
rude de
Pékin,
a
capitale,
où les
vents
de sable
évoquent
a froide ridité continentale.
Par
ailleurs,
i
l'on s'attache
au
style
des recettesde Hu
Sihui,
on
constate
que
les raviolis
jiaor,
hundun
,
les
petits pains
à
la
vapeur
(mantou),
es
pâtes
alimentaires
miari),
ont
'existence
st attestée n
Chine u moins
depuis
es débuts de l'ère chrétienne
17),
tiennent
ne
place
très
mportante
ans
le recueil.
Certes,
outes es farces sont
à
base de mouton, e qui n'estpas le cas des raviolisde Ni Zan fourrés
de hachis de
porc,
mais,
e
style
du
plat
est bien chinois.De
même,
l
propose
des
plats
comme
e
«
Poissonen kuai
»
(
yukuai
,
cette
«
salade
»
de
tranches
e
carpe
crue,
mélangées
du
radis,
du
gingembre,
e
la
ciboule,
du
basilic et de la renouée
poivrée,
dont on
trouve
déjà
mention ans
des textesdatantdes Zhou
(XIe
siècle
av. J.-C. IIe
siècle
av.
J.-C.)
18),
ou encore
du
«
Poulet
lotus
»
(furong
ï),
dont
les
ingré-
17.Le célèbre
raité
'agriculture
imin
yaoshu
de JIA Sixie
VIe
siècle
ap. J.-C.) ontient n chapitre ur la fabrication e «pâtisseries et depâtes alimentaires.f. MIAO Qiyuéd., Qiminyaoshuxiaoshi,Zhongguo
nongshu
ongkan
onghe
hi
bu, Pékin,
Nongye
hubanshe,
982,
p.
509-516.
18.
QIU
rangtong,
Yukuai
i
yu
hua lai
zong
(
Yukuai ou
le
sou-
venird'un mot
plein
de
richesse),
hongguo
engren
Cuisine
chinoise),
Pékin,
983/4,p.
12-13.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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40
dients
de base
sont
le
poulet
et les
œufs,
Hu Sihui
se
pliant
ici à
la
tradition,
même si
la
préparation,
ans ses détails
a évolué.
Ainsi,
on
pourrait
estimer
que
Hu Sihui et
Ni Zan
représentent
chacun
une version
égionale
de
la
cuisine
chinoisedu
XIV*
siècle
(19).
-
Un
fonds mongol
La
cuisine des
Mongols,
population
d'éleveurs
nomades,
est
carac-
térisée
par
ime
prépondérance
es
préparations
base
de mouton
t de
produits aitiers 20). Or sur les 95 recettesdu recueil,72 sont à base
de chair de
mouton,
ssociée ou
non avec
un
produit
végétal
ou
une
céréale,
xceptionnellement
vec
ime autre
viande.
Sur
ces
72
recettes,
4
sont
spécifiquement
onsacrées
un morceau
particulier
u
mouton
et le nom
du
morceau
apparaît
alors
dans
le
titre de la recette.C'est
le cas
par
exemple
du cœur et
du
rognon
grillés,
es
tripes
salées
et séchées
puis
frites
la
grande
friture,
u
bouillon
«
restaurant
de
jarret,
etc.,
ou même
de la
bête
en son
entier uite au four.
Dans les autres
recettes,
nterviennent
n bouillonde
mouton
t/ou
de
la chair de
mouton
déjà
cuite.
Par
exemplepour
les
potages
et
les
pâtes alimentaires,e bouillonde mouton oue le rôle d'un fonds de
cuisine
et la
chair,
celui de
l'élémentcarné
du
plat.
Les
titres
des
recettes
ne
laissent d'ailleurs
pas supposer
qu'elles
sont à
base
de
mouton
Potage
au
fenugrec,
otage
à
l'orge,
Ravioli à
la farine
d'euryale,
Gnocchi
d'igname,
tc.
Si
plusieurs roduits
aitiers
21)
sont
cités dans le texte
de
Hu
Sihui,
quatre
seulement,
ntrent añs
la
cuisine
proprement
ite
Le lait de
vache
(
niu
naizï)
apparaît
dans trois recettes
il
accompagne
e
beurre
(
suyou
dans la
pâte
des
galettes
haobing
t est
ajouté
à la sauce
du
«
Potage
de
cerf .
Or,
'usage
dans la cuisine
d'un lait non transformé
ne semblepas être une habitudemongole.Mais,nous avons de bonnesraisons de
penserque
le «
Potage
de cerf est un
plat d'origine
rabo-
persane
d'une
part,
on trouve
plusieurs
recettesde
ragoûts
base de
lait dans un livre de
cuisine
arabe du XIIIe siècle
(22),
d'autre
part,
19.C'est
pourquoi
H. FRANKE
op.
cit.,
p.
16)
conclut,
n
peu
hâtive-
ment notre vis
«
In
any
case,
Mongolian
uisine
eems
to
have been
less
important
n the Yüan
imperial
itchen han
Near Eastern
food,
but
it
remains fact hat
many
f the
recipes
n the Yin-shan
heng-yao
s a
whole,
f
not the
majority,
re
of
Chinese
rigin
.
20. R.
HAMA
ON,
«
L'os
distinctift
la chair
indifférente
,
Etudes
Mongoles
1975,
ahier .
21.Les traductionsue nous donnonsci des nomsdes divers roduitslaitiers u traité e Hu Sihuine sont
que
des
approximations
ondées ur
leurs
utilisations
il faudraitn connaître
es
procédés
e fabrication
xacts
pour
proposer
ne
terminologieigne
de ce nom.
22.
A.J. ARBERRY
trad.,
«
A
Baghdad
Cookery-Book
(Milk
dishes),
Islamic
Culture,
939,
anvier, p.
4147.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 43/139
41
la
graisse
utilisée
pour
le
rissolage
des morceaux
de
viande
enrobés
dans de l'assa-foetida st
appelée
«
graisse
arabe
»
(
huihui
xiaoyou)
par
Hu Sihui.
Il
ne mentionne
ulle
part
ailleurs
ce
type
de
graisse
dont
nous ne savons rien
(est-ce
a
graisse
de la
queue
de mouton
gras
?).
Le beurren'est
employé
u'une
seule fois
comme
graisse
de
friture
dans le
«
Potage
Sasu
»
où
il
sert
à
faire revenir
plusieurs
matières
aromatiques.
Les autres
fois,
l
entre
dans la
confection e
pâtes
à
pains
et
galettes,
d'une farce et
d'un caramel à
base de miel
pour
enrober
es raviolis.
Restent
deux
types
de
«
fromages
.
L'un
appelé rubing
«
fourme
(litt.« forme e lait») est probablement n fromage rais il apparaît
dans
quatre
recettes rès
similairesde
potages
denses ou
de
plats
en
sauce
épaisse,
comme
l'un
des
agents
de
liaison dans un bouillon
de
viande.
L'autre,
lao,
fromage
que,
d'après
le traité
d'agriculture
e
Lu
Mingshan
23),
contemporain
e Hu
Sihui,
l'on
peut
faire
sécher,
entredans la
préparation
'un
plat
de
pâtes
et
d'un
plat d'aubergines
farcies.
Sur 95
recettes,
2 seulement ontiennent n
produit
aitier,
c'est
peu,
et ce n'est
guère significatif
'une
emprisemongole
ur
la cuisine
de Hu
Sihui. D'autant
qu'à
l'époque
ces
produits
aitiers semblaient
des denréesrépanduesdans les milieux hinois.Un emploiassez largeen est faitdans
les
recettes 'une
encyclopédie
ménagère
24).
Jia
Ming,
auteur
ui aussi
d'un
traité
de
diététique égèrement ostérieur
celui
de Hu Sihui
(25),
es
inclutdans
sa liste des
«
saveurs et
l'on trouve
chez Ni Zan une recette
ntitulée
Légumes
sous la
neige
(xue
an
cai)
(26)
où la
«
neige
n'est
autre
qu'une métaphore
pour
désigner
l'épaisse
couche
de
fromage
rubing),
blanc
à
n'en
pas
douter,
qu'il
dépose
sur
un
tendre
égume
vert avant de le faire
cuire
à
la
vapeur,
assaisonné
de
sel,
de
clavalier
et d'une touche de
vin
pur.
23.LU Mingshan,gronomeuïghourst l'auteur u calendriergricole
Nongsangyishiuoyao
1314)
Abrégé
ur
l'agriculture,'élevage
du
vers à
soie,
e
vêtement
t
l'alimentation),
f. LU
Mingshan,
ongsanggyishi
uoyao,
WANG
uhu,
d.,
Pékin,
Nongye
hubanshe,
962,
.
79.
24.
Jujia
biyong
hilei
uanji
Toutes
es choses
nécessaires la
maison).
Nous n'avons
malheureusement
u
consulter e
textedans
son
intégralité,
ne
disposant
ue
d'une
édition
aponaise
de
fragments
u texte
S.
NAKA-
MURA,
.
SATO, Shokkei,
Classique
du
manger)
okyo,Kobayashi
Hideo,
1980,
pp.
146-216).
our
plus
amples
détails sur
cette
encyclopédie,
f.
H.
FRANKE,
Chinese exts
n the
Jurchen,
Translationf
the
Jurchen
Monograph
n the San-ch'ao
ei-meng
ui-pian, ppendix
I,
Jurchen
ood
Recipes,
entral
siatische
tudien,
, 1975,
p.
173-177.
25.JIA
Ming
1268
- 1374
)
célèbre
pour
son
exceptionnelleongévité,
est l'auteur
u Yinshi
uzhi
Ce
qu'il
faut
avoir ur
le boire
t le
manger)
traité
e
diététique
onstitué
e l'énumérationes
produits
e la
pharma-
copée chinoise, ccompagnés e leurs vertus hérapeutiquest n'incluant
pratiquement
ucunerecette. f.YANG
Jialuo,
Yinzhuan
ulti
Inventaire
des traités
ur
le boire
t le
manger),
aipei, hijie shuju,
1976.
n
trouve
quelques
renseignements
ur
l'auteur t son œuvredans
T.T.
CHANG,
«
Chia
Ming's
Elements
f
Dietetics,
Summary
ť the first olume
with
an
introduction
,
Isis,
1933,
°
20,
pp.
324-334.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 44/139
42
Ce
n'est
pas
l'usage
des
produits
aitiers
qui distingue
Hu Sihui
de
ses
contemporains
27),
c'est
la
place
qu'il
accorde au
mouton,
iande
de
prédilection
es
éleveurs
mongols.
Comme
nous le disions
précédem-
ment
toutes es farceset
bouillons
ont à base
de
mouton,
à où
ordi-
nairement
n trouverait u
porc.
Média au service des
détenteurs
u
pouvoir,
ces
Mongols
à
peine
sinisés,
encore
imprégnés
des odeurs
de
la
steppe,
e traité de Hu Sihui
apparaît
comme une traduction
dans le
langage
de la
cuisinechinoisedes
appétits
t des
goûtsmongols.
-
Une touche
xotique
Nous l'avons
déjà
dit,
le texte de Hu Sihui a une allure
étrange
due aux bizarreries
e
son
lexique.
Mais,
Hu Sihui n'attribue
xplicite-
ment
une
origine trangère
u'à
trois recettes le
«
Potage
Ba'erbu
»
et le
«
Potage
Sasu
»
sont des
plats
de l'Inde
(xi
xitian
chafanming)
et
le
plat
de
nouilles
à la
viande et
aux
légumes Shuoluotuoyin
st un
plat
ouïghour
(xi
weiwu'er
chafan
.
Pour
le
reste,
il
est diffìcile
d'affirmervec certitude
ue
telle ou telle
recette
st
d'origine
tran-
gère.Cependant,
a
transcription
e
mots
étrangers
ans
certains
itres,
peut
constituer ne
présomption.
ans la seule
partiequi
nous
occupe,
on relèveune
vingtaine
e
transcriptions
e
mots
étrangers.
outefois,
il faut faireune distinctionntre es mots transcrits u mongold'une
part,
et ceux transcrits
u
turc et de
l'arabo-persan
'autre
part.
En
tant
que
langue
des
occupants,
e
mongol
,
en
effet,
n
statut
différent
des
autres
angues
et
les mots transcrits u
mongol
ont
e reflet
moins
d'un
certain xotisme
ue
d'habitudes
«
autres
non encore assimilées
au
mode de
vie
chinois.
On
relève donc
des termes
étrangers
dans
certains
titres
comme
«
Potage
au mastic
(masidaji
tang),
où le
terme
masidaji
«
mastic est une
transcription
e
l'arabe
«
Tutu-
mashi
(tutumashi),
glosé
dans
le texte
par
l'expression
chinoise
shoupie
mian
«
pâtes shoupie (pâtes coupées
à la main
?)
qui
est une
transcription
u turc
28),etc.
26.an est
le
nom d'un
couvercle,
erme
echnique
are surtout
mployé
dans es
catalogues
e
bronzes
rchaïques
renseignementommuniquéar
Michèle
Pirazzoli).
En
utilisant e mot
désuet avec
la
métaphore
e la
neige,
Ni Zan veut
sans nul
doute,
montrer
'extrême
affinemente sa
cuisine
ui
ne
s'adresse
u'à
des
personnes
yant
une
grande
ulture
hi-
noise.
l
s'oppose
ainsi à Hu
Sihui
dans son
appropriation
e
la
culture
chinoise.
ependant,
ans des
répertoires
ifférents,
u Sihui et Ni Zan
prônent
hacunune cuisine
distinguée.
u Sihui
est
le
promoteur
'une
cuisine
aristocratique
pécifique
es milieux nternationauxe la
cour,
tandis
que
Ni
Zan est le chantre-
e la haute
gastronomie
raditionnelle
chinoise.
27.
l serait
ntéressant
e
dater e
déclin de
cette
consommation
e
produits
aitiers,
ue
E.N. ANDERSON
«
Cuisine
,
in
B. HOOK
éd.,
The
Cambridge ncyclopedia f China,Londres,Cambridge niversityress,
1982,
p. 382-399)
lace
après
es Yuan
lorsque
es influenceses
pays
situés
à l'ouest
de
la
Chinefont
place
à celle
venantde
la
mer,
l'est,
avec
l'introduction
ar
les
Espagnols
t les
Portugais
es
plantes
méricaines.
28. Nous nous
référonsci
aux
travaux
de
H. FRANKE
op. cit.)
et
Y.S. LAO
op. cit.),
f.
note 3.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 45/139
43
La
pénétration
u
langage
culinaire
par
des
termes
étrangers
se
situe
généralement
u
niveau du
lexique
et
des
titres
des
recettes.
lle
n'est certes
pas
spécifique
de Hu Sihui.
Tous
les textes médiévaux
européens
connaissent e même
phénomène
ui
poussé
à
l'extrême,
peut
donner naissance à
une véritable
angue
comme la
langue
culi-
naire italienne
du XVe
siècle fortement
nfluencée
ar
le
français
et
pratiquée
dans les
sphères
restreintes es cours
de l'Italie du centre
et du nord
(29).
Ces faits
linguistiques
ont le reflet
des
influences
réciproques
es cuisinesde divers
pays,
comme e
montrenta
cuisine
princière
rabe
médiévale
qui
a
assimilé
des
apports
perses,
turcs
et
francs 30) et les cuisinesde cour des pays de l'Europemédiévalequi
ont interféré
ntre
elles
(31)
et fait
nombre
d'emprunts
u monde
arabe
(32).
L'utilisationdans un
texte
de
cuisine d'un
vocabulaire truffé e
mots
empruntés
d'autres
angues
contribue
envelopper
on
contenu
d'une
aura
mystérieuse
ar
les mots transcrits
ont
perçus
comme des
suites de
sons,
musiques
d'autres
espaces
et
d'autres
temps.
En
conviant
on lecteur
dépasser
es
frontières es
goûts
onnus,
Hu
Sihui
lui
propose
déjà,
par
l'écho de leurs
noms,
a
jouissance
de
saveurs
encore
plus
fines t
délicates.
Mais,
es
raisons
qui
ont
poussé
Hu Sihui
à jouer les polyglottes taient-elles raiment de cet ordre EtantChinois, oulait-il
implement
montrer
u'il
était l'aise dans l'ambiance
internationale
ui
entourait
'empereur
u
bien,
au
contraire,
tant
Mongol,
t s'adressant des
Mongols
inisés,
vait-il u mal
à
maîtriser
le
chinoiset trouva-t-il
écessaire de
parsemer
on
texte
de
repères
Ces
quelques
réflexions ous incitent
nous
demander
dans
quelle
mesure a
cuisine
de Hu
Sihui
reflétait a
réalité et
si ces
recettes
«
étrangères
ne
sont
pas
tout
simplement
e
fruit
e son
imagination.
Que
certains
plats
n'aient été
répandus
qu'au
sein
des élites diri-
geantes
ne
fait
guère
de
doute
cependant
ertains
plats
«
étrangers
de Hu Sihui
semblent voir connu
une
certaine
diffusion.
reuve n est
la mentionde quelques-unesde ces recettesdans d'autres textesde
l'époque.
Le
plat
«
Tutumashi
,
mentionné
ans
l'Encyclopédie
ména-
gère
33)
y
est
classé
parmi
es
recettes
musulmanes. a
fabrication es
pâtes,
ngrédient
e
base
du
plat,
est
même
décrite
n détail
dans un
29.
M.
CATRICALA,
Sul
lessicodi
cucina
del 500
,
Convegno
azionale
sui lessici
technici el
sei
e
settecento
1-3
dèe.
1980), lorence,
cademia
della
crusca,1982,
.
140.
30.
M.
RODINSON,
Recherches
ur les
documents
rabes
relatifs
la
cuisine,
xtrait e
la revue
des
Etudes
slamiques,
nnée
1949,
aris,
Paul
Geuthner,950, . 146et suivantes.31.J.L.FLANDRIN, p. cit.,cf.note 7.
32.
M.
RODINSON,
«
Romania et
autres
mots
arabes
en
italien
,
Romania,
950,
XXI, pp.
433-449.
33.
O.
SHINODA,
Chugoku
hokumotsushio
kenkyu
Recherches
ur
l'histoire
e
l'alimentationn
Chine),
okyo,
asaka
yasumori,
978,
.
210.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 46/139
44
Manuel
d'enseignement
u
chinois
l'usage
des
Coreens
34)
alors
que
Hu
Sihui se
contented'en donner une
traduction
pproximative
n
chinois.
On
peut
s'interroger
ur
l'origine
ndienne
ue
Hu Sihui attribue
au
«
Potage
Ba'erbu
»
et au
«
Potage
Sasu
».
Certes
es deux recettes
comportent
e
l'assa-foetida,
ondiment rès utilisé
en
Inde,
mais bien
d'autres recettes du texte
en contiennent
galement.
Le
«
Potage
Ba'erbu
»
est
composé
d'un bouillon de mouton ux
pois-chiches
t au
radis
(daikon),
romatisé
la
graine
de l'amomum
sao-ko,
uquel
on
ajoute après
cuisson
safran, curcuma,
poivre,
assa-foetida,
oriandre
fraîche t sel. On le mangeensuite n accompagnement'unplat de riz
parfumé
uit
«
de
manière être
sec
».
Aucune
précision
de cet ordre
n'existe illeurs
dans
le recueil où
le
riz
est
toujours
cuit
en
bouillon
ou
présenťé
sous forme de bouillie
(
zhou
comme s'il
s'agissait
là
d'une
préférence
e
l'époque
ou de notre auteur.
Or,
un
texte
ndien
du
XIIe-XIIIe siècle
nous
apprend que
le
plat
de riz d'un festinde
mariage
est
«
bien
cuit, blanc,
parfumé,
élicieux,
haque
grain
étant
bien
séparé
de
l'autre
;
il
est
accompagné
de
bouillons
de viandes et
de
poissons
35).
Le
«
Potage
Sasu
»
est la seule
recette ontenant es
grenades
cides
et dont e servicenécessite
qu'il
soit conservé
ou
pré-
senté ) dans un récipient ue l'on a préalablement xposéaux fumées
parfumées
dégagées
par
la cuisson dans du
beurre,
d'assa-foetida,
e
nard
(
Nordost
chy
chinensis
Batal)
et de
jiaxiang
(36).
Or,
selon
Om
Prakash
(37),
certaines
préparations
ans l'Inde du VIIP-XIII6 siècle
incluaient ne cuisson avec
des
fruits
cides,
suivie
d'une
fumigation
d'assa-foetida t d'autres
épices.
Ces
quelques
exemples
uffisent montrer
ue
les
recettes étran-
gères
de Hu Sihui ne
sont
pas
nécessairement
es
plats
rares ou très
exotiques
réservés une
petite
élite,
pas plus qu'elles
ne
sont
complè-
tement
«inventées»;
les
deux
recettes
ndiennes
omportent
ien ce
quelque
chose d'indien
qui
devait
avoir
frappé
es
voyageurs
ontem-
porainsde Hu Sihui. Ces recettes trangères estent ependantmargi-
nales
par
rapport
à l'ensemble
des
autres,
mais leur
présence
suffit
à
donner u
texte
de Hu Sihui
ce
petit
air
dépaysant
ui
le
distingue
d'un livre de cuisine ordinaire.
34. Lao
qida yanjie.
Piao
tongshi
anjie,
Taipei,Lianjing
huban
hiye
gongsi, 978,
.
151
document
ommuniquéar
Alain
Peyraube),
oir ussi
CHEN
Gaohua,
«
Piao
tongshi'
uo
ji yuandaiyinshi
(Les
notations
ur
l'alimentation
l'époque
des
Yuan dans
le
«
Piao
tongshi
),
Zhongguo
pengren
Cuisine
hinoise), 983/3,
.
10-11.
35. O.
PRAKASH,
ood
and Drinks n Ancient
ndia,
Dehli,
Munshi
Ram Manohar ai, 1961, . 238.36.Variétéd'encensfabriqué partirde l'opercule e liparis Turbo
cornutus
olander),
f.
B.E.
READ,
Chinese
Materia
Medica,
Turtle nd
Shellfish
rugs,
Shanghai,
937,
éimpression,
aipei,
SouthernMaterials
Center'
nc., 1977, .
74.
37. O.
PRAKASH,
p.
cit.,
p.
212.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 47/139
45
Universam
et
particularismes
La cuisine de Hu
Sihui,
chinoise
d'apparence,
mongole
de
cœur,
exotique
dans certainsde ses traits
est néanmoins
e
pendant
respec-
table de ses consœursoccidentales t arabes.
Haut
fonctionnaire
la
cour,
Hu
Sihui se
doit
de donner
au monde
la version Yuan
de la
cuisine des
princes,
de
même
que
Bartolomeo
Scappi,
cuisinier
du
Papié
Pie
V a
donné
à la
postérité
ne
version
de la cuisine
pontificale
au XVI*
siècle
(38).
Nous aimerions montrermaintenant
n
quoi
la
cuisinedes Yuan estcomparable ux autrescuisines ristocratiquesuenous connaissons t en
quoi
elle s'en
distingue
ormellement.
Deux
usages
surtout nous semblent
caractéristiques
des
grandes
cuisines
princières
médiévales l'utilisation
d'une
grande
quantité
d'épices
t,
à un moindre
egré,
a
recherche
e
couleurs
pour
a
présen-
tationdes mets.
La cuisine de Hu Sihui se
conforme,
emble-t-il,
ces
deux
usages.
Toutefois,
a cuisine
de Hu Sihui
reflète ussi
des habitudes
ordi-
naires,
dont
a
plus
frappante
st,
à notre
avis,
à l'instar
des cuisines
occidentales
médiévales,
t en
particulier
e
la
française,
'importance
accordée
à la
catégorie
es
«
potages
selon la
terminologie
es
textes
culinairesmédiévaux rançais.
En
revanche,
n trait
original
marque
l'art culinairede
Hu
Sihui,
c'est la
primauté
onnée
aux
pâtes
alimentaires
t
la
richesse
de leurs
préparations.
-
Les
ápices
Peut-on
raiment
arler d'épices pour
la Chine alors
que
ce
terme
au
MoyenAge
réfère
pparemment
des
produits
du
grand
commerce,
importés
n
Europe
des
pays
orientaux.Dans
l'Europe
médiévale,
es
listes
d'épices
contiennent
ussi bien
des
condiments
ulinaires
que
des articles de pharmacopée,de parfumerie, e teinturerie,tc. Ce
conceptd'épices,
n
référence la nomenclature ommerciale xiste-t-il
en Chine Seule une
étude
des textes ur le commerce ntre a
Chine
et d'autres
pays
nous
permettrait
e savoir si les
objets
et les
produits
commerciaux
taient
conçus
comme
un
ensembleavec
plusieurs
sous-
ensembles
usceptibles
e recevoir
es
dénominations
articulières.
Cependant,
hez
Hu
Sihui,
dans
l'EncyclopédieMénagère,
dans le
Manuel
de
chinois
pour
Coréens et dans
le
Traité
d'Agriculture
e
Lu
Mingshan,
n relève
'usage
fréquent
u terme
iaowu
(matériau-subs-
tance) (39)
dont la meilleure raduction st le terme
«
épices
».
Dans
38.B. SCAPPI,Opera,Rome1570, éimpressionvec une présentationde G. RO
VERSI,
Bologne,
rnoldo
orni,
981.
39.
Sans entrer ans e détaild'une tude
philologique,
ue
nous
n'avons
pas
les
moyens
e
faire,
l
faut avoir
qu'à
l'heure ctuelle
iao
a
le rôle
d'un
suffixe
ignifiant
chose,
matière
dans
toute une
série de
termes
dont
e
composé
uoliao
qui,
en
pékinois,
ignifie
assaisonnement
.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 48/139
46
l'ouvrage
de
Jia
Ming
a liste des
condiments
st intitulée out
simple-
mentweilei
«
catégories
des saveurs
.
Le dernier
hapitre
du
codex de
Hu
Sihui,
troisième
olume de son
ouvrage,
st
ime liste de
28
produits,
ntitulée iaowu
wei «Les
saveurs
de nature iaowu».
De cette liste
d'épices
ou aromates sont
exclus les
sucres,
les
miels,
les
vinaigres,
es
pâtes
condimentaires,
certains
ferments,
lassés
dans la section
«
céréales
,
ainsi
que
la
coriandre
raîche,
a
ciboule
et
Tail
classés dans
la section
«
légumes
et les
fromages
lassés dans la
section
«
animaux
.
Dans le texte
des
recettes
de
ces
quatre ouvrages,
l
est
parfois
dit d'ajouterdes « liaowu» au cours de la préparation,t ceci même
si,
par
ailleurs,
'autres
pices
sont
employées.
Ainsi,
toutes
es farces
de
raviolis,
Hu Sihui
ajoute
ce
que
nous
pouvons
désormais
appeler
des
épices.
Ce
qui
laisse
supposerqu'en
Chine comme en
Occident la
même
époque,
existaient es
mélangesd'épices
composées
qui
devaient
se vendre
tout
préparés.
La
composition
de ces
mélanges, appelés
poudre,
poudre
fine,
pices
fines, tc.,
dans les textes
médiévauxocci-
dentaux,
ariait selon
l'usage qu'on
en faisait
40).
Par
trois
fois,
Hu
Sihui utilise
même
des
«
xi
liaowu
»
dont
l'appellation correspond
terme
pour
terme
à
l'expression
fines
pices
». Par
chance,
nous
en
trouvons meformule râceà la glose que donnent es commentateursdu Manuel de chinois
pour
Coréens,
pour
expliquer 'usage
de ces
fines
pices
«
(Elles
se
composent)
de
cannelle,
galanga,
poivre
ong,
cardamome
ou
noix
de muscade
?),
zeste de
tangerine,
momum illo-
sum
Lour.,badiane, fenouil,
n
liang
de
chaque
(1
liang
=
env.
37
g),
clavalier,
eux
liang
amandes de
noyaux
d'abricots
inq liang,réglisse
un
liang
et
demi,
bois
de
santal un demi
iang,
e tout réduit
n
poudre,
prêt
l'usage
selon e
désir.Celui
qui
doit
partir
n
voyage
t
s'absenter
longtemps,
ait
détremper
e
mélange,
puis
le
cuit à
la
vapeur,
et le
façonne
n forme e
petites
boulettes,
our pouvoir,
e moment
oulu,
les
utiliser,
près
les avoir fait revenir
ans un
peu
d'eau chaude. C'est
selon a coutume hinois^ce qu'on appelledes fines pices» (41).
Dans les textes
uropéens,
es
mélanges
d'épices
sont
nclus
comme
chez
Hu Sihui dans la
préparation
es
aliments,
t sont
aussi
utilisés
en
saupoudrage
u
momentdu
service. Ce n'est
pas
le cas chez
Hu
Sihui
qui
ne
mentionne
amais
l'utilisation
d'épices pour
le
service.
Mais,
cet
usage
existait
probablement
uisque
l'auteur
du Manuel de
chinois
pour
Coréens le
rapporte
dans
la
description
d'un
banquet.
40.Voir
par exemple
es trois
mélanges 'épices
du
«
Livre Vénitien
(
Librodi cucina
del secolo
XIV,
op.
cit.,
p.
40)
appelés Specie
fine
tute
cosse
épices
fines
our
toute
hose),
Specie
dolce
per assay
cosse bone
e
fine épicesdoucespourbeaucoup e chosesbonnes t fines), pecie negree forte er assaysavore épicesnoires t fortes ourbeaucoupde sauces).
En ce
domaine,
e document énitienst e
plus
précis
es
traités ulinaires
médiévaux
ce
n'est certes
pas
un
hasard
quand
on connaît e rôle de
Venisedans le
commerce es
épices
au
Moyen
Age.
41.Piao
tongshi anjie, p.
cit.,
p.
17.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 49/139
47
En
Chine
comme
ailleurs,
es
épices
ont
le
rôle
bien
connu de
correctifs
iététiques
mais elles ont aussi
la
fonction
e
corriger
u
d'améliorer
es
goûts,
ce
qui
est leur
véritable
ttribution
ans l'art
culinaire.
Ainsi,
par
exemple,
Hu Sihui
justifie
a consommation
e
la
chair de
loup par
la
possibilité ue
l'on
a
«
aujourd'hui
de la
préparer
avec
des
épices,pour
en améliorer e
goût
.
Certes,
a fonction orrec-
tricede
l'épice
est l'une des
justifications
vouées de son
emploi,
mais
d'autres
facteurs
lus
subtils
ouent
aussi, car,
il
n'est
pas
indifférent
de
pouvoir
jouter
aux
alimentsdes substances
rares
et chères
dont
les vertus ont
ugées
immenses
ar rapport
la
quantité
utilisée.
Parallèlement l'emploides mélanges d'épices et des condiments
courants
appartenant
u
fonds chinois
de la cuisine de
Hu
Sihui
(cf.
plus
haut),
on
relève,
n
quantité
décroissante,
'utilisation 'assa-
foetida,
e
galanga,
de
safran,
e
clavalier,
de
moutarde,
e
basilic,
de
curcuma,
e
poivre
ong,
de
cannelle,
Amomum anthioid.es
Wall,
d'ail,
d'aneth,
e
mastic,
de
camphre,
e
fenugrec,
e
nard,
de
jiaxiang
(42)
et d'eau de
rose.
Cette liste n'est
pas
sans
rappeler
celle
des traités médiévaux
européens.
De
fait,
gingembre,
oivre,poivre
ong,
coriandre,
alanga,
safran,
urcuma,
mastic,
annelle et
eau
de rose font aussi
partie
de
l'arsenal ondimentairee la cuisinemédiévale uropéenne. n revanche,en Chine
pas
trace de noixde muscade ni de clous de
girofle
i
large-
mentutilisés en
Europe
(43).
Si
ces
produits
ont
d'emblée
pour
nous un caractère
exotique
et
contribuent e ce fait
à
caractériser
a cuisine médiévale
européenne,
il
est
plus
difficile e le dire
pour
celle de Hu Sihui.
Certes,
ar rapport
à la cuisine
chinoise standard
actuelle,
cette
liste
correspond
une
débauche
d'aromates,
ar les condiments es
plus
courants
ujourd'hui
sont le
gingembre,
e
piment,
a
ciboule,
'ail,
la coriandre
fraîche,
e
clavalier
et
les sauces de
soja.
De même
que
nous
n'avons
plus guère
dans notre armoire à
épices que
le
«
quatre
épices
»,
les Chinois ne
disposentplus que d'un « cinq épices», habitudes résiduelles de ces
mélanges
'épices
si courantes u
MoyenAge.
Seule
une étude
portant
ur
l'usage
des
condiments n Chine
depuis
l'antiquitépourrait
nous
indiquer
en
quoi
Hu
Sihui
est novateur.
l
faudrait n
effet avoir
lesquelles
de
ces
épices
étaient considérées
comme
exotiques
ou relativement ares. Si l'on
compare
la
liste des
épices
utilisées
par
Hu Sihui et
celles
du
mélange
«
fines
pices
»
men-
tionnéedans
le Manuel de chinois
pour
Coréens,
dont on
peut
penser
42.Cf.note36.43.Le clou de
girofle
t la noix de
muscade,
lantes
non
indigènes
la
Chine,
mais
bien connuesdes
Chinois,
emblaient
lus
employés
n
pharmacopée
u'en
cuisine.
Cf. B.E.
READ,
ChineseMateriaMedica
Vege-
table
Kingdom
Shanghai,
911,
éimpression,aipei,
SouthernMaterials
Center'
nc.,
1979,
.
95 et
p.
276.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 50/139
48
qu'elle
constitue
un
répertoire
de
base
relativement ourant
pour
l'époque,
on
voit
que
l'utilisationchez Hu
Sihui,
d'assa-foetida,
e
safran,
de
curcuma,
de
mastic,
de
camphre,
de
fenugrec,
tc.,
peut
constituer
n fait
original.
Ge
que
nous
voudrions
uggérer
maintenant
c'est
que
Hu
Sihui,
animé d'un
comportement
imilaire
celui
qui
a
inspirē
les cuisiniers occidentaux
(44),
emploie
une
telle diversité
d'épices
moins
pour
valoriser e
goût
des
aliments
ue
pour
hausser sa
cuisine à un niveau
qui
la
distingue
de celle du
peintre
Ni
Zan
par
exemple
45).
En
effet,
Hu
Sihui
lui-même,
nous fournit 'indication du
prixqu'il attache certainesde ces épices en ne les citantqu'avec la trans-
cription
e leur
nom
mongol,
rabe ou
turc lors même
qu'il
en connaît
parfois
e
nom en
chinois.
C'est
le cas de
l'assa-foetida,
u
safran,
du
mastic,
t du
camphre.
l
connaît e nom
chinoisdu
camphre
ongnao
et de
l'assa-foetida
aweï)
puisqu'il
l'utilise
par
ailleurs sous
ce nom.
Toutefois,
l
ne
semble
connaître e mastic
que
sous sa
transcription
de
l'arabe,
car
après
avoir
donné
ses
caractéristiques
harmacopéiques,
il
précise
n note
que
c'est
une
espèce
très
parfumée
ui pousse
dans les
pays
arabes. Le
safran,
u'il
utilisehuit
fois,
«
est
»
lui semble-t-il une
fleurde
carthame
qui
croît en
pays
musulman». Il lui attribue a
propriété hérapeutique e chasser la tristesse t de réjouirle cœur,ce
que
faisait
déjà
au XIII* siècle Ibn
Beïthar,
e célèbre botaniste
du
monde
musulman
46),
et
que
Rabelais
reprend
son
compte
au
XVI'
siècle
lorsqu'il
dit
que
le safran fait
rire.
C'est d'ailleurs
pour
cette
fonction
hilarante
que
Hu
Sihui
l'utilise
dans les recettes de
cœur
et
de
rognons
grillés,
recettesdont on
pourrait
penser qu'elles
viennent
irectement u
fond, es
steppes
mongoles,
ar elle consistent
en
des
brochettes
'abats de
mouton
grillées
même a
flamme,
mais
qui
sont ici
anoblies,
car
les
abats
sont,
avant
d'être
cuits,
marinés
dans
de l'eau
de
rose,
puis
enduits de
«
jus
de
safran
pendant
a
cuisson.
Dans les
autres
recettes,
e
safran,
arfois
ssocié au curcuma
a le même rôle de colorant aune que dans les cuisines de l'Europe
médiévale.
Par
ailleurs,
n a
l'impression
ue
Hu Sihui
inverse es valeurs de
certains
roduits.
ans la
liste
d'épices
classées
par
ordre de
fréquence,
il
est
effectivementurieux
de constater
ue
le
clavalier
est
pratique-
44. La
cuisine
des
textes
ulinairesmédiévaux
e
veut
aristocratique
t
distinguée
et
l'un
des
moyens
e se
démarquer
u
commun
tait
d ntro-
duire ans
es
préparations
es
épices
rares t
chères
ont
a consommation
était
réservée
une élite. Cf.
Le
Cuisinier
rançoys,
extes
présentés ar
J.L.
FLANDRIN,
. et M.
HYMAN,
Bibliothèque
leue, Paris, Montalba,
1983,
.
18
et
suivantes.
45. Nousavonsdéjà suggérécf.note26) que les « critères e distinc-
tion
sur
lesquels
e
fondentes cuisines e Hu Sihui
et de Ni Zan
sont
complètement
ifférents.
46. .
BEITHAR,
e
Traité es
Simples,
.
LECLERC trad.. n Notices
et
extraits es
manuscrits
e
la
Bibliothèque
ationale,
aris,
mprimerie
Nationale,
ome
25-1, 881,
p.
208-210.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 51/139
49
ment
éliminé
au
profit
u
poivre
6
emplois
contre
24),
alors
que
de
nombreuses
ariétés e clavaliers utochtones
taientutilisées n
Chine,
et
ce,
depuis l'antiquité
47).
Nous avons
vu
que
c'est
l'épice
préférée
du
peintre
Ni
Zan.
Le
poivre
et le
poivre
ong,
dont
l'origine
ndienne
était bien
connuedes Chinois
48)
gardaient-ils l'époque
de Hu Sihui
un
certain
prestige
u fait de leur
origine
u
de
leur
provenance
des
régions
ud)
ou
bien
s'agit-il
e la
manifestation'une réelle
préférence
de
goût
pour
des aromates
plus
amers
et
plus piquants.
La
liste
des
épices
utilisées
par
Hu Sihui
place
sur le même
plan
l'ail et l'eau de
rose,
mais si leur
emploi
est
égal
en
occurrences,
l
ne saurait avoir la
mêmesignification.'ail n'estemployéque deux fois,dans la recette
de
pâtes
«
Tutumashi
et dans
celles des
«
Aubergines
arcies
(49).
Ni
Zan de
son
côté
ne
l'emploiequ'une
seule
fois,
dans
une
recette
de
tripes
de
porc.
Cet aromate
qui
faisait
partie
des condiments suels
sous
les
Han
(50)
avait-il
erdu
tout crédit ux
yeux
des
contemporains
de Hu
Sihui ou du moins de ceux
qui
prétendaient
aire une cuisine
aristocratique
omme Hu Sihui ou une
cuisine raffinée omme
Ni
Zan.
Si
oui,
cela
expliquerait
ourquoi
Hu Sihui
ne lui
permet
ue
deux
appa-
ritions,
t
encore sous
le
couvert d'habitudes
étrangères.
L'eau
de
rose
qui
faisait
'objet
d'un
commerce
ntre les
Chinois
et les Arabesdans les Iles de l'Archipel ndonésien, Ceylan (51) etdans le Golfe
Persique
52) est un
produit
onnoté« musulman . Son
emploi
dans
la marinade
du cœur
et du
rognon
grillés
diffère
e celui
qui
en est fait n Occident
ù elle
parfume
es
plats.
47. M. PiRAZZOLI-T
SERSTEVENS,
«
La consommation
limentaire
l'époque
Han
»,
à
paraître,
n Grand
Atlasde
l'Archéologie
Paris,
Encyclo-
paedia
Universalis.
48. B.
LAUFER,
ino-Iranica,
hineseContributionso the
History
f
Civilizationn Ancient
ran,
Chicago,
ield Museum f Natural
History,
Publication
01,
Anthropological
eries,
vol.
XV,
n°
3,
1919,
éimpression,
Taipei,
Ch'eng
wen
Publishing
ompany,
978,
p.
374-375.
49.Dans le Manuelde chinois ourCoréens,n nousapprend ue ces
pâtes,
façonnées
u
plat
de la mainen forme e fines
alettes,
ont
cuites
a l'eau
puis
servies vec
un
accommodement
e
tranches e mouton autées
au
beurre,
u sel
torréfié,
n
peu
de sauce
aigre-douce,
n
hachis
d'ail et
du
fromage.
u
Sihui,
uant
lui,
joute
cet
assaisonnement
e la ciboule
frite
t
du basilichache.
Cette
ssociation
asilic/ail/fromage,
tilisée ussi
dans la recette
es
«
Aubergines
arcies ne relève
robablementas
d'un
goût
spécifiquement
hinois,
même i comme e montrent
lusieurs
ocu-
ments
ontemporains,
e
«
tutumashiétait un
plat
relativement
épandu
à
l'époque
de Hu Sihui.Notons
ue
le
basilic,
'ail
et le
fromage
parmesan)
sont es
composants
u
«
pesto
,
typique
e la cuisine es
pâtes
en
Ligurie
actuellement,
t dont nous
n'avons
pas
noté l'existence ans
les textes
culinairestaliens
u
XIVe,
XVe
et
XVIe
consultés.
50.
M.
PIRAZZOLI-T'SERSTEVENS,
p.
cit.
51. SU
Jiqing
d.
d'après
WANG
ayuan,
aoyi
zhiliie
Annales
ur
les
Etrangers es Iles) (XIVe),Daoyi zhiliiexiaoshi,Zhongwai iaotong hijicongkan, ékin, honghuahuju,1981, . 43 et p. 270.
52.
F.
HIRTH,
W.W.
ROCKHILL,
hau
Ju-kua,
is Work n
the Chinese
and
Arab
Trade n the
twelth nd
thirteenth
enturies,
ntitled hu-fan-
chi,
St
Petersbourg,mperial
Academy
f
Science, 911,
éimpressionaipei,
Ch'eng
wen
Publishing
ompany,
967,
.
13.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 52/139
50
Les
Chinoisestimaient
ue
l'assa-foetida
rovenait
de
l'Inde et de
la
Perse cette
résine assez
mal
connue,
utilisée
en Inde dans
la
cuisine,
onnaissait
n
Chine
un
emploi
en
pharmacopée
omme
anti-
poison
et
digestif.
Hu
Sihui,
en
l'employant
fois fait
preuve
d'une
originalité
ertaine. Faut-il
mettrecette
faveur sur
le
compte
d'une
habitude
mongole,
omme certains e
pensent
53)
ou bien voir dans
cet
usage
l'hommage
endu
par
notre
uteur,
ux
cuisines
prestigieuses
de l'Inde et du
monde
arabo-persan
-
Les
couleurs
Une des caractéristiques e la cuisine médiévale occidentaleest
l'existence e
plats
«
teintés
ou dont certains
léments
nt
été artifi-
ciellement olorés
par
des
produits
limentaires u
non alimentaires.
Des
matières
inctoriales omme e
tournesol
t
l'orcanette ont intro-
duites dans des
bouillons
pour
coloreren
rouge
ou
bleu des
gelées
ou
des
potages,
andis
que
le
safran
st surtout
xploité
pour
sa
propriété
de
colorer
en un
beau
jaune
vif.
Cet
usage
va de
pair
avec
l'habitude
de
présenter
u
cours de
banquets,
des
plats
factices ou
d'apparat,
comme
pâtés
d'oiseaux
vivants
54)
ou
château
en
pâte
(55),
et ne
peut
se
concevoir
ue
dans une
cuisine de
cour. Hu Sihui
utilise es colo-
rants vec modestie 11 recettes) t se limite deuxcouleurs, e jaune
et
le
rouge.
Pour
colorer n
jaune,
il
se
sert du
safran,
eul,
ou associé
au
curcuma
u à
un
gardenia
Gardenia
asminoïdes
Ellis).
Des
potages
sont
colorés en
jaune
tels
le
«
Potage
Ba'erbu
»,
le
«
Potage aune
»,
le
«
Potage
d'ours
,
des
grillades
comme
le cœur
et le
rognon
en
bro-
chettes,
insi
que
de
fritures
omme
es
«
Brochettes
e
boudin ou le
«
Poisson curcuma .
Le
colorant
rouge,
yanzhi qui
est
probablement
de la
graine
de
baselle
rouge
56)
est
moins
employé.
Ainsi
es
«
Petits
pains
en
fleurs sont
colorés en
rouge
après
avoir
été
découpés
en
forme e
fleurs. e
même
a fressure
e
mouton
uite,
utilisée
dans
la
«
Tête
de
mouton fleurie
est colorée
en
rouge pour
s'assortir au
jaune de l'omelette t à l'orangedes carottesqui, découpéesen forme
de
fleurs
lles
aussi,
constituentes
autres
ngrédients
u
plat.
Malgré
leur
aspect
rudimentaire,
es
teintures
dénotent
chez Hu
Sihui un
certain
ouci du
décorum.
l
est
dommage
ependant
ue
son
textene
nous donne ucun
renseignement
ur a
manière
onttous
ces
plats
sont
présentés
t
consommés
hors de la
cuisine. Si
Hu
Sihui
s'essaie de
manièreun
peu
simpliste
jouer
les
peintres
n
cuisine,
l
semble en
53.
B.E.
READ,
Chinese
MateriaMedica
Vegetable
Kingdomop.
cit.,
p.
174.
54.
«
Del
pastello
i
uccellivivi
in
Libro
della
cucina
del secolo
XIV,
op. cit.,p.
58.
55.C.B.HIEATT,S. BUTLER,Pain,vinet veneison. n livrede cuisinemédiévale.Montréal. es Editionsde l'Aurore. 977. Entremés.
56.Le
terme
yanzhi,
ui
signifie
colorant
ouge
,
ne
correspond
as
à
une
appellation
otaniqueprécise,
mais
réfère
robablement
Basella
rubraL. On
relève
déjà
son
utilisation
omme
osmétique
ans des textes
du
VIe
sièclede notre
re.
Cf.
Qimin
yaoshu
iaoshi,
p.
cit.,
p.
269
note
28.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 53/139
51
revanche
n'attacher ucune
importance
l'alliance
et au
contraste
des
couleurs
naturelles es
divers
ngrédients
'un
plat, préoccupation
ui,
à l'heure
actuelle
constitue
'un
des
fondements e
l'art culinaire
chinois.
-
Les
potages
L'usage
des
épices,
l'habitude
de
colorer
les
plats
sont
autant de
points
ommuns
ui
rapprochent
a
cuisine
de Hu
Sihui de celle
de ses
contemporains
ccidentaux.
Même
si
ces
rapprochements euvent
paraîtrehasardeux, ls n'en sont pas moins significatifs.errière es
marmites
ont es
échanges
ommerciaux
rospères, changes
l'échelle
mondiale,
ui
modèlent,
éforment
t
transformentes modes
de consom-
mationet les
préparations
limentaires,
la
manière d'une onde
de
choc amortie
par
la distance et les obstacles.
Et
finalement,
l
n'est
guère
étonnant
ue
les
épices,
ces valeurs marchandes
ui
passaient
d'une
main à
l'autre,
ient dans
ce contexte
déclenché des réactions
similaires
t conduit
des
usages
comparables.
Plus intéressantes
áns
un
sens,
sont les similitudes
qui
ne
s'appuient
sur aucune raison
économique.
Ainsi,
dès le
début de cet
article,
nous avons noté la
place
consi-
dérable des tang « potages qui représentent /3 des recettes du
recueil de Hu Sihui.
De
même,
nous
remarquions
'importance
n
nombre
des
potages
(de
1/4
à
1/3
des
recettes)
dans les manuscrits
français
u XIV' siècle
57).
Certes,
arler
de
«
potage pour
la France
et
de
«
tang
pour
la Chine
correspond
une
approximation our
une
grande
diversité
e
plats.
En
France,
et ensemblerecouvrait es
plats
composés
de
solides,
ssociés à une
plus
ou moins
grande
quantité
de
liquide
contrairement
ce
que
sont es
potages
actuellement,
ssentiel-
lementdes
liquides épais)
et
qui portent
es
noms de
potage,
civet,
brouet,boussac,
etc. En
Chine,
es
préparations
n
bouillon,
dont la
nature même et les différences estent
préciser,
taient
regroupéessous les appellations tang,genget zhou. Cependant, u-delà de cette
diversité,
e
qui
nous
semble
important,
'est la
présence
massive de
cette
catégorie,
ont on sait
par exemple,
qu'elle
constituait ous
le
nom de
geng
e
plat
principal
d'accompagnement
es
céréales sous les
Han
(58).
Bien
qu'on
ne
sache
pas quelle
place
occupait
ce
plat
dans
le
repas
sous
les
Yuan,
on
peut
supposer qu'il
connaissait
une très
large
diffusion
t
que
les
recettes e Hu Sihui
ne
sont
que
les
versions
sublimées e
préparations
rdinaires. ar
même
i
la
cuisine
de Hu Sihui
est une cuisine de haut
rang,
lle
ne
peut
être
entièrement
maginaire
57. F.
SABBAN,
Le savoir-cuireu l'artdes
potages
dans le
Ménagier
de
Paris et le
Viandier e
Taillevent
,
Manger
t
Boire
au
Moyen
Age,
IIe
Colloque
nternationalu
Centre
'EtudesMédiévales e
Nice,
oct.
82,
à
paraître
ans les
Actesdu
Colloque.
58.M.
PIRAZZOLI-T'SERSTEVENS,
p.
cit.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 54/139
52
ou
synthétique,
lle est
nécessairement
e refletd'habitudes
de son
époque.
Or il
semble
bien
qu'au
XIVe
siècle
en
Chine,
on consommait e
manière
mportante
es
plats complets
que
sont les
potages
où sont
associés
le
substantiel t le
liquide
c'est-à-diree boire
et le
manger
Mais,
de
même
que
leur
nature se
transforme
rofondément
en
France,
ls finissent
ar
contenir
e
moins
en
moins
d'éléments
olides,
pour
la Chine
l'analyse
reste
à faire
-
leur rôle s'amenuise
considé-
rablement,
eur
nombrediminuant
59).
- Les pâtes alimentaires
Un trait
igne
de son
originalité
a
cuisine
de Hu
Sihui
par
rapport
à
ses
contemporaines
c'est
l'usage
qui
est fait des
céréales
et
en
particulier
des
pâtes
alimentaires.
Aucune des cuisines
occidentales
n'accorde
une telle
place
à
ces
deux
types
d'aliments.
Les
céréales,
dans les
manuscrits
français,
nglais
et italiens sont
cuites
en fro-
mentées, venat, etc.,
c'est-à-dire
réparée
en bouillies
épaisses
dans
du
lait de vache ou
de
chèvre,
du
bouillon
ou du lait
d'amande
en
Carême
60),
mais les
recettes n sont assez rares
et
peu
variées.
Quant
aux
pâtes, ignorées
en
France,
elle font une timide
apparition
en
Angleterre61) et une belle percéeen Italie (62).
59.
Au
XVIIIe
siècle,
sur
plus
de 800 recettes
e la
Cuisinière
our-
feoise
oppens,
La
éd.
Cuisinière
1774,
dition
ourgeoise,
fac-similée
uivie
La
Cuisinière
e
l'Office,
Bourgeoise
ruxelles,
de
MENON,
rançois
feoise
oppens,
d.
1774,
dition
ac-similée
La
Cuisinière
ourgeoise
e
MENON,
postface
ar
A.
PEETERS, Paris,
Temps
Actuels,
981,
98
p.),
on ne
trouve
plus qu'une
vingtaine
e
plats
nommés
potages
,
et dans
le
recueil
de
recettes u
poète
Yuan
Mei
(YUAN
Mei,
Suiyuan
hidan,
Le
menu^
e
Suiyuan),
n
Suiyuan uanji,
Shanghai,
Wenming
huju,
1918),
la
même
époque,
12
recettes eulement
e
tang-geng-zhou
ont
données
ur
un
total
de
plus
de
300
recettes.
ette
tatistique ortant
ur la
Cuisinière
our-
geoise st certes n peu faussée ar le faitqu'uncertain ombre e plats,
comme es
civets
t les
ragoûts,
lassés
parmi
es
«
potages
au
Moyen
Age
ne
disparaissent
as
du
repertoire
ulinaire
rançais
u
XVIIIe
siècle,
mais
ne sont
plus
rangés
dans
cette
catégorie. ependant
e
changement
e
catégorie
st un
indice
upplémentaire
e la
profonde
utation
e
l'ensemble
«
potages
entre e
XIVe et le
XVIIIe et cetteévolution
raduit
ne
ten-
dance
qui
n'a
pas
connud'inversion.
60. Cf.
par
exemple,
Fourmenteedans
Le
Ménagier
e
Paris,
op.
cit.,
p.
246, Ung
gruyau
'orge
mondé
dans Le
Viandier e
Taillevent,
p.
cit.,
p.
101,
«
Miglio
on
brodo de carne dans
Maestro
MARTINO,
ibro
de
Arte
Coquinaria,
p.
cit.,
p.
139,
Ryse
of flesh dans
The
Forme
f Cury,
op.
cit.,
p.
5.
61. Cf.
les recettes
ntitulées Losens
(lasagnes
)
et
«
Macrows
(macaroni
)
dans
The
Forme
f
Cury,
p.
cit.,
p.
49
et
p.
92.
62.
En
Italie,
es
pâtes
sont des denrées
épandues,
ar
elles
figurent
parmi es alimentsourants,ités dans les nouvelles u XIVe siècle.A ce
propos
cf. G.
BOCCACIO, ecameron,
iornata
ttava,
Novella
erza,
Flo-
rence,
adea/Sansoni,
966,
.
667
Informations
ommuniquées
ar
Odile
Redon).
Dans les
livresde
cuisine,
n
relève
également
es
recettes
e
ravioli,
maccaroni
t
vermicelli,
f.
par exemple
Maestro
MARTINO,
ibro
de Arte
Coquinaria,
p.
cit.,
pp.
144-145.
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53
Tableau des
pâtes
PATES NON FARCIES
shuihua
qizi
fen
mian
mixin
izi
suanzi
fen
juemian
«
qizi
cœurde riz
choufen
jizhua
mian
quesheqizi
«
mian
pattes
e
poulet»
«
qizi langue
de
pianfenmoineau xi mian
«
mianfines
dingtou
izi
«
qizi
tête
de
clou
gua
mian
«
mian
suspendues
qianyan
izi
«
qizi
trou de
jingdai
mian
sapèque
«
mian ceintures
shanyao
mian
«
gnocchid'igname
miansi
«vermicelles»
tutumashi
shoupie
mian
maqi
=
shoucuo
mian
PATES FARCIES
hetun
fugu
hundun raviolis
zhijia
bianshi raviolis
nglés
Chez Hu
Sihui,
a
préparation
es céréales et la cuisson
des
pâtes
sont
étroitement
iées à
celle des
soupes
et des
potages.
En
effet,
e
riz
n'est
préparé
«
à sec
»
que
dans une
seule
recettecomme nous
le
disions
précédemment,
ans les autres
recettes,
t c'est le cas
de toutes
les
céréales
panie, orge,
etc.)
il
est
cuit dans une
soupe (tang)
ou en
bouillie
zhou
.
La moitié
des
recettes
du
recueil
de
«
Mets
précieux
et
extra-
ordinaires est
à
base d'une ou
plusieurs
céréales.
10 recettes sont
celles de
bouillons
auxquels
on
ajoute
une céréale selon la
quantité
ajoutée
ils seront
onsidérés omme des
potages
ou comme
des
bouil-
lies. Les autressontdes recettes e pâtes (15 en bouillon,10en sauce)
et
des recettes e
pâtisserie.
Les
pâtes
sont à base
de farine blanche
(froment
),
de farine
d'euryale
(Eury
ie
ferox
Salisb.),
de
farinede
soja,
de
farine
d'orge,
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54
de farine
de
riz
glutineux,
eules,
mélangées
entre elles
selon
des
proportions
récises,
ou avec d'autres
produits
comme
de
la
purée
d'igname
uite
ou du
sang
de mouton.
D'après
les nombreux
oms
qui
leur
sont
attribués,
l
existerait
ne
vingtaine
e
variétésde
pâtes
dont
les
différenciationsont fondées
sur
l'opposition
farci/non
arci,
sur
leur
composition
t
surtout ur
leur
forme.
Toutes ces
pâtes,
même
celles
qui
sont
farcies,
ònt cuites dans
de l'eau
ou
du bouillon.
Celles
qui
sont cuites
à la
vapeur portent
'autres noms et
sont classés
avec
les recettes e
«
pâtisserie
.
Il
est difficile
'imaginer
omment
taient
ces différentes
âtes
même
si leurs noms sont
parfois
très
imagéscomme e montre e tableau des pâtes.
Tout au
plus,
pouvons-nous
aire des
conjectures
ur
ce
qûe
sont
ces différentes
âtes
à
partir
de nos connaissances ctuelles.
Les
mian
semblent
tre,
pour
la
majorité
d'entre
lles,
cuisinéesen sauce
et non
en
potage,
et
fabriquées partir
de farineblanche
uniquement.
auf
pour
ce
que
nous avons
appelé
«
gnocchid'igname
par
analogie
aux
«
gnocchi
di
patate
»
italiens
fabriqués
de
manièresimilaire
n mélan-
geant
de
la
farine
de froment une
purée
de
tubercule
uite. Les
fen,
dans la fabrication
esquelles
entre
toujours
de la farinede
soja
sont
cuites
en
potage
et doivent
u fait
de
leur
composition
tre
égèrement
transparents. uantaux
*
qizi (63),sur lesquelsnous ne savonsrien endehors des
jolis
noms
qu'elles portent,
lles se
partagent
ntre ces
deux accommodements. otons
qu'au
contraire de
ce
qui
se
passe
dans la cuisine chinoise
actuelle,
a
catégorie
des
raviolis,
regroupant
toutes les sortes de
petits
pâtés
farcis,
quel que
soit
leur mode
de
cuisson
n'existe
pas.
Ceux
qui
nous intéressentci sont
les
bianshi,
es
hundun t les hetun
64),
tous
présentés
n
potage.
Les hetun
ffrent
a
particularité
'être d'abord
frits la
grande
friture
vant d'être
etés
dans le bouillon.
La
catégorie
des recettes e
pâtisserie
oncernedes raviolis
iaor
,
des
petits pains
(
mantou
,
des
petits pâtés
(
baozi
dour
anzi),
des
grandesgalettes u levain zhengbingcuits à la vapeuret des galettes
au lait
et
au beurre
(
haobing
dont
le
mode
de cuisson
n'est
pas
précisé,
mais
que
l'on fait
cuire,
l'heure ctuelle dans
un
fourou
sur
une
plaque.
Le
mode
de fabrication
es
enveloppes
t
des
pâtes
de ces
pâtisseries
est
plus
élaboré
que
celui des
précédents
le
plus
souvent farine
+
63.
N'ayant
u
trouvere caractère
ans aucun
dictionnaire,
ous avons
reconstruita
prononciation
qi
»
d'après
'élément
honétiqueu'il
contient.
64. Le nom
de
ces
raviolisest celui
d'un
poisson
( Fugu
ocellatus,
Osbeck).
ls devaient onc avoir me
forme
llongée
essemblant
raisem-
blablement celle d'unpoisson.
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55
eau)
puisque
des
éléments omme de la
graisse,
du
lait ou
du beurre,
figurent
armi
es
composants.
Et selon
que
l'on recherche
a finesse
et la
transparence,
'élasticité u encore e moelleux de
la
pâte,
on
a
recours
de la
farinede
soja
ou on
ajoute
de la
graisse
ou
un levain
à la farine e
froment.
Une telle
richessedans
l'élaboration t
la
variété
des
préparations
à base de
céréales et
particulièrement
partir
des
farines,
st à notre
avis le
signe
distinctif
e la
cuisine de Hu Sihui. Là aussi
une étude
diachronique partir
de
l'antiquité ermettrait
e voir si
Hu Sihui
se
démarque
de la
tradition u s'il contribue enrichir
'art culinaire
de son temps.
Le
«
Recueilde mets
précieux
t extraordinaires
,
malgré
on
enver-
gure
modeste u
sein de l'œuvre
de Hu
Sihui,
est
la
pierre
de touche
qui
révèle
sous
quels
atours
chinois
es modes
mongols
peuvent
être
travestis t
comment
e
mélange
ino-mongol,
n
s'adjoignant
uelques
façons
étrangères
réussit à
passer pour
la haute
cuisine extrême-
orientalede la findu
MoyenAge.
Car cette
grande
cuisine
repose
en
partie
sur des
présupposés
qui
semblent être
universels,
savoir,
l'estime
partagée
pour
ces valeurs marchandes
que
sont les
épices
les épices,dont le réseau d'échangeest un filetqui maintient n sacohésion des manifestationsulinaires
apparemment
ussi différentes
que
la cuisine
de
Taillevent,
maître-queue
u roi Charles
V
et celle de
Hu
Sihui,
diététicien fun
mpereur
es Yuan.
Les éditions u YINSHANZHENGYAO tilisées ource travail ont
-
Une
édition
hotolithographique
'une
édition
Ming
du Sibu
congkan
xubian,
hanghai
ommercial
ress.
934.
-
Une édition
dans
l'Encyclopédie
e
poche,
Renren
wenku,
WANG
Yunvvu
d., Taipei,
Taiwan,
hangwu
inshuguaninxing,
971,
78
p.
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56
Index
des
caractères
chinois
anzi
mixin
izi
awei
niu naizi
4
-A
4
Ba'erbu
f
pianfen
baozi
12*
po'erbitang
Ķ
bianshi
R'Ä.
qianyan
izi
bu
^
qizi
"á*
choufen queshiqizi^
dingtou
izi
rubing
dour
^
Sasu
fen
^
shanyao
mian
^
ÍŽ
furong
i
^
^
shaobing
geng
shoucuo
mian
guarnían
shoupie
mian 3-Jfcíi
hetun
shuihua
'fà
huihui
iaoyou
^
1
Shuoluotuoyin
MI«.®
hundun suanzifen3Î -6"J$0
Hu Sihui
S
S ft
suyou
ûftytè
jiaor
tang
jiaxiang
f
*
tutumashi
/u
jizhua
mian
ft
A
ífll
weilei
**&
jingdai
mian
Ä
^
^
ximian
alfe
juemian
tÙ-
xi xitian hafan
ming
$ v&
lao
xi weiwu'er hafan
%>
TLi
'fe.
liaowu
xue an cai
^
liaowuxingwei yanzhi
longnao
Yinshan
hengyao
î
mantou
yukuai
maqi
zaojiang
ļ
masidaji ang
b
&
%
%
zhengbing
mianÖl
zhi
vo
miansi
zhijia
bianshi
ŒL
9<-
mihanaqueliesun
^
'irt
Q
^
zhou
3Í5
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 59/139
Massimo
MONTANARI
VALEURS, SYMBOLES,
MESSAGES
ALIMENTAIRES
DURANT
LE
HAUT
MOYEN AGE
Dans une sociétécomme
celle
du
Haut
Moyen
Age,
ù l alimentation
constitue
ffectivementn
problème,
réel souvent
(1),
psychologique
toujours
2),
la
première
«
valence
linguistique
de la nourriture
st
très
simple
et
immédiate,
e nature
économique
et sociale. Le
potens
mange
peut
manger)
plus
et
mieux
le
pauper
mange
(peut manger)
moins et
plus
mal
(3).
On
mange,
comme les textes de ce
temps
ne
manquent
as
de
le
souligner,
ecundum
ualitatem
personae
4).
Mais
qualitas est quelque chose de plus que la condition ociale c est la
condition
ociale
comme manifestation une
qualité
personnelle, ue
l idéologie
des
groupes
dominants ime
à
représenter
omme
intrin-
sèque
et immuable. a
praxis
tend lors à devenir
norme,
t le
compor-
tement
limentaire,
éterminé
ar
la
qualitas
personae
en devient n
même
temps
e révélateur. e
potensmangebeaucoup
celui
qui
mange
beaucoup
est
potens
A ce
stade
le
signe
se
codifie,
u
point
de se
transformern devoir social le
puissant
doit
mangerbeaucoup,
pour
faireconnaître
on
rang
(5).
«
L alimentation,
omme
l a
noté
Jacques
Le
Goff,
st
la
première
ccasion
pour
les couches
dominantesde la
société de manifester eur
supériorité
;
elles
adoptent,
vec le luxe
et l ostentation limentaires, n vrai et propre « comportement e
1. Ce n est
cependant as
une
raison,
mon
avis,
pour
accepter
es
images ragiquement
ombres
u on
peint
a
plupart
u
temps
ce
sujet.
Ces
images
apparentent
des lieux
communs,
urtout
uand
le
Haut
Moyen
Age
y
est
opposé
aux
périodes
ltérieures,
upposées
tort
plus
favoriséesu
point
e vue des conditionslimentaires.f. M.
MONTANARI,
L alimentazione
ontadina ell alto
Medioevo, aples 1979,
urtout
.
425
q.
2.
M.
ROUCHE,
La
faim
l époque
carolingienne
essai sur
quelques
types
de rations alimentaires
,
dans Revue
Historique,
CCL/2
(1973),
pp.
295-320.
3.
MONTANARI,
p.
cit.,
p.
457
sq. pour
le
binôme
potens
pauper
comme
pposition
ondamentale l intérieure la sociétédu Haut
Moyen
Age, f. K. BOSL, « Potens und « Pauper . Begriffsgeschichtlichetudien
zur
gesellschaftlichen
ifferenzierung
m frühenMittelalternd zum
«
Pau-
perismus
des
Hochmittelalters,
ans
Alteuropa
nd die moderne esell-
schaftFestschriftür
Otto
Brunner, öttingen,963, p.
106-134.
4.
MONTANARI,
p.
cit.,
p.
458.
5.
Ibid.,
p.
460
q.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 60/139
58
classe
»
(6).
Et celui
qui
ne
s adapte pas
à ce
langage
est
blâmé,
parce
qu il
risque
de
désorienter,
omme s il mettait
en
doute,
en
même
temps
que
le
signe,
a
réalité
que
le
signe
exprime.
C est
dans cette
logique que
s inscrit
anecdote
rapportéepar
Liutprand
de Crémone
dans
YAntapodosis
l évêque
de
Metz,
s apprêtant
n 888 à recevoir
Guy
de
Spolète
pour
e
couronner oi des
Francs,
ui
prépara
de
grands
honneurs t de
nombreux
mets
ayant ppris
ensuite
a
frugalité
e ses
mœurs
alimentaires,
l
lui
préféra
Eudes,
comte
de
Paris,
exprimant
sur
Guy
un
jugement
méprisant
«
il
n est
pas digne
de
régner
ur
nous,
celui
qui
se
contented un
vil
repas
de
quelques
sous
»
(7).
Le
faitde mangerbeaucoup est donc retenu comme signe distinctif u
mode de vie
des
puissants,
uivant
une
éthique
de
comportementui
paraît
caractériser
urtout e monde chrétien
ontinental,
ormé
sur
les
modèles de vie
propres
aux
aristocraties
germaniques.
e
même
Liutprand
ne
manque pas
de
compter
a
sobriété
au
nombre
des
faiblesses du Rex
Grecorum,
empereur
byzantin
Nicéphore
au
contraire e Rex FrancorumOtton
n est nullement obre
(
nunquam
parous)
et
Liutprand
xalte
sa
grandeur,
a force et son
courage
(8).
Le
pauper
de son
côté,
doit se contenter e
sa
propre
situation
sociale sans viser à
des
comportements
ropres
d un
rang
différent,
à commencer ar les comportementslimentaires. e moine Alcuin,illustrant es différentes anifestations u vice de la
gourmandise,
évoque
le
péché
de
qui
«
se
fait
préparer
es mets
plus
raffinés
ue
ne
l exige
a
qualité
de sa
personne
(9).
Il
existe aussi un
aspect qualitatif
de
la
question
le
potens
non
seulement
mange
doit
manger)beaucoup,
mais
il
mange
doit
manger)
surtoutde la viande. Il
est vrai
que,
pendant
e
Haut
Moyen Age,
a
consommation e viande ne
joue pas
encore
vraiment e rôle de
status-
symbol
u elle
assumera dans
les siècles à venir.
En
effet e
type
d éco-
nomie,
argement
asé sur
l élevage
et la
chasse en
même
temps que
sur
l agriculture,
ermet
un
approvisionnement
égulier
en
aliments
carnés à tousles niveaux ociaux (10).C estpourquoi e « signealimen-
taire de
la
distinction
ociale est de
nature
surtout
uantitative.
Mais
pour
es membres
e
l aristocratie
militaire,
onsommer
e la viande
ne
répondait
pas
seulement
un
besoin
de
subsistance.
C était aussi le
symbole
e la
force,
image
limentaire une
violence
ui
faisait
partie
de leur
culture,
a
manifestation
uotidienne
e
leurs
mœurs
t de leur
6. J.
LE
GOFF,
La
civilisation
e
l Occident
médiéval
Paris, 964,
.
439
voir
ussi
p.
292.
7.
Ltudprandi
pera
ed.
J.
Becker,
M.
G.H.
Script
r
s
rerumGermani-
carum
n usum
cholarum, anovre-Leipzig,915. .
18.
8. Ibid pp. 196-197c est un passagede la Relatiode legationeonstan
tinopolitana).
f. MONTANARI,
p. cit.,
pp.
462-463
et
pp.
460-461,
our
l épisode récédent).
pp.
*
9. ALCUINI Liber
de
virtutibust
vitiis, XVIII,
dans
MIGNE,
Patro-
logia
Latina.
CI,
c.
633.
10.
MONTANARI,
p. cit.,
p.
221
q.
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59
mentalité
11).
En
être
privés
tait
pour
eux
intolérable,
t on
comprend
bien
pourquoi
interdiction
e
manger
de
la viande
pouvait
apparaître
commeune
punition
rès
grave,
nstituée,
l époque
carolingienne,
our
des délits
tels
que
retardsou
refus du service militaire
12).
Au-delà
de
l aspect
trictement
unitif,nspiré
e
dispositions
nalogues
prévues
par
les
normes
cclésiastiques
ontre
ous
es
pécheurs
13),
abstinence
forcée e
viande devaitavoir
aussi,
pour
es
puissants,
ne valeur
sym-
bolique,
signe tangible
de
l exclusion
plus
ou moins
provisoire
de la
société des forts
14).
Car dans ce cas aussi la
praxis
s était trans-
formée n
norme,
habitude
limentaire
tait
devenueune
obligation
et le faitd y manquer,par nécessité ou par choix,se traduisaitau
niveau social.
L oppositionproposée par Liutprand
entre
le
roi des
Francs
et le roi des
Grecs,
citée
plus
haut
(15),
signale
entre
autres
«
vices
de ce dernier
on habitude
de
manger
il,
oignon
t
poireaux
entreautres
«
vertus du
premier,
e
fait
qu il
ne
mange pas
de ces
produits
qui,
évidemment,
xprimaient
autres
valeurs,
étrangères
l éthique ristocratique.
Il
existait
n
effet
ans la
société
du
temps
un
autre
modèle,
otale-
ment
différent,
e
comportement
limentaire.
était celui
proposé
par
la culture
monastique,
ur une échelle de
valeur
complètement
nver-
sée (16). Si l éthique aristocratique dmettaitcomme signe d auto-identificationociale le fait de
manger beaucoup
et surtout de la
viande,
a
propositionmonastique
tait de
trouver e
signe
de
distinc-
tion et de force non
pas
physique,
mais
spirituelle
dans le fait
de
manger
peu,
de macérer
son
corps
par
le
jeûne,
de s abstenirde
viande. La
casuistique
des
prescriptions
t des
exclusions
pensées
avant tout
pour
les
membres des
communautés
monastiques
mais
proposées
l ensemblede la société
comme modèle
-
était en réalité
extrêmementariée de
toutes
façons
l
s agissait
d un
code de
compor-
tement
limentaire
ui
assurait
ui
aussi
l identificationu
groupe,
n
plus
d un
espoir
de
récompense
éleste.
Accepter
omme
norme
de vie
la continencealimentaire,refuser,totalementou partiellement,a
consommation
e
viande
pour
adopter
une
alimentation
endantielle-
ment
végétarienne,
ela
signifiait
efuser e
monde,
hoisir un
modèle
de
vie
pacifique,
uidé
par
les
valeurs de
l esprit
plutôt que
du
corps.
11.
bid.
pp.
261
q.,
461-464.
12.
Capitulare
ononiense
a.
811),
n
CapitulariaRegum
Francorum,
I
(
M.G.H
Leges, ,
ed. A.
Boretius-V.
rause),Hannovre, 883,
.
74, p.
166.
13.Voir sur ce thème
M.G.
MUZZARELLI,
Norme i
comportamento
alimentare ei libri
penitenziali
,
dans
Quaderni
Medievali,
3
(1982),
pp.
45-80.
14.En
effet
obligation
e s abstenir
e viande
llait
souvent vec celle
de déposer es armes cf.MONTANARI,p. cit., p. 462 à proposde lapénitence
mposée
n 999à Ardouin Ivrée
pour
avoir
dirigé
es assassins
de
l évêque
de
Verceil).
15.
Cf. ci-dessus,
ote 8 et
contexte.
16.
MONTANARI,
p.
cit.,
p.
464
sq.
(mais
je
viens
de
lancer une
recherche
pécifique
ur
ce
thème).
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60
Que
la
pratique
du
jeûne
et de
l abstinence
it été souvent
trans-
gressée,
u
bénéfice
d un
comportement
limentaire
ien
plus proche
de
l éthique
aristocratique que
des
règles
monastiques,
voilà
une
contradiction
ui
s explique
non
pas
tellement
n termes
de faiblesse
ou
d indignité
personnelle
qu en
signe
d intégration
conomique
et
politique
du
corps
ecclésiastique
à
son
niveau le
plus
haut)
dans
les
rangs
de
l aristocratie,
n
pleine
adhésion avec ses codes
de
compor-
tement
17).
C est
pourquoi
la valence
sociale
du
signe
alimentaire
peut
aller
jusqu à
infléchir
paradoxalement
même
l image symbolique
du
« repas spirituel , opposé comme vraievaleur à la misèredu « repas
terrestre. Ainsi
un texte
hagiographique
u VHP
siècle,
la Vita du
moine
Appien,
écrivant
œuvre aintede
diffusion
e
la
parole
de
Dieu,
précise
dans un
crescendo
ignificatif qu elle
se limita restaurer
(recreare)
les
pauperes,
tandis
qu elle
rassasia
pleinement pleniter
refecit)
es mediocres
quant
aux
divites et
pauperes
elle
les
combla
de
banquets
pirituels spiritualis pulis
saturavit) 18).
Le même
contexte ulturel
monastique
nous
permet
d éclairer
d autres valences
sémantiques
de la
nourriture. lle
peut
signifier
l opposition
du
quotidien
et
de la
fête,
que
l on
rencontre
ailleurs,
sous des acceptionsdifférentes,tous es niveaux ulturels e la sociétédu
temps.
La
Règle
du Maître
par exemple
prévoit
des distributions
supplémentaires
e nourriture
our
les
jours
de
fête,
marqués
aussi
par
la
consommation aliments
ucrés
(19).
La
règle
de saint
Benoît
tend
plutôt
à relier
alimentation
u
travail,
prescrivant
augmenter
les
rations
de ceux
qui
se
consacrent
ux
travaux
des
champs
comme
il
arrivait
ncore
dans le
monachisme
rimitif)
20).
Mais le
«
sens
»
de la
nourriture
e
s arrête
pas
à sa
capacité
de
représentation
t communication.
u-delà es
valences
éthiques
t com-
portementales,
lle
tend
à se
charger
de
significationslus
proprement
symboliques,
ans
un
processus
d élaboration
onceptuelle
avorisé
ar
la propension e la culturereligieuse e ce tempsà interpréterymbo-
liquement
a
réalité
terrestre,
la
comprendre
omme
me
image
(au
sens
presque ontologique)
de
l unique
réalité
réelle,
celle de
l esprit.
L indication
de Raban
Maur,
suivant
laquelle
les
légumes
«
peuvent
signifier
a
continence,
pposée
à la
luxure,
et la
mortification u
17. bid.
pp.
466-467.
18.Vita
Apiani apiensis,
ans
Acta
Sanctorum, artu,
,
p.
319.
19.
Regula
MagistřiXXVI,
11-12
edition
A. De
Vogiie,
La
Regle
du
Maître
Paris,1964).
20.RegulaBenedicti, XXIX,6 (éditionA. De Vogíié,J. Neufville,a
Règle
de
Saint
Benoît, -II,
Paris,
1972).
ur
les
différencesntre
es
deux
règles
propos
du
régime
limentaire,
oir A. DE
VOGÜE,
«
Travail
et
alimentation
ans les
règles
de saint
Benoît t du Maître
,
dans Revue
Bénédictine,
XXIV
1964), p.
242-251
cf.
e commentaireu
même uteur
à
La
Règle
de Saint
Benoît, p. cit.,
VI,
p.
1133.
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62
du
milieu ulturel t cultuelchrétien.
e
repas
rituelde viandes
consa-
crées aux
divinités
paraît
un moment essentiel
de
la vie
religieuse
païenne,
énoncé t combattu
ar
les
autorités
cclésiastiques.
es
Lom-
bards,
avant leur conversion à la nouvelle
foi,
consommaient
es
carnes immolaticias
25).
De
même les
Saxons,
et la
persécution
eli-
gieuse
fut,
ustement
contre
eux,
un des
objectifs
majeurs
de la
politique
expansionniste
de
Charlemagne.
e
capitulaire
de
partibus
Saxoniae,
promulgué
dans
les dernières
décennies
du
VIII*
siècle,
condamne
a
coutume
païenne
de
manger
des
aliments
ad honorem
daemonum
26),
et
institue
a
peine
de mort contre
ceux
qui
refuse-
raient e jeûne quadragésimal t mangeraient e la viande au mépris
du christianisme
pro despectu
christianitatis
27).
C est donc
tout à
fait
onsciemment
ue
le
comportement
limentaire st
ressenti
omme
«
signe
d une
identité
eligieuse,
omme
instrument
our
manifester
et
communiquer acceptation
u le refus
de cette dentité.
Le
comportement
limentaire
peut
aussi
exprimer
une identité
nationale
ou
ethnique,
de
signe
positif
orgueil
d en
être)
ou
négatif
(mépris
nvers
qui
en
est),
s entrecroisant
vec les sens ci-dessus
tu-
diés.
On retrouve
éthique
du
manger-beaucoup
n tant
que signe
de
noblesseet de force
physique,
mais renforcée
une
acception
thnique,
dans la louangefaite aux Francs d êtrede grands mangeurs d êtredonc un
peuple
noble et fort.
L évêque
de Metz
prépara
pour Guy
de
Spolète
«
de nombreux
mets,
suivant
usage
des Francs
,
écrit
liut-
prand
dans
le récit
déjà
cité
(28).
Et nous avons
déjà
dit
que
le roi
des Francs est
orgueilleusement
éfini
nunquam
parcus
(29).
De son
côté le
biographe
d Odon,
abbé de
Cluny,
quand
il
parle
du
régime
frugal
adopté par
le
pieux
personnage
depuis
son
enfance,
ne
peut
s empêcher
e relever ombien était contra naturamFrancorum
30).
Nous trouvons un
exemple
contraire,
de
mépris
de
la nationalité
d autrui,
ans le
dégoût
manifesté
ar
Sidoine
Apollinaire
our
l odeur
d ail et
d oignon
xhalée
par
ses hôtes
burgondes
31).
Jusqu ici ai cherché mettre n lumière a fonction e la nourri-
ture et
du
comportement
limentaire
omme
expression
d une identité
personnelle
u
de
groupe.
Je voudais
maintenantmontrer l aide
de
quelques exemples,
eur
usage
en tant
qu instruments
e
représen-
tation des
rapports
entre
es
personnes,
es
groupes,
es institutions.
Une
première xpression
e la hiérarchie ociale est
la
place
à
table,
déterminée
n
fonction
e
l importance
es
personnes
t
de
leurs
rap-
25.
Cf. épisode
aconté
ar Grégoire
e Grand ans es
Dialogues,
II,
27
(éd.
A.
Moricca, ome, 924, p. 198-199).
26.
Capitulado
e
partibus
axoniae
21,
dans
Capitularia
egum
ran-
corum. . ov. cit..
n.
26. p.
69.
27. bid..4 (p. 68).28.
Cf.ci-dessus,
ote t contexte.
29.
Cf.
ci-dessus,
ote t
contexte.
30.
OHANNIS
TALICI
Vita Sancii
Odonis,
dans
MIGNE,
Patrologia
Latina
CXXXIII,
c.
51.
31.
MONTANARI,
p.
Cit.t .
463.
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63
ports
réciproques.
e
degré
de
pouvoir
de chacun
est
signifié
ar
sa
place, plus
ou
moins
proche
de celle du
chef,
uivant
un rituel
plus
ou
moinsformalisé. la table
de
l empereur yzantin,
attribution
es
places
était
particulièrement
igoureuse,
omme nous
l explique
Liut-
prand,
mbassadeurd Otton er
rès
du
roi des
Grecs,
fort
rrité
d avoir
été
relégué
la
quinzième
lace
(32).
La mauvaise
humeur
de
Liutprand
prouve
d ailleurs
u en
Occident ussi le rituel
de table
était considéré
fortement
ignificatif.
lus informel
mais
non moins
révélateur
est
l usage
lombard
rapportépar
Paul
Diacre,
suivant
equel
le fils
du roi
ne
pouvait
s installer
la
table
de
son
père qu après
avoir
pris
les
armes à l ennemi 33). Alorsseulement,yantmontré a forceet son
courage,
l
pouvait
asseoir à la table des chefs.
Même
dans la société
monastique, ui pourtant
ne
prévoit
pas
de
hiérarchies
ormelles ntre ses
membres,
es
places
à
table sont
attri-
buées en fonction e
l autorité
ici
morale et
spirituelle)
de
chacun,
commenous le savons
d après
a
Règle
de saint Benoît
34)
et
d autres
textesnormatifs.
abbé,
qui
est maior a sa
table,
distinctede
celle
des
frères,
laquelle
il
peut
occasionnellement
nviter es
plus
anciens
et accueillir es hôtes et les
pèlerins
35).
Dans tous
les cas
le
lieu
physique
de la
tabre
représente
parfaitement
es
rapports
entre
les
personnes. t si la tableexprime a communauté t les rapports ntreses membres, exclusionde la table est le
signe
de l exclusionde la
communauté,
e
la dissolution e tout
type
de
rapport.
Pour
le moine
qui
s est souillé
d une
faute,
a
première
orme
ď
«
excommunication
(exclusion
de la
communauté)
st celle de la table
manger
dans
la
solitude
st le
signe
de sa fauteet l instrument
e
son
expiation.
Et
il
doit,
précise
Benoît
dans sa
Règle,
tre
pleinement
onscient
e la
valeur
et du
sens
de cette exclusion
autrement l
vaut
mieux recourir
une
autreforme
e
punition.
La solitude à
table comme
signe
d exclusion sociale
et
comme
instrument
expiation
est
pas propre
la
culture
monastique
c est
une donnéegénéralede la culturemonastique c est une donnéegéné-
rale de la culture
du
temps,
d ailleurs
fortement
énétrée
surtout
depuis époque carolingienne
de
traits
relevantdu milieu
ecclésias-
tique,
t
marquée par
son influence. ême
pour
les
laïcs,
l excommuni-
cation
mplique
olitude
et exclusionde la table de
leur
propre
com-
munauté. t
personne
ne
peut
manger
vec un
excommunié,
ous
peine
d être
frappé
de
la même
punition.
est ce
qui
arriva au roi
d Angle-
terre,
rappé
de
la
censure
ecclésiastique
pour
avoir
mangé
avec deux
32.
Liudprandi pera
cité,
p.
181 Relatio de
legaîione
onst
ntinopo-
litana.XI).
33.Quipatri npericulo,ta et in convivioornes sset PAULIHistoria
Langobardorum,
, 23 (éd. L. Bethmann-G.aitz,M.G.H. Scriptr s rerum
Germanicarum
n usum
cholarum, anovre,
878,
.
70).
34.
Regula
enedicti
itee,
XIII,
18.
35.
bid
LVI.
36.
bid.,
XXIV.
3-7;
XXV,
5;
XXX;
XLIV,
1.
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64
nobles de
son
palais
excommunié
ar l évêque.
La
faute était
grave
puisque,
malgré
sa
volontéde
pénitence,
l
ne
put
être
absout Odon
de
Clunyrapporte
et
épisode pour
montrer
ue
l obéissance
des
puis-
sants laïcs à la hiérarchie
cclésiastique
st une stricte
nécessité
37).
Je voudrais
enfin
nvisager
a valeur
symbolique
t
représentative
des
offrandes
e nourriture
38)
qui
peuvent
dvenir uivantdes
moda-
lités
variées,
n des directions
haque
fois
différentes,
vec des
signi-
fications
pposées.
En
sens
pour
ainsi
dire
horizontal,
ffrir
manger
signifie
olidarité,
ignifie
nviter
uelqu un
à
faire
partie
de sa
propre
comrtnmauté,
e
son
propre
groupe.
Tel
est le
signe
de l offrande
e
nourriturerévuedans les règlesmonastiques n faveurdes hôtes et
des
pèlerins, ui
sont de cette manière
ntégrés
même si
ce n est
que
provisoirement
à la
communauté es frères
39).
Mais
l offrande
e
nourriture
eut
avoir lieu aussi en sens
vertical,
de haut
en
bas
ou vice-versa. e
premier
as est celui
du
potens
qui
distribue
manger
pour
manifester a
richesse,
a
force,
on
pouvoir.
L image
a
plus
élémentaire
ue
nous
puissionsproposer
ce
sujet
est
celler
rès
ancienne,
u
chef
qui
partage
e butin de
guerre
ntre ses
fidèles
mais la fonction u
«
donner
,
comme
nécessaire
contrepartie
du
«prendre»
(Georges Duby
a
écrit sur
ce thème de très
belles
pages) (40),est une constantede la sociétédu Haut MoyenAge,où la
rapine
a un rôle
politique
et
économique
essentiel. l suffit e
penser
à la
fonction
e
redistribution es
entreprises
omaniales
(41),
où
le
grenier
du
seigneur,
entre de
perception
des
redevances
et
tributs,
pouvait
aussi,
en
cas
de
nécessité,
fournir
de
quoi
subsister
à
une
communauté
e
paysans
que
le
seigneur
n avait aucun intérêt
voir
mourir e
faim,
puisqu ils
ui
appartenaient.
-
Dans un
type
différent
ôffrandes
limentaires,
oujours
en direc-
tion
verticale u haut vers e
bas,
signalons
es
dispositions
en
général
testamentaires
en
faveur
des
pauper
s
(42).
Nourrir
un certain
nombre de
«
pauvres
pendant
un
certain nombre de
jours par
an,
les chiffrestantfixés n fonction es capacitésfinancières t du degré
de
puissance
de
chacun,
était un
moyen
normal,
pendant
le Haut
MoyenAge,
de
garantir
e
salut
de
son âme et de l âme de ses
proches.
Dans de
telles
offrandes
aspect
économique,
assistance,
vait en réa-
37.
Voir
épisode
dans
LAMMA,
p.
cit.,
p.
105.Odon
le raconte
ans
les
Collationes,,
24
(Patrologia atina,CXXaIII,
cc.
535-536).
38. Sur
l importance
ymbolique
t
représentative
u
don
dans
les
sociétés
rimitives,
f.
M.D.
SAHLINS,
«
La
sociologia
ello
scambio
rimi-
tivo
,
dans
L antropologia
conomica,
d. E.
Grendi,
urin, 972,
p.
99-146,
aux
pp.
130-133.
39.
Cf., ar exemple, egula
Benedicti
itée,
UI.
40. G. DUBY,Guerrierst paysans.Premier ssor de l économie uro-
péenneParis,1973,
II.l
:
Prendre, onner,
onsacrer.
41.Voir sur ce
thème,
our
l Italie,
B.
ANDREOLLI-M.
ONTANARI,
L azienda
curtense n Italia.
Proprietà
ella terra lavoro contadino ei
secoli
VIII-XI,Bologne,
983.
f.
MONTANARI,
p.
cit.,
pp.
81-82.
42.
bid., pp.
453-456.
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65
lité
un rôle
tout à fait secondaire
l aspect
rituel
était
au contraire
prédominant,
t renforcé
ar
la
symbolique
des nombres
les
«pau-
vres à nourrir
taient de
préférence
ouze,
comme
les
apôtres).
Un
rite où les
pauvres,
out
compte
fait,
n étaient
guère pris
en
considé-
ration;
ils
n étaient
ue
des
instruments,
ermettant
d autres,
plus
ou moins
puissants,
d acheter
a
vie éternelle
par
un
acte formelde
charité
43).
Si l on inverse a direction
ociale du
parcours,
offrande
e
nour-
riture
peut
être
faite du bas vers le
haut,
destinée cette fois à sanc-
tionner
t
signifier
ne situation
d infériorité. e
pense
aux
«
dons
»
(poulets,œufs,fouaces) que, par contrat, es paysans étaient tenus
d offriru
propriétaire
e la terre
qu ils
travaillaient. ons forcés
qui
signalaient
ils
étaient
parfois
appelés
signa
la
prééminence
ociale
et
économique
du
propriétaire
ur le colon
(44).
Il
existait
d autrescas
de dons
forcés,
ous formede
nourriture u
d hospitalité
ratuite,
us
à titrenon
plus
foncier
mais
territorial,
est-à-dire
olitique
nourrir
et
loger {albergare)
e roi et ses fonctionnaires
u,
plus
souvent,
es
puissants
qui
exerçaient
es
fonctions
ubliques
au niveau local
(45).
Bien
évidemment
offrande e nourriture
prend
une autre valeur
sémantique
vec le renversement
u rôle social des
parties
oncernées
d acte gracieux lle tend à se transformern acte dû, de concessionen contrainte.elle est encore a fonction e l offrande
uand
le
rapport
de
dépendance
e
pose
non
plus
entre
particuliers
mais entre nstitu-
tions.
Il arrive souvent
par
exemple qu un
organisme ecclésiastique
dépendant
un autre soit tenu
de
manifester t
représenter
ne
telle
situation
de manière
quasi
théâtrale,
moyennant
offrande un
repas
aux membres
de l institution ominante.
On
comprend
a très forte
valeur
symbolique
e telles redevances n constatant
importance ui
leur est attribuéedans
les controverses e nature
juridique
où les
préoccupations
e
type
proprement
conomique
paraissent
avoir
un
rôle décidément
econdaire.
l
suffit e
rappelerpar
exemple
e
procès
qui se déroula en 785 à Lucques entrel évêque Giovanni, ui reven-
diquait
au nom
de
l évêché a
possession
de
l église
Saint-Pierre,
t
le
prêtreAlpulo,
ui prétendait
enircette même
église
de son
héritage
personnel.
Or,
pour
démontrer
ue
cette
église dépendait
de
l évêché,
l avocat
de
l évêque
invoqua l argument
uivant le
recteurde Saint-
Pierre
avait
chaque
année
préparé
un
repas pour
le
défunt
évêque
43. Sur la
fonction
es
pauperes
omme
nstrumente
salut,
f.
J.
LE
GOFF.
«
Les
paysans
t
le monde uraldans la littératureu
Haut
Moyen
Age Ve-
Ie
siècles)
,
dans
Agricoltura
mondo urale n
Occidente
ell alto
Medioevo, poleto,
966,
p.
723-741,
la
p.
737.
Settimane
i studio
del
Centro
taliano
i studi
ull alto
medioevo, 3.)
44.MONTANARI,p.cit., p.250-251ANDREOLLI-MONTN RI op.cit.,
pp. 18,
93.
45.
Le
problème
es
redevancest des
charges
es ruraux u
moment
du
passage
de la
seigneurie
oncière la
seigneurie
anale
a été
bien
posé
par
M.
BLOCH,
Les
caractères
riginaux
e l histoire urale
française,
Paris,
1952,
II,
2.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 68/139
66
Peredeo comme
étaient
traditionnellementenues de
le
faire les
églises
dépendant
de la
cathédraleSaint-Martin.
lpulo rétorqua
qu il
avait
en
effet
ffert
e
repas,
mais c était de son
propre
gré
et non
pas
par
devoir
46).
Ce
qui
se débattait à
était donc la valeur
sémantique
du
repas,
à savoir
qu il signifiait
épendance
u
autonomie,
ontrainte
ou
générosité.
Des
exemples
de ce
genre,
ortnombreux ans la documentation u
Haut
Moyen Age
(47),
confirment
image
d une société
qui
attribuait
à la
nourriture
t aux
comportements
limentaires ne forte
charge
émotive
48)
et communicative.
l est
évident ussi
que
la nature
du
symbole t du messagese définissait e manièrefortdifférenteuivant
les
circonstances,
n
fonctiondes
rapports
de
pouvoir
effectifs,
es
rapports
ociaux et
économiques,
des attitudesmentales
et des idéo-
logies.
Utilisésdans
un
code
linguistique,
a nourriture t l acte alimen-
taire n étaient
ue
dans certainscas
pris
en
compte pour
leur
nature
spécifique
d autres fois ils n étaient
u un simple
instrument estiné
à
exprimer
es contenus
ui
leur étaienten soi
étrangers.
Un
«
système
de communication
,
c est ainsi
que
Roland
Barthes
définit
e
comportement,
ans son célèbreessai sur
la
psycho-sociologie
de
l alimentation
ontemporaine
49),
un
système
où bien souvent
a
« circonstance prend le pas sur la « substance , et où la fonctionsociale de l aliment
épasse
sa valeurnutritive
50).
La sociétédu Haut
Moyen
Age,
fortement
marquée
par
le
problème
de la survivance
quotidienne,
vait avec la nourriture n
rapport
certainement
lus
immédiat t
viscéral. Cela
n empêchaitpas
le fait
alimentaire
de se
charger
e
significations
ociales,
symboliques,
eprésentatives,
ommu-
nicatives.
On
peut
même
penser
que
cela favorisait ette
surcharge
e
sens. Dès
lors,
bien loin de rester iée à la
simple
réalité
biologique,
a
nourriture
raiment
arlait
46.
placiti
del
«
Regnum
taliae
,
éd.
C.
Manaresi,,
Rome, 955,
.
6,
pp.
14-18.
47.
Mais
pas
exclusivement
dans les
siècles uivants
ussi,
obligation
d offrir
es
repas
est
un
des
moyens
ui permet
e détermineres
rapports
entre
es
personnes
t
les institutions.ar
exemple,
offrande
un
repas
est
longuement
iscutée
ans la controverse
ui,
à la
fin
du
XIIe
siècle,
oppose
l évêque
d Imola aux
chanoinesde
la
cathédrale
Chartularium
Imolense,
d. S.
Gaddoni
G.
Zaccherini,,
Imola,1912,
n. 451-453
a. 1197),
pp. 546-584.
48.
Cettebelle
expression
st
de W.
KULA,
Problemi metodi
i storia
economica, ilan, 972, .
250.
49. R.
BARTHES,
Pour
une
psycho-sociologie
e
l alimentationontem-
poraine ,
dans
Annales
.S.C.,
Xvl
(1961), p. 977-986,
la
p.
979.
50.
bid.,
p.
986.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 69/139
Danielle
RÉGNIER-BOHLER
EXIL
ET
RETOUR
:
LA NOURRITURE DES
ORIGINES
*
L'abondance
des
banquets
et
des
fêtes
dans les
fictions
médiévales
de
la findu XIIe au
XVe
siècle
évoque
un universheureux ù
la cohé-
sion du
groupe
rassemblé se consolide dans
le
déploiement
du
luxe
et la
joie
collective,
mais si les
esthétiquesconjointes
de
la saveur
attendue t
du
regard
émerveillé e
glissent
dans
l'ellipse
bien connue
de la
cour
arthurienne ù
l'hyperbole
uggère
un flux
népuisable
de
mets,
de
dons
et de
parures,
lles s'offrent
'autres
fois,
à la
manière
d'unepiècesoigneusement ontée, ans des scènes minutieusesomme
les fêtes
champêtres
e Guillaume
de Dole où
une
société
de
grands
seigneurs
et de
grandes
dames s'ébat
dans une nature délicieuse
qui
prodigue
es
bienfaits,
oisonnement es fleurs
leues et
blanches,
fromage
rémeuxde
la
vallée
de Clermont t vin clair de
la Moselle...
Mais
la
transparence
es
utopies
alimentaires e doit
pas
faireoublier
d'autres
tables,
plus symboliques,
ans la
Quête
du Saint Graal
par
exemple
ù les
chevaliers,
éjà
comblés
par
le Graal
qui
fait
apparaître
devant hacun
«
les mets
qu'il
désire
,
progressentfuyant
ces nour-
ritures
trop
riches
qui
incitent
'homme
à
la luxure et
au
péché
mortel -vers des nourritures
célestielles
,
usqu'à
«
la nourriture
a
plus sainte, a plus exquise» qui apporte « toutes es douceurs nima-
ginables
(1).
D'autres
nourrituresont ombrées
d'un
symbolisme
lus
inquiétant
ainsi
lorsque
la
métaphore
ourtoise du cœur dérobé
et
captif
vient 'offrir
ur un
plat pour
devenir
«
oœur
mangé
,
il
s'ajou-
tera dans le
Lai
d'Ignauré que
l'on dit
parodique,
des attributs
plus
précisément
iés à
l'érotisme,
u
lorsqu'unethérapie nthropophagique
permet
u
lépreux,
n vue d'une
guérison,
e boire le
sang
de
jeunes
enfants
2),
ou enfin
orsque,
dans
un contexte
xplicitement
ransgressif
*
(Les
notesrenvoientux
traductionses
textes
orsqu'elles
xistent
sinon
elles renvoient
l'édition
n
langueancienne,
ont
le
fragmentgénéralementté traduite
1. La
Quête
du Saint Graal
trad. Emmanuèle
AUMGARTNER,
aris,
Champion
979,
.
153 t 239.
2.
Dans
1
Histoire
'Olivier e
Castille
t
Artus
d'Algarbe,
Ve
s.,
qui
reprend,
n la
modifiantn
profondeur,
'histoire
'Ami
t
Amile le
sang
y
est
conseillé
omme
otion
texte
nédit).
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 70/139
68
-
en
écho au sombre
repas
de Chronos
-
le roi
Terée dans Philo-
mèle
(3)
paie tragiquement
e viol de sa belle-sœur
u'il
a vouée à
l'éternel
ilence
en lui
coupant
la
langue
festins annibales
qui
rap-
pellent
juste
titre
ue
l'acte de
manger
st
tout sauf
univoque
t
qu'il
peut,
ous
l'apparente
nnocence
du
contingent,
ervir
désigner
nter-
dits
et situations e conflit.
Vœux de
satiété,
épitomé
d'une
utopique
sociabilité,
tape
ultime
d'une
quête spirituelle
t
transmutation,
onction e vie ou
de
mort,
châtiment
ui
renvoie
'être
à lui-même n lui
rappelantqu'une
jouis-
sance interdite
peut
être
punie
d'une dévoration de soi
:
l'acte
de
manger t de boire nous montre ue les valeurs, es idéaux, es normes
et les
projections
antasmatiques
e
l'institution
ollective
peuvent
'y
faire
entendre.Veut-on
nalyser
dans les fictionsmédiévales
-
en
acceptant
e
risque
d'une
trop rapide esquisse
-
la valeur
symbolique
de la
nourriture t
envisager,
u
point
de vue
culturel,
es
différences
dans le
genre
de
nourritureelon
l'espace
investi
par
l'individu ans et
avec le
groupe,
eut-on
égager
quelle
représentation
e
l'organisation
collective era donnée à travers a
lecture des
pratiques
alimentaires
-
substance
partagée
avec autrui
ou consommation olitaire
-
on
sera
frappépar
la
récurrence
ans les fictionsmédiévalesde la
place
de la nourriture ans certainsrécitsoù#récisément,e gested'appro-
priation
du
pain,
du vin et de la viande devient
épreuve
et test au
social
où
l'aliment,
uquel
on
peut
reconnaîtreci aussi
quelque charge
symbolique,
ert à mesurer a
cohésion du
groupe
comme
signe
d'une
exclusion suivie d'une
réintégration,
ù le
régime
alimentaire
nfin,
dans des situations ontraintes
'exil,
ainsi
que
les bonnes
manières
qui jalonnent
souvent
e retour u
collectif
ervent,
omme
le disait
Claude
Lévi-Strauss,
«
étalons
de mesure
(4).
Je
souhaite
donc
examiner
ujourd'hui
e
fonctionnementu code
alimentaire,
modeste
dans
ses
composantes, ui
s'attache aux
situationsd'exclusion
de la
collectivité ù le héros sera
contraint
d'inventer a nourriture
t
je
voudraissuivre 'itinéraire e son goûtet de ses appétences travers
l'inventivité
riginelle,
ui
ne
manquera pas
d'évoquer
'histoire
d'une
humanité
rimitive,usqu'au
moment ù les
avatars de la fiction ont
le ramener
parmi
ses semblables.
Exil
et retour
plutôt
que
de
céder
aux
charmesvisuels et
sapides
de la
gastronomie
es
banquets
et au
goût
d'une
archéologie
des
représentations
topiques
-
qui
reste,
me
semble-t-il,
ncore à faire
-
,
je
m'engage
ur
le sentier ustère
de
la
nourrituredu
solitaire
qui
semble la
représentation
igurative
de
l'exclusion.
Le
rapport
e
plus
intime au
corps,
en
parallèle
avec
la
3.
Philomène
ou
Philomèle)
dition h. DE
BOER,
Paris 1909
dans
ce
récit ttribué
Ch. de
Troyes,
'enfant ubit
a totalité es
apprêts
uli-
naires,
e rôti t
le bouilli
seule a tête
restera
our
être
ancée,
anguino-
lente,
u
visage
du
père
abusé...
4.
Cl.
LEVI-STRAUSS,
'origine
es manières e
table,
.
421,
aris
1973.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 71/139
69
nudité
dont,
dans
les mêmes
situations
d'exil,
e
corps
est
affecté
5),
concerne
n effet
e
rapport
de
l'individu
u
groupe,
dans
la mesureoù
l'invention
'un
code alimentaire
ermet,
utre
la
survie,
d'accéder
à
la découverte
ou
à la
redécouverte)
u
code
collectif,
des
aliments
nouveaux,
des
préparations
différentes t
surtout à des
«
conte-
nances
qu'il
faudra
respecter.
Etre
nu,
avoir
faim,
nventer
our
survivre
a
nourriture ce
noyau
minimal
qui
ne
devait
pas
sembler ellement
antasmatique
l'homme
des
réalités
médiévales,
ût-il
rivilégié
omme
destinataire
es récits
)
du
rapport
u
corps
est
parallèlement
ussi une
privation
de Vautre
S'absenterde la collectivité eut impliquerun oubli du code alimen-
taire
(une
forme de
régression)
ou
une totale méconnaissance
du
code,
le
temps
du
récit étant
alors
fait d'un recouvrement u
de
l'apprentissage
u code
par
l'individu
emporairement
xilé.
Aussi
le
corpus
des textes
relevant e cette
problématique
era-t-il elativement
large
on
pourrait
aisément considérer
que
les histoires
de
loups
garous
sont es formes
es
plus
schématiques
es destins
d'exil et
four-
nissent,
ar l'apparition
nstantanéede
la
gueule
redoutable
et
l'on
sait
à
quel point
es siècles
ont été fécondsen
créations
maginaires
de
monstres
dévorants...)
'emblème de
la
sauvagerie
à
laquelle
les
héros des autres récitsserontprovisoirementffectés pour le garou,le retour la « semblance humaine se fera
par
des
gestes d'appro-
priation
du
pain
et
du vin
qui posséderont uelques
traits
d'une heu-
reuse transmutation. e traiterai urtout des histoires
d'enfants
au-
vages
comme Valentin t Orson et Tristande
Nanteuil,
nés en
marge
de la société et vivant selon les lois
de
la
forêt,
t des histoires
de
traumatisés
t ď
amnésiques,
comme Yvain
et
le héros du Dit du
Lévrier
ui
recouvrent
a
mémoire.Dans tous ces
cas,
à
l'espace
nou-
veau òù
se trouve
éjecté
l'individudont le
comportement
e modifie
dans le sens d'une
gestualité
haotique,
est
liée une nourriture
ou-
velle
qui
le fait basculer
vers un monde in-humain
no man's
land,
forêt, le déserte,bref un espace carcéral où il faudra apprendreà
manger.
A
l'espace
des
origines,
ne nourriture es
origines.
L'invention
de
la nourriture
La
nourriture e l'exil est une
nourriture
ue
l'on
«
trouve dans
un
espace
que
l'on
apprend
à
occuper.
Condamné la
forêt,
e
grand
seigneur
mi
d'Arthur,
Mélion
le
garou
s'élance,
dévorant tout
cru
le
morceau
du
cerf
qu'il
vient
d'abattre,
l
vivra désormais de
la
nourriture es
loups.
Comparables,
es récits
d'amnésiques
font
appel
5.
Cf.mon
rticle ans
Europe,
ctobre
983 Le
Moyen
ge,
maintenant
«
Le
corps
mis
à nu
perception
t
fonction
ymbolique
e la
nudité
dans
les narrations
édiévales.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 72/139
70
à des
ensembles
émantiques
xtrêmementtables
privés
de
raison et
de
mémoire,
n
proie
à la
folie,
Yvain
et le héros du
Lévriererrent
dans
l'espace
sauvage
et
régressent
ers
un
mode de vie
inhumain. es
vêtements
rrachés,
e
corps
recouvert e
poil,
il
ne reste à l'homme
sauvage privé
de
mémoire
que
l'agression
de la
«
bielle
sauveginne
,
comme
l
est
dit dans le
Lévrier
qui
peut
d'ailleurs
s'accompagner
e
comportements
'auto-agression.
u
psychisme
rouillé
'offre
e monde
du
cru,
sans condiment
ni
préparation.
i Yvain
est
encore
capable
de
chasser
lui-même,
muni d'un arc et de
flèches
6),
le
héros
du
Lévrier
ttend e
gibier
dont
l
se nourrit de son chien
avec
lequelil forme meunitéoriginelle,e réfugiantontre on corps lorsqu'ila
froid
t
hurlantde faim
pour
l'inciter
la chasse ainsi
«
il
mange
et dévore e lièvre
dont e
goût
ui
plaît
autant
que
s'il était assaisonné de
poivre.
Il va
boire
de l'eau de
la
source,
puis
se couche
à
même a
terre
(7).
L'usage
de la viande
crue
provient
d'une
métamorphose,
omparable
à celle du
garou,
t d'une
occultation e toute
appétence
ivilisée
à
la
limite e héros se trouvedans un universmonstreux,ommepourraitle
suggérer
e
passage
de Huon
de Bordeaux
8)
:
le héros
parcourt
des
terres
tranges,
es
pays
où
le soleil
ne
luit
pas,
où les
femmes ont
stériles,
ù l'on
ignore
'usage
du
blé,
«
où
les
gens
dévorent
a viande
crue,
ommedes
dogues
enragés
.
A
cette forme
brupte
de
réduction une nourriture
auvage,
au
cours de la
phase
d'amnèseoù
le
héros est
pris
de
«
rage
»
et
«
mélan-
colie»
(Yvain,
v.
3001),
on
comparera
es situationsd'exil où se trou-
vent retracées
es conditions 'une humanité
rimitiveL'espace
d'exil
est
fréquemment
me
île déserte et
l'occupation
de
l'espace
fournit
l'esquisse
d'une brève
«
robinsonnade
:
homo
faber
se met
en
œuvre,
exploite 'espace, invente on mode d'existence. ci encore espace et
nourriture e
présentent
n un réseau
sémantique
relativement ons-
tant l'île déserte
dans les
Prophécies
de Merlin
9)
et dans les
Grands
Géants
(10)
est une terre de
promesse
dont
les
naufragés
découvrent
l'abondance.
oursuivis
ar
Vertigier,
aleholt e Brunet Hector e
Brun
6.
Je
renvoie
pour
une
analyse
détailléede la
sauvagerie
Yvain à
üarticle
e
Jacques
LE
GOFF et Pierre
VIDAL-NAQUET,
Lévi-Straussn
Brocéliande
,
dans ClaudeLévi-Strauss
textes
e et
sur...),
aris,Gallimard,
1979,
.
265
à 319.
7. Dit du Lévrier d. A.
SCHELER,
Dits et
Contesde Baudouin t Jean
de Condé.vol. 11.Bruxelles 866-67,. 927ss.
8.
Histoire e Huon de
Bordeaux
t Aubéron oi de
féerie,
rad.
François
SUARD,
Paris
1983, tock,p.
89.
9. Les
Prophécies
e
Merlin,
d. L.A.
PATON,
New
York 1926-27.
10.Les
Grands
Géants,
rad. D.
REGNIER-BOHLER
ans Le
Cœur
mangé,
aris
1979,
tock.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 73/139
71
arrivent ur
l'Ile
Inconnue
l'Isle
Non
Sachant),
n'y
trouvent
me
qui
vive,
mais une
«
si
grande
bondancede bêtes
sauvages
qu'ils
en
furent
stupéfiés (p.
425).
Se manifeste lors
l'ingéniosité
humaine
ils se
fabriquent
n
arc et des flèchesdont
les fers
proviennent
es
débris
de
leur
bateau ils
prennent
n abondance
du
gibier,
'essentiel
de
leur nourriture
11),
mais
ne
manquent
as
de
pommes
sauvages
qu'ils
font uire en des
récipients
e terre fin
d'obtenir me sorte
de cidre
(«cervoises
de
pometes auvages»
p.
425).
L'île
semble
aux
naufragés
tellement
aradisiaque
que
«
si
elle était
connue,
l
ne se
pourrait
n
aucune manière
u'elle
ne
soit
habitée,
ar
(pensent-ils)
lle
est
pleined'agrémentsn ce qui concernebois et rivière, laines et montagnes
et
présente
outes es
qualités
nécessaires
à la fondation
'une
belle
ville
(p.
426).
Dans
le court
récit Les Grands
Géants
l'île
d'accueil,
pour
les criminelles
unies
d'une réclusion
vie sur l'insula
poenae,
est
un
grand
espace
de
bocages, plaines,
vallées et
montagnes,
de
rivières
oissonneuses
t de
taillis où court
e
gibier.
L'ingéniosité
es
naufragées
e
déploie
avec force
détails
poussées par
la faim
elles
mangent
'abord des
«
herbes
crues
»
qu'elles
trouvent
n abondance
et des
«
fruits
ui pendent
ux arbres
,
elles se nourrissent
de
glands,
de
châtaignes
t
d'ail,
de
prunelles
rouvées ur les
buissons,
d'églan-
tines, e nèfles, e poireset de pommes (p. 286-7). ar nécessité 'étatde natureest
pour
elles strictement
égétarien,
mais elles ne tardent
pas,
ayant
été dans le
passé grandes
chasseresses,
à inventer
une
nourriture
lus
riche
«
Comme
elles
étaientavisées
et
ingénieuses,
lles
réfléchirent
on-
guement
t
fabriquèrent
vec
adresse
plus
d'une
centainede
pièges.
Avec des
branches
fines,
lles
firentdes lacs
pour prendre
e
gibier.
Pour
prendre
es
oiseaux,
elles
fabriquèrent
es ardillons
à
l'aide de
baguettes
. Puis elles
allument
un feu
«
à
l'aide de
cailloux
,
font cuire
les
gros
animaux
«
dans leur
peàu
»,
font
rôtir
même a
braise le
petit gibier
et les oiseaux
»
(p.
228-289).
Dans les deux récitsdu XIII* siècle,on insiste ur l'eau de sourcequi
est dite
«
bonne et claire
(Prophéties).
La
diététique mposée
par
cet
état
de nature sur
une terre
vierge
est
éminemment
rofitable,
ar
l'on voit
les
naufragées
eprendre
force
et
corpulence
(
Géants
et
les
chevaliers es
Prophécies
deviennent
gras
et
membrus
.
Au
cru de
l'amnésique 'oppose
pour
'homo
faber
e rôti
à
l'aliment
non
élaboré,
une forme
primitive
e
préparation,
omme
en
témoigne
la
présence
dans
les
Prophécies
de
l'objet
culturel,
e
récipient
en
terre
objet
lui-même
d'une cuisson.
Pourrait-onmettre
en
parallèle
cette vision
prometteuse
'un état
primitif
vec
la
représentation
e
l'âge d'or telle que nous la donne par exempleJean de Meung dans
11.Cf.
Jacques
LE
GOFF,
op.
cit.,
p.
276,
ls
réinventent
en
quelque
sorte a
civilisation,
son
degré
e
plus
bas
».
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72
le Roman de la
Rose
?
Encore
au
stade d'une
protohistoire
ui
précède
la
longue
dégradation,
a création du
pouvoir
et
la
naissance
de
la
propriété,
'humanité
rimitive
les
premiers ères
et
premières
mères)
vit d'une économiede cueillette t sa
nourriture
st strictement
égé-
tarienne en ces
temps-là
«
les hommesn'étaient
as
aussi raffinés
pour
eurs habits et leurs
mets
ils cueillaient
ans les bois les
glands
qui
leur tenaient ieu
de
pain,
de viande et de
poisson
et ils cherchaient ans les buissons,à travers allées,plaineset montagnes,
pommes,poires,
noix
et
châtaignes,
boutons,
mûres t
prunelles,
framboises,
raises t
cenelles,
fèves,
ois
et
petites
choses telles
que
fruits,
acines
et herbettes
(12).
Miel
et eau
pure
complètent
e
régime
riginel
'où
le
pain
est
absent,
alors
que
ces
hommes sont dits
«
égrener
des
épis
de
blé
»
(v.
8343).
Heureux
emps
où la viande n'était
pas
recherchée,
ù
le
pain
et le
vin
paraissent
omme es
signes
d'un ultérieur
et
déjà
corrompu)
tat de
civilisation,
lors
que
l'absence de
pain
semblait
bien
apparaître
omme
un manque dans les Prophécies « mais ils n'avaientpas de pain»,
p.
425)
Pourtant ans
les
deux
récits a
représentation
e
l'homo
fäb
r
repose,
d'une
certaine
manière,
ur
un
primitivisme
doux
»
(13),
un
état
où la
forme
primitive
e l'existence st
proche
-
comme
dans
Le
Roman de la
Rose
-
d'un
âge
d'or et d'un heureux
tat de
nature.
Les
habitats
respectifs
ont d'ailleurs
comparables
chez
Jean de
Meung,
es cabanes et
hameaux des
premierspères
sont
«
recouverts
de
genêts,
de
feuillages
et de rameaux
(p.
7)
et
ils creusent
des
«
fosses
dans
la terre
,
mais
dans
les Grands Géants si
les
géants
creusent
des
cavernes,
ls fontédifier out autour
de
grands
murs et
creuser des fossés la société primitive e sera qu'un monde féodal
avorté
(14)
Pour l'heure
cependant
y
président
es conditions
d'une
terre
promise,
lors
que
la vie
primitive
e
l'amnésique
était un état
totalement
estial dont seule une intervention
agique
(l'onguent
hez
Yvain,
et
dans le
Lévrier e
passage
de la fée
guérisseuse) pourra
12.Le
Romande
la Rose
trad.A.
LANLY,
Champion,
aris
1973,
.
11,
p.
6.
13.
Sur la notion
de
primitivisme
t
ses
présupposés,
f.
G.
BOAS,
Essays
on
primitivism
nd
related deas n
the
Middle
Ages,
altimore
948,
et
aussi
a belle
tude 'E.
PANOVSKY,
Les
origines
e l'histoire umaine
,dansEssais d'Iconologie,aris 1967, n particulierur la réactivationar
Piero
di
Cosimo
d'une vision
de
l'humanité
rimitive.
14.En
effet,
e
crime
rimitif
es
mèresdes
géants
t la
répétition
e
l'inceste emblent
endre oute
fondation éritable
mpossible
pour
que
l'île
d'Albion oit
habitable,
l
faudra
ue
Brutus xtermine
otalementa
race
maudite.
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73
rompre
a malédiction.
eul
le Dit du Prunier
15)
où
apparaît
un
traumatisé
non
amnésique
retrace
des conditions
de vie
primitive
comparable
u
végétarismedyllique
de
l'âge
d'or
rejeté par
la
dame
qu'il
aime,
le héros
fuit toute
compagnie,
déchire
comme les autres
son
vêtement,
hasse son cheval
et meurtde
faim
«
mais nature
qui
nous
aide adroitement n toutes circonstances
l'engagea
à
goûter
des
prunelles,
des
nèfles,
glands, pommes
et
châtaignes,
oix,
poires sauvages
et des
graines
de toutes sortes
d'herbes
(p.
94).
Durant es
sept
années de sa vie forestièreù il s'abritedans un vieil
arbre
creuxet
pourri,
l ne recherchera
as
la nourriture
arnée et
son
rejet
de la
.vie
sociale
semble
proche
d'un
contemptus
mundi
conscient
et volontaire.
Quant
à
l'enfant
auvage
dans
Valentin t Orson
16)
et dans
Tristan
de Nanteuil
17),
a
nutrition
nimale dont
a
joui
le
nourrisson ntraîne
une différenciation
orphologique
mportante,
u'il
faut
mettre en
rapport
avec ses
vertus
attribuées
u lait maternel
le
pauvre
Keu
privé
du lait
maternel réservé
au
bébé Arthur era
définitivement
dépourvu
'importantes
ualités)
qui expliquent
n
particulier
a forme
de fanatismematernel ttribué Ide de Boulogne,mère de Godefroy e
Bouillondans
la Chanson
du Chevalier
u
Cygne
Orson
«
pour
cause
de
la nutrition
e l'ourse est venu
comme
une
bête
sauvage
et
vit
«
de vie
bestialleet
non
pas
humaine
,
il met à
mort
indistinctement
êtes
et hommes
«
la
chair
mengoit
toute
crue
ainsi comme
es aultres
bestes
(chap.
VI).
A
l'occasion
Orson saura
profiter
e
rapines
à
un
vilain
qui passe
il
dérobe
es nourritures
'un
autre
monde,
pain,
fromage,
iande ainsi
que
sa femme
dont
il fera
usage
à
plusieurs
reprises.
Par
contre
Tristan,
levé et nourri
par
la
cerve,
velu
lui
aussi,
a
déjà
pris
goût,
grâce à l'ingéniosité e la cerve,à la nourriture es hommes elle
apporte
les vivres
dont Tristan
et
Blanchandine,
venue
meubler la
solitude
du
sauvage,
ont besoin
vin,
pain
blanc,
chapons
rôtis,
et à
plusieurs
reprises
encore
«
pain
et viande et
poisson
et deux
barils
de vin». Initié à
la nourriture
e ses
semblables,
e
sauvage
(privi-
légié
puisque,
bien
éloigné
d'Orson
qui
restera
ongtemps rivé
de
la
parole,
Tristan
été
éduqué par
un
ange
qui
lui a
appris
es
langues
du
monde,
aisse
107)
aura
à suivre
un
itinéraire
qui
concernera
plus
15.DitduPrunier,rad. uzanne UPARC,Mercure e France,mai 1948.
Cette
raduction
omportant
uelques
oupures. 'indique
'édition
n
langue
originale
'Emile
ROY,
Publications e
1Université
e
Dijon,
1929.
16.
Valentin
t
Orson,
ncunable
Maillet,
484.
17.
Tristan
e
Nanteuil,
d. K.
SINCLAIR,
Assen1971.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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74
spécifiquement
a
mesure
dans
l'usage
des mets et surtout a
place
à
accorder la
jouissance
gustative
ans l'échelle
des
valeurs
chevale-
resques,
'exploit
t la
foi.
Palli et vin : vers la
nourriture des autres
Dans
l'espace
d'exil où la
créature
mnésique
est
emprisonnée ar
un
mode de vie bestial
réduit à la chair
crue,
où l'homme
ngénieux
par contre recours une alimentation e cueillette, u à un régimevégétal omplétépar du
gibier,
eux
grands
absents le
pain
et le vin.
L'ermitedans Y
vain,
l
est
vrai,
nstaureune
forme
d'apprivoisement
de
l'hòmmeforsené
qui
lui
apporte
de la
venaison
et recevra de
lui
un
pain
grossier
18).
Pourtant
our
le
garou
-
plus
que
pour
l'amné-
sique
où
l'accent est surtout
placé
sur la
régression
e
l'alimentation,
de la
gestualité,
e la cohérence
psychique
et surtout
pour
l'enfant
sauvage,
es narrations
omportent
ne
phase importante
e
réintégra-
tion,
naugurée ar
un
rituelfortriche dont la
nourriture ait
partie
parallèlement
u
processus
qui
fera de l'hommenu un
homme
vêtu,
à travers e
rite de
purification
u bain
et.
de la
suée,
e
sauvage
devra
apprendre mangerdes mets nouveauxet surtoutmontrer u'il sait
manger
comme
l'exige
le code de
son
groupe d'origine
pain
et vin
apparaîtront
ci
comme des
signes
culturels
ui
annoncent
e
rapport
recouvré,
u
trouvé,
vec le
collectif.
Ainsi e
garou
des forêts
'Irlande
(19)
trahit ux
yeux
d'Arthur t
de
ses
compagnons
ne modification
rofonde
e
sa nature
le
loup
est,
dira-t-on,
desnaturés
,
v.
430)
dont
es
symptômes
ont
'usage
du
pain
et du
vin,
insi
que
le
comportement
courtois
:
Arthur
ait
présenter
u
garou
du
pain
qu'il
prend
t
mange
on lui
donne
alors
un
morceau de
viande
qu'il
mange
«
courtoisement
,
puis « le roi fitprésenter u vin en un bassin devant e loup. Lelouple vit et le but, achezqu'il en avait fort nvie (p. 144).
Cet
épisode
précédant
e
retour
la
semblance
humaine,
e
rapport
certainsmets-clés
evient n
test
d'humanité t
le
signe
d'un recouvre-
ment
possible,
en
fait
le
seul
signe qui
trace
véritablementa
voie
aux
circonstances
e la
métamorphose.
n
ne sera
pas
étonné,
ès
lors,
que
le
pain
soit
présenté
parfois
comme
possédant
la
vertu de
ramener
la
conscience
lorsque
souillée de la
fange
marine
et dans
un
état de
grande
faiblesse,
'héroïnede la
Belle
Helaine de
Constan-
tinople
era
recueillie
par
le
roi
d'Angleterre,
elui-ci
demande à son
18.Cf.
J. LE
GOFF,
p.
cit.,p.
281,
Le
poète
définit
insi,
antôt
mpli-
citement,
antôt
xplicitement,
es
absences,
elle
de la
bouillie,
elle du
vin,
elle du
sel
et
des
épices,
elle en
général
es
«
manières
e table .
19.Le
Lai
de
Melion,
rad,
dans
Cœur
mangé, .
144.
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75
«
aumônier
du
pain
qu'il place
devant
la
bouche
d'Helaine,
elle
revient lors à
elle,
puis
«
elle
mangea
du
pain
et
but du vin
usqu'au
moment ù
elle sembla tout
à fait
revenue
elle
»
(20).
Plus
explicite
et
plus
concret,
e
long
processus
d'apprentissage
e
l'enfant
auvage
dans Valentin
t Orson au
sauvage
qu'il
a
conquis
et en
qui
il
ne
reconnaît
as
encore son frère
umeau,
Valentin
propose
«
Venez avec moi et
vous
agirez
en homme
sage.
Je
vous ferai
baptiser
t vous ferai
connaître
a
sainte
foi,
et
je
vous donnerai
beaucoup
de
viande,
de
poisson,
de
pain
à
manger
t
beaucoup
de
vinà boire, e vous donneraide quoi vous vêtir t vous chaussersomptueusement,t vous mènerez tous les jours une vie conve-
nable comme le
veut
la
nature de l'homme»
(«home
naturel»)
chap.
XII.
Or
Orsondont
a
niceté
n
faitde
nourriture
'a
d'égal que
la nudité t
l'ignorance
bsolue de
la
parole
-
il
ne
communique ue
par
«
signes
-
doit
d'abord
apprendre
e
qu'est
la
cuisson de la
viande et le
mou-
vement
e la broche
ainsi
que
l'usage
modéré
du
vin,
bref
apprendre
le
temps propre
pour
chaque
chose et la
mesure
dans
son
usage
Les deux frères e
logent
dans
une
hostellerie t
trouvent ans la
cuisinedes chaponset plusieursmorceaux e viandequi se trouventsur une broche.Valentinfait
signe
à Orson de tourner a
broche,
car la
viande ne
semble
pas
encore cuite
le
sauvage
«
mit a main
à
la
broche t en retira
ne bonne
partie
de la
viande,
l
ne demanda
pas
si elle était bien
ou mal
cuite,
mais la
mangea
comme un
loup
dévore a
proie,puis
il
vit un
baquet
plein
d'eau,
y
plongea
a tête
et
but tout
comme
e
cheval
boit à
la
rivière
(chap.
XIII).
Valentin,
édagogue,
mène Orson
à la cave
et
lui
tend une cruche
de
vin,
qu'il goûte
et trouve
«
fortbon
et
friand
.
Et
il
en
boit si
largement
u
il
vide
toute a cruche
ans
reprendre
on
souffle,
l
en
réclame ncore t Valentin
rend
«
grand
plaisir
voir
et à
regarder
les
contenances 'Orson e
sauvage
.
Ayant ppris
que
«
le vin vaut
mieux
que
l'eau
»,
Orson tente de
faire
boire son
cheval,
mais en
vain,
et
ivre,
l
se couche
près
du feu
et
se met à ronfler.
alentin
se met à philosopher « Vrai Dieu tout puissant,quelle faible créa-
ture
qu'un
homme
endormi,
u'un
homme
qui
sous
l'effet e la
boisson
perd
sagesse
et
mémoire
»
On
se souvient
ue
l'absence de
«
sens
et
memoire
caractérisait
précisément
'asocial
dans la
forêt. avoir
user
du
vin,
avoir
passer
du
cru
au
cuit,
donc
savoir
attendre
a
cuisson
adéquate
de
la
viande,
savoir
passer
de la
frénésie
mmodérée u
contrôle
du
plaisir
gustatif
est
l'essentieldes
«
contenances
que
le
sauvage
aura
à maîtriser. e
sentiment
e la
honte
naissanteest
d'ailleurs 'un
des
premiers
ignes
d'acculturation. e
sommeil
dans
lequel
Orson
plongera
à
plusieurs
reprises ous l'effet u vin est une formed'absence au monde et une
20.La
Belle
Helaine
de
Constantinople,
ncunable N
s. d.
Rés.
Y2 708
veuve
Nie.
Chrestien.
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76
mortde la
conscience sommeil t
ivresse
sont
comparables
u
repos
foetal
ui
précède
une nouvelle
naissance,
elle de l'individu
u
groupe,
et le
rapport
oit
se faire
vec le
profond
ommeild'Yvain et
du
héros
du
Lévrier,
u cours
duquel
s'opèrent
'anamnèse
t le réveil la raison.
Ainsi
manger,
oire,
e
vêtir,
ormird'un
juste
sommeil,
manger
vec
les
autres
et
comme es
autres forment
n
ensemble
anthropologique
dont les éléments
alonnent
la voie
vers
l'intégration
éfinitive u
sauvage.
D'ailleurs
-
et hors du schéma narratif ui précède, l faut le
souligner
le Dit du Prunierdécritun érasement ort ntéressant u
code
alimentaire,
ne
méconnaissance
ignificative
es
«
contenances
et
parallèlement
ne
méconnaissance es valeurs
chevaleresques pro-
digue
en
«
nices
manieres
(v. 390),
le héros
au
momentoù
il
sera
amoureux,
modifiera otalement
e
rapport
à son
propre corps
(les
soins),
e
rapport
la
nourriture,
on
rapport
à la
sociabilité,
'atten-
tion au code de la table fait de
médiations
multiples
ntre a bouche
et
les mets
Auparavant
ale,
négligé,
rotté,
se taillant de
grands
morceaux
avec un couteaucrasseux, e dos bossu,prenant« à cinq doigts essauces, les civets et les galantines , le jeune hommeest métamor-
phosé après
la
messe,
il
se rend à la
panneterie
demander
une
nappe, prépare
es tranchesde
pain,
frotte es couteaux. l observe
«
comment se faisait le service comment on
partageait
civet,
faisan,
ie
ou
oison,
grue,
utor,
erdrix, igeon
avec
quelle
adresse
et
quelle
grâce
les
écuyers
ranchants e servaient 'un
couteau,
de
deux
ou
de
trois
quels
étaient es
poissons
de mer ou d'eau douce
qui
se
mangeaient
table
avec les
doigts,
et ceux
qu'il
fallait
découper
à
l'avance
avec les
couteaux,
commenton
pouvait
les
sortir
de la
gelée
ou de la
galantine
ans
se
salir les
doigts,
om-
ment es
écuyers
hoisissaient e
bon
morceau dans divers
plats
et
tranchaient
out si menu
que
les dents ne se
fatigueraient
uère
à
mâcher et à
avaler,
comment nfin
ls
piquaient
es
morceaux de
viande sans les toucher vec la pointedu couteau pour les mettre
sur les tranches e
pain
»
(p.
86 et
87).
Moins
que
l'ignorance
'un
code,
c'est une formede
démesure,
ne
déraison
primitive,
ui
caractériseTristan le
sauvage
bien
qu'il
ait
joui
dans la forêt
d'une
éducation
providentielle,
l
se
fait donner
un
complément
d'enseignement ar
ceux
qu'il
rencontre,
n
particulier
sur
la chevalerie t la
religion, nseignement
uquel
il
opposera
ses
propres
valeurs et
sa
propre
«
religion
. A
Blanchandine
ar
exemple,
il
dira
«
Combattre e
m'inspire
ucun
désir
Je me rendrais
volontiers,
e
ne le
cache
pas,
là
où l'on
mengerait
e la
viande rôtie et où
l'on boirait du
vin en
abondance
»
(laisse
1
0)
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ri
et
de sa
propre
foi
«
Ma
croyance,
'est la
viande,
e
pain
et la
poivrade,
t mon
amour
va au
vin
Quand
je
suis
repu,
l
me semble
que
rien de mauvais
ne
pourra
m'arriver e la
journée
»
(laisse 149).
Le
grand
branle
du
monde
: les
broches
Loin
de se réduire l'une des lois
des fictions
ui
veulent
que
les
hérospossèdentchair et sang, le rapportà la nourriture,oïncidant
avec des
phases
d'exclusionet de
réintégration,
ossède
ime
valeur
symbolique
e transmutation
e l'asocial vers
un être
intégré
u col-
lectif.
r
la
préparation
es
aliments,
a
vie des cuisines t
la circulation
des mets semblent
leur tour
particulièrement
iées aux
fonctionne-
ments ollectifs
la nourriture
pparaît
ainsi comme
point
névralgique
de la vie collective.
Sur les chemins
initiatiques,
e
rapport
manqué
ou
réussi
aux
contenances st
une
étape
nécessaire,
t si le
nice
Perceval,
u début
de son
itinéraire,
ans
l'épisode
de la
Demoiselle sous la
tente,
aisait
montre 'ime fortpeu courtoise ppétencede la nourriture 'autrui,eLai de Désiré
par
contraste
eprésente
e héros
témoignant
'exquises
manières
ui
lui
procureront
'accès à
l'AutreMondeoù
il
espère
trouver
la fée
dans
la forêt le chevalier
prit
un
couteau,
coupa
un bon
morceau
de
viande,
'arrosa
de
poivrade,
'offrit
u nain
qui
le
mangea.
Il
ouvrit e couvercle
du
hanap,
ui offrit out d'abord
à boire
et ne
mangea
pas
un
seul
morceau sans
lui
en offrir
n autre
tout aussi
bon. Le nain
trouva ses
manières i
affables,
énéreuses,
imables
et raffinées
u'il
ne
put
plus
s'empêcher
e
lui
parler
(21).
Si la valorisation
u
«
savoir
manger
avec
autrui est
ici tout à
faitévidente, l est significatifue des formesd'organisation ollec-
tive
-
une distribution
es
fonctions
oncernant a nourriture
se
dessinentdans certaines
robinsonnades,
ans l'Ile Inconnue
des Pro-
phéties par
ex. où
les chevaliers et
les
quatre
marins
se
partagent
l'organisation
uotidienne.
Les uns
chassent le
gibier,
es autres
se
livrent la cueillette
t accommodentes
mets,
ociles
à la
reproduction
d'une hiérarchie ociale
«
Les deux
valeureux chevaliers
partaient
à
la chasse
pour
la
journée
et
attrappaient
es
grands
oiseaux et les
grands
animaux
les
quatre
marins
partaient
la recherche e
petites pommes
et
préparaiente repas pour les deux chevaliersqu'ils servaientde
leurmieux
(p.
425).
21.Le Lai
de
Désiré,
rad,dans Cœur
mangé,
.
79.
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78
A
partir
de l'extrême
mportance
ttachée dans Valentin
t Orson
à
la
lente maîtrise
d'appropriation
e la
nourriture,
n
pourra
s'interroger
sur
l'agressivité
manifestée
l'égard
du
maîtredes
cuisines,
ui
a
pour
issue le meurtre mérité du cuisinier
Alors
qu'il
se
montre
déjà
prêt
à
lire
le
langage
des
signes
de
l'amour,
Orson
perçoit
dans la cuisine a
nourriture
ue
le cuisinier
préparepour
le
souper
«
Il
s'approche
de
lui,
saisit
deux
chapons
tout
crus,
y
plante
es dents
et
les
mange
comme
feraitun chien
.
Le cuisinier
'empare
d'un
pilon
et en
frappe
Orson,
qui
le bat
à
mort
Le
meurtre
u
cuisinier,
ui
me
semble
transcender
a
valeur anecdo-
tique,
marque
bien
que
commencent
reculer es frontières
'un
pouvoir
au
profit
'autres
enjeux
le maître des broches
doit céder
la
place
à
celui
qui
-
malgré
quelques pesanteurs
se
montre sur
la bonne
voie d'un retour la collectivité
Orson
découvrira
n effet
u'il
est
filsde
roi,
frère
e
Valentin,
eveu
de
Pépin).
Le
règne
sur
la cuisine
implique
aussi
la maîtrise
de
l'abondance
fût-ellemiraculeuse les deux
jumeaux
de
la belle
Helaine,
élevés
jusqu'à seize ans par un ermite, e sont instinctivementdistribuésselon des antinomiesbien connues Bras, le végétarien, 'a jamais
mangé
que
des
herbes
et des
racines,
dormant ur
de la
paille,
alors
que
son
frère
yon,
e
carnivore,
e
mange
que
du
gibier,
hasse
toute
la
journée
cerfs et
lapins
qu'il
fait
cuire,
dort
à même
la
terre,
un
caillou sous
la
tête.
D'ailleurs
l
est dit du
premier
ue
son
mode
de
vie
plus
fragile
«
son
foyble
ouvernement
)
ne
lui aurait
pas
permis
de dormir ur ime couche aussi dure
que
celle de son
frère...
arvenus,
en
quête
de leurs
géniteurs,
la cour
de la reine de
Bavière,
ls
inau-
gurent
n
mélange,
roisé de la
nourriture
rimitive
t
de la
nourriture
propre
à
l'intégration
ociale,
pain
et vin:
le
premier umeau
ne
tou-
chera ni au vin ni à la viande et ne mangeraque du pain et des
herbes
qu'il
a
lui-même
pportées
de
la
forêt,
lors
que
son
frère
mange
de la
viande
«
commeun chien
t met en
pièces
es
gras
chapons
et boit
à
grandes
coupes
du bon
vin
».
Distribution es
fonctions
alors
que
le
végétarien
e voit assumer
1'
«
état
»
de la
prière,
'autre
devient
espender
de
la cour
Durant
un
siège,
l
fait venir es
pauvres,
eur distribue
pain,
vin,
viande rôtie
et
tout
ce
qui
est
préparé pour
le dîner
«
dont
les
cuisiniers
'affligèrent
ort . Il
est
accusé de vouloir
ffamer
a
cité,
et la reinebannit es
deux
frères.
On annonce lors
que
«
toutes
es
broches ont
chargées
de rôt et
qu'il
y
a à la cuisine
deux fois
plus
de denréesque Lyonn'en avait distribué . Plus tard, 'épisode se
répète
chez
l'archevêque
de Tours dont
e
végétarien
evient ecré-
taire et
le carnivore
outeillier
il
fait donner
chaque pauvre
un
chapon
et
quatre pains.
L'archevêque
est
atterré,
n
vient
cepen-
dant des
cuisines
ui assurer
qu'y règne
'abondance...
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79
Assurer
un
juste
équilibre
des
cuisines,
procurer
de
quoi manger,
conserver
e
contrôledes
broches sont les
signes
évidents d'un
fonc-
tionnement
topique
de la
communauté. e
mouvement
erpétuel
et
rassurant
des
broches serait-ildans ces fictions e
grand
branle
du
monde
Vide,
privée
de
mouvement,
a broche annonce
une
«
terre
gaste
.
Chargée,
docile au
temps propre
de la cuisson
requise,
la
broche
et
par
elle,
la
catégorie
du rôti
-
se réclame
de la
durée,
assure
une
permanence,
ncarne
un
conceptrégulateur
t
une
garantie
d'abondance.
Le
cru,
a
viande
consomméedans l'instant travers
un
geste
de
démesure,
st
l'arrachement la
durée,
exclut toute
régu-lation,devient ignedu précaire.La distribution es fonctions utour
de
la
préparation
es aliments t
la
régulation
e la
cuisson,
insi
que
la
juste
consommation
eraient-elles,
omme dans d'autres sociétés
mais selon
un mode
spécifique,
ne
façon symbolique
e faire
marcher
le monde Dans ce contexte
et on se
rappelleraque
«
la
rage
et la
melencolie s'étaient
emparées
d'Yvain, l'asocial,
qui
a
perdu
tout
repère
des codes
-
il
devient
ignificatif
u'un
texte
comme
e Dit du
Prunier
fasse
appel
au terme
«
mélancolie
(«
ses
nices
melancolies
v.
250)
pour
décrire elui
qui
vit au
mépris
de
toutes es
règles
de
vivre,
qui
se
choisit,
omme
le
dit son
père
désolé,
«
les
plus
vils
compa-
gnons , qui passe la veillée « avec les fileuses , qui ressembledansson accoutrement t sa
négligence
une «bête
sauvage»,
dont les
contenances e
table,
on
l'a
vu,
sont
profondément
hoquantes.
D'ail-
leurs
qu'une
forme 'ordredu monde oit souhaitée travers
'attitude
face à la consommation limentaire
pparaît
bien
dans nombre
de
textes
normatifs,
t si la démesure st condamnée hez Robert
de
Blois
aussi
bien
pour
les
hommes
que pour
les femmes
«
Bien est honiz
et honiz soit
/
Et homs et
fame
qui trop
boit» 311
Chastoiement
es
Dasmes)
c'était
déjà
un Etat du Monde
qui
était accablé
pour
la
glou-
tonnerie
hez
Etiennede
Fougères
du
moins
es
membres
u
bas-clergé,
str.
48-58)
«
Pasteiement
t
beverie
C'est or
déduit
par
lecherie
).
Mais c'est surtoutdans
l'apologue
social
Dui
Chevalier
vont
chevau-
chant
que
l'attitude
l'égard
de la consommation
limentaire
evient
pour
le chevalier e critère
de sa
place
dans
la société
face à
la
belle
clairière,
e
«
locus
amoenus
,
les
chevaliers
rêvent
d'un
somp-
tueux
pique-nique,
es
clercs
de
plaisir
érotique
quant
aux
vilains,
ls
trouvent
e lieu idéal
pour
un
plaisir
fécal.
Or cet
apologue,
comme
e
dit très
pertinemment
ean
Batany
(22),
«
attribue
chaque
état
ime
conduite,réelle ou souhaitée qui est, en un sens, un renversement
de sa
fonction,
t
pourtant,
n un
autre
sens,
un
prolongement
es
réalités
matérielles
uxquelles
est
liée cette
fonction
.
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80
Ainsi e
rapport
à la nourriture
ui
dans les
fictions
pparaît
en
des
oppositions
extrêmement
imples
(cru/rôti,
laboré/non-élaboré,
eau/vin)
aisse affleurer es
normes
de
configuration
ollective
où le
discours alimentaire
orte
le
poids
symbolique
d'une
épreuve
à
fran-
chir
pour
e mieux.
A
l'égal
du
rapport
u
vêtement,
'acte
d'apprendre
à
manger
t à
boire avec
les
autres,
out comme e
contrôlede
l'appro-
priation
des
mets,
désigne
l'enserrement
déal de
l'individudans
la
communauté.
22. Jean
BATANY,
L'apologue
ocial des strates
ibidinales
Dui
cheva-
liervont hevauchant
,
Actes
Colloque
Récit
bref,
miens
979,
.
136-137
t
il
ajoute
«
La fameuse
argesse
e
la classe
aristocratique,
ien moins
ue
de
l'altruisme,
erait
n
fait une attitude e
consommation
stentatoire
.
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Marie-Christine POUCHELLE
LES
APPÉTITS
MÉLANCOLIQUES
Depuis que
les
romantiques
en
proie
au
spleen
ont affirmé
n
dédain
distingué
pour
les
nourritures
errestres,
es
mélancoliques
n ont
plus
guère
d appétit.
n
revanche,
our
les
encyclopédistes
t
les
médecins du
Moyen Age,
les
victimes
de la
«
bile noire
se carac-
térisaient
ar
les
appétits
es
plus
fous.
Ce
renversement,
oins
tranché
d ailleurs
qu il n y
paraît
tout
d abord,
tient à
l édulcoration
u ont
subie au cours
du
temps
les
images
de la mélancolie
1).
La bile noire
médiévale a
quelque
chose
de radical. Puissance
de
sauvagerie,
e
délire
et de
mort,
lle est
aussi
nécessaire l entretien e la vie,voireà sa reproduction.n explorant
la
configurationymbolique
dont elle
participait
ux
XII*,
XIIIe et
XIVe
siècles,
e
tenterai
e montrer
omment lle sous-tendait
imagi-
naire de
l appétit,
uand
ce
n était
pas
les
figures
mêmes
de l avidité.
Au XIIIe siècle
Barthélemy
Anglais
rapporta
que
les femmes
enceintes t les
hémorroïdaires,
hez
qui
la
mélancolie
abonde,
«
ont
appétit
de choses mauvaises
,
à cause
de
«
la
fumée
du mauvais
sang
corrompu ui
est retenudedans
leur
corps laquelle fumée
blesse
les
nerfs
ensiblesde
Vestomac t
fait
muer
Vappétit
.
Alors
«
la
personne
désire son
contraire omme
charbons
terre t sel
»
(2).Un peu plus tardle médecinBernard de Gordondevait donner ui
aussi une
liste des substances
repoussantes
éclamées
par
les
futures
mèreset
plus généralement
ar
ceux
qui
souffrent
humeursmélanco-
1. La
mélancoliet son
histoire nt
fait
objet
d une
bibliographie
nté-
ressante
173titres)
ans J.
STAROBINSKI,
Histoire u traitement
e la
mélancolie
es
origines
1900
,
Documenta
Geigy,
Acta
psychosomatica,
n°
3,
1960. our
ce
qui
concerne
pécifiquement
a
période
médiévale,
a
récolte
st
cependant
ssez
maigre,
e même
que
cette
époque
est
relati-
vement
eu
traitée
ar
Starobinski
il
s en tient
quelques ignes
apides
sur
Hildegarde
e
Bmgen,
t à une
courte
nalyse
e
Constantin
Africain).
D autre
part
l arrive
ue,
chez
les auteurs
médiévaux,
a
mélancolie oit
associée la pertede l appétit. estce qui se passe,par exemple,our es
amoureux
malheureux
cf.
BERNARD DE
GORDON,
Lilium
medicinae
(1305-1311).aris.1542,
° 111 °.
2.
BARTHELEMY
L ANGLAIS,
e
grand propriétaire
vers 1230),
ra-
duction
e Jean
CORBECHON,
aris,1528,
ivre
VII, chapitre
LIIII,
De
l appétit
ui
est
trop
grant
t
qui
est
appellé
bolisme,
° 89
v°.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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82
liques.
Aux charbons
s ajoutent
l argile
ou
la
craie
(creta),
poissons
et viandes
crues,
ainsi
que
les fruitsverts
(3).
Ces
appétits sauvages
se
situenten
deçà
de toute
cuisine,
et relèvent
d une
animalité
qui
confine
la
folie.Même es fils
de roi
n en
sont
pas toujours
préservés.
Lorsqu Yvain,
e
Chevalier
u
Lion,
perd
l amour de sa dame
par
sa
propre
faute,
un
«
torbeillons
de
«
rage
et de
«
mélancolie
lui
monte
la tête devenu
fou,
yant
perdu
a mémoire
l
se
dévêt,
ourt
nu
parmi
champs
et
forêts,
t
mange
son
gibier
cru
(4).
Ainsi es débordements
e la bile noire étaient-ils
ensés
provoquer
chez leurs victimes es
appétits
dénaturés.Une telle
conception
ne
se
comprendque si l on se reporteaux représentations hysiologiques
alors en
usage.
Ce
que
nous
appelons aujourd hui
e
sang
était
pour
les savants
médiévaux
ne
substance
composite
formée
de
quatre
humeurs
sang,
bile,
phlegme,
mélancolie
5).
En
constant
renouvellement,
es consti-
tuants
de la masse
sanguine
résultaient
e la
digestion
des
aliments
absorbés. Le
processus
commençait
dans
l estomac,
qui
extrayait
a
partie
utile du
bol
alimentaire,
e
chyle,
puis
continuait
dans le
foie,
qui
faisait bouillir
e
précieux
suc. Cette
coction,
négale,
produisait
le meilleur omme
le
pire.
Outre la
bile et le
phlegme,
taient
ainsi
fabriqués e sangproprement it,chaud et humide,principemême dela
vie, et,
à
l opposé,
un résidu
calciné,
une « cendrehumorale froide
et sèche de nature
terreuse,
onsidérée
omme
«
l ordure
t la lie
»
de
la
masse
humorale
la mélancolie
6).
De couleur
noire,
responsable,
quand
elle n était
pas
maintenue ans d étroites
imites,
des maladies
les
plus
terribles,
e la
lèpre,
du
cancer,
de
la
folie,
cette bile noire
entretenait vec la
vieillesse,
a
stérilité t la mort
une relation
pri-
vilégiée.
Cependant
ne
surproduction
elativede
«
cole noire était
théori-
quement compatible
vec la santé.
C était
ce
qui
définissait
a
com-
plexion,
e
tempérament, élancolique.
Mais alors était-on
lacé
sous
le signede Saturne,« mauvaiseplanète froideet sèche nocturnale t
pesante
.
Laids,
le
teint
pâle
ou même
jaune, paresseux
et
tristes,
lourds,
es hommes de cette
catégorie
ont tout le
corps
âpre
et les
talons
entamés
par
de
grandes
revasses sèches.
Prédisposés
u
travail
de la terre
«
ils n ont
point
d horreur
e
choses
puantes
et
ordes,
et
quierent
viandes seiches et
aigres
(7).
En
effet,
es semblables
3. BERNARDDE
GORDON, v. cit..
f°
230
De corruvtionevvetitu).
4.
CHRETIEN DE
TRO
ES,
Le
Chevalier u Lion M.
Roques,
Paris,
Champion,
965,
ers
2786 t
sq.,
et 2998.
5.
BARTHELEMY
ANGLAIS,
p.
cit.,
Livre
V, chapitre i,
f
35,
Des
humeurs
t
de
leurs
générations
t
de
leurs
oeuvres.
hirurgie
e
Maître
Henride Mondeville,rad.E. NICAISE,Paris,1893, . 650et sq. (éd. latine
par
J.L.
Pagel,Berlin, 892).
6.
MONDEVILLE,
p.
cit.,p.
653
BARTHELEMY
ANGLAIS,
p.
cit.,
Livre
V, chapitre i,
«
De la
propriété
e la
mélancolie
.
f°
38.
7.
BARTHELEMY
ANGLAIS,
p.
cit.,
ivre
VIII,
chapitre
xv,
° 108
°,
et Livre
VIII,
chapitre xiii,
°
108.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 85/139
83
s
attirant
éciproquement,ui
était
intérieurement
égi
par
une
subs-
tance
ignoble
ne
pouvait
que
désirer des
aliments
répugants
8).
On
notera au
passage
la
nature
mélancolique
assignée
aux vilains dont
la
littérature
médiévale d autre
part
tracé
des
portraits
ù dominent
le
sombre t le
bestial.
Dans les
descriptions
médicales
le
teint des
mélancoliques
oscille
entre
la
pâleur
mortelle du
plomb
et une noirceur
diabolique.
Le
chirurgien
Henri
de Mondeville es voit
bruns,
noirs,
maigres.
Leur
urineest
pâle,
noirâtre
u
brune,
peu
abondante leur
sang
est
épais
et noir.
ls se nourrissent e
préférence
e substances
froides
t sèches
qui correspondent leurtempéramentt qui l entretiennentfromages
secs et
vieux, houx,
entilles t toutes
égumineuses,
œuf,
hevreau,
lièvre,
anglier
t d une manière
générale
bon nombre
d animaux sau-
vages
(9).
On
peut
alors se demander i les
seigneurs,
ont
le
gibier
était la
viande
de
prédilection,
e couraient
pas
grand danger
de
devenir a
proie
de
la
bile noire.
Mais
ce
serait oublier
que
les nobles
étaient,
ans les
représentations
édiévales,
aractérisés
ar
la
couleur
rouge
t
le
tempérament
anguin.
A
la différence
es
paysans grossiers
ils
pouvaient
ans
risque
absorber ces redoutables
mets,
puisqu il
y
avait
en eux assez de chaleur
et d humidité
our
combattre a
néfaste
influence es nourriturescres, froideset sèches. De même,dans ledomaine
vestimentaire,
euls les très
grands seigneurspurent
se
per-
mettrede
porter parfois
leurs
fourrures e
poil
à
l extérieur t de
flirter insi avec l animalité leur
aura
suffisait
our
détourner eux
tout
soupçon
de
sauvagerie
bestiale
(10).
Mais les
mélancoliques
n étaient
pas
seulement
friands
de
subs-
tances
grossières
et noires
qui
confinaient u
contre-nature,
ls
étaient aussi de
grands
mangeurs
11).
Pourquoi
ime
telle voracité?
Parce
qu ouvrir
appétit
était
justement
a
fonction
pécifique u on
assignait
la
mélancoliedans
l organisation orporelle.
Ramassée dans
la
rate,
elle
était
envoyée par
celle-ci
usqu à
l orifice
upérieur
de
l estomac pour y faire naître le sentimentde la faim (12). Rien
d étonnant onc à ce
que
les
êtres chez
qui
elle
dominait ussent un
fort
ppétit.
On
tient ci la
justification
avante
-
médicale
-
qui permettait
alors d associer a mélancolie
et
l appétit.
Mais cette
rationnalisation
allait de
pair
avec un
imaginaire
ui
débordait
argement
e
registre
de la
pensée
réfléchie,
t
qu il
nous
faut
continuer
explorer
i nous
8.
BERNARDDE
GORDON,
p. cit.,
f°
230.
9.
MONDEVILLE, p. cit.,p.
604.
10.Robert
DELORT,
Le
commerce es
fourrures
n
Occident
la
fin
duMoyenAge,EcoleFrançaise e Rome, 978, p. 358, 61, 62.M.C. POU-
CHELLE,
«Des
peaux
de bêtes et des
fourrures.
istoire
médiévale
une
fascination.
Le
temps
e la
réflexionII), Paris,Gallimard.
981.
11.
MONDEVILLE, p. cit.,p.
604.
12.
bid.
p.
650.BARTHELEMY
ANGLAIS,
ivre
V,
chapitre li,
Des
propriétés
e la ratte
f°
58
v°).
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84
voulons
entrevoir e
que
l appétit
représentait
our
les hommes
de
ce
temps.
Les
documents
choisis
pour
ce cheminement
elèvent
d un
même
fonds
symbolique,
même
si les visées
d un
«
technicien
tel
que
le
chirurgien
Mondeville ont bien
éloignées
des intentions
une
sainte
Hildegarde.
Parce
que
ces textes e
recoupent
t se
complètent,
on
les
fera
se
répondre
es
uns
aux
autres
comme
on
a
déjà
commencé
à
le faire dans les
lignes
qui
précèdent,
ur
la
scène
imaginaire
ù
l histoire onstruit es
objets.
Les désordres
de
l appétit
ne
pouvaient as manquer d occuper
une
grandeplace dans le discoursmédicalmédiéval, ompte enude l impor-
tance
alors accordée au
régime
alimentairedans le maintiende
la
santé et dans la
thérapeutique.
Bernard
de Gordon
leur
consacre
plusieurs hapitres
ans son traité
13).
Pour décrire a faimdémesurée
de certains
malades,
c est à un animal de
nature
froide
et
sèche,
mélancolique qu il
renvoie
le chien
(14).
Ce
dernier était en effet
perçu
comme
perpétuellement
ifamé,
n
proie
à un
appétit
ntense,
désordonné,
nsatiable. Le
médecin
montpelliérain
ouligne
que
cet
animal va même
usqu à
revenir ce
qu il
a
vomi.
Aussi,
dans l avidité
qui
tenaille ses
patients
voit-il a manifestation
un
«
appétit
canin
Ces insatiablesont quelque chose de bestial.Si d autres sourcesne le montraient
l envie,
analogie
posée
par
Bernard de Gordon
uffirait
suggérer ue
l imaginaire
e
l appétit
t
a
fortiori
e la
dévoration,
ppartient
u
registre
e
l animalité,
omme
bien
longtemps uparavant
es
platoniciens
avaient
ndiqué
en
affir-
mant
que
«
la
partie
de l âme
qui
a
l appétit
du
manger
t du boire
,
c est-à-dire
estomac,
était une
bête
sauvage
enchaînée
qu il
fallait
nourrir l attache.
nsensible la
raison,
et animal
était
our
et nuit
séduit
par
des
images
et des
fantômes
15)...
Au
MoyenAge
cette sensi-
bilité aux illusions devait être le
propre
des
mélancoliques
et
des
enragés.
Revenons n effetu chien,dont on imaginait ue les ripailles, on
seulement
xcessives mais
abjectes,
étaient
à l occasion sanctionnées
par
les hallucinations
mortellesde
la
rage.
Car le
fidèle
compagnon
de
l homme
n est
pas
seulement
nsatiable,
l
se
repaît
aussi
des
pires
substances
les
cadavres
humains
cadavera
mortuorum)
échappent
pas
à sa
voracité,
non
plus
que
l eau des
puits
corrompus
16).
Alors
la
mélancolie e
déchaîneet
se
putréfie
n
lui,
a
rage
le
saisit,
comme
elle saisira
l homme
mordu
par
la
bête
infectée.
13.
Op.
cit.
f° 220 et
sq.
14. bid., f° 228,De caninoappetitu. ur la naturemélancolique uchien et ses
appétits
désordonnés,
oir
aussi
BARTHELEMY
L ANGLAIS,
op.
cit.,
Livre
XVIII,
chapitre
xv f°
235
v°,
et BERNARDDE
GORDON,
op.
cit.,
f°
31
et
sq.
(De
morsu
anis
rabiosi).
15.
PLATON, imee,Pans, Garnier-Flammarion.969. .
448.
16.
BERNARDDE
GORDON,
p.
cit.,
f° 31
v°.
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85
Rendu
ntérieurementmmonde
ar
la
putréfaction
e la bile
noire,
l homme
tteint
par
la
rage
-
«
passio
melancólica
-
est
la
proie
du délire
(17).
Il craint avant tout l eau
pure,
d où le
nom
d hydro-
phobie
appliqué
à cette affection canine
.
La
transparence
queuse
grouille
our
lui
d intestins, excréments,
t de viscères de chien
(18).
Il faut donc lui
éviter
a vue
de toute surface
réfléchissante,
t le
soigner
omme
un
fou
maniaque,
n
mélancolique
19),
puisqu il
confond
monde
intérieur
t
environnement,
antasme t
réalité. Tel
Narcisse,
l homme
nragé
st victime
e
ses
propresmirages,
t le chien
malade,
«
quant
il
porte
char ou
autre
chose
en sa bouche et
qu il
traverse
une rivière, oyant e reflet e ce qu il portedans l eau, laisse ce qu il
tient
pour
prendre
«
ce
qui
est néant
(20).
Aboyant
la vue de sa
propre mage
prisonnière
e l eau
le
voilà
bien
qui,
dans
son
avidité,
laisse la
proie
pour
l ombre.
Ainsi,
omme e
démon,
a mélancolie
gare-t-elle
es victimes
dans
un réseau
d apparences
mensongères,
bscurcissant
eur
regard
et
trompant
eur
imagination.
u
reste la bile noire était
associée aux
yeux
puisque
c est
par
eux,
pensait-on,
ue
le
corps
s en
purgeait
21).
Que
les
femmes n cours de menstruation ernissent
es miroirs
par
leur seul
regard
ne doit
guère
étonner
22)
chez elles
a
rompu
ses
diguesun sangmenstruelhargéde mélancolie.Ne suffisait-ilas qu un
chien n absorbeune
petite
uantitépour
devenir
nragé
23)
?
Le
sang
des
règles,
upposé
réunir
es
superfluités
roides
t
gros-
sières
que
le
corps
féminin e
pouvait
éliminer,
tait à l instar
de la
bile
noire,
considéré comme
susceptible
de déclencher es maladies
mélancoliques
elles
que
la
lèpre
ou
le
délire
(24).
A
la suite de Pline
et d Isidore de
Séville,
Barthélémy Anglais
ui
attribue
de remar-
quables pouvoirs
de
destruction.
es blés
qui
en sont touchés
ne
germent as,
les herbesen
meurent,
es arbres
perdent
eur fruit
il
a
la
propriété
e faire
rouiller
e
fer,
noircir
airain,
et les
métaux de
dissoudre e
«
ciment
(25),
l asphalte
(26).
Enfin
«
se
une
asnesse
menge rgetoucheedes fleursdes femmes, lle sera autant de annees
sans
porter
faons
(qu elle
aura avalé de
grains)
(27).
17.
bid.,
f°
32.
C est
au f° 31
qu on
trouvera a
rage
qualifiée
de
«
passio
melancólica
.
18. bid.
f°
32.
19. bid.
20. BRUNET
LATIN,
i livres
ou
tresor,
.
Chabaille, aris, 863,
.
234.
21.GUILLAUME
DE
SAINT-THIERRY,
Patrologie
Latine
(Migne),
CLXXX,
ol.
700.
A.
SALMON,
Remèdes
opulaires
u
MoyenAge
,
Etudes
romanes édiées
Gaston
Paris,Paris,189f, .
255.
22.
BERNARD E
GORDON,
p.
cit.,
f
30
«
et ideo
muliermenstruata
inficitpeculum
.
23.BARTHELEMY ANGLAIS, ivre V, chapitre iii,f° 36 v°, «Du
sang
maulvais t
corrompu
.
24.
MONDEVILLE, p. cit.,p.
616et
sq.
25.BARTHELEMY
ANGLAIS,
ivre
V, chapitre
iii,
f°
36
v°.
26.
BRUNET
LATIN,
op. cit.,
p.
155.
27.
BARTHELEMY
ANGLAIS,
p.
cit.,
Livre
XVIII,
chapitre
I,
f° 228.
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86
Puissance de
mort,donc,
ce
sang
était
aussi
puissance
de
vie.
De
même
que
la
mélancolie,
i
redoutable,
réside
pourtant
l entretien
de
la vie en incitant
homme se
nourrir,
a
substance
des
règles
est
indispensable
à la
reproduction
e la vie
c est
elle
qui
alimente
le
fœtus
et lui
fournit
une
partie
de sa
matière
pendant
toute
la
gestation.
C est elle aussi
qui, après
la
naissance,
se
convertit
n
lait
dans
les
seins
maternels
our
nourrir
e nouveau-né
28).
Chez les femmes nceintes
a rétention es
règles
n allait
pas
sans
péril,
e fœtus
n utilisant
pas
nécessairement oute
la
matière
mise
à
sa
disposition.
Aussi le
corps
maternel tait-il
lors encombré
d un
surplus d humeursmélancoliques,comme celui des hémorroïdaires,
dont les hémorroïdes onstituaient
utant
de réservoirs
e la
mélan-
colie,
comme
celui des
délirants,
des
maniaques,
des
fous.
D où
les
appétits
dénaturés ur
lesquels
j ai
ouvert
et article.
Parmi es
symptômes
remiers
de
la
grossesse
figurent,
our
Bar-
thélemy
Anglais,
e désir
qu ont
es femmes
e
«
diverses hoses
»
(29).
Dans
ce
passage
rien de
plus
n est dit
sur la nature
de ces
envies,
de
sorte
qu il
semble
s agir
non seulement
de convoitises
alimentaires
mais du
désir en
général,
omme si
l appétit
de nourriture
ui
survient
bientôt hez la femme
gravide
n était
que
l image
métaphorique
une
faim utrementlus exigeante. r les fantasmes elatifs uxexubérances
du désir et des
appétits
dénaturés
qui
seraient
ceux des femmes
enceintes onnent
voir les mères comme des
puissances
redoutables
en tant
qu elles
sont des
puissances
désirantes.
t,
si
l on en
croit
es
données du bestiaire
qui figure
ans
Li livre
dou Trésor
les
grandes
dévorantes
ont finalement
e mauvaises mères.
Il
est
en
effet
n animal
qui
se
présente
la fois comme
mélan-
colique, ravageur
dans ses
appétits
et détestablevis-à-vis
e sa
progé-
niture.C est
l autruche,
aractérisée
par
un
estomac
qui
a conservé
jusqu aujourd hui
a
réputation,
t
par
un
aspect
monstrueux
uisque,
tout en
ayant
ailes et
plumes
d oiseau,
elle ne vole
pas,
et
qu elle
possèdepar surcroîtdes « pieds de chameau . L auteur ne la qualifie
pas explicitement
e
mélancolique,
mais c est
bien comme telle
qu il
la
décrit,
pesante
et
«
oublieuse(e)
malement .
Or
cette
vilaine
bête,
capable
d avaler et
de
digérer
n importequoi,
affame ses
propres
petits
la dévorante
est
pas
nourricière,
est une
mère contre-nature
qui
non seulement ublie
ses
œufs,mais,
après
leur
éclosion,
«
ennuie
ses
poussins
et leur fait
«
tantde
cruautécomme
l
puent
(30).
Sur ce
point
Brunet
Latin,
emportépeut-être ar
son
imagination,
diffère e
Barthélemy
Anglais qui,
lui,
tout en
expliquant que
l au-
truchene couve
pas
ses œufs
et les
oublie dans
le
sable,
montre om-
28.
MONDEVILLE,
p. cit., pp.
17, 21, 22, 58, 59,
728. BARTHELEMY
L ANGLAIS,
p.
cit.,
Livre
VI,
chapitre
ii,
Livre
V,
chapitre
xxiiii.
29. l renvoie
ce
propos
Aristotet Galien.
Op.
cit.,
Livre
VI,
cha-
pitre ii,
f° 70.
30.BRUNET
LATIN,
p.
cit.,
pp.
221,
22.
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 89/139
87
ment lle revient
ourrir
es
petits
près
leur naissance
(31).
Parcourir
les
bestiairesmédiévaux
ermettrait
e
reconnaître
omment
et oiseau
a
été
perçu
dans
la
majorité
des cas.
Mais
quoi qu il
en soit
le fan-
tasme de
BrunetLatin est
malgré
tout
significatif.
l
correspond
bien
à la
représentation
u Hildegarde,
au
siècle
précédent,
se fit
des
femmesde
tempérament
mélancolique.
La maternité
eur va
mal,
en
effet.
énéralement
tériles,
uand par
hasard elles
deviennentmères
cela
ne leur
arrive
qu une
fois et sur le
tard,
vers
la
cinquantaine
32).
Ainsi de tous
côtés
répète-t-onue
la
mélancolie
est en l homme
la noirceurmenaçante ui s opposeà, a vie touten lui étantnécessaire.
Mais est-cevraiment ette substance
effroyable
ui
fait
de
l homme
un
fauve affamé
L histoire
du
péché
originel,
elle
que
sainte Hilde-
garde l interprète,
ait
apparaître
une réalité
plus complexe.
En
effet
au
moment ù
Adam,
poussé par
un
appétit
scandaleux où la
faim de
connaissance
e confondait
vec
le
goût
du
fruit
défendu,
désobéi à
l ordre
divin,
«
à cet instantmême la mélancolie est
coagulée
dans
son
sang
(...)
tandis
qtie
a
lumière n lui
s éteignait
(33).
La bile
noire,
les
appétits
et le
péché
furent
troitement ssociés
par
Hildegarde,
comme si
lá
mélancolie,
out à
coup
définitivement
paissie,
était en
l homme a marque ndélébilede sa dissemblance.
Cette dissemblance culmine
sans doute chez
les cannibales.
Au
nombre des
plaisirs
contre-nature
ue
Brunet
Latin
égrène
dans
le
chapitrequ il
dédie
au
«
Délit
»
figurent
e
«
cruels malices a
guise
des
fieres
auvages qui
sont le
propre
des
«
frenetiques
,
des
«
for-
cenez
et...
des
«
mélancoliques
. Or ceux
qui
consomment es
«
deliz
de
fiere
sont
«
cil
qui
se delite en ovrir
es cors des dames
grosses
por
saouler soi
des
filz que
eles
portent
dedanz
lor cors et
(...)
celui
qui
manjue
char d ome ou char
crue
»
(34).
Commentmaintenantne
pas évoquer
celui
qui,
dissemblant
par
excellence,
tait aussi
dans l au-delà
médiéval,
e maître naturel des
anthropophages,e diable? Ce personnagepartageait a noirceurdes
mélancoliquespuisque
l un de
ses
déguisements
avoris
consistait à
prendre
ne
apparence
ď
«
éthiopien
,
se montrant insi
sous sa vraie
couleur,
noir comme mûre
(35).
Du
reste
la
bile noire et le
démon
furentbien souvent
associés,
et
par
les
médecins
eux-mêmes.
our
Bernardde Gordon a
rage,
maladie
mélancolique
e
le
rappelle,
mène
à la
«
manie
démoniaque
avant de
provoquer
a
mortdu
patient
36).
31.BARTHELEMY
ANGLAIS,d. cit..
Livre
XII. chapitre xxiiii.
° 140.
32.HILDEGARDE DE BINGEN,Causae et Curae,P. Kaiser,Leipzig,
1903, .
89.
33.
bid.. p.
143.
34. BRUNET
LATIN, p. cit.,p.
306.
35.
bid.,p.
171.
36.
Op.
cit.,
f°
31,
32.
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88
Inversement
e diable
peut
être
parfois
à
l origine
de
la
folie mélan-
colique
(37).
D autre
part
l avidité
de
Satan
c est aussi celle de
Saturne,
ce
«
grand
mangeur
de
viande dont le Calendrierdes
Bergers
devait
rapporter
au XVe
siècle
qu il
était aussi
plein
ď
«
envie et
de
«
mauvaise
malice
(38).
«
Convoiteux étaient
également
es hommes
gouvernés
ar
l humeurnoire
39).
Ce trait e retrouve hez les
mélan-
coliques
décrits
par
Hildegarde
de
Bingen
trois
siècles
auparavant.
C est même une de leurs
caractéristiques
majeures.
Jamais
satisfaits,
les
mélancoliques
ont amers et
avares,
et
leurs enfantsmêmes sont
haineuxet envieux 40). Quant à Barthélemy Anglais l fitdu chien,
dont on a
vu
qu il
est à la
fois
mélancolique,
orace et
insatiable,
vin
animal
«
envieux
,
«
convoiteux
et
«
eschars»
(avare) (41).
Ainsi,
d image
en
image,
sommes-nous onduits à nous
interroger
sur
les
représentations
ssociées à la
convoitise,
l avarice.
Au XIII*
siècle,
e
théologien
ierre
e Chantre
fit de
l avarice
le
modèle de
l insatisfaction. omme a
gueule
de
l enfer,
omme e sexe
des
prostituées,
es
avares sont
des
puits
sans
fond,
évorés
qu ils
sont
par
un
désir
qui,
comme une
sangsue,
ne cesse de clamer
«
Apporte
apporte
(42).
Car si la
«
libido
,
le désir
charnel,
décline avec
l âge,
l avarice est incurable (43). Et le maître parisien de comparerlesavares aux
hydropiques, ui,
tels
Tantale,
ont
toujours
soif,
et à
Narcisse
qui,
croyant
tancher a
soif ne fit
ue
l aggraver
44),
comme
l avait
souhaitée celle de
ses
victimes
qui
l avait maudit
«
Puisse-t-il
aimer,
ui aussi et
ne
jamais posséder
V
bjet
de son amour
(45).
N est-il
donc
d appétit que
mélancolique
N y
a-t-ilde désir
que
condamné
l insatisfaction Ces
rêveries
médiévales
ncitent
méditer
sur
l inassouvissement,
a difficulté
être et
les séductions
de
l avoir.
En
quête
de
l impossible
46)
les
mélancoliques,
els
que
le
MoyenAge
les a
imaginés,
nous
présentent
eut-être,
ans leurs
appétits pour
des
nourritures rohibées, es figuresmétaphoriques une faim radi-cale que nous ne sommespas sûrs d avoir enfin
paisée.
37.
bid.,
f°
108.Sur
l association
u diable et de
la mélancolie la
Renaissance,
f.
F.
AZOUVI,
La
peste,
a mélancoliet le
diable,
u
l ima-
ginaire églé
,
Diogène,
°
108,
ct.-déc.
979, p. 135,
38.
38.
Calendrier
es
Bergers, aris,
Guiot
Marchand, 493,
° 136.
39. bid. f° 145.
40.
HILDEGARDE
DE
BINGEN,op. cit.,pp.
38 et 73.
41.
Op.
cit.,
Livre
XVIII,
chapitre
xv,
«
Des mauvaises
ropriétés
u
chien
,
£
235.
42.
Verbum
bbreviatum,
atrologie
atine,
tome
CCV,
col. 77
{De
avaritia)
t col. 277
De
bona
esurie t
siti).
Cf.
ussi nnocent
II,
P.L.
CCVII,
De
contemptu
undi
ive De miseria
onditionis
umanae,
ib.
II,
cap.
VII
(Quare
cupidus
atiarinon
potent),
t
cap.
XI
(De
avaritia).
43. bid.,col. 73 Contra upiditatemt avaritiam).
44.
bid.,
col.
277
et 73.
45.
OVIDE,
Métamorphoses,
II,
vers
405,
Paris,
Les Belles
Lettres,
961,
p.
82.
46. BERNARD
DE
GORDON,
p.
cit.,
«
De mania
t melancolia
,
f° 106
et
sq.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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Pascal HERBETH
LES USTENSILES
DE
CUISINE
EN PROVENCE MÉDIÉVALE
(XHP-XVe
SIÈCLES)
Les
objets domestiques
ont une
porte
ouverte ur le
quotidien
de
la
société traditionnelle.
ne
porte qui
nous fait
pénétrer,
la suite
du
notaire,
ans la salle commune
aula)
d'autrefois,
ans ce sanctuaire
au centre
duquel,
autour des braises
rougeoyantes,
es femmes
'affai-
raient
à la
préparation
es
repas.
Pour connaître es
différents
ypes
d'ustensiles
ulinaires,
es
listes
notariées sont
des
documents
ndis-
pensables,
omplémentaires
es donnéesde
l'archéologie.
Notre
enquête
est basée sur un ensemble de 49 inventaires e maisons (1), rédigésentre 1297 et 1445,dans la cité vicomtale de Marseille et en Basse
Provence entrale
2).
Nous
présentons
ci la substance
de
ses
résultats
en situant es instruments
leur
place
dans le
processus
culinaire.
La
préparation
à froid
Elle débute
par
le
lavage
des aliments.Cette
opération
ne semble
pas
avoir
exigé
de contenants
particuliers.
es trois
quarts
de nos
maisons sont en
effet
épourvues
de
toutes
bassines,
bassins et bassi-
nettes.Peut-être e servait-on e jattes en terre,grazali,gavede,elles-
mêmes
peu fréquentes
3).
La
cuisinière
puisait
l'eau dans de
grandes
jarres
en terre
placées
dans
la
salle,
à
l'aide d'une
louche, cassia,
de
ferou de cuivre.
1.
Intégralement
ubliés
dans mon
mémoire e maîtrise
Répartition
des
objets domestiques
u sein
d'habitations arseillaisest varoises
du
XIIIe au XVe siècle
préparé
sous la direction e M. Ch.-E.
DUFOURCQ,
Université e Paris
X
Nanterre,
ctobre 1982et dont
j'assure
l'édition
commentée.
2.
Besse,
Pignans,Puyloubier,
arcès,
Draguignan,
rignoles, amps
la Source,a Celle,MontforturArgens,a Roquebrussanne,rchivesépar-
tementales
u
Var,
Séries3 E 3 et 3 E 7.
3. Cf. G.
et H.
BRESC,
P.
HERBETH,
L
équipement
e la cuisine
t
de la tableen
Provence t en Sicile
XIVe
et XVe
siècles),
tude
comparée,
dans es actes
du
IIe
Colloque
nternationalu
Centre
'études
Médiévales
de Nice
octobre
982):
Manger
t boire u
Moyen
Age,
paraître.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 92/139
90
Le
mortier,
ndispensable
à la
préparation
des sauces et
à la
réduction n farine des céréales
et des
légumes
secs,
est
beaucoup
plus fréquent
on le trouvedans
une maison sur
deux
à
Marseille,
ne
sur trois dans la Provence ntérieure.
e matériau e
plus
cité est
la
pierre,
uivi du marbreet
du bois. Son
complément
ogique,
e
pilon,
en
bois ou en
pierre,
st
numériquementous-représenté
4).
Ce
petit
objet
de faible
valeur,
isément
remplaçable,
'a
guère
soulevé,
emble-
t-il,
'intérêt es notaires.
La
râpe
à
fromage,
ratuza,
est un
signe
de luxe
un
quart
des
maisons marseillaises n sont
pourvues
et seulement ne maison sur
sept en basse Provence.Ustensilepeu courantdans les inventaires e
dot,
a
râpe
est
toujours
unique
dans
la
demeure.
Autourde
ces
objets
qui
interviennentirectement ans
la
prépa-
ration
des
mets,
e trouvent ifférentsontenants
usages
variés.Ainsi
les
pots,
potus,poaz, pot
vases sans anses
et
majoritairement
n
étain,
sont
régulièrement
ités dans la batteriede
cuisine.
Leur
destination
n'apparaît
clairement
que
dans une
boutique
proche
du
Lacydon
en
1297.
ls servent contenirdes
confits u
des
confitures e noix et
de dattes. Le rôle
des
«
burettes est encore
plus
obscur.
Elles sont en cuivre
ou,
pour
la
plupart,
n étain. Ces
miseraba, massacaba, mezseraba, ont absentes des actes marseillaisdu XIIIe siècle.
La cuisson
En
dehors des
ustensiles
de
soutien et de
suspension,
es notaires
décrivent
eu
la
cheminée.Nulle
trace,
par
exemple,
des chenêts si
nombreux ans les
inventaires rlésiensde F. Feracci
(5),
à
partir
du
milieu du XVe
siècle. Nulle trace
non
plus
des
pincettes,
u
fourgon
à
braises.
l
faut attendre
387
pour
voir
apparaître
dans la salle d'un
prêtre inconnu,à Brignoles, e tisonnier en fer, et 1445,pour le«
cache-feu
,
cachifavecz,
uart
de
sphère
de terre cuite
ou
de
fer,
munie de deux
poignées
semi-circulaires
ixes,
onservant es
tisons
durant
la nuit
pour
faciliter
'allumage
matinal
des
brindilles.La
présence
d'un
foyer
onstruit st
cependant
ttestée
par
la
présence
quasi
générale
de la
crémaillère,
umascle,
tandis
qu'à
Besse en
1423,
le
notaire
précise
«
qu'une
huche
recouverte e deux
planchettes
st
placée
devant e
foyer
. Le
support
principal
st,
partout
n
Provence,
le
grand trépied
de
fer,
ripos tripode,
nd.es.
4.
13
exemplaires
trissonum
crissonum,
izonus, pistonus)
contre
18mortiers.
5.
F.
FERACCI,
Ameublementt cadre de
la vie
journalière
Arles,u
XVe
siècle
d'après
les
registres
05 E 69 et 402 E 123
des Archives es
Bouches u
Rhône.Mémoire e
maîtrise
actylographié,
ix
1976,
ité
dans
Aujourd'hui
e
Moyen
Age,
rchéologie
t vie
quotidienne
n Franceméri-
dionale,
1981-83
ouvrage ollectif),
ages
29-30.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 93/139
91
Les ustensiles
e
cuisson directe
la flamme u
à la braise sont
peu
communs.Les
grils,
grazilla,
rostineta
qui
ne sont
jamais
décrits,
sont
proportionnellement
fois
plus
nombreux Marseille
3
maisons
sur
8)
que
dans
l'arrière-pays
3
maisons sur
40).
Ils
constituent
u
même
titre
que
la
broche, ste,
veru, broca,
un élément
apprécié
de
dot. La
broche,
toujours
en
fer,
précisent
es
inventaires,
xiste
en
deux
tailles
la
grande
t
la
petite...
8 cuisines s'en
répartissent
4
au
total.Treize
foyers
nt une seule
broche,
uatre
en ont
2,
un seul
en
possède
trois.
Cependant,
n
Provence
médiévale,
'est
la
cuisson dans des
usten-
siles préalablement raissés ou contenantun liquide, qui prédomine
nettement. a
poêle,
sartago,
st
une
des
«
reines
de la cuisine avec
le
chaudron
t la marmite.
oêle
à
longue
queue
et
poêlon,
cassia,
sont
destinés frire e
poisson.
Ils sont tous deux
présents
dans
50 de
nos
inventaires. n aurait
pu
s'attendre
ce
que
les détenteurs
de
poêles
soient différentse ceux des
poêlons,
mais
il
n'en
est
rien.
Les
plus
riches
possèdent
es
deux,
tandis
que
les
pauvres
sont
totalement
démunis. Notons
la
curieuse absence de
palettes
pour
tourner
la
friture
7).
Le
chaudron,
acobus,
payrolum,
e différenciee la
marmite,
lla,
par sa taille de un à douze brocs d'eau pour le premier, ontre unseul
pour
a seconde.Cette dernière ontenance emble
supérieure
la
norme ux
yeux
du
notaire,
uisqu'il
a
juge
«
grande
(8).
La marmite
possède
par
ailleurs une anse ferrée amovible
(9).
Ces deux conte-
nants,
aitsd'airain ou de
cuivre,
ignalent ar
leur
présence
générale,
la
prépondérance
e la
soupe,
des
légumes
et
de la viande bouillis
dans l'alimentation
uotidienne.
Dans
l'ensemble
donc,
es
récipients
estinés à la
cuisson,
ne
pré-
sentent
guère
de variété. Un
tian,
tianus,
apparaît
isolé
à Marseille
dans l'extrêmefin du XIIIe
stècle. Ce
poêlon
couvert
pour
cuire
à
l'étouffée
10)
correspond
e toute évidence
à un
raffinement
ulinaire
nouveau.
La rareté des
menus
objets
intervenant
ans
la
cuisson est
frap-
pante,
mais ne doit
pas
conduire
des
conclusions
égatives
le notaire
préoccupé
de
la
valeur
monétaire,
e
relève
que
des
ustensilesmétal-
liques
une
cuillère,
quatre
écumoires.
Ces
dernièresn'étaient
peut-
6.
Primo
quemdam
naucum
nte ienem
copertum
e duobus
tauletis,
Série3
E
3/2,
Archives u
Var,
Folio
135.
NotaireHonoré
Peleti.
7. Une seule
mention 'une
paleta
dans la
boutique
marseillaise e
Richard ulian n
1297.
8.
Unam olam
magnam apacitatis
unius
broqui,
9
septembre
384.
Inventaire e tutellede Bertrand otini de Camps la Source,5E 7/58,Archives u Var.Folio nonnuméroté.
9.
Quasdam
tancas
olle
f rratas,
ctobre
420.
nventaire
e tutelle e
Katroneta
Meyrescesse,
otaire
Honoré
Peleti,
E
2,
Archives u
Var,
folio
non
numérote.
10.
D'après
'hypothèse
e
M. Henri
Bresc.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 94/139
92
être
que
des
cuillères
perforées,
omme
tendrait
le
souligner
ette
périphrase
de 1387 cullerias
ferreos
duas
unam ex
Ulis
perforatam.
La vaisselle
de
table
Corollaire
d'un menu à
base de
soupe,
les
plats
creux
individuels
sont les
plus
fréquemment
osés
sur
la table à
tréteaux.
L'écuelle,
par
xis, stanhada,
grasaletus
(11),
est
universelle,
uel que
soit le
milieu social du propriétaire. ur un total d'environ200 pièces,56 écuelles sont dites en terre, 8 en bois, 40 en étain. Elles accom-
pagnent
des
tailloirs,
plus
rares
et
donc semi-collectifs
taillador
ou
cissorium.
'ensemble
uggère
donc
un
système
table
à deux
éléments,
le tailloir tantutilisé
par
deux voisins
disposant
hacun d'une
écuelle.
Les
plats
collectifs
'apparaissent
ue
tardivement
ans nos
inven-
taires
platellus
à
partir
de
1373,
latus après
1423.
Ces
plats
et
petits
plats
ne sont détenus
ue par
huit
foyers.
es
premiers
ont
en
terre,
n
étain et
en
bois,
les seconds
en étain ou en bois.
Cette modification
des coutumesde
table soulève une
interrogation,
uisqu'elle
ntervient
au
moment où l'instabilité
politique
et
économique
de
la
fin
du
XIVe siècle appauvritplus ou moins durablement es bourgs de la
Provence
rurale
(12).
D'autres
innovations ont alors
perceptibles
Monet
Aycard,
ourgeois
de
Besse
sur
Issole,
vend en
1423,
eux
sau-
cières
d'étain,
duas salcerias
stagni
Il
pourrait 'agir
comme à
Gênes
au XV*
siècle,
d'une
petite
écuelle destinée
recevoir es
condiments,
sauce et
moutarde.
En
opposition
avec les informations
rchéologiques,
verres
et
gobelets
boire
sont
pratiquement
bsents
des documents
crits.
Même
les inventaires
e riches marchands
marseillais
qui
comportent
es
plats
et
des
pichets,
ne
connaissent
pas
le
verre,
mais
seulement
a
coupe, scyphus
rgenti.
Nous ne
les
rencontrerons
u'en
1373dans
le
legs de Pons Dorgani,mort à Brignoles, rêtreet sans doute scribe
professionnel.
rois
verres sont enfermés ans
un
étui,
unum
cartays
cum tribusvit
is,
un nécessairede
voyage,
mais
de
qualité.
A
l'inverse,
ichets
t carafes sont abondants
dans nos
documents
picherius
e terre t
pit
lf
s
d'étain
ou
de
terre
uite
(13),
tandis
qu'à
Marseille
en
1297,
st citée
la carafe de verre dont
la diffusion
este
très
limitée,
signe
de distinction ociale.
Ajoutons
à ces
récipients
collectifs,
es
quatre gargoulettes,
otellus,
botelhus
trouvées
dans
11.
Auxquels
nous
ajouterons
es
fromagères
azarías
placées
dans un
escudelier.nventairees biensde Guillaume errer, rchivesommunales
de
Marseille,
érie
FF.
501,
folio
10,
recto
1298).
12.L'abandon
e nombreuses
aisons
ituées
l'extérieures
remparts
en
porte
émoignage
voir
ce
propos
.
BARATIER,
.
REYNAUD,
istoire
du
Commerce
e
Marseille, ion,
ome
2,
Paris 1951.
13.A
partir
e 1384.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 95/139
93
trois
demeures
marseillaises
ui
laissent
penser
que
l'on
pouvait
boire
le
vin
ou
l'eau
à
la
régalade.
Les notairesne
nous laissent
guère
d'informations
ur
les
couverts
médiévaux
pas
de
fourchette,
eu
de couteaux
5
maisons).
Ces derniers
ont
une fonction
multiple
t
il
est
bien difficile e
discerner
eux
qui
serventdans
la maison ou à
l'extérieur.
e couteau
qui pend
à
la
ceinture
u
marseillaisBertrand
Marin,
ervait-il
découper
es
mets
dans son écuelle
? Les
couteaux si
précieux
du
boutiquier
Richard
Julian,
manchede
corail
(14)
sont-ils estinés
la table de
quelques
privilégiés
Que
recouvre
ette
xpression
cultellum
ominis
couteau
d'homme arme? Dans la plupartdes cas nous ne pouvonstrancher.
Du XIII* au
XV*
siècle,
â
batteriede cuisine
présente
donc,
outre
une constance
de
formes,
ne
variété
croissante,
ndice d'une
gastro-
nomie
en évolution.
lle
reste
pourtant
lémentaire t
réduite,
tricte-
ment
adaptée
à
la nourriture
imple, pauvre
de
la vie
quotidienne.
14. nventaire e
tutelle,
Archives
ommunales
e Marseille.
Notaire
André
Grassi,
érie
FF.
501,
folio
76 recto
août
1297).
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 96/139
Maguelonne
TOUSSAINT-SAMAT
UNE
RECETTE DU XV SIÈCLE
Voici une recetteextraited un livre de cuisine
inédit,
chevé
de
copier
le 18
décembre 1481
par
un certain Reimboldus
Filinger
de
Strasbourg
1).
Celui-ci
n aurait
fait
que reproduire
n
original
rédigé
en latin
par
un
certain
«
N.
médecin d Assise
,
sans
doute dans
les
années trente u
quinzième
iècle
(2).
Ce
«
livre de
recettes
de
cuisine
propres
à conserver
e
corps
en
bonne
santé,
bon
appétit
t
bon
goût
constitue
n
volume
de 80 folios
de
papier
10
x
15,5
m)
relié
en
peau
de
porc.
l
appartient
un
fonds
légué au XIXe siècle à la bibliothèquede Châlons-sur-Marnear un
notablede la
ville
(cote
319
(129) Garinet).
Les
cent huit
recettes
de ce
manuscrit ont
précédées
de
quelques
considérations
énérales
ur les herbes à
cuire
et
les
fruits,
t
d une
table des
matières. lles
sont ordonnées
e
manière
un
peu
incertaines
en
brouets,
gelées,
pâtés,
égumes,
auces et
poissons.
Peu de recettes
sont
propres
ce
recueil
beaucoup
sont
proches
des
recettes
u Liber
de
Coquina
du XIVe
siècle édité
par
MarianneMulon
(3).
J ai choisi
de
publier
ci
les
«
Tortelli d Assise
(f
58
v
-
59
v)
précisément arce
que
c est,
dans un
genre
onnu,
ne recette
riginale
cuisine
régionale
1.Résidait-il Bergameomme ontvu les archivistesu XIXe siècle
Peut-être,
ais la lecture st incertaine.
2.
Le
premier
olio
du
manuscrit
onne
ne date
tronquée
143.1ermai.
3.
M.
MULON,
«
Deux traites
medīts
d art culinairemedieval
,
dans
Bulletin
hilologique
t
historique,
968,
p.
368-435,
e Liber de
Coquina,
p.
396-420.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 97/139
95
De
modo
faciendi
Tortellos assisianos
<4
Recipe
carnes
porci
masculi
pingnes
et
macre
videlicet de ven-
treschaet
cossa,
et
elixa bene et
bacte cum cultello minut
t m et
recipe
mule
5)
et
erbellevel
grele
?)
elixateet
bene
pístate.
Et
recipe
ova
debactuta et
om>
a
supra
dicta misce simul in catino cum
pauco
sale
saff
rano
et
bonis
(6)
speciebus
et
fac
misturamnon morbidam
sed
aliqualiter pissam
et misce
bene.
Et
recipe
farinam
tacciatam
uper
tabulam
igniam,
t
recipe
de
dieta mistura
um
digitis
vel
cocleare et
involve
uper
dietam
farinam
et
fac
formas
icut
digiti
manus
longi
de tota
mistura,
idelicet ero
promane et manepro sero ut benefirmentur.
Modus
coquendi
eos
Recipe
brodium
grassumpullorum
vel
vitelli
dum
bene
bullit
et mitte ntus
dietos tortellos
t subito extrahe
quia
subito cocti
sunt
et mitte n
parassidibus
et
desuper
de dicto brodio
et cum bonis
speciebus,
t
da ad
comedendum.
Et
si vis
facer
pizzám
ex
dieta mistura
fac
sine emula et
magis
morbida um ovis
et
lactata in
techia,
t
coque
cum
admigdalis
undis,
uvis
passis
et
speciebus
desuper.
Comment faire les tortelli
d Assise
Prendsde la viande de
porc
mâle,
grasse
et
maigre,
est-à-dire e
la
ventrèche
t
de la cuisse. Fais-la bien bouillir
t hache-lamenu avec
an couteau.Prendsde l aunée
?)
et des herbes
bouilliesou
... ? ...
et bien
pilées
prends
des
œufs
battus et
mélange
toutes ces
choses
ensemble
dans une
atte
avec
un
peu
de
sel,
de
safran t de
bonnes
épices.
Fais-en
un
mélange
ui
ne soit
pas trop
mou,
mais
plutôt pais
et
mélange
bien.
Prends
de
la
farine
tamisée sur une
table de bois. Prends de
ce
mélange
vec
les
doigts
ou
avec une cuiller et
roule-ledans la farine.
De
tout
ce
mélange,
ais des
formesde
la
longueur
d un
doigt
de
la
main.
Prépare-les
e soir
pour
le
matin,
e
matin
pour
le
soir,
pour
qu elles
se raffermissentien.
Manière
de
les
cuire
Prendsdu bouillon
gras
de
poulet
ou de
veauet quand il boutbien, ette dedans lesdits tortelli t retire-lesoutde
suite,
car ils sont cuits tout de
suite. Mets-lesdans
des
plats
et mets
par-dessus
u
mêmebouillon
vec de
bonnes
épices
et donne à
manger.
Et si tu
veux faire une
seule
pièce
avec ce
mélange,
fais-le sans
aunée et
plus
mou,
avec des œufs
et
du
lait
(?)
dans un
plat
et
cuis-le
avec des
amandes
émondées,
es
raisins secs
et des
épices
par-dessus.
4. Pour
l édition,
ous avons
respecté
ntégralement
orthographe
t
les formes rès
mparfaites
e ce latin
«
de
cuisine .
5. Emule
pour
nule
?) ;
de
plus
ce mot t ceux
qui
lui
sont oordonnés
devraient
tre à l accusatif.
6.
Le
copiste
répété
t
bonis.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 98/139
Jean-Charles
HUCHET
LES
MASQUES
DU CLERC
(Le
Tristan de
Béroul)
Le
plus
souvent
nonyme,
e
roman médiéval
cherche,
d'un même
geste*
protéger
on
anonymat
t à
traquer
le
visage
caché
de son
auteur. l produitde multipleseurresdont se nourrita fiction t qui
aveuglent plaisir
a
lecture,
mais
qui
se
révèlent
ependant
e
subtiles
interrogations
e
l'écriture
omanesque.
Dans le
Roman de
Tristan attribué un
certain
Béroul,
nom dont
les
efforts
e la
critique
n'ont
pu percer
le
mystère,
e clerc
auteur
feintde
livrer on
nom
(v.
1268et
1790) 1)
pour
mieux dérober son
identité t
se
représenter
masqué,
ailleurs,
dans la
fiction.
e contexte
où
émerge
e nom
pris
ppur
a
signature
ait
ouer
habilement,
omme
pour
es
mêler,
a vérité
t
le
mensonge.
a
première
mention
du nom
de
Béroul
(au
cas
sujet,
«
Berox
)
intervient
u
momentoù
il faut
trancher u sort
réservé
par
Tristan Y
vain,
e chef des
lépreux quifut ivrée seut « provee d'adultère
«
Li
conteordïent
qu'Yvain
Firent
nïer,
ui
sont vilain
N'en
seventmie
bien
l'estoire,
Berox 'a
mex
en sen
memoire,
Trop
ert
Tris ran
preux
et cortois
A
ocirre
ģent
de tes
lois.
»
(v. 1265-70).
Au-delà
des
rodomontades finalité
ublicitaire,
éroul ne
revendique
son
appartenance
la
confrérie
es
«
conteor
»
que pour
mieux s'en
séparer,
ouligner
e
mensonge
travesti
n
méconnaissance)
de ceux
qui ne « seventmie bienl'estoire et vanter 'excellence 'une mémoire
témoignant
'une
transmission rale de
1'
«
estoire . La vivacité du
souvenir
ient
d'ailleurs moins aux
facultés
de mémorisation
u'à
la
chance
d'avoir
pu
consulter 'écrit
contenant a
véritéde
1'
«
estoire
et
où
Béroul dit
l'avoir
apprise
«
Ne,
si
conme
'estoire
dit,
La ou
Berox e
vist
escrit,
Nule
gent,
ant ne
s'entramerent
(v.
1789-91).
Cette source
écrite
et
perdue
-
exista-t-elle
La
critique,
non sans
raisons,
n
a
parfois
douté
(2).
Serait-ce
lors une
invention u
clerc
1.
Nos
référencesu
texte e
Béroul
renvoient
l'édition
'E.
MURET,
Le Roman
de
Tristan
C.F.M.A.. aris. 1969.
e
éd.
2,
Pour les
repères
bibliographiques,
n
pourra
consulter
'excellente
synthèse
e
D.
SHIRT,
The old
french
ristrans
oems.
A
bibliographical
guide
Londres,
980.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 99/139
97
grâce
à
laquelle
il
assoit
la
crédibilitéde sa version
ainsi
que
son
autorité
Et
qui
dira s'il
ment moins ou
plus que
les
«
conteors
?
Béroul
n'est
peut-être
ue
le nom reliant entre
eux les
multiples
leurresmis en œuvre
par
le
texte,
'autre nom du
suspens
entre
vérité
et
mensonge,
es contradictions
u roman l'archaïsme
pparent
un
effet de
style
)
d'une
première partie
démenti dans
la
seconde,
l'incohérence
'un baron
tué
à
deux
endroitsdifférents
u récit
(3)...
La vérité
du
nom
énigmatique
est
appendue
à la vérité
de
1'
«
estoire
qui
cherche elle-même
se
fonder,
t
pourtant 'égare,
par
un
geste
de
rupture
avec
une tradition
égitimante.
Le nom
« Béroul réponddans le registre« biographique par une énigme
au
coup
d'arrêt donné à
la transmission
ui
fonde
1'
«
inventio
.
Le
nom
se donne
pour
la
marque
de la vérité
du
récit
singulier
qui
«
dé-ment la tradition
des
«
conteors
. Il
personnifie
a déviance
par laquelle
le récit
tente d'accréditer
a vérité de la
fiction,
faire
prendre
e
mensonge
e
la fiction
our
a vérité e
la
fiction.
l
ne
témoigne
que
de
l'oscillation
ntrevérité
t
mensonge,
eux
pôles
entre
esquels,
comme nous
le
verrons,
e
récit ne cesse
d'hésiter,
ans
parvenir
s'empêcher
e les mêler.
Car comment
roire à
la vérité de
la fiction
et
du nom
qui
en
revendique
a
nouveauté,
uand
le
récit ne
laisse
pas de mettren scène despersonnagese payantde mensonges quand
le
lecteur,
onvié à
prendre
a
place
de Marc dans le
pin
épiant
les
amants,
reste sourd
à ce
qu'avouent
eurs
mensonges
quand,
enfin,
l'ermite
la
voix
même
de la vérité
confondue vec
celle de
Dieu)
conseillede mentir
v.
2353-54)
t tend au
clerc un
masque pour
qu'il
se
travestisse Le nom
d'auteur
fonctionne omme
un leurre
le clerc
est
ailleurs,
dissimulé
derrière
es
personnages,
t
préserve
son
ano-
nymat
sous
les
figures
ntagonistes
du nain Frocin et
de l'ermite
Ogrin
afin de
mieux
livrer,
t
dérober à
la
fois,
es secrets
de son
écriture.
A l'instar
d'un
ermite,
e
«
nain devin
«
set
de maint
atin
(v. 636)
il lit dans les
étoiles
v.
322,331,
736-37)
omme
'ermite
ans
le livrede Dieu (v. 2292).Ne conseille-t-ilas à Marc d'envoyer ristan
porter
Arthur n
«
bref
(une
lettre) v. 649-54),
ont on le
suppo-
sera
auteur,
u même
titre
qu'Ogrin rédige
un «bref» transmis
par
Tristan
Marc
(v.
2356-2620)
Enfin,
rocin
ne se veut-il
as
«
conteor
lorsqu'il
dévoile
a fiction
'une vie à
venir
«
Qant
il
oiet
un enfant
nestre,
Les
poinz
contottoz
de sa
vie
»
(v.
326-27).
tout
comme
Ogrin,
dans
le
«
bref tracé de sa
main,
conte,
les
«
poinz
de la vie
passée
des amants
et
anticipe
leur avenir en un
récitdignedu « conteor Béroul?
3.
On
a
parlé
d'utiBéroul
(v.
2-2754),
idèle
une
version
rimitive
u
roman
ont e
Tristrant
'Eilhart
on
Oberg
st
le
meilleur
émoin,
t d'un
Béroul
I, plus
récent,
écartant
ignificativément
u texte ourni
ar
Eilhart.
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98
L'écriture
impossible
Béroul
est
le seul
auteur
français
ayant
«
conté de Tristan à
nommer e
nain
«
Frocin
(aux
vers
320,328,
645)
et
«
Frocine
(aux
vers
470,
1328,
349).
ingularité
coup
sûr
signifiante,ui
fait
à nou-
veau
achopper
sur
le
mystère
d'un nom. M.
Delbouille
a
cru devoir
rapprocher
e nom
«
Frocin du
mot
«
froncin
(ou
«
froncine
)
qui
désignait
au XIV*
siècle
(4),
dans la
région
picardo-flamande,
n
parchemin 5).
V.
Gay,
à
qui
il
emprunte,
éfinit insi le
froncin:
«
Parchemintrès blanc et de qualité supérieurequ'on appelait enFlandres « francin . La
froncine,
ui
subissait
peut-être
ne
prépa-
ration
particulière,
st
presque
toujours
une
peau
de
brebis
passée
en
chaux
»
(6).
La
rugosité
du
parchemin
aisant
mage
à la
peau
rêche
d'un
crapaud,
le
mot
«
fro(n)cinie)
aurait
bientôt
désigné
un
petit
crapaud
ou un
têtard,
t
Béroul aurait
transformée
substantif n
nom
proprepour
résumer a
hideur,
ant
physique
ue
morale,
du nain
(7)...
Le
nom
conserve
'écho de son
origine
t
souligne
es
accointances
du
nain
avec la
question
de
l'écriture
8).
On
le
dépliera
comme un
parchemin.
Mais
qu'écrire
sur
cette
page
blanche
appelée
par
le
nom,
sinon
la
preuve
des
amours
coupables
de
Tristan et
d'Iseut,
dont le scandale emplitun jour la vue des barons félons sans pour
autant
amais
s'offrir
celle de
Marc
?
«
Qar,
en un
gardin,
oz
une
ente,
Virent
'autrier
Yseut la
gente
Ovoc
Tristran n
tel
endroit
Que
nus hon
consentir e
doit
Et
plusors
foiz
es ont
veiXz
El
lit
roi Marc
gésir
toz
nus
»
(v.
589-94)
Il
s'agit
de
capter
dans
les
rets
d'une
représentation
ignifiante
e
que
les
yeux
de
Marc
ne
peuvent,
u
ne
veulent
pas
voir,
de
substituer
la
violence génératriced'incertitude e l'image, la preuve d'un signe
écrit
qui
fasse
à
jamais
trace de 1'
«
asenblee
de
l'hommeet
de la
femme
dérobée
à la
vue.
Car
l'image
n'est
pas
sûre
et
fait le
jeu
du
4.
Le
mot
dû
cependant
tre
utilisé
ien
avant
a
première
ttestation
littéraire.
5.
«
Le
nom
du
nain
Frocin(e)
,
Mélangesofferts
Istvan
Franck
Sarrebriick,957, .
191-203.
6.
Cité
p.
197.
/ Tiiïi e.?
*
boçu (v.
320),
«
cort
(v.
1328)
sa
tête est
grosse
(v.
1328)
il
est
proche
'une
bête
dont,
u
moins
ne
fois,
l
eut
e
compor-
tement
«
il fist
que
beste
,
v.
1309).
Comme
e
crapaud,
l
enfle
«
De
mautalent,ogisttenfle,v.332). 'âme stà l'image ucorps, 'ymélangentla féloniev.470) t la ruse «voidie ,v. 673).
8.
Aucun
utre
auteur
ne
conservera
ans un
nom
le
lien du nain
et
de 1
criture. e
manuscrit
du
Tristrant
'Eilhart
e
nomme
Aquitayn
(v;
3931),
«
Volant
(v.
1780).
hez
Gottfried
e
Strasbourg,
l
a
pour
nom
«
Melot
(
«
Melot
petit
von
Aquitan,
v.
14240).
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 101/139
99
désir de
ne
pas
voir
Marc
en fera
plus
tard
les
frais,
dans
la
loge
de
feuillage
du
Morois,
orsqu'il
surprendra
es
amants endormis
t
s'abusera
des
signes
(disposition
des
corps,
vêtements, nneau,
épée,
cf. v.
1995-2019)
'une désunion
actuelle n'abolissant
cependant pas,
dans
la
mémoire
u
lecteur,
e souvenir
de
charnellesunions.
L'urgence
d'une trace écrite
s'est d'ailleurs fait
sentir dès la
pre-
mière
séquence
de ce
qui
reste
du roman de
Béroul,
lorsque
Marc,
grimpé
ans
le
pin
sur
les conseils
du
nain,
ssiste au
«
parlement
des
amants t
guette
lor asenblement
(v.
474)
sans
que
son
regard
puisse
en
saisir le
signe
«
Or
puis e
bien enfin
avoir.
Se feüst
voir,
este asenblee
Ne feüst
pas
issi
finee.
S'il
s amasen de
fol'amor,
Ci
avoient sez
leisor.
Bien les veïse
entrebaisier
(v.
298-303).
A
la
différencee
Marc,
e nain
voit,
par
«
nicromance
,
tous les
types
de
conjonction
il
les lit
dans
le
cours des
astres et dans
l'assemblée
des
étoiles.Une
première
ois,
uste après
la
scène du
pin,
l
découvre
dans
l'agencement
es
planètes
a menace*
ui
pèse
sur
sa tête
«
Oiez du nain
boçu
Frocin.
Fors
estoit,
i
gardoit
n
l'er,
Vit Orient t
Lucifer.
Des
estoiles
e
cors
savoit,
Les
set
planestres
devisoit
Il
savoit bien
que
ert a
estre.
(...)
As estoileschoisist
'asente,
De
mautalent
ogist
t
enfle,
Bien set
li
rois fort e
menace
(v.
320-332).
Menace
qui
n'est
que
le
résultatde
la
réconciliation
«
l'asente
,
v.
331)
de Tristanet de Marc et qui, peut-être,veugle le roi sur une autre
«
asenblee
...
Plus
sûrement
ncore,
le
nain
astronome
it dans
les
astres a
réunion es
corps
dans
l'amour,
orsque
Tristan,
ui
pourtant
a
vu le
piège
de la
fleurde
farine,
n'a
pu
s'empêcher
de
rejoindre
Iseut
dans le
lit de
Marc
«
Li
nains
defors st. A
la
lune
Bien
vit
osté
erent
nsenble
(v.
736-37).
C'est le
signe
de cette
«
joste
»
(conjonction) 9)
-
mot
qui
conserve
l'écho
de la
«
joute
»
des
corps
où
la
blessure
de
Tristan
(v.
716-20)
9. Comme
ouvent,
homas
st
plus
explicite
«
Li
rois,
que
li
nains
i
amene/Prendre
es
cuidoit
l'ovraine
(à
l'ouvrage,
n
action)/Mes,
erci
Deu,
bien i
demorrent
,
THOMAS,
es
Fragments
u
Roman
de
Tristan,
éd.
B.H.
WIND,
Genève,
960,
ragment
e
Cambridge,
. 5-7.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 102/139
100
se
rouvre
t
ensanglante
es
draps
-
qu'il
s'agit
de
fixer,
«
écrire
.
Précisément,
e
qui
se dérobe au
regard
de Marc et
du lecteur onvié
à
occuper
sa
place.
Fixer à
jamais
d'un
signe
1'
«
asenblee
des
amants,
«
écrire
,
pourreprendre
.
Bodel,
«
la
some/Q'avint
'une fame t d'un home
(10),
telle
serait
a
tâche
dévolue
au
nain. Il
s'agit
en somme de
reproduire
ailleurs,
ur une autre
surface,
le
parchemin
ppelé
par
son
nom
-
le
signe
d'une
fusion-annulationes sexes. Le nom du nain a deux
formes
«
Frocin
,
rimant vec
«
matin
(v.
320)
et
«
devin
(v.
643)
et
«
Frocine
,
rimant vec
«
roïne
(v.
470et
1349)
t
«
espine
(v. 1328).
Le nain conjugue les deux genres grammaticaux t additionne es
sexes il
reste
en-deçà
de
la
différencees
sexes
qu'il
totalise t
partant
abolit.
Il
prend place
dans la série
des êtres
hybrides ngendrés
par
la
littératuremédiévale
il
est
en
quelque
sorte,
'envers énébreux t
monstrueux e la lumineuse
Camille
qui,
dans
l'Enéas,
«
le
jor
ert
rois,
la
nuit raïne
(v.
3977)
(11)
et le double du
Sagitaire
du Roman
de
Troie
de Benoît de Sainte Maure mi
homme
mi
bête
(v. 12353493) 12),
dont
il
partage
la
bestialité
(«il
fist
que
beste»,
v.
1309) (13).
La
fonction 'écriture e la
«
some
»
sexuelle
appartie
au nain
est homo-
logue
à
la
structure isexuée de
son nom en d'autres
termes,
e
nom
se donnepour la matriced'où s'engendre ne séquence du récitquiva en
déploier,
ans le
registre
e la
fiction,
es
potentialités
ignifiantes.
Ecrire,
pour
le
nain,
sera-ce
pour
autant confier u
langage
ce
que
les
yeux
de Marc ne
peuvent
mbrasser
traduire
dans
la
langue
ce
qui
se donne à lire dans la
grammaire
des
astres?
fixer,
râce
au
«
trivium
(les
«
artes
sermonicales
,
les
disciplines
du
langage)
les
mystères
u
«
quadrivium
(les
«
artes reales
»,
les
disciplines
de
la
nature)
Quelle
langue
aura la
magie
du
philtrepour
retenir a trace
de
l'union des
amants
Le
langage
écrit
pourra-t-il
ême
y
parvenir
Rien
n'est
moins sûr. Le nain
entretient ne
méfiance ertaine
l'égard
du langage sans doute est-ce à la conséquenced'un savoir sur la
langue
et les
langues
(
«
il
set de
maint latin
)
et leurs
impasses.
L'écriture emble même
engagée par
le nain dans une
stratégie ara-
doxale.
Avant de mettre
n
place
le
stratagème
e
la fleurde
farine,
Frocin
conseille
à
Marc
d'envoyer
ristan
porter
un
«
bref à
Arthur
«
Di
ton
nevo
q'au
roi
Artur,
(...)
Covienge
u'il
aut
par
matin
un
brief
scrit
n
parchemin
Port
a Artur oz les
galoz,
Bien
seelé,
a cire aclox»
(v.
649-54).
10.Li
sohaiz
desvez, abliaux,
d. P.
NARDIN, aris,Nizet, 965,
. 34.
11.
Ed.
J.J.
ALVERDA E
GRAVE, .F.M.A., aris,
2
vol..
1964-68.
12.
Ed. L.
CONSTANS, .T.A.F.,
aris,
1903-09,
vol.
13.Ne
revele-t-il
as
la
bestiame e
Marc
«
Marc
a orellesde cheval
,
v.
1334)?
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101
Pressé
par
le
désir
à la veille d'une
séparation,
ristan ra
rejoindre
a
reine dans le
lit de Marc
qui,
grâce
à la
complicité
du
nain,
pourra
les
prendre
en
flagrant
élit d'adultère. Le
stratagème
n
lui-même
impprte
eu,
seuls
comptent
e
sort
apparti
au textenon
communiqué
du
«
bref et
sa fonction e désuniondes amants
pour
hâter
'inscrip-
tion
de leur réunion dans
un
registre
non
langagier.
Si
ce
«bref»
contient
uelque
chose,
Frocin en est sûrement 'auteur
Marc ne
sait
ni
lire ni
écrire;
plus
tard,
lorsqu'il
recevra
la
missive
de
l'ermite,
il
la
fera
lire
par
son
chapelain
(v. 2510-13)
t lui demandera
de
rédiger
a
réponse (v. 2639-40).
A
moins
que
la
clôture.
du «bref»
(« Bienseelé, cire aclox») n'enfermeue duvide, ue le textemanque...
Pourquoi
le
message
en serait-il u alors
que
le contenu
des autres
«
brefs est
longuement
ommuniqué
cf.
v.
2360409,
.
2556-618,
655-
80)
?
Le
«
bref
du nain n'est
qu'un
simulacre,
igne
de sa défiance
à
l'égard
d'un écrit
qui
confierait u
langage
le soin de
retenir
1'
«
asenblee de Tristan et
d'Iseut. Ce
«
bref reste
lettre morte
Frocin sait
qu'il
ne
parviendra
amais
à son
destinataire,
u'il
est
un
semblantdont on s'amuse
pour
manifester
'impuissance
saisir
l'es-
sentiel
d'une certaine ittérature
ont
il
est
l'emblème.En restant
à
l'état
de
projet,
e «bref»
marque
ime défiance
l'égard
de
la litté-
raturedont il soulignele caractère de fiction, oire de mensonge.
Serait-ce elle
propagée par
les
«
conteors
?
Plus
largement,
l inter-
roge
e
langage
contaminé
ar
le
mensonge.
Dans le Tristan de
Béroul,
rien n'est moins sûr
que
le
langage
chaque
personnage
n
use
et
en
abuse
pour
dissimuler
a vérité.
Com-
ment dès
lors
confier u
langage
corrompupar
le
mensonge
a
tâche
de fixer
jamais
la
preuve flagrante
e l'union sexuelle
des amants
?
Dans
la
première
séquence
conservée
du
roman,
Marc,
venu
pour
surprendre
'
«
asenblement
(v.
474)
de son neveu et de
la
reine,
n'assiste
u'à
leur
«
parlement
(v. 471).
A
la
place
de
l'acte des
mots,
qui en nient 'existence.Que pourront-ilsn dire ?... Dans le premier
entretien vec
Tristan,
seut
a
vu le reflet
e
Marc dans
l'eau de
la
fontaine elle
se
saisit
de
la
parole
en s'adressant Tristan
v. 3-4)
et
le
mensonge
urgit,
e véritémêlé
«
Se
li
felonde cest'enor
Por
qui
jadis
vos
conbatistes
(...)
Li
font croire
ce
me
senble)
Que
nos amors
ostent
ensenble,
Sire,
vos
n'en avez talent
Ne
je,
par
Deu
omnipotent,
N'ai
courage
de drlierie
(v. 26-33).
S'éploie
alors une
dialectique
retorse
visant à mêler
toujours plus
la
vérité t le
mensonge
par
une utilisation
frauduleusedu
langage.
Le
mensonge
e
pare
des
couleurs
de
la
vérité
par
une
répétition
deux
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102
mensonges;au
moins,
ont
nécessaires
pour que
le
mensonge
devienne
semblant e la
vérité.
seut
mentune
première
ois en
niant
son
amour
adultère
pour
Tristan
v. 33)
et
une
seconde fois
à
Marc descendu
du
pin
en
lui
assurant
u'elle
ne
ment
pas
:
«
Sire,
onques
jor
ne
vos menti.
(...)
S'en
dirai
e
le voir du
tot
Ja n'i
avra menti
d'un mot
(v.
395-98).
Elle lui rapporte idèlemente « parlement mensonger our masquerla vérité de 1' « asenblee . La
prolifération
u
mensonge
exclut la
possibilité
d'une
énonciationdu
vrai. Un troisième
mensonge
'avère
cependant
ndispensable
pour
fermer a
boucle
qui
prend
la vérité
dans
les rets du
semblant celui
de
Brengain,
a suivante d'Iseut.
Chargée
d'aller
quérir
Tristan,
lle
refuse,
dénonçant
une haine
qu'il
n'éprouve
pas
et
réclamantune
réconciliation
ar
là
même
inutile
«
Brengain
i dit
«
Sire,
l
me
het
:
Si a
grant
ort,
Dex
le
set.
Dit
par
moi est
meslez
o vos
»
(v.
511-13).
Rien n'est plus faux au regarddu présentque cette «meslee , mais
rien
de
plus
vrai
au
regard
de la
«
proto-histoire
du
récit où
fut
absorbé le
«
bievre
d'amor
,
détournéde
sa destination nitiale
par
Brengain
et
donné à
boire au neveu
et non
à l'oncle. Le
mensonge
de la
suivante
est
reconnu
comme vérité
par
le silence de Tristan
tapi
derrière a
paroi,
comme Marc le fut
dans le
pin.
Au
fil de ce
chassé-croisé,
érité t
mensonge
emeurent
onfondus
ar
un
langage
impuissant
les
démêler,
t
partant
à
«
écrire la
copule
des
corps
dans
l'amour.
Mais
le
mensonge
est-il
autre chose
que
l'inadéquation
de la vérité
aux
mots
?
elle-même
eflet, ans le registre, on plus de la logiquemais de la dialectique, e l'inadéquation es « dictiones et des « res»,
des
mots
et
des
choses ?
Le
mensonge
ristanien
onne structure e
fiction
l'arbitraire
ui
régit
e
rapport
des
«
dictiones et des
«
res
»
;
il
s'inscrit,
sa
manière,
ans le
débat entre
nominalisme t
réalisme
qui
sous-tend a
querelle
des
universaux
14).
Faudra-t-il
'étonner
ue
Frocin,
dans
l'épisode
de la
fleurde
farine,
ente
de saisir la vérité
de
l'amour
et de la
sexualité
en-deçà
du
langage,
dans
l'inscription
14.On a
déjà
souligné
es
rapports
u
Tristan e Béroul
vec
l'éthique
abélardiennecf. T. HUNT, «Abelariati Ethics and Beroul's Tristran».Romania
XCVIII,
1977,
.
501-40).
n
prenant
e
mensonge
t
la
vérité
pour
des faits
dénonciation,
n verrait
ue
c'est surtout
vec la
logique
d'Abélard
ue
le
Tristan ntretient
es
rapports
es
plus
féconds t
par
là
qu'il
consomme,
ors e
champ héorique,
a
rupture
vec le
réalisme
ont
Abélard ut
'instigateur
clairé.
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103
d'un
signe
non
linguistique
pte
à
faire l'économie
des
impasses
du
langage
En
répandant
a farine sur le sol entre
les lits
de
Tristan
et
d'Iseut
«
Entre deux liez la flor
respant,
Que
li
pas
allent
päraisant,
Se
l'un a
l'autre a nuit
vient
La flor
a
forme
des
pas
tient
(v. 703-06).
Frocin transforme'espace de la chambre en
«
bref , il déploie lasurface blanche d'un
parchemin
où doit venir s' « écrire le
signe
faisant
ien entre
les
deux lits et les
deux amants
qui feignent
e
s'y
reposer.
Signe
enfin
déquat
à
ce
qu'il
veut
signifier.
e nain est
toute ttente
'une
trace,
d'un
signe,
t non
plus
d'un mot.
Sa tentative
s'inscritdans
la recherche 'une
sémiologie,
la fois
simple
et
géné-
rale,
visant à
pallier
les carences
d'un
langage
clivé
par
la confron-
tation réitérée de
la vérité et du
mensonge
dès lors
qu'il
prétend
affronter
a
question
sexuelle
et
«
écrire
la
«
some
»
de
l'embrasse-
mentdes
corps
annulant a
différenceexuelle.
Mais le
signe tangible
de l'union n'adviendra
pas.
Tristan
a
vu
le
nain
répandre
a farine
et compris e piègetendu
«
Tristran it le nain besuchier
Et la
farine
sparpellier.
(...)
Pus
dit
«
Bien
tost
a ceste
place
Espandroit
lor
or
nostre race
Veer,
e
l'un a
l'autre roit
(v. 707-13).
Le nain
sorti,
Tristan
njambe
a
page
offerte
l'écriture e ses
pas
et
saute d'un
lit
sur
l'autre.
L'effort
ait se rouvrir ne blessure
récente
qui
ensanglante
es
draps
de
la
reine
(v. 731-32).
out à leur
«
délit
,
les amants n'en ont cure,cependantque, dehors (15), le nain lit leur
«
asenblee dans les astres
(v. 736-38).
endu
à
lui-même
ar
le bruit
de
la venue du
roi,
Tristan
fait un saut en sens inverse
«
Li
rois s'en
vient.
Tristran
'entent,
Live du
lit,
tot
esfroïz,
Errant 'en rest mot tost
salliz,
Au
tresallir
ue
Tristran
ait,
Li sans decent
malement ait)
De la
plaie
sor la
farine
(v. 744-49).
15.Chez Eilhart,e nain se cache directementous le lit «Je seraicaché ous e lit de ma souveraine.e vous réveilleraiès
que
je
l'entendrai
y
aller.
l ne
pourra
ier,
ar l aura mis
e
pied
dans a farine
(v. 3846-51).
Tristan ans
e
lit,
«
le nain se
mit
pousser
n cri
si fort
ue
la
salle
en
retentit
(v.
3831-32).
exte t
traduction e D.
BUSCHINGER,
Göppingen,
1976.
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104
A
la
place
de
l'empreinte
e
pas
attendue,
n'apparaît
que
le
sang
de
la blessure.
A
la
place
d'un
signe
un
autre
signe,
plus
que jamais
inadéquat
à la
«
res
»
signifiée.
e
sang
sur
la farine
et
les
draps
n'écrit
amais
que
la vérité
de
la
blessure
et,
surtout,
u
saut,
mis
en
valeur
dans le texte
par
un
superbeenjambement
«
Et sor la flor
n
pert
a
trace,
Du
saut.
Li
rois Tristran
menace
(v. 769-70).
En
prenant
e
sang pour preuve
de
son
infortune,
arc
s'égare
tout
en restantdans le vrai. Son erreur n'est-ellepas aussi celle de tout
lecteur
aveuglé
par
la
lisibilité
fallacieuse des
signes
produits
par
le
roman
Car le
signe sanglant
«
écrit
moins,
rouge
sur
blanc,
'union
des amants
qu'il
ne fixe
eur
séparation
c'est seulement
u
retour
que
le
sang
vient maculer a
farine.Là où les
pas
eussent
à
jamais
fourni
a
preuve
de
1'
«
asenblee de
Tristan et
d'Iseut,
le
sang
ne
retient
que
la
disjonction
des
corps.
L'entreprise
ď
«
écriture
du
nain a
échoué,
sa
sémiologie
s'est
avérée,
elle
aussi,
impuissante
produire
e
signe
attendu.
eule
la
lecture
veuglée
de
Marc,
sa
volonté
précipitée
e
renvoyer
e
signe
à
la
signification
exuelle
prévue,
réta-
blissent
l'adéquation
du
«
signum
et
de
la
«
res
significandi
,
gomment a disjonction rréductible es « dictiones et des « res»
induite
par
le
clivage
de
la véritéet du
mensonge
ui
fait
paradigme
à la différenceexuelle.
L'importance
e l'échec
de cette scène
ď
«
écriture
,
qui
dénie
à
la
littérature
e
pouvoir
de
produire
le
signe
de l'union
sexuelle,
se
mesurera
au
nombre
de ses
reprises
dans
la littérature
médiévale
«
contant de
Tristan,
n
français
ou non.
On les
lira comme
autant
de
tentatives
'effacemente
cet échec.
Ainsi,
e
héros
d'Eilhart ne
peut-il
effectuer
e bond de
retour
sans
mettre
n
pied
à
terre
« do mocht r nit wol recken «Mais il ne
put
d'une détente
daß
er wol
wer komen
wider
y
parvenir,
l mit un
pied
à
daß tratt r mit im
Füßnider
terre
.
(v.
394042)
La fleur de
farine
retiendra
quand
même
le
signe
espéré,
réduit à
l'unicitédu miracle.Preuve
rréfragable.
Dans le
Tristan
n
Prose
il ne
s'agit
plus
d'une scène
ď
«écriture»,
mais d'une
simple
péripétien'ayant
plus qu'un
lointain
rapport
avec
le
roman de
Béroul.
Audret,
n
autre neveu
de
Marc,
place
un
sou-
des faux
tranchantes utour du lit dTselt
pour surprendre
ristan.
Tristan s'y blesse, rejoint la reine, ensanglante es draps à leur
mouillure,
elle-ci
omprend
e
piège
et
enjoint
à Tristan
de
regagner
son
lit,
mais
se blesse elle-même
ux faux en se levant.
Elle accuse
Audret,
u
Tristan,
'avoir
voulu attenter sa
vie Marc
refuse
le
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105
combat
entre es deux cousins
germains
ui
manifesterait
a véritéet
promet
de
la
faire
apparaître
utrement
16).
Le
sang
ne
prouve plus
rien,
n'
«
écrit
plus
rien le motif
paraît
totalement xténué
(17).
L'impuissance
du nain
à
«
écrire
1'
«
asenblee de
Tristan et
d'Iseut montre
qu'il
n'y
a
pas d'équivalent,
dans le
langage
ou les
systèmes
de
signes,
du lien
magique
et
imaginairequ'est
le
philtre.
Et
cet échec sera
définitivementonsommé
ans ime autre
séquence
du
roman
par
la mort
du nain
qui,
en voulant révéler
un
autre
mystère
aux
barons,
aissera
échapper
e secret de la bestialité
ffligeant
arc
(« Marc a orelles de cheval , v. 1334).Mécontent,e roi lui coupera
la tête
«
Traist
'espee,
e chief n
prent
,
v.
1347).
L'épée,
qui
tranche
à même le
corps,
inscrit
a
ligne
de
partage
entre
la
virilitéet
la
féminité
onjointes
par
le
double
genre
du
nom
en
cette créature
diabolique
gnorant
a différenceexuelle. e
coup d'épée
porté
par
Marc
n'est-il
as
finalementa réalisation
e l'éviration
romise
u nain
à la
descente
du
pin
?
«
Se
je
le
puis
as
poinz
tenir,
Par
feu ferai son
cors fenir.
Par moi avra
plus
dure
fin
Que ne fistfaireCostentin
A
Segoçon,
qu'il
escolla
Qant
o sa
feme e trova
(v.
275-80).
Castration
ui
inscrit
a différence
es sexes
et rend
par
là si
difficile
leur
«
asenblee et
leur
«
some
».
Le
«
bref
» de l'ermite
Faut-il s'étonner
ue,
sitôt
le nain
mort,
pparaisse
l'ermite,
non
plus ennemi uré des amants,mais ami bienveillant, oire complice
D'entrée,
Frère
Ogrin
s'avère le double inversé
du nain
Frocin.
La
créature
diabolique
a cédé
le
pas
à l'hommede
Dieu,
isolé,
comme
e
couple,
ux
confins
e
la
sauvagerie.
Tristan
t Iseut
se
rendent eux foisà
l'ermitage
'Ogrin
ime
première
fois
«
par
aventure
(v. 1363-423)
ù,
encore sous
l'influence
de
16.Le Roman
de Tristan n
Prose t.
II,
éd. R.
CURTIS, Leiden,
976,
§
532-33.
17.
En amont
de la
version n
prose,
l
faudrait uivre
a
réapparition
de ce
sang
chez Chrétien
e
T
royes,
ecteur e Béroul
ou
de son
modèle)
dans le Chevalier e la Charretteéd. M. ROQUES,C.F.M.A., aris,1970,
v.
4698-911),
ans
Yvain
éd.
M.
ROQUES, C.F.M.A., aris,
1970,
.
1178-85)
et
jusque
dans
le
sang
qui
sourd
de
la blanche ance
du
cortège
u Graal
(éd.
W.
ROACH,
Genève, 959,
.
3196-201)
u
dans celui
qui
macule a
neige
de la
lande
devant
aquelle
muse
Perceval,
oyant
e
surimposer
e
vermeil
des
joues
de Blanchefleur
v.
4172-215).
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106
1'
«
herbé
,
ils
n'entendent
as
«
les
profecies
e
l'escrit
par
lesquelles
le
saint
homme
es
invite
à
venir à
résipiscence
de leur
péché
une
seconde
fois
après
la cessation des effets
u
philtre
et
l'échange
de
l'épée
et de l'anneau
par
Marc
qui
les
a
surpris
endormis
dans
la
forêt
v.
2289-2744).
La
première
isite
e solde
par
un échec les
incitations
la
pénitence
restent ettre
morte
les
plaintes
des
amants
s'élèvent,
n
un
presque
duo où chacun entend
dans
la bouche de l'autre
'écho de
ses
propres
paroles
Tristan Iseut
«
Tristran
i
dit
«
Sire,
par
foi,
«
Sire,
por
Deu
omnipotent,
Que
ele m'aime en
bone
foi,
Il ne
m'aime
pas,
ne
je
lui,
Vos n'entendez
as
la
raison Fors
par
un herbé dont
e
bui
Q'el
m'aime,
'est
par
la
poison.
Et il en but ce fu
pechiez
.
Ge
ne me
pus
de lié
partir,
(v. 1412-15)
N'ele de
moi,
n'en
quier
mentir" .
(v.
1381-86)
La
série
des
chiasmes
ge/lié//ele/moiil/m'//je/lui
je/
/lui)
constitue
un
discours
ù,
sous
l'effet u
philtre,
'annule eur différence. iscours
qui
ne
laisse
pas
de
place
à
la
parole
de l'ermite.
Ne ressuscite-t-il
pas, dans le registre e la langue, a figuremonstrueuse u nain dont
le
nom niait la
différence
exuelle La
substitution
e
l'épée
de Marc
à
celle
de Tristan
(v. 2049-50)
t la cessation
des effetsdu
philtre
(v. 213349)
suspendent
es
jeux
de
l'identification
t
de la
dissolution
spéculaires
et rendent
chacun à sa
différence.
imultanément,
lles
frayent
a voie
à la
parole
de
l'ermite,
ui
va
prendre
sa véritable
dimension
dans la
rédactiondu
«
bref
,
dans
lequel
il
faut voir une
métaphore
e
l'écriture
u roman.
Si
Tristan
l'idée du
«
bref
(v. 2282-84),
seut
formule
rès clairement
la
condition e
son
écriture leur
désunion,
a
négation
e
1'
«
asenblee
guettée
par
le nain
«
De
la
comunede
mon
cors
Et
je
du
suen
somes tuit
fors
(v.
2329-30).
Ainsi
'écrit,
dont
l'ermite era
l'auteur,
prend
acte de
la
disjonction
sexuelle
des
amants,
mais
va
tenter
e
servir,
'est-à-dire
'écrire
vant
sa
réalisation,
ne
double
conjonction
u'on
qualifiera,
âtivement,
e
«
symbolique
.
Dans
l'avant-projet
e
texte
qu'Ogrin
expose
à
Tristan
(v.
2356-409),
igure
a
proposition
'un
retour
d'Iseut
auprès
de Marc
et
une
offre
e
servicede
Tristan
son
oncle
«Au loementde ses vasaus
Preist a feme
a
cortoise.
Et,
se
savez
que
lui
n'en
poise,
O
lui serez
ses
soudoiers,
Servirez e mot
volentiers
(v. 2402-06).
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107
Le
«
bref
permettra
onc
de renouer
e lien
conjugal
distendu
par
l'adultère
et le
lien de
parenté
mis
à mal
par
la
rivalité sexuelle
(œdipienne
)
de l'oncle et du
neveu. Sa fonction 'avère
radicalement
inversede celle du
«
bref
,
peut-être
crit de la main du nain
pour
éloigner
Tristan,
ui
visait à hâter
a
conjonction
exuelle des amants
pour
provoquer
une double
disjonction
symbolique
par
la
rupture
du
mariage
et
du
lien
parental
et
vassalique.
De
même,
es
«
lettres
de
sang
sur
la
fleurde farine ont lues comme les
signes
de la ren-
contre exuelle des amants
(même
s'ils ne
sont,
au
vrai,
que
la trace
de
leur
séparation)
et
entraînent
a
rupture
du
mariage
et
de la
parenté ar la condamnation e Tristan t d'Iseut au bûcher v. 866-98).
Le
«
bref
de l'ermite met à
jour
la
fonction
ppartie
à
l'écrit
par
l'auteur e
représentant
à en train
de
rédiger,
on
une
lettre,
mais
son roman. l
ne
s'agit
plus
de
produire
e
signe
de
1'
«
asenblee
des
amants
-
tâche dont le nain
a
payé
de sa
vie
l'impossibilité
mais
de tenter
'évacuer e sens sexuel du
texte en le
niant.
Dans
l
avant-
projet,
Ogrin
onseille Tristande nier
qu'il
éprouva
amais
le
moindre
amour
coupable
envers Iseut et
de
défendre e
demi-mensonge
es
armes à la main
«N'i avroitfort, age ne lort,
S'il
veut
dire
qu'en
vilanie
Elisiez
prise
drüerie,
Si
vos face
li
rois
Marc
pendre,
Se
vos ne
vos
poez
defendre
(v.
2366-70).
Plus
tard,
le
texte du
«
bref
,
où
Tristan
s'exprime
à la
première
personne
reprend
es
propos
de
l'ermite
«
Ge sui
tot
prest que
gage
en
donge,
Qui
li
voudroit
lasme
lever,
Lié
aleçier
contre
mon
per,
Beau
sire, pié
ou a
cheval
(...)
Qu'onques
amor nen
out
vers
moi,
Ne
je
vers
lui,
par
nul
desroi
(v.
2568-74).
On
remarquera
es
expressions
«
en
vilanie
,
«
par
nul
desroi
, dont
la
valeur
restrictive
nstalle
une
part
de
vérité au
cœur
même
du
mensonge.
ar il
est vrai
que
les
amants,
omme
e dit
Iseut,
s'aimèrent
de
«
bone
foi
(v. 1382)
et de
«
bone
amor
»
(v.
2327),
ans
«
vilanie
donc.
Au
demeurant,
es
quelques
vers
développent
t
illustrent
e
principe
d'écriture
défini
par
l'ermite
avant
d'inventorier
e
futur
contenu u
«
bref :
«
Tris
ran,
oïne,
r
escoutez
Un
petitet,
i
m'entendez.
Por
honte oster
et
mal
covrir
Doit on un
poi
par
bel
mentir
(v.
2351-54).
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108
Qu'est-ce,
ux
yeux
de ce
représentant
e
la morale
et de
Dieu,
que
le
«
mal
»
et
la
«
honte à recouvrir 'un
écrit,
sinon
1'
«
asenblee
sexuelle
si souvent
épiée
par
le nain
et
Marc ? Non
seulement,
'écrit
de
l'ermite,
ia différence e celui de
Frocin,
prend
acte
de
la
confusion
de
la vérité et
du
mensonge,
u
clivage
indépassable
des
«
dictiones et des
«
res
»,
mais
il
préfère
e
mensonge
la
vérité.Dès
lors,
'écrituren'a
plus pour
fonction e
fixer a vérité
sexuelle,
mais
de la
taire
en laissant
proliférer
es
mots,
de
1'
«
inter-dire
,
de la dire
entre es
mots,
ur le
mode
de
la
dénégation
u de
la
restriction.
Une telle
approche
de l'écriture
uppose
aussi,
en
retour,
ne écoute
plus fineque celle exercéepar Marc affligé e ses oreillesde cheval,
une
lecture
qui
ne
se
précipitepas
sur les
signes,
ne
se laisse
pas
prendre
au
piège
de
l'adéquation
fallacieuse des
«
dictiones et des
«
res
»,
mais,
à
l'inverse,
ache
entendre a vérité
«
mi-dite entre es
mots
du
mensonge,
ui puisse, par exemple,
évoiler e leurre
du
nom
et
démasquer
e
visage
du clerc
derrière
es traitsde ses
personnages.
De
la
lettre
au roman
Le récit de Béroul s'efforce 'accréditer e caractèreépistolairedu
«bref» de l'ermite n
soulignant
es
détails
susceptibles
de le rendre
conforme
ux
normes
de
l'épistolographie
médiévale.
La matérialité e
la
lettre e trouve
insi
mise
en
valeur
d'une
manière
particulièrement
significative.
ristan,
près
avoir demandé à
Ogrin
de
consigner
on
exigence
d'une
réponse
v.
2417-18),
chève l'inventaire e ce
que
doit
contenir e
«
bref
sur
la
mention ouscrite Vale
»,
caractéristique
es
lettresmédiévales
18)
«
Maistre,
mon brief
et seelé
En la
queue
escriroiz Vale
»
(v.
2425-26).
La missiverédigée,Ogrin a clôt et imposeun sceau (19)
«
Qant
il
out
fait,
prist
un
anel,
La
pierre passot
el
seel.
Seelé
est,
Tristran e tent
(v.
2431-33).
Sceau
rompu,
dès
réception, ar
un
chapelain
à la
demande de Marc
«
Primesmanda le
chapelain,
Le brief
i
tent
qu'a
en
la main.
Cil fraint
a
cire
et
lut
le brief»
(v.
2511-13).
18.Cf. G.
CONSTABLES,
etters nd
Letter-collections,urnhout,
976,
p.
17-18.
19.
De
la
meme
maniere,
a
réponse
de
Marc,
une fois
achevée,
era
cloœ^jui^
scellée
«
Et
quand
i
brief rt
selle^/A
a Croiž
Roge
e
pendez
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109
Il
n'est
pas
jusqu'à
la
«
dispositio
(composition)
du
«
bref
qui
ne
reflète
a
rhétorique
des
«
artes
dictaminis
(arts
de
dicter une
lettre) (20),
dont la
fortune
va
croissant dès la seconde moitié du
XII*
siècle et
qui
firent a
réputation
de
Bologne
et
d'Orléans,
es
deux
plus
grands
centresde
l'épistolographie
médiévale.
Le
«
dictamen
prévoyait
une
division de
l'épître
en
cinq parties
ordonnées la
«
salutatio
,
équivalente
la
«
captatio
benevolentiae
des
œuvres
ittéraires,
ui
visait
à
attirer
'attention u destinataire u
de
l'auditoire ors d'une
ecture
publique,
'
«
exordium
(exorde),
orte
de
proposgénéral
u de
proverbe
ervant
d'introduction,
a
«
narrado
précédant a « petitio (la requête), 'épîtredevait s'acheversur une
«
conclusion ou
«clausula». Au XIII*
n
iècle,
Alberico de
Monte
Cassino,
se faisant 'écho de
règles
antérieures,
ropose
de
mêler
la
«
petitio
à la
«
narratio suivant
'ordre
d'une
alternance
«
pars
narrattonis
pars
peticionis
alia
pars
narrationis
alia
pars peticionis
(21).
Lors
de
l'élaborationdu
projet
de la
lettre,
'ermite
mentionne
out
d'abord a nécessitéde la « salutatio :
«
En
parchemin
rendrai
un
brief
Saluz
avra
el
premier
hief
(v.
2357-58).
Les
lectures,
rivée
et
publique
,
du
«
bref
par
le
chapelain
mettent
en
relief
'importance
e la
«
salutatio :
«
Cil
fraint
a cire et lut
le brief.
Li
roi
choisi el
premier
hief,
.
A
qui
Tristranmandoit
aluz
»
(v. 2514-15).
«
Levez s'en
est
li
chapelains,
Le briefdeslie o ses deus mains,(...)
«
Or
escoutez,
ntendez
moi.
Tristran,
i
niés nostre
seignor,
Saluz
mande
prime
et
amor
Au
roi et a tot
son
barnage
(v. 2549-55).
Pressé,
Marc
demande son
chapelain
que
la
réponse
soit vite
rédigée
et
scellée
(«Soit
fait
cist brief
o main
isnele/ ...)
Hastez le
brief»,
v.
2640-42)
la
précipitation
emble
lui
faire
oublier la
«
salutatio
,
mais
il
se
reprend
t
s'en
souvient u dernier
moment
(20)
Cf.
notammente
De arte
dictandi hetorice e
Pierrede
Blois
(Ms. Cambridge, niversityibrary,
d IX
38,
f°
115-125).
21.
Cité
par
P.
BEC,
«
Pour
un essai de
définition
u
salut d'Amour
les
quatre
nflexions
émantiques
u
terme
,
EstudisRomanics.
X,
Barce-
lone,1961,
.
196.
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110
«
Et
quant
li brief
rt
seelez,
A
la Croiz
Roge
le
pendez
Ancor
enuit soit
penduz.
Ecrivez
par
moi
saluz
»
(v.
2645-48).
Si la
«
salut
tio
»
corstitue
une
partie
essentielle t
indispensable
du
«
bref
(22),
1'
«
exordium et
la
«
conclusio
paraissent
à
l'ermite
dénués d'intérêt
il
les omet et
rentre,
itôt la
«
salutatio
achevée,
dans le
vif
de la
«
narratio
et,
fait
significatif,
l
respecte
'alternance
«
pars
narrationis/pars eticionis
.
Ainsi,
e
corps
de
la lettre
peut
se diviser n quatre parties,de longueur ensiblementquivalente, ùalternent elationdes faitset
requête
lre
narratio :
histoire ointainede Tristan t d'Iseut
(v.
2556-67).
1"
«
petitio
: Tristan
requiert
e
droit
de
défendre n
combat sin-
gulier
on honneur
t
celui de la reine
v.
2568-80).
2e
«
narratio : histoire
récentedes amants
(v.
2581-603).
2e
«
petitio
:
Tristandemandeà Marc de
reprendre
a
reine,
de
le
retenir
uprès
de lui
ou,
à
défaut,
'autorisation
e
porter
on service u roi de Frise
(v.
2604-18).
L'absence de
1'
«
exordium et
de
la
«
conclusio
-
ces
parties
indispensables
râce auxquelles
'épître
'arrache
aux
contingences
es
faits et à
l'urgence
relative)
de la
demande
pour
devenir
matière
à
réflexion
t à
enseignement
est moins
la
désignation
du caractère
du « bref qu'une entorseà la rhétoriquedu genrepar laquelle il
devient
e
lieu
d'une
interrogation
e l'écriture
omanesque.
e
«
bref
rédigé
par
Ogrin
déplie
les
différentes
tapes
du
processus
créatif.
En
rassemblant
es idées
destinées
la futurerédactiondu
«
texte
,
l'ermite élabore
1'
«
avant-texte
(23) (v.
2360-409)
u'il
soumet
à
Tristan
pour
approbation
v. 2410-11)
t
modification:
ristan
propose
d'ajouter
a demande
d'une
réponse
de
Marc
(v. 2415-24).
ient
ensuite
la
transformation
e
1'
«
avant-texte en
«
texte
,
la rédaction
du
«
bref
qui
met en valeur a
matérialité rute de l'acte d'écrire
n
évo-
quant
les
instrumentst les
ingrédients
equis
«
Ogrins
'ermite ieve
sus,
Pene et
enque
et
parchemin
prist,
Totes ces
paroles
mist
(v. 2428-30).
L'auteur se veut ci
copiste
de
son œuvre deux
fonctions
omplémen-
taires,
mais
souvent
distinctes,
e
trouvent
assemblées
en un même
personnage. igure mblématique
t
totalisante e l'acte d'écrire.
22. Assuréde
l'importance
e
la
«
salutatio
,
l'auteur
pourrait
even-
diquer
es
propos,
enus n
siècle
plus
tard
par
Brunetto
atini
«
adunque
pare
manifestamente
he la salutazione cosi
parte
della
pistola,
ome
l'occhiodell'uome. t se l'occhioé nobile membro el corpodell'uomo,
dunque
a salutazione nobile
parte
della
pistola,
'altressi llumina utta
la
lettera ome 'occhio
llumina
'uomo
,
cité
par
P.
BEC,
art.
cit.,p.
1%.
23.
A la suitede G.
Genette,
ous
appelons
avant-texte
,
la
série des
esquisses,
des
projets
divers
précédants
e
texte.Cf.
Palimpsestes
Paris,
Seuil, 1982,
.
10.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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Ill
Tristan,
messager
de
son
histoire,
e
charge
de
la transmission
u
«
brief à Lancien
où le roi
séjourne
vec la cour
«
Quii
portera
»
dist
li
hermites.
«
Gel
porterai.
Tris
ran,
nu
dites.
-
Certes, ire,
i ferai
bien,
Bien sai l'estrede
Ļancīen
(v.
2435-37).
En
dépit
du
danger,
e
messager
tient à
se faire
connaître
il
éveille
Marc)
et à
marquer
sa
participation
l'acte créatif n
déclinant on
nom
«
... Di moi ton non.
-
Sire,
Tristran
m'apele
'on.
Un
brief
port,
il
met ci
jus
El fenestrier e cest enclus.
Longuement
'os a vos
parler,
Le briefvos lais n'os
plus
ester
(2465-70).
Serait-ce
à mise en fictiondu
caractère
risqué
de
récritureet
de
toute ittérature
Le
contenu
du
«
bref
,
son
«
texte
,
n'est connu
qu'au
momentde sa
lecture
publique,qui
en
livre,
«
in extenso
,
la teneur.
Significative-ment,Marc n'en a qu'une connaissance ynthétique, ar un « résumé
du
chapelain
«Au
roi a dit
le
mandement»,
.
2517).
Le «texte» se
met à existerdès lors
qu'il
est
lu
devant
tous,
à voix
haute,
orsqu'au-
delà du cercle restreint e l'audition-lecture
rivée,
l
acquiert
une
dimension ociale en se soumettant u commentaire
«
Seignors,
n
brief
m'est
ci
tramis.
Rois
sui
sor
vos,
vos
mi
marchis.
Li
briés soit
iez
et soit oïz
Et
qant
liz
sera
li
escriz,
Conseillez
m'en,
el
vos
requier.
Vos m'en devez bien consellier» (v. 2525-30).
Outre e fait de
souligner
'oralité de la
transmission
t
la dimension
collective
de
la consommation u
texte
médiéval,
a
lecture'
onstitue
un
troisième
emps
du
processus
créatif,
ar
lequël
le
«
texte existe
pour
un autre
que
son auteur elle est
partie
intégrante
e
l'écriture
dont elle
révèle,
au sens
photographique
u
terme,
'existence
24).
La
lecture
ppelle
la
glose
qui,
à son
tour,
ngendre
'écriture
après
avoir
rapidement
couté les conseils de
son
barnage
(le
commentaire
du
«
texte
),
Marc ordonne
son
chapelain
de
rédiger
vec
diligence
une
réponse
(«Soit
fait cist brief
o
main
isnele»,
v.
2640).
Réponse
dont e texten'existe u'aprèssa lecture résumée)par l'ermite v. 2665-
24.
L'importance
e la lecture st
soulignée
ar
les
nombreuses
ccur-
rences
u verbe
ire v.
2527, 8,
39 et 47.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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112
80).
La
réponse
mage
le retourdu texte
vers son
auteur.
Retour
qui
leste
le
«
texte
des
gloses
qu'il
a
suscitées,
mais
l'ampute
de ce
qui
est resté ettremorte
pour
l'auditeur-lecteur
les
barons
acceptent
ue
la
reine
regagne
a
cour,
mais
exigent
e
départ
de Tristan
v.
2625-32).
Au
termede
la
réversion
u
texte vers sa
source,
'auteur est
devenu
lecteur,
uivant
e
jeu réglé
d'un
changement
e
places qui intègre
a
lecture à l'écritureet
métaphorise
e mouvement
de
la littérature
médiévale,
ans cesse relancée
par
la
lecture,
'engendrant
e
la
réponse
et
des textes
qu'elle
a
suscités,
comme la suite du
roman
épouse
le
cours des événements
révu
par
la
réponse,
elle-même
roduite
par
le « bref (fig. ).
(lecteur)
(écrivain)
ERMITE
MARC/CHAPELAIN/BARNAGE
(écrivain)
(lecteur)
NSSSSsl
TRISTAN
**"
(Transmetteur/
ongleur/«
onteor
)
Suspendu
à la
Croix
Rouge
(«
A
la Croiz
Roge
le
pendit
,
v.
2650),
e
«
bref
de Marc
et du
chapelain
réveille
e souvenir
du
«
bref de
Frocin
fait de la
fleur e farine ù s'
«
écrivirent
les croix
rouges
du
sang
de la
blessure
de Tristan.L'échec
du nain résiderait-il
ussi dans
sa
volonté d'avoir voulu
faire
l'économie d'un tel
parcours
d'écrire
un
texte
directementisible où
appert,
ans
la médiationd'un
circuit
risquant
de
l'effacer,
e
signe
de
1'
«
asenblee des
amants
Les
rapports
du
«
texte du
«
bref
(v. 2556-60)
t de son
«
avant-
texte (v. 2360409)permettent 'entrevoir a manière dont le clerc
conçoit
'écriture
omanesque.
es idées de
1'
«
avant-texte se
suivent
sans
ordre,
au fil
de
l'inspiration
e
l'ermite
il
évoque
d'abord
le
présent
le
séjour
des amants dans le
Morois,
v.
2361),
puis
dresse
des scenari
pour
le futur
retour
de
la
reine,
pardon
de
Marc,
...,
v.
2362-74),
ait
nsuiteretour un
passé,
d'abord mmédiat
épisode
du
bûcher
promis
la
reine,
u saut de la
chapelle
et du
sauvetage
d'Iseut,
v.
2375-90),
uis
plus
lointain
(mariage
de Marc et d'Iseut amenée
d'Irlande
par
Tristan,
v.
2391-94),
our
revenir finalement
u futur
(proposition
e
1'
«
esconduit
,
offre e service ou
d'exil,
v.
2390409).
Le
«
texte
,
lu
par
le
chapelain,
ordonne cette matière et
dispose
les « radones suivant un ordre chronologique. l s'ouvre,sitôt la
«
salutatio
,
par
le
rappel
d'un
passé
lointain
obligeant
le récit à
remonter
vers les
origines
de
1'
«
estoire
:
conquête
d'Iseut
par
Tristan
après
le meurtredu
serpent
crêté
(v.
2556-61),
mariage
de
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113
Marc
et d'Iseut
(v. 2562-63),
médisance
des
«
losangiers
(v.
2565-67).
L'état
lacunaire du
manuscrit
unique
contenant
e
roman
de
Béroul
a
donné
à
penser que
c'était là
une
synthèse
'une
partie
perdue
du
roman,
'ordre des
séquences
étant donné
par
le Tristrant
'Eilhart,
translation
llemande
d'un
roman
français
dont
se serait
inspiré
Béroul
(25).
Mais,
peut-être,
e roman
de Béroul
ne fut-il
amais
com-
plet, peut-être
'évoquâit-il as
le début
de
1'
«
estoire
. Le résumé
contenu
dans le «bref»
aurait alors
pour
fonction
de
rappeler
des
épisodes étrangers,
ppartenant
une
autre
tradition,
rale
ou
écrite,
celle des
«
conteors
qui
«
n'en sevent
mie bien
l'estoire
(v. 1267).
Suit la proposition 'un combatsingulier ontre es barons et la néga-
tion de l'amour
dultère
v.
2568-78).
ientensuite
e résumé
d'épisodes
déjà
contés
par
le
roman la condamnation
'Iseut et de
Tristan au
bûcher
(v.'
2579-88),
e saut
de la
chapelle
(v. 2589-90),
'épisode
des
lépreux
v.
2591-95),
a
fuite t la vie dans
le Morois
v.
2596-2605).
our
finir,
e
«
texte
émet
une série de
possibilités
concernant e
futur
demande
de
reprise
de
la reine
par
Marc
(v.
2604-07),
ffre
e
service
de Tristanou
départ
vers le
royaume
de Frise
(v. 2608-14)),
u encore
retour
d'Iseut
en Irlande
(v. 2615-19).
e texte s'achève
(26)
sur
cette
dernière
hypothèse,
ans
«conclusio»,
sans
prise
de
congé,
aussi
brutalementue le roman nachevéde Béroul, mputédu second cahier
qui
contenaita suite.Le travaild'écriture donc consistéà ordonner
r
«
avant-texte
en
quatre parties.
La
première
mentionne es
épisodes
«
extra-diégétiques
(27)
constituant
a
«
proto-histoire
du
récit
de
Béroul tel
qu'il
nous est
donné
lire
v.
2556-67).
a
seconde
v.
2569-80)
ménage,
ntre
ce
qui préexiste
u récit et
le récit
proprement
it,
a
place
du
mensonge
mêlé à
la
vérité,
oit ce
qui
thématise
e contenu
des vers où
l'ermite
définissait
e
principe
du «bref»
(cf.
v.
2353-54,
cités).
La troisième
partie
(v.
2579-603)
appelle
synthétiquement
es
épisodes
«
intra-diégétiques
;
la dernière
v. 2604-18)
ffre u
récit
différentes
ossibilités
de continuation.
La
première
artie
du
«
bref se donne à
lire comme
me
synthèse
d'épisodes
antérieurs
e
1'
«
estoire
;
elle
reflète e
qui préexiste
u
récit,
lle
le ramène
sa
«
protohistoire
et
figure
e à
partir
de
quoi
et,
éventuellement,
e contre
quoi
s'écrit
le roman. Elle met
en
abyme
28)
les
rapports
du clerc
et de
1'
«
estoire
,
du clerc et
de son
modèle,
du clerc et
de la tradition
es
«
conteors
.
Les
onze vers
de
la
25.
Cf.
M.
DELBOUILLE,
«
Le
premier
omande
Tristan
,
Cahiers
de
Civilisation
édiévale.
,
Poitiers, 962,
.
273-85t 419-35.
26. En fait, e «bref est lui-meme achevé. a rectificationemandée
Í>arrmule
ristan
du
à
chapelain
'ermite
ne
v.
laisse
417-20)
aucun
'a
pas
doute
té
:
consignée
«
Sire,
n'a
par
plus
grin.
en cest
a
Í>arrmule
du
chapelain
ne laisse
aucun doute
«
Sire,
n'a
plus
en cest
escrit
(v.
2620).
27.On
prendra
e mot
diégèse
dans le sens
«
d
univers
patio-temporel
désigné
ar
le récit
,
G.
GENETTE,
op.
cit.,
p.
341.
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114
seconde
partie
constituente
foyer
ilencieuxde
l'œuvre,
ù
la
vérité
sexuelle,
'est-à-dire
'impossible
criture e
1'
«
asenblee des
amants,
se
dérobe
sous
la
négation
«
Qu'onques
amor nen out vers
moi/
e
je
vers
ui,
par
nul
desroi
,
v.
2573-74),
ù
les
mots voilent t
désignent
la
faille
que
la
différenceexuelle
nscritdans
la
littérature.
ignifica-
tivement,
es
barons,
dans le
temps
du commentaire
ui
suit la lecture
(v.
2625-638),
'évoqueront as
cette
proposition
e
Tristan
personne
ne
se
proposerapour
relever,
es armes à la
main,
e
défide
l'impossible
vérité,
our prendre
a suite du nain.
La troisième
artie permet
u récit de revenir
ur
ce
qu'il
a
déjàraconté, e faire e point,de se replier ur soi avant de continuer t
d'anticiper
a fin.
La
quatrièmepartie
offre u récit
différentes
anières
de se
pour-
suivre
et de s'achever.
Proposer
e retourd'Iseut
et de
Tristan
auprès
de
Marc
(v. 2604-07)
quivaut
à
revenir la situation nitiale
généra-
trice
de
tensions,
condamner e
roman à une
répétition
ndéfinie.
Accepter
e
rapatriement
'Iseut
en Irlande
(v. 2615-18),
'est-ce
pas
boucler le roman
par
un
retour à
l'origine
écraser la fin sur le
commencement
engluer
e
récitdans une circularité
mythique
'empê-
chant d'accéder à l'état de roman
Seuls
le retour de la reine à
la
cour et le départde Tristanconstituent ne solutiondiégétiquement
acceptable
la
disjonction
du
couple
ouvre une
béance,
génératrice
d'écriture,
génératrice
de
péripéties
nouvelles
visant à
la
suturer
(v.
2666-73).
Le
«
bref
de l'ermite ntroduit
onc une
pause
réflexive,
râce
à
laquelle
le roman
fait le
point
sur
le chemin
déjà
parcouru,
nticipe
son
avenir,
saisit son mode de
fonctionnement
t, simultanément,
nomme,
ans
le
registre
exuel,
a
part
d'impossible
écrire.
La
comparaison
du
«
texte
et de
1'
«
avant-texte
fait
apparaître
les deux
figuresmajeures
de la
rhétorique
médiévale 1'
«
amplificatio
et
1'
«
abreviado
(29).
Les
cinquante
et un
vers de 1'
«avant-texte»
(v. 2360-409) énèrent n texte de soixantequatre vers. L' « amplifi-
catio
»
opère
dans
plusieurs
directions.Elle
peut évoquer
dans
le
«
texte des
épisodes
passés
sous
silence dans
1'
«
avant-texte
,
souli-
gner, ar exemple,
'action
néfaste
des
médisants
v. 2565-67),
essusciter
le
souvenir
ffroyable
es
lépreux
v. 2591-93),
mentionner
'hypothèse
d'un
retourd'Iseut en
Irlande
(v.
2614-18)...
lle
peut
aussi
étoffere
rappel
d'un
événement. insi
e
mariage, voqué
en
quatre
vers dans
1'
«
avant-texte
,
l'est en neuf
dans le
texte la
vie dans
le
Morois,
allusivement
mentionnée n un
vers,
devient
l'objet
d'une micro-
description
e
neuf vers...
L'
«
amplificatio
,
en
tant
qu'excès
rhéto-
rique,
désigne
a
part
de libertédu
clerc
grâce
à
elle,
il
s'affranchit
28.
Cf. L.
DÄLLENBACH,
e
Récit
péculaire, aris,
1977.
29. Cf. E.
FARAL,
es
Arts
poétiques
u XII
€
t
du XIIIe
siècles, aris,
1924.
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115
de
I'
«
avant-texte
,
mais surtout u texte
uteur,
éel ou
fictif,
ransmet-
tant
1'
«
estoire
. A
l'inverse,
écriture u
«
bref sait aussi
emprunter
la voie de 1'
«
abreviado . Il
ne semble
pas
y
avoir
de
suppressions
pures
et
simples.
Aucun vénement
voqué par
1'
«
avant-texte n'a
été
sacrifié
par
le
«
texte
,
mais
le
développement pu
s'en trouver
abrégé
ou
amputé
de
quelques
vers. Le saut
de la
chapelle,
qui
permit
à Tristan
d'échapper
à ses
gardiens,
omplaisamment
mis
en
valeur
par
l'ermite ans 1'
«
avant-texte
en neufvers
(v.
2380-88.
(sans
doute
y
voit-ilune
manifestation e
la
magnanimité
ivine à
l'égard
des
pécheurs),
est réduite à l'évocation
congrue
de
deux
vers
dans le
texte v. 2589-90).
En
somme,
es
rapports
du
«
texte du
«
bref et
de son
«
avant-
texte réfléchissentes
rapports
du romancier et de
1'
«
estoire
héritée
de la
tradition. omme
l'ermite,
e clerc
y
met certes
«
totes
ces
paroles
(v.
2430),
mais
il
les
ordonne
n
s'efforçant
e faire coïn-
cider 'ordre
diégétique
t l'ordre
chronologique
es faits
il
amplifie
là,
abrège
ailleurs,
fait
œuvre
originale.
Le
personnage
:
un
masque
du clerc
Dans
1'
«
avant-texte
,
Tristan écoute l'histoirede sa vie
narrée,
d'une manière
mpersonnelle, ar
l'ermite effacé
derrière
un
«
vos
»
omniprésent
«
Vos
passerez
a
mer de
Frise/Iroiz
ervir n
autre roi
»,
v.
2408-09).
près
avoir demandé à
Ogrin
de
mentionner on
exigence
d'une
réponse
de
Marc,
Tristan met
un
terme au
déploiement
de
1'
«
avant-texte
par
une
formule
urprenante
«
Maistre,
mon brief
set
seelé
»
(v.
2425).
La
lettre
peut
être
dite
sienne,
non
seulement
parce
que
son
histoire
n
constitue e
sujet,
mais surtout
parce
que
son auteur
s'efface éfinitivement
errière
e
personnage
de son récit.
La
lecture du
«
texte du
«
bref
rend
patent
cet
effacement e
l'auteur Tristanyparleà la première ersonne
«
Rois,
tu sez bien le
mariage
De la
fille
e
roi d'Irlande.
Par mer en
fui
usqu'en
Horlande,
Par ma
proece
a
conqui¿
(v. 2556-59).
D'abord uditeur e sa
propre
istoire,
ristan
'en
fait e
«
conteor
(30)
par
un
artifice
'écriture
ortant
ur
l'énonciation
ui,
en
signant
a
disparition
e
l'auteur,
nstitue
fe
ersonnage
sa
place.
Ce
transfert
de
paternité
dévoile
la
feinte
de la
littérature
médiévale,
grâce
à
30.
Eilhart
gnore
es
subtilités 'une
énonciation
ravestie
Ingrim,
l'ermite,
arle
dans
le
«
bref
en
son nom
«
Seigneur, our
l'amour
de
Dieu,
reprends
ma
souveraine,
on
épouse,
voilà
ce
que
te
demande
ngrim
au
nomde
l'amour ivin...
,
op.
cit.,
v.
4844
t s.
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116
laquelle
l'auteur
se cache derrière
ses
personnages
t s'en
fait des
masques,
derrière rocinou
Ogrin,
t
peut-être
éroul.
Le
caractère
illusoire, fallacieux,
du
procédé
est
cependant
mis
en
lumière
par l'équivoque présidant
à la
collaboration
littéraire
de
Tristan t de l'ermite. ristan
demandé
ue
soit
consigné
on
exigence
d'une
réponse
(cf.
2415-20),
mais le texte
lu devant le
barnage
ne
mentionne
as
cette
exigence
il
s'achève, brutalement,
u vers
2618,
sur
l'éventualité 'un retourde la reine en Irlande.
Seul,
l'écho
que
la
demande muette
de
Tristan trouve dans
les conseils des
barons
(«
Mandez
par
brief
que
la
roïne/Vos
meint
ci a
brief
termine
,
v. 2637-38)ncite Marc à répondre vec diligence.Ogrina donc volon-
tairement
mis
le correctif ouhaité
par
Tristan,
exclu
du
«
bref
toute trace
effective
'une collaboration
pouvant
le désaisir
de son
pouvoir
créatif. Dans
le
temps
qu'il
feint d'accréditer
a
paternité
de
Tristan
par
l'utilisation
'une énonciation
la
première
personne,
l'ermite
renforce
'authenticité e la sienne
par
une omission
qui
retranche u
«
texte toute
participation
xtérieure.
Ce voile de la
paternité
de l'œuvrederrière e
masque
du double est
épaissi par
l'indécision e
la
«
signature
mise en clausule
à
1'
«
avant-
texte du
«
bref
:
«Maistre,monbrief et seelé
En
la
queue
escriroiz
Vale
(v. 2425-26).
Dans
l'épistolographie
médiévale,
a
mention
souscrite
«
Vale
»
(ou
«
Valete
»),
sans
date,
est
généralement
e la main même de l'auteur
elle
constitue
a seule
partie
de la
lettre crite
par
l'auteur
ui-même t
sert,
la
fois,
de
signature
t de
moyen
d'authentification
31).
Tristan
ne
revendique
a
paternité
u
«
bref
que
pour
en
laisser
la
signature
à un
autre,
laisser la
main
de
l'auteur tracer sur le
parchemin
a
formule
rituelle
qui,
dans
le même
temps,
maintient
on
anonymat
et assure
la
paternité
de l'œuvre fallacieusement
déléguée
à des
doubles. Et cependant a signature e signerien elle n'inscrit u'une
formule
odée,
réduisant
'identité l'habileté
ou
au
tremblé
de la
trace
écrite,
au
style
retrouvant
insi sa
signification
tymologique.
La
signature
ne
compte pas, pas
plus que
le nom
qui
la fixe seule
importe
'écriture,
mot dont nous
laisserons
jouer
ici
l'équivoque...
N'est-ce
pas
en ce
point précis que
le
clerc
livre
es secrets
et les
ruses de
l'écrituremédiévale Elle
masque
le
visage
de son
auteur
derrière
ses
personnages
le
nain,
l'ermite),
ou derrière des
noms
d'emprunt
Frocin,
Ogrin,
Béroul
peut-être).
ans ces doubles du
clerc,
représenté
u
travail,
elle saisit les mécanismes
qui
la
régissent
t
découvre
e
point
d'impossibilité
ur
lequel
elle
vient buter dès
lors
qu'elle prétend« écrire 1' « asenblee de l'homme et de la femme.
31. Cf. G.
CONSTABLE,
p.
cit.,
p.
17-18.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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François
JACQUESSON
QU'EST-CE
QUE
LE MOYEN AGE
?
Notre
temps
se
défie des
questions
trop
vastes,
parce que
les
réponses
nt
tendance se faire
dogmes inadéquates
au
détail,
elles
sont
simplificatrices.
es
questions
générales
sont
pourtant
réhabi-
litées
par
notre défiance si nous mesurons
maintenant
a
distortion
qu'elles
apportent,
ela ne
signifie as
qu'elles
soient
devenues
nutiles,
au
contraire cette distorsion
u'entraînent
os
moyens
de
connaître,
nous
savons
qu'elle
est inhérente u
processus
de
connaître,
onc
au
connaître
ui-même. ucune
pureté
doctrinalene nous
épargnerait
es
détours le
savoir
se
fait en eux.
Les questions générales viennent ouvrir des débats dont nous
savons,
de ce savoir
même,
qu'ils
ne se referment
amais
tout à fait.
Mais les
reformulations
u'elles exigent,
en
impliquant
autant
les
moyens
u savoir
que
ses
objets,
sont
bien à la mesurede leur
généra-
lité
c'est nous
qui
nous
déplaçons
dans
le
déplacement
e nos
objets.
Ce
qui
devient lair
pour
nous est
vrai
également
dé toute
époque
notre
relativisme
st ainsi
-
paradoxe apparent
-
le
moyen
d'une
ambition
plus
vaste.
Le
point
de
départ
du
Moyen Age
Ainsi cet
hellénisme
qui
fait
largement
défaut au
Moyen
Age
occidental,
e doit
pas
être vu tellement
omme un
manque
-
comme
nous
avons tendance le
voir
après
Erasme et Rabelais.
Il
serait
plus
juste
de
dire
l'hellénisme,
e
Moyen Age
occidental n'en avait
pas
besoin. En
eût-ilressenti a
nécessité,
l
aurait lu le
grec
comme
le
latin
ce n'était
pas
tant
ignorance
qu'indifférence.omplémentaire-
ment,
e retour u
grec
n'est
pas
dû à l'afflux es hellénisants
près
1453,
mais à une
évolution es besoins.
De
même,
a
ou les transformations
e la
latinité,
t de la
langue
latine, e sont-elles as les conséquencesmalheureuses 'uneruée chao-
tique
de
barbares,
«
l'infélicité t calamité des Gothz
qui
avoient mis
à
destruction
oute bonne
litérature
(Rabelais,
Pantagruel
VIII).
Le
nouveau
latin est
l'expression
de
besoins
nouveaux,
d'une
société
différente.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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118
Cette
ndifférence
l'égard
du
grec,
lors
que
Yhumanitas romaine
avait
été,
selon
l'expression
d'Horace,
subjuguée par
la
Grèce,
définit
le
point
de
départ
du
Moyen Age,
e
terminus
quo
Le
Moyen
Age
commence
uand
tarit a
nécessitédu
grec.
Cela ne
signifie
videmment
pas
que
tout
disparaisse
de la Grèce mais
que
ce
qui
vient d'elle
n'est
plus qu'influence
la
Grèce,
mais via la
latinité
la
Grèce,
mais
autant
qu'elle
s'est
absorbéedans les
projets
t
les
expériences
e Rome.
De sorte
que
a
posteriori
e
«
moyen ge
»
nous
apparaît
comme
un
excellent
rible de
la
latinité,
ne
latinité
privée
de
son
altéritévivi-
fiante, t en ce sens déjà morte une latinité, u sens exact,privée.
L'espace
latin
devient u
MoyenAge
un
espace
clos,
et cette
clôture st
le
fait du
christianisme,
on
pas
tant
d'ailleurs
u
sens
dogmatique
e
Credo ne s'est constitué
que
lentement les conciles
définisseurs
e
sont
tenus
en
grec;
le
latin
n'est devenu
langue
officielle
e
l'Eglise
qu'en
370)
qu'au
sens social.
La
socialité
chrétienne,
elle
qui
délivre la latinité de l'altérité
grecque,
est celle
que
défendent
es
premiers
«
Pères
»
latins,
celle
qu'Arnobe
définit
ans
le Contra
Nationes le
principe
du
paganisme,
dit-il n
somme,
st le do ut
des une
religion
t
ime
société
de l'avan-
tage personnel,
t
par
là
incapable
de
saisir
l'ampleur
des événements
(turéclames a pluie,et la sécheresse e paraîtmaudite,mais qui es-tu
pour
décider
que
tous
veulent a
pluie,
et
ignorer
es
parts
de la vie
qui
veulent a sécheresse Le souci
personnel,
t
avec lui l'idée de
rétribution
n ce
monde,
ou
de
vengeance,
endent e
païen incapable
d'une
vision cohérente et
conséquente),
incapable
de
philosophie.
Quand
Arnobe
nvoque
Platon,
c'est au sens moderned'une autorité:
non
pas pour
soutenir me
idée
particulière,
mais
parce
qu'il
aide
à
comprendre
e
monde.L'altruisme
vangélique
evient,
travers
'effort
romain
de Yhumanitas la clef de
toute
philosophiepossible.
Ou
du
moins e
présente
omme elle avec la
mêmeassurance
qu'aura
l'auteur
des
Prolégomènes
toute
métaphysique uture.
Et non seulementde
toute
philosophie,
mais
de
toute
perspective
d'action. La
romanité
u
sens
strictement
olitique
(au
sens où
les
Grecs avaient défini e
pouvoir)
échoue non seulementdevant l'infu-
sion
barbare,
mais bien avant
cela,
bien
en-deçà,
choue
justement
cause de son
erreurde
perspective
ur l'idée de
frontière
le
limes
est
l'erreurde
Rome,
et
le
fait
politique qui
l'a détruite
les
barbares,
quels qu'ils
aient
été,
étaient
déjà
dedans,
à
l'intérieur.
Saül-Paul,
en ouvrant a Nouvelle Loi
ou
la
Bonne Nouvelle aux
Gentils
et
prolongeant
ar
là
la
thématiquechristique
de
Yenfant,
des
Ti
T7VffeO|JtcTi
réussit à où
l'extension
u droit-de-
cité romain,toujoursen retard sur son concept,échoue. L'humilité
chrétienne,
n fondantune intériorité
ui
est un
accueil,
est
bien
autant
qu'une
vertu ou même
qu'une
morale,
une
perspective
ocio-
politique.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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119
A
posteriori,
'échec
du Christ n tant
que
dieu,
le délai ouvert
de
l'imminente
arousie
qu'attendaient
es
premiers
disciples,
a fait le
succès du Christ n tant
qu'homme
à la différence es
gnosticismes
dont
l
est à
l'origine
ndissociable,
e christianisme
omme
espoir
à
la
fois
accompli
et
reporté,
'ouvre sur le monde
au lieu de se
protéger
contre ui.
L'ouverture
ociale du
christianisme
'est
pas
une
transgression,
une
rupture
des
frontières,
ais une définition
e
l'intériorité
cette
ouverture st corollaire
d'un
recourbement,
'un
renfermementur
un
ici-basclos. Le
MoyenAge
se
développe
donc
sur des bases nouvelles
précisément arcequ'il prend u sérieux 'héritage omain. es Romains
ne
se sont
amais
mieux définis
ue
dans les
mondes
romans;
définis
et finis.
Trajan,
rêvant
d'Alexandre,
eportait
à
l'Est
les
frontières
contre es Daces
et les
Parthes
Hadrien
rêvait d'une urbanitas
qu'il
trouvait
lutôt
ans es universaux e
la
que
dans
'affairisme
de l'Urbs.
En
séparant
Constantinople
et
Jérusalem)
e
Rome,
'empire
romain
du IV*
siècle
projetait
'Orientvers
la
politique
impériale
et
l'Occident ers la socialité
chrétienne.
Le
Moyen
Age
est
donc le
propos
de la romanité
orsqu'elle
se
clôt
sur
elle-même.
'œcuménisme
hrétien,
a
façon
dont les nouveaux
Pèrespensent oute1' ēVoo^^^ļ , ou raisonnement
prolonge
t déborde
e
programme
olitique
des
empereurs
de Rome
de ce
point
de vue les
papes
sont bien les successeursde
Pierre et
de
César. Mais
parce qu'ils
ne rêvaient
pas
d'Alexandre
et
oubliaient
l'Odyssée,
arce
qu'ils
ne
poursuivaient as
le rêve
du
toujours-plus-
loin
mais celui du
toujours plus-profond
in
interiora
gaudia,
disait
Augustin),
ls retrouvaient e civisme
qui
n'avait été à César
qu'un
prétexte,
e retrouvaient ace à Caton.
Le latin de
l'Eglise
n'a été
ni
celui de
Cicéron ni celui de
Plaute,
'un et l'autre
étaient
trop
épris
de
grec
mais
qu'on
lise Pierre Damien
(XI*
siècle)
ou
Prudence
(IV*
siècle),
le latin
y
semble
plus
strictement
talique
que
chez les
auteurs lassiques.
Sous
un certain
angle,
e
mépris
affiché es Pères latins
pour
la
rhétorique, arce
qu'elle
est mondaine t
artiste,
n
somme
«
divertis-
sement
,
rappelle
celui
de
Caton ne
corrumperent ravitatis igorem
dit Arnobe.
La linéarisation e
la
syntaxe
atine
alors,
qui
est à
la
source des
syntaxes
omanes,
st corollaire
de l'idée
de
durée
orientée,
tient une
langue
qui, privée
de miroirs
où se
réfracter,
'étend.
Le
latin médiéval st
ainsi à la fois curieusement
rchaïque
et
nettement
progressiste
n ce sens
qu'il
sait son
propos
devant ui
Augustin
avec
sa variété
de tensions
de
l'Hymne
bécédaire à la
prose
des
Confes-
sions),
Raban
Maur ou
Godchau
d'Orbais,
entent
ue
leur
langue
n'a
pas encore tout dit, qu'elle possède une plasticité syntaxiqueriche
de
plusieurs
mondes.
Et c'est
en effet u
contact de
cette
syntaxe
latine romane
que
vont se constituer es
langues
de
l'Europe,
les
langues
dites romanes
bien
sûr,
mais aussi
l'anglais
et
l'allemand.
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 122/139
120
De la vérité révélée à la vérité
artiste
Mais l'altérité
grecque
nourrissait e devenir
de
Rome
l'alexan-
drinisme
st au cœur de
l'inspiration
u
siècle
d'Auguste,
es auteurs
que
connaîtra l'Occident
médiéval
Virgile,
Ovide,
Horace, Lucain,
Stace.
Privé d'un tel
ressort,
'âge
roman
se fonde dans
un
démarcage
culturel
qui
devient isolement. C'est cet isolement volontaire
(les
contacts vec
le reste de la
Méditerranée,
ar exemple,
xistent,
mais
occultés)
qui,
la
culture
atine
devenue
sphère
fermée,
rovoque
cette
curieusenévrose ymboliste u'Emile Mâle a autrefois i bien décrite,
ou se
transforme
n une
volonté ntellectuelle
la fin du
XI* siècle
qu'Anselme
écrit
parfaitement
ans le
prologue
du
Proslogion
décri-
vant
e
cheminement
ntérieur u sens in
persona
alicuius
tacite ecum
ratiocinandoaboutissant u déclic à la fois
ntellectuel
t
mystique
e
l'argument ur argumentum
uod
nullo
alio ad se
probandum
quam
se solo
indigeret.
Isolementvolontaire.
Quel
besoin
d'Homère
quand
nous
avons
la
Bible,
et
quel
besoin
du beau
quand
nous avons
la foi
L'universel
palpite
dans
un coin
retiré,
ime se concentrer
our
sentir
mieux
sa
vastité
penché
à la
fenêtre
'une
maison
d'Ostie,
es
yeux ignorants
du jardin ntérieur, ugustin la visiond'une totalité ntime t vivante
(Con/.
X,
10)
passé
et futur e recourbent
ur le
présent
de la révé-
lation.
C'est
déjà
la
noix
sur
quoi
Bernard
médite,
a
pesant
peut-être
dans
sa
main,
et
où
il
voit ime
imago
mundi
«
L'inculture du
MoyenAge
n'est
pas
le résultat
des destructions
barbares,
i
l'âge
romanun lent et infantile
éveil
près
la
catastrophe.
Cette
«
inculture
est une
intention,
lle a sa
logique,
son
propos,
et
son histoire. t elle a
sa
violence
detestanda
uriositas
disait
Augustin
(Civ.
Dei
V,
21)
de
l'empereur
Julien.
Et c'est
bien
pourquoi
les
«curieux»
(«Qu'on
lui mette
en fantaisie
une honnête
curiosité
de
s'enquérir de toute chose» dira Montaignedans l'Institutiondes
Enfants)
de la
Renaissance entiront
u'ils
ont
avec
toute
cette
époque
un
compte
à
régler
«
le vilain monstre
gnorance
dira
Ronsard.
Renfermement,
éditation 'un
monde où
tout est
déjà
donné
mais
point
encore
reçu,
«
obstination
,
univers de reclus
exstatiques,
de
reconnaissances
nquiètes,
de
répétitions
ignifiantes
voilà une
des
pointes
de
l'âge
roman.
L'histoire
ontemporaine
'est
pour
lui
qu'une
menace,
renvoyée
ux
bizarreriesde
l'événementiel,
méprisé
comme
anecdote. La
Renaissance sera le momentoù le
monde,
donné,
sera
aussi vécu
comme
reçu
(et
de là les
querelles
sur le
libre
arbitre)
avant
qu'à
travers
es siècles
suivants,
vec
l'audace
de découvrir
t
celle de l'histoire, n se demande si vraiment e monde était donné.
Mais
perdu
en
lui-même,
endu
dans sa
propre
cogitation,
ressé
par
sa foi à chercher a
conscience,
Anselmedécouvre a rationalité
de
sa foi dans le mouvement
e sa
quête,
et
l'existence
de son dieu
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121
dans la rationalité e sa
foi.
Koyré
avait
raison
de
souligner
a
com-
munauté d'attitude ntre
Anselme
et Descartes.
Encerclé
par
sa
foi,
comme Descartes s'enferme
ans
son
doute,
Anselme saisit
brusque-
ment
sa
preuve
dans le
mouvement
e son
esprit.
Le sens
aillit
d'un
blocage
tragique
reconnu
de même
que,
de nos
jours,
Sartre a décrit des
situations
tragiques
pour
y
faire sentir
l'indépendance
réatrice
e l'être
qui
décide
de
s'assumer,
de
même a
vérité
d'Anselme,
t
bientôt
l'élan
gothique,
naissent
mieux dans
l'expérience
'une détresse
agravée
de son
questionnement
quaesivi
bona, et ecce turbatio, endebam n Deum, et offendi n meipsum
requiemquaerebam
n secreto
meo et
tribulationem
t dolorem
nveni
in intimismeis.
volebam
ridere
gaudio
mentis
meaet
et
cogor
rugiré
a
gemitu
ordis
mei
sperabatur
aetitia,
t ecce unde
densentur
uspiria.
Dans le
mouvement
'ime
détresse,
e mouvement
ui-même st
plus
clair. Du
Dante de
la Vita nova
à
Maurice Scève
en
passant
par
Pétrarque,
e
n'est
pas
seulement
à le rassemblement
u
antique,
a délicieuse
douleurde
l'amour
c'est,
au moment ù
l'amour
devient
un souci
qu'on
caresse,
où
donc l'amour
lui-mêmedevient
aimable,
a
Quête
qui
trouve sa forme
en
même
temps
que
les
pre-
miersromans.
Au
XII*
siècle,
n
même
tempsque
les
«
néo-platonistes
(le terme st largement rompeur) rouvent ans cette nouvelleforce
de l'intellect
ue
décrivaitAnselme
e
projet
de
comprendre
e monde
tel
qu'il
est,
la
lyrique
exalte
le
relief
onquérant
de la
désespérance,
et le roman
en vers
montre
ue
la
vérité,
i
elle ne s'atteint
pas,
se
découvre
arfois
ans l'effort
'un
parcours
ainsi
des romans
du Graal.
Mais
de ce
fait,
a vérité devient
rtiste.
Ce mouvement
ui
n'est
plus hypnotisé
ar
son
but,
se
fait attentif
sa
propre dynamique,
devient
à la
fois
plus
intérieur
l'intériorité
omanesque)
et
plus
conscient
(l'art
ou
l'artifice
romanesque).
Dans cette coïncidence
Abélard
trouve
es
premières
descriptions
e la médiateté
entre
le
nom abonnéà l'objetet l'objet spécifié ar le nom, l voitque c'est le
mouvement
e
décrire
ui
bâtit es
spécificités
es
noms et des
objets.
La
littérature
omanesque apparaît,
et non seulement
omme un
art
spécifique,
mais
comme un
art
qui développe
une méthode
de
la
spécificité
u
de la
médiateté.
Tandis
que
l'épopée
romane,
disons
Beowulf
ou
Roland,
se
présente
comme une construction
exempla
(même
si elle
est aussi
autre
chose),
et ressemble
l'hagiographie,
e
roman
remodèle
es
types
du
héros,
de la
belle,
de
l'oncle,
et
de la
bête alors
que
les
types
romans
étaient entre eux sans
communi-
cation,
que
Ganelon
n'est
que
Ganelon
et
est
le
Ganelon-éternel,
es
personnages
gothiques
communiquent
arce qu'ils
s'organisent
dans
une intrigue,dans un décor et un propos réflexif.Alors que les
épisodes
de
l'épos
roman
s'enchaînent
u même se
juxtaposent,
eux
du roman
gothique
e
coordonnent
ans une
perspective
'auteur
et
en
effet
elui-ci
e
fait
moins
anonyme.
Les romans de
Chrétien
de
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 124/139
122
Troyes,
ia
les romans
taliens
du
XV*
siècle,
ressemblent
ien
plus
à
YAstrée
u'au
Beowulf.
On
pourrait
aire
es mêmes
réflexions
ur a
sculpture, ar
exemple.
Aux
portails
de la
façade
de
Reims,
es droites tatues
romanes
emblent
figées
dans leur
identité,
lles sont
graves,
isolées,
elles
sont
des
signes
les statues
gothiques
'ordonnent
ar
groupes,
t se sourient
l'une
l'autre,
lles
accueillent,
lles se courbent
ces
dernières,
ia
le
«
gothique
nternational et
par exemple
'iconostase
de delle
Massegne
à
Saint-Marc e
Venise,
ressemblent
lus
à des
Verrochio
u'à
leurs
voisinesromanes.
Les héros deviennent une société
Le
MoyenAge
trouve on
départ
dans une
revendication ondamen-
tale,
dont
le
moyen
st
la clôture
de
la romanité.Cette
revendication
de
clôture,
ette
transcendance
s'exaspère
à
partir
du XI* siècle
en
scrutant éflexivement
es modalités
t ses médiations.
l
y
a
donc
une
logique
internede l'histoire
médiévale,
une définition n com-
préhension.
i
cette
définition
st
ďaboťd consciente et
conscienťe-
contre-l'histoire,ontre a culture, t la logique (credo quia absurdum,
crie Tertullien
je
crois
parce qu'ainsi je
m'élance dans
un
ordre
différent,
'ordre
pur
de ma
foi,
l'intimation
xigeante),
si
Arnobe
dénonce même les
conventions
e la
grammaire
pour prêcher
une
égalité
des
langues
Adver
us
nationes, ,
59),
'histoire aite tabula
rasa
-
cette
exigence
va
cependant
s'inscrire,
'histoire
y
retrouver on
relief. La socialité chrétienne ù
se refond
'Occident romain
était
une et abstraite ussi
longtemps
ue chaque
communauté ivait
dans
l'appréhension
e
sa foi
personnelle,
ue
la
communication onsistait
en
ressourcements
t en
exhortations
tenir
l'ère des
martyrs
st
l'ère des symboles témoigner,'était une façonde croyance ublime
(
quia
absurdum)
dont a violencemême
empêchait
ue l'Eglise
s'établît
trop
vite en un
«
grandcorps
»
(Renan,
Hist, des
orig
du
christ
,
Marc-
Aurèle,
h.
23).
La
foi
personnelle,
'était e
risque
des
déviations,
mais
complémentairement
'assurance
xistentielle 'une vérité
vécue.
Mais,
ogique
du
langage,
e
qu'on
a à dire se déforme
n se
disant
la
communication e la
foi,
à travers les
lettres,
es
hymnes,
es
exhortations,
ransformaitn
société cette
mosaïque
de
croyants.
i les
figures
modèles du
christianisme oman
sont le
moine,
et même
l'anachorète,
e
succès
de la
foi tisse
à côté
d'eux,
et
à
la fin
ans
eux,
le
tissu de la
société
chrétienne,
ans
le siècle. Bernard
marque
le
moment harnière ù le rigorismepéculatif e la foi, e prenantpour
une morale
la
lutte
de
Bernardcontre
es
Universités,
ontre
Abélard,
contre es cathédrales
othiques),
bandonne n
fait
'invention
ratique
du
christianisme ses nouveaux
raits,
ociaux
le
populisme
t
l'hyper-
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 125/139
123
dulie
mariale,
a
scholastique
t
l'aristotélisme,
a
dramatisation e
la
foi,
c'est-à-dire
'inscription
e
«
l'exigence
absurde
dans
l'angoisse
sociale,
comme
en
témoignent
e
théâtre,
e
développement
es menta-
lités
parodiques,
e
goût
croissantdes monstres.
En
s'inscrivant
ans
le
siècle,
le christianisme
e formait. i les
épisodes
des
épopées
romanes
taientde brèves
et
tragiques
ventures,
les
romans
gothiques
vont,
en
réunissant, édoublant,
omposant
es
épisodes,
ransformer
es aventures es héros
en
vies de
personnages
tel
paladin
se
métamorphose eu
à
peu, acquiert
des
«
enfances et
des amis,une mort, e voitpris dans un tourbillon 'allusionsoù son
type
s'émousse,
sa stature s'humanise
en même
temps
qu'elle
s'en-
chante.Le monde
gothique
ocialise
ses héros comme
il
se socialise
mais
transpose
e
mystère
e
sa foi
dans la
magie
des
pouvoirs
beau-
coup plus qu'aux temps
romans,
le
monde
gothique
est
celui
des
monstres,
des
géants,
des
griffons.
t c'est bien ce
que
Bernard
dénonçait.
En
adhérant
aux
échanges
et aux
communications mondaines
dont elle avait elle-même
eté
les
bases,
l'Eglise accepte que
beaucoup
du
mystère
e la foi se
transforme
n
magies
mais
inversementlle
cautionne, as forcément ans le détail des faits mais dans son prin-
cipe,
l'autorité
ivile en
fournissantes clichés et
structuresmentales
du
pouvoir.
L'histoire
u
personnage
e Théodoric st
caractéristique
lié dans
les
premiers
emps
de
l'épopée
(
Hildebrandslied
fin
VIII*
siècle)
à des
épisodes
fragmentaires
e la
saga
d'Atli-Etzel-Attila,
e
personnage
acquiert
au
long
du
XIIe
siècle
sa
consistance
propre
en même
temps
que
se
compose
'intrigue
omplexe
du
Nibelungenlied
où interviennent
des héros venus d'horizons ifférents.u
XIII*
siècle,
on obtientdonc
une
histoire à
plusieurs
facettes,
«
plusieurs
lectures
,
parce que
chaque personnagemportant
son histoire
propre,
on
propre passélittéraire t registre 'allusions, t vient ouer un rôle dans un roman
que l'intrigue
nifie. n
fait,
e
procédé
(ou
la
rationalité e
l'histoire
littéraire)
st similaire
celui
de
Virgile,
ui
«
utilise
des
personnages
bien connus
par
ailleurs,
et
les
confronte
ans
un réseau
à
la
fois
ancien et
nouveau,
e
qui
leur
donne un relief
ingulier,
ne
«
person-
nalité .
Georges
Zink
faisait
remarquer
ue
«
la
légende
héroïque
de
Dietrich
Théodoric)
tendait
de
plus
en
plus
à
prendre
une forme
biographique
(Cycle
de
Dietrich,
p.
18,
dans la très
remarquable
Bibliothèque
e
philologie ermanique).
Les
héros
deviennent ne
société,
et la
querelle
«
moderne
qui,
via le Quichotte, a jusqu'à Madame Bovary (les romans ressemblent
à la vie la
vie se cherche
dans
les
romans),
trouve
bien son
départ
dans le
«
roman de
chevalerie
,
c'est-à-dire
e
roman
courtois,
elui
qui
s'initie
u
XII*
siècle.
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
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124
Il
n'y
a
pas
de
fin
Quand
donc
prend
fin e
Moyen
Age
? En
fait,
l ne
prend
pas
fin.
La
revendication
'Augustin,
e Tertullien u
d'Arnobe,
e
prend pas
fin.
Mais
l'Antiquité
on
plus
n'avait
pas
de
fin l'Occident
médiéval
l'avait reformulée
n l'absorbant dans une
clôture
il
avait achevé
l'Antiquité
bstraitement,
on
pas
dans
le
temps
il
serait
juste
de
dire
que
s'était créé
un autre
temps,
et
que l'Antiquité
n'a
pas
eu
vraiment e terme.
De même le MoyenAge a été reformulét absorbé par un autre
temps,
ne
autre
forme u
temps.
De
même
qu'il
est vain de demander
si le Phoenixde Lactance
est
antique
ou
médiéval,
u de
quel
côté est
Sidoine
Apollinaire, uisqu'il n'y
a
pas
de côté à cette
métamorphose,
de
même est-il
vain de
peser
Rabelais,
Sébastien
Brant,
Pétrarque,
Bacon
ou
Conrad
Ceitis.Le
jour
où Pic
écrivit
ue
l'homme
tait
supé-
rieur à
l'ange
(
Oratio
de Hominis
Dignitaté),
l
reprenait
fastidieuse-
ment
un
topos
médiéval
et en un
sens
aussi le
Credo ut
intelligam
d'Anselme,
t la Fides
quaerens
ntellectum
'Augustin
mais
si
l'image
a des couleurs
imilaires,
a
polarité
n était
pourtant
out autre
la foi
de Pic
est
devenue
un
moyen
de son
appréhension
du
monde,
une
qualité humaine assez semblable à cettequalité qu'ont les choses de
tombervers
e bas. Totalement
umanisée,
a foi est
devenue
prédicat,
non
plus
fons
vitae. Ce
qui
compte
pour
Pic,
comme
pour
Rabelais,
Ficin,
Erasme ou
Montaigne,
e
n'es
plus
le Credo
quia
absurdum,
l'exil
salvateur,
mais
la vérité
plastique
d'un monde
composé
et fort
composite,
a
vérité
es
écarts t des
tensions,
'énergie
es
divergences
à la fois
l'émergence
du
mécanique
et la
passion
du
débat.
«
Tant
d'humeurs,
e
sectes,
de
jugements,
'opinions,
e lois
et de coutumes
nous
apprennent juger
sainement
des
nôtres,
et
apprennent
notre
jugement
reconnaître
on
imperfection
t sa
naturellefaiblesse
qui
n'est
pas
un
léger
apprentissage (Montaigne,
bid.).
Pourexemple e tableaudu Titien ux Frari de Venise, a Madonne
de
Ca'Pesaro,
où
la
Vierge
n'est
plus
au centredu
tableau,
mais
où la
formede
deux colonnes
géantes,
grises
et
asymétriques,
quilibre
dans
l'intelligence
u
spectateur 'oblique
montantedes
personnages
t les
trois tons de
rouge.
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NOTES DE
LECTURE
Geneviève
d Haucourt,
La
Vie au
Moyen
Age
coll.
«
Que
sais-je
?
»,
P.UŠF.,
aris,
1979.
Robert
Delort,
La
Vie au
MoyenAge
coll.
Points
Histoire,
euil,
Paris,
1982.
LE
SENS DE LA
VIE
Il
n est
pas
si
fréquent
ue
deux
ouvrages
portent
e même
titre,
ni
que
ce titre
pose
autant de
questions.
La
Vie
au
Moyen
Age
de
Robert
Delort,
dont a
première
dition
parut
en 1972
répond
à
La Vie
au
Moyen Age
de
Geneviève
d Haucourt
qui
en était à sa
dixième
édition
n 1979. l
serait
facile,
propos
de ces
ouvrages
d opposer
deux
types
d Histoire et
d historiographie
t de déclarer
l un des
auteurs
plus
«
moderne
que
l autre. Ce serait
facile,
mais aussi assez
vain.
Plus
importante
ous semble a
question
du
titre,
dévoilant
quelques-uns des sens du mot «vie ». La naturemêmedes ouvrages, es collec-
tions dans
lesquelles
ils
parurent
nterdisentme stricte
comparaison
qui,
d ailleurs,
e serait
peut-être as pertinente.
Genevième
d Haucourt,
archiviste-paléographe,
ous
entraîne,
dès
sa
dense
introduction,
ans la
configurationhysique
des
campagnes
et
dans a
toponymie.
e
là,
l Hommedevant
adapter
u
climat,
evant
se
loger
et
se
vêtir,
nous
parvenons
au
chapitre
concernant
a
vie
matérielle;
a
nourriture,
tc...
Après quoi,
la
vie,
la vie
quotidienne,
nous est
présenté
ans le
temps,
dans la durée de
la
journée,
et
dans
celle de
la vie. Le dernier
hapitre
tend cette
durée
à la
vie
elle-même,
et ce « tempsde la vie» précèdeune conclusion, élèbre une certaine
attitude
face à la vie
-
et nous
voyons
ci
que
le sens
du mot a
changé
-
qui permet
une
«
paix
intime
,
un
«
équilibre
intérieur
voire une
«
joie
»
et une
«
sérénité de
l optimisme
hrétien,
ui peut
avoir,
malgré guerres,
isettesou
épidémie,
rendu
l homme
médiéval
heureux.
Geneviève
d Haucourt
nous montre
ainsi la
grandeur
de
l idéologie,
de ce
«
rapport
maginaire
u réel
»
qui
nous
permet
de
vivre
et de
survivre.
Discrètement,
mais avec une certaine
fermeté,
elle nscrit
existence ans une dimension
osmique,
oire
métaphysique,
puisqu elle
a soin de
rappeler que
le
cycle
des faminesest
celui des
tachessolaires.Ainsiprendson sens le mot même de métaphysique,
puisque
ce sontbien là des
relations,
es corrélations ntre e monde
physique,
es
conséquences
ur la vie
quotidienne,
t ce
que
l esprit
de
l homme
peut
en
percevoir
t en
penser, qui
a
toujours
tendance à
percevoir
es causalités dans
les corrélations.
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126
La
Vie au
Moyen
Age
de Geneviève
d Haucourt,
fait
partie
de
la
collection
Que
sais-je
?
»
dont a
réputation
est
plus
à
faire.Collec-
tion
négale,
lle n en
comprend as
moins
un
grand
nombre
d ouvragçs
excellents, urieux,
pratiques,
voire même amusants...
Sa
concision;
l extrêmedensité des
ouvrages
de cette collection
est
à la fois
une
qualité
et
un
défaut. l
est certes
pratique
d avoir en si
peu
de
pages
autant de
renseignements
ue
dans le
livre
de Geneviève
d Haucourt,
mais cette concision conduit
à
un
rythme
n
peu
haletant, t,
bien
sûr,
à l économie des notes et d ime
bibliographie.
Celui
qui
a
lu
quelques
textes médiévaux
reconnaît, à
et
là,
certaines
des sources
de l auteuret peut parfois e demander i tel ou tel détaild un texte
littéraire st
réellement
ignificatif
e la vie
quotidienne...
u importe
l exercice est
réussi
car,
en 127
pages
serrées,
Geneviève
d Haucourt
entraîne e
lecteur la découverte un monde
dont elle sait
montrer
les
spécificités
ime manière accessible. Ce
livre,
malgré
sa
densité,
est
agréable
à
lire le
rythme,
abord
un
peu
surprenant
es
phrases
brèvesde l auteur
nous entraîne ans une instructivehevauchée.
l
est
bon
que
ce livre xiste.
La
vie
pour
Robert
Delort,
n est
pas
la même chose
que pour
Geneviève Haucourt.Bien
sûr,
des
choses
sont communes
ux
deux
livres,mais aux petites ndications osmiquesconcernante tempset
ses
intempéries,
ux taches du soleil et
à
l optimisme
hrétien,
épond,
chez Robert
Delort,
une
préoccupationplus
tellurique
la
terre,
e
monde et tous
leurs
tremblements
ous
précipitent
ans
un
quotidien
plus
«
terre terre
certes,
mais non moins
puissant.
Le séisme
Bâlois
du
18
octobre 1356nous montre es
transformations
pectaculaires
t
brutales
du
milieu,
e
qui n empêchepas
ime
description
étaillée
de
modifications
lus
lentes. De la
terre bouleversée
par
le séisme ou
effleurée
ar
l araire
naît
«
le
sens
du
temps
,
et c est celui
des
mon-
taisons,
des
épiaisons,
des récoltes
ou des labours. Ce
temps qui
comptait
es distances
en
journées,
englobait
espace,
déterminait a
perception u monde, a connaissance.Et, à partirde là, on peut le
déchiffrer,
ui
trouver
un
sens.
C est dans la
rigueur
de
ce
plan que
Robert Delort nous conduit à
un
sous-chapitre
ntitulé
«
signes
et
symboles
.
Après
donc
avoir,
en
partant
du
milieu,
de la
terre et de
ces
accidents,
montré es
«
structures
mentales et vie sociale
»
de
l homme
médiéval,
auteur décline les différents
spects
de celles-ci
en
montrantomment out ela détermine
n
certain
nombre attitudes
dans la
vie
quotidienne,
omme
des
structures ociales
et
juridiques.
Du
général
u
particulier,
ous
en
arrivons
la déclinaisonde ces
différents
léments elon les classes sociales.
Ce
temps,
et
espace,
ces
signes
t
symboles,
es
lois,
cette société sont
perçus
et vécus différem-
ment selon les hommes,paysans,clercs ou chevaliers,malgré une
certaine communauté
de
pensée.
Puis,
à
cet ordre
ancien,
tripartite,
s ajoute
la montée
d un monde
neuf,
elui
de la
ville,
des
marchands,
des
artisans,
es
bourgeois...
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127
Robert Delort
nous
convie
à
mieux
envisager
a
psychologie
d un
temps.
Sa
«
Vie au
Moyen Age
est
plus
quotidienne
que
celle
que
décrit
Genevièved Haucourt. l est vrai
que
les
dimensions
de
son
ouvrage
e
permettent,
andis
qu un
«
Que
sais-je
?
»
oblige
à
la
brièveté.
Cependant,
est
peut-être
ussi la
conséquence
d une
plus grande
diversité es sources.
En
effet,
enevièved Haucourt
est,
en
ce
sens,
bien
plus
archiviste ce sont es
textes,
t
les
textes euls
qui
fondent
son
ouvrage.
Robert Delort fouille
ui aussi les
manuscrits,
mais
en
sachant
y
ajouter l apport
de
diverses
sciences,
telles
la
climatologie,
la
géographie hysique,
économie.S il
lit
le codex
médiéval,
l
n en
déchiffreas moins sur le terrain e plan d une ville, l implantation
des
essences
d arbres,
achant faire
un
document
e l état
actuel
d une
ruine,
d une faille
géologique,
un arbre.
S ils
sont
différents,
es
deux
livres
n en ont
pas
moins
un
point
commun ils sont
agréables
lire,
précis
et utiles.Tous
deux
montrent
à l évidence cette
générosité
ui
est ou
qui
devrait
être
la
qualité
principale
du chercheur ou de
l enseignant.
Sans
simplifications
abusives,
ls savent
nformer lairement t
donner à réfléchir.
ertes,
l idéal
un
peu
rassis de
1
«
honnête
homme
est
battu en
brèche et
il
est
de moins en moins
possible
à nos
contemporains,
lors
même
que l informationt la communicatione développent, être u courantde
tout,
e connaître
énéralement
état des
recherches,
es découvertes
et
des sciences.
Cependant,
e
petit couplet
de cette
mpossibilité
ous
semble
trop
convenu,
voir
trop d implications
ociales et
politiques
pour
ne
pas
s en
méfier.C est
pourquoi
nous
voudrions
saluer des
ouvrages
permettant
u
profane
de
comprendre
n
peu
mieux et de
connaître e
qu on
veut
réserver ux seuls
spécialistes.
Dans
un monde
où
les
moyens
e communication
nt tendance
occulter
ustement
e
dialogue,
la
compréhension,
ù l information
rend
le
pas
sur
la
connaissance,
l
devientnécessairede lutter
pour
la
culture,
our
son
extension,
a
diffusion,
ans
pour
cela tomberdans
les
dénaturations,
voire es falsificationse certaines« vulgarisations.
O. de R.
Jean
Dufournet,
e
garçon
et
l aveugle.
Champion,
aris,
1982.
L aveugle
dans la société
médiévalefournit n
beau
sujet
de litté-
rature
t d histoire.
n le
sait,
e
MoyenAge
voit
peu,
et
fort
mal. Les
rares
individus
ui mangent
leur
faim
se
plaignent
de
leur
myopie
non
corrigée,
e leurs
yeux armoyants
t chassieux
quant
à
l immen-
sité
des
autres,
malnutritiont maladies
endémiques
du
sous-développe-
mentmultiplientes non-voyants. aveugle parcourt es rues de la
cité
médiévale,
Tiers
Monde d avant-hier. e rire
ou
la
pitié
qu il
déclenche,
a
compassion
ou
le
rejet, par
leur
force et leur
constance,
ne
s expliquent
ependant
pas par
la
seule histoirede la
santé.
Cécité
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128
pieuse
ou
impie,
errifiante
u
grotesque
onstituent
n
thème
majeur
dps
représentations
édiévales.
Après
voir
fort ien traduit e
garçon
et
l aveugle
jeu
dramatique
du XIII*
siècle),
réhabilité
ustement
cette farce
joyeuse
et
terrible,
où la
ruse
ignoble
démasque
la
fourberie,
ean
Dufournet
interroge
sur la richesse
sémantique ambiguë
de
la cécité
médiévale.
Valorisé
par
le
christianisme,
ar il fut
objet
de la
compassion
divine,
ource
d innombrables
miracles dont
il
légitime
a
sainteté,
aveugle
reste
néanmoins
suspect.
Comme
marqué
d un
péché
qui
offusqua
son
regard,
omme
de la rue
même
s il
y
a
pignon,
ôtoyant
es
gueux
ou
joint à leur compagniesi l espérancede quelque pèlerinage a jeté
sur
a route
pour y
perdre, ossible
contrefait
uxurieux
t
avide,
dont
on rit
afinde n en
point
voir
peur,
homme
ans
yeux
est
un
marginal.
Il
est
au
nombre
de
ceux
qu a
étudiés
Bronislaw
Geremek,
ivantdans
la
marge
de la
société
médiévale,
ui
en dessinent
es
limites,
oujours
précaires,
ans
cesse franchies.
L excellent
dossier
que
Jean Dufournet
joint
à
sa
traduction,
dont
le commenaire
illustre
d un bon
choix de
textes,
contribue
cerner ette one
sombre
de la conscience
médiévale,
ù
la voix
chevro-
tante et le
pas
hésitant
du
«
pauvre
aveugle
suscitent
vec
une telle
violence ompassion t terreur. B.C.
Jean-Louis
landrin,
Un
temps pour
embrasser.
Aux
origines
de
la
morale sexuelle
occidentale
VIe-XIe
iècle).
Collection
Univers
histo-
rique,
Seuil,
Paris,
1983.
C est sous ce bien
joli
titre
que
Jean-Louis
landrin
a choisi
de
nous
présenter
e résultat
de
ses
recherches
ur les
origines
de
la
morale sexuelle
occidentale.
Cet
ouvrage,
insi
que
l annonce
auteur,
est le premier un ensemblede trois volumesau cours desquels sera
étudiée
a
notion
de
continence
ériodique,
es
origines,
es
différents
sens
qui
lui ont été successivement
ttribués insi
que
ses
effets ur
le
comportement
exuel et la
démographie
ccidentale.
L auteur se livre tout
d abord à une
description
minutieuse
des
temps
de continence
mposés par l Eglise.
Pour ce faire
l
a
procédé
au
dépouillement oigné
de
cinquante-sept
énitentiels origine
cel-
tique,
nglo-saxonne
t continentale ont
a rédaction est
étalée
entre
le VIe et
le
XP siècle.
«
Ces tarifs
e
pénitences infliger
ux
pécheurs
pour
chacun
des
péchés qu ils
avouaient
n
confession
(J.L.
Flandrin),
parfois
condamnés
par
la doctrine fficielle u
clergé,
fournissent
n
témoignage irect ur le christianismeécu et pratiquépar les paysans
qui
formaient
lors
la
grande
masse de la
population. L Eglise,
ne
négligeant
as
de
recourir tout
un arsenal de
pénitences
évères
et
dissuasives
pprenait
insi à
l amoureuxdu Haut
MoyenAge,
qu il
est
8/9/2019 Medievales - Num 5 - Novembre 1983.pdf
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 131/139
129
interditde
connaître
on
épouse
en
certaines
circonstances,
u
«il
est un
temps
pour
embrasser t
un
tempspour
fuir
es
embrassements
(L Ecclésiaste).
La
doctrine
léricale définit es
périodes
d interdit
n
fonction e deux
rythmes
le
rythme
iologique
de la femme
féconde
et le
rythme
alendaire de la
liturgie
estive.
e
désir devait
se taire
lorsque
la
femme vait ses
règles,
ttendaitun
enfant,
u
venait de
le
mettre u monde. De
même le
commercecharnel
était-il
prohibé
lorsque
a vie
cultuelle
xigeait
une dévotion
particulièrement
ervente.
Chaque
semaine les
époux
devaient
se contenir e
dimanche,
t
le
mercredi insi
que
le vendredi t le
samedi
en
signe
de deuil.
Trois
carêmes, n outre,
xigeaient
u cours de l année une totaleabstinence
le
grand
carême avant
Pâques,
l Avent
qui
commençait
la
Saint
Martin
(le
11
novembre)
et
s achevait à
Noël,
et
aussi
le
carême
moins solidement tabli
qui
suivait ou
précédait
a
Pentecôte.A
ces
temps
de
jeûne
et
de
continence inrent
ajouter
au fil
des
siècles,
puis
se
substituer,
orsque
le carême
de
la
Pentecôte
fut abandonné
au XI*
siècle,
un nombre ans cesse
croissantde
fêtes
iturgiques.
On
reste saisi
d étonnement
constater
que
l Eglise
a
imposé
pendant
des siècles
ime
continence
négalée
dans
l histoire
universelle
du
mariage,
ans recourir des
justifications
octrinales ohérentes t
systématiques. e fait est qu elle resta largement ributaire interdits
déjà
formellement
osés
avant le
christianisme t
qu elle
les
reprit
n
leur donnant
uelquefois
un
sens différent.
L amour
comme
le labeur est enraciné
dans le
temps profane,
entaché
d impureté
t donc en
parfaite ncompatibilité
vec
le
temps
pur
et
sacré
qui appartient
Dieu
et
à
son service.Cette
nette
éparation
du sacré et du
profane,
u
pur
et
de
l impur,
rès
prégnante
ans le
judaïsme
et en
particulier
ans
le
Lévitique explique
que
l on
jugeât
nécessaire
de
purifier
e
corps
et
l âme,
avant de se
tourner xclusi-
vement ers un Dieu
jaloux. L originalité
u
christianisme ura été en
outre de
juxtaposer
ces
modes de
pensée hébraïques
e dualisme du
corps et de l esprithérité de la philosophie ntique.La morale chré-
tienne nvite insi le
pécheur
se
détourner es
œuvres
de chair
pour
se consacrer
uniquement
celles de
l esprit.
Reste à
savoir
comment
Eglise
parvenait
à
faire
accepter
des
manières de
penser
et de vivre
à
ceux
qu elle appelait
volontiers es
rustres,
rop peu
enclins,
elon
elle,
à taire
les
appétits
de la chair
et à
écouter
a voix de
l esprit.
Par
une
pastorale
efficace e
clergé
diffusa
argement
es
préceptes.
Par
des
pénitences
évères,
l
pouvait
aussi dissuader es
rebelles
et rendre
mpératives
es
exigences.
Mais
plus que
la
persuasion
u la
répression,
n
traitde la
sagesse
paysanne
assurait
Eglise
d une obéissance
respectueuse
la
perception
u
temps.
Car le paysan aitpartraditionu il est untempsfavorable u impropre
aux
labourages,
ux
semailles et aux
récoltes.
Les
prescriptions
léri-
cales trouvaient
n
point
d ancrage
dans
ces
pratiques
terriennes. t
réciproquement,
es interdits
ituels
étaient,
n en
pas
douter,
ime
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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-5-novembre-1983pdf 132/139
130
des
expressions
de la
mentalité
paysanne
qui
unissait alors
le
clerc
et
le
«
rustre .
Plein
d'idées et
souvent convaincant
e
livre
aboutit ainsi
à des
conclusions
éduisantes t
soulève
de nombreuses
uestions
uxquelles
l'auteur e
propose
de
répondre
ans les
prochains
uvrages.
Comment
savoir i les
couples
observaient éellementes
prescriptions
léricales
Quels
ont été les effets ur la
démographie
'alors
? En l'absence
de
documentation
ppropriée,
'auteur ne
peut que présumer
'effet es
interdits ur
la
fécondité es
couples parfaitement
évots.
Quoique
l'on
puisse
regretter
a lourdeur
des
moyens
démonstratifs
mployés,
ni
trèsclairs ni trèssûrs,Jean-Louis landrin,pporte vec prudenceune
nouvelle
explication
au déclin
démographique,
ue
les
historiens
s'accordent
discerner
u
cours
du
Haut
Moyen
Age.
La
richesse
de
cet
ouvrage
tient donc autant à l'intérêtde ces
suppositions
uda-
cieuses
qu'à
la
connaissance
plus profonde
u'il
apporte
de l'histoire
du
mariage.
M.
D,
Jean-Paul
oux,
Les
Barbares.
Bordas, Paris,
1982.
Le bel ouvragede Jean-Pierre oux ne prétend pas à ime étude
rigoureuse
de ces
peuplades
que, depuis
la
nuit des
temps,
d'autres
ont
qualifié
de
«
Barbares .
Un
tel travail a été mené ailleurs
par
l'auteur,
spécialiste
des civilisations
moyennes
t extrême-orientales.
J.P. Roux s'attache
plutôt
ici,
sans
pour
autant laisser de côté
la
rigueur
cientifique
t
en
utilisant es facettes
multiples
d'une riche
érudition,
évoquer
ou,
plus
exactement,
faire résonneren nous
toutes es
significations
u'a
pu prendre,
u
fil
du
temps
et
jusqu'à
l'époque contemporaine,
e mot
«
Barbare .
Pour es
médiévistes
e
mot
évoque
avant tout
es
grandes
nvasions
qui
déferlèrentur tout e mondeoccidental
urant e Haut
Moyen
Age.
Epoque noire parmi les époques noires pour les grands historiens
classiques
on
se souvient
de ce
qu'en
dirent
Augustin
Thierry
u
Jules
Michelet.
ourtant,
ean-Pierre
oux ne
réduit
pas
son étude à ce
seul
aspect
son
propos
est,
à
l'évidence,
utre.
Si le
mot
vient
proba-
blementdu
grec,
chaque
époque
et
chaque
civilisation eu
son ou
ses barbares.
Et
c'est avec
une certaine
nostalgie
et une
évidente
sympathie
ue
l'auteur,
au
long
d'un
texte
dense,
soutenu
par
une
iconographie
e
très
grandequalité,
souvent
originale,
ous les
décrit.
Au
lieu
de
nous les faire
voir de
l'extérieur,
l
préfère
nous entraîner
dans
leurs
nfernales
hevauchées
travers
'immensité e ces
steppes
qu'ils
croient
nfinies t
qui
viennent
ourtant
uter
contre es limites
des royaumes u des empiresétablis,objets de répulsion t de fasci-
nation,
u'ils
finissent
ar
traverser n
laissant
derrière
ux la mort t
la
ruine,
u
dans
lesquels
ils
se
fondent
our
y
disparaître
n
devenant,
à leur
tour,
des
«
civilisés .
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131
A
juste
titre,
'auteur,
dans
sa
préface,
tablit
un
parallèle
entre
le barbare
et
le
loup.
Tous
deux
hantent a conscience des hommes.
Venus d'un
ailleurs aussi
inconnu
que
lointain,
ls vivent sur les
marges,
ur
les
«
marches des
lieux civilisés.
Prédateurs,
ls
guettent
le
voyageur
olitaire
ui
a osé
s'éloigner, rêts
à
se
jeter
sur
lui
pour
le
dévorer.
arfois,
uand
la
faim es
presse,
ou le
besoin
d'espace,
ls
fondent n
bandes
innombrables
ur
ceux,
trop
tranquilles, ui
avaient
cru bâtir
pour
'éternité,
ouleversant'ordredu
monde
qu'on
avait
cru
immuable,
néantissant
n
quelques
heures ce
qui
avait demandé des
siècles
pour
s'établir.
Les Barbares.
Le mouvement ontre
'immobilité.
La
précarité
ontre a stabilité. 'insécurité
ermanente,
a
fragilité.
a
mort
urgissant
u
galop
qui pousse
des
cris
effrayants
rticulés
dans
une
langue
inconnue.
Terreurs,
répulsion,
mais
aussi fascination.
N'avons-nous
as
été nous
aussi,
un
jour,
les barbares de
quelqu'un
?
Gaulois,
Francs ne
furent-ils
as
en
leur
temps
es
«
Barbares
?»
On
le
voit,
e livrede Jean-Pierre
oux
s'éloigne
bien des
égards
de l'étude
historique pour
aller
beaucoup plus
loin,
au fond de
nous-même
sans doute.
Ce
qui oppose
radicalement
e
«
Barbare au
«
Civilisé c'est son
instabilité,
e mouvement ncessant
qui
-le
porte
en
avant,
toujours
plus loin. Qu'il se sédentariseet il devient relativement noffensif.
Les civilisations
tablies l'ont
bien
compris qui,
au
fil
de l'histoire
et de la
géographie,
e la Chine à la Gaule en
passant par
Rome ont
préféré
aire e sacrifice
es terres
qui
bordaient eurs frontières
our
tenter e
«
fixer les
barbares.
Les
Barbares sont
nombreux.
Ceux
que
privilégie
'auteur,
parce
qu'il
les connaît
bien,
sont
Turcs ou
Mongols.
ls
poussent
sans
fin
leurs
gigantesques
roupeaux
ans des
plaines
mmenses
ui
s'étendent
à
l'infini.
ls
surgissent
out à
coup
des
profondeurs
e l'inconnu
ue
l'imaginaire
es civilisations
nanties
peuplait
de
monstres
fabuleux
hommes à tête de chiens ou cyclopes.Leur nombre et surtout eur
supériorité
ans l'art
de la
guerre
es rendent
nvincibles. omment e
pas
voir
en
eux l'instrument
u châtiment ivin
«
La
campagne
a
été
ravagée,
e
sol est en deuil...
C'est
qu'il
est
proche
e
jour
de Iahvé...
C'est
un
peuple
nombreux t
fort,
el
qu'il
n'y
en eut
jamais
de
pareil...
Devant
lui
un feu dévore et derrière ui
une
flamme mbrase...
t
il
n'y
a rien
qui
lui
échappe
. Comme e
dit J.-P.
Roux,
e nouvel
arrivant
vient
pour
l'Apocalypse.
e Barbare
un
rédempteur
ont la
pureté
native sera
opposé
à la décadence de
la
civilisation.Certains
intel-
lectuelsn'hésitent
as
à
le
proclamer.
Le
Barbare
«
récupéré
à des
fins
politiques
ou
idéologiques
Les
«
bons
Barbares
:
Germains,
opposés aux «méchantsBarbares : asiatiques. Clovis contre Attila.
Vision tentante mais
par trop
simpliste.
C'est
oublier
l'éloge
v
de
Gengis
Khan
par
Marco
Polo
«
Il
mourut,
e
qui
fut
grand dommage,
car
il
était
prudhomme
t
sage
».
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132
Alors,
u-delà des discours
dont
l
est
l'objet,
qui
tous utilisent
on
altéritémais
qui
sont
incapables
de
la
prendre
n
compte,
omment
parler
du
Barbare
?
Simplement
n
le
regardant
ivre.Ce
que
fait
vec
talentJ.-P.Roux.
Que
le
Barbare ne soit
pas
ce
qu'en
disaient
nos
vieux
manuels
d'Histoire,
n s'en doutait
un
peu. L'ethnologie
t
l'archéologie
'avaient
depuis longtemps
rouvé.
Le
propos
de l'auteur
ne se situe
pas
exacte-
ment à
ce
niveau,
même si de nombreux
hapitres
et
de
superbes
images
s'attachent
mettre
n évidence
a richesse
t la
complexité
e
ces peuples. Il s'agit plutôtpour lui d'aller vers ce qu'on pourrait
appeler
«
l'âme
»
du
Barbare,
n
devenant
our
cela,
plutôt
u'historien,
poète.
Peut-être e
«
Barbare n'est-il
pour
le
«
Civilisé
qu'un
rêve
d'errance
t
d'infini,
n refus
absolu des
limites
qui
hante encore
nos
consciences
modernescomme
elles
hantèrent
elles
de nos
ancêtres.
Le Barbare est celui
donton ne
parle pas,
sauf
pour désigner
uelqu'un
de
«
cruel,
nhumain,
éroce
.
Image
vivantede ce
prédateur
nomade
que
fut
'homme ses
origines
vant de se sédentariser
our
construire
des cités et écrire
eur
histoire,
e
«
Barbare
est
absent,
nachronique.
Caïn
contre
Abel.
Depuis
les
origines
le
«
Barbare
est
maudit et
depuisl'origine a fin st inéluctable.
«
Ils sont
tous
morts,
es
Barbares dit
J.-P.Roux
dans
une
belle
conclusion.
«
La barbarie
les a
quittés.
Elle est
allée se
réfugier
ailleurs chez de
prétendus
ivilisés
qui
en ont
désormais
l'apanage.
Elle
ne
pouvait
pas disparaître,
ppartenant
u
fond de
la nature
humaine . Le
Barbare ne hante
plus
la
conscience
moderne.
Voire.
Pour
les
idéologues
froids
qui
tiennent
e
monde,
es
Barbares
qui
existent
encore
-
qui
existaient
-
sont
tout au
plus
des
«
contre-révolution-
naires . Les
derniers
Barbares
meurent
n ce
moment fauchés
par
les mitrailleuses
ourdes
devant des
fils
de
fer barbelés
marquant
des
« frontières qui ne signifientien pour eux ou bien massacrés en
série
par
les
chars
et les
hélicoptères
e
combat.
«
Mais ils
sont
les
derniers.
ls achèvent
de
vivre ous nos
yeux
comme des
Barbares
qui
n'auraient
plus
de
Barbarie.
ls
sont entrainde
passer.
Ils
viennent
eut-être,
ujourd'hui,
e
passer
».
F.-J. .
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Vientde
paraître
ux P.U.V.
LES
MIRACLES,
MIROIRS
DES CORPS
Cet
ouvrage
présente
es résultatsd'une recherche ollective
ur
le
coïps
vécu dans le
passé.
Le
point
d'observation st
le fait
miraculeux
qui,
à travers es
siècles,
met et remet en scène le
corps
sacré
des
saints
thaumaturges
t le
corps
en crise des hommes et des
femmes
en
péril.
La
recherche été conduite
et
est
présentée
par
Jacques
Gelis
et
OdileRedon,enseignants u département 'Histoirede l'Université
de Paris VIII. Et
l'ouvrage
omporte
ix
monographies
Le
Miracle
de la Jambenoire
étude
conographique
IV-XVI*
s.)
par
Judith-
Danielle
Jacquet
Les Miraclesde Saint Louis
(1271-1282)
ar
Sharah
Chennaf Les Miraclesde
Saint-Martial
Limoges
t
II'-XVII
s.)
par
Anne
Carion;
Les
Miraculés du cimetière
Saint-Médard
Paris
(
1727-1735
par
Eliane Gabert-Boche
Anne
Charlier,
un miracle
eucharistique
dans
le
Faubourg
Saint-Antoine
31
mai
1725)
par
Jean-Claude
ie;
De
l'incorruptibilité
es
corps
saints
par
Michel
Bouvier.
A travers es tempsse confirmeous des formesdiverses 'ambiva-lence du
corps
au
regard
du christianisme,
bjet
de
mépris
comme
corps
de chaircondamné
la
pourriture,
bjet
d'attention
espectueuse
comme
temple
de
Dieu
promis
à la résurrection.
e
regard
de
la
médecine,
mniprésent
n
contrepoint
u
miracle,
'impose
davantage
à
partir
du XVIII*
siècle,
et
le
corps
malade est
disputé
entre les
thérapies
naturelles et
le miracle.
230
pages,
10
reproductions hotographiques.
BON
DE
COMMANDE
A
retourner
Jacques
GELIS ou Odile
REDON,
Département
'Histoire,
Université e Paris VIII, 2, rue de la Liberté,93526 SAINT-DENIS
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10 F
=
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Désire
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LES
MIRACLES,
MIROIRS DES CORPS
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MANUSCRIT
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Trois ssais
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uantitative
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La
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France du nord
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cahiers dans les manuscrits
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