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    QUAND LE CORPS SOUFFRE DU LANGAGEtude compare de l'autisme et de la schizophrnieBernard NominERES | La lettre de l'enfance et de l'adolescence

    2004/4 - no 58

    pages 19 26

    ISSN 1146-061X

    Article disponible en ligne l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2004-4-page-19.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Nomin Bernard, Quand le corps souffre du langage tude compare de l'autisme et de la schizophrnie,

    La lettre de l'enfance et de l'adolescence, 2004/4 no 58, p. 19-26. DOI : 10.3917/lett.058.0019

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    Cest avec prudence que je voudrais introduire ce travail sur lautisme tant je

    suis impressionn par le concert de rcriminations, daccusations mme, dont lapsychanalyse a fait lobjet ces derniers temps dans les mdias. Pourquoi tant das-sertions et tant de haine ? Les psychanalystes ne sont peut-tre pas totalementtrangers ce qui leur revient en pleine figure. Certains ont pu tenir des discoursaccusateurs, maintenant inutilement les parents dans la culpabilit, ce qui ne pou-vait rien avoir de bon. Alors, que lon envisage la faute des psychanalystes ou lafaute des parents ou encore la faute dun discours pseudo-scientifique qui nieraitla ralit inconsciente, il est toujours question de rejeter la faute sur lautre. Cesttellement impensable dimaginer quun tre humain puisse ainsi souffrir du lan-

    gage alors que nous sommes si fiers de cet instrument qui nous lve au-dessus dela condition animale, bref, lautisme est une ralit clinique tellement insuppor-table que lon rejette la faute sur lAutre. Cest la faute de lAutre et jessaierai dedmontrer que cette formule est tout fait logique et acceptable concernant lau-tisme. Mais, auparavant, je ne voudrais pas parler de lautisme sans dire un mot dece que lon oppose de plus en plus rgulirement la psychanalyse, savoir, la sus-picion dune transmission gntique.

    Depuis les annes 1960, on fait grand cas des thories gntiques parce quoncroit avoir isol un modle imparable, lADN, form dune squence structure

    dacides amins, donc, par une suite de petites lettres. On a dcouvert un ARN ditmessagerqui porte cette information vers un centre qui synthtise une protinedaprs le modle reu. Des altrations dans le code reu et transmis se traduisentalors par des altrations dans la protine et donc dans la fonction quelle joue dans

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    Quand le corps souffre du langage

    tude compare de lautisme et de la schizophrnieBernard Nomin

    Bernard Nomin, psychanalyste.

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    tel mtabolisme ou telle neurotransmission par exemple. On aura donc tendance dire devant un tel dficit : cest la faute des petites lettres. On a lide dun textefautif. Mais la ralit des faits est loin dtre aussi simple. On peut trs bien treporteur dun certain caractre sans le dvelopper cliniquement ; cest toute la dif-frence entre le gnotype et le phnotype. Tout nest donc pas un problme de lec-ture, tel quon peut se limaginer si lon rduit laffaire de lADN un squenagede petites lettres et donc un centre de codage. Les scientifiques les plus avancssur la question dnoncent aujourdhui lidalisme de ce modle des annes 1960qui exagrait laspect langagier du systme ; on a, selon eux, abus de la mtaphorelangagire dans la gntique 1. Tout nest pas langage mais on a du mal sy faire,cest pour cela quon a si facilement recours la faute de lAutre et jaimerais faireentendre que la thse gntique, dont je ne prtends pas critiquer les fondements,ny contrevient pas vraiment.

    Dire que lautisme ou la schizophrnie seraient la consquence dune ano-malie chromosomique revient dire, dans cette optique, que quelque part, du ctde la parent, quelque chose est inscrit avec des petites lettres, un message a ttransmis et la suite se fait entendre dans ces troubles massifs que sont lautisme oula schizophrnie. Nous sommes toujours dans la srie des fautes de lAutre et ilsuffit dcouter des parents denfants trisomiques, myopathes ou autres pour vri-fier quils se sentent trs naturellement coupables davoir transmis une cochonne-rie leur progniture. Cette formule : cest la faute de lAutre, dont les querelles surlautisme se font lcho, insiste tellement quil faut la prendre au srieux, dautantque pour nous, psychanalystes lacaniens, lAutre est une entit trs prcise. Cest

    le lieu du code do sont transmis les signifiants qui dsignent le sujet, cest ce quenous appelons le lieu du Symbolique. Cest distinguer dun simple dictionnairecar un dictionnaire ne peut pas, lui seul, faire office dAutre. Il faut encore quece symbolique soit incarn dans un partenaire vivant ou qui a vcu. Ce qui huma-nise cette instance et lui confre cette fonction, outre le fait quil est incarn dansun corps, cest quil na pas rponse tout, il ne rpond pas automatiquement tout, il est capricieux, nigmatique et on peut donc lui supposer un dsir.

    Lesclave du langageCeci tant pos, il parat alors vident que lautisme tmoigne dun trouble

    massif de la relation du sujet lAutre ; ceci nest pas une hypothse, cest un faitclinique. Ou bien lautiste est insensible la prsence de lAutre dont il semble nierlexistence, ou bien il se bouche les oreilles quand on lappelle, semble souffrir exa-grment de tout ce quil entend au point mme de prendre au pied de la lettre desphrases entendues pour en faire des ordres incontournables qui lui intimeraient lepire des destins.

    Cette relation particulire la parole qui se manifeste la fois par une sou-mission complte au langage et un refus dentrer dans le discours, je la rsumeraiainsi : pour lautiste, il ny a pas dAutre. Cela ne veut pas dire quil nest pas dansle langage, il y est mme tout entier pris et lon peut supposer que sa symptoma-

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    1. On lira avec profit le livre de Pierre Sonigo et Isabelle Stengers : Lvolution, EDP sciences, 2003.

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    tologie tmoigne que cest de cela dont il se protge. Lide que je me fais de laposition autistique, cest que cest celle dun sujet qui, pour ne pas disparatreentirement dans linscription symbolique, refuse le principe de lidentificationsignifiante.

    Cest logique puisque linscription signifiante nest supportable qu condi-tion quil y ait de lAutre. Cest dailleurs un thorme de la logique du signifiant,le signifiant ne signifie rien lui-mme, cest dans une articulation avec un autresignifiant que peut surgir une signification. Le sujet ne peut se reprsenter lui-mme mais il est reprsent par un signifiant auprs dun autre signifiant.

    Pour mtre occup pendant douze ans dun sujet autiste, je crois pouvoir direque lautiste refuse den passer par cette rgle de la reprsentation signifiante. Laclinique de tous les jours avec lenfant autiste le dmontre trs clairement ; len-fant refuse de laisser la moindre trace signifiante de son passage, il refuse de des-siner, si par hasard un trait lui chappe sur la feuille blanche il le rature jusqutrouer le papier. Et pourtant jai pu constater, avec le temps, que ce sujet trouvaitparfois dans mon cabinet la possibilit dune certaine inscription signifiante, maispour cela il lui fallait imprativement ma prsence. Jai mis du temps com-prendre que jtais alors ce qui lui permettait dtre reprsent par un signifiantauprs de sa mre. Si cette femme courageuse lamenait chez moi contre vents etmares en le tirant derrire elle comme un objet particulirement encombrant etinsupportable, en revanche, une fois franchies les limites de mon cabinet, lenfantse pacifiait et elle le voyait autrement.

    Linscription signifiante nest donc possible qu la condition quil y ait de

    lAutre, cest--dire non pas tant le lieu du signifiant (ce lieu ne manque jamais)mais un partenaire qui lincarne et qui change des objets avec le sujet. Cest leprincipe de ce que lon considre comme lentre dans le discours de lAutre parle biais de ses demandes.

    Dans la littrature lacanienne, la plupart des auteurs sont daccord pour pen-ser que dans la position autistique le sujet ne se laisse pas reprsenter par un signi-fiant auprs de lAutre. De ce fait il nutilise pas le langage pour chiffrer sajouissance, il nutilise pas les signifiants de la demande de lAutre pour rcuprercette part perdue de lui-mme, et pour reprendre la mtaphore de Freud cest la

    bouche qui se baiserait elle-mme. Ce qui nous fait parler, cest que nous situonsce qui nous manque du ct de lAutre cest pourquoi nous acceptons de lui adres-ser nos demandes. Lautiste ne situe pas son objet chez lAutre, il ny a pas dAutrepour lui, mais en revanche il se considre lui-mme comme son propre objet, cestpourquoi on peut voquer la thmatique du double. Il est lui-mme son propreobjet cest dire aussi quil nest lobjet de personne dautre. Et l je crois que toutle monde sentendra l-dessus : la position autistique est celle dun abandon radi-cal. Cest l quil est intressant de la comparer avec la solution paranoaque quiest celle de se rduire lobjet de jouissance de lAutre.

    Lide que jai et que je vais essayer de dvelopper, cest que la position autis-tique serait caractrise par un refus primordial et radical du sujet face cetteposition de lobjet de lAutre, parce que prcisment il ne sagirait pas dtre lob-jet de cet Autre dsirant et inconscient mais dtre lobjet de cette puissance hypo-thtique inflexible et totalitaire qui exigerait que ltre tout entier soit sacrifi surlautel du signifiant sans reste.

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    On comprend bien que la position particulire de cet objet condensateur dejouissance assure une fonction absolument essentielle, car il attire le sujet esclave, illoriente hors de son corps prisonnier du matre. Dune certaine faon on pourraitdire que cet objet permet au sujet de se maintenir distance de son corps commelieu de la mtaphore de la jouissance du matre. Cette distance est fondamentale.Que se passe-t-il quand le sujet se confond avec son corps ? Cest langoisse.

    Lacan dit dans une confrence intitule La Troisime : Langoisse cest lesentiment qui surgit de ce soupon qui nous vient de nous rduire notre corps. Donc il faut maintenir la distance et ce qui assure cette fonction cest cet objet delesclave qui reste la drive. Cet objet, ce reste, ce rsidu, Lacan lappelle lobjet a.

    Lobjet a maintient le sujet distance de son corps comme lieu de la jouis-sance de lAutre. Il oriente la jouissance vers lextrieur du corps, cest ce quonappelle la pulsion, ou encore la libido. Freud lavait repr, la libido doit tre diri-ge sur un objet extrieur. Lorsque la libido se retire sur le corps propre, cest lacatastrophe : a peut aller du phnomne psychosomatique jusqu la psychose.

    Rsumons-nous ; ce fameux objet la drive qui chappe la servitude impo-se au corps du sujet par le langage permet ce sujet de ne pas se confondre enti-rement avec limage et la fonction de ce corps qui mtaphorise la jouissance delAutre. Cest un objet en marge et pourtant cest le lien le plus solide qui amarrele sujet son corps, qui lui rend supportable ce corps, qui fait que son tre ne luiest pas totalement autre. Il y a l un paradoxe car voil un objet qui spare le sujetde son corps, dune certaine manire, et qui est en mme temps ce qui le lie le plussrement limage de ce corps. Nous avons l une fonction de mise distance, de

    coupure et en mme temps un lien. Ce genre de paradoxe ntonnera pas les lec-teurs de Freud. Ce nest pas autre chose que cette logique qui prvaut dans ce queFreud appelle le bord pulsionnel ou zone rogne et qui est cette jonction partielledu corps du sujet lAutre. La pulsion part dun bord pulsionnel du corps pouraller chercher au-dehors, du ct de lAutre, sa satisfaction.

    Pour qui sait lire la clinique de lautisme il apparat que ce bord pulsionnel nefonctionne pas chez lenfant autiste. Je me souviens de cet enfant qui refusait deboire leau du biberon par lintermdiaire de la ttine. Il enlevait systmatique-ment la ttine et ouvrait largement la bouche pour viter que ses lvres ne rentrent

    en contact avec le bord du biberon. Il faut dire que dans son histoire prcoce ilnavait pas pu tre allait par sa mre qui prsentait une rtraction du mamelon,il avait fallu appareiller la mre dune faon un peu barbare. Lallaitement avait tpour cette mre un chec et avait mme pris pour elle des allures de supplice. Jene crois pas que cet pisode soit la cause de lautisme de lenfant mais je pense quilillustrait dj un srieux dfaut dans laccrochage de ce sujet lAutre. La boucheest un bord pulsionnel dans la mesure o elle souvre lAutre. Or tout me porte croire dans lexemple de ce jeune patient que son vitement absolu du contactavec le bord du biberon traduisait ce refus de laltrit.

    Si lon admet avec moi que le bord pulsionnel figure dans cette formulecomme cette barre oblique que jai inscrite et qui maintient le sujet partiellement distance de ce que son corps reprsente pour lAutre, alors on peut concevoirqu dfaut, rien nempcherait le sujet de rduire tout son tre dans lincarnationde ce corps mtaphore de la jouissance de lAutre ; ainsi le sujet jouirait de lAutredans la position mme o il est objet de la jouissance de cet Autre.

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    Ltre du sujet serait donc totalement esclave de ce matre du savoir absolu,cest--dire compltement otage du signifiant. Cest ce danger mortel que lau-tiste chapperait en se situant tout entier la drive de cette mtaphore du corpscomme Autre. a permettrait dexpliquer les conduites corporelles paradoxalesdes autistes qui semblent ne pas souffrir physiquement comme sils navaient pasde corps. Eh bien, ils nont pas de corps puisque avoir un corps suppose que lonaccepte cette inscription de ltre dans la mtaphore propose par lAutre. Lautistena pas de corps parce quil nest pas branch sur lAutre mme sil est totalementotage du signifiant.

    On pourrait se rfrer ici un roman de Mark Haddon : Le bizarre incidentdu chien pendant la nuit2. Ce romancier de langue anglaise crit en se mettantdans la peau dun jeune homme autiste. Le livre est assez russi, cet auteur a d sedocumenter trs srieusement et il nous livre finalement un document cliniquetout fait plausible. Il nous dcrit les affres dun garon autiste totalement perduquand il est hors de chez lui, tant il est happ par la somme des signifiants quilenregistre malgr lui.

    Je me rappelle que le mercredi 15 juin 1994, jtais dans un champ. Il y avait 19 vachesdans le champ, dont 15 taient noir et blanc et 4 brun et blanc. Il y avait un village au loinavec 31 maisons visibles et une glise clocher carr sans flche. Il y avait un vieux sac enplastique Asda dans la haie et une canette de Coca-Cola crase avec un escargot dessus etun bout de ficelle orange Cest trs fatigant pour moi de me trouver dans un endroitnouveau parce que je ne peux pas mempcher de voir tout a.

    Un des moments les plus ralistes du livre dcrit lerrance du garon qui vient

    de fuguer et se retrouve dans une gare. Il est assailli par tous les signifiants qui seprsentent lui dans un dsordre absolu :

    Grand Ouest, Bire et boissons fraches, Attention nettoyage en cours Dlicieusementcrmeux 1,30 seulement, 0 870 777 7676, Le citronnier, Interdiction de fumer, Ths depremire qualit.

    Le romancier imagine alors le malaise corporel qui sensuit et lattitude derepli que son hros est oblig dadopter pour se mettre labri, se recroquevillant,fermant les yeux, se bouchant les oreilles et sisolant du monde en se plongeantdans la rsolution imaginaire dun problme de mathmatiques. Il sagit dune

    cration romanesque mais la chose est bien construite et les rapports entre lecorps et le langage y sont trs justement dcrits.

    Le corps souffrant du schizophrne

    Il existe dans la clinique psychiatrique classique une autre pathologie quiaffecte les rapports essentiels du corps au langage, cest la schizophrnie. Jai long-temps pens que lautisme tait la forme infantile de la schizophrnie de ladulteparce quau plan de la thorie je ne voyais pas trop la diffrence : les troubles mas-sifs au niveau du langage, les rates de lidentification, la problmatique corpo-relle, il me semblait que tout cela participait dun mme processus dimpossibilitde reprsentation du sujet au lieu de lAutre. Donc la schizophrnie chez lenfant,

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    2. Mark Haddon, Le bizarre incident du chien pendant la nuit, Paris, Nil ditions, 2004.

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    je ne voyais pas trop quoi cela pouvait ressembler en dehors du cadre clinique delautisme. En fait, aujourdhui, je crois pouvoir faire la diffrence, elle est subtilemais elle existe et je dirai quelle repose cliniquement sur le corps douloureux chezlenfant schizophrne et sur lusage de lironie comme faon de sarranger de lim-possible alination lAutre. Il faut dire que lironie nest pas habituelle chez len-fant et donc quand on la repre cest assez frappant.

    Il se trouve que je reois depuisquelques annes un enfant qui narrte pas deme surprendre par ses rparties mais il ma fallu un certain temps pour maperce-voir que ce qui me surprenait, ctait justement son ironie. Cet enfant parle etsadresse moi avec des mots choisis, des mots quun enfant de son ge nutilisegnralement pas encore. Ce jeune schizophrne est aux prises avec le vertige de lamtonymie qui le guette chaque mot mais il sait lutiliser des fins ironiques ettemprer ainsi son rapport au symbolique, il se construit ainsi un Autre quidevient rapidement un autre lui-mme. Cet Autre nest certainement pas exacte-ment lAutre symbolique que nous connaissons, cest plutt un autre imaginairequil incorpore, un autre qui parle lintrieur de lui-mme et qui le pousse par-fois des actes agressifs insenss.

    Un dernier point a emport ma conviction quant au diagnostic de schizo-phrnie cest ce que ce jeune patient vit dans son corps. Depuis un an environ cetenfant se plaint davoir mal aux jambes. Au dbut ctait pisodique, puis cestdevenu assez constant. Il marche de ce fait les jambes raides sans plier les genoux,ce qui rend la marche difficile et embte srieusement ses parents qui laccompa-gnent ; on pourrait dire que, littralement, il trane les pieds. videmment il na

    rien aux jambes, tous les examens sont normaux et quand il le veut il peut semettre courir tout fait normalement. On aurait envie de lui dire darrter soncinma, quil na rien aux jambes mais ce serait peine perdue. On pourrait tretent dinterprter ces phnomnes comme des symptmes en leur donnant dusens, cest ce que les parents ont essay mais en vain. Personnellement je me suisabstenu de ratifier les interprtations de ses parents, pour autant, jai pris le partide ne pas douter de ses douleurs, dautant quelles insistent et quelles me semblenttmoigner dun processus qui volue dans la cure. Jen profite aussi pour soulignerque ce phnomne du corps douloureux contraste avec lanesthsie naturelle que

    lon rencontre chez lenfant autiste.Si lenfant autiste peut sautomutiler cest parce quil ne connat pas la dou-

    leur du corps. Jai essay den rendre compte avec le modle hglien, lenfantautiste qui reste totalement la drive par rapport la mtaphore du corps delAutre na pas de corps. Lenfant schizophrne, par contre, souffre, il a un corpsdouloureux mais il a un corps.

    Jai dans lide que ce corps douloureux tmoigne de la souffrance issue dunprocessus dincorporation du symbolique qui se rpte parce quil choue. Nuldoute que lincorporation du symbolique soit un processus douloureux, cest un

    traumatisme de la naissance dont nous navons aucune espce dide en dehors delexprience de certains comme ceux qui sont sortis aphasiques dun coma et quiont d rapprendre parler. Je me souviens, par exemple, du tmoignage de lunde nos collgues, il sagissait du psychanalyste Serge Zlatine, qui parlait de lab-surde de son corps la drive : Je ntais que tension du corps vers la parole. Lap-

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    prentissage de la parole, quelle aventure chrement paye Parler, cestsouffrir 3.

    Lincorporation du symbolique est toujours refaire pour le schizophrneparce quelle choue. Il nempche quil a un corps mme si cest un corps en mor-ceaux et jimagine que cette douleur traduit un intense travail psychique pourrecoudre les morceaux et ce travail est dautant plus pnible que le schizophrnena pas lusage du phallus pour faire rentrer la jouissance de son corps dans uneforme acceptable par lAutre. Ses douleurs ne peuvent donc pas se constituer ensymptme. Les douleurs restent de purs non-sens malgr les efforts de ses parentspour les interprter. Alors ce garon souffre et ses parents se fchent parce quilsne trouvent pas la solution, ni du ct dune cause organique ni du ct dun senssymbolique. En fait je crois bien que cest lui-mme qui a le secret de ses douleursquand il me lche un jour : a fait mal de parler.

    RSUM : Cet article examine les rapports structuraux entre le langage et le vcu corporel, la lumire de ces deux pathologies extrmes que sont l'autisme et la schizophrnie.

    MOTS CLS : Corps, autisme, schizophrnie, langage.

    26 Lenfant et son corps - la lettre de lenfance et de ladolescence n 58

    3. Serge Zlatine, Praxis de laphasie , dans Transfert et interprtation dans les nvroses et les psychoses, actesde lcole de la cause freudienne, juin 1984.

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